UN VENDREDI DINGUE, DINGUE, DINGUE (1976)

Par un coup du sort inexplicable, une mère et sa fille adolescente inversent subitement leurs corps et doivent vivre chacune dans la peau de l’autre…

FREAKY FRIDAY

 

1976 – USA

 

Réalisé par Gary Nelson

 

Avec Jodie Foster, Barbara Harris, John Astin, Patsy Kelly, Dick Van Patten, Vicky Schrenck, Sorrell Brooke, Kaye Ballard, Sparky Marcus, Marc McClure

 

THEMA SORCELLERIE ET MAGIE

S’il n’est peut-être pas le tout premier film à avoir abordé le motif de l’inversion des corps, Freaky Friday est sans conteste celui qui l’a définitivement installé comme un sous-genre à part entière du cinéma fantastico-comique, entraînant dans son sillage un nombre incalculable de variantes (dont le spectre s’étend de Rendez-moi ma peau de Patrice Schulmann à Freaky de Charles Landon). Un Vendredi dingue, dingue, dingue (titre français hyperbolique inspiré sans doute par celui d’Un monde fou, fou, fou, fou de Stanley Kramer) s’appuie sur un roman de Mary Rodgers paru en 1972, dont elle signe elle-même l’adaptation et qui lui aurait été en partie inspiré par une lecture de jeunesse, en l’occurrence le savoureux « Turnabout » de Thorne Smith. « C’était l’histoire d’un mari et d’une femme qui changeaient de corps, et l’homme était furieux parce qu’il était soudainement une femme enceinte », raconte la romancière et scénariste. « Je me souviens avoir pensé “c’est vraiment drôle “, alors que j’étais au fond de mon lit avec un rhume. Je ne peux donc pas m’attribuer tout le mérite de cette idée d’inversion des rôles. » (1) Pour incarner la mère et la fille qui se substituent brutalement l’une à l’autre, le studio Disney choisit Barbara Harris et Jodie Foster. La première sort tout juste de deux films aux antipodes (Nashville de Robert Altman et Complot de famille d’Alfred Hitchcock). La seconde n’a que 13 ans mais a déjà joué dans une infinité de séries TV et une dizaine de longs-métrages (dont Taxi Driver et Bugsy Malone).

Vétéran du petit écran qui se distinguera trois ans plus tard en mettant en scène Le Trou noir, Gary Nelson s’empare de ce sujet prometteur et l’emballe avec beaucoup de soin. Après un générique en dessin animé au cours duquel les voix de Harris et Foster chantent à l’unisson « I’d Like to be You for a Day », nous découvrons la famille Andrews. Ellen et Annabel sont l’archétype d’une mère et d’une fille adolescente dans l’Amérique banlieusarde du milieu des années 70. L’une est une femme au foyer exigeante et apprêtée, l’autre une gamine mal dégrossie au caractère bien trempé, et leurs frictions quotidiennes font des étincelles. Le sympathique père de famille (John Astin) et le jeune frère très sage (Sparky Marcus) passent forcément à l’arrière-plan derrière leurs disputes incessantes. Un jour, alors que l’une est dans sa cuisine et l’autre dans un snack avec ses amies, Ellen et Annabel formulent simultanément le même vœu, motivé par le sentiment que la vie de l’autre est forcément plus simple :  « J’aimerais pouvoir changer de place avec elle pour un seul jour ». Et soudain, le miracle opère. Sans aucune explication logique, Ellen se retrouve propulsée dans le corps de sa fille et Annabel prend l’apparence de sa mère…

Vis ma vie

Le casting est l’un des points forts du film. Jodie Foster est parfaite dans le rôle de cette adulte coincée dans un corps d’ado, accumulant les catastrophes dans les salles de classe ou sur les terrains de sport. Mais c’est surtout Barbara Harris qui emporte le morceau. La voir soudain sauter sur un skateboard, faire d’énormes bulles avec son chewing-gum, tenter très maladroitement de s’acquitter des tâches ménagères ou jouer à « l’adulte respectable » est un spectacle joyeusement décalé. La séquence au cours de laquelle Harris se retrouve totalement débordée par un nombre incalculable de personnes qui débarquent chez elle et la bombardent de questions (la femme de ménage acariâtre, le teinturier, le menuisier, le mécanicien, le garagiste, la voisine) est à ce titre un morceau d’anthologie monté sur un tempo infernal. Tout converge vers un événement professionnel crucial pour le brave père/époux : l’inauguration d’une marina dont le clou du spectacle sera une performance en ski nautique assurée par sa fille… qui n’est désormais plus sa fille. Les cascades impensables s’enchaînent alors sur une musique funky déchaînée, d’autant qu’Annabel (qui ne sait pas conduire) se lance parallèlement dans une course poursuite à bord de la voiture familiale pour partir sauver sa mère. D’où un final très mouvementé exploitant jusqu’au bout le concept délirant du scénario. Le film n’est pas exempt de maladresses (la mise en scène est un peu statique, les effets visuels moyennement performants, certains traits d’humour datés), mais Un Vendredi dingue, dingue, dingue reste un bol d’air très rafraîchissant dont Mark Waters tirera un remake réussi en 2003, avec Lindsay Lohan et Jamie Lee Curtis.

 

(1) Extrait d’une interview menée par Marsha Norman en 2013.

 

© Gilles Penso

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SPELLCASTER (1988)

Sept concurrents participent à une chasse au trésor dans un château médiéval pour remporter un million de dollars, mais le jeu vire au massacre…

SPELLCASTER

 

1988 – USA

 

Réalisé par Rafal Zielinski

 

Avec Adam Ant, Richard Blade, Gail O’Grady, Harold Pruett, Bunty Bailey, Kim Johnston Ulrich, Michael Zoreck, Martha Demson, Traci Lind, William Butler

 

THEMA DIABLE ET DÉMONS I SAGA CHARLES BAND

Réalisé alors que les activités de la compagnie Empire Pictures atteignent leur dernière ligne droite avant une faillite inexorable, Spellcaster est un ovni cinématographique qui symbolise bien l’excentricité de la fin des années 80. Écrite par Dennis Paoli et Charlie Bogel d’après une histoire d’Ed Naha (Chérie j’ai rétréci les gosses), cette comédie horrifique est une sorte de capsule temporelle tournant autour des icônes d’une époque révolue. Parmi les stars déclinantes de la scène musicale que le film met en vedette, on note le célèbre DJ britannique Richard Blade, le chanteur punk Adam Ant et la comédienne Bunty Bailey, révélée grâce au célèbre clip « Take On Me » de A-ha. Terminé en 1988, le film ne sera finalement distribué qu’en 1992 à cause des difficultés financières de la compagnie, ce qui jouera beaucoup en sa défaveur. Car au lieu d’être le film d’horreur ultime pour la génération MTV dont rêvait le producteur Charles Band, ce cocktail étrange débarque dans les bacs vidéo alors que le grunge s’est emparé de la jeunesse et que les stars glam-rock et les tubes new wave ne sont plus au goût du jour. Autant dire que Spellcaster est dépassé par les changements de mode et que le timing n’est plus le bon.

Jackie (Gail O’Grady) et son frère Tom (Harold Pruett), deux jeunes gens de l’Ohio, remportent un voyage en Italie grâce à un concours organisé par la chaîne Rock TV. Accompagnés d’une brochette de stéréotypes ambulants, à savoir Myrna (Martha Demson), l’aristocrate snob adepte de la chasse, Yvette (Traci Lind), la Française arrogante, Teri (Kim Johnston Ulrich), qui allume tous les garçons à sa portée, Harlan (Michael Zoreck), le newyorkais à l’appétit insatiable, et Tony (Marcello Modugno), la petite frappe italienne, ils débarquent dans un grand château médiéval, propriété de l’énigmatique Monsieur Diablo. Sous la direction de l’animateur vedette Rex (Richard Blade), et avec la participation de la rock star alcoolique Cassandra Castle (Bunty Bailey), les candidats doivent dénicher un chèque d’un million de dollars caché quelque part dans les murs du château. Mais rapidement, la chasse au trésor prend une tournure macabre et les morts étranges se succèdent…

Murder Party

Le scénario de Spellcaster se résume finalement à une sorte de murder party bénéficiant de la photogénie du Castello di Giove, un vaste château italien du XIIème siècle dont Charles Band a fait l’acquisition et qui servira de décor à maintes production Empire. Les errances de tout ce beau monde dans les coursives finissent par lasser et n’ont rien de foncièrement palpitant. Fort heureusement, le créateur d’effets spéciaux John Carl Buechler (qui officie aussi ici en tant que réalisateur de deuxième équipe) agrémente le film de séquences fantasmagoriques qui valent à elles seules le détour, notamment l’éveil d’une statue de batracien, l’attaque d’une chaise en forme de lion féroce qui dévore une candidate, le surgissement de cadavres momifiés dans une cave aux allures de catacombe, la transformation d’un homme en cochon façon Le Loup-garou de Londres, l’apparition d’un démon bestial et agressif, une armure médiévale qui s’anime soudain pour révéler à l’intérieur de son casque une sorte de chauve-souris mutante qui dévore les visages, un loup monstrueux qui semble échappé de Hurlements… Tout ce bestiaire délirant égaye le métrage et lui offre ses passages les plus intéressants, jusqu’à un épilogue théâtral permettant à Adam Ant de faire son petit numéro dans le rôle du diable.

 

© Gilles Penso


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LES GOONIES (1985)

Un groupe de gamins turbulents découvre la carte d’un trésor pirate et décide de partir à sa recherche, quitte à affronter mille dangers…

THE GOONIES

 

1985 – USA

 

Réalisé par Richard Donner

 

Avec Sean Astin, Josh Brolin, Jeff Cohen, Corey Feldman, Ke Huy Quan, Kerri Green, Martha Plimpton, John Matuszak, Robert Davi, Joe Pantoliano

 

THEMA EXOTISME FANTASTIQUE I FREAKS

Au milieu des années 80, Richard Donner a déjà crevé l’écran à plusieurs reprises, offrant au public du monde entier des spectacles ultra-populaires tels que La Malédiction, Superman et Ladyhawke. Mais Les Goonies occupe une place toute particulière dans son cœur. De son propre aveu, c’est sans conteste l’un de ses souvenirs professionnels les plus heureux. « Les Goonies sont entrés dans ma vie par l’intermédiaire de Steven Spielberg », raconte-t-il. « Nous étions amis depuis de très nombreuses années et il m’a appelé pour me dire qu’il avait demandé à un jeune auteur du nom de Chris Columbus d’écrire un scénario d’après une idée qu’il avait eue. J’ai lu le scénario et je n’ai pas pu m’empêcher de rire. J’en suis tombé follement amoureux. » (1) Columbus vient alors de se distinguer grâce au scénario de Gremlins et s’apprête à devenir lui-même un réalisateur à succès (avec Maman j’ai raté l’avion, Miss Doubtfire, Harry Potter à l’école des sorciers et beaucoup d’autres). Emporté par son élan, Columbus a sans doute péché par excès sur Les Goonies. Trop long, nécessitant un budget trop important, le script initial doit être revu à la baisse et sacrifier notamment une scène épique d’attaque de pieuvre géante prévue pour le climax, dans la droite lignée de celle de 20 000 lieues sous les mers. Ramené à de plus justes proportions, le film se concentre sur quatre adolescents : le chétif mais brillant « Mikey », l’insolent et roublard « Mouth », le maladroit boulimique « Chunk » et le roi du bricolage « Data ».

La séquence d’ouverture, qui nous présente l’un après l’autre les futurs héros de cette histoire, reliés géographiquement par le flux déchaîné d’une course-poursuite entre policiers et gangsters à travers la ville, est un modèle de mise en scène (montée par le vétéran Michael Kahn) dont la folle énergie donne d’emblée le ton du film. Les quatre « Goonies » (qui se surnomment ainsi parce qu’ils vivent dans le quartier des « Goon Docks » d’Astoria) s’apprêtent à vivre un coup dur : l’expulsion de leurs maisons au profit de l’installation d’un country club en pleine expansion. Leurs parents n’étant pas en mesure de payer l’hypothèque, la seule solution semble venir d’une carte que les gamins découvrent dans le grenier de Mikey et qui est censée mener au trésor du légendaire pirate « Willy le borgne ». Le butin serait dissimulé quelque part dans les environs, plus précisément sous les fondations d’un restaurant abandonné. Or c’est là que se sont cachés les Fratelli, une famille de criminels qui cherchent à échapper à la police…

Escape game

Les Goonies nous offre une vision de l’enfance ouvertement très éloignée des clichés sirupeux, notamment à travers la voix de « Mouth » qui parle de drogue, de sexe et multiplie les blagues graveleuses. Invité par Richard Donner à improviser dès que l’occasion se présente, le jeune casting réunit plusieurs étoiles montantes (Josh Brolin, Sean Astin) et quelques enfants stars (le Corey Feldman de Gremlins, le Ke Huy Quan d’Indiana Jones et le temple maudit), en un cocktail dont la parfaite synergie profite beaucoup au film. Calibrée à merveille pour le public ado de l’époque, l’aventure se vit comme un mélange de chasse au trésor et de train fantôme et doit évidemment beaucoup à Indiana Jones (les pièges mortels dans la caverne, les chutes de rochers géants, la nuée de chauve-souris). Du restaurant abandonné au labyrinthe souterrain en passant par la cascade sous la roche, la grotte en forme de tête de mort, le totem/orgue macabre et bien sûr le bateau pirate, les décors de J. Michael Riva (Halloween 2, Buckaroo Banzaï) dotent le film d’un impact visuel saisissant. Si cet « escape game » avant l’heure se déconnecte totalement d’un quelconque réalisme, le fantastique s’invite frontalement à travers le personnage de Sloth/Cinoque, affublé d’un incroyable maquillage signé Tom et Ellis Burman, qui permet à Donner de s’autoparodier le temps d’un clin d’œil à Superman. Certes, Les Goonies manque de finesse, ne recule devant aucun archétype et force souvent le trait. Mais la bonne humeur qui a présidé à sa réalisation est très communicative. Le film reste aujourd’hui l’un des meilleurs souvenirs cinéphages des spectateurs qui le découvrirent dans les années 80.

 

(1) Propos issus du livre « The Directors » de Robert J. Emery (2002)

 

© Gilles Penso


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BEETLEJUICE BEETLEJUICE (2024)

On prend les mêmes et on recommence ! 36 ans plus tard, Tim Burton ressuscite le fantôme exorciste à qui il doit presque tout…

BEETLEJUICE BEETLEJUICE

 

2024 – USA

 

Réalisé par Tim Burton

 

Avec Michael Keaton, Winona Ryder, Catherine O’Hara, Justin Theroux, Jenna Ortega, Monica Bellucci, Willem Dafoe

 

THEMA FANTÔMES I SAGA TIM BURTON

Quel bonheur de voir Tim Burton retrouver le grain de folie de ses débuts, se laisser aller à tous les excès, multiplier les idées visuelles excentriques, balayer le tout-numérique qui plombait des films comme Alice au pays des merveilles au profit de bricolages à l’ancienne (maquillages spéciaux, marionnettes, stop-motion), bref se faire plaisir avec une bonne humeur communicative. Certes, une telle démarche nostalgique n’est pas sans revers. Le « fan service » abonde fatalement dans Beetlejuice Beetlejuice, tout comme une inévitable impression de déjà-vu et une tendance à complexifier l’intrigue pour donner aux spectateurs le sentiment qu’ils ne se contentent pas de voir un remake du premier Beetlejuice. Pour autant, le film assume pleinement son statut de séquelle tardive en refusant de n’être qu’une resucée du passé. Beetlejuice Beetlejuice jette donc un pont entre le Tim Burton des années 80 et celui des années 2020, mêlant une partie du casting du film original (auquel s’adjoint brièvement ce bon vieux Danny DeVito) aux nouveaux membres de la famille cinématographique du réalisateur, notamment Jenna Ortega (héroïne de la série Mercredi) et Monica Bellucci (sa compagne/muse du moment).

Michael Keaton est plus déchaîné que jamais (son maquillage nous donnant l’étrange sentiment qu’il n’a presque pas pris de ride), Catherine O’Hara reprend avec emphase son personnage d’artiste conceptuelle vaniteuse et Winona Ryder nous offre le portrait torturé de l’ancienne adolescente gothique perdue entre une mère envahissante, une fille distante et un petit-ami superficiel. Quant à Jeffrey Jones, devenu « problématique » après ses démêlées avec la justice, Burton s’en débarrasse de manière hilarante et caricaturale sans pour autant effacer le personnage de son scénario, en une pirouette narrative et artistique franchement culottée. Du côté des nouveaux-venus, Bellucci assure dans le rôle d’une variante inquiétante de la fiancée de Frankenstein, ancien démon recousu à la va vite et couturé de cicatrices grossières, comme la Sally de L’Étrange Noël de Monsieur Jack. Burton ne lui donne certes pas grand-chose à exprimer – ses dialogues se comptent sur les doigts de la main – mais sa présence physique reste saisissante. Jenna Ortega est parfaite elle aussi dans le rôle de la fille délaissée, même si les personnages d’adolescentes marginales commencent singulièrement à coller à la peau de la jeune actrice qui gagnerait à changer un peu de registre.

Fantômes en fête

Cette petite galerie de protagonistes volontiers excessif – qu’accompagnent Justin Theroux et Willem Dafoe, tous deux en très grande forme – s’anime joyeusement dans ce film qui joua longtemps l’Arlésienne, au point qu’on n’y croyait plus. Annoncé à de nombreuses reprises depuis le début des années 2000, ce second Beetlejuice se concrétisa en grande partie grâce à la série Mercredi, au cours de laquelle Burton retrouva une joie de mettre en scène et une fraîcheur qui visiblement lui faisaient défaut depuis quelques années. Plusieurs conditions s’avéraient indispensables au lancement de cette suite, notamment le retour de Keaton et Ryder mais aussi la conservation d’un caractère politiquement incorrect. Pas question d’un Betelgueuse édulcoré et assagi qui réfrènerait ses propos graveleux et son comportement libidineux. Trop heureux de pouvoir à nouveau se lâcher, Michael Keaton décide d’éviter les répétitions avant les prises pour pouvoir tout donner dès que les caméras se mettent à tourner. Burton lui-même jette aux yeux – et aux oreilles – des spectateurs tout ce qu’il aime, multipliant les hommages (il cite Opération peur, Psychose et Carrie) et concoctant de nouvelles séquences musicales hallucinantes, comme s’il voulait que son vingtième long-métrage soit un véritable feu d’artifice, un retour aux sources doublé d’un nouveau départ. Une seconde jeunesse ? Pourquoi pas.

 

© Gilles Penso


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TERREUR VAUDOU (1988)

Un garde du corps équipé de gadgets improbables se heurte à des mercenaires armés jusqu’aux dents et à des praticiens de cérémonies vaudou…

THE OCCULTIST

 

1988 – USA

 

Réalisé par Tim Kincaid

 

Avec Rick Gianasi, Joe Derrig, Richard Mooney, Jennifer Kanter, Mizan Kirby, Matt Mitler, Anibal O. Lleras, Betty Vaughn, Kate Goldsborough, Doug Delauder

 

THEMA SORCELLERIE ET MAGIE I ESPIONNAGE ET SCIENCE-FICTION I SAGA CHARLES BAND

Terreur Vaudou est un film tellement bizarre et invraisemblable que même son distributeur ne sut jamais comment correctement en faire la promotion. Au gré des différents posters et jaquettes qui lui furent consacrés, il nous semble avoir affaire à un film d’horreur sanglant, un thriller de science-fiction post-Terminator, une comédie polissonne agrémentée d’éléments surnaturels ou encore un film noir avec détective privé au feutre mou et femme fatale sexy. Or si ce film improbable cultive effectivement des éléments de science-fiction et d’épouvante avec une pincée d’humour, d’espionnage industriel et d’enquête policière, aucun de ces visuels hautement fantaisistes ne lui rend justice, et pour cause : Terreur Vaudou est une véritable foire d’empoigne qui part dans tous les sens et nous laisse en fin de visionnage dans un état hébété, incapables de comprendre ce que nous venons de voir. Habitué aux séries Z mal-fichues s’efforçant avec une maladresse désarmante de surfer sur les succès des années 80, l’auteur et réalisateur Tim Kincaid avait déjà signé quelques sympathiques nanars comme L’Hybride infernal, Robot Holocaust et Robot Killer. Nous savions donc qu’il nous fallait nous méfier. Mais rien ne nous préparait pour autant à cet indescriptible Terreur Vaudou.

Dès l’entame, une étrange cérémonie vaudou se déroule quelque part dans New York. La sorcière Mama Dora (Betty Vaughn) s’agite avec hystérie, les danseurs en transe bougent frénétiquement à ses côtés, un couple se dénude et fait l’amour, puis un homme est soudain écorché vif et se met à hurler. Il nous semble donc comprendre que nous avons affaire à un film d’horreur sur fond d’occultisme, ce que laisse entendre le titre original. Puis soudain, changement de décor et d’angle scénaristique : la société Sanford Security Systems, spécialisée dans la protection haut de gamme des entreprises, connaît de graves difficultés financières. Nouvellement nommé à sa tête, Barney Sanford (Joe Derrig) doit trouver le moyen d’élargir sa clientèle. Or l’île tropicale de San Caribe, au bord de la révolution, a besoin d’un garde du corps pour protéger son président. Sanford embauche donc Waldo Warren, un mercenaire d’un genre très particulier qui n’a pas froid aux yeux. Il faut dire que son interprète, le « gros bras » Rick Gianasi, se battait déjà contre des cyborgs tueurs dans Robot Killer, donc il en a vu d’autres. Une société concurrente étant aussi sur le coup, le film prend visiblement les allures d’une sorte de thriller sur fond d’espionnage industriel. Mais bientôt, Warren montre des capacités physiques inattendues, variante surréaliste de celles de L’Homme qui valait trois milliards. Nous nageons alors d’un seul coup en pleine science-fiction…

Un coup de braguette magique

Car tenez-vous bien, notre musclor stoïque et inexpressif est doté de pistolets greffés partout dans son corps. Il peut donc tirer sur ses ennemis avec ses doigts, avec ses pieds ou avec son pénis… Oui, vous avez bien lu ! D’où une séquence impensable où trois des personnages principaux discutent tranquillement dans une pissotière, visiblement peu troublés par un massacre sanglant auquel ils viennent d’assister, jusqu’à ce que Waldo abatte tous ses assaillants au cours d’une fusillade effrénée avant de remonter sa braguette. Il faut le voir pour le croire. Le reste du temps, Terreur Vaudou enchaîne des scènes bizarres qui semblent déconnectées les unes des autres : une terroriste qui place une bombe dans le dos d’une femme pour la faire exploser, un dialogue absurde au cours duquel une employée de Sanford Security accumule les bourdes avec un colonel (un passage qu’on imagine conçu pour être comique), un homme au visage déchiqueté qui se fait dépecer vivant par la prêtresse vaudou… Entre deux scènes de combat à peu près aussi risibles que celles de Robot Killer, de longs dialogues entre les personnages évoquent les enjeux politico-financiers de l’installation de systèmes de sécurité sur l’île de San Caribe… Bref, si quelqu’un a compris quelque chose à ce film, il est prié de se faire connaître pour en faire profiter les autres.

 

© Gilles Penso


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AIMEE : THE VISITOR (2023)

Après Siri et Alexa, voici Aimee, la nouvelle génération d’intelligence artificielle : sexy, jalouse et très dangereuse…

AIMEE : THE VISITOR

 

2023 – USA

 

Réalisé par Charles Band

 

Avec Dallas Schaefer, Faith West, Felix Merback, Tom Dacey Carr, Joe Kurak, Liz Jordan, Lexi Lore

 

THEMA ROBOTS ET INTELLIGENCE ARTIFICIELLE I SAGA CHARLES BAND

Véritable tête chercheuse à l’affut de tout ce qui pourrait faire du buzz ou s’inscrire dans l’air du temps, le producteur Charles Band décide de ne pas passer à côté du phénomène de l’intelligence artificielle qui transforme peu à peu des considérations de pure science-fiction en réalité tangible. Il s’attelle alors à un petit film de SF dont il prend lui-même en charge la réalisation en s’appuyant sur un scénario de Neal Marshall Stevens (qui utilise ici le pseudonyme de Roger Barron). Le texte d’introduction du film exprime en toutes lettres son argument marketing principal : « Le film que vous allez voir met en scène un personnage qui utilise la technologie moderne de l’IA. Aimee elle-même n’est pas interprétée par une actrice et n’a pas été conçue à l’aide d’effets spéciaux numériques. Elle est en fait la toute première femme fatale créée par l’IA dans l’histoire du cinéma. » L’idée du film consiste ainsi à faire fusionner le fond et la forme. L’intelligence artificielle qu’il met en scène, AIMEE (acronyme de « Advanced Intimate Model of Euphoric Entertainment », c’est-à-dire « Modèle intime avancé de divertissement euphorique », tout un programme !) est elle-même conçue avec l’assistance de l’IA, sous la supervision du créateur d’effets visuels Chuck Cirino (dont le travail ne se distingue habituellement pas par sa finesse, comme en témoignent des films tels que Attack of the 50 Foot CamGirl ou Killbots).

Scott Keyes (Dallas Schaefer) est un pirate informatique brillant mais misanthrope qui préfère généralement la compagnie des ordinateurs à celle des humains. Son activité préférée : se faire livrer par un fast-food et regarder des films pornographiques entre deux piratages. Dans l’immeuble qu’il possède, il loue un appartement à un frère et une sœur, Hunter (Felix Merback) et Gazelle (Faith West), qui sont des hackers talentueux et l’aident donc dans ses travaux illicites. Gazelle en pince un peu pour lui mais notre homme est trop obnubilé par ses activités solitaires pour s’en rendre compte. Un jour, Hunter et Gazelle lui apportent un nouveau programme d’intelligence artificielle qu’il débloque pour en découvrir les capacités. Au départ, AIMEE (c’est son petit nom) a tout de l’assistant virtuel efficace à la voix enjôleuse auquel le programme a ajouté un visage féminin très avenant. Scott se laisse séduire par cet outil puissant et très ergonomique. Mais AIMEE n’est-elle pas en train de développer une personnalité propre, des sentiments étrangement humains et des intentions inavouées ?

Les Prométhées modernes

La situation est familière et nous évoque plusieurs films ayant déjà abordé à leur manière nos relations complexes aux outils informatiques, le scope allant de Génération Proteus à Her en passant par Electric Dreams et Blade Runner. AIMEE : The Visitor assume ce prestigieux passé, laissant même l’un des personnages s’inquiéter en ces termes : « C’est peut-être le prochain niveau de Terminator ! » Mais ce film sans prétention tire son efficacité d’une approche relativement réaliste et minimaliste, construisant par petite touches une relation homme/machine qui bascule progressivement dans une zone trouble qui n’est pas si éloignée de nos comportements réels vis-à-vis de l’intelligence artificielle. Le budget limité oblige à restreindre les décors, les personnages et les situations mais ce n’est pas plus mal, cette triple unité évitant d’inutiles digressions (dont l’une aurait d’ailleurs pu être évitée, celle des deux « hommes en noir » qui interviennent brièvement en début de métrage). L’aspect le plus intéressant du scénario est le triangle amoureux qui s’installe entre Scott, Gazelle et AIMEE. « C’est la première fois que deux filles s’intéressent à moi en même temps » finit par dire notre homme dépassé par la situation. La suite des événements se déroule selon un schéma que l’on connaît déjà et qui évacue toute réelle surprise. Mais le final, nihiliste et désespéré, n’en perd pas son impact pour autant, avec à la clé une interrogation lancinante héritée du « Frankenstein » de Mary Shelley : jusqu’où peut-on jouer à l’apprenti-sorcier sans en mesurer gravement les conséquences ?

 

© Gilles Penso

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BABY OOPSIE 3 : BURN BABY BURN (2022)

Persuadé qu’une armée de jouets démoniaques s’apprête à menacer l’humanité, un prêtre prépare un exorcisme d’un genre très particulier…

BABY OOPSIE 2 : BURN BABY BURN

 

2022 – USA

 

Réalisé par William Butler

 

Avec Libbie Higgins, Justin Armistead, LeJon Woods, Lynne Acton McPherson, Tim Dorsey, Joe Kurak, Michael Carrino, Shamecka Nelson, Christopher Joseph Meigs

 

THEMA JOUETS I DIABLE ET DÉMONS I CLOWNS I SAGA DEMONIC TOYS I CHARLES BAND

Honnêtement, Baby Oopsie 2 : Murder Dolls et Baby Oopsie 3 : Burn Baby Burn auraient pu ne constituer qu’un seul et même film, puisqu’ils ont été tournés en même temps et ne durent chacun qu’une soixantaine de minutes. Ces deux films courts sont en réalité des remontages des quatre épisodes de la seconde saison de la web-série Baby Oopsie. Toujours prompt à faire fructifier les œuvres conçues sous son égide, le producteur Charles Band s’est sans doute dit qu’il serait plus intéressant financièrement de vendre deux Blu-Ray distincts plutôt qu’un seul. Toujours est-il que les deux films peuvent vraiment s’apprécier dans la continuité et se raccordent d’ailleurs parfaitement. À la fin de Murder Dolls, la créatrice et restauratrice de jouets Sybil Pittman (Libbie Higgins) décidait de revenir sur le droit chemin et d’empêcher le vilain Baby Oopsie de continuer à massacrer à tour de bras. Mais ses intentions étaient enrayées par deux autres poupées maléfiques de sa création – un clown et un cowboy – ainsi que par le comportement de son ami Ray-Ray (Justin Armistead) soudain possédé par le diable. Voilà où nous en étions. Le délire s’apprêtait donc à battre son plein…

Le seul allié de Sybil semble être le père McGavin (LeJon Woods), un prêtre qu’elle a eu beaucoup de mal à convaincre du bien-fondé de la menace mais qui en a finalement mesuré l’ampleur. Prêt à se lancer dans un exorcisme d’un genre très spécial (peut-on chasser le diable hors de jouets qu’il a possédés ?), il débarque dans la maison de Sybil, le crucifix au poing. Pendant ce temps, l’inspecteur Klink (Joe Kurak) mène l’enquête sur les étranges faits survenus sur place, tout comme Teddy (Tim Dorsey) qui s’inquiète de la disparition de sa petite-amie qui fut l’ex-colocataire de Sybil. Comme si ça ne suffisait pas, la pétillante Skipper Beasley (Madison Pullins) vient s’assurer que la créatrice de jouets a bien honoré son contrat consistant à fabriquer de nouvelles poupées pour la compagnie japonaise Twinkle Toys. Tous ces personnages et toutes ces intrigues se confrontent au cours d’un climax délirant qui voit s’ouvrir les portes du Toy Hell, autrement dit « l’enfer des jouets »…

« L’enfer des jouets »

Plus mouvementé et mieux rythmé que l’opus précédent, Baby Oopsie 3 ne lésine pas sur les clins d’œil. Ainsi se réfère-t-il directement à L’Exorciste (les jets de vomi du possédé graveleux), à Poltergeist (les objets qui volent dans la maison dont un vinyle qui tourne tout seul en faisant de la musique) mais aussi à L’Inspecteur Harry (à travers la fameuse réplique « Do you feel lucky ? »). Quant au personnage de Skipper, il s’agit d’une parodie en chair et en os des poupées Barbie dont elle reprend en boucle le slogan « Girls can do anything » (« les filles peuvent tout faire »). Cette référence est d’autant plus délectable que le Barbie de Greta Gerwig sortira à peine quelques mois plus tard sur les écrans. Le sang continue de gicler abondamment, même si les poupées tueuses auraient mérité un rôle un peu plus consistant dans ce scénario rocambolesque. Ici, elles se contentent de ricaner en imitant Chucky et à tuer de temps en temps ceux qui passent à leur portée. On appréciera le final qui ne recule devant aucune démesure et nous offre la vision furtive du fameux Toy Master, un clown diabolique surgi dans un brasier infernal pour mettre un point final à cette histoire abracadabrante.

 

© Gilles Penso


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THE DELIVERANCE (2024)

Une mère qui peine à élever seule ses trois enfants se retrouve brutalement confrontée à une entité démoniaque…

THE DELIVERANCE

 

2024 – USA

 

Réalisé par Lee Daniels

 

Avec Andra Day, Glenn Close, Anthony B. Jenkins, Caleb McLaughlin, Demi Singleton, Aunjanue Ellis-Taylor, Mo’Nique, Omar Epps, Miss Lawrence

 

THEMA DIABLE ET DÉMONS

« L’histoire qui suit est inspirée de faits réels », nous dit le texte plein écran qui introduit The Deliverance. L’argument de l’authenticité est bien connu des amateurs de films d’horreur depuis Psychose, Massacre à la tronçonneuse, Amityville ou plus récemment la saga Conjuring, et chacun sait que les scénaristes prennent généralement toutes les libertés qu’autorise la « licence artistique » pour se rapproprier les faits, surtout lorsqu’il s’agit de phénomènes paranormaux. L’affaire qui nous intéresse ici est celle de la famille Ammons, survenue dans l’Indiana en 2011 et très médiatisée à l’époque. Ce cas troublant de possession démoniaque donna lieu à un documentaire en 2019, The Demon House de Zak Bagans, et servit donc de source d’inspiration majeure au scénario de The Deliverance, écrit à quatre mains par David Coggeshall (Prey, Esther 2) et Elijah Bynum (Chaudes nuits d’été, One Dollar). Assez curieusement, la mise en scène est assurée par Lee Daniels, qui sort ici de sa zone de confort pour se frotter à un univers qu’il n’avait jamais encore abordé. Voir le réalisateur de Precious, The Paperboy et Le Majordome s’aventurer sur le terrain de L’Exorciste peut légitimement surprendre, mais notre homme reste fidèle à la sensibilité que nous lui connaissons en s’éloignant volontairement des canons du genre.

À fleur de peau, dans un rôle difficile et plutôt ingrat, la chanteuse et actrice Andra Day incarne Ebony Jackson, une mère séparée qui peine à joindre les deux bouts. Sans misérabilisme mais avec une crudité bien peu hollywoodienne, Lee Daniels nous décrit ses difficultés à gérer trois enfants, ses relations très conflictuelles avec sa mère (une Glenn Close étonnante, qui n’hésite pas à se métamorphoser physiquement pour entrer dans la peau de ce personnage trouble) ainsi que le fantôme d’un alcoolisme destructeur qui ne cesse de la hanter. The Deliverance prend donc d’abord les allures d’un drame social et psychologique. De profondes blessures dont nous ne comprenons pas encore les tenants et les aboutissants sont visiblement encore à vif. Tout le monde semble donc à cran dès l’entame du film, d’autant que l’aide à l’enfance a dans sa ligne de mire cette mère au casier judiciaire déjà garni. Les acteurs de la tragédie étant en place, le surnaturel peut s’inviter…

House of the Devil

C’est en douceur que s’installe la bizarrerie. Les mouches se mettent à envahir la nouvelle maison des Jackson de manière de plus en plus insistante, le cadet de la famille, Andre (Anthony B. Jenkins), est pris de crises de somnambulisme étranges puis se met à parler à un ami imaginaire… Comme tout est traité avec beaucoup de naturalisme, porté par une direction d’acteurs impeccable et l’établissement d’une atmosphère hyperréaliste, nous sommes tout disposés à y croire. Mais lorsque le paranormal surgit enfin de manière frontale, après plus d’une heure de métrage, le château de cartes finit par s’effondrer dans la mesure où le film ne parvient pas à proposer à ses spectateurs autre chose qu’une relecture de ce qu’ils connaissent déjà. Et le fait de citer L’Exorciste dans les dialogues (comme pour en évacuer la référence d’un revers de main) n’empêche pas The Deliverance de marcher très sagement dans ses pas (voix gutturales, transformations physiques, lévitations, télékinésie, jets de vomi, eau bénite, crucifix, toute la panoplie est là). Or à ce jeu, William Friedkin reste et restera sans doute imbattable. Nous comprenons aisément pourquoi Lee Daniels s’est laissé attirer par les failles de cette mère qui cherche désespérément à garder le contrôle de sa vie, tout comme nous saisissons l’envie de faire de l’entité diabolique la métaphore du démon qui ronge cette anti-héroïne brutale et impulsive. Hélas, la démonstration perd toute efficacité au moment où le cinéaste fonce la tête la première dans les lieux communs du film de possession au lieu de conserver sa singularité et son supplément d’âme. The Deliverance n’est donc qu’une demi-réussite, bien en deçà de ce que sa première partie laissait espérer.

 

© Gilles Penso


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BABY OOPSIE 2 : MURDER DOLLS (2022)

Le poupon de Demonic Toys poursuit ses méfaits, accompagné de deux autres jouets tout aussi redoutables…

BABY OOPSIE 2 : MURDER DOLLS

 

2022 – USA

 

Réalisé par William Butler

 

Avec Libbie Higgins, Justin Armistead, LeJon Woods, Lynne Acton McPherson, Tim Dorsey, Joe Kurak, Michael Carrino, Shamecka Nelson, Christopher Joseph Meigs

 

THEMA JOUETS I DIABLE ET DÉMONS I CLOWNS I SAGA DEMONIC TOYS I CHARLES BAND

Suite au relatif succès de la web-série Baby Oopsie sur la plateforme de streaming de la compagnie Full Moon Entertainment (deux épisodes de trente minutes chacun rassemblés ensuite comme un long-métrage), le producteur Charles Band et l’auteur/réalisateur William Butler poursuivent l’aventure avec quatre autres épisodes pour une seconde saison qui sera à son tour réexploitée sous forme de deux nouveaux films. Le premier, Baby Oopsie 2 : Murder Dolls, reprend les choses exactement là où Baby Oopsie les laissait. L’influenceuse spécialisée dans la restauration de jouets anciens Sybil Pittman (Libbie Higgins) et son ami et voisin Ray-Ray Dupree (Justin Armistead) s’occupent désormais de Baby Oopsie – le vilain petit poupon en plastique aux fortes tendances homicides – comme s’il s’agissait de leur enfant. Ils le promènent, le nourrissent et lui sacrifient régulièrement des vies humaines. Ils forment ainsi une espèce de couple diabolique platonique façon Les Tueurs de la Lune de miel. Ce qui nous vaut une entrée en matière impensable où tous deux – avec le physique très atypique que nous leur connaissons – sont affublés de tenues SM « sexy » pour attirer de nouvelles victimes.

Voir Libbie Higgins, antithèse absolue de la pin-up, jouer à ce point avec sa propre image est un beau pied de nez au diktat de la beauté des magazines auquel les scream queens du catalogue Full Moon obéissent d’habitude allègrement. D’autant que plus tard intervient dans le film une jeune femme tout de rose vêtue, le cheveu blond, la silhouette élancée, bref une véritable poupée Barbie en chair et en os. Le décalage entre les deux personnages est abyssal. Cette nouvelle venue est envoyée par une compagnie chinoise pour proposer à Sybil de lancer la fabrication en masse d’une ligne de jouets Baby Oopsie en lui adjoignant deux compagnons : le pistolero Cowboy Roy et le joyeux Frownie Clownie. Elle accepte mais change d’avis en se souvenant qu’enfant elle fut élue « catholique de l’année ». Prise de remords, Sybil se confesse et décide d’enrayer les méfaits d’Oopsie. Mais celui-ci n’est pas du tout d’accord, d’autant qu’il est désormais flanqué de deux amis poupons tout aussi redoutables que lui…

« Utiliser la créativité pour servir Satan est tellement satisfaisant ! »

Le jeu de massacre continue sans retenue dans ce second opus, Baby Oopsie assassinant dès l’entame avec du déboucheur de canalisation et de la graisse alimentaire ! Les nouveaux-venus n’y vont pas non plus de main morte. Le clown explose ainsi les têtes à coups de marteau et le cowboy tire à balles réelles. Bref, le sang gicle raisonnablement et l’amateur y trouve son compte. Toujours conçues par Greg Lightner, les marionnettes bénéficient de visages très expressifs, ce qui compense la rigidité de leurs corps aux mouvements toujours très limités. Ce défaut est notamment flagrant dans la scène où les poupées dansent pendant une scène de sacrifice. Les intrigues parallèles nous montrent une des anciennes victimes du bébé en plastique, complètement défigurée et cloitrée dans un hôpital psychiatrique, mais aussi des apparitions du fantôme de la belle-mère de Sybil qui annonce la venue d’un énigmatique « Toy Master », ainsi que la transformation de Ray-Ray qui se laisse posséder par le démon et bascule dans le satanisme le plus outrancier. « Utiliser la créativité pour servir Satan est tellement satisfaisant ! » dit-il avec enthousiasme. On note aussi quelques clins d’œil à d’autres productions Full Moon lorsqu’un prêtre feuillette un grimoire dans les archives de son église et y découvre des dessins représentant Jack-Attack (le clown de Demonic Toys) et Doktor Death (le jouet médecin de Puppet Master). Tout s’achève sur un cliffhanger annonçant un troisième opus débridé : Baby Oopsie : Burn Baby Burn.

 

© Gilles Penso


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GALACTIC GIGOLO (1987)

Un extra-terrestres aux allures de brocoli se déguise en être humain pour visiter la Terre et goûter aux plaisirs de la chair…

GALACTIC GIGOLO

 

1987 – USA

 

Réalisé par Gorman Bechard

 

Avec Carmine Capobianco, Debi Thibeault, Frank Stewart, Ruth Collins, Donna Davidge, Michael Citriniti, Tony Kruk, David Coughlin, Angela Nicholas

 

THEMA EXTRA-TERRESTRES I SAGA CHARLES BAND

Réalisée en 1987 avec des moyens précaires, la comédie d’horreur Psychos in Love avait fait très bonne impression à la plupart de ceux qui la découvrirent, y compris le producteur Charles Band qui en assura la distribution via le label Wizard Video. Aussitôt, Band proposa au réalisateur et scénariste Gorman Bechard (signataire par ailleurs du slasher Disconnected) un contrat pour plusieurs films produits par la compagnie Empire Pictures. Le premier de la série est une comédie de science-fiction légèrement érotique baptisée Club Earth puis retitrée Galactic Gigolo au moment de sa sortie. À cette occasion, Bechard réunit les deux acteurs principaux de son film précédent, Debi Thibeault et Carmine Capobianco, et demande à ce dernier de co-écrire le script avec lui. Le concept absurde du film – que son appellation définitive résume assez bien – incite le cinéaste à l’aborder sous un angle excessif. Son idée ? Réaliser une sorte de dessin animé pour adultes en prises de vues réelles. D’où un certain nombre de partis pris tranchés, comme l’emploi de couleurs extrêmement saturées. Mais Charles Band n’aime pas ce qu’il voit et demande à modifier drastiquement le long-métrage en post-production. Le montage est donc revu de fond en comble et le traitement des couleurs ramené à quelque chose de plus traditionnel. Furieux, le réalisateur reniera ce film. Au vu du résultat, on le comprend aisément.

Le prologue de Galactic Gigolo nous donne très vite le ton. Sur une planète baptisée Crowak où tous les habitants ressemblent à des légumes, une carotte qui a le look de Groucho Marx anime un jeu télévisé à succès, « Pariez votre engrais ». L’un des candidats, Eoj (Carmine Capobianco), aux allures de brocoli boursouflé, remporte la mise et gagne donc le grand prix : un voyage de deux semaines tous frais payés sur la planète Terre, plus précisément au fin fond du Connecticut. Lorsqu’il atterrit chez nous, Eoj prend une apparence humaine (avec une combinaison et une cape argentées qui semblent échappées d’un show de Las Vegas) et prend rapidement goût aux relations charnelles avec les Terriennes. Une journaliste (Debi Thibeault) et un photographe (Frank Stewart) décident alors de le suivre dans son odyssée sexuelle afin d’en tirer un livre. Mais un groupe de mafieux italiens et une famille de rednecks juifs décident de capturer l’extra-terrestre…

Galactic fiasco

On ne sait pas à quoi Galactic Gigolo aurait ressemblé s’il avait été conforme aux envies initiales de Gorman Bechard, mais il est difficile d’imaginer que quoi que ce soit ait pu le sauver du naufrage. En l’état, il s’agit probablement de la comédie la moins drôle et la plus affligeante de l’histoire du cinéma – peut-être ex-aequo avec Lui et l’autre, l’épouvantable parodie italienne de E.T. Même les plus indécrottables amateurs de séries Z cherchent encore quoi sauver de ce film. Avec son image affreuse, son montage à la serpe, ses décors hideux, son humour raté et ses acteurs catastrophiques, Galactic Gigolo devient un véritable cas d’école. Pour montrer leur étonnement, les personnages écarquillent les yeux, serrent les dents, froncent les sourcils, ouvrent grand la bouche et tirent la langue, tandis que la musique éléphantesque fait pouet pouet. Chaque « gag » traîne interminablement en longueur, des bruitages de dessin animé ponctuent régulièrement les gestes des acteurs, les répliques référentielles essaient en vain de nous faire rire (« My name is Bond, James Bond », « I have to phone home ») et Carmine Capobianco s’adresse de temps en temps à la caméra pour tenter désespérément de capter l’attention des spectateurs. Visiblement à cours d’idée, les scénaristes convoquent les peaux de banane et les tartes à la crème pour le combat final, avant le retour salutaire d’Eoj sur sa planète natale.

 

© Gilles Penso


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