L’INVASION DES ARAIGNEES GEANTES (1975)

L'affiche promet un film d'horreur spectaculaire, mais les effets spéciaux ont hélas beaucoup de mal à suivre !

GIANT SPIDER INVASION

1975 – USA

Réalisé par Bill Rebane

Avec Steve Brodie, Barbara Hale, Alan Hale Jr, Robert Easton, Leslie Parrish, Christiane Schmidtmer, Kevin Brodie, Tain Bodkin

THEMA ARAIGNEES

Œuvre culte pour les uns, nanar indécrottable pour les autres, L’Invasion des araignées géantes est un film pour le moins ambitieux, sérieusement réfréné hélas par des moyens plus que limités. Le récit s’amorce par un postulat science-fictionnel des plus hasardeux. L’ouverture d’un trou noir dans l’espace provoque en effet une pluie de météorites qui s’abattent sur la Terre, juste derrière une ferme du Wisconsin, via un trucage optique des plus hasardeux. Des couleurs psychédéliques et des lumières mouvantes maladroitement incrustées derrière la maisonnette symbolisent en effet ce crash venu d’outre-espace. Le couple de fermiers découvre dans les bois avoisinants des dizaines de pierres rondes qu’ils ramènent chez eux. En les ouvrant, ils y trouvent avec joie des myriades de diamants. Ce qu’ils ne voient pas, en revanche, sans doute aveuglés par l’appât du gain, c’est que chaque pierre abrite une tarentule qui s’en extrait lentement et part se cacher aux quatre coins de la maison. Les premières séquences de suspense, au cours desquelles les bestioles velues rampent à deux pas des humains qui ne les voient pas, s’avèrent plutôt efficaces, d’autant que les spécimens choisis sont particulièrement hideux. Mais pour justifier le titre, le réalisateur ne pouvait pas se contenter de tarentules de taille normale. Il passe donc au calibre supérieur, et là rien ne va plus, car les effets spéciaux ont beaucoup de mal à suivre.

La première « araignée géante » est une espèce de peluche grosse comme un chat qui surgit d’un tiroir, provoquant aussitôt les hurlements de la femme du fermier et les rires du spectateur. L’infortunée protagoniste s’enfuit de sa chambre, s’empêtre dans une toile au centre de laquelle trône une jolie petite araignée en plastique parfaitement immobile, puis trouve refuge dans la grange. Là, un amas de poils inerte censé représenter une araignée de la taille d’un gros chien lui tombe dessus. Et le rire du public de redoubler. Mais ce n’est rien à côté du très gros modèle, c’est-à-dire un arachnide de quatre mètres de long qui démolit une maison, grimpe sur une voiture, avale une ou deux personnes puis sème la panique dans la fête foraine du coin.

Une voiture déguisée en araignée géante

Le monstre est en fait une espèce de marionnette mécanique de foire, mue par une Vokswagen, qui agite ses pattes en tous sens. Si la bébête fait presque illusion dans les plans lointains et furtifs où elle se déplace en pleine campagne, elle manque singulièrement de conviction dans les gros plans, notamment à cause de ses deux grands yeux sphériques et blancs pas crédibles pour un sou. A vrai dire, le trucage n’est pas beaucoup moins efficace que celui utilisé pour les fourmis géantes de Des monstres attaquent la ville, mais nous étions alors en 1954. Vingt ans plus tard, les spectateurs étaient en droit d’espérer des effets plus sophistiqués. Le monstre est finalement éliminé par les flammes, et se met alors à fondre en une série de gros plans dégoulinants. Vaguement calquée sur Tarantula, cette mise à mort surréaliste met un point final à ce film bizarroïde, hésitant sans cesse entre l’horreur des années 70 et la science-fiction des années 50 sans parvenir à se décider.

© Gilles Penso

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SILENT HILL (2006)

Cinq ans après Le Pacte des loups, Christophe Gans signait cette adaptation très soignée du célèbre jeu vidéo de Konami

SILENT HILL

2006 – FRANCE / CANADA

Réalisé par Christophe Gans

Avec Radha Mitchell, Sean Bean, Laurie Holden, Deborah Kara Unger, Jodelle Ferland, Tanya Allen, Kim Coates, Alice Krige

THEMA DIABLE ET DEMONS

Alors qu’il finalisait Le Pacte des loups, Christophe Gans annonçait maints projets fort alléchants, dont les moindres n’étaient pas des adaptations de « 20 000 Lieues sous les Mers » ou de la bande dessinée « Rahan ». Face à la difficulté liée au montage financier de tels films, il se rabattit sur la transposition sur grand écran du jeu culte « Silent Hill », qui présentait le double intérêt de proposer un univers horrifique original et de s’éloigner du traditionnel schéma « shoot’em up ». Epaulé par le scénariste Roger Avary, le cinéaste s’est efforcé de rester le plus fidèle possible au jeu de Konami, avec toutefois une entorse importante : le changement de sexe du personnage principal. L’héroïne de Silent Hill est Rose Da Silva, une jeune mère désemparée face aux crises de somnambulisme de plus en plus fréquentes de sa fille adoptive Sharon, évoquant dans son sommeil la ville abandonnée de Silent Hill. Décidée à comprendre le mal dont souffre son enfant, Rose passe outre l’avis de son époux Christopher et emmène Sharon dans la ville en question. La bourgade est à l’abandon depuis des années, une pluie de cendres y flotte perpétuellement… et soudain Sharon disparaît. Rose se lance à sa poursuite et découvre un univers terrifiant dans lequel, dès que paraissent les ténèbres, surgissent d’abominables créatures qui semblent liées à une ancestrale malédiction.

Œuvre résolument plus mature que Crying Freeman et Le Pacte des loupsSilent Hill n’a rien du patchwork de références cinéphiliques et s’inscrit dans un univers cohérent et maîtrisé. Il faut reconnaître que Gans parvient à construire une atmosphère des plus étranges, plongeant à plusieurs reprises dans un surréalisme total que ne peut décemment renier le créateur du jeu, Akira Yamaoka, lui-même très inspiré par Francis Bacon. Visuellement, le film est donc une indéniable réussite, mais le réalisateur se laisse plusieurs fois piéger par sa propre virtuosité, la recherche picturale l’emportant trop souvent sur l’émotion. Témoin cette séquence où Rose, croyant enfin retrouver sa fillette, avance lentement vers elle. Au lieu de s’approcher des visages pour créer un lien intime et renforcer l’empathie, la caméra se met à virevolter loin des personnages, avec beaucoup de grâce, certes, mais sans la moindre justification.

Surréalisme horrifique

L’autre travers du film est la nature excessive des manifestations surnaturelles qu’il met en scène. Le public est prêt à s’effrayer face à une dizaine de gros cafards rampant sur les héros. Mais des centaines de milliers de cancrelats grands comme des chats sont trop peu réalistes pour convaincre. Du coup, lorsque l’horreur est plus tangible, elle fonctionne mieux. Notamment lorsque « Pyramide Rouge » menace de transpercer les protagonistes à l’aide d’une lame colossale, ou lorsqu’apparaît sur le bord de la route un épouvantable homme difforme qui semble prisonnier de son propre corps. Dommage que l’une des plus belles idées du scénario – la co-existence simultanée de quatre mondes parallèles dans le même espace – ne soit qu’évasivement évoquée par le scénario. Restent quelques très belles séquences, et une poignée d’effets gore nous rappelant que Christophe Gans côtoya jadis Brian Yuzna à l’occasion de Necronomicon.
 

© Gilles Penso

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DARK CITY (1998)

Le réalisateur de The Crow met son sens de l'esthétisme au service d'un film de science-fiction surprenant nimbé d'une atmosphère de film noir

DARK CITY

1998 – USA

Réalisé par Alex Proyas

Avec Rufus Sewell, Kiefer Sutherland, Jennifer Connelly, Richard O’Brien, Ian Richardson, William Hurt, Bruce Spence, Colin Friels

THEMA MONDES PARALLELES ET MONDES VIRTUELS I EXTRA-TERRESTRES

On connaissait les talents d’esthète d’Alex Proyas, grâce aux très photogéniques images de The Crow, mais il a fallu attendre Dark City pour découvrir ses merveilleux dons de conteur d’histoire. Car cet étonnant essai de science-fiction combine une direction artistique prodigieuse et un scénario en tous points remarquable. La cité sombre qui donne son titre au film est une ville rétro-futuriste héritée de Blade Runner et de Batman, plongée dans une nuit permanente et dans une routine tranquille à laquelle s’adonnent tous ses habitants. Jusqu’au jour où l’un d’entre eux, John Murdoch (Rufus Sewell), découvre malgré lui une faille dans cette mécanique trop bien huilée. Tous les soirs, à minuit, la population entière s’endort, et d‘étranges individus au crâne rasé et au long manteau noir pratiquent ce qu’ils nomment le « tuning» : les buildings se modifient, l’architecture complète de la ville se transforme, et chaque habitant change de personnalité, de métier, de statut social et de mémoire. Au réveil, la cité redémarre en intégrant sans s’en apercevoir tous ces changements.…

Sorti sur les écrans américains un an avant MatrixDark City présente avec le film des frères Wachowski de bien troublantes similitudes : le récit d’un « élu » découvrant que le monde dans lequel il vit n’est qu’une illusion savamment entretenue par des entités supérieures et développant des pouvoirs paranormaux, une photographie contrastée accentuant volontiers la part sombre de l’image, une esthétique art-déco empruntant de nombreux éléments graphiques aux années 30, moult séquences d’action situées sur les toits de la ville… On n’en finirait plus de citer les points communs entre les deux métrages, et l’on ne peut s’empêcher de préférer « l’original » à « la copie », même si Dark City est une œuvre à priori plus hermétique que le clinquant Matrix. Mais passées les premières minutes confuses du récit, tout se met en place avec beaucoup d’efficacité, et la fascination engendrée par l’aventure de John Murdoch et ses proches n’en finit plus de croître.

Les métamorphoses nocturnes de la ville

Dark City bénéficie d’un casting de premier choix, avec en tête le très étonnant Rufus Sewell en « élu » malgré lui, l’extraordinaire Kiefer Sutherland en médecin traître et boiteux (à des années-lumière du Jack Bauer de la série 24 heures chrono qui allait donner un second souffle à sa carrière), l’excellent William Hurt en policier mélancolique et bien sûr la délicieuse Jennifer Connelly en fiancée amnésique, que les fantasticophiles connaissent bien depuis PhenomenaLabyrinthe et Rocketeer« J’aime beaucoup passer d’un genre à l’autre, d’un film très spectaculaire à un drame ou une comédie plus intimiste » nous dit-elle. « A vrai dire je n’étais à priori pas très familière avec l’univers de la science-fiction. Mon attirance vers un projet n’est finalement pas liée à son genre mais à sa sensibilité et son sujet. » (1) Aux côtés de cette brillante distribution surgissent régulièrement d’inquiétants extra-terrestres, croisement contre-nature entre les cénobites d’Hellraiser et les cyclopes de La Cité des enfants perdus, qui passent leurs journées à étudier l’être humain, via de fort étranges expériences, afin de percer le secret de son âme. D’où le « tuning », servi par des effets spéciaux hallucinants, notamment lors d’une course-poursuite sur des toits en perpétuelle métamorphose. A l’issue d’une intrigue alambiquée et haletante, les aliens tirant les ficelles sont bien obligés de se rendre à l’évidence : les mécanismes de l’âme ne résident pas dans le cerveau des hommes mais dans leur cœur. Dark City s’achève ainsi sur une note poétique et rafraîchissante, un bol d’air bienvenu après tant de claustrophobie et de vertige.

(1) Propos recueillis par votre serviteur en novembre 2008

 

© Gilles Penso

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STAR WARS EPISODE III : LA REVANCHE DES SITH (2005)

La "prélogie" Star Wars s'achève sur un épisode plus sombre et plus violent que les précédents, annonçant l'avènement du Seigneur Vador

STAR WARS EPISODE III – REVENGE OF THE SITH

2005 – USA

Réalisé par George Lucas

Avec Hayden Christensen, Ewan McGregor, Natalie Portman, Ian McDiarmid, Samuel L. Jackson, Anthony Daniels, Kenny Baker

THEMA SPACE OPERA I ROBOTS I SAGA STAR WARS

Porté aux nues par la grande communauté des fans de Star Wars, considéré même chez les plus enthousiastes comme le meilleur épisode de la saga toute entière, cet Episode III doit probablement cet accueil chaleureux au fait qu’il boucle soigneusement la boucle amorcée avec La Menace fantôme, assurant avec panache le lien entre les deux trilogies. Et rien n’est plus gratifiant, pour un amateur de la première heure, que de s’entendre raconter par le détail les origines de son mythe favori. Voilà pourquoi La Revanche des Sith suscite autant de dithyrambes, même s’il s’handicape des mêmes scories que ses deux prédécesseurs, notamment un rythme déficient, une structure évasive et une mise en scène anonyme. Lorsque le film commence, la Guerre des Clones fait rage, ce qui nous vaut une séquence d’ouverture frénétique mixant la bataille spatiale finale du Retour du Jedi et les scènes de suspense situées à l’intérieur de l’Etoile Noire dans La Guerre des étoiles, d’où un léger sentiment de déjà-vu. Désormais, une franche hostilité oppose le Chancelier Palpatine au Conseil Jedi, et Anakin Skywalker est pris entre deux feux. Comme en outre ce dernier a la vision récurrente de sa bien-aimée Padmé mourant en accouchant de leur descendance, et que Palpatine lui promet le pouvoir de vaincre la mort pour peu qu’il bascule du côté obscur de la Force, le dilemme s’accroît.

Et c’est bien là que réside l’élément le plus intéressant du film : la lente transformation d’un jeune homme en monstre, par amour, par frustration et par ambition. Ce qui entraîne une inexorable altération de ses relations avec son maître Obi-Wan et avec une Padmé dont la vie ne semble tenir qu’à un fil. Pour le reste, La Revanche des Sith prend hélas trop souvent les allures d’une bande démo d’effets numériques dont l’accumulation et la surenchère finissent par desservir l’impact, malgré quelques beaux morceaux de bravoure comme le combat entre Obi-Wan et l’androïde quadrumane Dooku (hommage assumé à Ray Harryhausen et notamment au Voyage fantastique de Sinbad).

Les deux trilogies se raccordent

Reste un final dantesque et extrêmement noir, prenant d’abord les allures d’un combat à mort entre Anakin et Obi-Wan, et s’achevant sur un épilogue particulièrement osé, qui constitue en effet l’un des moments les plus fort de la saga, tous films confondus : un montage parallèle qui décrit à la fois l’enfantement dans la douleur des deux jumeaux Skywalker (Luke et Leïa) et la renaissance d’un Anakin horriblement mutilé sous forme du terrifiant Dark Vador. La notion de « prequel » remise au goût du jour par George Lucas prend donc tout son sens avec l’Episode III, qui narre la naissance de l’Empire, la mise au monde des futurs antagonistes, la destruction de l’ordre Jedi, le bannissement de Yoda sur la planète Dagobah, avec même en prime une petite apparition de Chewbacca. On comprend mieux l’enthousiasme des aficionados, même si, avec le recul, un seul film aurait probablement suffi pour relater les événements précédant La Guerre des étoiles. Car honnêtement, que de temps perdu entre les scènes importantes ! A l’occasion de ce troisième épisode, John Williams concocte une splendide partition, entremêlant avec grâce et emphase les thèmes qu’il développa pour les deux trilogies. C’est là tout l’art de Williams : quelques que soient les films auxquels il contribue, il est généralement le seul à ne décevoir personne.

 

© Gilles Penso

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WICKER MAN (1973)

Un policier bigot enquête sur la disparition d'une fillette et échoue sur une île où se pratiquent des cultes très étranges

THE WICKER MAN

1973 – GB

Réalisé par Robert Hardy

Avec Edward Woodward, Christopher Lee, Britt Ekland, Ingrid Pitt, Diane Cilento, Lindsay Kemp, Russell Waters, Aubrey Morris

THEMA DIEU, LES ANGES, LA BIBLE

C’est Anthony Shaffer, brillant scénariste de Frenzy et du Limier (d’après sa propre pièce), qui initia le projet The Wicker Man en s’inspirant du livre « Ritual » de David Pinner. Son idée initiale était de proposer une alternative aux films d’épouvante classiques qui inondaient depuis la fin des années 50 les salles de cinéma britanniques. Pari tenu, car The Wicker Man, à mi-chemin entre le drame horrifique, la satire sociale, la comédie musicale et l’exercice surréaliste, est un chef d’œuvre absolu réalisé de main de maître par Robert Hardy et agrémenté de magnifiques ballades folk signées Paul Giovanni. Le sergent Howie (Edward Woodward), un policier austère et bigot, débarque sur une île d’Ecosse pour enquêter sur la disparition d’une fillette nommée Rowan Morrison. Il découvre sur place une communauté joyeuse aux mœurs étranges. A l’auberge du coin, tout le monde entonne des chansons paillardes à l’attention de la jolie fille du tavernier, l’accorte Willow (Britt Ekland) qui, le soir même, chantonne en se déhanchant nue dans sa chambre pour séduire le policier. Dans les bois, le spectacle nocturne vaut aussi son pesant de cacahuètes : les couples y font l’amour par dizaines tandis que des femmes nues se lamentent contre des pierres tombales. Notre aimable sergent n’est pas au bout de ses surprises.

Au matin, les enfants chantent et dansent autour d’un mat phallique. « C’est l’image du pénis, qui est vénéré dans des religions comme la nôtre, car il symbolise les forces génératrices qui font la nature », explique joyeusement l’institutrice à ses collégiennes. « Les enfants trouvent qu’il est plus facile d’imaginer la réincarnation que la résurrection », poursuit-elle à l’attention de Howie lorsque celui-ci, outré par son enseignement, évoque le christianisme. Sur cette île qui semble frappée par une folie collective, les adultes mettent des grenouilles vivantes dans la bouche des enfants pour leur faire passer les maux de gorge, des arbres sont plantés sur les tombes avec le cordon ombilical du défunt accroché à une branche, les morts sont « protégés par l’éjaculation des serpents » et les jeunes filles dansent nues autour d’un feu pour être fécondées par les anciens dieux.

Le rôle préféré de Christopher Lee

Le tout-puissant Lord Summerisle (l’excellent Christopher Lee), petit-fils de celui qui colonisa l’île et raviva le culte païen des habitants, veille sur ce beau monde d’un regard bienveillant. Le voir chanter et danser pendant la fête des moissons, affublé d’une grande robe à fleurs et d’une longue perruque brune, est un spectacle tout à fait croquignol ! Mais la comédie burlesque vire finalement au drame horrifique lors du dernier quart d’heure du film, au moment de l’exhibition du colossal homme d’osier. The Wicker Man dénonce-t-il la foi chrétienne ou les rites païens ? Qu’importe ! Ici, aucune religion ne ressort grandie, et le message semble justement être agnostique. Trop de foi aveugle, trop de rites religieux mènent à la mort et à la destruction. Echec cuisant lors de sa sortie en 1973, The Wicker Man s’est mué depuis en œuvre culte générant une communauté de fans inconditionnels et très actifs. Quant à Christopher Lee, il est formel : à ses yeux, il s’agit du meilleur film de sa longue et prolifique carrière.

 

© Gilles Penso

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ALIENS, LE RETOUR (1986)

James Cameron ose réaliser la suite d'un classique jugé insurpassable et signe l'un des épisodes les plus appréciés de la saga Alien

ALIENS

1986 – USA

Réalisé par James Cameron

Avec Sigourney Weaver, Michael Biehn, Paul Reiser, Lance Henriksen, Carrie Henn, Bill Paxton, William Hope

THEMA EXTRA-TERRESTRES I FUTUR I SAGA ALIEN

Donner une suite à Alien, le défi était de taille. Après un inepte Piranhas 2 et un Terminator très maîtrisé, James Cameron réussit son challenge avec brio. Non seulement son scénario possède toute la cohérence nécessaire à la jonction entre les deux films, mais de plus sa mise en scène très élaborée offre un rythme et un style complètement indépendants de ceux de Ridley Scott. Plutôt qu’imiter son inimitable prédécesseur, Cameron a injecté dans son film ses propres tendances : action musclée non-stop, affrontements spectaculaires, haute technologie banalisée, photographie privilégiant le noir et le bleu, effets spéciaux spectaculaires et réalistes. Seule rescapée du « Nostromo », Ellen Ripley est de retour sur terre plusieurs décennies après son départ. Les gens qu’elle aimait sont tous morts, et elle ne rencontre qu’incrédulité autour d’elle. Considérée comme perturbée mentalement, elle se recycle dans un épuisant travail de manutention. Entre-temps, sur la planète qu’avait explorée le « Nostromo », une colonie humaine s’est installée, pour bientôt se faire massacrer par une race extra-terrestre inconnue. Une expédition de marines, à laquelle se joint Ripley, y est envoyée.

Et Cameron, grand perfectionniste devant l’éternel, de demander expressément aux comédiens interprétant les soldats de subir une formation intensive auprès des services spéciaux britanniques deux semaines avant le tournage. Seul Michael Biehn, héros de Terminator, fut exempté d’un tel exercice, dans la mesure où il remplaça à la dernière minute l’acteur James Remar dans le rôle de Hicks. Si certaines scènes semblent caricaturer jusqu’à la parodie les films de guerre mettant en vedette les « marines » (avec force « oui sergent » dans le dialogue) et la saga Rambo (dont Cameron a écrit le scénario du second épisode, rappelons-le), l’œuvre n’est pas exempte de subtilités et d’émotion, bien au contraire. Le personnage de Ripley, en particulier, a gagné énormément en teneur et en complexité. Mère frustré, guerrière malgré elle, femme transportée dans une époque qui n’est pas la sienne, elle bénéficie du jeu plein de justesse d’une Sigourney Weaver des plus convaincantes. Lorsqu’elle apprend le décès de sa fille, au début du film (dans la version longue du film, que l’on peut préférer au montage standard sorti initialement en salles), ou lorsque plus tard elle développe son instinct maternel auprès de l’orpheline Newt, Cameron démontre ses capacités à manier l’intimisme et la pudeur avec autant de talent que l’action et les effets spéciaux, lesquels, plus que des fins en soi, constituent ici les moyens les plus efficaces de véhiculer le discours d’un cinéaste hors pair ici au sommet de son art.

« Ridley qui ? »

« Sur le tournage d’Aliens, tout le monde ne jurait que par Ridley Scott », se souvient Sigourney Weaver, « et l’équipe n’avait que peu de considération pour ce jeune James Cameron qui essayait, en vain, de leur montrer son Terminator pour qu’ils connaissent ses travaux précédents. Il lui a fallu de la patience et de l’endurance pour convaincre tout le monde. Tant et si bien qu’à la fin du tournage, le ton avait changé, et ceux qui adulaient le premier film étaient du genre à dire désormais : “Ridley qui ?“. » (1) L’enrichissement de la mythologie Alien est à ce point important que de nombreux fans de la saga marqueront une nette préférence pour cet épisode, sans renier pour autant à celui de Ridley Scott son statut de classique. Il faut dire que l’affrontement entre les marines et les aliens, les agressions des face-huggers et l’affrontement final entre Ripley, harnachée dans un impressionnant exo-squelette, et la reine des aliens, une monstruosité génialement conçue par Stan Winston, sont de véritables morceaux d’anthologie.


(1) Propos recueillis par votre serviteur en décembre 2009

 

© Gilles Penso

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2001 L’ODYSSEE DE L’ESPACE (1968)

Un an avant que l'homme ne marche sur la Lune, Stanley Kubrick réinvente définitivement le cinéma de science-fiction

2001 : A SPACE ODYSSEY

1968 – USA / GB

Réalisé par Stanley Kubrick

Avec Keir Dullea, Gary Lockwood, William Silvester, Leonard Rossiter, Robert Beatty

THEMA SPACE OPERA

La genèse de 2001 l’odyssée de l’espace remonte à 1948, année où le romancier Arthur C. Clarke publia la nouvelle « La Sentinelle » dans le recueil « Avant l’Eden ». Des hommes y découvraient sur la lune une pyramide bâtie par une intelligence extra-terrestre supérieure. Diplômé en physique et en mathématiques, Clarke eut la particularité d’approcher ses récits de science-fiction sous un angle ultra-réaliste, s’érigeant dès lors comme un des piliers du courant littéraire « hard science ». C’est ce qui séduisit le cinéaste Stanley Kubrick, bien décidé après son satirique Docteur Folamour, à porter à l’écran cette aventure métaphysique. Il y parvint avec le concours de Douglas Trumbull, génie des effets spéciaux alors spécialisé dans la reconstitution de scènes spatiales pour la NASA. Après avoir rédigé le scénario du long-métrage avec Kubrick, Clarke profita des longs préparatifs techniques précédant le tournage pour en tirer un roman.

Tout commence en pleine préhistoire, au cours d’un prologue mettant en scène d’impressionnants hommes primitifs conçus par le maquilleur Stuart Freeborn. « C’est incontestablement le film dont je suis le plus fier », nous avouait ce dernier. « C’était un travail monstre, et d’une complexité inégalée à l’époque. Il y avait 35 costumes à réaliser ! » « Dans le scénario, les personnages étaient des hommes de Néanderthal. Si on voulait rester réaliste, cela aurait donné des hommes velus, nus, avec un visage plutôt simiesque. Kubrick m’a donc demandé de reculer dans le temps de plusieurs milliers d’années pour créer des êtres qui soient mi-hommes, mi-singes. » (1) Ces anthropoïdes découvrent un matin un étrange monolithe, qui agit tel un éveilleur de conscience. Le temps d’une ellipse qui a marqué l’histoire du cinéma, où un os lancé en l’air se mue en vaisseau spatial, nous voilà plongés à l’aube du 21ème siècle. Les hommes ont désormais établi des colonies à la surface de la lune, où surgit un nouveau monolithe. Dès que les rayons du soleil l’effleurent, un son strident retentit et des signaux sont émis en direction de Jupiter. On y envoie le vaisseau Discovery en reconnaissance. C’est là qu’intervient l’inoubliable ordinateur Hal 9000, tellement intelligent qu’il met en péril ses compagnons humains…

L'espace comme on ne l'avait jamais vu

Les chiffres de 2001 laissent rêveur : un budget de dix millions et demi de dollars, deux ans de préparation et deux ans de tournage, dont dix-neuf mois consacrés aux effets spéciaux. Ces derniers offrent aux spectateurs les images spatiales les plus réalistes jamais portées à l’écran, quelques mois à peine avant les vrais premiers pas de l’homme sur la Lune. Personne n’oubliera la « valse » spatiale de la station orbitale aux accents du « Beau Danube Bleu » de Johann Strauss, les évolutions du vaisseau Discovery dans le vide sidéral ou le voyage psychédélique final abolissant toute notion d’espace et de temps. « Au-delà d’un film, c’est à mes yeux un véritable message de spiritualité », nous déclarait l’auteur Bernard Werber. « J’attends d’un film qu’il m’ouvre des portes, qu’il m’incite à me poser des questions et qu’il me fasse grandir. 2001 est le film qui m’a réveillé. » (2)

(1) Propos recueillis par votre serviteur en mai 1996
(2) Propos recueillis par votre serviteur en mars 2007

 
© Gilles Penso

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ILS (2005)

Le premier long-métrage de Xavier Palud et David Moreau raconte le calvaire d'un couple harcelé par des individus inconnus et de plus en plus menaçants

ILS

2006 – FRANCE

Réalisé par Xavier Palud et David Moreau

Avec Olivia Bonamy, Michaël Cohen, Maria Roman, Adrianna Moca, Camelia Maxim

THEMA TUEURS

C’est sur le plateau de la sitcom H que Xavier Palud et David Moreau, deux courts-métragistes indépendants, se rencontrent et décident de réaliser de concert leur premier long. Pour mettre en commun leur passion du cinéma de genre et trouver un sujet compatible avec le petit budget à leur disposition, ils se tournent naturellement vers le film d’horreur. Mais si Ils se rattache sans conteste aux codes du genre, à mi-chemin entre le slasher et le survival, il tire son originalité et son impact d’un traitement le plus réaliste possible. Le film se situe en Roumanie, et dès le prologue, l’inquiétude s’immisce chez le spectateur. Sur une route nocturne, une automobiliste et sa fille en pleine dispute sont interrompues par une panne en rase campagne. Alors que la mère soulève le capot pour comprendre l’origine de l’avarie et que l’adolescente attend patiemment sur le siège passager, l’angoisse commence à monter. Des bruits étranges se font entendre, des mouvements sont perceptibles dans les buissons, et la mère finit par disparaître. Paniquée, la jeune fille essaie de comprendre, tournant autour du véhicule en vain. Tandis que quelqu’un – ou quelque chose – fonce dans sa direction, elle pousse un hurlement qui déchire le silence. En quelques minutes, Palud et Moreau démontrent un indéniable savoir-faire assorti à une remarquable économie de moyens.

Les protagonistes font alors leur apparition : Clémentine (Olivia Bonamy, ô combien plus convaincante que dans la pantalonnade Bloody Mallory), professeur de français expatriée à Bucarest, et Lucas (Michaël Cohen, vu dans La Petite Jérusalem et Le Héros de la famille), un romancier qui s’est installé avec elle dans une maison isolée à l’écart de l’agglomération. Tous deux vivent un bonheur tranquille, mais les choses ne vont pas tarder à dégénérer. Car au milieu de la nuit, après un coup de téléphone anonyme, des bruits étranges semblent venir du dehors. Puis le courant est brusquement coupé à l’intérieur, tandis que la voiture du couple disparaît sans laisser de trace. Bientôt, il devient clair que des intrus ont réussi à pénétrer dans la maison. Combien sont-ils ? Qui sont-ils ? Que veulent-ils ? Seules certitudes : ils sont très rapides et particulièrement violents. A partir de ce postulat simple, le huis clos se referme sur le couple comme un étouffant cauchemar et dès lors la tension ne cessera plus jusqu’au générique de fin.

« Vous ne vous sentirez plus en sécurité chez vous… »

L’efficacité de Ils tient à peu de choses, mais elles sont essentielles : la sobriété du jeu d’Olivia Bonamy et Michaël Cohen, la minutie d’une mise en scène évitant tout effet de style trop voyant, et le choix d’éviter jusqu’au bout de montrer la menace sous son vrai visage pour que l’imagination du spectateur fonctionne à plein régime. Du coup, la terreur est ici plus psychologique que physique, et la force du film en est automatiquement accrue. L’intrigue s’inspire directement du fait divers inquiétant qui frappa un couple de Hollandais en Tchécoslovaquie, et exploite une peur classique et universelle : l’intrusion d’inconnus menaçants dans sa propre maison. D’où l’imparable slogan : « Vous ne vous sentirez plus en sécurité chez vous ». La révélation des agresseurs est d’autant plus surprenante qu’elle est désespérément dérisoire, achevant ce parcours du combattant sur une note très peu rassurante.

 

© Gilles Penso

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BABY BLOOD (1988)

Alain Robak crée l'événement en réalisant l'un des premiers vrais films gore de l'histoire du cinéma français

BABY BLOOD

1988 – FRANCE

Réalisé par Alain Robak

Avec Emmanuelle Escourrou, François Frappier, Rémy Roubakha, Christian Sinniger, Jean-François Gallotte, Jacques Audiard

THEMA ENFANTS

Au milieu des années 80, Alain Robak avait réalisé quelques courts-métrages fantastiques assez réjouissants, dont une satire sanglante pour l’anthologie Adrénaline produite par Yann Piquer. A l’occasion de son premier long-métrage, il n’y va pas avec le dos de la cuiller et concocte un savoureux cocktail de gore, d’humour et d’érotisme dénué du moindre complexe. L’étonnante et plantureuse Emmanuelle Escourrou interprète Yanka, égérie d’un directeur de cirque doublé d’un dompteur excessivement jaloux. Un beau jour, elle commence à ressentir des troubles inquiétants à l’intérieur de son ventre, et finit par comprendre qu’elle est enceinte d’un bébé engendré par un reptile. Son fœtus lui réclamant du sang pour se nourrir et croître, Yanka va se transformer en mère nourricière tueuse, écumant la France en quête d’un nombre croissant de victimes qu’elle attire grâce à ses charmes indéniables.

« Quand on réalise un film comme Baby Blood, on sait qu’on ne disposera pas d’un budget et d’un planning luxueux », nous explique Alain Robak. « Nous avons donc tourné en 25 jours, et autant dire que notre rythme de travail était très soutenu. » (1) Réalisés par un Benoît Lestang particulièrement inspiré malgré des moyens ridicules, les très nombreux effets gore du film s’avèrent franchement réussis, et assurent à Baby Blood une petite collection de séquences sanguinolentes et cartoonesques du plus réjouissant effet. « Il y avait deux versions du bébé », nous détaille le regretté Lestang, qui joue le petit rôle d’un ambulancier dans le film. « Une inerte pour les plans larges et une mécanisée pour les plans rapprochés. Nous avons souvent filmé dans des conditions abracadabrantes, avec des moyens minuscules » (2) Evidemment, lorsqu’on visionne un film comme Baby Blood, une connivence entre le spectateur et le spectacle s’impose. Il faut accepter l’amateurisme de certains effets de mise en scène dû à ces fameuses « conditions abracadabrantes », le réalisme tout relatif des trucages et les rebondissements évasifs d’un scénario basique conçu comme un road movie sanglant à mi chemin entre l’horreur et la comédie.

Entre l'horreur et la comédie

A ce titre, Baby Blood se positionne en équilibre entre son inspiration anglo-saxonne (on pense aux films de Frank Hennenlotter – Frère de sang et Elmer le remue-méninges) et sa gestion de l’humour et des seconds rôles typiquement française. On s’amuse ainsi des prestations furtives de plusieurs « guest stars » telles que Jean-Yves Lafesse, Jean-Claude Romer, Yann Piquer, Jacques Audiard et surtout Alain Chabat en victime hystérique de l’opulente Yanka. Robak lui-même interprète un ambulancier terrassé par le monstre. « Ariel Zétoun est devenu co-producteur du film un peu par hasard, par l’intermédiaire d’un ami commun », raconte le réalisateur. « Un jour, il est venu nous voir sur le tournage, et l’ambiance était tellement survoltée qu’il a pris peur. Il était persuadé que je ne savais pas diriger un film et que l’entreprise allait virer à la catastrophe ! » (3) Au moment de sa sortie, Baby Blood fit son petit effet, car le cinéma français ne nous avait alors guère habitué à une telle audace en matière d’horreur et d’effets spéciaux. Aux Etats-Unis, le film de Robak fut distribué sous le titre The Evil Within


(1) et (3) Propos recueillis par votre serviteur en mai 2005
(2) Propos recueillis par votre serviteur en décembre 1996

© Gilles Penso

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LE DEMON DANS L’ÎLE (1983)

Un film d'horreur français peu connu et pourtant très efficace, avec Anny Duperey et Jean-Claude Brialy

LE DÉMON DANS L’ÎLE

1983 – FRANCE

Réalisé par Francis Leroi

Avec Anny Duperey, Jean-Claude Brialy, Pierre Santini, Cerise, Gabriel Cattand, Catherine Alcover, Juliette Brac, Bruno Bruneau

THEMA ENFANTS I POUVOIRS PARANORMAUX I OBJETS VIVANTS

Le Démon dans l’île est un vrai petit chef d’œuvre du cinéma fantastique français, passé injustement inaperçu malgré le « prix du suspense » qui lui fut décerné à Avoriaz en 1983. Anny Duperey prête sa beauté froide et altière à Gabrielle Martin, une jeune femme médecin venue s’installer sur une petite île de la Manche après la mort de son mari et de son fils dans un accident de la route. Le Conseil Municipal a voté à l’unanimité son arrivée dans la mesure où son confrère, le docteur Marshall, installé sur l’île depuis huit ans, n’inspire plus confiance. Et c’est Jean-Claude Brialy, formidable dans un contre-emploi inquiétant et douceâtre, qui incarne le médecin en disgrâce… Le Démon dans l’île instille l’angoisse dès sa séquence prégénérique, lorsque le maire de l’île se taillade la joue et le cou avec force jets de sang à cause d’un rasoir apparemment défectueux. Plus tard, deux yeux brillent dans l’obscurité d’un magasin d’électroménager et se fixent sur une cafetière. Le lendemain, la ménagère qui a acheté la cafetière a le visage horriblement ébouillanté par un jet de vapeur de l’appareil qu’elle vient d’acheter. Puis c’est une mère de famille qui se fait offrir pour son anniversaire un couteau électrique. Son mari installe la lame et l’appareil, pourtant pas branché, se met tout de suite en marche, lui sectionnant deux doigts. Plus le film avance, plus les dégâts causés par les objets du quotidien s’avèrent effroyables : une fillette se fait offrir un petit ours joueur de tambour qui lui crève un œil avec une de ses baguettes, un homme se coupe la bouche avec une coupe à champagne qui lui éclate dans la main…

Les scènes de suspense sont très réussies, et les effets sanglants simples mais diablement efficaces. Sans parler des bruitages stressants au possible. La moindre cocote minute, le moindre barbecue s’avèrent alors aussi inquiétants qu’un Jason ou un Michael Myers ! L’efficacité de la mise en scène de Francis Leroi atteint son apogée dans cette séquence de cuisine où tous les objets – téléviseur, épluche légumes, plaque chauffante, mixer – s’avèrent menaçants. C’est Destination finale avec vingt ans d’avance. La clef de l’énigme semble résider dans la petite supérette côtière où se réfugie nuitamment un enfant étrange au crâne hypertrophié et aux apparents pouvoirs télékinétiques. Et l’on repense alors à la nouvelle « La Maison enragée » de Richard Matheson, dans laquelle le romancier écrivait : « une puissance vindicative avait pris racine dans la maison et insufflait une vie sauvage aux objets inanimés. »

« Voulez-vous que je vous ouvre ? »

Le film emprunte même les voies du giallo lorsque Marshall, ganté de noir, un rasoir effilé à la main, approche de Gabrielle coincée devant une porte fermée et lui lance cette savoureuse réplique à double sens : « voulez-vous que je vous ouvre ? ». Brialy collectionne d’ailleurs les dialogues cinglants (« je trouve que la mort est un châtiment très médiocre. ») jusqu’à un final surréaliste où il s’enfonce lentement dans la terre d’un cimetière brumeux. Dommage que Francis Leroi se soit ensuite reconverti dans les téléfilms érotiques anonymes, car il prouvait ici un indéniable savoir-faire en matière d’épouvante et d’effroi. Bien plus qu’un Jean Rollin ou qu’un Jess Franco, seuls praticiens réguliers du genre en nos contrées à cette époque.  

 

© Gilles Penso

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