GAMEKA ET LES TROIS SUPER WOMEN (1980)

Pour finir son premier cycle cinématographique, la tortue géante Gamera partage l'affiche avec trois super-héroïnes parfaitement improbable

SUPER MONSTER GAMERA / UCHU KAIJU GAMERA

1980 – JAPON

Réalisé par Noriaki Yuasa

Avec Mach Fumiake, Yaeko Kojima,Yoko Komatsu, Keiko Kudo, Koichi Maeda, Toshie Takada, Hiroji Hayshi, Makoto Ikeda

THEMA REPTILES ET VOLATILES I SUPER-HEROS I EXTRA-TERRESTRES I SAGA GAMERA

Conçue au départ par le studio nippon Daei pour concurrencer le succès de la saga Godzilla, la tortue géante Gamera a connu bien des aventures depuis ses premiers pas en 1964, se laissant volontiers influencer par les tendances et les phénomènes de mode. Du coup, ce huitième épisode surfe sur la vague de Star Wars et Superman  sans malheureusement s’en donner les moyens. Après un générique sous forme d’une chanson naïve à la gloire du gentil Gamera, un immense engin spatial entre dans le champ stellaire, façon La Guerre des étoiles. Il s’agit du vaisseau de Zanon, qui a décidé de dominer la Terre. Mais heureusement, Kilara, Marsha et Mitan, trois jolies Japonaises, vont s’opposer au vil conquérant. Car sous leur identité respective d’employée d’une animalerie, de vendeuse de voiture et d’institutrice, il s’agit de trois authentiques super-héroïnes. La preuve : elles communiquent à distance par l’intermédiaire de leurs boucles d’oreille, puis changent de tenue en une seconde (capes, bottes, collants, bref la panoplie complète) avant de s’envoler gracieusement dans les airs. Leur véhicule est un van (appelé « Mon Toutou » en français) qui se transforme en boule incandescente volante dès que l’une d’entre elles joue trois notes sur le petit clavier électronique du tableau de bord. Toutes les trois se retrouvent alors dans un décor bizarre (des rideaux blanc et un peu de fumée) et se lancent dans un débat houleux : « J’ai ressenti quelque chose de bizarre, pas vous ? » – « Non. » – « Alors reprenons notre forme normale. » – « Pourquoi ? » – « Peu importe ».

A peine a-t-on le temps de se remettre de ce dialogue vertigineux que notre trio entame une chorégraphie façon Claude François pour retrouver son apparence civile. Envoyées de la planète Paix88, nos Superwomen se dissimulent ainsi parmi nous pour mieux nous protéger. Entre-temps, Giruge, une envoyée maléfique de Zanon, débarque sur Terre avec le pouvoir d’électrocuter d’un seul toucher les indésirables qui lui barrent la route. Et nous n’en sommes qu’à huit minutes de métrage. Prometteur, n’est-ce pas ? Hélas, le reste du film n’est qu’un enchevêtrement évasif de stock-shots empruntés aux films précédents. Gamera y affronte ses ennemis passés (Gyaos, Zigra, Viras, Jiger, Guiron, Barugon) au sein d’un best-of monté dans le désordre le plus total.

Un joli festival de n'importe quoi

Entre ces très nombreux extraits, les trois super-héroïnes dialoguent entre elles ou avec Kenichi, un petit garçon facétieux qui, hélas, adore jouer de l’orgue en chantant des odes à Gamera. Lorsqu’il ne chante pas, le bougre fait des rêves prémonitoires qui permettent de prévoir les prochaines attaques de Zanon. Bref, un joli festival de n’importe quoi qui nous offre même une relecture excentrique des origines de Gamera. Il ne s’agit plus d’un monstre antédiluvien réveillé par une explosion nucléaire mais d’une petite tortue de mer que le gamin lâche dans l’océan et qui, aussitôt, se transforme en monstre de 60 mètres de haut ! Conçu pour remettre à flots le studio Daei, Super Monster Gamera le poussa au contraire à la faillite, et il fallut attendre 1995 pour que Gamera renaisse de ses cendres avec panache. Pour la sortie du film en France, les distributeurs prirent quelques libertés avec le nom de la vénérable tortue rebaptisée tour à tour Gameka ou Gamerak (cette dernière orthographe cherchant visiblement à capitaliser sur la popularité alors immense de Goldorak).

 

© Gilles Penso

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THREE GIANT MEN (1973)

Captain America, Spider-Man et Santo se retrouvent dans ce film turc improbable qui ne soucie guère des problèmes de droits d'auteurs et de copyrights !

3 DEV ADAM

1973 – TURQUIE

Réalisé par T. Fikret Uçak

Avec Aytekin Akkaya, Deniz Erkanat, Yavuz Selekman, Teyfik Sen, Dogan Tamer, Mine Sun, Altan Günbay 

THEMA SUPER-HEROS

Le cinéma d’exploitation turc des années 70/80 a ceci de surréaliste qu’il ne se préoccupe guère des notions de copyrights, de droits d’auteur ou de propriété intellectuelle. En territoire ottoman, la cinématographie ne sortait quasiment jamais des frontières, ce qui permettait tous les emprunts sans le moindre souci juridique. D’où un nombre impensable de Superman, Batman, Captain Marvel, Mandrake, Fantomas ou Fantôme du Bengale venus de Turquie. Entendons-nous bien : il ne s’agissait pas de s’inspirer des super-héros préexistants mais bien de les réutiliser tels quels, en reproduisant leurs costumes et leurs pouvoirs avec les moyens du bord. Dans le genre, 3 Dev Adam (littéralement « Trois Hommes Géants », d’où le titre américain Three Giant Men) atteint des sommets, puisque ses deux héros sont Captain America et le catcheur mexicain Santo, affrontant rien moins que Spider-Man passé ici du côté des méchants ! Le concept même du film dépasse l’entendement. Mais pour ressentir l’ampleur des dégâts, il faut oser voir le long-métrage lui-même.

Le pré-générique donne le ton. Sur une plage, des vilains moustachus accompagnés d’une jeune femme au regard cruel et par Spider-Man (un homme boudiné dans un collant rouge avec des gants et des bottes noirs, une araignée dessinée sur le torse et une cagoule écarlate ornée de longs sourcils touffus) enterrent une femme dans le sable jusqu’à la tête puis lui déchiquètent le visage avec l’hélice d’un bateau ! L’effet est suggéré (nous ne sommes pas chez Lucio Fulci) mais ça commence tout de même très fort. Après un générique interminable où s’animent des photos sur une musique « empruntée » à John Barry (il s’agit d’un extrait de la B.O. des Diamants sont éternels, pourquoi se priver ?), les scènes de poursuites, de filature et de bagarres s’enchaînent mollement.

Les tortures raffinées du vil Spider-Man

Puis Captain America surgit, dans une panoplie très fidèle à celle de son modèle dessiné, si ce n’est que son fameux bouclier manque à l’appel. Notre justicier bleu blanc rouge – qui est ici insensible aux balles – assomme à tour de bras les méchants à moustache et libère une demoiselle en détresse avant de prendre en chasse le vil Spider-Man. Santo entre alors en scène. Le masque brillant, la cape ample et le poitrail massif, comme son jumeau latino-américain, il s’échauffe avec trois karatékas puis entre dans la bagarre générale. Spider-Man, lui, continue à pratiquer les tortures raffinées (visage dévoré par un rat, couple en plein ébat transpercé sous une douche) et semble bizarrement capable de se dédoubler à loisir. De la violence graphique, un soupçon d’érotisme, des combats interminables entre gentils et méchants (où les acteurs/cascadeurs ne ménagent pas leurs efforts physiques), telle est donc la recette de cet hallucinant Three Giant Men ne reculant devant aucun détail grotesque (un homme qui se douche en slip) ou incompréhensible (des mannequins en bois qui ricanent devant un couple faisant l’amour) tout en pillant allégrement toutes les bandes originales de film qui lui passent sous la main au fil d’un montage totalement anarchique. Bref, un film tellement improbable qu’il en devient automatiquement culte.

© Gilles Penso

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FRÉQUENCE INTERDITE (2000)

Un paradoxe temporel surprenant permet à un père et son fils de communiquer même si l'au-delà les sépare

FREQUENCY

2000 – USA

Réalisé par Gregory Hoblit

Avec Dennis Quaid, Jim Caviezel, Shawn Doyle, Elizabeth Mitchell, Andre Braugher, Noah Emmerich, Melissa Errico 

THEMA VOYAGES DANS LE TEMPS

La trilogie Retour vers le Futur donnait clairement la sensation d’avoir exploré toutes les situations possibles liées aux paradoxes temporels mêlant parents et enfants. Le réalisateur Gregory Hoblit et son producteur/scénariste Toby Emmerich prouvent que non, en signant ce magistral Fréquence Interdite très injustement ignoré au moment de sa sortie, malgré la présence en tête d’affiche du toujours pétillant Dennis Quaid. Vétéran de la série télévisée policière (Hill Street BluesNew York Police Blues), Hoblit parfait ici son passage au grand écran, après les deux solides thrillers que furent Peur primale et Le Témoin du mal« Le travail sur une série télévisée et sur un long-métrage est sensiblement identique », nous explique-t-il. « Mais je crois être plus à l’aise au cinéma, car chaque film me permet d’explorer de nouveaux personnages, de nouveaux univers et de nouvelles thématiques » (1). 

L’argument de départ de Fréquence Interdite veut qu’en 1999, une aurore boréale permette au jeune policier John Sullivan (Jim Caviezel, futur Jésus dans La Passion du Christ de Mel Gibson) de discuter avec son père pompier (Dennis Quaid), mort dans un incendie, à l’aide d’une vieille radio des années 60. Contrairement à l’épisode « Night Call » de La Quatrième Dimension, qui utilisait un postulat assez proche en permettant à une femme de parler au téléphone avec son fiancé décédé grâce à une ligne téléphonique tombée sur un cimetière, le père de Fréquence Interdite ne communique pas avec son fils par le biais d’une voix fantomatique. Nous le voyons physiquement, en 1969, quelques jours avant l’incendie fatal. Le scénario s’attache ainsi à nous décrire en parallèle la vie de John dans les années 90 et celle de Frank dans les années 60, le premier s’efforçant de sauver la vie du second en lui donnant les indices qu’il récolte dans les journaux de l’époque. Petit problème : s’il sauve son père, l’équilibre des événements sera bouleversé, ce qui risque d’allonger dangereusement la liste des victimes d’un tueur en série.

La théorie du chaos

Le récit s’amuse à multiplier les paradoxes temporels, à illustrer avec beaucoup de minutie d’intéressantes variantes autour de la théorie du chaos et à entremêler les époques, en montrant par exemple un John âgé de huit ans qui communique avec lui-même, plus vieux de trente ans, via la fameuse radio. D’autres idées étonnantes ponctuent le film, comme lorsque Frank grave un message sur la table en bois ou camoufle un portefeuille derrière une pierre pour que son fils puisse les trouver dans le futur tout en communiquant avec lui en temps réel. Mais le summum est probablement atteint au cours de ce climax incroyable où le même tueur attaque à la fois le père en 1969 et le fils en 1999. De quoi donner le vertige ! Et puis, au-delà de son caractère purement fantastique, Fréquence Interdite s’attache aussi à raconter de manière très émouvante les retrouvailles d’un père et de son fils après trente ans de séparation. Et c’est probablement cette approche émotionnelle, magistralement imbriquée dans la structure d’un thriller de science-fiction, qui donne au film tant de saveur.

 

(1) Propos recueillis par votre serviteur

© Gilles Penso 

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PERCY JACKSON : LA MER DES MONSTRES (2013)

La quête de la Toison d'or et l'odyssée d'Ulysse se mélangent dans cette deuxième aventure cinématographique du fils de Poséidon

PERCY JACKSON : SEA OF MONSTERS

2013 – USA

Réalisé par Thor Freudenthal

Avec Logan Lerman, Alexandra Daddario, Douglas Smith, Leven Rambin, Brandon Jackson, Jake Abel, Stanley Tucci  

THEMA MYTHOLOGIE

Percy Jackson le voleur de foudre n’explosa guère les chiffres du box-office américain, mais ses recettes mondiales furent jugées suffisamment satisfaisantes pour la mise en chantier un peu tardive d’une séquelle. Pour la concocter, il suffisait de puiser dans le second volume des aventures du demi-dieu écrites par Rick Riordan. Voici donc le jeune fils de Poséidon lancé dans une nouvelle quête mouvementée, l’inspiration principale du récit mixant ici l’odyssée d’Ulysse et la quête de la Toison d’Or. Plus encore que dans le film précédent, le parallèle avec l’univers d’Harry Potter s’impose avec des similitudes souvent troublantes. Nous retrouvons comme chez J.K. Rowling un établissement scolaire hors du commun menacé d’un danger que seuls les étudiants peuvent éradiquer, des professeurs excentriques, des « sangs-mêlés », des mortels qui s’avèrent incapables de voir la magie (les personnages mythologiques cohabitent avec les humains sans que ces derniers ne s’en aperçoivent), l’un des élèves hissé malgré lui au rang d’élu (Percy, évidemment) ou encore la menace de la résurrection d’un être maléfique jusqu’alors perdu dans les limbes d’un sommeil éternel (le dieu Cronos marchant sur les traces de Voldemort). Même le trio vedette (Percy, son demi-frère Tyson et son amie Clarisse) reproduit fidèlement la bande constituée par Harry, Ron et Hermione. Un inévitable sentiment de déjà vu nimbe donc le film.

On peut également regretter que la mythologie gréco-romaine, une fois de plus, ne soit ici qu’un gadget superficiel, l’incroyable richesse du patrimoine antique étant laissée de côté pour n’effleurer que des préoccupations adolescentes somme toute très anecdotiques. Craignant de ne pas attirer suffisamment le public adolescent américain, le scénario multiplie lourdement les références à la culture locale, comme le montrent par exemple le clin d’œil appuyé à UPS, la présence d’un taxi new-yorkais pour transporter les Grées, la découverte des restes de Cronos à Cleveland ou la transformation de l’île de Polyphème en Disneyland à l’abandon (avec en prime la chanson « It’s a Small World » fredonnée par nos héros).

Un bestiaire généreux

Que reste-t-il donc à sauver de Percy Jackson : la Mer des Monstres ? Principalement un bestiaire fabuleux qui s’ébat généreusement à l’écran : le centaure Chiron (incarné par Anthony Head remplaçant au sabot levé Pierce Brosnan), quelques satyres sautillants, un impressionnant taureau mécanique, le sinistre Oracle décharné, un majestueux cheval de mer, le redoutable cyclope Polyphème, une sorte de hyène à queue de scorpion particulièrement hargneuse, le vertigineux monstre aquatique Charybde ou le dieu vorace Cronos. Autre atout indéniable : la partition symphonique d’Andrew Lockington (orchestrée par le talentueux Nicholas Dodd, d’où certaines réminiscences de ses travaux James Bondiens à l’époque de sa collaboration avec David Arnold) qui dote l’odyssée de Percy et ses amis d’une belle dimension épique. Cette jolie cosmétique n’efface certes pas les scories du film, mais permet d’apprécier le film distraitement sans trop de désagrément. C’est toujours ça de pris.

 

© Gilles Penso

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SUPER INFRAMAN (1975)

Amateurs de super-héros sautillants en combinaisons multicolores et de monstres en caoutchouc aux morphologies improbables, ce film est fait pour vous !

JUNG-GWOK CHIU-YAN

1975 – HONG-KONG

Réalisé par Shan Hua

Avec Danny Lee, Terry Liu, Wang Hsieh, Yuan Man-Tzu, Lin Wen-wei, Shu-Yi Tsen, Chien-Lung Huang, Lu Sheng 

THEMA SUPER-HEROS I EXTRA-TERRESTRES

Au commencement était Ultraman (1966-1967), série japonaise annonçant avec une décennie d’avance les super-héros nippons de la petite lucarne s’agitant dans Spectreman, San Ku Kaï, X-Or, Bio-Man et consorts. Produite par EIji Tusburaya (créateur des effets spéciaux des premiers Godzilla), Ultraman connut un succès retentissant à Hong Kong, et poussa les Shaw Brothers à s’en inspirer pour créer le premier super-héros chinois de l’histoire du cinéma, le bien nommé Super Inframan. Dans un premier temps, cet ambitieux long-métrage bénéficie de l’effet de surprise. Qu’on en juge : au démarrage, le film nous montre pêle-mêle une sorte de ptérodactyle de taille humaine qui provoque un séisme, un gigantesque incendie en pleine ville, une cohorte de scientifiques high-tech analysant très sérieusement l’ampleur des dégâts depuis leur base (« cette situation est si grave que c’est la pire que nous ayons jamais connue », constate-t-on sinistrement en haut lieu), des statues géantes de dragons surgissant des montagnes, une méchante extra-terrestre habillée à la mode Barbarella (la princesse Dragon Mom, alias Terry Liu) et menaçant le monde, et une armada de monstres en latex se disputant la palme du ridicule.

Le spectateur n’est pas au bout de ses peines, car il lui reste alors à découvrir les origines de Super Inframan, un super-héros engoncé dans une combinaison en skaï rouge, au casque en forme de tête d’insecte, créé par un savant inventif, le professeur Chang (Wang Hsieh), à partir d’un courageux policier volontaire, l’inspecteur Rayma (Li Hsiu-Hsien). Et le combat de faire rage, à grand renfort de voltiges diverses obtenues à l’aide de trampolines, de câbles et de prises de vues passées en marche arrière. Ici, tout le monde pratique le kung-fu : super-héros, super-vilains, monstres en caoutchouc, bref c’est un véritable festival d’arts martiaux surréalistes.

Cathartique et régressif

Entre deux bagarres, le scénario nous offre de délicieux clichés de serial : le meilleur ami du héros (Chu Ming) qui se fait hypnotiser et devient traitre malgré lui, la jolie fille du professeur (Yuan Man-Tsu) qui s’éprend du beau justicier en skaï… Dans une scène inspirée par Godzilla 1980, et reprise plus tard dans la série Spectreman, l’un des monstres et le super-héros atteignent tous deux une taille gigantesque et s’affrontent dans un paysage miniature. Parmi les scènes mémorables du film, notons l’attaque de la base scientifique par un monstre à tentacules et le combat d’Inframan contre deux robots à tête extensible. Passé l’effet de surprise, cette succession de batailles joyeusement chorégraphiées, d’explosions en rafale, de rayons rotoscopiques maladroits et de zooms intempestifs s’avère assommante, et le dénouement arrive presque comme une libération. Mais reconnaissons tout de même à Super Inframan  d’indéniables vertus cathartiques et régressives. Quand on songe que la même année, le cinéma américain nous offrait Les Dents de la mer, Vol au-dessus d’un nid de coucou ou Un Après-midi de chien, on mesure le vertigineux écart culturel qui sépare parfois certaines cinématographies…

© Gilles Penso

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UN DRÔLE DE FLIC (1980)

Terence Hill joue un policier soudain doté des mêmes pouvoirs que Superman dans cette parodie pataude mais attachante

POLIZOTTO SUPERPIÙ / SUPER FUZZ / SUPER SNOOPER

1980 – ITALIE

Réalisé par Sergio Corbucci

Avec Terence Hill, Ernest Borgnine, Sal Borgese, Charles Buie, Joanne Dru, Bobby Gale, Herb Goldstein 

THEMA SUPER-HEROS

Spécialiste italien du cinéma bis musclé, Sergio Corbucci a signé deux westerns spaghetti majeurs (Django et Le Grand silence) avant de diriger le duo Bud Spencer et Terence Hill dans Pair et impair et Salut l’ami adieu le trésor. En 1980, il se plia à la mode des super-héros lancée par le Superman de Richard Donner. Le voilà donc embarqué dans un improbable Poliziotti Superpiù (traduit en anglais par Super Fuzz au cinéma puis Super Snooper en vidéo) qui donne la vedette à Terence Hill, cette fois-ci privé de son habituel comparse barbu et ventripotent. Et comme toujours, le film cache ses origines italiennes sous des allures très américaines.

Dans le rôle du policier Dave Speed (un patronyme qui annonce déjà la couleur), Hill pousse le zèle jusqu’à partir réclamer au fin fond des marécages de l’Amérique profonde l’argent d’un contribuable n’ayant pas payé une contravention. Or personne n’a songé à le prévenir qu’un essai de bombe au plutonium rouge serait pratiqué sur les lieux le jour même. La bombe explose et irradie notre fier représentant de l’ordre qui, dès lors, se trouve doué de pouvoirs extraordinaires. Son partenaire le sergent Dunlop, auquel Ernest Brognine prête sa trogne impayable, voit tout ça d’un mauvais œil, son esprit cartésien s’accommodant mal aux nouvelles capacités de Speed. A l’instar de Superman, le « drôle de flic » possède un point faible. Sa kryptonite à lui, c’est la couleur rouge. Dès que cette couleur entre dans son champ de vision, ses super-pouvoirs disparaissent. Lorsqu’ils s’en rendent compte, le sinistre Tony Torpedo (Marc Lawrence), chef d’une bande de fabricants de faux billets, et Rosy la Bouche (Joanne Dru), sa complice qui eut jadis son heure de gloire à Hollywood, décident de retourner contre lui cette faiblesse…

L'ancêtre du buddy movie ?

La totale méconnaissance du genre ici traité contribuerait presque à rendre Un drôle de flic touchant, tant Corbucci et son co-scénariste Sabatino Ciuffini semblent patauger dans le brouillard, abordant le thème des super-pouvoirs dans l’anarchie la plus totale malgré une manifeste envie de bien faire. Ainsi Dave Speed cumule-t-il des capacités proches de celles de Superman (super-vitesse, capacité de voler, insensibilité aux balles, vision à travers les parois opaques, indestructibilité) avec des dons paranormaux (télékinésie, prévision du futur) et d’autres totalement fantaisistes (possibilité de faire disparaître les gens ou de les immobiliser, compréhension du langage des poissons, capacité de marcher sur l’eau comme Jésus !). Tout ce qui peut contribuer à la mise en place de gags aux gros sabots est ici mis à contribution. Bien sûr, Terence Hill ne se départit jamais de son sympathique charisme, et Borgnine excelle dans le registre de la bougonnerie, ce qui, mine de rien, place Un drôle de flic en précurseur du buddy movie policier qui n’acquerra ses lettres de noblesses que quelques années plus tard avec 48 heures et L’Arme fatale. Les amateurs de disco apprécient joyeusement la bande son du film, saturée de musique électro-funk déclinant jusqu’à plus soif le tube « Supersnooper » interprété par le groupe The Oceans. Quant aux francophones, ils peuvent se délecter d’une VF savoureuse dominée par les voix de Dominique Paturel et Jean Violette. Ajoutez à ça quelques idées gentiment délirantes (l’envol de la bulle de chewing-gum géante) et vous obtenez une comédie certes pataude mais finalement assez fréquentable.

 

© Gilles Penso 

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VOLTE/FACE (1997)

John Woo réalise le film d'action ultime en recyclant le postulat des Yeux sans visage pour offrir à John Travolta et Nicolas Cage deux de leurs meilleurs rôles

FACE OFF

1997 – USA

Réalisé par John Woo

Avec John Travolta, Nicolas Cage, Joan Allen, Gina Gershon, Nick Cassavetes, Alessandro Nivola, Dominique Swain, Colm Feore

THEMA MÉDECINE EN FOLIE

Le passage de John Woo sous le giron hollywoodien n’avait été jusqu’alors pas des plus concluants, Chasse à l’homme et Broken Arrow n’étant que d’anonymes œuvrettes d’action sans personnalité. Mais avec Volte/Face, l’auteur de The Killer place la barre très haut, réalisant probablement l’un de ses meilleurs films, toutes nationalités confondues. Le scénario y mêle action, polar et science-fiction en s’inspirant en partie des  Yeux sans visage  de Georges Franju. Mais contrairement aux intentions initiales du studio, qui envisageait Volte/Face comme un film d’anticipation, Woo décide de situer le film dans un contexte contemporain afin de renforcer l’identification du public à ses protagonistes.

Directeur d’une unité anti-terroriste, Sean Archer (John Travolta) recherche sans relâche Castor Troy (Nicolas Cage), un criminel responsable de la mort de son fils six ans plus tôt. Il parvient à l’arrêter mais apprend que Troy a caché une bombe au Palais des Congrès de Los Angeles. Seul le frère de Troy peut la désamorcer et, pour l’approcher, Archer se fait greffer la figure de Troy grâce à une technologie chirurgicale révolutionnaire. Entre-temps, Troy sort de son coma et, sous la menace, oblige le chirurgien responsable de l’opération à le doter du visage d’Archer. Le vaudeville musclé peut alors commencer… A l’apogée de son art, Woo, profite de ce récit vertigineux pour enchaîner des séquences d’action proprement ahurissantes, de la prise en chasse de l’avion en pleine aérogare (tournée en live sans recours aux fond verts initialement prévus) jusqu’à la poursuite finale en hors-bord, surclassant allègrement celles de Vivre et laisser mourir et Indiana Jones et la dernière croisade (et imaginée à l’origine pour le climax de Chasse à l’homme), en passant par l’étourdissante fusillade du repaire des méchants.

L'innocence perdue, la trahison et le sacrifice

Mais si Volte/Face n’était qu’un catalogue de scènes mouvementées, aussi maîtrisées soient-elles, et s’il se contentait d’être le véhicule du génie pyrotechnique de son auteur, il n’aurait pas autant marqué les mémoires. Or le film vaut surtout pour la direction de ses comédiens, domaine dans lequel John Woo a trop souvent été sous-estimé. Car le scénario audacieux de Volte/Face permet une performance d’acteurs étonnante. Ce n’est pas tous les jours qu’on a l’occasion de voir deux interprètes aussi dissemblables que John Travolta et Nicolas Cage donner chacun à tour de rôle leur propre version de deux mêmes personnages. Il est d’ailleurs intéressant de savoir que Sylvester Stallone et Arnold Schwarzenegger furent un temps envisagés pour tenir les deux rôles principaux. Et si Volte/Face se hisse au rang de chef d’œuvre du genre, c’est que Woo a pu y développer en toute liberté la plupart des thématiques qui lui sont chères : l’innocence perdue, la trahison, le sacrifice, la quête de justice et de paix intérieure… D’où ce happy end que d’aucuns jugèrent dégoulinant de bons sentiments, mais qui n’est en réalité que l’issue logique du parcours initiatique éprouvant de son héros. Volte/Face aura également permis au public de découvrir l’immense talent du compositeur John Powell, alors encore sous l’influence du travail de Hans Zimmer.

 

© Gilles Penso 

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DOCTEUR MORDRID (1992)

Charles Band adapte de manière officieuse l'univers du Docteur Strange de Marvel en donnant le premier rôle à l'inoubliable Herbert West de Re-Animator

DOCTOR MORDRID

1992 – USA

Réalisé par Charles et Albert Band

Avec Jeffrey Combs, Yvette Nipar, Jay Acovone, Keith Colouris, Ritch Brinkley, Brian Thompson, Pearl Shear 

THEMA SUPER-HEROS I SORCELLERIE ET MAGIE I SAGA CHARLES BAND

Grand amateurs des bandes-dessinées en général et du Marvel Comics Group en particulier, Charles Band parvient au milieu des années 80 à se rapprocher du légendaire dessinateur Jack Kirby (« Captain America », « Les Quatre Fantastiques », « L’Incroyable Hulk », « Les X-Men ») et à développer avec lui plusieurs projets de films. L’un d’entre eux se nomme « Doctor Mortalis » et s’inspire très largement du personnage de Docteur Strange. Mais la compagnie de Band, Empire Pictures, connaît alors des difficultés financières qui poussent son investisseur Vestron à prendre des décisions sans appel. L’une d’elles est d’abandonner « Doctor Mortalis », jugé trop coûteux et pas du tout dans l’air du temps. À l’époque, la valeur marchande de films mettant en scène des super-héros et des personnages de comic books est en effet loin d’être acquise. Band ne peut pas lutter, mais il revient à la charge quelques années plus tard, via sa compagnie Full Moon, et décide de relancer « Doctor Mortalis » en changeant le nom du personnage pour éviter tout problème de copyright. Voilà comment est né Docteur MordridDrapé d’une cape bleue aux revers rouges, porteur d’une amulette aux pouvoirs magiques, capable d’extraire son corps astral de son enveloppe corporelle pour voguer dans d’autres dimensions, Mordrid est incarné par Jeffrey Combs, aux antipodes du docteur Herbert West qui le fit connaître du public dans Re-Animator. Gardien d’une ouverture menant à un autre monde, il a réussi à battre et emprisonner Kobal (Brian Thompson), la source du mal ultime, il y a un siècle de ça. Hélas, Kobal s’est échappé et désire pénétrer dans notre dimension afin d’y lâcher des hordes de démons grâce auxquels il pourra dominer le monde…

Certes, l’intrigue n’échappe pas à une certaine linéarité, mais le film demeure résolument distrayant. Lorsque Mordrid, en garde à vue dans un commissariat, essaie vainement de convaincre les policiers de la nature surnaturelle des forces qui s’apprêtent à se mesurer et dont l’issue du combat n’est autre que le salut de la race humaine, on ne peut s’empêcher de penser à Terminator, où Michael Biehn se retrouvait dans une situation semblable. Mais la séquence la plus mémorable du film, chose coutumière chez Band, est due à l’expert de l’animation et des effets visuels David Allen. Elle se situe au moment du climax, dans un Muséum d’Histoire Naturelle, et montre l’affrontement entre deux squelettes monstrueux, celui d’un tyrannosaure et d’un mastodonte, ramenés à la vie par Mordrid et Kobal. Au passage, le T-Rex décharné dévore un policier qui lui tire inutilement dessus, réminiscence d’une séquence du Monstre des temps perdus.  « L’animation de Docteur Mordrid aurait pu être beaucoup plus réussie », nous confiait David Allen quelques années après la sortie du film. « Le problème est que les figurines des squelettes étaient très petites. Il était pratiquement impossible d’effectuer les mouvements quasi-microscopiques qui s’imposaient, en particulier lorsque les deux monstres commencent à peine à remuer au début de la séquence. » (1) C’est pourtant le meilleur passage du film.

Dans les limbes de l'oubli

Pour égayer et dynamiser l’aventure, Charles Band confie à son frère la composition d’une bande originale épique. Ce dernier s’accommode comme il peut d’un budget ne lui permettant d’utiliser que des sons synthétiques. Rompu à l’exercice de l’hommage cinéphilique (la célèbre musique qu’il écrivit pour Re-Animator était un hommage appuyé à celle de Bernard Herrmann pour Psychose), Band cligne ici de l’œil vers Danny Elfman, et se réfère notamment à la bande originale de Dick Tracy dont il reprend des mesures entières. On le voit, malgré ses maladresses, Docteur Mordrid n’est pas dénué de charmes et d’attraits, et Charles Band espérait même en faire le premier épisode d’une série. Mais le film passa inaperçu lors de sa sortie directe en vidéo en 1992 et sombra peu après dans les limbes de l’oubli. Sans doute ne correspondait-il pas aux canons des productions habituelles de Band, dont la compagnie Full Moon ne reculait généralement devant aucun excès gore ou horrifique. Plus axé vers le grand public – malgré un peu de nudité lorsque Kobal sacrifie une jeune femme en tenue d’Eve – Docteur Mordrid eut du mal à se positionner. Jeffrey Combs rangea donc sa cape et Marvel n’eut pas à rougir de ce quasi-plagiat des exploits de son Maître des Arts Mystiques.

 

(1) Propos recueillis par votre seviteur en avril 1998

(2) Propos recueillis par votre serviteur en mai 1999

 

© Gilles Penso

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STRANGE DAYS (1995)

Un futur proche désenchanté et cynique, imaginé par James Cameron, mis en scène par Kathryn Bigelow et incarné par un casting de premier ordre

STRANGE DAYS

1995 – USA

Réalisé par Kathryn Bigelow

Avec Ralph Fiennes, Angela Bassett, Juliette Lewis, Tom Sizemore, Vincent D’Onofrio, Michael Wincott 

THEMA FUTUR

Un scénario passionnant de James Cameron, une réalisation impeccable de Kathryn Bigelow, un casting sur-mesure dominé par Ralph Fiennes et Angela Bassett… Strange Days fait partie de ces films en état de grâce, ces œuvres d’exception où l’alchimie entre chaque membre clef de l’équipe technique et artistique s’avère parfaite. Situé à l’aube de l’an 2000 (donc dans un futur proche puisque le film date de 1995) et ponctué d’éléments narratifs qui évoquent le Brainstorm de Douglas Trumbull, Strange Days donne la vedette à Ralph Fiennes dans le rôle de Lenny Nero. Ancien membre de la police criminelle de Los Angeles, Nero gagne désormais sa vie en vendant sous le manteau des clips illégaux enregistrés avec un appareil high-tech permettant de figer des émotions fortes. Un client en mal d’adrénaline peut revivre les sueurs froides que procure une course-poursuite échevelée, un infortuné cul-de-jatte a la possibilité d’éprouver les sensations d’un sportif courant sur la plage, tous les souvenirs par procuration sont possibles grâce au « squid », un casque spécial relié directement au nerf optique. Désabusé, cynique et peu confiant vis-à-vis du nouveau millénaire qui s’annonce, Nero est encore amoureux de la chanteuse Faith Justin (Juliette Lewis), son ancienne petite amie désormais acoquinée avec le sinistre imprésario Philo Grant (Michael Wincott). Du coup, il ignore tout des sentiments qu’éprouve à son égard la féline Mace Mason (Angela Bassett). Tous les ingrédients de ce cocktail explosif s’apprêtent à se mêler le soir du gigantesque réveillon qui se prépare en plein Los Angeles…

Appréciable sur plusieurs niveaux de lecture, le script co-rédigé par James Cameron et Jay Cocks s’appuie sur l’une des thématiques les plus récurrentes et les plus complexes du père de Terminator : l’amour/haine de la machine, appréhendée à la fois comme un extraordinaire vecteur de progrès et d’évolution, mais aussi comme un danger permanent brisant les libertés individuelles. Ici, la technologie n’est pas symbolisée par un cyborg destructeur mais prend la forme d’une drogue irrésistible, seul substitut possible aux émotions en voie de disparition dans un monde de plus en plus déshumanisé. Prophétique par bien des aspects, Strange Days annonce les phénomènes Youtube, Dailymotion ou Facebook avec une décennie d’avance, et se redécouvre aujourd’hui avec le même ébahissement rétroactif qu’un Blade Runner ou un Minority Report.

« La mère de toutes les fêtes »

Au service de la cohérence visuelle de son long-métrage, Kathryn Bigelow s’octroie les services de la compagnie d’effets visuels Digital Domain (nécessaire pour donner suffisamment d’ampleur au réveillon 1999-2000 conçu comme « la mère de toutes les fêtes ») et de l’as du steadicam Jim Muro, à qui nous devions déjà les mémorables poursuites en plan-séquence de Point Break. Avec un budget de 42 millions de dollars et des recettes d’à peine dix millions, Strange Days fut un flop spectaculaire au box-office, et sombra dès lors dans un semi-oubli totalement injustifié. Il serait grand temps de restituer à cette fable pré-apocalyptique le statut de classique qu’elle mérite !

© Gilles Penso

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THE RETURN OF CAPTAIN INVINCIBLE (1983)

Une parodie de super-héros doublée d'une comédie musicale avec Christopher Lee dans le rôle du super-vilain

THE RETURN OF CAPTAIN INVINCIBLE

1983 – AUSTRALIE

Réalisé par Philip Mora

Avec Alan Arkin, Christopher Lee, Kate Fitzpatrick, Bill Hunter, Michael Pate, David Argue, John Bluthal, Chelsea Brown 

THEMA SUPER-HEROS

Sombré dans l’oubli le plus complet, The Return of Captain Invincible est pourtant une parodie audacieuse de l’univers des super-héros, portée à bout de bras par le cinéaste australien Philippe Mora. Le film s’amorce sous forme d’un pastiche désopilant de vieux films d’actualité. Dans les années 30, l’héroïque Captain Invincible Alan Arkin) lutte contre les gangsters en pleine ambiance de Prohibition. Pendant la deuxième guerre mondiale, nous le retrouvons aux prises avec les nazis. Dans les années 50, il n’a toujours pas pris une ride et devient désormais l’idole des boy scouts. Mais l’atmosphère change peu à peu et le voilà accusé de communisme. Sur le banc des accusés, il est en proie aux pires accusations. On trouve la couleur rouge de sa cape suspecte, tout comme son titre de capitaine, alors qu’il n’a pas servi sous le drapeau. On lui reproche aussi de porter des sous-vêtements en public ! Il se retire alors au fin fond de l’Australie et sombre dans l’alcool. Pendant ce temps, le sinistre Mister Midnight règne sur la pègre. Et c’est l’immense Christopher Lee, toujours fringuant et séduisant même après avoir passé le cap de la soixantaine, qui incarne ce sinistre vilain. Midnight menace le monde avec un redoutable rayon hypnotique qui rend les gens hilares. Captain Invincible va donc devoir reprendre du service, ce qui ne semble pas gagné d’avance…

Non content de reprendre sous un jour comique les codes du film de super-héros, The Return of Captain Invincible est une comédie musicale, ponctuée de dix chansons aux styles variés (gospel, country, soul, pop), ce qui ravit Christopher Lee au plus au point. Ténor à la voix profonde, le Dracula de la Hammer a rarement eu l’occasion de démontrer ses talents vocaux au cinéma. A ce titre, le film de Philip Mora représente pour lui une aubaine, les auteurs Hartley et O’Brien (qui écrivirent les chansons du « Rocky Horror Show ») composant spécialement à son attention un numéro musical grandiloquent. Secondé par un nain déguisé en petit chaperon rouge, une espèce d’homme-chèvre aux oreilles pointues, des animaux qui s’entre-dévorent et un bataillon de filles sexy, Midnight est un vilain pour le moins atypique.

Un Superman d'opérette

Mais Captain Invincible lui-même n’a rien du héros traditionnel. Ses origines, racontées en flash-back, valent leur pesant d’or : ses parents ont en effet été irradiés par le rayon magnétique d’une soucoupe volante pendant qu’ils le concevaient ! Vêtu comme un Superman d’opérette, avec un collant brillant et une cape retenue par des épaulettes en forme de serres de rapaces, il doit réapprendre à voler en se suspendant devant un écran de projection. Ce gag étrange procède de la mise en abyme pure, puisque le procédé technique utilisé pour faire voler le super-héros dans le film (la rétro-projection, donc), est mis en scène comme ressort comique. D’autres morceaux de bravoure improbables ponctuent The Return of Captain Invincible, comme une attaque d’aspirateurs filmée comme la scène des serpents des Aventuriers de l’Arche Perdue, un fax de la police qui émet les mêmes bruits que le jeu Pac Man ou les frasques du président des Etats-Unis incarné par le volubile Michael Pate. Voilà donc une curiosité très recommandable. 

 

© Gilles Penso

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