MEGA SHARK VERSUS KOLOSSUS (2015)

Pour sa quatrième aventure, le Mégalodon préhistorique de The Asylum affronte un robot géant conçu par les Soviétiques pendant la Guerre Froide

MEGA SHARK VERSUS KOLOSSUS

 

2015 – USA

 

Réalisé par Christopher Ray

 

Avec Illeana Douglas, Amy Rider, Brody Hutzler, Edward DeRuiter, Ernest Thomas, Tara Price, Jeff Hatch, Bryan Hanna, Patrick Bauchau

 

THEMA MONSTRES MARINS I ROBOTS I SAGA MEGA SHARK

Après la pieuvre géante, le crocodile titanesque et un immense squale robotique, quel adversaire allait-on bien pouvoir opposer à ce bon vieux Mégalodon déjà « héros » de trois longs-métrages ? Pourquoi pas un colosse mécanique ? Cette idée est née dans l’esprit des décideurs de The Asylum suite à l’annonce de la sortie imminente du long-métrage L’Attaque des Titans, adaptation « live » du manga de Hajime Isayama. La petite compagnie revient ainsi à ses premières amours, autrement dit la photocopie à petit budget des gros succès du moment. Comme Roger Corman à l’époque de Carnosaur, imitation anticipée de Jurassic Park, les producteurs malicieux coupent ainsi l’herbe sous les pieds du film de Shinji Higuchi et parviennent à finaliser Mega Shark Versus Kolossus avant le blockbuster nippon. Écrit par Edward DeRuiter (2-Headed Shark Attack), réalisé par Christopher Ray (Mega Shark Versus Crocosaurus), ce quatrième épisode de la franchise aquatique capitalise aussi sur l’une des productions précédentes de The Asylum, Atlantic Rim, copie low cost du Pacific Rim de Guillermo del Toro.

Lorsque le film commence, le Mégalodon réapparaît au large de Rio et détruit un chalutier russe. Il est alors pris en chasse par deux « Licornes », des submersibles futuristes que pilotent de jolies filles tout de cuir vêtu (une savoureuse petite touche « pulp »). Le monstre éjecte l’un des engins, provoquant la destruction de la statue du Christ de Rio (clin d’œil au Sphinx décapité au début du film précédent), et entraîne l’autodestruction du second sous-marin. Pendant ce temps, à Tchernobyl, dans un site industriel désaffecté et inondé de fumigènes, des trafiquants activent sans le vouloir un gigantesque robot qui surgit sous leurs yeux ébahis et prend la tangente à travers champs.  « On a comme un gros problème ! » affirme un agent infiltré face à ce spectacle inattendu. Ce titan est un projet soviétique conçu puis abandonné pendant la Guerre Froide et répondant au doux nom de Kolossus. « Une bombe nucléaire sur pattes », résume un informaticien au service du gouvernement américain. « C’est la machine de l’apocalypse », reprend-il, « il n’y a pas d’interrupteur pour l’éteindre ! ». Et tandis que le Mégalodon continue à jouer à la bataille navale avec les navires militaires, le géant métallique détruit tout sur son passage. Que faire ? Le titre du film ne laisse pas d’ambiguïté sur la suite des événements : le Mega Shark et le Kolossus vont devoir s’affronter !

« On a comme un gros problème ! »

Sans chercher à concurrencer ceux des productions plus fortunées, les effets visuels du film tiennent franchement la route. Le requin géant est aussi convaincant que dans le film précédent et le Kolossus est une belle création qui – au-delà de son look « emprunté » à L’Attaque des Titans – évoque certains des robots animés par David Allen dans les productions Charles Band (Robot Jox, Robot Wars). L’un des dialogues du film se réfère d’ailleurs à une autre création mythique en stop-motion : la statue de bronze Talos de Jason et les Argonautes. Concernant l’éternel retour du Mégalodon, le scénario prend le même parti que Le Retour de Godzilla de 1954 : il s’agirait à chaque fois d’un nouveau spécimen, le dernier en date étant en pleine croissance et doté de surcroît d’une intelligence hors du commun. Le film se pare de séquences iconiques s’autorisant tous les excès, comme Kolossus qui attrape au vol un avion supersonique dans chacune de ses gigantesques mains (réminiscence du célèbre poster du King Kong de 1976), ou encore le requin se propulsant dans l’espace pour détruire un satellite ! Dans le petit rôle d’un vieux scientifique, équivalent russe d’Einstein ou d’Oppenheimer, les cinéphiles reconnaîtront le visage buriné de Patrick Bauchau (dont l’éclectisme le poussa à jouer dans des œuvres aussi disparates que La Collectionneuse, La Femme publique, Dangereusement vôtre, Phenomena, Panic Room ou 2012). Certes, le scénario de Mega Shark Versus Kolossus prend l’eau de tous les côtés, mais c’est probablement le plus généreux, le plus distrayant et le plus réussi des épisodes de cette étrange saga.

 

© Gilles Penso

Partagez cet article

MEGA SHARK VERSUS MECHA SHARK (2014)

Pour sa troisième aventure orchestrée par la compagnie The Asylum, le gigantesque Mégalodon affronte un requin géant robotique

MEGA SHARK VERSUS MECHA SHARK

 

2014 – USA

 

Réalisé par Emile Edwin Smith

 

Avec Christopher Judge, Elisabeth Röhm, Deborah Gibson, Beejan Land, Matt Lagan, Kate Avery, Hannah Levien

 

THEMA MONSTRES MARINS I ROBOTS I SAGA MEGA SHARK

Interrompue momentanément en 2010, la franchise Mega Shark est relancée en grande partie grâce au succès inespéré de Sharknado, premier véritable hit de la compagnie The Asylum spécialisée dans les films de genre à tout petit budget. Le scénario d’un troisième opus est donc commandé au scénariste Jose Prendes. Réticent au départ (Mega Shark Versus Giant Octopus et Mega Shark Versus Crocosaurus n’étant pas particulièrement sa tasse de thé), Prendes se prête finalement au jeu et propose un concept qui semble directement hérité de Godzilla contre Mecanick Monster : cette fois-ci, le grand monstre marin va devoir affronter son double robotique. A la mise en scène, Emile Edwin Smith effectue son baptême en dirigeant pour la première fois un long-métrage, même si notre homme n’est pas à proprement parler un débutant dans la mesure où il a longtemps œuvré dans le domaine des effets spéciaux numériques, du Chacal à La Malédiction de la Momie en passant par Mimic 2, les séries Firefly et Battlestar Galactica, Le Dernier Maître de l’air, Rango ou encore justement Sharknado.

Lorsque le film démarre, le Mégalodon refait son apparition en Égypte. Toujours aussi féru de sauts périlleux, il éjecte un navire dans les airs et provoque la décapitation du Sphinx (une scène un peu absurde que les producteurs imposèrent au scénariste). Les eaux internationales étant à nouveau menacées par la créature antédiluvienne, le gouvernement américain met au point une arme top-secrète : un requin mécanique géant qui sera équipé d’une intelligence artificielle et dirigé conjointement par la pilote Rosie Gray (Elisabeth Röhm) et son époux ingénieur Jack Turner (Christopher Judge). Après des premiers essais effectués sur le Mark 1, un bathyscaphe en forme de squale qui nous rappelle irrésistiblement celui de Tintin dans « Le Trésor de Rakham le rouge », place donc au Mark 2, rapidement surnommé le « Méchalodon ». Tandis que le personnage de l’océanographe Emma McNeil (Deborah Gibson), qui tenait la vedette de Mega Shark Versus Giant Octopus, refait ici son apparition pour prodiguer quelques conseils scientifiques à nos héros, la machine et la bête se préparent à un affrontement titanesque…

Mégalodon contre Méchalodon

Ce qui saute aux yeux de prime abord, c’est le saut qualitatif qui distingue ce troisième opus des deux précédents Mega Shark. Il ne s’agit pas de crier au chef d’œuvre bien sûr (avec un titre pareil, le film annonce assez rapidement la teneur de ses ambitions), mais reconnaissons que la mise en scène et la direction des acteurs ont largement été revus à la hausse. Le scénario évoque même quelques failles psychologiques chez son couple vedette en mettant en place un trauma passé et ses répercussions dans leur comportement présent. The Asylum ne nous avait pas habitués à ça ! Les effets spéciaux aussi ont beaucoup évolué, ce qui semble logique au regard du curriculum vitae du metteur en scène. Les images de synthèses sont plus soignées qu’à l’accoutumée, le requin monstrueux beaucoup plus réussi qu’auparavant et son adversaire robotique assez impressionnant. Du coup, même s’il continue à multiplier les séquences d’action improbables (les deux requins surgissent des eaux et s’entrechoquent dans le ciel devant le passage d’un Boeing, le mégalodon coule un porte-avion dans un grand délire pyrotechnique, le méchalodon roule dans les rues de Sidney en échappant à tout contrôle), ce troisième Mega Shark sait se montrer plus convaincant que ses prédécesseurs. Annoncé comme le dernier de la série, Mega Shark Versus Mecha Shark sera pourtant suivi d’un quatrième épisode.

 

© Gilles Penso

À découvrir dans le même genre…

 

Partagez cet article

MEGA SHARK VERSUS CROCOSAURUS (2010)

Le Mégalodon qui affrontait jadis une pieuvre géante combat désormais un gigantesque crocodile aussi vorace que lui

MEGA SHARK VERSUS CROCOSAURUS

 

2010 – USA

 

Réalisé par Christopher Ray

 

Avec Jaleel White, Gary Stretch, Sarah Lievieng, Robert Picardo, Gerald Webb, Dylan Vox, Hannah Cowley, Michael Gaglio

 

THEMA MONSTRES MARINS I REPTILES ET VOLATILES I SAGA MEGA SHARK

Mega Shark Versus Giant Octopus n’était pas un film très folichon, mais il parvint à satisfaire les ambitions somme toute très modestes de la compagnie The Asylum. Suffisamment en tout cas pour générer une séquelle qui n’entretient que très peu de rapport avec le premier film et dont l’ensemble de l’équipe a d’ailleurs été remplacé des deux côtés de la caméra. Succédant à Jack Perez, Christopher Ray assure la mise en scène de ce second opus. Déjà signataire de quelques productions du même acabit (Reptisaurus et Megaconda), il est aussi connu pour être le fils de Fred Olen Ray, lui-même réalisateur d’une multitude de films de genre à tout petit budget. Ainsi, à part une poignée de clins d’œil destinés aux initiés les plus attentifs (une affiche dédicacée de la chanteuse Deborah Gibson qui jouait dans le film précédent, un poster asiatique de Mega Shark Versus Giant Octopus sur la façade d’un cinéma), seul le requin géant assure un mince lien entre les deux longs-métrages.

Envoyé par le fond par son adversaire tentaculaire, le Mégalodon est donc toujours vivant et plus vaillant que jamais. Repéré par un bateau de guerre, il effectue de gracieux sauts périlleux au-dessus du navire et détruit tout à coup de queue. Seul survivant du naufrage, le lieutenant McCormick (Jaleel White), qui est justement un spécialiste des requins, veut prendre sa revanche sur le squale qui a provoqué la mort de sa fiancée. C’est donc une variante bon marché du capitaine Achab de « Moby Dick ». Un malheur n’arrivant jamais seul, un crocodile aussi gros qu’un diplodocus surgit d’une caverne au Congo, semant la panique parmi les employés d’une mine de diamants (cinq ou six figurants armés de pioches) et dévorant tous ceux qui passent à portée de croc. Mix low-cost entre Indiana Jones et Crocodile Dundee, le chasseur de fauves Nigel Putnam (Gary Stretch, ex boxeur et mannequin vaguement reconverti au métier d’acteur) est alors sollicité pour capturer et tuer le méga-croco.  Il y parvient momentanément grâce à une arme tranquillisante et le fait transporter sur un bateau avec ses œufs. Mais le giga-requin passe soudain à l’attaque et permet au uber-croco de s’échapper. Les deux monstres étant dans la nature, le spécialiste des squales et l’expert en sauriens se retrouvent embarqués dans la même mission, le scénario tentant maladroitement de jouer la carte de la rivalité virile entre les deux hommes, sous les yeux exaspérés d’une militaire dure à cuire incarnée par Sarah Lieving.

Crocodile pondeur et requin atomique

Toutes les composantes du film précédent sont de la partie : images de synthèse catastrophiques, réutilisation inlassable des mêmes boucles d’animation, stock-shots de bateaux militaires, personnages carnavalesques et séquences d’action impensables (le requin n’en finissant plus de s’envoler pour éviter les torpilles, gober les sous-marin ou faire exploser les avions de chasse). Mais il faut reconnaître que ce second opus est plus distrayant, mieux rythmé et moins répétitif que son prédécesseur, multipliant les rebondissements délirants et ne reculant devant aucune démesure. Témoin cette scène épique involontairement comique dans laquelle les deux héros courent au ralenti sur la plage, arme au poing, au son d’un Carmina Burana du pauvre, tandis que les vagues éclaboussent l’arrière-plan et que le croco numérique géant s’agite devant eux. Le combat entre les deux titans finit par provoquer des raz de marée à Panama, et la situation se corse lorsque des milliers d’œufs du croco éclosent et qu’une horde de sauriens menace d’attaquer Santa Monica. Comme si ça ne suffisait pas, le Mégalodon avale un sous-marin équipé d’une bombe atomique et se transforme dès lors en monstre nucléaire ! Seul visage familier du casting, Robert Picardo (acteur fétiche de Joe Dante) joue ici un amiral autoritaire, un rôle caricatural indigne du talent de celui qui nous terrifia en loup-garou dans Hurlements et nous fit hurler de rire en cowboy dans L’Aventure intérieure.

 

© Gilles Penso

Partagez cet article

MEGA SHARK VERSUS GIANT OCTOPUS (2009)

Réveillés du bloc de glace où ils étaient prisonniers depuis la préhistoire, un Mégalodon et une pieuvre géante sèment la panique…

MEGA SHARK VERSUS GIANT OCTOPUS

 

2009 – USA / GB

 

Réalisé par Jack Perez

 

Avec Deborah Gibson, Lorenzo Lamas, Vic Chao, Sean Lawlor, Jonathan Nation, Mark Hengst, Michael Teh, Chris Haley, Dustin Harnish

 

THEMA MONSTRES MARINS I SAGA MEGA SHARK

Fondée en 1997, la bien-nommée compagnie de production The Asylum s’est rapidement spécialisée dans l’exercice du « mockbuster », autrement dit l’imitation à tout petit budget des grands succès hollywoodiens. Armageddon, Universal Soldier, Je suis une légende, Transformers, Fast and Furious, La Guerre des mondes, tous les hits musclés ont droit à leur version low-cost, ce qui a tendance à faire régulièrement grincer des dents les avocats des grands studios. Tout en continuant sur cette lancée relativement rentable, les joyeux drilles de The Asylum se laissent séduire par une tendance amorcée avec le Peur Bleue de Renny Harlin et la série Shark Attack produite par Nu Image : le film de requins. Les squales monstrueux pullulant plus que de raison depuis le début des années 2000, les producteurs David Michael Latt et David Rimawi apportent leur pierre à cet étrange édifice en proposant un concept que résume laconiquement le titre Mega Shark Versus Giant Octopus : l’affrontement entre un requin géant et une pieuvre surdimensionnée. Aux commandes de cette minuscule production aux grandes ambitions, Jack Perez (Sexcrimes 2, L’île des insectes mutants) fait ce qu’il peut avec les douze jours de tournage à sa disposition, c’est-à-dire pas grand-chose…

Tout commence au large de l’Alaska. L’océanographe Emma MacNeil (incarnée sans une once de crédibilité par la chanteuse pop Deborah Gibson) a emprunté sans autorisation un bathyscaphe expérimental pour partir étudier la migration des baleines. Or juste au-dessus d’elle, un hélicoptère de l’armée lance un sonar dans l’eau. Les conséquences sont catastrophiques : désorientées, les baleines heurtent un immense glacier dans lequel étaient retenues prisonnières deux créatures préhistoriques : un Mégalodon (autrement dit un requin géant qui vivait il y a des dizaines de millions d’années) et une pieuvre tellement grande que le céphalopode de 20 000 lieues sous les mers ressemblerait presque à un beignet de calamar à côté d’elle. Enfin libres, les titans marins se mettent à semer la panique, la mort et la destruction dans tous les océans. Renvoyée de l’institut qui l’employait pour cause d’insubordination, notre vaillante océanographe joint ses efforts à ceux d’un ancien paléontologue de la Navy (Lorenzo Lamas, ancienne star des ménagères des années 80 qui se souviennent avec émoi de ses rôles récurrents dans Falcon Crest et Amour, gloire et beauté) pour mener l’enquête. Bientôt, un sympathique chercheur japonais (Vic Chao) se joint à eux. Après s’être longtemps creusé la tête, nos trois scientifiques arrivent à la même conclusion que les héros de King Kong contre Godzilla : pour se débarrasser des monstres, il faut les attirer l’un vers l’autre et les pousser à s’entretuer…

Les câlins de la pieuvre et le saut du requin

Mega Shark Versus Giant Octopus n’a aucun complexes. Malgré des effets spéciaux au rabais et des images de synthèse risibles, le film accumule les séquences excessives et irrationnelles. Tandis que la pieuvre géante attaque une plateforme pétrolière japonaise en lui octroyant un gigantesque câlin avec ses tentacules démesurés, puis fait exploser en vol un avion de chasse avant d’envoyer par le fond toute une flotte de sous-marins, le requin n’est pas en reste puisqu’il joue à la bataille navale avec les navires de guerre américains, croque un pont autoroutier à San Francisco et – il faut le voir pour le croire – s’envole dans le ciel pour heurter un Boeing 747 ! Pour grotesques qu’elles soient, ces séquences sont – involontairement – drôles. Mais elles ne sont pas si fréquentes, la majorité du métrage étant consacrée à de longs dialogues pseudo-spirituels, des joutes verbales interminables entre l’armée et les savants, des expériences chimiques à répétition (qui consistent principalement à mélanger des liquides colorés dans des tubes à essai et à regarder le résultat d’un air inspiré) et une idylle saugrenue entre l’océanographe et son homologue nippon. Jack Perez tente bien de cacher la misère avec une infinité de jolis plans de couchers de soleil sur l’océan Atlantique et une succession d’étranges effets de flash qui scandent régulièrement les séquences d’action, mais rien n’y fait : Mega Shark Versus Giant Octopus est un nanar navrant dont la fin laisse la porte ouverte vers une possible séquelle. Et effectivement, malgré sa médiocrité, ce film sera le premier chapitre d’une petite saga aquatique.

 

© Gilles Penso

Partagez cet article

FRANKENSTEIN CRÉA LA FEMME (1967)

Le docteur Frankenstein tente une expérience inédite : transférer le cerveau d’un homme dans le corps de sa fiancée !

FRANKENSTEIN CREATED WOMAN

 

1967 – GB

 

Réalisé par Terence Fisher

 

Avec Peter Cushing, Susan Denberg, Thorley Walters, Robert Morris, Peter Blythe, Barry Warren, Derek Fowlds

 

THEMA FRANKENSTEIN

Ce quatrième Frankenstein façon Hammer joue à nouveau la carte de l’originalité, après l’écart « universalien » de L’Empreinte de Frankenstein, et marque le retour de Terence Fisher derrière la caméra. De toute la série britannique, c’est probablement le plus émouvant. Cet état de fait s’explique en partie parce que l’histoire se concentre, dans sa première moitié, sur les amours fragiles de Hans (Robert Morris), le jeune assistant du Baron Frankenstein qui a vu mourir son père sur l’échafaud, et de Christina (Susan Denberg), la fille du tenancier d’un bar, jolie mais affublée de claudication et surtout d’une cicatrice qui défigure la moitié de son visage. Même le Baron, en pleine forme malgré sa mort dans l’incendie de L’Empreinte de Frankenstein, et relégué presque au rôle d’un personnage secondaire dans la première partie du film, nous apparaît ici plus humain, plus sympathique qu’à l’accoutumée. Sa froideur et son cynisme semblent surtout constituer une panoplie d’apparat que le Baron se plaît à exhiber en société, comme pour mieux se protéger du monde extérieur.

Après la mort de Hans, injustement exécuté pour le meurtre du père de Christina, et le suicide de celle-ci, noyée dans le chagrin, Frankenstein récupère son corps, la ressuscite, l’embellit et lui donne l’âme de Hans. Dès lors, Susan Denberg apparaît dans toute la sculpturale beauté qui lui valut le titre de Miss Août 1966 chez Playboy, tandis que la créature qu’elle interprète n’a plus qu’une idée en tête : se venger en punissant les trois jeunes nobles qui ont assassiné son père. Dès lors, l’intrigue perd hélas une grosse partie de son intérêt, se résumant alors à l’exécution des trois coupables par la créature armée d’un hachoir. D’autant qu’en embellissant, l’héroïne a perdu beaucoup de son potentiel émotif, et les thématiques propres au mythe de Frankenstein s’évanouissent derrière le schéma classique du « revenge movie ». Dommage, car le potentiel trouble de ce monstre bisexuel était fascinant, comme en témoigne cette séquence étrange où la belle discute avec la tête décapitée de l’homme dont l’esprit habite désormais son corps, en un clin d’œil shakespearien qui donne le vertige !

Une créature de rêve

Le final a quelque chose de désespérément touchant, le film baignant tout entier dans une envoûtante partition de James Bernard. Résolument à part dans la saga Hammer inspirée de Mary Shelley, Frankenstein Créa la Femme est probablement l’épisode qui divise le plus l’opinion, considéré tour à tour comme un chef d’œuvre complexe ou comme un ratage maladroit. Reconnaissons lui en tout cas l’indéniable originalité de son approche, bien rafraîchissante après les redites de L’Empreinte de Frankenstein. Et puis, avouons-le sans vergogne, un monstre aussi anatomiquement parfait que Susan Denberg, ça n’est pas un spectacle courant au pays des savants fous et des Prométhées modernes ! Saluons enfin l’audace d’un titre s’appréciant comme un pied de nez à l’Ancien Testament et au classique de Roger Vadim. D’ailleurs Brigitte Bardot n’eut-elle pas été un magnifique monstre de Frankenstein ?

 

© Gilles Penso

Partagez cet article

BLADE TRINITY (2004)

Pour sa troisième aventure sur grand écran, le chasseur de vampires Blade affronte le comte Dracula en personne

BLADE TRINITY

 

2004 – USA

 

Réalisé par David S. Goyer

 

Avec Wesley Snipes, Kris Kristofferson, Dominic Purcell, Jessica Biel, Ryan Reynolds, Parker Posey, John Michael Higgins

 

THEMA VAMPIRES I SUPER-HÉROS I SAGA BLADE

Grâce au Blade 2 de Guillermo del Toro, l’adaptation à l’écran des aventures du héros vampire imaginé par Marv Wolfman et Gene Colan pour les Marvel comics s’est muée en juteuse franchise cinématographique. Désireux de ne pas en rester là, le talentueux scénariste David S. Goyer décide de passer lui-même à la mise en scène pour ce troisième opus tout en s’efforçant de relancer l’intérêt d’un sujet déjà bien surexploité. Pour y parvenir, Goyer n’y va pas par quatre chemins : il ressuscite Dracula, carrément ! L’idée n’est pas saugrenue en soi, dans la mesure où le comte transylvanien s’illustrait déjà dans les pages du comics original. Mais l’on sent chez le scénariste/réalisateur un besoin impérieux de dépoussiérer le mythe afin de l’accorder au modernisme inhérent aux deux premiers Blade. Dracula se fait donc appeler « Drake » (!) et a troqué la figure hautaine d’un Bela Lugosi ou d’un Christopher Lee en cape noire contre celle d’un trentenaire musclé et athlétique à qui Dominic Purcell prête ses traits. Hélas, la co-star de Prison Break manque singulièrement du charisme nécessaire à l’interprétation d’une telle figure, et cette erreur de casting est l’une des grandes faiblesses du film.

Ramené à la vie au beau milieu du désert irakien par un commando de vampires qui reconnaissent en lui leur invincible ancêtre, Drake va donc donner du fil à retordre à Blade, qui croule déjà sous les problèmes après avoir abattu un humain qui se faisait passer pour un suceur de sang. Arrêté par le FBI, il est libéré in-extremis par une confrérie de jeunes chasseurs de vampires, les Rôdeurs de la Nuit, constitués de génies scientifiques, d’as de la gâchette et de sportifs hors pair. Parmi eux, on trouve notamment Jessica Biel et Ryan Reynolds, héros respectifs des remakes de Massacre à la tronçonneuse et de Amityville. À contrecœur, Blade accepte de se joindre à eux pour les aider à concevoir un virus censé éradiquer la race vampire une bonne fois pour toutes. Petite difficulté : pour garantir l’efficacité de ce virus, il faut y mêler un peu de sang de Dracula…

Un long vidéoclip

Si Guillermo Del Toro était parvenu à trouver un juste équilibre entre l’épouvante, l’action et la comédie, ce troisième épisode s’efforce de revenir à une certaine noirceur exempte de tout humour, si l’on excepte deux ou trois répliques d’un Ryan Reynolds pré-Deadpool qui – du coup – tombent un peu à plat. Cette approche du sujet au tout premier degré pêche de fait par manque de recul. Il faut reconnaître l’efficacité de la mise en scène de David Goyer le temps d’une poignée de séquences d’action ébouriffantes, notamment la course poursuite d’ouverture ou les acrobatiques échauffourées mettant en scène la belle Jessica Biel. Mais Blade Trinity donne assez rapidement la sensation de n’être qu’un long vidéoclip pour adolescents taciturnes amateurs de trip-hop et de jeux vidéo, comme si le scénariste cherchait à prouver à la face du monde ses talents de jeune réalisateur en abusant de montages clipés et de musique électronique. Il faut dire que Del Toro avait placé la barre très haut, et qu’il était difficile de lui emboîter le pas sans se casser les dents.

 

© Gilles Penso

Partagez cet article

BLADE (1998)

L’univers de Marvel connaît sa première adaptation cinématographique à succès à travers les exploit du plus charismatique des chasseurs de vampires

BLADE

 

1998 – USA

 

Réalisé par Stephen Norrington

 

Avec Wesley Snipes, Stephen Dorff, Kris Kristofferson, N’Bushe Wright, Donald Logue, Uod Kier, Sanaa Lathan, Arly Jover, Traci Lords

 

THEMA VAMPIRES I SUPER-HÉROS I SAGA BLADE I MARVEL

Créé en 1973 par l’auteur Marv Wolfman et le dessinateur Gene Colan, le personnage de Blade présente le mythe du vampirisme sous un œil nouveau. Il s’agit en effet d’un être moitié homme moitié suceur de sang qui lutte aussi bien contre le mal qui le ronge que contre les vampires eux-mêmes. Il présente aussi la particularité d’être avec Black Panther l’un des premiers super-héros noirs de l’univers Marvel. Une adaptation de ses aventures à l’écran est envisagée dès 1992, mais elle ne se concrétisera qu’à la fin de la décennie, à travers un scénario de David S. Goyer qui opte pour une approche sérieuse, alors que le studio New Line penchait plutôt pour un ton semi-humoristique. Si LL Cool Jr était envisagé initialement dans le rôle-titre, c’est finalement Wesley Snipes qui en hérite, s’impliquant dans la production du film au point d’avoir un droit de regard sur le choix du réalisateur. « Je voulais quelqu’un qui soit capable d’emmener Blade au-delà du film de vampire classique, au-delà des œuvres plus récentes comme Génération perdue ou Entretien avec un vampire », raconte l’acteur « Il nous fallait un réalisateur qui ait beaucoup d’imagination, et à mon avis Stephen Norrington était l’homme idéal pour cette toute nouvelle approche. Lorsque j’ai vu son premier film, Death Machine, j’ai été impressionné par la manière dont il avait utilisé au mieux le modeste budget dont il disposait, compte-tenu du nombre important d’effets spéciaux qu’il y a dans le film. » (1)

Blade s’ouvre sur une séquence qui est entrée dans la légende. Un homme est entraîné par une jeune femme dans une boîte de nuit underground où les corps s’agitent sur le rythme hypnotique d’une musique électronique, jusqu’à ce que des douches inondent soudain les lieux d’hectolitres de sang. Paniqué, notre homme voit la horde dansante, aux mâchoires soudain garnies de crocs acérés, se ruer sur lui. Mais avant qu’ils aient pu en faire leur casse-croûte, Blade surgit, superbement iconique. Grand manteau sombre, plastron blindé, lunettes noires, visage impassible, il massacre la nuée de vampires à tour de bras sans tacher son beau costume puis prend la poudre d’escampette. Au sein de la communauté vampire, qui a infiltré les hautes sphères du pouvoir depuis des millénaires, deux écoles s’opposent : l’ancienne génération des sang-purs (ceux qui sont nés vampires) représentée par  Dragonetti (Udo Kier), qui prône la discrétion et le travail en souterrain ; et la nouvelle génération (ceux qui ont subi une mutation) menée par le « bad boy » Deacon Frost (Stephen Dorff) qui souhaite conquérir le monde en provoquant une sorte d’apocalypse. « Les humains sont notre nourriture, pas nos alliés ! » s’écrie le jeune impulsif dans l’une de ses confrontations tendues avec la vieille garde. Seul Blade, qui possède les forces des vampires mais aucune de leurs faiblesses, semble pouvoir inverser le cours des choses…

Changements de ton

Porté par la mise en scène alerte de Stephen Norrington, les maquillages spéciaux de Greg Cannom, les effets visuels de Flat Earth et la musique envoûtante de Mark Isham, Blade collectionne les images insolites (le gélatineux gardien des archives), les séquences d’action échevelées (la poursuite dans le métro) ou un certain humour macabre (l’homme de main de Frost qui ne meurt jamais). Mais le film semble hésiter sur la bonne tonalité à adopter, à mi-chemin entre une noirceur teintée d’accès de violence et un esprit comic-book décomplexé. Du coup, Blade s’achemine vers un dernier acte distendu qui se perd dans une accumulation de rebondissements incohérents, de combats répétitifs et d’effets spéciaux excessifs. Le plus gros atout du film demeure finalement Wesley Snipes lui-même, pleinement investi dans un rôle qui lui sied à merveille. « C’est un personnage énigmatique, ambigu, presque dangereux, très différent des héros archétypiques que j’incarne d’habitude », confirmait-il à l’époque de la sortie du film. « C’était aussi une bonne occasion pour moi de mettre à contribution ma maîtrise des arts martiaux et de rendre hommage aux films de Hong Kong. Mon intérêt pour Blade tenait également au fait qu’il y avait moyen de créer une franchise à succès, à la manière des Batman. » (2) En ce sens, Snipes eut du flair. Blade rapporta une petite fortune au box-office (70 millions de dollars sur le territoire américain et plus de 130 millions dans le monde), fut suivi de deux séquelles (dont l’une réalisée par Guillermo del Toro) et s’imposa surtout comme le premier succès cinématographique d’une adaptation de l’univers Marvel.

 

(1) et (2) Propos recueillis par votre serviteur en octobre 1998

 

© Gilles Penso

Partagez cet article

ANNABELLE: LA MAISON DU MAL (2019)

Ce troisième volet des aventures de la poupée diabolique transforme la maison des Warren en véritable train fantôme

ANNABELLE COMES HOME

 

2019 – USA

 

Réalisé par Gary Dauberman

 

Avec McKenna Grace, Madison Iseman, Katie Sarife, Vera Farmiga, Patrick Wilson, Michael Cimino, Steve Coulter, Luca Luhan, Paul Dean

 

THEMA JOUETS I DIABLE ET DÉMONS I FANTÔMES I LOUPS-GAROUS I SAGA CONJURING

Contrairement à tous les spin-off dérivés de Conjuring et Conjuring 2, ce troisième Annabelle met en scène les célèbres époux Ed et Lorraine Warren, qui brillaient pourtant par leur absence dans les deux autres films consacrés au jouet diabolique (à l’exception d’un ou deux flash-backs/flash-forwards rapides). Or nous les retrouvons ici au premier-plan, juste après qu’ils aient récupéré la sinistre poupée des mains de ses précédents propriétaires. Ils la ramènent chez eux, non sans mal, la font copieusement bénir par un prêtre puis l’enferment dans sa cage de verre, au fond de leur « cabinet des curiosités ». Le texte de présentation qui suit ce prologue reprend le procédé narratif utilisé dans les deux longs-métrages précédents consacrés aux époux Warren, donnant à cet épisode les allures d’un Conjuring 3. Mais ce n’est qu’un leurre. En effet, passée cette introduction, Patrick Wilson et Vera Farmiga disparaissent du film pour céder la place à de plus jeunes protagonistes. Annabelle : la Maison du Mal démarre alors vraiment, présentant la particularité de se dérouler quasi-intégralement dans le domicile des Warren.

Un an après avoir installé Annabelle chez eux, Ed et Lorraine s’absentent pour le week-end et confient à la jeune Mary Ellen (Madison Iseman) la garde de leur fille Judy (incarnée cette fois-ci par McKenna Grace, Sterling Jerins ayant trop grandi depuis Conjuring et Conjuring 2). Daniela (Katie Sarife), une amie de Mary Ellen, s’invite dans la maison des Warren. Trop curieuse, elle fouine partout et trouve un jeu de clefs ouvrant la fameuse pièce verrouillée qui renferme les artefacts des enquêtes précédentes des Warren. Daniela rêve secrètement d’entrer en contact avec l’esprit de son père, récemment décédé dans un accident de voiture dont elle se juge responsable. Mais à force de fouiller, elle finit par libérer la poupée Annabelle de sa boîte en verre. Les forces démoniaques qui étaient alors en sommeil n’attendaient que cette occasion pour se réveiller brutalement, en quête d’une âme à pervertir,  et à se déchaîner dans toutes les pièces de la maison…

Entre Scooby-Doo et Chair de Poule

Les trois longs-métrages consacrés à Annabelle se distinguent les uns des autres par des partis pris artistiques et des ambiances radicalement différents. Si le premier puisait son inspiration du côté de Rosemary’s Baby et si second se laissait influencer par les films de fantômes ibériques, celui-ci semble chercher son imagerie du côté du slasher des années 70. Ces ados (dont une baby-sitter) traqués dans une maison en pleine nuit le temps d’un week-end semblent en effet sans cesse sur le point de croiser la silhouette de Michael Myers ! Mais au lieu d’un tueur masqué, c’est toute une sarabande de créatures disparates qui surgit dans le film. Le postulat scénaristique autorise en effet tous les excès. Car dès qu’Annabelle est libre de ses mouvements, c’est la foire aux monstres : femme possédée par une robe de mariée sanglante, loup-garou affamé, fantômes revanchards, cadavres ambulants, diable cornu, samouraï monstrueux… Annabelle : la Maison du Mal prend vite les allures d’un « best-of » d’entités démoniaques, au sein d’une maison Warren transformée le temps d’une nuit en train fantôme. Mais comme ici tout n’est que visions, illusions, apparitions et disparitions, et comme en outre personne ne meurt vraiment, le film finit par ressembler à un inoffensif conte macabre pour enfants, à mi-chemin entre Chair de poule et un épisode de Scooby-Doo. Même si le scénariste Gary Dauberman s’en sort plutôt bien pour ses débuts derrière la caméra, il faut reconnaître que ce troisième Annabelle anecdotique n’apporte pas grand-chose à l’édifice Conjuring. On note que le film est dédié à la mémoire de la vraie Lorren Warren, décédée quelques mois avant sa sortie sur les écrans.

 

© Gilles Penso

À découvrir dans le même genre…

 

Partagez cet article

La MALÉDICTION DE LA DAME BLANCHE (2019)

Une nouvelle créature vient intégrer le bestiaire de la franchise Conjuring : le fantôme de la pleureuse maudite…

THE CURSE OF LA LLORONA

 

2019 – USA

 

Réalisé par Michael Chaves

 

Avec Linda Cardellini, Raymond Cruz, Patricia Velasquez, Marisol Ramirez, Sean Patrick Thomas, Jaynee-Lynne Kinchen, Roman Christou, Tony Amendola

 

THEMA DIABLE ET DEMONS I FANTÔMES I SAGA CONURING

Certaines légendes séculaires et durables n’ont pas franchi nos frontières. C’est le cas de la « Llorona », un personnage mythique que les latino-américains connaissent presque autant que le Père Noël mais qui reste en nos contrées une illustre inconnue. Même si les récits varient d’un pays à l’autre, ce spectre d’un autre âge est la plupart du temps décrit comme celui d’une femme condamnée à errer en pleurant après avoir causé la mort de ses enfants. Cette légende hispanique vivace a déjà alimenté de nombreux longs-métrages mexicains, de La Llorona de Ramon Peon (1933) à Las Lloronas de Lorena Villareal (2004) en passant par Les Larmes de la Malédiction de Rafael Balderon (1963). Comme en 1978, époque où la fête d’Halloween était encore inconnue du public français et donc traduite par « La Nuit des Masques » sur les affiches du slasher de John Carpenter, les distributeurs ont remplacé « La Llorona » du film de Michael Chaves par « La Dame Blanche », créant un petit contresens dans la mesure où il s’agit de deux légendes très dissemblables. Toujours est-il que ce grimaçant fantôme féminin vient compléter le bestiaire de la saga Conjuring, même si les liens avec les autres films de la franchise sont volontairement très ténus, se limitant principalement à la présence du Père Perez (Tony Amendola) déjà présent dans Annabelle.

Après un très court prologue situé dans le Mexique de 1673, le film nous transporte à Los Angeles en 1973. Linda Cardellini (dont la carrière éclectique compte des rôles aussi variés que Samantha Taggart dans la série Urgences, Vera dans les deux versions « live » de Scooby-Doo ou encore la femme de Hawkeye dans les Avengers) incarne Anna, une assistante sociale dont le mari policier est mort en mission et qui s’occupe donc seule de ses deux enfants. Inquiète de l’absence prolongée à l’école de Carlos et Tomas Alvarez, deux enfants d’une famille monoparentale qu’elle suit de près, elle découvre que leur mère (Patricia Velasquez) les a enfermés dans un placard. Tous deux sont récupérés par la police et hébergé dans un foyer… jusqu’à ce qu’on les retrouve noyés. Alors que tout semble accuser madame Alvarez, il devient vite évident que la responsable est un être surnaturel que la culpabilité a transformé en monstre : la fameuse Llorona (ou « Pleureuse », ou « Dame Blanche » selon la traduction qu’on préfèrera). La légende dit que cette femme noya jadis ses deux enfants dans une rivière, rongée par la jalousie, puis se donna la mort. Désormais, elle hante le monde des vivants à la recherche d’autres enfants pour remplacer les siens. Et elle ne tarde pas à jeter son dévolu sur ceux d’Anna. Celle-ci se tourne vers l’église qui s’avoue impuissante. Il ne reste plus qu’un seul espoir : un « curandero », autrement dit un guerrisseur qui a quitté l’habit sacerdotal pour s’adonner à des pratiques moins orthodoxes. Celui-ci déclare son verdict sans appel : « C’est une créature maléfique qui n’a aucune limite ».

Œufs, bougies, talismans et maracas

Même si le réalisateur (Michael Chaves) et les scénaristes (Mikki Daughtry et Tobias Iaconis) sont des nouveaux venus dans l’univers de Conjuring, les recettes sont toujours les mêmes et commencent honnêtement à sentir le réchauffé : les lumières s’éteignent, les portes grincent, les parquets craquent, les courants d’air soufflent violemment, les personnages avancent seuls dans le noir, et les apparitions spectrales scandent le film avec la régularité d’un métronome. C’est propre, carré, mais l’effet de surprise a disparu depuis longtemps. Il y a bien quelques séquences de suspense originales, comme les surgissements de la « Dame Blanche » à travers le parapluie en plastique, son intervention menaçante dans la salle de bains ou ces graines assemblées autour de la maison qu’il ne faut pas disperser, mais le film reste dans son ensemble désespérément routinier. En outre, il faut bien avouer que le rituel déployé par l’exorciste mexicain qu’incarne Raymond Cruz (Tuco dans la série Breaking Bad), à base d’œufs, de bougies, de talismans et de maracas, n’a rien de très convaincant. La Malédiction de la Dame Blanche fixe donc définitivement les limites d’une franchise qui ne pourra perdurer que si elle accepte de se renouveler.

 

© Gilles Penso

Partagez cet article

TENET (2020)

Christopher Nolan met à nouveau le cerveau des spectateurs en ébullition à travers une vertigineuse histoire de manipulation du temps

TENET

 

2020 – USA / CANADA / GB

 

Réalisé par Christopher Nolan

 

Avec John David Washington, Robert Pattinson, Elizabeth Debicki, Kenneth Branagh, Michael Caine, Clémence Poésy, Aaron Taylor-Johnson, Dimple Kapadia

 

THEMA VOYAGES DANS LE TEMPS I ESPIONNAGE ET SCIENCE-FICTION

Christopher Nolan a de la suite dans les idées. Le concept de Tenet lui trotte dans la tête depuis le début des année 2000, époque où le grand public découvrait son univers singulier avec Memento. Ces deux films ont d’ailleurs en commun un mécanisme scénaristique construit sur la double narration (en marche avant et en marche arrière). Vingt ans séparent Memento de Tenet, et pourtant chacun semble presque tendre vers l’autre, comme si le principe du palindrome (lisible dans les deux sens) existait déjà à l’état embryonnaire dans l’esprit du Nolan de la fin du vingtième siècle. Au travail sur le scénario de Tenet pendant près de sept ans, l’auteur d’Interstellar démarre le tournage de son film en mai 2019 avec à sa disposition le plus gros des budgets (estimé à plus de 200 millions de dollars). Cette enveloppe confortable lui permet de retrouver la saveur des James Bond qu’il aime tant et de faire voyager ses spectateurs, transportant ses caméras de l’Angleterre aux États-Unis en passant par l’Inde, l’Estonie, l’Italie, le Danemark, la Norvège et l’Irlande. Le principe même du film nécessite beaucoup d’effets spéciaux, mais Nolan a toujours préféré les effets physiques aux effets numériques. Du coup, Tenet comporte moins de 300 plans truqués numériquement, et lorsque le script nécessite la destruction d’un 747, c’est un véritable avion qui est pulvérisé !

À l’instar d’Inception, Tenet est un film d’espionnage qui s’appuie sur un argument de science-fiction dont les implications sont difficiles à appréhender dans leur globalité. Le personnage central (John David Washington), que nous ne connaîtrons jamais autrement que sous l’appellation de « protagoniste », est un agent de la CIA chargé d’une opération très particulière dont l’issue pourrait permettre d’éviter rien moins que la troisième guerre mondiale. La particularité de la menace est qu’elle semble venir du futur, plus précisément de gens ayant trouvé le moyen d’inverser le mouvement de certains objets, et donc le cours des événements. Pour mener à bien cette mission délicate, notre héros recrute Neil (Robert Pattison), un agent qui semble en savoir plus qu’il ne le dit, et se met sur la trace d’un dangereux trafiquant d’armes russe nommé Andrei Sator (Kenneth Branagh, impressionnant). Pour l’atteindre, il lui faut d’abord conclure un accord avec son ex-femme Kat (Elizabeth Debicki)… Voilà pour le point de départ. Bien sûr, rien ne sera simple ni linéaire dans ce récit d’espionnage qui ne présente finalement qu’un lointain rapport d’ordre cosmétique avec les aventures de l’agent 007. Pour le reste, nous nageons dans le rubik’s cube labyrinthique qui semble servir de cerveau à Christopher Nolan. Tout le scénario de Tenet repose sur la lecture de l’intrigue à la fois à l’endroit et à l’envers, comme le fameux texte latin « Sator arepo tenet opera rotas » qui se lit dans les deux sens. Chacun des mots de cette phrase énigmatique apparaît d’ailleurs dans le film pour nommer des personnages, des compagnies ou des lieux. L’une des traductions possibles de ce palindrome est « Le créateur près du sol maintien son œuvre en rotation ». De quel créateur parle-t-on ici ? De Dieu ? De Nolan ? Des deux ?

Et l’émotion dans tout ça ?

Privé de son compositeur fétiche Hans Zimmer, parti mettre en musique le Dune de Denis Villeneuve, le cinéaste cède la baguette du chef d’orchestre à Ludwig Görranson (Creed, Black Panther). Ses attaques électro-symphoniques sont puissantes, ses jeux sur les notes inversées ne manquent pas d’intérêt et l’intégration de sons organiques réels dans la bande originale crée un malaise indicible, mais l’expérience reste cérébrale, bien peu émotionnelle. Or voilà tout le problème de Tenet : Nolan fait travailler nos cerveaux mais pas nos cœurs. Il « cherche au mauvais endroit », pour paraphraser l’un des personnages de Dark City (dont les séquences d’effets spéciaux annonçaient d’ailleurs celles d’Inception). Pourtant, lorsque la scientifique incarnée par Clémence Poésy explique pour la première fois le principe des objets inversés, elle demande au protagoniste de ne pas réfléchir et de se contenter de ressentir. Nous serions tentés d’écouter ce conseil, mais ça nous est impossible, à moins de perdre totalement le fil d’un récit que l’auteur-réalisateur se complait à complexifier. Malgré la virtuosité inédite des séquences d’action, leurs enjeux nous échappent partiellement et notre implication s’en trouve amoindrie. Cette froideur demeure la faiblesse majeure du film, qui ne délivre ses informations qu’à travers d’interminables dialogues explicatifs. De fait, malgré leur charisme indiscutable, John David Washington et Robert Pattinson incarnent de simples pions se déplaçant à travers l’échiquier d’une intrigue sur laquelle ils semblent n’avoir que peu de prise. Finalement, seuls Kenneth Branagh et Elizabeth Debicki parviennent à nous toucher. Ce n’est pas un hasard : leurs personnages expriment de la colère, de la tristesse, de la peur, des failles, bref de l’émotion. Pour que Tenet fonctionne à plein régime, sans doute en aurait-il fallu un peu plus…

 

© Gilles Penso

Partagez cet article