TOY STORY (1995)

Un cow-boy en bois et un cosmonaute en plastique allient leurs forces pour reconquérir le cœur d’un enfant… La machine Pixar est lancée !

TOY STORY

 

1995 – USA

 

Réalisé par John Lasseter

 

Avec les voix de Tom Hanks, Tim Allen, Don Rickles, Jim Varney, Wallace Shawn, John Ratzenberger, Annie Potts, John Morris, Erik von Detten, Laurie Metcalf

 

THEMA JOUETS I SAGA PIXAR

Quatre ans d’efforts auront été nécessaires pour donner naissance à Toy Story, tenant du titre convoité de premier long métrage en images de synthèse. Car si au milieu des années 90 les créations toujours plus réalistes des infographistes fleurissaient déjà de manière foisonnante, jamais un film entier n’avait encore banni toutes prises de vues réelles au profit de la synthèse pure. Pour les besoins d’un projet aussi gigantesque, la structure quasi-artisanale de la compagnie Pixar nécessite d’être revue à la hausse. Ainsi, les vingt-quatre employés initiaux de la société se retrouvent-ils au sein d’une équipe de cent artistes et techniciens. La trentaine d’animateurs réunie sous la supervision de Pete Docter a surtout fait ses armes loin des ordinateurs, dans le domaine du dessin animé traditionnel ou de l’animation en volume. Pour faciliter la tâche de ces artistes pas nécessairement familiarisés avec le travail infographique, le logiciel d’animation de Pixar, conçu sous le mode le plus convivial possible, s’avère l’outil idéal. Les animateurs de Toy Story se prêteront par ailleurs à des séances de mime et de comédie, afin de mieux entrer dans la peau des futurs personnages. Au cours de multiples sessions d’écriture, John Lasseter, Pete Docter, Joe Ranft, Andrew Stanton et Joss Whedon se réunissent pour rédiger les premières moutures du scénario. Lasseter s’inspire de deux jouets de son enfance pour imaginer les héros miniatures du film, un Casper qui parle lorsqu’on tire sur une ficelle et un G.I. Joe.

Dans la version finale du script, établie en janvier 1993, les protagonistes deviendront Woody et Buzz, autrement dit un cow-boy et un chevalier de l’espace hauts comme trois pommes. Selon le principe éprouvé du buddy movie, tous deux sont amenés malgré eux à cohabiter et à lutter, d’abord séparément puis côte à côte, pour reconquérir Andy, l’enfant auquel ils appartiennent. Les jouets choisis dans le film sont une combinaison d’inventions et de jouets réels, de nouveautés et d’anciens modèles. Ainsi évoluent aux côtés des deux héros un Monsieur Patate en pièces détachées, un cochon tirelire, une lampe de porcelaine en forme de jolie bergère, un chien extensible à ressort, un tyrannosaure jovial en plastique, un seau plein de soldats, une boîte remplie de singes, un télécran… Tous les jouets sont animés en fonction des articulations que sont véritablement censés posséder ces personnages en bois ou en plastique, avec toutes les limitations et les rigidités que cela comporte. L’erreur aurait en effet consisté à vouloir doter cette cohorte colorée et joyeuse de mouvements anthropomorphiques ou animaliers hyperréalistes. Le tyrannosaure en plastique baptisé Rex (et imaginé par Joss Whedon) en est un exemple frappant. Si l’on s’amuse à le comparer avec son congénère animé par les artistes d’ILM et du Tippett Studio pour Jurassic Park, on aura une idée de la démarche adoptée.

La course aux jouets

L’un des morceaux de bravoure du film est la scène de poursuite finale, un climax spectaculaire qui combine habilement les jouets, les êtres humains et les décors naturalistes. De l’aveu même du storyboarder Andrew Stanton, cet épisode mouvementé s’inspire d’une prestigieuse anthologie de poursuites cinématographiques, de Bullit à Ben Hur en passant par Les Aventuriers de l’arche perdue et Retour vers le futur 3. On pourrait ajouter The Wrong Trousers, l’une des fameuses aventures de Wallace et Gromit qui, avec une technique beaucoup plus artisanale, se terminait elle aussi par une poursuite franchement spectaculaire. Mais les plus grandes références du film de John Lasseter semblent remonter à bien plus loin. En effet, le principe de Toy Story évoque beaucoup les Puppetoons, ces fameux courts-métrages réalisés entre 1941 et 1949 par George Pal. Rien n’empêche non plus de penser que The Mascot de Ladislas Starevitch, un film de 20 minutes dans lequel des jouets animés image par image se réveillent dans la chambre d’un enfant endormi, ait partiellement servi d’inspiration à l’équipe de Pixar. Fort de ce passé riche en poésie fantastique, Toy Story s’inscrit donc dans une prestigieuse lignée et assume pleinement l’image de synthèse comme outil supplémentaire, sans jamais qu’il ne soit le moteur de l’intrigue ou le prétexte du récit. De fait, rien n’aurait empêché Toy Story d’être un film de marionnettes ou un dessin animé. C’est la combinaison d’un scénario en béton armé, de personnages extrêmement attachants, d’une mise en scène millimétrée, d’interprètes vocaux irrésistibles (avec en tête Tom Hanks et Tim Allen, remplacés avec talent par Jean-Philippe Puymartin et Richard Darbois dans la version française) et d’un outil technologique révolutionnaire qui auront permis à Toy Story de triompher aux quatre coins de la planète. La presse, dithyrambique, multipliera les superlatifs, et John Lasseter recevra à cette occasion un Oscar d’honneur.

 

© Gilles Penso


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ÉTRANGE NOËL DE MONSIEUR JACK (L’) (1993)

Née de l’esprit foisonnant de Tim Burton, cette fusion impensable entre Noël et Halloween s’est muée en objet de culte intergénérationnel…

THE NIGHTMARE BEFORE CHRISTMAS

 

1993 – USA

 

Réalisé par Henry Selick

 

Avec les voix de Danny Elfman, Chris Sarandon, Catherine O’Hara, William Hickey, Glenn Shadix, Paul Reubens, Ken Page, Edward Ivory, Susan McBride, Debi Durst

 

THEMA CONTES

En 1982, Tim Burton est simple animateur chez les studios Disney, au cours d’une période creuse qui voit naître Taram et le chaudron magique et Rox et Rouky. Pour se distraire, il reprend le célèbre poème de Clement Clarke Moore qui commence par la strophe « It was the night before Christmas » et en écrit une parodie de trois pages baptisée « The Nightmare Before Christmas ». Il l’illustre ensuite, dessine plusieurs storyboards et espère en tirer un téléfilm d’animation d’une vingtaine de minutes narré par son idole Vincent Price, comme c’était déjà le cas pour son court métrage Vincent. Le postulat de départ est un choc entre deux fêtes à priori antithétiques : Noël et Halloween. Avec son ami et associé Rick Heinrichs, Burton propose le projet aux responsables de Disney, qui le trouvent un peu trop sombre et étrange à leur goût. Les autres producteurs contactés s’avèrent tout aussi réticents. Le projet est donc laissé de côté un moment, et Tim Burton réalise au cours des dix années qui suivent Pee Wee’s Big Adventure, Beetlejuice, Edward aux mains d’argent, Batman et Batman le défi. Lorsqu’il retourne voir les responsables de Disney au début des années 90, on lui déroule cette fois-ci le tapis rouge et son ancien projet devient désormais très convoité.

Occupé par la post-production du deuxième Batman et la préparation de Ed Wood, Burton craint par ailleurs de manquer de patience et de minutie pour diriger pendant deux ans un long-métrage entièrement conçu en animation image par image. Il se met donc en quête d’un metteur en scène. C’est Rick Heinrichs qui lui propose Henry Selick, un de leurs anciens collègues des studios d’animation Disney devenu depuis réalisateur de courts-métrages animés, notamment pour MTV. Le film raconte les mésaventures de Jack Skellington, Roi des Citrouilles, et grand ordonnateur de la ville d’Halloween, peuplée de monstres et de créatures étranges friandes de farces macabres. Avide de nouvelles expériences, il découvre par hasard l’entrée de la ville de Noël et décide de prendre le relais du Père Noël. Si Tim Burton n’a pas directement signé ce conte macabre, sa personnalité, elle, y est omniprésente. Visuellement, le film évoque beaucoup Beetlejuice mais aussi les ombres de Batman et les couleurs chamarrées de Edward aux mains d’argent. Il est difficile de ne pas penser également à ses premiers courts métrages en noir et blanc : Vincent, bel hommage à Vincent Price déjà entièrement conçu en animation, et Frankenweenie, parodie canine de Frankenstein évoluant dans des décors très expressionnistes.

Le Roi des Citrouilles

Il faut bien sûr louer le talent trop mésestimé de Henry Selick, sans qui cette folie n’aurait pu être conçue, et celui de Danny Elfman, dont la partition opératique, de toute beauté, ne quitte pas le film une seconde, les chansons étant au moins aussi importantes que les dialogues. Visuellement, artistiquement, esthétiquement, The Nightmare Before Christmas est une réussite totale. Alors que Jurassic Park venait de transformer l’image de synthèse en passage obligatoire en matière d’effets visuels au cinéma, ce gigantesque retour à la bonne vieille animation image par image avait à l’époque quelque chose de très euphorisant. « Avec la technique de la stop-motion, vous sentez l’artiste qui lutte pour obtenir le résultat le plus parfait possible, et qui n’y arrive jamais complètement, parce que c’est impossible », nous explique Henry Selick. « Cette « électricité » entre l’animateur et la figurine est palpable. Une grande partie du charme de l’animation en volume réside dans cet état de fait. » (1) Aujourd’hui encore, les défis techniques et artistiques de L’Étrange Noël de Monsieur Jack demeurent incroyables, et Tim Burton lui-même se sera efforcé de retrouver ce grain de folie à travers des œuvres telles que Les Noces Funèbres ou son propre remake de Frankenweenie. Quant à Jack Skellington, il s’est mué en icône indémodable du cinéma fantastique, ornant les chambres, les vêtements, et les sacs des adolescents de toutes les générations.

 

© Gilles Penso

 

(1) Propos recueillis par votre serviteur en mai 2009

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