GHOSTRIDER (2007)

Le motard à tête de mort incandescente des comics Marvel se transforme ici en clown grimaçant incarné par un Nicolas Cage en plein délire

GHOST RIDER

2007 – USA

Réalisé par Mark Steven Johnson

Avec Nicolas Cage, Wes Bentley, Eva Mendes, Matt Long, Sam Elliott, Peter Fonda, Donal Logue, Brett Cullen, Raquel Alessi

THEMA SUPER-HEROS I DIABLE ET DEMONS I SAGA MARVEL

En matière d’adaptations ratées de comic books, on pensait avoir touché le fond avec Daredevil. C’était compter sans la capacité de Mark Steven Johnson à se dépasser lui-même. Car avec Ghost Rider, le brave homme nous livre l’un des films les plus grotesques et les plus tonitruants du genre. L’idée qui consistait à porter à l’écran les aventures du cavalier fantôme de Marvel était en soi surprenante. Pourquoi s’intéresser à ce personnage anecdotique et pas spécialement populaire alors que l’usine à super-héros de Stan Lee regorgeait encore de protagonistes passionnants n’ayant pas encore connu les honneurs du grand écran ? La voix off du prologue nous annonce d’emblée que nous entrons dans un récit tiré par les cheveux, à base de cavaliers ayant vendu leur âme au diable et se chargeant au fil des siècles de récupérer les contrats signés par les damnés. Nous faisons ensuite connaissance avec Barton Blaze et son fils Johnny, deux cascadeurs à moto se produisant dans une petite fête foraine. Le jour où il apprend que son père est atteint par le cancer et condamné à court terme, Johnny est prêt à tout pour le sauver, y compris vendre son âme à Méphisto et renoncer à sa fiancée Roxanne. Mais il s’agit d’un marché de dupe, et Barton meurt peu après dans un accident de moto.

Des années plus tard, nous retrouvons Johnny, et bizarrement le jeune acteur Matt Long est alors remplacé par un Nicolas Cage qui non seulement ne lui ressemble absolument pas, mais surtout surjoue avec une outrance caricaturant ses prestations précédentes, notamment celle de Sailor et Lula, alors que Long se distinguait par la sobriété de son jeu ! A peine a-t-on le temps d’intégrer cet étrange décalage que l’absurdité du récit nous parvient enfin dans toute son ampleur. Car Johnny, désormais star de la cascade à moto, retrouve subitement Roxanne, devenue journaliste, puis Méphisto, qui le transforme toutes les nuits en Ghost Rider, un cavalier fantôme dont la tête se mue en crâne enflammé et la moto en bolide incandescent. Sa mission consiste dès lors à traquer les âmes échappées de l’enfer tout en contrant le fils du Diable, bien décidé à se révolter contre son père pour imposer sa propre vision de l’enfer…

Un cadeau empoisonné

Un jour ou l’autre, il fallait bien que Nicolas Cage incarne un super-héros. Fan de comic books au point d’emprunter le nom d’un des justiciers de Marvel, Luke Cage, (rappelons que son vrai patronyme est Coppola, comme son oncle Francis Ford), il faillit être Superman sous la direction de Tim Burton, avant que le projet n’échoue finalement dans les mains de Bryan Singer. Lot de consolation, Ghost Rider a surtout les allures d’un cadeau empoisonné. Car rien ne semble pouvoir sauver le métrage. Les dialogues y sont risibles (« tu m’as peut-être pris mon âme, mais tu ne m’as pas pris mon esprit ! »), la mise en scène digne d’un roman photo des années 70 (ah le plan des amoureux au pied du grand arbre !), le jeu des acteurs embarrassant (notamment la séquence de Cage grimaçant devant son miroir), les effets spéciaux grossiers… Finalement, force est de constater que les super-héros des comic books de notre enfance ne passent avec bonheur le cap du grand écran que lorsque de véritables auteurs les prennent à bras le corps. 

 

© Gilles Penso

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OCTAMAN (1971)

Digne d'une série B de SF des années 50, un monstre hydrocéphale mi-homme mi-pieuvre terrorise la population

OCTAMAN

1971 – USA

Réalisé par Harry Essex

Avec Kerwin Matthews, Pier Angeli, Jeff Morrow, David Essex, Jerome Guardino, Robert Warner, Norman Fields

THEMA MONSTRES MARINS

Il est généralement admis que les monstres les plus improbables et les plus grotesques de l’histoire du cinéma de science-fiction sont nés dans les années 50, berceau des Robot Monster, Invasion of the Saucer Men et autres L’Homme Alligator. Mais les seventies aussi ont su parfois s’avérer prolixes en la matière, comme le prouve cet Octaman résolument anachronique. Initiateur du projet, Harry Essex fut le scénariste de L’Étrange créature du lac noir, et on imagine que le brave homme s’efforça, avec un ou deux métros de retard, de retrouver le succès du classique de Jack Arnold. Il imagina donc un autre homme-poisson, en s’appuyant sur un postulat quelque peu daté. Kerwin Matthews, ancienne étoile montante du cinéma merveilleux des années 50/60 (Le 7ème voyage de SinbadJack le tueur de géants) cachetonne ici sans conviction dans le rôle du chef d’une petite expédition étudiant les effets des radiations sur l’eau d’une réserve naturelle.

Leur première découverte est une mignonne petite pieuvre aux yeux exorbités qui pousse d’étranges hululements, dont la peau en plastique et les déplacements gauches façon marionnette pour enfants suscitent déjà quelques pouffements de rire. Mais ce n’est qu’un amuse-gueule, car lorsque surgit enfin l’Octaman, grand-frère de la gentille bébête venu l’arracher aux mains des vils humains, les zygomatiques des spectateurs s’activent frénétiquement. Comment réagir autrement, face à cette créature humanoïde au crâne hypertrophié en forme de choux, aux orbites globuleux, à la bouche ronde garnie de dents pointues, et aux tentacules en caoutchouc qui pendouillent lamentablement pendant qu’il se déplace sur la terre ferme ? Comme s’il n’était absolument pas conscient du potentiel comique de son monstre, Harry Essex mène son film avec un premier degré imperturbable, orchestre des scènes de combats apathiques et nous livre même le cliché absolu hérité des « monster movies » des fifties : la fille évanouie transportée dans les bras de la bête.

Un costume conçu par Rick Baker

Le plus incroyable, finalement, vient du fait que ce monstre impensable ait été conçu par Rick Baker, génial créateur d’effets spéciaux de maquillage multi-oscarisé pour des œuvres telles que Le Loup-Garou de LondresEd Wood ou Men in Black. Mais au début des années 70, Baker était encore un débutant, et le budget de mille dollars mis à sa disposition ne lui permit évidemment pas de faire des miracles. « Je crois que c’est le créateur d’effets visuels Jim Danforth qui l’a recommandé aux producteurs du film Octaman parce qu’ils recherchaient quelqu’un pour fabriquer le costume du monstre », raconte le sculpteur/maquilleur/animateur Doug Beswick (Evil Dead 2, Beetlejuice). « Rick n’avait pas trop envie de prendre en charge ce travail tout seul, alors il m’a invité à le rejoindre pour faire équipe avec lui. C’était la première fois que Rick et moi travaillions sur un long métrage. » (1) Ce baptême du feu mit le pied à l’étrier des deux talentueux artistes, mais en l’état, l’homme-pieuvre d’Octaman demeure l’une des créatures les plus grotesques de l’histoire du cinéma fantastique, attraction principale d’un film qui suscite alternativement l’hilarité et l’ennui mortel.

 

(1) Propos recueillis par votre serviteur en avril 1998

 

© Gilles Penso

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EVIL DEAD (2013)

Fede Alvarez réalise un remake soigné et très efficace du classique de Sam Raimi, mais préfère à l'horreur surréaliste de son modèle des effets gore très crus

EVIL DEAD

2013 – USA

Réalisé par Fede Alvarez

Avec Jane Levy, Jessica Lucas, Shiloh Fernandez, Lou Taylor Pucci, Elizabeth Blackmore

THEMA ZOMBIES I DIABLE ET DEMONS I VEGETAUX I SAGA EVIL DEAD

La relation qu’entretiennent les amateurs de cinéma d’horreur avec Evil Dead  est souvent passionnelle. Qu’il ait été découvert sur un grand écran, une cassette VHS ou une galette numérique, le chef d’œuvre de Sam Raimi a marqué durablement les esprits, et ses deux séquelles déjantées ont depuis longtemps consolidé son statut d’objet de culte. La perspective d’un remake semblait inévitable, mais comment s’y prendre pour respecter l’œuvre originale tout en ménageant suffisamment de surprises ? Pour relever le défi, Fede Alvarez calque sa démarche sur celle de Marcus Nispel, à l’époque de sa relecture de Massacre à la tronçonneuse. Le décor reste inchangé, la nature du mal est identique, la plupart des scènes clefs sont restituées, mais les protagonistes sont différents. Ou du moins leurs relations ont-elles été complexifiées. Evil Dead cru 2013 parvient à piquer ses spectateurs au vif dès son entrée en matière. Le prologue joue habilement sur nos nerfs en optant pour un point de vue surprenant qui bouleverse les règles manichéennes habituellement établies.

Lorsque les cinq héros entrent en scène, nous comprenons qu’un lien fort les rattache à la fameuse cabane champêtre. David et Mia, dont les relations fraternelles se sont distendues au fil du temps, y ont grandi avec leurs parents, et leurs compagnons y ont partagé plusieurs escapades adolescentes. Bref, le lieu est chargé de souvenirs. Mais le séjour qui se prépare n’a rien de nostalgique. Mia est une junky invétérée, et pour l’aider à se sevrer définitivement, rien de tel qu’un isolement total en rase campagne. Les acteurs du drame étant en place, les démons peuvent préparer leur assaut. Dès lors, les figures imposées s’enchaînent : la découverte dans la cave du livre démoniaque, la caméra qui rampe entre les arbres, l’attaque de la végétation, la possession successive de chacune des jeunes filles…

Aucune limite

Fede Alvarez reprend à son compte toutes les références de son modèle (H.P. Lovecraft, George A. Romero, L’Exorciste) et les pousse à leur paroxysme, ne s’imposant aucune limite dans le domaine des séquences gore extrêmes. Si le sang coule par hectolitres, si les corps sont démembrés, si les visages se défigurent, aucune poésie surréaliste ne vient créer de distance, et les limites du soutenable sont souvent franchies. Dans le meilleur des cas, on pense à Lucio Fulci et Dario Argento, mais les démesures dictées par la double vogue des séries Saw et Hostel semblent aussi sollicitées. Résultat : ce nouvel Evil Dead fait l’effet d’un film hybride. Somptueux dans sa forme (la musique de Roque Baños rend magnifiquement hommage aux compositions originales de Jo Lo Duca, la photographie est splendide, les maquillages spéciaux incroyables), louable dans ses intentions, le film d’Alvarez se retrouve coincé par son statut de remake, alignant les passages obligatoires et d’ultimes péripéties confinant un peu au grotesque au lieu de laisser pleinement se déployer la personnalité d’un cinéaste au talent évident. La saga de Sam Raimi n’y gagne pas grand-chose, mais les amateurs d’horreur pure et dure ont de quoi y puiser quelques frissons intenses, en attendant que Fede Alvarez ne s’attaque à un projet qu’on espère plus personnel.

 

© Gilles Penso

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LES BANLIEUSARDS (1989)

A mi-chemin entre Hitchcock et Spielberg, Joe Dante installe l'étrangeté dans le cadre familier d'une banlieue américaine

THE BURBS

1989 – USA

Réalisé par Joe Dante

Avec Tom Hanks, Bruce Dern, Carrie Fisher, Rick Ducommun, Corey Feldman, Wendy Schaal, Henry Gibson, Brother Theodore

THEMA TUEURS

The Burbs fait partie des œuvres méconnues de Joe Dante, personnalité définitivement hors norme dans la jungle d’Hollywood. Tourné entre L’Aventure intérieure et Gremlins 2, le film choisit pour cadre unique un banal quartier de la banlieue américaine (the suburbs). Ray Peterson (Tom Hanks dans sa période comique), monsieur-tout-le-monde en quête de détente, entend bien profiter de sa semaine de vacances pour ne pas quitter ses chaussons et bricoler à la maison. C’est compter sans l’arrivée de curieux et très secrets voisins étrangers, les Klopek, qu’il soupçonne rapidement d’être des meurtriers sanguinaires. Aidé par deux autres résidents du quartier, il va tenter de les démasquer au péril de sa vie, et de son précieux farniente…

Le lieu de l’action, les protagonistes, l’atmosphère bon enfant mâtinée de mystère, tout évoque les divines productions Amblin de Steven Spielberg. Dante choisit cependant de ne pas donner le rôle des investigateurs à des enfants comme dans Explorers ou E.T., mais à des adultes (qui se comportent néanmoins comme des adolescents attardés en quête de sensations fortes, nous y reviendrons). Choix orienté puisque le but affiché ici est, sous couvert de la comédie loufoque, de condamner l’Américain moyen protectionniste et gentiment xénophobe qui voit forcément d’un œil mauvais l’arrivée de l’Etranger sur son territoire, et se battra bec et ongles (quitte à perdre, au choix, la face ou la raison) pour défendre ses biens. Les références au western (Leone et Morricone sont cités au détour d’un gag) et au film de guerre (Jerry Goldsmith reprend avec malice son propre thème de Patton et le personnage de Bruce Dern est un vétéran du Vietnam) sont donc tout sauf gratuites.

Léger et parodique, puis soudain inquiétant et gothique

Partant d’un scénario et de ressorts dramatiques à la Fenêtre sur cour, le film ne cesse d’intriguer, tour à tour léger et parodique, puis soudain inquiétant et gothique, rendant majestueusement hommage à la Hammer via cette famille Klopek sortie tout droit d’un Terence Fisher ou, par extension, de Frankenstein Junior. Qui plus est, un réel suspense est entretenu jusqu’au bout sur la nature des véritables agissements des voisins infernaux. La force du réalisateur est d’utiliser des personnages archétypaux (le héros sympathiquement puéril, l’épouse aimante et maternelle, le voisin/copain crétin à mauvaise influence…) et de les caricaturer sans les juger pour autant, car même s’il les malmène tel un entomologiste au profit d’une démonstration idéologique cinglante, il conserve une indéfectible tendresse à leur égard. La plupart des personnages principaux de la filmographie de Dante sont issus de la middle class américaine, fourmis broyées par le consumérisme et les valeurs imposées qui vivent des aventures extraordinaires en désirant simplement briser une routine sclérosante. Le personnage de Tom Hanks s’ennuie et rêve d’une énigme à résoudre (même si elle perturbe grandement son ordre établi), Jack Putter (L’Aventure intérieure) travaille au supermarché et veut partir en voyage lorsqu’il tombe en plein scénario d’espionnage, Billy Peltzer (Gremlins), dessinateur naïf, se voit offrir un animal fantasmagorique par son père et déclenche une invasion de monstres… Au-delà de la critique des grandes erreurs humaines (Piranhas, Small Soldiers, et plus récemment The Hole et sa violence parentale), les carcans symboliques et familiaux ne demandent qu’à imploser face à la curiosité et à l’imaginaire que nous oublions tous progressivement, enfouis sous le poids de nos responsabilités d’adultes. Là où John Carpenter et Wes Craven se sont fait déborder par le cynisme, Joe Dante, lui, n’a visiblement jamais oublié.

 

© Julien Cassarino

 

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SIXIEME SENS (1999)

Le film qui a révélé M. Night Shyamalan, qui a relancé la carrière de Bruce Willis et qui a redonné ses lettres de noblesses aux films de fantômes

THE SIXTH SENSE

1999 – USA

Réalisé par M. Night Shyamalan

Avec Bruce Willis, Haley Joel Osment, Toni Collette, Olivia Williams, Mischa Barton, M. Night Shyamalan 

THEMA FANTÔMES I SAGA M. NIGHT SHYAMALAN

Ceux qui pensaient avoir tout vu en matière d’histoires de fantômes ont subi un véritable électrochoc face à ce Sixième Sens. Son auteur réalisateur, M. Night Shyamalan, un Américain d’origine indienne alors parfaitement inconnu du grand public, s’est ainsi retrouvé propulsé sur le devant de la scène. Le secret du succès de Sixième Sens réside sans conteste dans son scénario en béton armé, suffisamment efficace sur le papier pour avoir séduit une star de la trempe de Bruce Willis et un studio tel que Disney. Le pitch utilisé à l’époque par Shyamalan pour définir son film était pour le moins intriguant : un croisement entre L’Exorciste de William Friedkin et Des Gens comme les autres de Robert Redford ! Le docteur Malcolm Crowe, psychologue pour enfants, est hanté par son échec vis-à-vis d’un jeune patient perturbé qu’il n’a pas réussi à aider. Lorsqu’il rencontre Cole Sear, un garçon de huit ans aux mêmes symptômes, il se promet de tout faire pour l’aider. Mais le secret de Cole est terrible : son imaginaire est visité par des fantômes inquiétants. La recherche d’une explication rationnelle guidera l’enfant et le thérapeute vers une vérité foudroyante…

Toute la force du film réside dans le sérieux et le naturalisme avec lesquels sont traités les revenants et les perceptions extrasensorielles de Cole. Loin des canons hollywoodiens, la mise en scène de Shyamalan évacue les effets de style voyants, les trucages spectaculaires et les images léchées pour proposer une approche minimaliste, presque crue. Le film prend son temps pour installer son atmosphère, les comédiens jouent tout en nuances, et les séquences de terreur pure n’en sont que plus éprouvantes. Car en plongeant le spectateur dans le regard du jeune protagoniste, et en dirigeant l’étonnant Haley Joel Osment avec justesse et finesse, Shyamalan retranscrit comme personne sur son écran l’impact de nos frayeurs enfantines. Il faut remonter jusqu’à Poltergeist pour en trouver un équivalent substantiel. Sixième Sens rend d’ailleurs un hommage direct à la ghost story de Tobe Hooper et Steven Spielberg en reproduisant assez fidèlement la séquence des chaises soudain empilées sur la table, ici remplacées par des tiroirs et des placards dans une cuisine. 

Un vertigineux coup de théâtre

Le film de Shyamalan doit également une grande part de sa popularité à son dénouement choc, conçu comme un vertigineux coup de théâtre replaçant l’intégralité du récit sous une perspective inattendue. L’impact de cette chute nous ramène carrément à celles de  Psychose, de La Planète des singes, ou de l’injustement méconnu Réincarnations. Ainsi, une seconde vision du film permet de vérifier à quel point et avec quelle minutie nous avons été manipulés d’un bout à l’autre de l’intrigue. Sans doute ce penchant pour le « twist ending » est-il en partie hérité de La Quatrième dimension. « J’adore cette série », confirme le cinéaste. « C’est l’une des choses les plus marquantes et les plus importantes que j’ai pu voir en tant que spectateur pendant ma jeunesse. La Quatrième dimension a forcément eu une influence énorme sur moi et sur mon travail. Parfois ce n’est pas conscient. Mais il est évident que cette série m’a changé. » (1)  Sixième Sens relancera la vogue du film de fantômes « sérieux », traînant dans son sillage des œuvres comme Hypnose, ApparencesIntuitionsLes Autres ou  Gothika. Shyamalan, quant à lui, poursuivra dans une veine similaire, sans toutefois retrouver l’inspiration et le degré de qualité de cette œuvre exceptionnelle, qui coûta cinquante-cinq millions de dollars et en rapporta près de trois cents. 

 

(1) Propos recueillis par votre serviteur en septembre 2015

 

© Gilles Penso

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L’ENFANT DU DIABLE (1980)

George C. Scott prête sa silhouette massive, son visage buriné et son regard triste à cette inquiétante histoire de fantôme

THE CHANGELING

1980 – CANADA

Réalisé par Peter Medak

Avec George C. Scott, Trish Van Devere, Melvyn Douglas, Jean Marsh, John Colicos, Barry Morse, Madeleine Sherwood

THEMA FANTÔMES

Produit dans la foulée d’AmityvilleL’Enfant du Diable n’en possède pas moins une personnalité qui lui est propre, et nous sommes largement enclins à préférer le film de Peter Medak au « classique » de Stuart Rosenberg souvent surestimé. Ici aussi, un fait-divers (survenu à Denver dans les années 60) est à l’origine du scénario de William Gray et Dana Maddox. Après avoir assisté à l’accident qui a coûté la vie à sa femme et à sa fille, le compositeur John Russel (George C. Scott) quitte New York pour Seatlle, où il pourra exercer son métier de professeur de musique et chercher l’inspiration pour écrire de nouveaux morceaux. L’imposante maison qu’il loue a appartenu à la famille Carmichael dont le dernier descendant est le vénérable sénateur local (Melvyn Douglas). Elle est inhabitée depuis cinquante ans et présumée hantée. Des bruits étranges s’y font régulièrement entendre, les robinets y coulent sans raison, les vitres se brisent, et John commence à s’inquiéter sérieusement.

« Cette maison n’est pas faite pour être habitée… Elle ne veut pas être habitée » s’entend-il dire par une vieille excentrique du coin, Minnie Huxley (Ruth Springford). Mais John est persuadé du contraire. S’il ne nie pas une présence étrange dans la maison, elle cherche selon lui à communiquer désespérément et non à fuir les vivants. Il en veut pour preuve la vieille boîte à musique qu’il découvre et qui joue exactement la même mélodie que celle qu’il croyait avoir composée quelques jours plus tôt sous le coup d’une inspiration soudaine. Mais qui donc est ce fantôme ? « C’est la présence d’un enfant qui n’est pas en paix » décrète une voyante au cours d’une séance de spiritisme qui révèle son nom : Joseph, un petit garçon qui crie à l’aide cinquante ans après sa mort.

L'enfant remplacé

Si L’Enfant du Diable est un titre trompeur qui pourrait laisser imaginer une histoire d’antéchrist dans l’esprit de La Malédiction, il n’en demeure pas moins justifié d’une certaine manière, par les faits tragiques survenus en 1909 que le réalisateur nous assène à travers un flash-back sans concession. Un infanticide est toujours éprouvant à l’écran, mais celui-ci s’avère particulièrement brutal. Bouleversé par ce qu’il découvre, John mène l’enquête et met à jour une incroyable machination qui justifie le titre original : The Changeling, autrement dit « l’enfant remplacé ». Tout en finesse, à fleur de peau, George C. Scott est impeccable, comme à son habitude, et porte une grande partie du film sur ses larges épaules. En adéquation avec le jeu de son acteur principal, le réalisateur Peter Medak, dont ce sera l’un des rares coups d’éclat au milieu d’une filmographie un peu erratique (Romeo is BleedingLa Mutante 2), signe une mise en scène très inspirée, appuyant souvent ses effets sur la très belle bande originale de Rick Wilkins, un compositeur discret d’ordinaire habitué au petit écran. Ainsi, par touches successives, L’Enfant du Diable parvient à bâtir un climat oppressant, s’avérant même capable d’effrayer les spectateurs avec un simple fauteuil roulant… Jusqu’à un climax apocalyptique, une espèce de « Chute de la Maison Charmichael » pour le moins spectaculaire.

 

© Gilles Penso

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HIDDEN (1987)

Avec cette course-poursuite contre un alien qui voyage d'un corps humain à l'autre, Jack Sholder signe sans conteste son meilleur film

THE HIDDEN

1987 – USA

Réalisé par Jack Sholder

Avec Kyle MacLachlan, Michael Nouri, Claudia Christian, Clarence Felder, Clu Gulager, Ed O’Ross, William Boyett 

THEMA EXTRA-TERRESTRES

Hidden ne partait pas forcément avec de bons atouts : un scénario recyclant à priori le concept de The Thing, un réalisateur tout juste sorti du médiocre La Revanche de Freddy… Qui aurait pu prédire que nous aurions affaire là à l’une des séries B de science-fiction les plus réjouissantes de la décennie ? Tout commence sur des chapeaux de roue, par le biais d’une séquence d’action hallucinante au cours de laquelle Jack de Vries (Chris Mulkey), un homme d’affaires californien apparemment sans histoire, se mue soudain en dangereux criminel. Il braque une banque sans préavis, abat froidement des gardiens, puis fonce dans un barrage de police à l’issue d’une course poursuite échevelée. Grièvement blessé après son incompréhensible odyssée criminelle, il est gardé à l’hôpital sous surveillance. Mais la nuit venue, une affreuse créature translucide surgit de son corps et s’engouffre dans la bouche de son voisin de lit, un certain Jonathan Miller (William Boyett). Aussitôt, celui-ci s’échappe de l’hôpital, adoptant un comportement aussi agressif et illogique que son prédécesseur. Tom Beck (Michael Nouri), l’inspecteur de police qui enquête sur cette affaire, se voit obligé de collaborer avec Lloyd Gallagher (Kyle MacLachlan), une jeune recrue du FBI qui semble en savoir bien plus que ce qu’il ne dit…

Avec une redoutable efficacité, Jack Sholder et son scénariste Jim Kouf placent la narration de Hidden sur deux niveaux, selon le principe éprouvé du montage parallèle. D’un côté, le spectateur suit une enquête policière empruntant la voie balisée du buddy movie, en accord avec les grands succès contemporains du genre (L’Arme fatale en tête). Michael Nouri, impeccable en vieux de la vieille à qui on ne la fait plus, est ainsi contraint de faire équipe avec un Kyle MacLachlan lunaire dont les méthodes fort peu orthodoxes annoncent le personnage mythique qu’il campera dans Twin Peaks. Quant aux scènes d’action, elles se calquent sur les thrillers musclés du moment, ne rechignant devant aucune fusillade ou poursuite automobile. De l’autre côté, les évolutions du parasite extra-terrestre sont contées avec un certain humour, dans la mesure où l’envahisseur aime les belles voitures, les jolies filles et le hard-rock (en contrepartie, il déteste la country !).

Mandibules et tentacules

La créature elle-même, qui voyage d’un corps à l’autre par voie buccale en s’inspirant quelque peu d’Alien, semble avoir été conçue pour réunir tout ce qui, dans le règne animal, provoque une répulsion viscérale : corps spongieux d’invertébré, mandibules crochues d’insecte, pattes velues de tarentule et tentacules grouillants de céphalopode ! Elle n’apparaît sous sa forme complète que dans une seule scène (qui emploie la bonne vieille animation image par image pour lui donner vie), mais cette vision est suffisamment marquante pour rester dans la mémoire du spectateur tout au long du film. L’objectif final du monstre n’est pas sans évoquer le dénouement de Dead Zone, tandis que la chute de Hidden, joliment métaphorique, s’ouvre sur une note d’espoir. En 1994, Seth Pinsker en réalisera une séquelle sans éclat, directement destinée au marché de la vidéo, qui réutilisera un bon quart d’heure d’images du film de Jack Sholder pour sa séquence d’ouverture.

 

© Gilles Penso

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SIMETIERRE (1989)

La talentueuse Mary Lambert s'empare d'un des romans les plus noirs de Stephen King et en tire un film désespérément nihiliste

PET SEMATARY

1989 – USA

Réalisé par Mary Lambert

Avec Fred Gwynne, Denise Crosby, Dale Midkiff, Brad Greenquist, Michael Lombard

THEMA ZOMBIES I ENFANTS I SAGA STEPHEN KING

L’inéluctabilité de la mort… Stephen King s’est penché sur cet obsédant sujet en 1983 avec son roman « Simetierre », qui rencontra malgré sa noirceur un grand succès. Six ans plus tard, quand vint le moment de l’adapter sur grand écran, l’écrivain, par souci de contrôle très certainement, décida de rédiger le scénario lui-même, et tint à ce qu’il soit suivi à la lettre. George A. Romero et Tom Savini furent tour à tour envisagés derrière la caméra, mais la petite nouvelle Mary Lambert (clippeuse pour Madonna ayant réalisé un seul film, Siesta, tiède ersatz Lynchien) emporta le morceau et imprima sur pellicule ce chant funèbre. La famille Creed, Louis, son épouse Rachel et leurs deux jeunes enfants, Ellie et Gage, quittent les turpitudes de Chicago pour s’installer dans le Maine. La maison est magnifique, Louis a une bonne situation, médecin à l’hôpital universitaire, son couple est solide, et leur famille unie. Très vite, le chat d’Ellie se fait écraser sur la grande route qui borde la maison, et Louis, n’osant avouer à sa fille la mort de son compagnon, décide de l’enterrer au-delà du cimetière pour animaux, bien plus loin, sur un mystérieux site indien au sol acide et rocailleux, malgré les mises en garde de leur vieux voisin qui prédit un drame. Car « il y a des états pires que la mort », et quand ce sera au tour de Gage de se faire renverser et tuer par un camion, Louis se retrouvera face à des choix cruciaux et irréversibles…

Une telle tragédie n’aurait pu souffrir une transcription timide ou un ton léger (nous sommes quand même à l’orée des années 90, et l’humour est de bon ton dans la série B). La bonne idée de King est de traiter son roman avec un sérieux imperturbable, et de ne faire l’impasse sur aucun élément sulfureux du drame des Creed : la mort de Gage (qui rappelle fortement celle de la famille de Mad Max), le suicide très cru de la voisine, l’enterrement qui tourne à l’empoignade désespérée, le fantôme au crâne béant qui suit Louis, la terrifiante sœur de Rachel rongée par la méningite, l’infanticide, le matricide… Les tabous hollywoodiens sont pulvérisés, la violence graphique et psychologique est frontale et sans retenue, et le sujet, universel, frappe au cœur. La performance des acteurs y est pour beaucoup, notamment le bouleversant Dale Midkiff, père en perdition face à la dissolution de la cellule familiale (un certain Bruce Campbell n’avait pas été retenu pour le rôle), qui provoque une forte identification et soulève nombre de questions cornéliennes. Au moment où l’enfant se retrouve confronté à la mort, faut-il le bercer de douces et rassurantes métaphores, ou bien lui expliquer l’issue logique de toute vie avec sincérité, en prenant le risque de le traumatiser ? Et si nous avions le choix de faire revenir nos morts et de corriger nos pires erreurs, quitte à y perdre la raison, que choisirions-nous ?

Un tétanisant parfum mortifère

Évidemment, la réanimation des cadavres rappelle Frankenstein, mais là où le personnage de Mary Shelley péchait par orgueil avant tout dans son désir de concurrencer Dieu, Louis (dont le métier est de sauver des vies) n’est mu que par l’amour, la culpabilité et un certain égoïsme dans le fait de ne pas vouloir laisser partir les siens, quitte à ce qu’ils soient condamnés à devenir des abominations. On pourra simplement reprocher une mise en images quelque peu « téléfilm » (mais néanmoins au service du récit et des personnages) et le morceau du générique final des Ramones (choisi par King) qui, bien que réussi, atténue quelque peu l’horreur du dernier plan par sa bonne ambiance typiquement 80’s, tranchant avec le score mystique et oppressant d’Elliot Goldenthal. Une suite vit le jour en 1992, toujours sous l’égide de Mary Lambert, cherchant visiblement à prendre le contre-pied du premier volet en jouant la carte de la surenchère et du grand-guignol rigolard. Inutile. Plus de 20 ans après, Simetierre n’a rien perdu de sa puissance émotionnelle et de son tétanisant parfum mortifère, désintégrant à chaque nouvelle vision la grande majorité des piètres tentatives actuelles dans le genre. 

 

Julien Cassarino

 

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LES AVENTURES DE JACK BURTON DANS LES GRIFFES DU MANDARIN​ (1987)

John Carpenter se fait plaisir en rendant hommage aux films de sabre asiatiques avec une totale décontraction, quitte à déconcerter son public

BIG TROUBLE IN LITTLE CHINA

1987 – USA

Réalisé par John Carpenter

Avec Kurt Russell, Kim Cattrall, Dennis Dun, James Hong, Victor Wong, Kate Burton, Donald Li, Carter Wong

THEMA SORCELLERIE ET MAGIE I SAGA JOHN CARPENTER

Chaque grand metteur en scène adoubé par un succès a décidé le temps d’un film de se faire plaisir, faisant fi de toute considération mercantile et laissant libre cours à un mélange d’influences débridé : Spielberg avec 1941, Mc Tiernan avec Last Action Hero, Dante avec Gremlins 2… Œuvres qui ont dérouté lors de leur sortie, et ont été réhabilitées avec le temps (et leurs ventes en vidéo). Les Aventures de Jack Burton… (titre français opportuniste surfant sur la vague des Indiana Jones auquel on préférera le Big Trouble in Little China d’origine) est en 1986 le film « autre » de John Carpenter, véritable récréation artistique après la commande Starman qui a lui a donné la confiance des studios. Nanti d’un bon budget, le réalisateur entend bien profiter de ce confort pour matérialiser ses idées les plus folles (les effets visuels de Richard Edlund sont majestueux) et rendre hommage au Wuxiapian, film de sabre chinois encore méconnu aux USA. Big John choisit comme action star son comédien fétiche, Kurt Russell, qui incarne avec malice un antihéros macho, grande gueule, pas très fin et surtout complètement à côté de la plaque car dépassé par une culture qu’il ne connaît et ne comprend absolument pas.

Le pauvre Jack Burton, simple camionneur américain, se retrouve ainsi propulsé dans les affres des luttes ancestrales ethniques pour aider un ami chinois à sauver sa fiancée. Carpenter choisit avec l’espièglerie qui le caractérise de faire de l’habituel sidekick étranger le véritable héros de l’histoire, qui mène la danse et gagne les combats, là où Burton, symbolisant ici clairement le public américain lambda, ne fait que subir les événements et encaisser les déculottées peu glorieuses. En découlent une série ininterrompue d’affrontements incroyables et de folles péripéties, rythmées par un humour décomplexé et dévastateur où la punchline est reine (quelle vf !) et où le ridicule le plus assumé côtoie la prouesse martiale la plus spectaculaire. Folie jubilatoire, esprit BD, références savoureuses à Tsui Hark et à la Shaw Brothers aussi bien qu’au western ou au jeu vidéo, humour potache, bad guys et créatures monstrueuses fantaisistes, esprit parodique acéré, le tout servi par le magnifique scope cher au réalisateur et par la photo léchée du grand Dean Cundey, autant d’éléments réunis pour que le plaisir du public soit total.

Un rendez-vous manqué

Et pourtant, le film ne rapporta même pas la moitié de sa mise de départ, trop avant-gardiste et métissé pour plaire au plus grand nombre, et trop tranché dans son refus d’une consensualité rassurante. Le « héros » américain se tiendra à son but de départ (retrouver son camion) et ne repartira pas avec sa belle vers le soleil couchant (« Vous allez pas l’embrasser avant de partir ? -Non »), son individualisme primaire lui tenant chaud, non sans avoir acquis au passage un certain respect vis-à-vis de l’inconnu culturel (les Chinois se voyant eux aussi gentiment brocardés sur leur sens du business à tout crin). Comme quoi le cynisme de Big John envers ses semblables laisse entrevoir un espoir de conciliation dans l’épreuve… Déçu et profondément blessé par cet « échec » (le film appelait clairement une suite), Carpenter dut quitter sa maison de production et revint immédiatement aux budgets modestes avec deux films coup de poing au format plus indépendant, Prince des ténèbres et Invasion Los Angeles, le second étant une charge très vindicative contre le libéralisme sauvage… Cependant, comme le prouve son long silence artistique brisé avec le timide et rebattu The Ward,  il semble ne jamais s’être vraiment remis de la douloureuse expérience Big trouble, pari manqué qui montre tristement que le plus souvent, même animé de toute la fougue et la générosité du monde, on ne peut espérer plaire à la masse en refusant de la brosser dans le sens du poil. Le vieux Jack Burton en tirait déjà les conséquences à l’époque, en un ultime et prophétique pied-de-nez : « Tu peux toujours tonner camarade, moi, rien ne m’étonne ».

 

© Julien Cassarino

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DREDD (2012)

Très éloignée de la version avec Sylvester Stallone, cette adaptation sans concession se rapproche de l'esprit du comic book original

DREDD

2012 – USA

Réalisé par Pete Travis

Avec Karl Urban, Olivia Thirlby, Lena Headey, Wood Harris, Domhnall Gleeson, Langley Kirkwood, Deobia Oparei

THEMA FUTUR

L’anti-héros casqué imaginé en 1977 par John Wagner et Carlos Ezquerra n’a pas été gâté par ses premiers pas sur grand écran. L’adaptation signée Danny Cannon était en effet un spectaculaire ratage, dans lequel Sylvester Stallone ôtait très vite son casque pour justifier son nom en haut de l’affiche. Cette hérésie – parmi bien d’autres – hérissa quelque peu le poil de l’auteur John Wagner. Aussi, lorsque le scénariste Alex Garland (28 Jours plus tard) le contacta pour une nouvelle adaptation du légendaire comic book, son enthousiasme demeura très mesuré. D’autant que cette fois-ci, Judge Dredd ne bénéficie plus du traitement de faveur d’un gros studio mais atterrit entre les mains d’une petite structure de production. Or c’est justement ce qui explique en grande partie la prodigieuse réussite de cette seconde chance. Avec un budget raisonnable, un réalisateur solide (à qui nous devons entre autres Angles d’attaque), un scénariste passionné et une petite équipe chevronnée, Dredd peut se permettre de frapper fort sans se soucier de plaire à tous, assumant pleinement le caractère ultra-violent de l’univers créé par Wagner et Ezquerra, et se concentrant sur une unité de lieu et de temps à l’efficacité implacable.

Dredd nous décrit une mégalopole décrépie, hérissée d’immenses tours de béton abritant une faune désemparée, noyée dans un nuage ocre de pollution stagnante et sillonnée par les « Judges ». Ces nouveaux gardiens de la paix, à la fois policiers, juges et bourreaux, sont conçus pour accélérer considérablement les procédures judiciaires et pénales. Après constatation sommaire des faits et des méfaits, la sentence tombe très vite. Le choix est généralement restreint : la prison ou la mort. Dredd est l’un de ces soldats zélés et durs à cuire. Lorsqu’on lui met entre les pattes une jeune recrue télépathe pour l’évaluer, il ne montre aucune émotion mais ne semble guère aux anges. D’autant que tous deux atterrissent dans un redoutable guet-apens. Enfermés dans une tour titanesque contrôlée par la baronne de la drogue Ma-Ma, livrés à eux-mêmes, ils entrent dans la ligne de mire d’une horde de gangsters armés jusqu’aux dents qui ont reçu l’ordre de les réduire en charpie.

L'étau se resserre inexorablement

Dredd évoque beaucoup les films d’action bruts des années 80. La situation rappelle Piège de cristal et les débordements de violence nous ramènent à l’époque des films d’anticipation de Paul Verhoeven, mais ici aucun second degré secourable ne permet au spectateur de reprendre son souffle. L’étau scénaristique se resserre inexorablement, porté par des séquences de suspense haletantes et des fusillades aux proportions alarmantes. La radicalité de ces partis pris trouve un écho dans la mise en forme impeccable du long-métrage. A ce titre, il faut souligner la perfection des effets visuels et la beauté troublante des séquences surréalistes décrivant les effets de la drogue slo-mo, qui ralentit mille fois les perceptions humaines. La 3D est à l’avenant, le réalisateur se réappropriant le gimmick pour s’en servir de véhicule d’immersion totale. Limité hélas à une distribution en DVD en nos contrées, ce Dredd nouvelle génération aurait largement mérité une exploitation sur grand écran.

 

© Gilles Penso

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