SOUS LA SEINE (2024)

Parisiennes, parisiens, vous êtes priés d’évacuer de toute urgence les quais et les berges : un requin géant se faufile entre les péniches !

SOUS LA SEINE

 

2024 – FRANCE

 

Réalisé par Xavier Gens

 

Avec Bérénice Bejo, Nassim Lyes, Léa Léviant, Sandra Parfait, Aksel Ustun, Aurélia Petit, Marvin Dubart, Daouda Keita, Ibrahima Ba, Anne Marivin, Stéphane Jacquot

 

THEMA MONSTRES MARINS

Xavier Gens n’est plus à un défi près. Un premier long-métrage choc qui marche sur les traces de Tobe Hooper (Frontière(s)), de l’action musclée et survitaminée (Hitman, Farang), un récit post-apocalyptique nihiliste (The Divide), de l’horreur surnaturelle (The Crucifixion), une fable marine aux confins des univers de Lovecraft (Cold Skin)… Alors pourquoi pas une version parisienne des Dents de la mer ? Le projet est amené par les producteurs Édouard Duprey et Sébastien Auscher, mais pour pouvoir financer une telle entreprise, il faut « pactiser avec le diable », autrement dit accepter une diffusion directe sur la plateforme Netflix sans passer par la case cinéma. Xavier Gens n’est pas dupe. Réunir près de 20 millions d’euros pour un tel film via un circuit de distribution classique aurait été impossible. Si le concept peut faire sourire (« un requin sous la Tour Eiffel »), le cinéaste n’entend pas s’inscrire dans la lignée de Sharknado. « J’avais envie de prendre ce genre de films au premier degré », explique-t-il. « Je me suis servi d’un pitch de série Z un peu nanardesque, qui peut être casse-gueule, pour pouvoir raconter un film qui fait part de mes obsessions et de mes convictions écologiques, qui propose une ironie dramatique sur la réalité » (1). Car depuis le classique de Spielberg, les requins n’ont plus si mauvaise presse et font partie d’un écosystème qu’il est urgent de préserver.

Le scénario de Sous la Seine s’inscrit donc dans une prise de conscience environnementale. C’est d’ailleurs dans l’épouvantable vortex de déchets en plastique du Pacifique Nord que démarre le film, siège du trauma initial de Sophia, l’héroïne campée par Bérénice Bejo. L’équipe de plongeurs dont elle fait partie est décimée par un squale à la croissance accélérée et au comportement anormalement agressif. Nous la retrouvons trois ans plus tard, désormais guide dans un aquarium parisien et toujours très marquée par le drame (elle vit seule, déprime en revoyant les vidéos du bon vieux temps et se nourrit de bonbons Haribo). Comme la formule établie par Herman Melville dans « Moby Dick » a fait ses preuves, Sophia va subitement se retrouver confrontée à son ennemi juré dans la mesure où le monstre marin a encore muté et se love désormais sous la Seine, prêt à bondir sur la première proie qui croisera ses mâchoires. Un malheur n’arrivant jamais seul, la ville de Paris s’apprête à accueillir pour la première fois les championnats du monde de triathlon, autrement dit des centaines de nageurs prêts à se transformer en amuse-gueule sous les yeux du public…

Bête de Seine

L’audace d’un tel projet, l’ampleur de ses ambitions artistiques et techniques et les moyens mis à sa disposition (autorisant un large déploiement d’effets spéciaux numériques et animatroniques) forcent le respect et permettent de passer outre ses personnages gentiment archétypaux, ses répliques qui ne sonnent pas toujours très justes et ses rebondissements un peu abracadabrants. C’est surtout là que se mesure l’écart abyssal entre l’accueil reçu par un tel film sur sa terre natale et outre-Atlantique. Alors que les critiques américains louent le caractère résolument divertissant de Sous la Seine, leurs homologues français s’offusquent violemment et crient au nanar. Bien sûr, le huitième long-métrage de Xavier Gens n’a rien d’un chef d’œuvre et le Bruce de Steven Spielberg peut tranquillement dormir sur ses deux ouïes. Mais pourquoi ne pas accepter cette distrayante série B pour ce qu’elle est ? Côté acteurs, donnons une mention spéciale à Anne Marivin, génialement détestable en maire de Paris à mi-chemin entre Murray Hamilton dans Les Dents de la mer et Anne Hidalgo (dont nous serions curieux de connaître la réaction face à cette caricature pas très flatteuse). Quant au climax, il prend des proportions dantesques impensables en rejouant les cartes de l’équilibre alimentaire de la planète.

 

(1) Extrait d’un entretien diffusé sur BFM en juin 2024

 

© Gilles Penso


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BLAIR WITCH 2 : LE LIVRE DES OMBRES (2000)

Le miracle du Projet Blair Witch ne pouvait se produire qu’une fois. C’est du moins ce que tend à prouver cette suite pétrie de maladresses…

BOOK OF SHADOWS 2 : BLAIR WITCH 2

 

2000 – USA

 

Réalisé par Joe Berlinger

 

Avec Kim Director, Jeffrey Donovan, Erica Leerhsen, Tristine Skyler, Stephen Barker Turner, Kurt Loder, Chuck Scarborough

 

THEMA SORCELLERIE ET MAGIE I SAGA BLAIR WITCH

Blair Witch 2 est né d’une série de compromis qui permettent de mieux comprendre sa nature décousue et son style incertain. L’idée de départ est assez simple : Artisan Entertainment, distributeur et détenteur des droits du Projet Blair Witch, veut profiter très rapidement du succès inespéré du film pour en initier une suite. Mais Daniel Myrick et Eduardo Sánchez, les deux réalisateurs à l’origine de ce petit miracle, préfèrent attendre que l’engouement retombe pour concocter un second épisode auquel ils auront le temps de mûrement réfléchir. L’équipe d’Artisan décide alors de se passer d’eux et de lancer cette séquelle dans les plus brefs délais, coûte que coûte. S’ils sont crédités comme producteurs exécutifs de Blair Witch 2, Myrick et Sánchez ne jouent en réalité aucun rôle dans son élaboration (et s’avoueront d’ailleurs très déçus par le résultat). C’est Joe Berlinger qui hérite de la réalisation. Désireux de se lancer dans un premier long-métrage, il courtise déjà depuis quelques temps les producteurs d’Artisan Entertainment avec ses propres scénarios originaux. Mais pour l’heure, seule la suite de Blair Witch compte. Berlinger accepte le défi, écrit cette séquelle en deux mois et se lance dans un tournage marathon pour une sortie prévue fin octobre 2000.

Étant donné que Le Projet Blair Witch fixait assez rapidement les limites de son concept et de son script anémique, il faut bien reconnaître qu’on voyait mal l’intérêt d’un deuxième épisode, au-delà de son potentiel financier. Au vu du film, les craintes sont confirmées. Cette séquelle se révèle non seulement pataude mais aussi un brin prétentieuse. Car elle ne cesse de citer Le Projet Blair Witch comme étant un film culte, une œuvre marquante, un objet d’admiration pour une horde de fans. Et de fait, les protagonistes sont ici un groupe d’aficionados tellement marqués par le film en question qu’ils ont décidé de reprendre l’enquête dans les bois de Burkitsville, suréquipés en matériel vidéo et ne cessant de se référer au Projet Blair Witch. Le but de ce nombrilisme effarant est double : entretenir le jeu du vrai du faux autour de la légende urbaine de la fameuse sorcière champêtre, et clamer haut et fort à quel point le premier film était un chef d’œuvre. Cet exercice d’autosatisfaction et de vantardise outrancière finit vite par lasser. D’autant que Blair Witch 2 lui-même ressemble plus à un produit dérivé qu’à un film à part entière.

Autosatisfaction

Après une nuit bien arrosée au beau milieu des bois, nos cinq protagonistes se rendent compte qu’ils ont un gros trou de mémoire sur ce qui s’est passé au cours des dernières heures. Et lorsqu’ils rentrent au bercail, c’est pour constater que leurs bandes vidéo présentent d’étranges artefacts. Bientôt, ils doivent se rendre à l’évidence : ils ont ramené une entité maléfique avec eux. Voilà pour le pitch. Rien de bien neuf, donc, d’autant que la mise en scène est paresseuse, les comédiens assez peu supportables et les dialogues volontiers indigestes. Quant au fameux livre des ombres du titre, il brille ici par son absence. Joe Berlinger a beau cligner de l’œil vers ses références cinématographiques principales, en l’occurrence La Malédiction, L’Exorciste, Evil Dead, la mayonnaise ne prend pas. Mais il est difficile d’appréhender pleinement sa vision de cinéaste, dans la mesure où les producteurs, mécontents de son travail, font tourner de nouvelles séquences qu’ils jugent plus commerciales et refusent plusieurs de ses choix artistiques. Blair Witch 2 est donc un film bancal qui n’aura guère permis à son réalisateur de rebondir facilement. Berlinger ne réalisera par la suite qu’un autre film de fiction, Extremely Wicked, Shockingly Evil and Vile, le reste de sa carrière se concentrant sur les programmes télévisés et les documentaires.

 

© Gilles Penso


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MYSTÉRIEUSE PLANÈTE (1982)

Grand amateur des films de monstres de Ray Harryhausen et Willis O’Brien, Brett Piper se lance dans une version spatiale de « L’île mystérieuse »…

MYSTERIOUS PLANET

 

1982 – USA

 

Réalisé par Brett Piper

 

Avec Paula Taupier, Boydd Piper, Michael Quigley, Bruce Nadeau, Vance Dallas, Hanna Landy, Marilyn Mullen, Bernard Nero, George Seavey, Cynthia Vacca

 

THEMA SPACE OPERA

Pour son premier long-métrage, Brett Piper voit grand. Il souhaite adapter « L’île mystérieuse » de Jules Verne tout en y intégrant des éléments du « Monde perdu » de Conan Doyle, le tout dans l’espace pour surfer sur la vague lancée par La Guerre des étoiles. Le scénario concerne un équipage d’astronautes qui atterrit sur une planète mystérieuse, suite à un orage magnétique. En l’explorant, ils découvrent des sauriens monstrueux et une indigène, puis s’opposent à une flotte ennemie, avant de quitter enfin ces lieux hostiles. Brett Piper n’a plus qu’un petit problème à régler : trouver l’argent pour réaliser son film. « J’ai trouvé un investisseur dans le New Hampshire pour le financer », nous raconte-t-il « Dix de ses amis pouvaient mettre chacun quelques centaines de dollars dans le projet » (1). Au bout d’un an d’attente, le jeune cinéaste se retrouve donc avec un budget de 5000 dollars et se lance sans plus tarder dans la préparation de son film. Les comédiens sont tous des amateurs, le compositeur fait là ses premiers pas et tous les autres postes sont occupés par Piper lui-même, qui achète à l’occasion une caméra Bolex 16 mm pour 125 dollars.

Soucieux de truffer son film d’effets spéciaux, Piper passe outre son manque d’expérience et, c’était à craindre, le résultat, pour ambitieux qu’il soit, laisse souvent à désirer. Ni les peintures sur verre figurant les paysages extra-terrestres (avec un clin d’œil manifeste à la montagne du crâne de King Kong), ni les timides scènes de vaisseau spatial (qui évoquent celles de Star Crash), ni les effets de rayons laser réalisés en décolorant des portions de pellicule image par image ne s’avèrent très convaincants. Mais le film vaut surtout pour ses nombreuses créatures inspirées par les travaux des rois de la stop-motion Ray Harryhausen et Willis O’Brien. Si leur animation et leur intégration dans les prises de vues réelles sont toujours à la limite du passable, l’originalité de leur morphologie et l’enthousiasme évident de Piper au moment de leur conception sont appréciables. La première créature qu’ils rencontrent est un escargot géant à deux têtes qui rampe sur la plage, dévore l’un d’entre puis retourne dans l’océan, à la façon de l’archélon d’Un million d’années avant JC.

« Tu n’as rien senti d’inexplicable par ici ? »

Au cours de leurs errances sur la planète mystérieuse, nos astronautes (quatre hommes, une femme et un grand type avec une cagoule qui représente visiblement un robot ou un cyborg) passent devant un serpent démesuré qui escalade les arbres et un gros dinosaure quadrupède au crâne cuirassé qui se nourrit sans leur prêter attention, puis sont attaqués par une créature volante aux allures de dragon. Avec ses serres d’aigle à trois doigts longs et griffus, ses grandes ailes de chauve-souris, sa queue de reptile et sa grosse tête de tyrannosaure, le monstre ressemble à un mélange du rhédosaurus du Monstre des temps perdus et des harpies de Jason et les Argonautes. Ce bestiaire fantaisiste se complète avec un plésiosaure qui émerge d’un lac à la manière de celui du Fils de Kong et un lézard cyclope affublé d’une longue queue et de tentacules. On ne pourra pas reprocher à Piper son manque d’inventivité et de générosité. Alors certes, le montage, la photographie, le jeu des acteurs, les dialogues (« Tu n’as rien senti d’inexplicable par ici ? ») et la musique électronique sentent l’amateurisme à plein nez, mais comment ne pas saluer l’audace d’un tel projet ? Malgré toutes ses faiblesses, Mystérieuse planète finit d’ailleurs par rapporter 20 000 dollars, soit quatre fois son prix de revient, un bénéfice qui sera partagé entre Piper et son producteur.

 

(1) Propos recueillis par votre serviteur en juin 1998

 

© Gilles Penso

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MISE À MORT DU CERF SACRÉ (2017)

Colin Farrell et Nicole Kidman campent un couple faussement tranquille dont la vie bascule suite à une malédiction terrifiante…

THE KILLING OF A SACRED DEER

 

2017 – USA / GB

 

Réalisé par Yorgos Lanthimos

 

Avec Colin Farrell, Nicole Kidman, Barry Keoghan, Raffey Cassidy, Sunny Sujlic, Alicia Silverstone, Bill Camp

 

THEMA SORCELLERIE ET MAGIE

Porté à bout de bras par un casting prestigieux, Mise à mort du cerf sacré est une œuvre profondément perturbante dont le titre énigmatique se réfère au mythe d’Iphigénie tel qu’il fut revisité dans la tragédie d’Euripide. Cette pièce classique conçue en l’an 405 avant JC donne quelques pistes et une poignée de clefs susceptibles daider à mieux comprendre le scénario à priori hermétique élaboré par Yorgos Lanthimos. Très remarqué grâce à Canine et The Lobster, le cinéaste a su fédérer autour de lui une importante communauté d’aficionados parmi lesquels se trouvent les actrices Nicole Kidman et Alicia Silverstone. Ces dernières le supplient quasiment de les engager pour son nouveau fait d’arme. Voilà comment toutes deux se retrouvent en tête d’affiche de Mise à mort du cerf sacré, aux côtés de Colin Farrell qui connaît déjà le réalisateur puisqu’il vient justement de tourner The Lobster avec lui. Farrell avoue avoir été saisi de nausée après avoir lu le script. Loin de le décourager, ce sentiment affûte son intérêt et attise son envie de participer à un long-métrage qui s’annonce résolument inclassable.

Farrell incarne Steven Murphy, un chirurgien renommé qui s’attache à Martin (Barry Keoghan), un adolescent obséquieux dont le père est mort sur sa table d’opération. Steven est-il responsable de ce décès ? Ses penchants pour la boisson l’ont-ils poussé à prendre de mauvaises décisions ? Toujours est-il que les relations qui commencent à s’établir entre lui et Martin prennent une tournure bizarre, un peu possessive, dictée par un sentiment de culpabilité. Bientôt le jeune homme s’immisce dans la famille du chirurgien, rencontre son épouse (Nicole Kidman) et ses deux enfants… L’atmosphère du film devient de plus en plus pesante, rythmée par une bande originale stressante à base de violons hurlants et de percussions agressives. Empruntant une méthodologie proche de celle de William Friedkin pour L’Exorciste, le réalisateur ne fait pas appel à un seul compositeur pour la musique de son film mais choisit d’alterner des créations originales et des morceaux classiques. Ainsi sollicite-t-il le violoniste Oleh Krysa et l’accordéoniste Janne Raettya pour écrire des morceaux extrêmement angoissants, muant les instruments en générateurs de plaintes dissonantes suscitant un malaise immédiat et durable.

Malaise, inconfort et rejet

Le personnage du chirurgien campé par Colin Farrell est lui-même un peu trouble. Lorsque nous découvrons qu’il demande régulièrement à sa femme de simuler l’anesthésie générale avant de lui faire l’amour, L’Effroyable secret du docteur Hichcock de Riccardo Freda nous revient en mémoire. Le fantastique s’installe progressivement, sous forme d’un dilemme impensable assorti d’une malédiction terrible et insidieuse. La direction artistique de Mise à mort du cerf sacré se révèle très soignée – visiblement inspirée par les peintures d’Edward Hopper -, les acteurs sont impeccables, la mise en scène volontairement glaciale, et certaines séquences véhiculent un humour noir un peu désespéré (le tête-à-tête du chirurgien avec la mère de l’adolescent), mais l’on ne comprend pas bien où le réalisateur veut en venir. Lanthimos parvient certes à engendrer l’inconfort et les réactions de rejet viscérales (dès le générique avec son gros plan sur une opération à cœur ouvert bien réelle), mais la démarche excessivement « auteurisante » semble un peu vaine, dans la mouvance de certains films de Michael Haneke dont la provocation facile semble être la raison d’être principale. C’est donc sur un sentiment très mitigé que nous laisse cette Mise à mort nébuleuse.

 

© Gilles Penso

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RENCONTRE AVEC LE DRAGON (2003)

Un jeune écuyer se met au service d’un chevalier campé par Daniel Auteuil dont la légende dit qu’il aurait survécu au souffle d’un dragon…

RENCONTRE AVEC LE DRAGON

 

2003 – FRANCE

 

Réalisé par Hélène Angel

 

Avec Daniel Auteuil, Nicolas Nollet, Sergi Lopez, Gilbert Melki, Emmanuelle Devos, Titoff, Maurice Garrel, Claude Perron

 

THEMA SORCELLERIE ET MAGIE I DRAGONS I CONTES

Rencontre avec le dragon porte en lui tous les éléments dramatiques propres au conte de fées, tout en se déroulant dans un univers médiéval extrêmement réaliste, cru et dénué de concession. Et c’est là que réside toute l’étrangeté de l’œuvre d’Hélène Angel, ancienne élève de la prestigieuse Fémis ayant fait ses dents sur une série de courts-métrages au début des années 1990 avant d’écrire le scénario de Superlove pour Jean-Claude Janer puis d’attaquer elle-même son premier long, le curieux Peau d’homme cœur de bête avec Serge Riaboukine. Titré Dragon Knight ou The Red Knight sur le marché international au fil de ses diverses exploitations, Rencontre avec le dragon s’appuie sur un scénario co-écrit par la réalisatrice, Jean-Claude Janer et Agnès de Sacy. Le récit tourne autour de la légende de Guillaume de Montauban (Daniel Auteuil), un homme qui aurait survécu au souffle enflammé d’un dragon et en aurait tiré l’invincibilité. Le jeune Félix de Sisteron (Nicolas Nollet) voue une admiration sans borne à ce « héros » surnommé depuis Dragon Rouge, et lorsqu’il le rencontre enfin, il lui propose ses services en tant qu’écuyer. Mais Guillaume s’avère être un homme aigri, brutal, arrondissant ses fins de mois en jouant les mercenaires. Et lorsque son passé se révèle chargé de trahisons et de meurtres, Félix commence sérieusement à douter de l’intégrité de son idole…

Malgré le titre et la légende, aucun dragon ne montre le bout de son museau dans le film. Pourtant, le fantastique se love très tôt au cœur du récit, et éclate au sein d’une incroyable séquence où Raoul de Vautadour (Sergi Lopez), ancien ami de Guillaume ayant basculé dans la folie, se transforme littéralement en sanglier. La scène se passe d’effets spéciaux, misant son impact sur le jeu halluciné de Lopez et une bande son très suggestive. Ainsi, à l’instar des infortunés protagonistes du Ladyhawke de Richard Donner, Raoul est victime d’une malédiction qui le mue chaque nuit en animal, et ce depuis qu’il a découvert que sa femme Isabelle avait été assassinée par Guillaume. Un crime passionnel qui, depuis, hante le Dragon Rouge déchu. Plus tard dans le film, c’est carrément le fantôme d’Isabelle qui erre dans les bois, apparaissant aux héros sous forme d’une géante livide et ensanglantée qui se déplace en glissant sans bruit…

Le mélange des genres

Tous ces éléments de pure féerie s’accommodent à vrai dire difficilement au réalisme du moyen âge décrit par Hélène Angel, et ce mélange des genres s’avère finalement hasardeux. La lenteur du film joue également en sa défaveur, tout comme la majeure partie de ses comédiens qui semblent ne pas trop croire à leurs personnages, malgré un casting des plus audacieux. « C’est un OVNI qui a coûté cher », avouera la réalisatrice quelques années plus tard. « Les producteurs de l’époque voulaient une affiche grand public. Il y avait une dichotomie entre ce que les gens pensaient voir et le résultat final. Mais j’ai retenu une leçon : quand on fait un cinéma singulier, il ne faut pas que ça coûte trop cher. Peut-être que j’ai fait Rencontre avec le dragon trop tôt » (1). Reste Daniel Auteuil. Impérial, taciturne, charismatique en diable, le comédien excelle dans un registre qu’on ne lui connaissait pas, et il demeure la véritable illumination de cette œuvre décidément trop chaotique pour convaincre.

 

(1) Extrait d’un entretien paru sur le site « Chaos Reign » en juin 2020.

 

© Gilles Penso


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LE SECRET DE LA PYRAMIDE (1985)

Barry Levinson met en scène les aventures d’un Sherlock Holmes adolescent plongé dans une enquête aux confins du surnaturel…

YOUNG SHERLOCK HOLMES AND THE PYRAMID OF FEAR

 

1985 – USA / GB

 

Réalisé par Barry Levinson

 

Avec Nicholas Rowe, Alan Cox, Sophie Ward, Anthony Higgins, Susan Fleetwood, Freddie Jones, Nigel Stock

 

THEMA SORCELLERIE ET MAGIE

Après leur heureuse collaboration sur Gremlins et Les Goonies, le producteur Steven Spielberg et le scénariste Chris Columbus décident d’unir leurs forces une troisième fois. Ainsi nait le projet du Secret de la pyramide, que Columbus conçoit comme un hommage sincère aux aventures de Sherlock Holmes, même s’il se doute que les puristes des écrits d’Arthur Conan Doyle risquent de crier au sacrilège. Le principe consiste en effet à raconter la jeunesse du célèbre détective sous un angle volontairement fantaisiste. Dame Jean Conan Doyle, fille de l’écrivain, donne tout de même son accord et s’en voit remerciée au générique. Prudent, le texte final du film tient tout de même à remettre les choses dans leur contexte : « Bien que Sir Arthur Conan Doyle n’ait pas écrit sur les années de jeunesse de Sherlock Holmes et que la première rencontre entre Holmes et le docteur Watson ait eu lieu à l’âge adulte, cette spéculation affectueuse sur ce qui aurait pu se passer a été faite avec une admiration respectueuse et en hommage à l’auteur et à ses œuvres durables. » Après Joe Dante pour Gremlins et Richard Donner pour Les Goonies, la mise en scène de cette production Amblin est cette fois-ci assurée par Barry Levinson, signataire jusqu’alors de Diner avec Mickey Rourke et du Meilleur avec Robert Redford.

Le film nous fait donc découvrir Sherlock Holmes et John Watson à l’âge de l’adolescence, alors qu’ils se rencontrent au collège. Le premier possède déjà les dons qui le rendront célèbre. Le second ne pense qu’à satisfaire sa gourmandise. Au cœur de l’hiver 1870, le tandem se trouve mêlé par hasard à une sombre histoire de meurtres. Holmes, assisté de Watson, fait sa première enquête et découvre, au cœur de Londres, une secte pratiquant de vieux cultes égyptiens et des sacrifices humains. Tel est le point de départ de cette aventure familiale teintée d’épouvante et de fantastique, sous l’influence directe d’Indiana Jones et le temple maudit. Titré originellement Young Sherlock Holmes, le film de Levinson sera d’ailleurs rebaptisé Young Sherlock Holmes and the Pyramid of Fear après sa première exploitation pour assumer ses liens avec les exploits encore récents du docteur Jones et attirer davantage le grand public.

Sherlock Holmes et le temple maudit

Le scénario implique quatre grandes séquences d’effets spéciaux, justifiées par une drogue hallucinogène que la secte du film emploie sur ses victimes : un poulet et un porte-manteau qui attaquent le client d’un restaurant, le vieux client d’une librairie agressé par deux presses livres en forme de gargouilles (hommage direct aux harpies de Jason et les Argonautes), des pâtisseries vivantes dans un frigo et l’incroyable séquence du vitrail qui s’anime pour affronter un prêtre. « C’était la première fois que l’image de synthèse était intégrée de manière crédible dans une prise de vue réelle », nous raconte John Lasseter, alors en charge de cette scène. « Personne n’osait trop espérer que ça allait marcher. Une figurine articulée avait même été fabriquée en cas d’échec, pour que le chevalier du vitrail puisse, le cas échéant, être animé en stop-motion de manière traditionnelle. Mais nous avons réussi à créer six plans crédibles avec de la 3D » (1). Si Le Secret de la pyramide est une réussite formelle indiscutable (les effets supervisés par Dennis Muren sont incroyablement inventifs, la photographie de Stephen Goldblatt est somptueuse, la musique de Bruce Broughton très belle), il lui manque ce petit quelque chose qui distingue les œuvrettes sympathiques des grands films. Sans doute l’influence du Temple maudit est-elle trop marquée, spécialement au cours de son dénouement. Tout semblait en place pour d’autres aventures, comme en atteste cette ouverture vers les futurs méfaits du professeur Moriarty, mais le film restera sans suite. Chris Columbus y puisera tout de même plusieurs idées lorsqu’il mettra en scène les premiers volets de la saga Harry Potter.

 

(1) Propos recueillis par votre serviteur en février 1999

 

© Gilles Penso


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LA SORCIÈRE SANGLANTE (1964)

Barbara Steele irradie l’écran dans le rôle troublant d’une jeune femme assassinée qui ressuscite pour assouvir une vengeance d’outre-tombe…

I LUNGHI CAPELLI DELLA MORTE

 

1964 – ITALIE / ALLEMAGNE

 

Réalisé par Antonio Margheriti

 

Avec Barbara Steele, Robert Rains, Halina Zalewska, George Ardisson, Umberto Raho, Laura Nucci, Giuliano Raffaelli, Nello Pazzafini, Jeffrey Darcey

 

THEMA SORCELLERIE ET MAGIE

La Sorcière sanglante (dont le titre original pourrait se traduire par « Les longs cheveux de la mort ») est un scénario co-écrit par Ernesto Gastaldi et Tonino Valerii. Ce dernier cherche alors à faire ses premiers pas dans la mise en scène après avoir contribué à l’écriture de La Crypte du vampire et de Pour une poignée de dollars. Mais son inexpérience joue en sa défaveur, ce qui pousse le producteur Felice Testa Gay à opter pour un metteur en scène qui a déjà fait ses preuves, en l’occurrence Antonio Margheriti. Fidèle à ses habitudes, le réalisateur italien signe le film sous le pseudonyme Anthony Dawson (plus attrayant selon lui sur le marché international) et retrouve la comédienne Barbara Steele qu’il avait dirigée quelques mois plus tôt dans Danse macabre. Stakhanoviste, Margheriti signe d’ailleurs quatre autres longs-métrages la même année : Marchands d’esclaves, Le Monde sans voiles, La Terreur des Kirghiz et Fort Alésia. Tonino Valerii, lui, devra attendre 1966 pour passer derrière la caméra et signer notamment quelques westerns spaghettis comme Lanky l’homme à la carabine, Le Dernier jour de la colère ou le fameux Mon nom est personne sous l’égide de Sergio Leone. Tourné en grande partie dans le château de Massimo à Arsoli – et sur les plateaux de Cinecitta pour quelques intérieurs -, La Sorcière sanglante se déroule à la fin du 15ème siècle.

Adele Karnstein (Halina Zalewska) est accusée d’avoir utilisé la sorcellerie pour assassiner le frère du comte Humbolt (Giuliano Raffaelli). Elle est donc conduite au bûcher et meurt dans un immense brasier. En réalité, l’assassin est Kurt (George Ardisson), le propre fils du comte. Helen (Barbara Steele), la fille de la suppliciée, qui s’était précipitée voir Humbolt pour réclamer justice, ne trouve qu’un homme libidineux qui abuse d’elle. Une fois de plus, Barbara Steele irradie l’écran, ses cheveux corbeau et son regard noir offrant un magnifique contraste avec la blancheur diaphane de sa peau. Margheriti saisit sa photogénie dans une poignée de tableaux mémorables, comme ce plan iconique où la belle, les cheveux au vent, plonge ses mains dans les cendres de la défunte, tandis que le feu meurt lentement, surplombé par une croix penchée. Le vil Humbolt la course ensuite dans les bois et la précipite dans un torrent. « Et voilà ma chère, ton secret sera bien gardé » lui dit-il.

« Ton secret sera bien gardé »

La sœur cadette d’Helen, Lisabeth (incarnée aussi par Halina Zalewska), est contrainte plusieurs années plus tard d’épouser le détestable Kurt. C’est alors que la peste frappe le royaume, au moment même où Barbara Steele refait son apparition sous l’identité d’une jeune femme dont le carrosse s’est accidenté. Mais le spectateur devine qu’il s’agit bien d’Helen miraculeusement ressuscitée. D’autant que Margheriti a pris soin de nous offrir au préalable une scène étrange où la foudre frappe une tombe, et où le squelette qui la contenait se recouvre peu à peu de chair, tandis que ses orbites vides abritent soudain un regard humain. Peu satisfait du scénario alambiqué de La Sorcière sanglante, le cinéaste le réécrit en grande partie au fur et à mesure du tournage et improvise même des séquences entières sur le plateau. Le résultat est donc quelque peu décousu, mais le film contient de nombreux très beaux moments et s’achève sur une cruelle ironie sous forme d’un sinistre brasier purificateur.

 

© Gilles Penso


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LA SŒUR DE SATAN (1966)

Barbara Steele fait une petite apparition dans cette histoire abracadabrante de sorcellerie qui marque les débuts du réalisateur Michael Reeves

THE SHE BEAST

 

1966 – GB

 

Réalisé par Michael Reeves

 

Avec Barbara Steele, Ian Ogilvy, John Karlsen, Mel Welles, Lucretia Love, Joe Riley, Richard Watson, Edward B. Randolph, Peter Grippe, Ennio Antonelli

 

THEMA SORCELLERIE ET MAGIE

Après avoir illuminé de sa beauté altière plusieurs perles du cinéma gothique italien (Le Masque du démon, L’Effroyable secret du Dr. Hichcock, Danse macabre, Les Amants d’outre-tombe), Barbara Steele s’échoue à contrecœur dans cette Sœur de Satan qui, avouons-le, demeure très anecdotique. Son réalisateur, Michael Reeves, n’avait jusqu’alors signé qu’une poignée de courts-métrages tout en participant – sans en être crédité – au scénario du Château des morts-vivants de Luciano Ricci et Lorenzo Sabatini. Désireux de passer à la vitesse supérieure, il investit une bonne partie de son propre argent dans la production de La Sœur de Satan et réunit une petite équipe technique pour un tournage d’une vingtaine de jours en Italie. Aux côtés de Steele, Reeves met en scène Ian Ogilvy, un vieux camarade de classe qu’il avait perdu de vue depuis des années et qui démarre alors sa carrière d’acteur. Écrit par le réalisateur sous le pseudonyme de Michael Byron, avec l’aide officieuse de Mel Welles, Charles B. Griffith et F. Amos Powell, le scénario de La Sœur de Satan laisse légitimement perplexe.

Il y a 200 ans, en Transylvanie, des villageois armés de torches battent la campagne, mettent la main sur une vieille femme hideuse aux mains griffues et au visage démoniaque (interprétée par Jay Riley, dont le maquillage ne joue guère la carte de la subtilité, mettant en évidence ses dents acérées, sa peau flétrie et son regard fou). La foule déchainée lui transperce le corps avec une lance et la jette dans un lac. Le film nous transporte ensuite au présent où un jeune couple d’Anglais en pleine lune de miel, incarné par Ian Ogilvy et Barbara Steele, cherche son chemin dans la Transylvanie profonde et se retrouve dans un hôtel dont le tenancier accumule les tares : idiot, rustre, malhonnête, alcoolique et obsédé sexuel ! Pour la première fois de sa carrière, Barbara Steele joue un personnage contemporain dans un film d’horreur, troquant ses robes gothiques habituelles contre une tenue moderne lui donnant des faux airs de l’Emma Peel de Chapeau melon et bottes de cuir.

Van Helsing à la rescousse

Mais le spectateur n’en profite pas beaucoup dans la mesure où le temps de présence de la comédienne à l’écran reste limité. N’ayant qu’une journée de disponible pour ce film, elle doit se soumettre à un tournage marathon de dix-huit heures d’affilées pour satisfaire les besoins de la production (en échange d’un chèque de mille dollars). Son personnage disparaît donc de l’intrigue assez rapidement, après un accident de voiture qui la précipite dans un lac – celui-là même où fut jadis jetée la sorcière – et ne réapparaît qu’à deux minutes de la fin le temps d’un dénouement abracadabrant. Entre-temps, la vieillarde monstrueuse sème la panique tandis qu’un descendant de la famille Van Helsing (John Karlsen) tente de l’exorciser et que les policiers locaux se livrent à une course poursuite burlesque où les voitures roulent en accéléré comme dans une comédie avec Louis de Funès ! Reeves aurait bien supprimé cette séquence de poursuite ridicule – confiée aux bons soins de la seconde équipe sans sa supervision – mais le film n’aurait pas duré suffisamment longtemps. C’est l’une des concessions que notre homme doit donc accepter pour boucler cette première œuvre faite de bric et de broc. Michael Reeves ne réalisera que deux autres films, La Créature invisible et Le Grand inquisiteur, avant sa mort prématurée à l’âge de 25 ans suite à une surdose accidentelle de barbituriques.

 

© Gilles Penso


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SOLOMON KANE (2009)

Le chasseur de démons imaginé par Robert Howard prend corps à l'écran sous les traits charismatiques de James Purefoy

SOLOMON KANE

2009 – GB / FRANCE / REPUBLIQUE TCHEQUE

Réalisé par Michael J. Bassett

Avec James Purefoy, Max Von Sydow, Pete Postlethwaite, Rachel Hurd-Wood, Alice Krige, Mackenzie Crook, Ben Steel

THEMA HEROIC FANTASY I DIABLE ET DEMONS

Moins connu que Conan le barbare, Solomon Kane est pourtant une autre création inspirée de l’écrivain Robert Howard, un pourfendeur de démons du 17ème siècle aussi peu dénué de scrupules et d’états d’âmes que son petit frère cimmérien. Apparu pour la première fois en août 1928 dans le magazine Weird Tales, Solomon Kane (dont le nom mixe deux influences bibliques, le fougueux roi Salomon et le fratricide Caïn) fut le héros de plusieurs récits et se vit adapter en bande dessinée. Mais il aura fallu attendre la passion du scénariste/réalisateur Michael J. Bassett, grand admirateur d’Howard, pour qu’un Solomon Kane sur grand écran voie enfin le jour. Et le spectacle est à la hauteur des espérances, ne reculant devant aucune brutalité (les combats sont particulièrement sanglants), bénéficiant de magnifiques décors naturels captés en République Tchèque ou reconstitués en studio façon Hammer Films (ah, ce magnifique cimetière nocturne !), et mettant en scène quelques somptueuses créatures démoniaques conçues par Patrick Tatopoulos et visiblement sous l’influence de Guillermo del Toro.

A ce titre, les spectres grimaçants qui hantent les miroirs et happent les guerriers passant à leur portée ou le colossal Troll surgissant au moment du climax s’affirment comme de superbes visions de pure fantasy. Le casting lui-même est d’une grande finesse, offrant à quelques vétérans tels que Max Von Sydow ou Pete Postlethwaite des rôles mémorables tout en proposant à un quasi-inconnu (l’excellent James Purefoy) de tenir le haut de l’affiche. Aussi crédible en combattant farouche qu’en puritain tourmenté, Purefoy, avec ses faux airs d’Hugh Jackman et de Robert Carlyle, porte une bonne partie de l’impact du film sur ses solides épaules.

Sanglante croisade

N’adaptant aucune aventure précise écrite par Robert Howard, le film de Bassett se situe dans une Angleterre ravagée par les guerres. Le capitaine Solomon Kane, guidé par une foi inébranlable, occis à tour de bras tous les « infidèles » qu’il croise, persuadé d’agir pour le bien de l’humanité. Mais après une de ses sanglantes croisades, il croise un émissaire du Diable qui lui annonce le prix qu’il devra payer pour tout ce sang versé : son âme. Terrifié, Kane décide de renoncer à la violence en s’enfermant dans un cloître. Mais le mal continue de croitre autour de lui, et lorsque les démoniaques émissaires du redoutable Malachi se mettent à battre la campagne, ses nouvelles résolutions sont mises à rude épreuve… Élégante, stylisée, toute en retenue (sauf évidemment lorsque l’acier et la chair entrent en collision au cours des nombreuses échauffourées scandant le métrage), la mise en scène de Bassett dote Solomon Kane d’un souffle et d’une personnalité en parfait accord avec ses sources d’inspiration littéraires. La seule véritable ombre au tableau, en la matière, est sans doute la partition paresseuse d’un Klaus Badelt en sérieux manque d’inspiration. On regrette aussi – et surtout – un final un peu escamoté qui fait l’effet d’un pétard mouillé et laisse imaginer quelques coupes budgétaires inopinées. Ces réserves mises à part, Solomon Kane est une initiative réjouissante qui mériterait plusieurs séquelles. Hélas, le succès très mitigé du film ne laisse guère augurer de prolifique descendance…

 

© Gilles Penso

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PHÉNOMÈNES PARANORMAUX (2010)

Un film insaisissable, entre fiction et faux documentaire, qui aborde sous un angle hyper-réaliste le thème des enlèvements d'humains par des extra-terrestres

THE FOURTH KIND

2010 – USA / GB

Réalisé par Olatunde Osunsanmi

Avec Milla Jovovich, Will Patton, Hakeem Kae-Kazim, Corey Johnson, Enzo Cilenti, Elias Koteas, Eric Loren, Raphael Coleman

THEMA EXTRA-TERRESTRES

Contrairement à ce que pourrait laisser croire son titre français maladroitement opportuniste, Phénomènes paranormaux n’est pas un succédané de Paranormal Activity (gros succès en salle l’année précédente) mais un film étrange qui mixe la science-fiction à l’épouvante psychologique en s’appuyant sur un procédé narratif original aux allures de docu-fiction. Le scénario s’appuie sur un fait réel dûment établi par le FBI : dans la ville de Nome, en Alsaka, des disparitions inexpliquées se produisent régulièrement depuis les années 60 sans qu’aucune explication logique n’ait pu être donnée. La piste des enquêteurs officiels s’oriente bien sûr vers des kidnappings et des meurtres, mais pour Hollywood, il semblait plus séduisant d’adopter la thèse des abductions extra-terrestres. Le titre original, Fourth Kind, ne laisse d’ailleurs planer aucun doute, se référant directement à la fameuse typologie établie par le scientifique Alan Hynek pour hiérarchiser les contacts entre humains et aliens : la rencontre du premier type est l’observation d’un phénomène spatial inexpliqué, celle du deuxième type caractérise l’interaction physique de ce phénomène avec des témoins, et celle du troisième type concerne le contact établi avec une forme extra-terrestre.

Quant à la « Rencontre du Quatrième Type », elle semble liée aux enlèvements d’humains par des extra-terrestres, un thème qui a alimenté moult scénarios de la série X-Files mais que le réalisateur Olatunde Osunsanmi aborde sous un angle volontairement hyperréaliste. Le doute est d’ailleurs volontairement entretenu quant à la véracité des événements décrits dans le film. Car le montage, surprenant, insère régulièrement des documents vidéo mettant en scène les « véritables » acteurs du drame (séances d’hypnose de l’époque filmées par les psychiatres, enregistrements par des caméras de police, documents tournés pour une université, etc.). A l’écran, il n’est pas rare qu’un split-screen montre ainsi deux fois la même scène, version cinéma et version « réalité ».

Rencontres du quatrième type

Pour enfoncer le clou, les comédiens se présentent dès le début du film pour nous annoncer qu’ils s’apprêtent à interpréter des personnages réels. Milla Jovovich incarne ainsi la psychologue Abigail Tyler, traumatisée par le meurtre de son époux et préoccupée par plusieurs de ses patients souffrant de troubles sévères du sommeil suite à des cauchemars récurrents… Alors, info ou intox ? De toute évidence, le film est un gigantesque canular, mais la minutie et le réalisme avec lequel les témoignages « réels » sont reconstitués et intégrés à la narration font tout l’intérêt d’un long-métrage qui, par ailleurs, ne raconte rien de foncièrement novateur. La mise en scène d’Osunsanmi s’avère d’ailleurs parfois exagérément maniérée, là où un peu plus de sobriété aurait été de mise. Mais il faut reconnaître que Phénomènes Paranormaux sait susciter le trouble, en partie grâce à l’implication de ses comédiens. Milla Jovovich nous surprend agréablement dans un registre moins physique et beaucoup plus intériorisé qu’à l’accoutumée, épaulée par de solides partenaires tels que Will Patton et Elias Koteas. Bref rien de neuf sous le ciel extra-terrestre, mais une habile et innovante variation sur un thème connu.

 

© Gilles Penso

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