FANTOMAS CONTRE SCOTLAND YARD (1967)

Cette troisième aventure consacrée au célèbre super-vilain et à son gesticulant adversaire incarné par Louis de Funès s’installe en Ecosse…

FANTOMAS CONTRE SCOTLAND YARD

 

1967 – FRANCE / ITALIE

 

Réalisé par André Hunebelle

 

Avec Louis de Funès, Jean Marais, Mylène Demongeot, Jacques Dynam, Robert Dalban, François Christophe, Jean-Roger Caussimon, André Dumas

 

THEMA SUPER-VILAINS I SAGA FANTOMAS

Pour leur troisième aventure orchestrée par André Hunebelle, Fantomas, le super-vilain au masque bleu, et l’inspecteur Juve, son intraitable adversaire, s’éloignent de l’influence des James Bond pour une sorte de retour à l’esprit des romans originaux. Du moins pour ce qui est du cadre géographique, autrement dit un huis-clos dans une ambiance gothique. Pour le reste, la farce burlesque et les péripéties abracadabrantes sont toujours au menu, loin donc du ton des récits de Feuillade. Si Fantomas contre Scotland Yard se déroule en Ecosse, seules les images du générique sont tournées au Royaume-Uni. Car la grande majorité des prises de vues sont réalisées en France, autrement dit dans le château girondin de Roquetaillade pour certains intérieurs, la forêt de Fontainebleau pour les extérieurs champêtres et les plateaux des studios de Boulogne pour le reste. Cet ultime épisode souffre de la dégradation des relations entre Louis de Funès et Jean Marais. Le magnifique héros de La Belle et la Bête a bien compris qu’il était tombé de son piédestal depuis longtemps, passant du statut de superstar à celui de faire-valoir du clown vedette. Son âge ne l’autorisant plus à effectuer certaines cascades, une rancœur croissante s’installe et se ressent fatalement pendant le tournage.

Cette fois-ci, Fantomas décide de taxer les propriétaires de grandes fortunes d’un impôt sur le droit de vivre. Il prend l’identité du richissime Walter Brown, qu’il assassine, et annonce cette nouvelle taxe à Lord McRashley (Jean-Roger Caussimon), l’une des plus grosses fortunes d’Ecosse. Fandor (Marais), accompagné de sa fiancée Hélène (Mylène Demongeot), et Juve (De Funès), flanqué de son adjoint (Jacques Dynam), se rendent donc sur place, l’un pour un reportage, l’autre pour assurer la sécurité des lieux. Or Rashley décide de se servir d’eux comme appât pour piéger Fantomas et les invite dans son château, en compagnie de plusieurs millionnaires taxés eux aussi par le super-vilain. Nous voilà plongés dans une Ecosse bizarre où tout le monde parle français et où les mystères de Paris des épisodes précédents cèdent le pas à l’atmosphère des « ghost stories » à l’anglaise. La mécanique du vaudeville peut donc s’y installer tranquillement. Le gag récurrent de Juve qui voit des cadavres dans sa chambre mais qui, lorsqu’il alerte tout le monde, constate que les corps ont disparu, est répété jusqu’à épuisement. Tout comme celui des fantômes drapés qui apparaissent et disparaissent dans les couloirs.

« Tout fantôme aperçu dans le château sera arrêté sur le champ ! »

Bien sûr, De Funès reste désopilant, que ce soit à travers ses répliques absurdes (« Désormais, tout fantôme aperçu dans le château sera arrêté sur le champ ! ») ou dans son exercice favori des mimiques éberluées (lorsqu’il croit que son cheval parle notamment), mais cet épisode est clairement inférieur aux deux autres. Le remplacement du cadre urbain par la campagne écossaise y est pour beaucoup. Le manque de rebondissements du scénario aussi. Quelques moments non comiques fonctionnent pourtant bien, comme la révélation du visage de Fantomas face à l’amant de la femme de McRashley, en pleine chasse à courre, ou cette spectaculaire poursuite à cheval qui s’achève par l’accrochage de Jean Marais aux roues d’un avion en train de décoller. Le final voit le super-vilain prendre la fuite grâce à une fusée dissimulée dans l’une des tours du château, à grand renfort de stock-shots de l’armée pour décrire l’attaque de l’engin par une escouade d’avions militaires. Le film rapporte 3,5 millions d’entrées en France, soit un million de moins que le premier opus. Malgré sa fin ouverte, la saga en reste là et le quatrième volet envisagé, Fantomas à Moscou, reste dans les tiroirs. Les relations conflictuelles entre De Funès et Jean Marais auraient du reste joué aussi en défaveur de ce projet abandonné.

 

© Gilles Penso


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LA FILLE DE JACK L’ÉVENTREUR (1971)

Et si la progéniture du célèbre assassin de Whitechapel était animée par les mêmes pulsions meurtrières que lui ?

HANDS OF THE RIPPER

 

1971 – GB

 

Réalisé par Peter Sasdy

 

Avec Eric Porter, Angharad Rees, Jane Merrow, Keith Bell, Derek Godfrey, Dora Bryan, Marjorie Rhodes, Lynda Baron

 

THEMA TUEURS

Après avoir réalisé Une Messe pour Dracula et Comtesse Dracula, Peter Sasdy retrouve la Hammer pour revisiter sous un jour inattendu la figure du plus célèbre des tueurs en série du monde. La même année, le sinistre Jack fera aussi une apparition dans une autre production Hammer, le très impertinent Docteur Jekyll et Sister Hyde. « Les personnages et les incidents décrits ainsi que les noms utilisés ici sont fictifs et toute ressemblance avec les noms, le caractère ou l’histoire d’une personne est entièrement accidentelle et non intentionnelle. » C’est sur ce texte que s’ouvre La Fille de Jack l’éventreur. Nous suivons alors les pas d’une prostituée qui est soudain assassinée dans une ruelle sombre de Whitechapel. Après le meurtre, le criminel encapuchonné s’éloigne d’un pas alerte, rentre chez lui, se dispute avec sa femme et finit par la tuer à son tour, sous les yeux de sa fille Anna, avant de finir abattu par la police. Quelques années plus tard, la jeune fille est recueillie par une tenancière d’auberge qui la fait participer à de fausses séances de spiritisme pour collecter quelque menue monnaie. C’est alors qu’intervient un psychiatre, bien décidé à chasser ses pulsions morbides.

Tourné en grande partie aux studios Pinewood, dans une grande reconstitution de la rue Baker Street utilisée un an plus tôt pour La Vie privée de Sherlock Holmes, La Fille de Jack l’éventreur prend le parti audacieux de mêler l’épouvante à la psychanalyse. En ce sens, cette relecture inhabituelle des forfaits du tueur de Whitechapel n’est pas sans évoquer Pas de printemps pour Marnie. Car à l’instar de l’héroïne d’Alfred Hitchcock, la fille de l’assassin (incarnée par Angharad Rees) cède à la violence inconsciente lorsqu’elle est stimulée par des chocs visuels et sonores lui rappelant le traumatisme qu’elle vécut dans sa jeunesse. Lorsque le professeur Pritchard, interprété avec un charisme impérial et un sérieux imperturbable par Eric Porter, décide de prendre la malheureuse sous son aile, il se heurte vite à l’incompréhension de son entourage. « Bon sang, vous avez un être possédé sous votre toit, aussi sauvage que n’importe quelle bête féroce », s’entend-il dire.

« Vous avez une possédée sous votre toit »

Mais malgré ses apparences affables et altruistes, Pritchard ne s’occupe pas uniquement d’Anna dans un but philanthropique. Ses véritables intentions sont d’appliquer les théories d’un certain Sigmund Freud, et de vérifier si la jeune fille se laissera inconsciemment dominer par son Ça. La réponse ne tarde pas à venir lorsqu’Anna se met à perpétrer de sanglants assassinats, comme le fit jadis son géniteur. Comme dans les meilleurs longs-métrages estampillés Hammer, le monstre et ses exactions sont en réalité les révélateurs d’une société victorienne hypocrite et corrompue. Finalement, Pritchard n’est pas si éloigné du docteur Frankenstein incarné par Peter Cushing, prêt à tout pour confirmer ses théories scientifiques, quitte à multiplier les dommages collatéraux. Les séquences de meurtres, pour stylisées qu’elles soient, s’avèrent assez sanglantes et évoquent les excès graphiques du giallo italien. La censure américaine exigera d’ailleurs certaines coupes pour alléger l’impact de ces scènes. Pour son climax sombre et théâtral, le film s’achève dans la nef vertigineuse d’une église reconstruite en studio, la cathédrale St Paul initialement prévue ayant refusé d’accueillir l’équipe de tournage. Le film sera exploité en double programme avec Les Sévices de Dracula.

 

© Gilles Penso


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ATLAS (2024)

Jennifer Lopez affronte un redoutable androïde terroriste dans un monde futuriste où l’intelligence artificielle s’est implantée partout…

ATLAS

 

2024 – USA

 

Réalisé par Brad Peyton

 

Avec Jennifer Lopez, Simu Liu, Sterling K. Brown, Gregory James Cohan, Abraham Popoola, Lana Parrilla, Mark Strong, Briella Guiza, Adia Smith-Eriksson

 

THEMA ROBOTS I FUTUR

Brad Peyton n’est pas réputé pour son sens de la finesse. Plus proche de l’habile pyrotechnicien que du metteur en scène au sens noble du terme, il orchestra les feux d’artifices délirants de Voyage au centre de la Terre 2, San Andreas et Rampage pour Dwayne Johnson. Le savoir à la tête d’Atlas, qui marque le grand retour de Jennifer Lopez dans un film de science-fiction, 24 ans après The Cell, avait donc de quoi laisser perplexe. Ce spécialiste de l’action musclée primitive allait-il pouvoir rendre justice au scénario de Leo Sardarian et Aron Eli Coleite s’attachant aux relations complexes nouées entre les humains et les intelligences artificielles ? Rien n’était moins sûr. Atlas se déroule une centaine d’années dans le futur. Harlan (Simu Liu, le héros de Shang-Chi), un androïde rebelle, a soulevé les machines contre les humains, provoquant une guerre aux terribles répercussions. Plusieurs millions de morts plus tard, le robot psychopathe est vaincu mais parvient à s’enfuir sur une lointaine planète. Jennifer Lopez incarne Atlas Shepherd, fille de la scientifique qui conçut Harlan. Brillante analyste ayant développé une méfiance bien compréhensible à l’égard de l’intelligence artificielle, elle accepte de se joindre à une mission militaire qui a pour objectif la capture du terroriste humanoïde. Or rien ne va se passer comme prévu…

Il n’est pas difficile de déceler les sources d’inspiration d’Atlas. Les premiers titres qui nous viennent logiquement à l’esprit sont Blade Runner et Terminator. Brad Peyton assume totalement, incapable de nier son admiration pour le cinéma de SF des années 80. L’entrée en scène d’un « mecha » qu’Atlas va être contrainte de piloter pendant la grande majorité du film évoque d’autres classiques du genre. On pense notamment au « power loader » d’Aliens et aux « AMP suits » d’Avatar, des exosquelettes robotiques qui sont entrés dans la légende. Le cinéaste avoue aussi s’être laissé influencer par le jeu « Titanfall » et même par Robot Jox de Stuart Gordon. Malgré tout, Atlas parvient à ne pas totalement crouler sous les poids de ses multiples références. Pour y parvenir, le film s’efforce de développer des péripéties qui lui soient propres tout en prenant les allures d’un « survival ». Car l’infortunée Atlas se retrouve bientôt seule dans un environnement particulièrement hostile, contrainte de se lier à une machine si elle veut avoir une chance d’en sortir vivante.

Bad Robot

« C’était mon premier film presque entièrement tourné sur fond vert », raconte Jennifer Lopez. « J’ai passé près de sept semaines dans cet exosquelette, donc toute seule, sans aucun autre acteur. C’était une manière de jouer différente de mes précédents projets » (1). À la fois actrice principale et productrice d’Atlas, elle semble effectivement s’investir corps et âme dans un tournage qu’on imagine complexe. L’efficacité du film s’appuie beaucoup sur sa performance. L’aventure prend la forme inattendue d’une sorte de voyage initiatique, d’une introspection au cours de laquelle, entre deux bastons explosives menées avec beaucoup de virtuosité, notre protagoniste s’interroge sur ses propres sentiments refoulés et sur son rapport d’amour/haine vis-à-vis de l’intelligence artificielle. En ce sens, Atlas dénote agréablement par rapport aux films précédents de Payton qui ne cherchaient jamais à dépasser leur simple statut d’attractions foraines. Dommage cependant que le film ne pousse pas plus loin la réflexion sur ce sujet brûlant d’actualité et ne cherche jamais à gratter au-delà de la couche purement récréative de son intrigue. Il aurait pourtant été passionnant d’explorer de plus près les motivations de ce robot supra-intelligent qui cherche à éradiquer la grande majorité de la population terrienne non par soif de pouvoir mais parce que c’est la seule solution, selon lui, pour sauver la race humaine. Un supplément d’âme et un peu plus d’audace n’auraient pas nui à cet Atlas qui, en l’état, s’apprécie sans déplaisir mais ne marquera pas les mémoires.

 

(1) Extrait d’une interview publiée sur TF1 info en mai 2024.

 

© Gilles Penso


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SOUS LA SEINE (2024)

Parisiennes, parisiens, vous êtes priés d’évacuer de toute urgence les quais et les berges : un requin géant se faufile entre les péniches !

SOUS LA SEINE

 

2024 – FRANCE

 

Réalisé par Xavier Gens

 

Avec Bérénice Bejo, Nassim Lyes, Léa Léviant, Sandra Parfait, Aksel Ustun, Aurélia Petit, Marvin Dubart, Daouda Keita, Ibrahima Ba, Anne Marivin, Stéphane Jacquot

 

THEMA MONSTRES MARINS

Xavier Gens n’est plus à un défi près. Un premier long-métrage choc qui marche sur les traces de Tobe Hooper (Frontière(s)), de l’action musclée et survitaminée (Hitman, Farang), un récit post-apocalyptique nihiliste (The Divide), de l’horreur surnaturelle (The Crucifixion), une fable marine aux confins des univers de Lovecraft (Cold Skin)… Alors pourquoi pas une version parisienne des Dents de la mer ? Le projet est amené par les producteurs Édouard Duprey et Sébastien Auscher, mais pour pouvoir financer une telle entreprise, il faut « pactiser avec le diable », autrement dit accepter une diffusion directe sur la plateforme Netflix sans passer par la case cinéma. Xavier Gens n’est pas dupe. Réunir près de 20 millions d’euros pour un tel film via un circuit de distribution classique aurait été impossible. Si le concept peut faire sourire (« un requin sous la Tour Eiffel »), le cinéaste n’entend pas s’inscrire dans la lignée de Sharknado. « J’avais envie de prendre ce genre de films au premier degré », explique-t-il. « Je me suis servi d’un pitch de série Z un peu nanardesque, qui peut être casse-gueule, pour pouvoir raconter un film qui fait part de mes obsessions et de mes convictions écologiques, qui propose une ironie dramatique sur la réalité » (1). Car depuis le classique de Spielberg, les requins n’ont plus si mauvaise presse et font partie d’un écosystème qu’il est urgent de préserver.

Le scénario de Sous la Seine s’inscrit donc dans une prise de conscience environnementale. C’est d’ailleurs dans l’épouvantable vortex de déchets en plastique du Pacifique Nord que démarre le film, siège du trauma initial de Sophia, l’héroïne campée par Bérénice Bejo. L’équipe de plongeurs dont elle fait partie est décimée par un squale à la croissance accélérée et au comportement anormalement agressif. Nous la retrouvons trois ans plus tard, désormais guide dans un aquarium parisien et toujours très marquée par le drame (elle vit seule, déprime en revoyant les vidéos du bon vieux temps et se nourrit de bonbons Haribo). Comme la formule établie par Herman Melville dans « Moby Dick » a fait ses preuves, Sophia va subitement se retrouver confrontée à son ennemi juré dans la mesure où le monstre marin a encore muté et se love désormais sous la Seine, prêt à bondir sur la première proie qui croisera ses mâchoires. Un malheur n’arrivant jamais seul, la ville de Paris s’apprête à accueillir pour la première fois les championnats du monde de triathlon, autrement dit des centaines de nageurs prêts à se transformer en amuse-gueule sous les yeux du public…

Bête de Seine

L’audace d’un tel projet, l’ampleur de ses ambitions artistiques et techniques et les moyens mis à sa disposition (autorisant un large déploiement d’effets spéciaux numériques et animatroniques) forcent le respect et permettent de passer outre ses personnages gentiment archétypaux, ses répliques qui ne sonnent pas toujours très justes et ses rebondissements un peu abracadabrants. C’est surtout là que se mesure l’écart abyssal entre l’accueil reçu par un tel film sur sa terre natale et outre-Atlantique. Alors que les critiques américains louent le caractère résolument divertissant de Sous la Seine, leurs homologues français s’offusquent violemment et crient au nanar. Bien sûr, le huitième long-métrage de Xavier Gens n’a rien d’un chef d’œuvre et le Bruce de Steven Spielberg peut tranquillement dormir sur ses deux ouïes. Mais pourquoi ne pas accepter cette distrayante série B pour ce qu’elle est ? Côté acteurs, donnons une mention spéciale à Anne Marivin, génialement détestable en maire de Paris à mi-chemin entre Murray Hamilton dans Les Dents de la mer et Anne Hidalgo (dont nous serions curieux de connaître la réaction face à cette caricature pas très flatteuse). Quant au climax, il prend des proportions dantesques impensables en rejouant les cartes de l’équilibre alimentaire de la planète.

 

(1) Extrait d’un entretien diffusé sur BFM en juin 2024

 

© Gilles Penso


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BLAIR WITCH 2 : LE LIVRE DES OMBRES (2000)

Le miracle du Projet Blair Witch ne pouvait se produire qu’une fois. C’est du moins ce que tend à prouver cette suite pétrie de maladresses…

BOOK OF SHADOWS 2 : BLAIR WITCH 2

 

2000 – USA

 

Réalisé par Joe Berlinger

 

Avec Kim Director, Jeffrey Donovan, Erica Leerhsen, Tristine Skyler, Stephen Barker Turner, Kurt Loder, Chuck Scarborough

 

THEMA SORCELLERIE ET MAGIE I SAGA BLAIR WITCH

Blair Witch 2 est né d’une série de compromis qui permettent de mieux comprendre sa nature décousue et son style incertain. L’idée de départ est assez simple : Artisan Entertainment, distributeur et détenteur des droits du Projet Blair Witch, veut profiter très rapidement du succès inespéré du film pour en initier une suite. Mais Daniel Myrick et Eduardo Sánchez, les deux réalisateurs à l’origine de ce petit miracle, préfèrent attendre que l’engouement retombe pour concocter un second épisode auquel ils auront le temps de mûrement réfléchir. L’équipe d’Artisan décide alors de se passer d’eux et de lancer cette séquelle dans les plus brefs délais, coûte que coûte. S’ils sont crédités comme producteurs exécutifs de Blair Witch 2, Myrick et Sánchez ne jouent en réalité aucun rôle dans son élaboration (et s’avoueront d’ailleurs très déçus par le résultat). C’est Joe Berlinger qui hérite de la réalisation. Désireux de se lancer dans un premier long-métrage, il courtise déjà depuis quelques temps les producteurs d’Artisan Entertainment avec ses propres scénarios originaux. Mais pour l’heure, seule la suite de Blair Witch compte. Berlinger accepte le défi, écrit cette séquelle en deux mois et se lance dans un tournage marathon pour une sortie prévue fin octobre 2000.

Étant donné que Le Projet Blair Witch fixait assez rapidement les limites de son concept et de son script anémique, il faut bien reconnaître qu’on voyait mal l’intérêt d’un deuxième épisode, au-delà de son potentiel financier. Au vu du film, les craintes sont confirmées. Cette séquelle se révèle non seulement pataude mais aussi un brin prétentieuse. Car elle ne cesse de citer Le Projet Blair Witch comme étant un film culte, une œuvre marquante, un objet d’admiration pour une horde de fans. Et de fait, les protagonistes sont ici un groupe d’aficionados tellement marqués par le film en question qu’ils ont décidé de reprendre l’enquête dans les bois de Burkitsville, suréquipés en matériel vidéo et ne cessant de se référer au Projet Blair Witch. Le but de ce nombrilisme effarant est double : entretenir le jeu du vrai du faux autour de la légende urbaine de la fameuse sorcière champêtre, et clamer haut et fort à quel point le premier film était un chef d’œuvre. Cet exercice d’autosatisfaction et de vantardise outrancière finit vite par lasser. D’autant que Blair Witch 2 lui-même ressemble plus à un produit dérivé qu’à un film à part entière.

Autosatisfaction

Après une nuit bien arrosée au beau milieu des bois, nos cinq protagonistes se rendent compte qu’ils ont un gros trou de mémoire sur ce qui s’est passé au cours des dernières heures. Et lorsqu’ils rentrent au bercail, c’est pour constater que leurs bandes vidéo présentent d’étranges artefacts. Bientôt, ils doivent se rendre à l’évidence : ils ont ramené une entité maléfique avec eux. Voilà pour le pitch. Rien de bien neuf, donc, d’autant que la mise en scène est paresseuse, les comédiens assez peu supportables et les dialogues volontiers indigestes. Quant au fameux livre des ombres du titre, il brille ici par son absence. Joe Berlinger a beau cligner de l’œil vers ses références cinématographiques principales, en l’occurrence La Malédiction, L’Exorciste, Evil Dead, la mayonnaise ne prend pas. Mais il est difficile d’appréhender pleinement sa vision de cinéaste, dans la mesure où les producteurs, mécontents de son travail, font tourner de nouvelles séquences qu’ils jugent plus commerciales et refusent plusieurs de ses choix artistiques. Blair Witch 2 est donc un film bancal qui n’aura guère permis à son réalisateur de rebondir facilement. Berlinger ne réalisera par la suite qu’un autre film de fiction, Extremely Wicked, Shockingly Evil and Vile, le reste de sa carrière se concentrant sur les programmes télévisés et les documentaires.

 

© Gilles Penso


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MYSTÉRIEUSE PLANÈTE (1982)

Grand amateur des films de monstres de Ray Harryhausen et Willis O’Brien, Brett Piper se lance dans une version spatiale de « L’île mystérieuse »…

MYSTERIOUS PLANET

 

1982 – USA

 

Réalisé par Brett Piper

 

Avec Paula Taupier, Boydd Piper, Michael Quigley, Bruce Nadeau, Vance Dallas, Hanna Landy, Marilyn Mullen, Bernard Nero, George Seavey, Cynthia Vacca

 

THEMA SPACE OPERA

Pour son premier long-métrage, Brett Piper voit grand. Il souhaite adapter « L’île mystérieuse » de Jules Verne tout en y intégrant des éléments du « Monde perdu » de Conan Doyle, le tout dans l’espace pour surfer sur la vague lancée par La Guerre des étoiles. Le scénario concerne un équipage d’astronautes qui atterrit sur une planète mystérieuse, suite à un orage magnétique. En l’explorant, ils découvrent des sauriens monstrueux et une indigène, puis s’opposent à une flotte ennemie, avant de quitter enfin ces lieux hostiles. Brett Piper n’a plus qu’un petit problème à régler : trouver l’argent pour réaliser son film. « J’ai trouvé un investisseur dans le New Hampshire pour le financer », nous raconte-t-il « Dix de ses amis pouvaient mettre chacun quelques centaines de dollars dans le projet » (1). Au bout d’un an d’attente, le jeune cinéaste se retrouve donc avec un budget de 5000 dollars et se lance sans plus tarder dans la préparation de son film. Les comédiens sont tous des amateurs, le compositeur fait là ses premiers pas et tous les autres postes sont occupés par Piper lui-même, qui achète à l’occasion une caméra Bolex 16 mm pour 125 dollars.

Soucieux de truffer son film d’effets spéciaux, Piper passe outre son manque d’expérience et, c’était à craindre, le résultat, pour ambitieux qu’il soit, laisse souvent à désirer. Ni les peintures sur verre figurant les paysages extra-terrestres (avec un clin d’œil manifeste à la montagne du crâne de King Kong), ni les timides scènes de vaisseau spatial (qui évoquent celles de Star Crash), ni les effets de rayons laser réalisés en décolorant des portions de pellicule image par image ne s’avèrent très convaincants. Mais le film vaut surtout pour ses nombreuses créatures inspirées par les travaux des rois de la stop-motion Ray Harryhausen et Willis O’Brien. Si leur animation et leur intégration dans les prises de vues réelles sont toujours à la limite du passable, l’originalité de leur morphologie et l’enthousiasme évident de Piper au moment de leur conception sont appréciables. La première créature qu’ils rencontrent est un escargot géant à deux têtes qui rampe sur la plage, dévore l’un d’entre puis retourne dans l’océan, à la façon de l’archélon d’Un million d’années avant JC.

« Tu n’as rien senti d’inexplicable par ici ? »

Au cours de leurs errances sur la planète mystérieuse, nos astronautes (quatre hommes, une femme et un grand type avec une cagoule qui représente visiblement un robot ou un cyborg) passent devant un serpent démesuré qui escalade les arbres et un gros dinosaure quadrupède au crâne cuirassé qui se nourrit sans leur prêter attention, puis sont attaqués par une créature volante aux allures de dragon. Avec ses serres d’aigle à trois doigts longs et griffus, ses grandes ailes de chauve-souris, sa queue de reptile et sa grosse tête de tyrannosaure, le monstre ressemble à un mélange du rhédosaurus du Monstre des temps perdus et des harpies de Jason et les Argonautes. Ce bestiaire fantaisiste se complète avec un plésiosaure qui émerge d’un lac à la manière de celui du Fils de Kong et un lézard cyclope affublé d’une longue queue et de tentacules. On ne pourra pas reprocher à Piper son manque d’inventivité et de générosité. Alors certes, le montage, la photographie, le jeu des acteurs, les dialogues (« Tu n’as rien senti d’inexplicable par ici ? ») et la musique électronique sentent l’amateurisme à plein nez, mais comment ne pas saluer l’audace d’un tel projet ? Malgré toutes ses faiblesses, Mystérieuse planète finit d’ailleurs par rapporter 20 000 dollars, soit quatre fois son prix de revient, un bénéfice qui sera partagé entre Piper et son producteur.

 

(1) Propos recueillis par votre serviteur en juin 1998

 

© Gilles Penso

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MISE À MORT DU CERF SACRÉ (2017)

Colin Farrell et Nicole Kidman campent un couple faussement tranquille dont la vie bascule suite à une malédiction terrifiante…

THE KILLING OF A SACRED DEER

 

2017 – USA / GB

 

Réalisé par Yorgos Lanthimos

 

Avec Colin Farrell, Nicole Kidman, Barry Keoghan, Raffey Cassidy, Sunny Sujlic, Alicia Silverstone, Bill Camp

 

THEMA SORCELLERIE ET MAGIE

Porté à bout de bras par un casting prestigieux, Mise à mort du cerf sacré est une œuvre profondément perturbante dont le titre énigmatique se réfère au mythe d’Iphigénie tel qu’il fut revisité dans la tragédie d’Euripide. Cette pièce classique conçue en l’an 405 avant JC donne quelques pistes et une poignée de clefs susceptibles daider à mieux comprendre le scénario à priori hermétique élaboré par Yorgos Lanthimos. Très remarqué grâce à Canine et The Lobster, le cinéaste a su fédérer autour de lui une importante communauté d’aficionados parmi lesquels se trouvent les actrices Nicole Kidman et Alicia Silverstone. Ces dernières le supplient quasiment de les engager pour son nouveau fait d’arme. Voilà comment toutes deux se retrouvent en tête d’affiche de Mise à mort du cerf sacré, aux côtés de Colin Farrell qui connaît déjà le réalisateur puisqu’il vient justement de tourner The Lobster avec lui. Farrell avoue avoir été saisi de nausée après avoir lu le script. Loin de le décourager, ce sentiment affûte son intérêt et attise son envie de participer à un long-métrage qui s’annonce résolument inclassable.

Farrell incarne Steven Murphy, un chirurgien renommé qui s’attache à Martin (Barry Keoghan), un adolescent obséquieux dont le père est mort sur sa table d’opération. Steven est-il responsable de ce décès ? Ses penchants pour la boisson l’ont-ils poussé à prendre de mauvaises décisions ? Toujours est-il que les relations qui commencent à s’établir entre lui et Martin prennent une tournure bizarre, un peu possessive, dictée par un sentiment de culpabilité. Bientôt le jeune homme s’immisce dans la famille du chirurgien, rencontre son épouse (Nicole Kidman) et ses deux enfants… L’atmosphère du film devient de plus en plus pesante, rythmée par une bande originale stressante à base de violons hurlants et de percussions agressives. Empruntant une méthodologie proche de celle de William Friedkin pour L’Exorciste, le réalisateur ne fait pas appel à un seul compositeur pour la musique de son film mais choisit d’alterner des créations originales et des morceaux classiques. Ainsi sollicite-t-il le violoniste Oleh Krysa et l’accordéoniste Janne Raettya pour écrire des morceaux extrêmement angoissants, muant les instruments en générateurs de plaintes dissonantes suscitant un malaise immédiat et durable.

Malaise, inconfort et rejet

Le personnage du chirurgien campé par Colin Farrell est lui-même un peu trouble. Lorsque nous découvrons qu’il demande régulièrement à sa femme de simuler l’anesthésie générale avant de lui faire l’amour, L’Effroyable secret du docteur Hichcock de Riccardo Freda nous revient en mémoire. Le fantastique s’installe progressivement, sous forme d’un dilemme impensable assorti d’une malédiction terrible et insidieuse. La direction artistique de Mise à mort du cerf sacré se révèle très soignée – visiblement inspirée par les peintures d’Edward Hopper -, les acteurs sont impeccables, la mise en scène volontairement glaciale, et certaines séquences véhiculent un humour noir un peu désespéré (le tête-à-tête du chirurgien avec la mère de l’adolescent), mais l’on ne comprend pas bien où le réalisateur veut en venir. Lanthimos parvient certes à engendrer l’inconfort et les réactions de rejet viscérales (dès le générique avec son gros plan sur une opération à cœur ouvert bien réelle), mais la démarche excessivement « auteurisante » semble un peu vaine, dans la mouvance de certains films de Michael Haneke dont la provocation facile semble être la raison d’être principale. C’est donc sur un sentiment très mitigé que nous laisse cette Mise à mort nébuleuse.

 

© Gilles Penso

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RENCONTRE AVEC LE DRAGON (2003)

Un jeune écuyer se met au service d’un chevalier campé par Daniel Auteuil dont la légende dit qu’il aurait survécu au souffle d’un dragon…

RENCONTRE AVEC LE DRAGON

 

2003 – FRANCE

 

Réalisé par Hélène Angel

 

Avec Daniel Auteuil, Nicolas Nollet, Sergi Lopez, Gilbert Melki, Emmanuelle Devos, Titoff, Maurice Garrel, Claude Perron

 

THEMA SORCELLERIE ET MAGIE I DRAGONS I CONTES

Rencontre avec le dragon porte en lui tous les éléments dramatiques propres au conte de fées, tout en se déroulant dans un univers médiéval extrêmement réaliste, cru et dénué de concession. Et c’est là que réside toute l’étrangeté de l’œuvre d’Hélène Angel, ancienne élève de la prestigieuse Fémis ayant fait ses dents sur une série de courts-métrages au début des années 1990 avant d’écrire le scénario de Superlove pour Jean-Claude Janer puis d’attaquer elle-même son premier long, le curieux Peau d’homme cœur de bête avec Serge Riaboukine. Titré Dragon Knight ou The Red Knight sur le marché international au fil de ses diverses exploitations, Rencontre avec le dragon s’appuie sur un scénario co-écrit par la réalisatrice, Jean-Claude Janer et Agnès de Sacy. Le récit tourne autour de la légende de Guillaume de Montauban (Daniel Auteuil), un homme qui aurait survécu au souffle enflammé d’un dragon et en aurait tiré l’invincibilité. Le jeune Félix de Sisteron (Nicolas Nollet) voue une admiration sans borne à ce « héros » surnommé depuis Dragon Rouge, et lorsqu’il le rencontre enfin, il lui propose ses services en tant qu’écuyer. Mais Guillaume s’avère être un homme aigri, brutal, arrondissant ses fins de mois en jouant les mercenaires. Et lorsque son passé se révèle chargé de trahisons et de meurtres, Félix commence sérieusement à douter de l’intégrité de son idole…

Malgré le titre et la légende, aucun dragon ne montre le bout de son museau dans le film. Pourtant, le fantastique se love très tôt au cœur du récit, et éclate au sein d’une incroyable séquence où Raoul de Vautadour (Sergi Lopez), ancien ami de Guillaume ayant basculé dans la folie, se transforme littéralement en sanglier. La scène se passe d’effets spéciaux, misant son impact sur le jeu halluciné de Lopez et une bande son très suggestive. Ainsi, à l’instar des infortunés protagonistes du Ladyhawke de Richard Donner, Raoul est victime d’une malédiction qui le mue chaque nuit en animal, et ce depuis qu’il a découvert que sa femme Isabelle avait été assassinée par Guillaume. Un crime passionnel qui, depuis, hante le Dragon Rouge déchu. Plus tard dans le film, c’est carrément le fantôme d’Isabelle qui erre dans les bois, apparaissant aux héros sous forme d’une géante livide et ensanglantée qui se déplace en glissant sans bruit…

Le mélange des genres

Tous ces éléments de pure féerie s’accommodent à vrai dire difficilement au réalisme du moyen âge décrit par Hélène Angel, et ce mélange des genres s’avère finalement hasardeux. La lenteur du film joue également en sa défaveur, tout comme la majeure partie de ses comédiens qui semblent ne pas trop croire à leurs personnages, malgré un casting des plus audacieux. « C’est un OVNI qui a coûté cher », avouera la réalisatrice quelques années plus tard. « Les producteurs de l’époque voulaient une affiche grand public. Il y avait une dichotomie entre ce que les gens pensaient voir et le résultat final. Mais j’ai retenu une leçon : quand on fait un cinéma singulier, il ne faut pas que ça coûte trop cher. Peut-être que j’ai fait Rencontre avec le dragon trop tôt » (1). Reste Daniel Auteuil. Impérial, taciturne, charismatique en diable, le comédien excelle dans un registre qu’on ne lui connaissait pas, et il demeure la véritable illumination de cette œuvre décidément trop chaotique pour convaincre.

 

(1) Extrait d’un entretien paru sur le site « Chaos Reign » en juin 2020.

 

© Gilles Penso


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LE SECRET DE LA PYRAMIDE (1985)

Barry Levinson met en scène les aventures d’un Sherlock Holmes adolescent plongé dans une enquête aux confins du surnaturel…

YOUNG SHERLOCK HOLMES AND THE PYRAMID OF FEAR

 

1985 – USA / GB

 

Réalisé par Barry Levinson

 

Avec Nicholas Rowe, Alan Cox, Sophie Ward, Anthony Higgins, Susan Fleetwood, Freddie Jones, Nigel Stock

 

THEMA SORCELLERIE ET MAGIE

Après leur heureuse collaboration sur Gremlins et Les Goonies, le producteur Steven Spielberg et le scénariste Chris Columbus décident d’unir leurs forces une troisième fois. Ainsi nait le projet du Secret de la pyramide, que Columbus conçoit comme un hommage sincère aux aventures de Sherlock Holmes, même s’il se doute que les puristes des écrits d’Arthur Conan Doyle risquent de crier au sacrilège. Le principe consiste en effet à raconter la jeunesse du célèbre détective sous un angle volontairement fantaisiste. Dame Jean Conan Doyle, fille de l’écrivain, donne tout de même son accord et s’en voit remerciée au générique. Prudent, le texte final du film tient tout de même à remettre les choses dans leur contexte : « Bien que Sir Arthur Conan Doyle n’ait pas écrit sur les années de jeunesse de Sherlock Holmes et que la première rencontre entre Holmes et le docteur Watson ait eu lieu à l’âge adulte, cette spéculation affectueuse sur ce qui aurait pu se passer a été faite avec une admiration respectueuse et en hommage à l’auteur et à ses œuvres durables. » Après Joe Dante pour Gremlins et Richard Donner pour Les Goonies, la mise en scène de cette production Amblin est cette fois-ci assurée par Barry Levinson, signataire jusqu’alors de Diner avec Mickey Rourke et du Meilleur avec Robert Redford.

Le film nous fait donc découvrir Sherlock Holmes et John Watson à l’âge de l’adolescence, alors qu’ils se rencontrent au collège. Le premier possède déjà les dons qui le rendront célèbre. Le second ne pense qu’à satisfaire sa gourmandise. Au cœur de l’hiver 1870, le tandem se trouve mêlé par hasard à une sombre histoire de meurtres. Holmes, assisté de Watson, fait sa première enquête et découvre, au cœur de Londres, une secte pratiquant de vieux cultes égyptiens et des sacrifices humains. Tel est le point de départ de cette aventure familiale teintée d’épouvante et de fantastique, sous l’influence directe d’Indiana Jones et le temple maudit. Titré originellement Young Sherlock Holmes, le film de Levinson sera d’ailleurs rebaptisé Young Sherlock Holmes and the Pyramid of Fear après sa première exploitation pour assumer ses liens avec les exploits encore récents du docteur Jones et attirer davantage le grand public.

Sherlock Holmes et le temple maudit

Le scénario implique quatre grandes séquences d’effets spéciaux, justifiées par une drogue hallucinogène que la secte du film emploie sur ses victimes : un poulet et un porte-manteau qui attaquent le client d’un restaurant, le vieux client d’une librairie agressé par deux presses livres en forme de gargouilles (hommage direct aux harpies de Jason et les Argonautes), des pâtisseries vivantes dans un frigo et l’incroyable séquence du vitrail qui s’anime pour affronter un prêtre. « C’était la première fois que l’image de synthèse était intégrée de manière crédible dans une prise de vue réelle », nous raconte John Lasseter, alors en charge de cette scène. « Personne n’osait trop espérer que ça allait marcher. Une figurine articulée avait même été fabriquée en cas d’échec, pour que le chevalier du vitrail puisse, le cas échéant, être animé en stop-motion de manière traditionnelle. Mais nous avons réussi à créer six plans crédibles avec de la 3D » (1). Si Le Secret de la pyramide est une réussite formelle indiscutable (les effets supervisés par Dennis Muren sont incroyablement inventifs, la photographie de Stephen Goldblatt est somptueuse, la musique de Bruce Broughton très belle), il lui manque ce petit quelque chose qui distingue les œuvrettes sympathiques des grands films. Sans doute l’influence du Temple maudit est-elle trop marquée, spécialement au cours de son dénouement. Tout semblait en place pour d’autres aventures, comme en atteste cette ouverture vers les futurs méfaits du professeur Moriarty, mais le film restera sans suite. Chris Columbus y puisera tout de même plusieurs idées lorsqu’il mettra en scène les premiers volets de la saga Harry Potter.

 

(1) Propos recueillis par votre serviteur en février 1999

 

© Gilles Penso


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LA SORCIÈRE SANGLANTE (1964)

Barbara Steele irradie l’écran dans le rôle troublant d’une jeune femme assassinée qui ressuscite pour assouvir une vengeance d’outre-tombe…

I LUNGHI CAPELLI DELLA MORTE

 

1964 – ITALIE / ALLEMAGNE

 

Réalisé par Antonio Margheriti

 

Avec Barbara Steele, Robert Rains, Halina Zalewska, George Ardisson, Umberto Raho, Laura Nucci, Giuliano Raffaelli, Nello Pazzafini, Jeffrey Darcey

 

THEMA SORCELLERIE ET MAGIE

La Sorcière sanglante (dont le titre original pourrait se traduire par « Les longs cheveux de la mort ») est un scénario co-écrit par Ernesto Gastaldi et Tonino Valerii. Ce dernier cherche alors à faire ses premiers pas dans la mise en scène après avoir contribué à l’écriture de La Crypte du vampire et de Pour une poignée de dollars. Mais son inexpérience joue en sa défaveur, ce qui pousse le producteur Felice Testa Gay à opter pour un metteur en scène qui a déjà fait ses preuves, en l’occurrence Antonio Margheriti. Fidèle à ses habitudes, le réalisateur italien signe le film sous le pseudonyme Anthony Dawson (plus attrayant selon lui sur le marché international) et retrouve la comédienne Barbara Steele qu’il avait dirigée quelques mois plus tôt dans Danse macabre. Stakhanoviste, Margheriti signe d’ailleurs quatre autres longs-métrages la même année : Marchands d’esclaves, Le Monde sans voiles, La Terreur des Kirghiz et Fort Alésia. Tonino Valerii, lui, devra attendre 1966 pour passer derrière la caméra et signer notamment quelques westerns spaghettis comme Lanky l’homme à la carabine, Le Dernier jour de la colère ou le fameux Mon nom est personne sous l’égide de Sergio Leone. Tourné en grande partie dans le château de Massimo à Arsoli – et sur les plateaux de Cinecitta pour quelques intérieurs -, La Sorcière sanglante se déroule à la fin du 15ème siècle.

Adele Karnstein (Halina Zalewska) est accusée d’avoir utilisé la sorcellerie pour assassiner le frère du comte Humbolt (Giuliano Raffaelli). Elle est donc conduite au bûcher et meurt dans un immense brasier. En réalité, l’assassin est Kurt (George Ardisson), le propre fils du comte. Helen (Barbara Steele), la fille de la suppliciée, qui s’était précipitée voir Humbolt pour réclamer justice, ne trouve qu’un homme libidineux qui abuse d’elle. Une fois de plus, Barbara Steele irradie l’écran, ses cheveux corbeau et son regard noir offrant un magnifique contraste avec la blancheur diaphane de sa peau. Margheriti saisit sa photogénie dans une poignée de tableaux mémorables, comme ce plan iconique où la belle, les cheveux au vent, plonge ses mains dans les cendres de la défunte, tandis que le feu meurt lentement, surplombé par une croix penchée. Le vil Humbolt la course ensuite dans les bois et la précipite dans un torrent. « Et voilà ma chère, ton secret sera bien gardé » lui dit-il.

« Ton secret sera bien gardé »

La sœur cadette d’Helen, Lisabeth (incarnée aussi par Halina Zalewska), est contrainte plusieurs années plus tard d’épouser le détestable Kurt. C’est alors que la peste frappe le royaume, au moment même où Barbara Steele refait son apparition sous l’identité d’une jeune femme dont le carrosse s’est accidenté. Mais le spectateur devine qu’il s’agit bien d’Helen miraculeusement ressuscitée. D’autant que Margheriti a pris soin de nous offrir au préalable une scène étrange où la foudre frappe une tombe, et où le squelette qui la contenait se recouvre peu à peu de chair, tandis que ses orbites vides abritent soudain un regard humain. Peu satisfait du scénario alambiqué de La Sorcière sanglante, le cinéaste le réécrit en grande partie au fur et à mesure du tournage et improvise même des séquences entières sur le plateau. Le résultat est donc quelque peu décousu, mais le film contient de nombreux très beaux moments et s’achève sur une cruelle ironie sous forme d’un sinistre brasier purificateur.

 

© Gilles Penso


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