RETROACTION (1997)

Spécialiste des séries B efficaces et nerveuses, Louis Morneau transforme James Belushi en gangster hargneux et le plonge dans une boucle temporelle

RETROACTIVE

1997 – USA

Réalisé par Louis Morneau

Avec James Belushi, Kylie Travis, Shannon Whirry, Frank Whaley, Jesse Borrego, M. Emmet Walsh, Sherman Howard, Guy Boyd 

THEMA VOYAGES DANS LE TEMPS

Laissée en plan sur une autoroute déserte au fin fond du Texas après un accident de voiture, Karen Warren (Kylie Travis) se résout à faire de l’auto-stop. Elle s’embarque alors dans la voiture de Frank (James Belushi) et Rayanne (Shannon Whirry). En route pour vendre des puces informatiques qu’il a obtenues illégalement, Frank s’engage dans une violente dispute avec Rayanne, qu’il soupçonne de vouloir trahir sa confiance, et finit par l’abattre froidement sans autre forme de procès. Paniquée, Karen se jette alors hors de la voiture et se réfugie dans un bunker en béton. Elle ignore que cet endroit est un lieu expérimental où le scientifique Brian (Frank Whaley) est en train de mettre à point une machine à remonter le temps, s’efforçant de déplacer un animal 1200 secondes dans le passé. La voilà transportée à la place du cobaye quelques minutes avant le drame. Elle essaye alors de contrecarrer les plans de Frank et de sauver la vie de Rayanne. Mais sa tentative échoue lamentablement. Dès lors, elle va revivre inlassablement la même scène, cherchant à chaque fois à éviter le pire…

Futur réalisateur des forts sympathiques La Nuit des Chauves-Souris et Fausse Donne, Louis Morneau s’est spécialisé dans les films de genre efficaces à budgets modestes. Rétroaction ne déroge pas à la règle, magnifiant comme souvent chez Morneau de vastes et photogéniques paysages désertiques. Rétroaction s’affirme comme nouvelle variante sur le thème de la boucle temporelle condamnée à se répéter perpétuellement, une mécanique narrative qui servit déjà de charpente à Un Jour sans fin et 12 : 01. Ici, comme le titre l’indique sans détour, c’est l’action qui prime. Du coup, même si l’argument de départ repose sur une expérience scientifique qui tourne mal, les multiples paradoxes métaphysiques liés au bouleversement du continuum espace-temps ne sont pas l’intérêt prioritaire des scénaristes Michael Hamilton-Wright, Robert Strauss et Philip Badger. Plus laconiquement, comme le dit Emmet Brown dans Retour vers le Futur 2ème partie, « on s’en balance ». 

Un suspense haletant

Le moteur principal de Rétroaction, ce sont les poursuites de voitures, les fusillades et le suspense haletant. Et comme le drame sanglant qui sert de base au récit ne cesse de se répéter, le public se demande en permanence : « comment tout cela va-t-il finir cette fois ? » Le scénario redouble donc d’ingéniosité en nous proposant des variantes sur le même événement, chaque nouvelle version s’avérant plus catastrophique que la précédente, limitant les possibilités de dénouements positifs et illustrant avec efficacité la fameuse théorie du chaos. Plutôt habitué à la comédie légère, James Belushi campe un fort savoureux méchant, entouré de Kylie Travis et Shannon Whirry, deux charmantes et charismatiques comédiennes qui lui donnent la réplique et tentent d’échapper à ses griffes (il nous livre même un hommage furtif à son frère John, le temps d’une allusion aux Blues Brothers, à quelques secondes de la fin du film). Pétri de qualités, Rétroaction a longtemps été film dont Louis Morneau était le plus fier. Comment lui donner tort ?

 

© Gilles Penso

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RETOUR VERS LE FUTUR 2ème partie (1989)

Une suite incroyablement ambitieuse qui nous transporte non seulement dans le futur mais aussi dans un présent alternatif et dans un passé revisité

BACK TO THE FUTURE PART 2

1989 – USA

Réalisé par Robert Zemeckis

Avec Michael J. Fox, Christopher Lloyd, Lea Thompson, Thomas F. Wilson, Elisabeth Shue, James Tolkan 

THEMA VOYAGES DANS LE TEMPS I SAGA RETOUR VERS LE FUTUR

A l’aube de sa carrière, Robert Zemeckis tutoyait déjà la perfection avec Retour vers le Futur, une œuvre enchanteresse adulée par une vaste communauté de fans irréductibles. Magistral, ce film hors norme se suffisait à lui-même et, malgré les apparences, sa fin ouverte n’appelait aucune suite. Dans l’esprit de Zemeckis et de son co-scénariste Bob Gale, il s’agissait simplement d’un gag final rebondissant vers des aventures ultérieures laissées à la discrétion imaginative des spectateurs. Mais après un second coup d’éclat – l’inestimable Qui veut la peau de Roger Rabbit – le cinéaste se livra à un exercice intellectuel consistant à imaginer ce que serait, dans l’absolu, une séquelle idéale. La réponse finit par s’imposer d’elle-même : « le même film, mais différent ». Et pour appliquer cet axiome infaillible, pourquoi ne pas prolonger Retour vers le Futur et raconter une nouvelle fois le même film, mais sous un angle différent ? Tel fut le défi que se lancèrent Zemeckis et Gale, co-signant avec enthousiasme la séquelle la plus audacieuse de tous les temps.

Retour vers le Futur 2ème partie commence donc exactement là où son prédécesseur s’arrêtait. Nous sommes en 1985 et Marty McFly a regagné la paisible bourgade de Hill Valley après un voyage mouvementé dans le passé en compagnie de Doc Brown. Son retour aux années 50 lui a permis de donner un discret mais efficace coup de pouce au destin en unissant ses propres parents. Marty s’apprête à savourer le fruit de cet exploit avec sa petite amie Jennifer, lorsque Doc Brown surgit au volant de sa rutilante De Lorean et l’enjoint à un nouveau voyage dans le futur. Car en manipulant l’espace-temps, Marty a aussi bouleversé son avenir. Son fils, Marty junior, tombé sous la coupe du sinistre Griff Tannen, s’apprête à commettre un hold-up qui lui coûtera plusieurs années de prison et ruinera son avenir. Pour éviter ce désastre, Marty va devoir prendre la place de son rejeton…

Une multi-angularité démentielle

Retour vers le Futur 2ème partie se divise en trois actes bien distincts. Le premier, qui nous projette dans un avenir fantasmé (l’an 2015), multiplie les trouvailles technologiques qui, dès lors, entreront dans la légende, du skateboard volant aux hologrammes omniprésents en passant par les vêtements auto-séchants et les autoroutes du ciel. Le second, situé dans des années 80 alternatives, s’attaque à la théorie de la relativité en vulgarisant le principe des lignes du temps et des mondes parallèles, ces fameuses « nouvelles branches de l’arbre du temps » qu’évoquait le romancier Sprague de Camp dans « De peur que les Ténèbres ». Mais en matière de vertige, le troisième acte bat tous les records, puisqu’il dédouble Marty McFly et l’envoie se démener dans deux directions opposées au même moment et au même endroit, tout ça au cours de la fête de fin d’année du film précédent ! Même ceux qui connaissent le premier Retour vers le Futur sur le bout des doigts ont intérêt à être particulièrement attentifs s’ils ne veulent rater aucun détail de cette multi-angularité démentielle, œuvre de l’un des réalisateurs les plus méticuleux, les plus perfectionnistes et les plus jusqu’au-boutistes de l’histoire du cinéma.

 

© Gilles Penso

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ZOLTAN, LE CHIEN SANGLANT DE DRACULA (1977)

Le saviez-vous ? Le plus célèbre des contes vampires possède un chien aux crocs aussi acérés que les siens !

ZOLTAN, THE HOUND OF DRACULA

1977 – USA

Réalisé par Albert Band

Avec Reggie Nalder, Michael Pataki, Jose Ferrer, Jan Shutan, Libby Chase, John Levin, Cleo Harrington, Tom Gerrard 

THEMA DRACULA I VAMPIRES I MAMMIFERES

Albert Band est le père de l’entreprenant Charles Band (créateur des prolifiques compagnies de production Empire, Full Moon et Moonbeam) et du compositeur Richard Band (Re-AnimatorPuppet Master). Producteur lui-même depuis le début des années 50, il réalisa en 1977 cet improbable Zoltan dont le postulat laisse rêveur. Alors qu’ils effectuent plusieurs tests d’explosifs en Roumanie, des militaires russes mettent à jour le caveau de la famille Dracula. En attendant de pouvoir dépêcher un archéologue sur place, on poste un garde, qui a la mauvaise idée d’ouvrir un des cercueils et d’enlever le pieu fiché dans le cœur de la dépouille.

Aussitôt s’éveille Zoltan, un chien aux crocs acérés et aux canines proéminentes qui gratifie le curieux d’une belle morsure puis libère son maître Veidt Smith (Reggie Nalder, qui promena son physique inquiétant dans L’Homme qui en Savait Trop d’Alfred Hitchcock, version 1956). Le visage exagérément émacié, la peau fripée et le regard exorbité, celui-ci, ancien serviteur du comte Dracula, se promène en corbillard, transporte Zoltan dans une caisse et lui donne des ordres par télépathie. Tous deux se rendent ainsi à Los Angeles en quête de Michael Drake (Michael Pataki, qui incarna la même année le capitaine Barbera dans le calamiteux Homme Araignée), dernier descendant de la famille Dracula non encore converti au vampirisme. Or Michael est parti camper avec sa femme, ses deux enfants et ses chiens. Tandis que l’inspecteur Franco (José Ferrer), Van Helsing du pauvre, voyage jusqu’en Californie pour mener l’enquête, Zoltan commence à se mettre quelques confrères canins sous la dent.

Combats entre villageois et chiens-vampires

Le concept du film est déjà assez grotesque en soi, mais le traitement ne fait rien pour élever le niveau. Tout dans le film sonne faux, notamment les costumes des militaires (impeccablement repassés) et ceux des villageois, qu’on croirait échappés d’un pot de yaourt La Laitière. La musique assez catastrophique est digne d’un supermarché, les combats entre les hommes et les chiens vampires (qui poussent des cris mêlant joyeusement aboiements canins, feulements de fauves et hurlements de chimpanzés) sont souvent ridicules, les dialogues sont gentiment risibles, tout comme les scènes de flash-back (en particulier celles de Zoltan se souvenant avoir été mordu par Dracula changé en chauve-souris). Il y a bien quelques tentatives d’humour dans le métrage, comme lorsque Michael affirme qu’il pourrait amasser pas mal d’argent en intentant des procès à tous ceux qui ont fait des films sur la famille Dracula sans lui en demander l’autorisation. Mais les meilleurs moments comiques sont involontaires, comme lorsque Franco arpente la campagne, des pieux à la main, en quête de vampires à empaler. Il faut reconnaître que quelques scènes efficaces se détachent du lot, comme l’assaut nocturne des héros enfermés dans un chalet par les canidés assoiffés de sang, mais elles ne sont guère légion. Quant au final, il sacrifie au cliché éculé du faux happy end. Pour l’anecdote, les maquillages spéciaux sont l’œuvre d’un Stan Winston alors débutant.

 

© Gilles Penso

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Y’A-T-IL UN PILOTE DANS L’AVION ? (1980)

Le trio ZAZ reprend à son compte tous les clichés du cinéma catastrophe et réalise la parodie cinématographique ultime

AIRPLANE

1980 – USA

Réalisé par Jim Abrahams, David et Jerry Zucker

Avec Robert Hays, Julie Hagerty, Peter Graves, Lloyd Bridges, Leslie Nielsen, Robert Stack, Kareem Abdul-Jabbar 

THEMA CATASTROPHES

Le succès planétaire de Y’a-t-il un Pilote dans l’Avion ne s’est pas fait tout seul. C’est en réalité l’aboutissement d’une série de jalons posés par les frères David et Jerry Zucker et leur ami Jim Abrahams depuis le début des années 70. Encore étudiants, les trois compères louèrent l’arrière-boutique d’une bibliothèque du Wisconsin pour y monter leur petite troupe de théâtre : le Kentucky Fried Theater. Au menu : des pastiches à foison, de l’improvisation, des extraits de films détournés et des sketches absurdes. 150 000 représentations plus tard, le talent des « ZAZ » s’exportait dans un premier film réalisé par John Landis, Hamburger Film SandwichPotache mais joyeusement délirant, ce galop d’essai servit de tremplin à leur film suivant, Y’a-t-il un pilote dans l’avion, dont Zucker, Abrahams et Zucker signèrent eux-mêmes la mise en scène d’après leur propre scénario. 

Directement inspiré par le film catastrophe Zero Hour, dont il reprend minutieusement la trame, mais aussi par la franchise Airport du studio Universal, Airplane est un délire non-stop qui a littéralement révolutionné le genre comique cinématographique au tout début des années 80. Tandis que le capitaine Oveur (Peter Graves, le Jim Phelps de Mission impossible) et son co-pilote Roger Murdock (le basketteur Kareem Abdul-Jabbar) sont aux commandes du vol 209 assurant la liaison entre Los Angeles et Chicago, l’ancien pilote de chasse Ted (Robert Hays), traumatisé suite à un crash, tente de reconquérir l’hôtesse de l’air Elaine (Julie Hagerty). En plein ciel, tout ce beau monde s’apprête à vivre une catastrophe car les passagers et les membres de l’équipage ayant mangé du poisson tombent soudain malade. Seul Ted semble dès lors capable de prendre les commandes de l’avion…

Caricature à outrance et sérieux imperturbable

Y’a-t-il un Pilote dans l’Avion s’érige en modèle parodique exemplaire. Son principe consiste à caricaturer à outrance les clichés du grand écran en parfaite connaissance de cause, les protagonistes restant imperturbables quelles que soient les situations. Le résultat a des vertus profondément hilarantes, surtout pour les habitués des films détournés. Répliques, situations et personnages archétypiques se succèdent ainsi avec un singulier parfum de déjà-vu. A cet enchaînement de gags référentiels suscitant la connivence du public, les ZAZ ajoutent une bonne dose de scènes burlesques très proches des univers de Tex Avery et de Hellzapoppin (auquel Airplane emprunte mot à mot le gag des journalistes qui prennent des photos). Généralement, chaque séquence de Y’a-t-il un pilote dans l’avion s’entame le plus sérieusement du monde, puis dégénère tranquillement jusqu’à l’absurde. Témoins cette chorégraphie démentielle sur le « Staying Alive » des Bee Gees, ces scènes de panique nonsensiques ou ces journaux télévisés à travers le monde. Cerise sur le gâteau, Airplane imite le genre catastrophe jusqu’à solliciter des guest-stars sur le retour, lesquels s’en donnent visiblement à cœur joie dans le registre de l’autodérision. Leslie Nielsen, ex-astronaute très sérieux de Planète Interdite, se prend tellement au jeu qu’il en fera dès lors une marque de fabrique.

 

© Gilles Penso

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VIRUS CANNIBALE (1981)

L'une des imitations italiennes de Zombie les plus excessives, les plus gores et les plus portées sur le mauvais goût

VIRUS INFERNO DEI MORTI-VIVANTI

1981 – ITALIE

Réalisé par Bruno Mattei

Avec Margit-Evelyn Newton, Franco Garofalo, José Gras, Selan Karay, Gaby Renom, Josep Lluis Fonoll, Piero Fumelli

THEMA ZOMBIES

Entre la fin des années 70 et le début des années 80, une vogue éphémère s’empara du cinéma italien : celle du film de zombies ultra-gore.  Directement influencés par le succès du Zombie de George Romero, une demi-douzaine de réalisateurs transalpins se laissèrent ainsi aller aux excès horrifiques les plus extrêmes. Certains en tirèrent de fascinantes variations en y injectant leur propre personnalité, notamment Lucio Fulci via sa célèbre tétralogie infernale. D’autres n’hésitèrent pas à entacher le genre d’avatars plus que douteux. A ce titre, Virus Cannibale bat sans doute tous les records. Alors qu’il inspecte la tuyauterie d’une usine, un ouvrier découvre le cadavre d’un rat qui s’anime soudain, se glisse sous sa combinaison et le dévore avec force jets de sang. Bientôt, tous les ouvriers se muent en zombies au visage noirci, dévorant les vivants avec un bel appétit (une épaule est croquée à pleines dents, un corps entièrement ouvert et étripé). Le responsable de l’usine constate alors avec lucidité que leur projet a échoué, déclarant solennellement : « Que Dieu nous pardonne pour ce que nous avons créé ici ».

L’action se transporte ensuite dans une forêt sauvage où bivouaque tranquillement un petit groupe de randonneurs. Mais la sérénité est de courte durée. Bientôt, le père est dévoré par son petit garçon, la mère attaquée par un vieillard au visage écarlate, et des corps décomposés surgissent un peu partout avant de déambuler en traînant la patte. Au beau milieu du carnage, une journaliste et son caméraman semblent ne s’étonner que très modérément face au surgissement de ces zombies anthropophages. « Regarde leurs visages, on dirait des monstres », remarque tranquillement la jeune femme. Les « héros » du film sont les membres d’un commando dépêché sur place. Racistes, fascistes, stupides, ils tirent d’abord et réfléchissent après (y compris sur le petit garçon zombie). Mais comme aucun autre pôle d’identification n’est proposé aux spectateurs, il est difficile de savoir si le réalisateur se moque de ces détestables protagonistes ou se prend de sympathie pour eux. Régulièrement pendant la traversée du petit groupe dans la forêt, le montage insère très maladroitement des stock-shots animaliers au ralenti.

Des effets volontairement repoussants

Et pour que le cocktail gore/exotisme se pare également d’un soupçon d’érotisme, Mattei filme en gros plan les seins de la journaliste lorsque celle-ci, prise d’une soudaine inspiration, se déshabille pour essayer d’infiltrer une tribu locale. Le gore poétique de Lucio Fulci est ici supplanté par des effets volontairement repoussants : vomissements face à la caméra, autochtone affamé qui mastique des asticots grouillant sur un cadavre, chat dévorant les entrailles d’une vieille femme, jambes mangées, doigts arrachés… Mattei tente même de combattre Fulci sur son propre terrain lorsqu’un zombie plonge sa main dans la bouche d’une jeune femme, lui arrache la langue, puis lui fait sauter les yeux des orbites de l’intérieur, avec ses doigts ! Le tout en gros plan, bien sûr ! Pour manger aussi au râtelier de Romero, Mattei filme les débats animés des politiciens s’interrogeant sur le sort à réserver aux zombies, tandis que le montage insère arbitrairement des images d’archives de populations du Tiers-Monde en détresse… Virus Cannibale s’érige ainsi en véritable monument de mauvais goût.

 

© Gilles Penso

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URBAN LEGEND (1998)

Dans la foulée de Scream et Souviens-toi l'été dernier, ce slasher tente maladroitement d'exploiter un concept tiré par les cheveux

URBAN LEGEND

1998 – USA

Réalisé par Jamie Blanks

Avec Alicia Witt, Tara Reid, Rebecca Gayheart, Jared Leto, Joshua Jackson, Brad Dourif, Loretta Devins, Robert Englund

THEMA TUEURS

Scream et Souviens-toi l’été dernier ayant redoré le blason du psycho-killer avec succès, tout Hollywood fut tenté d’apporter sa pierre à l’édifice, dans l’espoir d’en tirer de coquets bénéfices. Etant donné que les deux films pré-cités marchaient sur les traces de La Nuit des Masques et Le Bal de l’Horreur, il fallait trouver une manière de surprendre le public en élargissant le champ des sources d’inspiration. Le scénariste Silvio Horta et le réalisateur Jamie Blanks, s’attaquant chacun pour la première fois à un long-métrage, s’efforcèrent donc d’y intégrer l’idée d’une vengeance méthodique obéissant à un schéma prédéfini. En la matière, les exemples les plus prestigieux sont probablement L’Abominable Docteur Phibes et Théâtre de Sang, dont les meurtres spectaculaires reproduisaient respectivement les dix plaies d’Egypte et les assassinats imaginés par Shakespeare. Visiblement incapable de trouver une idée aussi limpide que ces deux shockers mettant en vedette Vincent Price, Horta et Blanks se sont orientés vers les légendes urbaines, ces petites histoires terrifiantes qui se répandent comme la rumeur sans que personne n’ait jamais pu les prouver.

Le scénario d’Urban Legend prend ainsi place en Nouvelle-Angleterre, dans l’Université de Pendleton, dont le cours préféré des étudiants concerne justement ces mythes contemporains. Le professeur Wexler, qui enseigne cette matière hors norme, est interprété par Robert Englund en personne, plus connu sous le feutre usé et le maquillage boursouflé de Freddy Krueger. L’une des légendes les plus en vogue concerne l’université elle-même, dans laquelle un professeur fou aurait assassiné six étudiants 25 ans plus tôt. Les élèves les plus assidus de ce cours atypique sont la belle Natalie (Alicia Witt), sa meilleure amie Brenda (Rebecca Gayheart), le fêtard Parker (Michael Rosenbaum), l’apprenti-journaliste Paul (Jared Leto) et la DJ branchée Sasha (Tara Reid). L’ambiance sitcom étant établie et les principaux protagonistes étant présentés au public, le drame peut s’amorcer. Il prend la forme d’un tueur encapuchonné qui décime le campus à coup de hache, s’inspirant des fameuses légendes urbaines.

Clichés en série

Le concept s’avère plutôt bancal, à tel point que les protagonistes se voient obligés de le réexpliquer régulièrement, pour que le spectateur puisse en saisir la mécanique. Pour le reste, tout n’est que routine, les mignons étudiants servant de chair à pâté au serial killer tandis que le mystère s’épaissit et que les suspects se multiplient. Les protagonistes entrent dans des pièces sombres sans prendre la peine d’allumer la lumière, les voitures refusent désespérément de démarrer au moment où on en a le plus besoin, les chats entrent dans le champ en miaulant pour faire sursauter le spectateur, les téléphones sonnent avec stridence… Bref, rien de bien neuf à l’horizon, hélas. Le meilleur moment d’Urban Legend est probablement son prologue, qui fonctionne presque comme un court-métrage autonome. La mise en scène y est habile, les comédiens convaincants (l’excellent et trop rare Brad Dourif en tête), et la chute redoutablement efficace. Dommage que le reste du film ne soit pas à l’avenant.

 

© Gilles Penso

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TUSK (2014)

Entre éclat de rire et cri d'effroi, Kevin Smith tente un audacieux mélange des genres qui suscite un malaise durable

TUSK

2014 – USA

Réalisé par Kevin Smith

Avec Michael Parks, Justin Long, Genesis Rodriguez, Haley Joel Osment, Johnny Depp, Harley Morenstein, Ralph Garman

THEMA MEDECINE EN FOLIE I MAMMIFERE

L’air de rien, Kevin Smith se constitue une carrière passionnante. On l’a longtemps cru condamné à broder éternellement autour des concepts autobiographiques de son hit Clerks (les déboires sentimentaux et amicaux de geeks passant difficilement à l’âge adulte). Impression rapidement démentie par la profondeur et la sensibilité de Méprise multiple (son chef-d’œuvre), le sérieux du mystico-politique Red State, ou le bien étrange film qui nous occupe ici.  A l’origine de Tusk, une petite annonce complètement « autre » : le rescapé d’un naufrage ayant survécu auprès d’un morse cherchait un colocataire, à la condition qu’il soit prêt à revêtir un costume de morse pendant deux heures par jour, et qu’il se comporte comme tel. Smith, forcément fasciné par la folie de la chose, en avait d’abord fait le sujet d’une émission de son podcast Smodcast (crée avec son complice Scott Mosier), débattant avec son espièglerie légendaire. Le scénario ne reprend que le point de départ de l’anecdote, le réalisateur faisant le choix de la comédie horrifique : Wallace Bryton (Justin Long, qui se sort plutôt bien d’un rôle ingrat refusé par Tarantino) est un podcasteur star dont le fonds de commerce est un cynisme sans limites, brocardant impitoyablement les travers les plus ridicules de ses semblables. Au cours d’un voyage au Canada, appâté par une annonce étrange, il se rend dans la demeure de Howard Howe (Michael Parks, effrayant) qui va lui conter sa folle aventure avec un morse… Et tenter de le transformer littéralement en mammifère.

Soyons directs, Tusk est une semi-réussite, voire un semi-échec. La faute à une oscillation de ton permanente entre la farce grotesque (Smith n’oublie jamais l’absurdité de son sujet, à tort ou à raison), le torture porn, et la tragédie à résonance philosophique, ce qui apparente le résultat à un mix improbable entre Boxing HelenaThe Human Centipede, et une comédie estampillée Kevin Smith. Ce dernier point est sûrement le plus problématique, l’humour potache et référencé du bonhomme faisant souvent irruption de façon artificielle dans le récit, à l’image de ce personnage ridicule de détective français incarné par Johnny Depp (grimé et non crédité), caricatural ad nauseam (béret et accordéon inclus). Les moments plus tendus, dérangeants ou carrément surréalistes sont bien plus réussis, notamment les séquences dans l’antre ou Howe enferme son compagnon d’infortune, dont un combat de morses rythmé par le mythique « Tusk » de Fleetwood Mac. Autre réussite, l’inversement des figures attendues : le calvaire de Bryton s’avérant très rapidement inéluctable, l’enjeu du métrage n’est plus de le sauver des griffes de son bourreau mais au contraire l’enseignement profond qu’il tirera de sa métamorphose. Tusk prend ainsi des chemins Kafkaïens ou aborde des thématiques que n’aurait pas reniées le Cronenberg de la grande époque, comme la mutation des chairs ou les amours déviantes (le regard déchirant du personnage féminin sur son amour devenu monstre rappelle beaucoup La Mouche).

Quand l'homme devient animal…

Derrière tout ceci se dessine en filigrane un aspect encore plus intéressant : l’identification à ce Wallace/walrus (morse en anglais), non du spectateur puisque le personnage est imbuvable, mais de Kevin Smith lui-même. Le metteur en scène est en effet connu pour son cynisme et son humour méchant vis-à-vis des membres de son métier, est podcasteur lui-même et a ri de la petite annonce originelle dans son émission. L’arrogant et condescendant héros (il faut voir son mépris très « South Park » pour les Canadiens) a oublié toute empathie ou humilité pour survivre et devenir célèbre dans une société carnassière. Smith se livre-t-il à une autocritique, condamne-t-il les « haters » d’Internet ou manifeste-t-il son angoisse de devenir à son tour un blasé suffisant tel que les frères Weinstein qui lui ont causé tant de torts ? Un peu tout cela, sûrement. La philosophie qui se dégage de ce conte macabre est à la fois désespérée et porteuse d’un positivisme tordu : Howe, qui considère l’Homme comme une bête sans foi ni loi (il avait lui-même fini par manger le morse qui l’avait sauvé), arrive in fine dans sa folie à révéler Bryton à lui-même. L’animateur déshumanisé retrouve une sensibilité inespérée en devenant un animal, comprenant tardivement qu’il est passé à côté de l’essentiel. Toute la dualité de Kevin Smith dans le traitement de son sujet s’exprime dans l’enchaînement d’un ultime plan crépusculaire et émouvant et d’un générique de fin où résonnent sa propre voix off et celle de Mosier, commentant ce qu’ils viennent de voir avec détachement et méchanceté. En cela et pour quelques fulgurances, même si auparavant on s’était pris à rêver de ce que Cronenberg aurait tiré d’un tel matériau de départ, le regard décalé de Smith rend cette curiosité tout à fait recommandable. 

 

© Julien Cassarino

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RENDEZ MOI MA PEAU (1980)

Derrière ses allures de comédie franchouillarde aux gags potaches, ce conte moderne abonde en salves anti-machistes et anticléricales

RENDEZ-MOI MA PEAU

1980 – FRANCE

Réalisé par Patrick Schulmann

Avec Bee Michelin, Erik Colin, Chantal Neuwirth, Jean-Luc Bideau, Danièle Gueble, Alain Flick, Mario d’Alba, Myriam Mézières

THEMA SORCELLERIE ET MAGIE

Patrick Schulmann a toujours été attiré par l’humour au-dessous de la ceinture mâtiné de satire sociale. Cet étrange cocktail avait fait mouche avec Et la Tendresse ?… Bordel !, gros succès public lors de sa sortie en 1979. L’année suivante, le réalisateur décida d’ajouter au mélange un nouvel élément : le fantastique. Rendez-Moi Ma Peau nous fait donc découvrir Zora (Chantal Neuwirth), une sorcière qui mène une vie pépère dans son petit appartement et jette des sorts pour l’aider dans ses tâches ménagères. Mais le fait est qu’elle perd un peu ses pouvoirs. Seul le grand maître Krishmoon (Jean-Luc Bideau) semble être en mesure de l’aider à « recharger » son énergie. Zora prend la route afin de retrouver sa trace. Mais au milieu d’un carrefour, elle manque d’emboutir deux voitures : celle de Jean-Pierre (Erik Colin), un réparateur de téléviseurs, et de Marie (Bee Michelin), une jeune bourgeoise. Contrariée, notre sorcière inverse les corps de ce couple qui ne se connaît pas (via un trucage cartoonesque en rotoscopie) puis file à l’anglaise. Les deux malheureux ont conservé leur voix et leur esprit, mais tout le reste a changé. « Je ne peux pas vous laisser partir avec mon corps, je ne vous connais même pas », s’exclame Marie. « Je vous laisse le mien en garantie » répond Jean-Pierre.

Au-delà de ce postulat absurde qui génère des quiproquos et des gags à répétition (certains efficaces, d’autres très anecdotiques), Rendez-Moi Ma Peau permet à Schulmann de s’interroger sur la condition humaine. Jusqu’à quel point est-on soi-même ? Notre identité est-elle définie par notre corps ou notre esprit ? Derrière la farce se camoufle donc une vraie dimension philosophique, avec en prime une bonne claque à quelques préjugés machistes. Comme lorsque le patron de Jean-Pierre, découvrant que son employé a désormais un corps féminin, s’inquiète des conséquences : « je ne peux tout de même pas payer une femme le même prix qu’un homme ! » L’autre cible du cinéaste est le monde des sciences occultes, tournées ici en dérision avec une bonne humeur manifeste. Car les anciens collègues de Zora sont tous devenus voyants. L’une d’elle lit dans les lignes des fesses, un autre dans le rire de ses patients, un troisième est carrément devenu prêtre pour arrêter de travailler dans la clandestinité (« j’ai choisi la superstition officielle «  argue-t-il). 

« La magie a foutu le camp ! »

Krishmoon, pour sa part, dirige une secte très lucrative sur une île tropicale, fabriquant en quantité industrielle des talismans, des grigris et des porte-bonheur. Quand on lui demande pourquoi il a fui l’Occident, le gourou se laisse aller à la nostalgie : « comment voulez-vous que les ondes magiques, le magnétisme et les esprits se fraient un chemin au milieu des ondes radios, des satellites, des télés et du béton ? La magie a foutu le camp ! » Dommage que le potentiel d’un tel scénario soit gâché par une mise en scène aussi conventionnelle et des comédiens si peu dirigés (avec une mention spéciale pour les consternants détectives Shoms et Datson !). Quant à la chute du film, au cours de laquelle un alien atterrit sur le plancher des vaches, elle utilise des trucages tellement improbables qu’elle ferait presque passer Le Gendarme et les Extra-Terrestres pour un épisode de Star Wars !

 

© Gilles Penso

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QUELQUE PART DANS LE TEMPS (1980)

Christopher Reeve et Jane Seymour rayonnent dans cette romance fantastique inspirée d'un roman de Richard Matheson

SOMEWHERE IN TIME

1980 – USA

Réalisé par Jeannot Szwarc

Avec Christopher Reeve, Jane Seymour, Christopher Plummer, Teresa Wright, Bill Erwin, George Voskovec

THEMA VOYAGES DANS LE TEMPS

Les écrits de Richard Matheson ont toujours entretenu un rapport privilégié avec le cinéma. Dynamique, le verbe de l’écrivain appelle des images et s’appuie souvent sur des ressorts proches de ceux de la dramaturgie filmique. Il était donc logique que bon nombre de ses nouvelles et de ses romans muent du papier vers l’écran, la plupart du temps sous sa propre supervision. Le cinéma et la télévision lui doivent de nombreux épisodes de La Quatrième Dimensionmais aussi L’homme qui rétrécitJe suis une légendeLe SurvivantDuel ou encore La Maison des damnés. En 1975, l’écrivain change de registre, délaissant provisoirement la science-fiction et l’horreur, ses terrains de jeu favoris, pour les besoins du roman « Le Jeune Homme, la Mort et le Temps » (« Bid Time Return »). Ce dernier aborde le thème du voyage dans le temps en se soustrayant volontairement à toute technologie. Ici, aucune machine n’est à l’origine du paradoxe temporel. Le voyage s’effectue en effet par la simple force de la concentration et le pouvoir de l’amour. Le réalisateur français Jeannot Szwarc, qui fit ses preuves à Hollywood avec Les Insectes de feu et Les Dents de la mer 2ème partie, s’empare du roman cinq ans après sa publication pour en tirer un très beau film où le fantastique s’immisce en douceur, à pas feutrés, sous le titre Quelque part dans le temps.

En 1972, Richard Collier, un jeune auteur dramatique, est abordé en coulisse, le soir de l’inauguration de sa première pièce de théâtre, par une vieille dame qui lui remet une montre et lui demande de revenir à elle. Huit ans plus tard, en quête d’inspiration pour une nouvelle pièce, Collier découvre dans un hôtel le portrait d’Elise McKenna, une actrice du siècle dernier. Fasciné par sa beauté, il apprend que cette femme était la vieille dame qu’il a croisée brièvement huit ans plus tôt, et qu’elle est morte le soir de leur rencontre. Par la seule force de la pensée, il parvient à remonter le cours du temps pour la retrouver et l’aimer. « Le secret, ça ne peut être que de se soustraire aux restrictions de l’environnement », expliquait Matheson dans son roman. « On ne peut le faire physiquement ; il faut donc le faire mentalement. » L’auteur nous permettait ainsi d’accepter l’incroyable en rationnalisant l’insoupçonnable pouvoir de suggestion de l’énergie amoureuse. Et le film y parvient tout autant. 

Accepter l'incroyable

Débarrassé de la cape rouge et des effets spéciaux spectaculaires de Superman qui lui permit de triompher deux ans plus tôt sur les écrans du monde entier, Christopher Reeve endosse avec subtilité le rôle de Richard Collier et prouve que ses talents d’acteur ne se limitent guère aux exploits de Kal-El. Il tient probablement ici l’un de ses meilleurs rôles, et constitue avec Jane Seymour un duo de charme sublimé par la partition enivrante de John Barry. Les mythes d’Orphée et de Loth transparaissent de toute évidence dans ce récit, qui n’est pas non plus sans évoquer la nouvelle « Arria Marcella » de Théophile Gautier. Point culminant de la carrière inégale de Jeannot Szwarc, Quelque part dans le temps remporte en 1981 le prix de la critique du festival international du film fantastique d’Avoriaz.

 

© Gilles Penso

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PLAN 9 FROM OUTER SPACE (1959)

Le film le plus célèbre d'Ed Wood est un festival de faux-raccords, d'effets spéciaux ratés et de dialogues involontairement hilarants

PLAN 9 FROM OUTER SPACE

1959 – USA

Réalisé par Edward D. Wood Jr

Avec Gregory Walcott, Mona McKinnon, Duke Manlove, Tom Keene, Tor Johnson, Bela Lugosi, Vampira, Criswell, Joanna Lee

THEMA EXTRA-TERRESTRES

En 1959, Ed Wood avait déjà un bon palmarès de films improbables à son actif, notamment Glen or GlendaBride of the Monster et Night of the Ghouls, mais avec Plan 9 From Outer Space il nous offrit son « chef d’œuvre » absolu. Le scénario nous apprend que des extra-terrestres cherchent à conquérir la Terre, après huit tentatives ratées, grâce à un nouveau plan qui consiste à ressusciter les morts. Financé par l’église baptiste, Ed Wood se débrouilla avec un budget des plus dérisoires. Du coup, les décors ne s’embarrassent guère de fignolage. Lorsque Wood veut nous montrer un cimetière, il plante deux arbustes et trois pierres tombales dans le sol. Le scénario nécessite-il la cabine d’un avion ? Deux chaises et un rideau font l’affaire ! Quant à l’intérieur du vaisseau spatial, il se réduit à une pièce nue ornée de tables sur lesquelles sont posés des postes de radio. Les costumes sont à l’avenant, en particulier ceux de nos fiers extra-terrestres engoncés dans des pyjamas en aluminium du plus curieux effet.

Mais c’est du côté de ses effets spéciaux que Plan 9 atteint les sommets du ridicule. Comment oublier ces soucoupes volantes en plastique suspendues par des fils de pêche bien visibles ? Il faut pourtant avouer qu’en quelques furtifs moments, Ed Wood parvient à créer une atmosphère intéressante, notamment lors des déambulations erratiques de Vampira et Tor Johnson dans le cimetière nocturne. Mais la poésie macabre dégagée par ces plans miraculés tient plus du casting (ces deux comédiens ont une présence physique indéniable) que des prises de vue elles-mêmes. Le plus étrange reste le sort réservé à Bela Lugosi. L’ancien Dracula d’Universal avait accepté de jouer quelques scènes autour de sa propre maison, dans le costume de vampire qu’il porta souvent sur scène. Ed Wood espérait utiliser ces images pour un projet baptisé « Tomb of the Vampire », mais après la mort de Lugosi, il décida finalement de les inclure dans Plan 9. Wood, qui n’en était pas à une extravagance près, transforma le vampire en zombie, et demanda à Tom Mason, le chiropracteur de sa femme, de doubler Lugosi dans toutes les séquences qui nécessitaient la présence de ce nouveau personnage, en prenant bien soin de cacher son visage derrière sa cape ! Cette solution de remplacement est évidemment saugrenue, d’autant que Mason est beaucoup plus grand que Lugosi et que ses cheveux n’ont sensiblement pas la même couleur. N’empêche qu’Ed Wood put se targuer d’avoir réalisé le dernier film avec Bela Lugosi ! 

Le dernier film avec Bela Lugosi

On n’en finirait plus de décrire les incohérences du scénario, l’ineptie des dialogues ou les grossières fautes de raccord (la plus célèbre d’entre elles étant cette même scène qui se déroule en plein jour dans le champ et la nuit dans le contre-champ). Mais il serait injuste de réduire Plan 9 From Outer Space à ses maladresses et ses aberrations. Qu’on le veuille ou non, derrière cette absurde fable de science-fiction se cache un cinéaste dont la sincérité et la détermination ne furent jamais entachées par l’anémie de ses budgets ou l’inexpérience de ses équipes. Voilà sans doute pourquoi – étrange paradoxe – Ed Wood est l’un des pires mais aussi l’un des plus attachants réalisateurs de l’histoire du cinéma fantastique.

 

© Gilles Penso

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