TRANSFORMERS 3 : LA FACE CACHEE DE LA LUNE (2011)

Quelques scènes apocalyptiques vertigineuses égaient ce troisième épisode par ailleurs aussi lourdaud que les deux précédents

TRANSFORMERS 3 : DARK OF THE MOON

2011 – USA

Réalisé par Michael Bay

Avec Shia LaBeouf, Rosie Huntington-Whiteley, Patrick Dempsey, Josh Duhamel, John Turturo, Frances McDormand

THEMA ROBOTS I SAGA TRANSFORMERS

L’avantage, avec Michael Bay, c’est qu’il annonce tout de suite la couleur. Dès le prologue de Transformers 3, nous savons que nous en prendrons plein les mirettes : sur fond de voûte céleste en 3D, un gigantesque vaisseau spatial entre dans le champ à la manière du destroyer impérial de La Guerre des étoiles et nous plonge au cœur d’une vertigineuse odyssée emplie d’engins volants sophistiqués pilotés par des bataillons d’androïdes géants à faire pâlir George Lucas et James Cameron. Quelques minutes plus tard, un gros plan ostentatoire sur les fesses rebondies de Rosie Huntington-Whiteley (la bimbo sélectionnée pour remplacer une Megan Fox lassée des méthodes tyranniques du réalisateur) nous annonce l’autre facette du film : une vulgarité grassement assumée, susceptible de dérider un public peu exigeant tout en titillant la libido des adolescents auxquels le film est directement adressé.

Vulgaire et spectaculaire : en deux mots, le ton est donné. Le cocktail ayant déjà fait ses preuves à deux reprises, pourquoi changer son fusil d’épaule ? Cette fois-ci, l’intrigue s’appuie sur un flash-back bizarre (où les images d’archives granuleuses cohabitent sans la moindre cohérence visuelle avec des reconstitutions ultra-léchées) situé en 1969, le jour où Neil Armstrong pose le pied sur la Lune. Suivant des directives top-secrètes, l’astronaute part explorer la face cachée de notre satellite et y découvre la gigantesque épave d’un robot échoué, le vénérable Sentinel Prime. Ce postulat étant posé, le scénario nous ramène en 2011, alors qu’une nouvelle menace robotique plane sur nos têtes. Les Decepticons sont en effet décidés à prendre leur revanche, épaulés cette fois par le redoutable Shockwave…

Shia La Beouf et son top model

Il faut une sacrée dose d’indulgence pour supporter le spectacle de Transformers 3 sans soupirer d’impatience (lé métrage dure tout de même plus de deux heures et demie !). Mais peut-on passer outre ce couple improbable auquel on nous demande de croire (La Beouf et son top model au brushing impeccable), ces acteurs échappés de l’univers des frères Coen qui se ridiculisent de la plus embarrassante des manières (John Malkovich, John Turturo, Frances MacDormand), cet anthropomorphisme grotesque (les vieux robots ont la barbe ou le crâne dégarni, les jeunes font du roller !), cette mise en scène clippée incapable d’enchaîner un champ et un contre-champ de peur d’ennuyer le public, ces dialogues calamiteux, ce patriotisme iconique, cette xénophobie latente, cette musique horripilante ? Tout n’est pourtant pas à jeter dans Transformers 3. Les effets visuels sont toujours aussi époustouflants, la 3D supervisée par Vince Pace est très performante, et plusieurs séquences situées pendant l’acte final risquent de marquer les mémoires grâce à la très grande efficacité de leur suspense et aux effets de vertige immersifs qu’elles procurent. Steven Spielberg, producteur de cette foire d’empoigne, aurait-il mis la main à la pâte ? Toujours est-il que cette bataille finale, qui n’est pas sans évoquer World Invasion mais aussi les deux premiers Jurassic Park et La Guerre des mondes, est sans conteste le meilleur morceau de cette saga balourde.

© Gilles Penso

Partagez cet article

QUE LE SPECTACLE COMMENCE (1980)

Dans cette fable musicale inclassable, Roy Scheider incarne un chorégraphe côtoyé de près par la Mort

ALL THAT JAZZ

1980 – USA

Réalisé par Bob Fosse

Avec Roy Scheider, Jessica Lange, Leland Palmer, Ann Reinking, Cliff Gorman, Ben Vereen, Erzsebet Foldi

THEMA MORT

Que le spectacle commence est un objet filmique insaisissable, en ce sens qu’il constitue probablement l’une des autobiographies les plus atypiques de l’histoire du cinéma. Cette œuvre rétive aux étiquetages, à mi-chemin entre la comédie musicale, le documentaire et le conte fantastique, surprend d’autant plus que le légendaire chorégraphe et réalisateur Bob Fosse a choisi Roy Scheider, spécialiste du cinéma d’action populaire des années 70 (Les Dents de la mer, French Connection, Marathon Man) pour incarner son alter ego. Mais la surprise cède vite le pas à l’évidence, tant le comédien parvient à s’approprier corps et âme le personnage. Charismatique en diable, tout de noir vêtu, une cigarette vissée à la bouche, Scheider incarne donc Joe Giddeon, maître d’œuvre des spectacles musicaux les plus tendance de Broadway.

La dureté du milieu nous est exposée dès les premières minutes, au cours d’une audition captée avec le naturalisme cru d’un reportage. Saturant par leur présence fourmillante les planches d’un théâtre, cent danseurs suent sang et eau pour prouver leur valeur, tandis que leur multitude se réduit progressivement jusqu’à atteindre le chiffre dérisoire d’une demi-douzaine. Gideon est sur le point de placer sous le feu des projecteurs un spectacle grandiose, volontairement provocant, qu’il envisage comme l’apothéose et l’achèvement de sa carrière. Car le brillant chorégraphe a bien conscience que ses jours sont comptés. Ayant abusé au-delà du raisonnable de l’alcool, de la drogue et des femmes, il sait que la mort l’attend quelque part dans les coulisses. A ce stade, le processus de mise en abîme devient vertigineux, car l’auteur de Cabaret et Lenny est lui-même en bout de course à la fin des années 70, rongé par les mêmes vices que son avatar fictionnel. Et si Que le spectacle commence n’est pas son œuvre cinématographique ultime (il aura encore le temps de signer Star 80 avant de passer l’arme à gauche), il s’agit sans conteste de son film testament.

Un film testament

Or au lieu de se livrer à un bilan pragmatique et objectif, le cinéaste emprunte la voie du fantastique onirique. Jessica Lange prête ainsi son sourire et sa candeur à une Mort séduisante qu’on jurerait surgie d’une chanson polissonne de Georges Brassens. Cette camarde paisible, qui a troqué la faux et le suaire contre une robe de mariée diaphane, s’entretient régulièrement avec Gideon, nimbant de surréalisme un récit par ailleurs extrêmement réaliste. Plus l’intrigue se noue, plus les frontières entre le monde réel et l’au-delà fantasmé deviennent poreuses, jusqu’à l’infarctus inévitable de Gideon. Au lieu de se désamorcer mutuellement, les deux  facettes du film s’enrichissent et se renforcent davantage. Lorsque les séquences chirurgicales douloureuses s’alternent avec des chorégraphies enjouées situées dans un purgatoire volontairement kitsch, c’est toute l’absurdité et la dérision de l’existence qui s’exposent à l’écran. Palme d’Or en 1980 (ex-æquo avec Kagemusha d’Akira Kurosawa), Que le spectacle commence est également récipiendaire de quatre Oscars, et n’en finit plus de nous émerveiller en se parant au fil des ans d’une patine irrésistible.

 

© Gilles Penso 

Partagez cet article

SUPER 8 (2011)

J.J. Abrams rend hommage aux productions Amblin des années 80 à travers ce film de monstre produit justement par Steven Spielberg

SUPER 8

2011 – USA

Réalisé par J.J. Abrams

Avec Kyle Chandler, Elle Fanning, Amanda Michalka, Ron Eldard, Noah Emmerich, Joel Courtney, Riley Griffiths, Ryan Lee

THEMA EXTRA-TERRESTRES

Dès son titre, Super 8 annonce la couleur : nous allons voyager dans le temps. Effectivement, lorsque le logo d’Amblin emplit l’écran Cinémascope, soutenu par une partition emphatique et aérienne, nous voilà revenus au début des années 80, à l’époque où Steven Spielberg réalisait et produisait des contes pour adolescents emplis de monstres et de merveilles. La référence à l’époque glorieuse de Gremlins Retour vers le futur ou Le Secret de la pyramide est pleinement assumée par J.J. Abrams, qui a grandi devant ces films bien avant de devenir l’instigateur des séries Alias et Lost, puis d’offrir un nouveau souffle aux sagas Mission Impossible et Star Trek. Officiellement parrainé par le réalisateur d’E.T., il lui déclare ici son amour cinéphilique sans jamais tomber dans le travers de l’imitation servile ou du clin d’œil appuyé. Car Super 8 possède sa propre personnalité et puise de toute évidence une grande partie de son inspiration dans les souvenirs d’enfance du cinéaste.

Nous sommes en 1979, à la fin de l’année scolaire, dans une bourgade tranquille de l’Ohio. Un petit groupe de teenagers, qui tourne un film d’horreur en super 8 sous l’influence du Zombie de George Romero, est témoin d’une catastrophe ferroviaire extrêmement spectaculaire. Suite à cet accident, les gens de la ville commencent à disparaître et les phénomènes étranges se multiplient. Tandis que l’armée commence à investir les lieux et que la police semble impuissante, nos jeunes héros semblent les seuls à pouvoir découvrir la vérité… Si la plupart des figures imposées du genre semblent au rendez-vous, J.J. Abrams slalome habilement entre tous les clichés semés sur sa route, refusant l’archétype et la caricature (façon Les Goonies) au profit d’une construction dramatique solide et de protagonistes extrêmement touchants. Les séquences d’action ébouriffantes (le crash du train est un morceau d’anthologie qui fera probablement date) ne prennent donc jamais le pas sur les personnages, véhicules d’humour, de tendresse et d’émotion. 

En état de grâce

Super 8 s’affirme du coup comme un véritable exercice d’équilibrisme, à mi-chemin entre la nostalgie sincère (ceux qui ont connu les joies et les frustrations des courts-métrages en 8 mm verront leurs souvenirs ravivés), la quête permanente d’originalité (le scénario ne cesse de nous mener par le bout du nez jusqu’à un climax de toute beauté) et l’hommage assumé au cinéma de Steven Spielberg, dont l’ombre omniprésente semble planer sur l’ensemble du métrage. Tour à tour, Rencontres du troisième type, E.T.Les Dents de la merJurassic Park et même La Guerre des mondes y trouvent des correspondances visuelles et thématiques, tandis que la somptueuse bande originale écrite par Michael Giacchino paie son tribut aux symphonies de John Williams. Pour autant, Abrams conserve le style qui lui est propre, tant dans l’écriture de ses dialogues que dans ses partis pris visuels (les fameux « lens flare » de Star Trek sont toujours de la partie). Voilà donc une œuvre en état de grâce, dont l’alchimie presque miraculeuse tient autant à ses auteurs qu’à sa magnifique brochette de jeunes comédiens rivalisant de justesse et de spontanéité.

 

© Gilles Penso

Partagez cet article

X-MEN LE COMMENCEMENT (2011)

Le genèse des mutants de Marvel nous est contée dans cet excellent film choral qui prend ses racines dans les tourments de la Deuxième Guerre Mondiale

X-MEN FIRST CLASS

2011 – USA

Réalisé par Matthew Vaughn

Avec James McAvoy, Michael Fassbender, Kevin Bacon, Jennifer Lawrence, Beth Goddard, Rose Byrne, Oliver Platt, Jason Flemyng

THEMA SUPER-HEROS I MUTATIONS I SAGA X-MEN I MARVEL

Avec les deux premiers X-Men, Bryan Singer avait donné un véritable coup de fouet à l’univers Marvel et aux films de super-héros. Mais les déclinaisons suivantes (un troisième opus rejeté en bloc par les fans et un X-Men Origins : Wolverine moyennement convaincant) marquaient sans conteste les limites du concept. Aussi la mise en chantier de ce X-Men : le commencement ressemblait-elle à une opération marketing de la dernière chance, empruntant prudemment la voie ouverte par d’autres préquelles à succès telles que la seconde trilogie Star Wars ou le Star Trek de J.J. Abrams. Rien de bien palpitant ne s’annonçait donc dans cette « First Class » initiée par Fox et Marvel. Et pourtant… quelle claque ! Bryan Singer, de retour aux commandes en tant qu’auteur et producteur, et Matthew Vaughn, passé derrière la caméra après avoir largement fait ses preuves grâce à Stardust et Kick-Ass, reprennent les choses en main avec une virtuosité qui confine au génie. En quelques minutes, X-Men : le commencement s’impose ainsi comme le meilleur épisode de la saga, articulant sa narration autour du droit à la différence, clef de voûte thématique de l’univers des X-Men tel qu’il fut imaginé par Stan Lee et Jack Kirby.

Et pour traiter frontalement l’intolérance, le racisme et la marginalisation, l’arc narratif du film s’étend entre deux points historiques cruciaux : la seconde guerre mondiale et la crise des missiles cubains. Avec une audace scénaristique époustouflante, le quatrième long-métrage de Matthew Vaughn s’ouvre sur le prologue du premier X-Men et le prolonge. Le jeune Eric Lehnsherr, prisonnier des camps de la mort nazis, y révèle des pouvoirs paranormaux qui attisent l’intérêt du professeur Shaw. Un traumatisme violent ne tarde pas à le frapper, creusant les stigmates de sa future personnalité et amorçant une dévorante soif de vengeance. Lorsque nous retrouvons Eric dans les années 60, c’est un homme extrêmement déterminé, maîtrisant désormais ses capacités télékinétiques. Glacial et charismatique comme le James Bond incarné par Sean Connery à l’aube de swinging sixties, il s’impose comme le protagoniste le plus complexe et le plus passionnant du film, révélant au passage l’immense talent de son interprète Michael Fassbender.

Un tour de force vertigineux

A ses côtés, James McAvoy et Kevin Bacon excellent dans les rôles respectifs du jeune Charles Xavier et du redoutable Simon Shaw. Aucun des personnages secondaires n’est d’ailleurs laissé au hasard, chaque sous-intrigue se nouant et se dénouant au fil d’un récit vertigineux qui mue les mutants en acteurs majeurs d’un conflit réel dont chacun connaît l’issue – et qui génère pourtant un suspense affolant au cours d’un climax excessivement tendu. Survolté dans ses séquences d’action palpitantes, paré d’une violence brute qui sait éviter toute complaisance, profondément touchant dans l’appréhension du mal-être de ses protagonistes en marge, X-Men : le commencement est un véritable tour de force qui sait remplir toutes les conditions de son cahier des charges (amorcer une nouvelle trilogie qui respecte les codes déjà établis, abreuver les fans de références et des clins d’œil) sans jamais perdre sa personnalité et sa singularité.

 

© Gilles Penso

Partagez cet article

THOR (2011)

Le dieu du tonnerre de l'univers Marvel passe assez mal le cap du grand écran, malgré le charisme indiscutable de Chris Emsworth

THOR

2011 – USA

Réalisé par Kenneth Branagh

Avec Chris Emsworth, Natalie Portman, Anthony Hopkins, Tom Hiddleston, Stellan Skarsgard, Ray Stevenson, Idris Elba

THEMA SUPER-HEROS I SAGA THOR I AVENGERS I MARVEL

En 1962, Stan Lee a déjà créé quelques-uns des super-héros les plus populaires de tous les temps : les Quatre Fantastiques, l’incroyable Hulk et Spider-Man. Mû par la volonté d’enrichir son écurie de justiciers surhumains et de varier les plaisirs, il se réapproprie alors le Thor de la mythologie nordique, un choix qui sied à merveille au style sublimement excessif du dessinateur Jack Kirby mais n’est pas sans écueils scénaristiques. Comment propulser un demi-dieu viking dans une cité du vingtième siècle sans sombrer dans le ridicule ? Sur le papier, Lee et Kirby rivalisent d’inventivité pour que l’alchimie fonctionne. A l’écran, c’est une autre paire de manches, comme en témoigne l’apparition anecdotique – et plutôt ridicule – de Thor dans le téléfilm Le Retour de l’incroyable Hulk en 1989. Mais depuis les succès d’Iron Man et de L’Incroyable Hulk, produits directement par le studio Marvel, une idée mégalomane s’est mise en place dans l’esprit des dirigeants de cette jeune major : consacrer au moins un long-métrage à chacun des membres fondateurs de l’équipe des Vengeurs (autrement dit Iron Man et Hulk mais aussi Captain America, Thor et Ant-Man) afin de les réunir ensuite dans un film choral. L’idée est séduisante, d’autant que les Vengeurs ont fait les belles heures du Marvel Comic Group. Revers de la médaille : les films en question risquent de s’apparenter d’avantage à des produits marketings qu’à de véritables projets cinématographiques. C’est en effet le problème majeur de Thor.

Le scénario, qui raconte le bannissement du héros sur Terre par son père Odin suite à son insubordination, l’amour qu’il voue à la mortelle Jane Foster, puis son affrontement avec le vil Loki, n’en finit plus de construire les prémisses d’une potentielle très grande aventure. Laquelle ne nous sera hélas jamais narrée. Car au moment où Thor devient enfin le super-héros que nous attendions, le film s’achève brutalement. Une frustration intense se dégage donc de ce demi-récit, conçu à la manière du pilote d’une série télévisée. Second problème du film : ses partis pris visuels. Certes, certains panoramas du royaume d’Asgard s’avèrent grandioses, fidèles en tout point aux dessins de Kirby. Mais la profusion de prises de vues acrobatiques slalomant au beau milieu de panoramas en images de synthèse criardes témoigne de fautes de goût assez flagrantes.

Jack Kirby en image de synthèse

Tout le budget semble être passé dans cette indigestion d’effets visuels, car lorsqu’il s’agit de mettre en scène la population – qu’elle soit viking ou américaine – celle-ci se limite généralement à une demi-douzaine de figurants tassés dans un coin de décor. On le voit, Thor n’est pas exempt de défauts. Pourtant, il faut reconnaître que le film de Branagh demeure très divertissant, notamment grâce à son casting. Au-delà des présences toujours réjouissantes de Natalie Portman et Anthony Hopkins, on saluera surtout les performances de Chris Emsworth et Tom Hiddleston, véritables révélations dans les rôles respectifs de Thor et de Loki. Quant aux amateurs de créatures fantastiques, ils s’extasieront face aux exactions courtes mais spectaculaires du Devastateur, une sorte de robot d’un autre âge détruisant tout sur son passage via un rayon annihilateur digne du Gort du Jour où la Terre s’arrêta.

 

© Gilles Penso

 

Pour en savoir plus

Partagez cet article

SCREAM 4 (2011)

Cette séquelle tardive de Scream 3 est surtout un remake non avoué du premier opus qui se complaît dans l'auto-citation

SCREAM 4

2011 – USA

Réalisé par Wes Craven

Avec Neve Campbell, Courteney Cox, David Arquette, Emma Roberts, Hayden Panettiere, Mary McDonnell, Rory Culkin

THEMA TUEURS I SAGA SCREAM I WES CRAVEN

A partir du milieu des années 2000, Wes Craven a surtout fait parler de lui à travers les remakes qui furent consacrés à quelques-uns de ses films les plus célèbres : La Colline a des yeux, La Dernière maison sur la gauche, Freddy : les griffes de la nuit… Lorsque lui-même repassa derrière la caméra pour diriger My Soul to Take, il passa totalement inaperçu. L’équation était donc simple : pour s’attirer à nouveau les faveurs du public, Craven devait capitaliser sur l’un de ses succès précédents. D’où ce Scream 4 qui se veut à la fois séquelle tardive (douze ans après le médiocre Scream 3) et remake du premier Scream, puisque la quasi-intégralité des péripéties du « classique » original sont servilement reproduites. Le prétexte scénaristique ? Les événements sanglants survenus en 1996 à Hillsboro ont inspiré une série de films d’horreurs baptisés « Stab », et le tueur est ici un nouveau cinéphile psychopathe qui décide d’imiter les exactions de celui du premier film. L’idée d’un « copycat » influencé par un tueur de fiction lui-même inspiré d’un assassin réel pousse le concept de mise en abîme assez loin. Ce qui nous donne droit à un prologue très drôle au cours duquel les films dans le film s’emboîtent les uns les autres, en un exercice auto-parodique assez vertigineux.

Le problème est que dès que nous entrons de plain-pied dans le « vrai » film, les protagonistes s’avèrent aussi stéréotypés et les situations aussi improbables que dans les « Stab » dont ils sont censés se moquer. Car le défaut majeur du scénariste Kevin Williamson, notamment apparent dans The Faculty de Robert Rodriguez, est qu’il se complaît souvent dans sa cinéphile compulsive et son approche au second degré sans pour autant parvenir à éviter lui-même les clichés qu’il dénonce. Or citer des centaines de titres de films d’horreur et en démonter savamment tous les mécanismes n’excuse aucunement un scénario aussi peu innovant. Les péripéties de Scream 4 s’avèrent si prévisibles et les réactions des héros tellement grotesques qu’on se croirait presque dans un Scary Movie !

« Fuck Bruce Willis ! »

Et plus le film nous assène ses réflexions érudites sur les films d’horreur, plus le scénario nous afflige par sa paresse et son laxisme. D’autant que Wes Craven semble avoir perdu la main dans le domaine de la mise en scène de purs moments d’épouvante. Le savoir-faire de l’auteur des Griffes de la nuit et de L’Emprise des ténèbres brille ici par son absence. Rien ne fait vraiment peur dans ce Scream 4, dont la médiocrité formelle se double d’un nombrilisme hallucinant (ici, la référence absolue en matière de slasher n’est plus Halloween mais Scream) et d’une condescendance agaçante vis-à-vis du cinéma de genre. Les nombreux conflits survenus pendant la confection du film (notamment le départ précipité de Kevin Williamson en cours de tournage) n’ont probablement pas joué en sa faveur. Mais on espérait tout de même autre chose que cet exercice pédant truffé de répliques référentielles complètement à côté de la plaque (la palme revient à cet improbable « Fuck Bruce Willis ! »). La révélation finale relance tardivement l’intérêt, mais hélas les ultimes rebondissements font à nouveau sombrer le métrage dans le Vaudeville poussif.

© Gilles Penso

À découvrir dans le même genre…

 

Partagez cet article

SUCKER PUNCH (2011)

Zack Snyder nous offre une œuvre atypique, onirique et envoûtante qui rend hommage à toutes les facettes du cinéma fantastique et de science-fiction

SUCKER PUNCH

2011 – USA

Réalisé par Zack Snyder

Avec Emily Browning, Abbie Cornish, Jena Malone, Vanessa Hudgens, Jamie Chung, Oscar Isaac, Carla Gugino, Scott Glenn

THEMA RÊVES I ZOMBIES I HEROIC FANTASY I DRAGONS I ROBOTS

Zack Snyder n’a peur de rien, pas même de mettre sa carrière en danger via un projet échappant à toutes les normes établies à Hollywood. L’Armée des morts, 300 et Watchmen étaient déjà des paris risqués, mais Sucker Punch les bat à plate couture dans ce domaine, tant le concept même s’avère casse-gueule. Au lieu de s’appuyer sur un film l’ayant précédé ou sur un roman graphique, Zack Snyder ne se repose ici que sur sa propre imagination et s’intéresse à une jeune fille internée de force dans un hôpital psychiatrique par un beau-père abusif. L’intrigue se situe quelques décennies en arrière, à l’époque où le traitement des malades mentaux se soldait par des méthodes radicales telles que la lobotomie. Et c’est le sort qui attend inéluctablement notre triste protagoniste. Pour échapper à cette réalité atroce, elle s’évade dans un monde parallèle qui n’est que le reflet déformé de son environnement. L’hôpital se transforme alors en un établissement étrange à mi-chemin entre le club de danse et la maison close, les infirmiers se muent en proxénètes mafieux et la psychiatre en chef devient une mère maquerelle / professeur de danse. Dans cet univers onirique, la jeune fille se fait appeler Babydoll et prépare un plan d’évasion imparable. Là, un second niveau de réalité virtuelle vient s’imbriquer au premier et nous fait basculer dans le fantastique le plus débridé…

Si Sucker Punch s’avère difficile à résumer, c’est sans doute parce qu’il s’affranchit souvent du langage parlé au profit d’une grammaire purement cinématographique. La prodigieuse séquence d’ouverture en témoigne. Dénuée de dialogue, purement visuelle, elle nous ramène aux grandes heures d’un cinéma expressif qui savait faire parler les plans au lieu des acteurs, celui d’Alfred Hitchcock et d’Orson Welles. Mais Snyder brise volontairement cette cohérence narrative lorsque son héroïne danse pour détourner l’attention de ses oppresseurs. Là, Babydoll et ses compagnes d’infortune basculent dans d’autres mondes qui semblent empruntés à l’imaginaire d’un petit garçon des années 2000. La musique appuie l’effet anachronique, à travers des reprises de tubes des Beatles, d’Eurythmics, de Bryan Ferry, d’Iggy Pop ou de Queen.

Samouraïs, robots, trolls, zombies et dragons

Quant à l’imagerie sollicitée, elle puise tous azimuts dans le fantastique et la science-fiction les plus débridés : samouraïs colossaux, robot géant, zombies nazis, dragons cracheurs de feu, trolls enragés, armada d’androïdes s’animent ainsi sous nos yeux ébahis, au sein de titanesques séquences de bataille dont l’indéniable générosité est quelque peu gâchée par un traitement tout numérique et des chorégraphies excessives qui se réfèrent trop frontalement à l’univers des jeux vidéo. Là où Peter Jackson, avec Lovely Bones, s’efforçait de visualiser le parcours onirique d’une adolescente des années 70, Snyder fait fi de toute logique en plaquant ses propres fantasmes ludico-guerriers dans le cerveau de Babydoll. Le résultat est parfaitement déstabilisant, mais aussi extrêmement touchant. Car derrière les créatures imaginaires se dissimulent des monstres humains qui détruisent peu à peu la vie, la virginité et les rêves d’une jeune fille dont la seule échappatoire demeure l’imagination…

 

© Gilles Penso

Partagez cet article

LA FEMME REPTILE (1966)

Le studio Hammer diversifie son bestiaire en projetant sur les écrans les méfaits d'un monstre reptilien inédit

THE REPTILE

1966 – GB

Réalisé par John Gilling

Avec Ray Barrett, Jacqueline Pearce, Jennifer Daniel, Noel Willman, Michael Ripper, John Laurie, Marne Maitland

THEMA REPTILES ET VOLATILES

Dans la mouvance de La Gorgone de Terence Fisher, dont il écrivit le scénario, John Gilling nous propose les forfaits d’une nouvelle femme-serpent, à l’occasion de ce film curieux tourné quasiment en même temps que L’Invasion des Morts-Vivants et dans les mêmes décors. L’intention est visiblement de varier les plaisirs en diversifiant le bestiaire classique de la Hammer, déjà gorgé à outrance de vampires, de monstres de Frankenstein et de loups-garous. L’intrigue se situe dans un village des Cornouailles, où une succession de morts mystérieuses s’accumule sans répit. Chaque victime est retrouvé figée, le visage embruni et l’écume au lèvre, comme si elle avait été victime d’une attaque. Superstitieux, les villageois enterrent en silence chaque trépassé, persuadés d’être victimes d’une malédiction immémoriale. La dernière victime en date est Charles Spalding, qui lègue une mignonne maison de campagne à son frère Harry. Celui-ci se rend donc dans le petit village, en compagnie de son épouse Valerie, et s’y installe sous l’œil mauvais des habitants qui, de toute évidence, n’apprécient guère les étrangers. En découvrant le cadavre d’un vagabond, Harry et Valerie sont confrontés de plein fouet à la fameuse malédiction, et décident d’enquêter. Leurs investigations les mènent jusqu’à la vaste demeure du docteur Franklyn, qui vit avec sa fille Anna et un étrange serviteur au sourire inquiétant…

L’atmosphère mystérieuse du film est son atout majeur, car cette Femme Reptile souffre par ailleurs d’une mise en scène théâtrale, d’un scénario qui se traîne et d’un casting bien fade, à l’exception peut-être de Noel Willman, qui semble marcher sur les traces de Christopher Lee en campant l’étrange docteur Franklyn. La clef de l’énigme est des plus insolites, donnant une explication pseudo-rationnelle aux méfaits de la femme-cobra en puisant ses origines auprès de peuplades primitives de Malaisie. Le principe de la créature qui plante régulièrement ses crocs envenimés dans la gorge de tous ceux qui s’aventurent chez elle, qui n’est finalement qu’une variante du vampirisme décliné maintes fois par les studios Hammer, est visualisé par un maquillage outrancier qui tire son efficacité de la furtivité de ses apparitions.

L'incontournable brasier final

Car malgré son imagination et ses bonnes intentions (ici, il s’et même efforcé de mouler la peau d’un vrai cobra pour réaliser ses prothèses), Roy Ashton, maquilleur attitré des films d’horreur estampillés Hammer, n’a jamais fait dans la dentelle, ses  créations souffrant systématiquement de la comparaison avec celles du grand Jack Pierce, concepteur visuel des monstres mythiques d’Universal. Comme il se doit, La Femme Reptile s’achève par un grand incendie salvateur et purificateur, au sein d’un climax qu’on aurait espéré plus imaginatif et moins expéditif. L’œuvre demeure donc mineure, mais elle témoigne de l’inépuisable imagination d’une petite famille de cinéastes britanniques s’étant efforcés au fil des ans de satisfaire les amateurs d’horreur en tout genre.

 

© Gilles Penso

Partagez cet article

L’INVASION DES MORTS-VIVANTS (1966)

Deux ans avant La Nuit des morts-vivants, la Hammer plaçait déjà les zombies sous le feu des projecteurs

PLAGUE OF THE ZOMBIES

1966 – GB

Réalisé par John Gilling

Avec Andre Morell, Diane Clare, John Carson, Brook Williams, Jacqueline Pearce, Alexander Davion, Michael Ripper

THEMA ZOMBIES

Les zombies étaient les rares monstres du répertoire classique à ne pas avoir été relookés par les studios Hammer au milieu des années 60. Cette lacune fut magistralement corrigée grâce à L’Invasion des Morts-Vivants, puisant certaines de ses idées scénaristiques dans Les Morts-Vivants de Victor Halperin, et assurant la transition entre les vieux films de zombie (époque Lugosi, Karloff et Carradine) et ceux de la nouvelle génération (La Nuit des Morts-Vivants allait crever l’écran à peine deux ans plus tard). Comme souvent chez la Hammer, l’intrigue se situe dans un village des Cornouailles, où les morts mystérieuses s’accumulent, au grand dam des habitants superstitieux. Mis au courant par Peter Tompson (Brook Williams), son ancien élève en médecine devenu depuis le docteur du village, Sir James Forbes (André Morell) se rend sur place en compagnie de sa fille Sylvia (Diane Clare), et entreprend de mener l’enquête. Lorsqu’Alice (Jacqueline Pearce), l’épouse de Peter, succombe à son tour, les investigations de Forbes le mènent jusqu’à Clive Hamilton (John Carson), un mystérieux châtelain qui semble se livrer à d’étranges activités. Si L’Invasion des Morts-Vivants présente tant de points communs avec La Femme Reptile, c’est qu’il a été tourné par le même réalisateur, dans les mêmes décors, et quasi-simultanément.

Autre lien entre les deux films : Jacqueline Pearce, interprète de la fameuse femme-serpent, qui se retrouve ici dans la peau d’une morte-vivante décapitée d’un coup de pelle. Une séquence choc qui annonce l’un des moments forts d’Evil Dead, avec seize ans d’avance. Visiblement, John Gilling est bien plus inspiré ici que sur La Femme Reptile, soignant sa mise en scène, peaufinant son montage, et dirigeant avec minutie son casting, dominé par le fort charismatique André Morell (le docteur Watson du Chien des Baskerville et le héros de la série télévisée Quatermass). Le script rattache naturellement ici le thème du zombie aux cérémonies vaudou, lesquelles sont dirigées par le sinistre Clive Hamilton dans le but de créer une armée d’ouvriers travaillant inlassablement dans une mine qu’il a achetée.

Vision de cauchemar

Les monstres eux-mêmes, blafards, les veines apparentes, les yeux blancs, le cheveu hirsute, sont probablement l’une des plus grandes réussites du maquilleur Roy Ashton, plus efficace et pointilleux qu’à l’accoutumée. Chacune de leurs apparitions est un grand moment d’épouvante, notamment une mémorable séquence onirique au cours de laquelle des dizaines de zombies émergent de leur tombe et encerclent lentement le pauvre docteur Tompson, une vision de cauchemar qui trouvera un écho horrifique quelques années plus tard dans les œuvres les plus mémorables de Lucio Fulci. Quant à la partition de James Bernard, elle accentue avec bonheur chaque scène de suspense, et se teinte de rythmes tribaux au moment des cérémonies vaudou qui scandent le récit. Comme toujours en pareil contexte, le film s’achève par un grand brasier purificateur, climax devenu obligatoire pour se défaire en même temps de tous les malfrats et de tous les monstres du récit.

 

© Gilles Penso

Partagez cet article

WORLD INVASION : BATTLE LOS ANGELES (2011)

Une invasion extra-terrestre soudaine transforme notre planète en terrain de guerre impitoyable

WORLD INVASION : BATTLE LOS ANGELES

2011 – USA

Réalisé par Jonathan Liebseman

Avec Aaron Eckhart, Ramon Rodriguez, Cory Hardict, Gino Anthony Pesi, Ne-Yo, James Hiroyuki Liao, Bridget Moynahan

THEMA EXTRA-TERRESTRES

S’ils témoignent d’un réel attachement pour le genre fantastique, les trois premiers longs-métrages de Jonathan Liebesman ne marqueront guère les mémoires. Nuits de terreur, Massacre à la tronçonneuse : le commencement et The Killing Room manquent en effet d’une vision personnelle, d’une ambition artistique qui les élèverait au-delà du simple exercice de style foulant sans risque les sentiers battus. Avec World Invasion : Battle Los Angeles, le cinéaste franchit donc un pas important. D’abord parce que la production lui alloue le plus gros budget de sa carrière, soit 100 millions de dollars. Ensuite – et surtout – par la nature même du projet, qui s’efforce de détourner le motif classique de l’invasion extra-terrestre pour en tirer un drame guerrier brut et réaliste. L’intrigue se met en place dans le camp Pendleton, une base militaire située à proximité de Los Angles. Le sergent Michael Nantz, responsable d’un corps de Marines, est appelé d’urgence pour riposter immédiatement à l’une des nombreuses attaques qui touchent les littoraux à travers le monde. Ce qui ressemblait de prime abord à une pluie de météorite est en réalité une colonisation en masse initiée par un ennemi armé jusqu’aux dents, bien déterminé à s’emparer de l’approvisionnement en eau de la planète. Ces agresseurs d’outre-espace semblent mixer la morphologie des Predators avec celle des aliens de District 9, tandis que leurs vaisseaux s’ornent d’étranges designs bio-organiques

De tels prémisses semblent évoquer Independence Day, mais fort heureusement World Invasion n’a pas grand-chose à voir avec l’univers de Roland Emmerich. Si l’on peut y déceler une influence, c’est plutôt du côté de La Chute du faucon noir qu’il faudrait chercher. Car avant d’être un film de science-fiction, World Invasion : Battle Los Angeles est un film de guerre, centré sur une poignée de personnages plongés dans la tourmente, filmé caméra à l’épaule à la manière d’un reportage sur le vif, et ne versant jamais dans l’icônisation à outrance. Les extra-terrestres et leur arsenal ne nous sont révélés que furtivement, à travers le regard des hommes lancés corps et âme sur le champ de bataille. Les marines eux-mêmes ne ressemblent pas aux G.I. Joe à la démarche ralentie et chaloupée dont raffole Michael Bay, mais sont des gens terriblement ordinaires.

Marines contre Aliens

Bref, la banalisation du conflit dote le film d’un impact indéniable, le rapprochant même, par sa volonté farouche de conserver le point de vue terre à terre de ses protagonistes paniqués, de la démarche de Steven Spielberg sur sa prodigieuse Guerre des mondes. Bien sûr, Liebesman, malgré la meilleure volonté du monde, n’est ni Ridley Scott, ni Spielberg, et sa mise en scène n’atteint jamais le niveau de virtuosité de tels mentors. De même, le scénario de Chris Bertolini ne parvient pas à éviter les clichés inhérents aux « films de Marines » (certaines répliques galvaudées donnent presque dans le comique involontaire), ni à offrir aux protagonistes la profondeur qu’ils méritent. Mais le spectacle demeure très immersif et emporte l’adhésion grâce à la conviction sans faille de ses comédiens, Aaron Eckhart en tête.

 

© Gilles Penso

Partagez cet article