THE OPEN (2015)

Trois survivants de la fin du monde trompent leur ennui et donnent du sens à leur vie grâce à des parties de tennis sans balles ni filets…

THE OPEN

 

2015 – FRANCE

 

Réalisé par Marc Lahore

 

Avec James Northcote, Maia Levasseur-Costil, Pierre Benoist

 

THEMA FUTUR

Marc Lahore est un cinéphile compulsif et un grand amateur de bandes dessinées qui allait forcément, tôt ou tard, franchir le pas du long-métrage. Après une série de courts-métrages expérimentaux et de fictions cultivant volontairement leur singularité et leur approche esthétique, il se lance dans un défi qui n’a rien de simple. Son premier film sera en effet une fable de science-fiction futuriste, rien que ça ! Mais The Open ne doit rien à Blade Runner ni même à Mad Max. A vrai dire, il ne ressemble à rien de connu, poussant Patrice Leconte, lorsqu’il découvre le résultat final, à le qualifier de « parfait OVNI, barré, extrémiste, archi-réussi, procédant d’une démarche magnifique et culottée. » Le postulat lui-même laisse perplexe. Après une catastrophe apparemment nucléaire, deux hommes et une femme tentent de survivre dans un monde post-apocalyptique (filmé avec la sobriété et le réalisme d’un Malevil) où la civilisation semble avoir disparu. Leur raison de vivre est désormais l’organisation de parties de tennis surréalistes, sans filets ni balles. Cette pratique sportive est absurde, n’a absolument aucun sens, mais c’est pourtant ce qui leur donne la force de survivre. Ces trois êtres ont tout perdu, n’ont plus rien, si ce n’est un besoin irrépressible de redonner du sens à leur existence. Alors pourquoi pas des parties de tennis sans balles ni filets ?

Interrogé sur son envie de mettre en scène des parties de tennis irrationnelles dans son premier long-métrage, Marc Lahore déploie plusieurs arguments. « Le tennis m’apparaît comme un sport éminemment cinématographique, typiquement westernien, dont l’histoire est d’ailleurs émaillée de duels et rivalités mythiques », explique-t-il. « Quant à sa forme même, à son atmosphère, sa dimension purement plastique… Toutes m’évoquent les duels de Sergio Leone. J’ai appris à aimer ce sport ; son esthétique, son rythme, ses règles. Ainsi qu’à apprécier l’abnégation, la concentration, l’énergie, de même que les aptitudes stratégiques et physiques qu’il exige de ses pratiquants. » (1) Le budget du film étant réduit à sa plus simple expression, Lahore joue la carte du minimalisme des deux côtés de la caméra. Son équipe technique se résume donc à neuf personnes (comédiens compris), réunies dans des conditions précaires pendant trois semaines au cœur des Highlands d’Ecosse. Après avoir bravé le froid, la pluie, le vent, le brouillard, la boue et les inondations, ils rentrent au bercail avec le film en boîte. Un film faisant fi de ses faibles moyens pour réinventer en plein air le huis-clos de Jean-Paul Sartre.

Mad Match

Le postulat absurde de The Open peut laisser craindre un essoufflement rapide du scénario, d’autant que le film ne cherche ni à dépasser ce concept, ni à développer d’incessants rebondissements. L’austérité et la répétitivité de l’intrigue peuvent donc rebuter, mais la démarche demeure fascinante. Car on finit par se prendre au jeu de ce sport virtuel devenu vital pour les survivants de l’apocalypse, seul but d’une existence devenue dérisoire. On pense aux parties imaginaires du joueur d’échec de Stefan Zweig, et l’on se laisse volontiers porter par la prestation extrêmement convaincante d’un trio d’acteurs étonnants, filmés dans des décors naturels à la stupéfiante beauté sauvage dont chaque recoin (montagnes, vallées, passages, plages, campements) est ici rebaptisé avec des noms de grands tennismen. Plus on y réfléchit, plus on se dit que le tennis n’est finalement qu’un prétexte qui en vaut bien un autre. Car ce que raconte The Open, en substance, c’est le besoin indispensable de se raconter des histoires, de transformer l’illusion en réalité, de se réfugier dans l’inexistant pour le rendre tangible. Finalement, n’est-ce pas l’essence même du cinéma et de la fiction ?

 

(1) Extrait d’une interview publiée dans « Film International » en novembre 2015

 

© Gilles Penso


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ULTIMATE GAME (2009)

Dans le futur, la technologie des jeux vidéo permet de piloter à distance des condamnés à mort pour qu’ils s’entretuent en direct sur Internet…

GAMER

 

2009 – USA

 

Réalisé par Mark Neveldine et Brian Taylor

 

Avec Gerard Butler, Michael C. Hall, Zoe Bell, Milo Ventimiglia, Alison Lohman, John Leguizamo, Logan Lerman, Amber Valletta

 

THEMA FUTUR

Amateurs de concepts forts et d’action mouvementée, Mark Neveldine et Brian Taylor se sont fait connaître en réalisant le thriller ultravitaminé Hypertension. Avec l’appui de la compagnie Lakeshore Entertainment, ils s’attaquent ensuite à un long-métrage de science-fiction déclinant les concepts de Rollerball et du Prix du danger pour les adapter aux préoccupations numériques des années 2000 : l’omniprésence des réseaux sociaux, les perfectionnements des jeux vidéo, la création d’univers virtuels réalistes et la vie par procuration partagées par de nombreux utilisateurs d’Internet. Le premier titre choisi est tout simplement Game (« jeu »), puis Citizen Game (histoire de cligner très subtilement de l’œil vers le chef d’œuvre d’Orson Welles !) et finalement Gamer (« joueur »). Les distributeurs français, eux, optent pour un faux titre américain qui sonne bien, évoquant à la fois l’univers des jeux vidéo et celui des sports de combat extrêmes. Armés d’un confortable budget de 50 millions de dollars, Neveldine et Taylor plantent leurs caméras à Albuquerque, au Nouveau-Mexique, pour un tournage de 53 jours placé sous le signe de l’action ininterrompue, du gros spectacle, de la pyrotechnie, des cascades et des fusillades à répétition. Ultimate Game entend bien en mettre plein la vue aux spectateurs et assume pleinement cette ambition primaire.

L’histoire se déroule en 2034, donc dans un futur relativement proche. La technologie des jeux vidéo a tellement évolué qu’il est désormais possible pour des joueurs en ligne de manipuler de véritables êtres humains à distance afin de leur faire vivre des aventures musclées et dangereuses. C’est ainsi que le milliardaire Ken Castle (Michael C. Hall, Dexter en personne) parvient à mettre sur pied « Slayers », le divertissement ultime. Dans ce nouveau jeu, des condamnés à mort sont guidés par des joueurs et s’entretuent lors de combats diffusés sur les écrans du monde entier. S’ils parviennent à survivre à trente épreuves, ils peuvent regagner leur liberté. Aujourd’hui, la star de « Slayer » s’appelle John Tillman (Gerard Butler), mais tout le monde le connaît sous son avatar de Kable. C’est Simon Silverton (Logan Lerman), un ado blasé et pourri gâté, qui est chargé de le piloter. Kable a déjà survécu à 28 combats, mais combien de temps va-t-il encore tenir ?

Mortel combat

Le casting est l’un des points forts d’Ultimate Game. Non que les acteurs aient grand-chose à défendre en termes d’émotions, de sentiments ou de profondeur. Ils auraient même tendance à assurer le service minimum. Mais chacun d’eux colle parfaitement au rôle qui lui est assigné et l’endosse à la perfection. Encore associé au redoutable roi Leonidas qu’il incarnait dans 300, Butler est l’interprète idéal de la brute au grand cœur Kable tandis que Michael C. Hall nous ravit sous la défroque du milliardaire génial, puéril et irresponsable. Côté mise en scène, Mark Neveldine et Brian Taylor mettent le paquet, stylisant à outrance leur travail qu’ils gorgent de références visuelles à l’univers du jeu vidéo, d’effets de montage nerveux, d’altérations de cadence de prise de vue, d’effets sonores pétaradants et de longs plans-séquence hérités des Fils de l’homme. Le résultat est moderne et vivifiant, certes, mais le film finit par se complaire dans l’artificialité que le scénario est censé dénoncer. Et l’on sent bien que l’ajout dans le récit des « Humanz », des pirates informatiques délivrant des messages de résistance à l’encontre d’un système qu’ils souhaitent dénoncer, ne sont qu’un élément narratif artificiel sans la moindre résonance politique. Spectaculaire, violent et sanglant, Ultimate Game se limite donc à une expérience en surface se révéler capable de susciter la moindre émotion.

 

© Gilles Penso


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SAINT (2010)

Le réalisateur de L’Ascenseur et d’Amsterdamned transforme Saint Nicolas en monstre démoniaque surgissant les nuits de pleine lune…

SINT

 

2010 – HOLLANDE

 

Réalisé par Dick Maas

 

Avec Huub Stapel, Egbert Jan Weeber, Madelief Blanken, Caro Lenssen, Escha Tanihatu, Niels van den Berg, Bert Luppes, Cynthia Abma, Keen Boot

 

THEMA FANTÔMES

Dick Maas est un réalisateur amateur de concepts horrifiques singuliers. Après les méfaits mécaniques sanglants de L’Ascenseur et ceux du tueur aquatique d’Amsterdamned, notre homme avait délaissé provisoirement le genre fantastique pour s’aventurer sur d’autres territoires (il signa même quelques épisodes de la série Les Aventures du jeune Indiana Jones). Mais le naturel revient au galop, notamment avec une suite de L’Ascenseur réalisée en 2001 puis avec ce Saint qui revisite le mythe du Père Noël sous un jour très inquiétant. « En Hollande, le personnage de Saint Nicolas joue un rôle culturel très important », nous dit Maas pour expliquer la genèse de Saint. « Nous le célébrons tous les ans. C’est un personnage qui est toujours décrit comme l’ami des enfants. Tout le monde l’aime, il distribue des bonbons, il est extrêmement populaire. Je me suis donc dit qu’il pouvait être intéressant de détourner cette image pour en faire une figure du mal. Voilà pourquoi il devient dans mon film un évêque maléfique » (1). Saint s’appuie sur le mythe de Sinterklaas, le personnage duquel s’inspire manifestement le Santa Claus anglo-saxon. Comme toujours, Maas mêle l’horreur et l’action à une bonne dose d’humour noir. C’est sa marque de fabrique.

Le film commence le 5 décembre 1492. Une horde de brigands dirigée par l’ancien évêque Niklas est tuée par des villageois qui refusent de supporter plus longtemps les pillages et les meurtres perpétrés par ces barbares. Désormais, ils reviennent sous forme de fantômes meurtriers chaque nuit de pleine lune du 5 décembre, menés par leur chef devenu le redoutable Sinterklaas dont le bâton d’évêque est une arme aux bords tranchants. Les années ont passé et les adultes ne croient plus à cette histoire, même s’ils font croire aux enfants que Sinterklass est un homme gentil qui leur offre des cadeaux une fois par an. Goert est comme tous ces gamins qui attendent avec impatience la venue de ce bon vieux Niklas. Mais lorsque le « Saint » débarque sur le toit de sa maison de campagne, avec ses chevaux sauvages et son gang de fantômes violents, la nuit vire au cauchemar. Goert survit au massacre mais perd toute sa famille. Nous sommes alors en 1968. 42 ans plus tard, l’orphelin est devenu inspecteur de police et travaille à Amsterdam. Or le 5 décembre 2010 sera une nuit de pleine lune. Les démons ne sauraient donc tarder à revenir…

Petit papa mortel

Partant de ce postulat délirant, Saint s’autorise tous les excès, y compris quelques sursauts gore et des séquences d’action impensables au cours desquelles les chevaux de ce maléfique père fouettard galopent sur les toits des maisons de la ville. « Nous avons utilisé des effets visuels, parce que bien sûr aucun cheval n’a réellement été filmé sur les toits », nous avoue Dick Maas. « Idéalement, il aurait fallu modéliser les chevaux en images de synthèse pour pouvoir leur faire faire ce que le scénario exigeait. Mais nous n’avions pas les moyens et la technologie nécessaires pour recourir à cette technique de manière intensive. Nous avons donc principalement installé le cheval avec un cascadeur sur une plateforme surélevée devant un fond vert de quinze mètres de long » (2). Car le réalisateur de L’Ascenseur ne s’est jamais laissé réfréner par ses moyens modestes, stimulant sans cesse l’inventivité de ses équipes pour parvenir à ses fins. Saint est donc un divertissement subversif réjouissant, même si ses prémisses laissaient espérer une œuvre plus originale que le résultat final. En effet, passées ses premières séquences, le film finit par s’enfermer dans la routine du slasher classique et ne parvient pas tout à fait à éviter la répétitivité de ses situations. On note qu’au moment de sa sortie, au beau milieu des fêtes de fin d’année, le film suscita un petit scandale en Hollande à cause de son poster effrayant, ce « Saint Nicholas zombie » n’étant pas du tout du goût des associations de parents !

 

(1) et (2) Propos recueillis par votre serviteur en septembre 2017

 

© Gilles Penso


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BLOODY CHRISTMAS (2012)

Un remake du fameux slasher Douce nuit sanglante nuit qui réinvente à sa manière la figure du Père Noël sanglant…

SILENT NIGHT

 

2012 – USA

 

Réalisé par Steven C. Miller

 

Avec Malcolm McDowell, Jaime King, Dona Logue, Rick Skene, Ellen Wong, Andrew Cecon, Courtney-Jane White, Erik Berg, Tom Anniko, Mike O’Brien, Curtis Moore

 

THEMA TUEURS I SAGA DOUCE NUIT SANGLANTE NUIT

En 1984, Douce nuit sanglante nuit créait un petit événement – et soulevait au passage quelques polémiques – en décrivant les méfaits d’un tueur psychopathe habillé en Père Noël au beau milieu des fêtes de fin d’année. L’impact fut tel qu’une véritable saga finit par se déployer jusque dans les années 90, les derniers épisodes n’ayant plus grand-chose à voir avec le concept initial. L’idée de produire un remake du premier film de la série est née au début des années 2000. Contacté pour en écrire le scénario, Jayson Rothwell avoue n’avoir jamais vu le long-métrage de 1984. Ce pourrait être rédhibitoire, mais les producteurs sautent au contraire sur cette occasion pour demander au scénariste d’imaginer sa propre histoire. La seule contrainte est de mettre en scène un tueur habillé en Père Noël. Rothwell s’inspire alors d’un fait divers réel (le massacre perpétré par un désaxé déguisé en Santa Claus le soir de Noël de l’année 2008 à Covina, dans le comté de Los Angeles) et construit le récit d’une enquête policière ponctuée de meurtres particulièrement sanglants. Ainsi naît Silent Night (que les distributeurs français traduisent bizarrement par Bloody Christmas). Steven C. Miller, qui avait déjà réalisé une poignée de films d’horreur comme Automaton Transfusion, Scream of the Banshee ou Scary, se voit confier la mise en scène de ce slasher hivernal.

Dès le générique se met en place le rituel du monstre, dont nous ne voyons évidemment pas le visage afin que son identité reste un mystère jusqu’à la fin. L’homme découpe un masque en plastique qu’il affuble d’une barbe blanche et enfile la traditionnelle panoplie rouge tandis que retentit joyeusement « Up on the House Top » de Gene Autry. Mais l’ambiance n’est pas à l’euphorie. Tandis qu’une femme ligotée hurle sur le canapé, un homme immobilisé sur une chaise et relié à des guirlandes électriques crie pour qu’on le libère. Ce couple adultère n’en sortira pas vivant. Ce sont les premières d’une longue liste de victimes à mettre à l’actif de ce vilain Santa psychopathe ayant décidé de mettre la petite ville de Cryer, dans le Wisconsin, à feu et à sang. L’adjointe du shérif, Aubrey Bradimore (Jaime King), va s’efforcer de résoudre l’affaire, même si elle ne se sent plus à la hauteur depuis la mort inattendue de son époux. Mais son boss, le shérif Cooper (Malcolm McDowell), ne lui laisse pas de répit, bien décidé à mettre la main sur ce serial killer insaisissable avant la nuit de Noël…

Ce Père Noël est une ordure !

D’emblée, le film marque une rupture entre son héroïne – dont les failles, les doutes et les faiblesses sont explorés avec plus de profondeur qu’on aurait pu l’imaginer – et le tueur, volontairement déshumanisé et ramené au statut de machine à tuer dénuée d’état d’âme. Le masque en plastique dont il est affublé, noircissant son regard et figeant ses traits, renforce son caractère effrayant, inhumain et bestial. D’autant que ses meurtres sont particulièrement brutaux – avec une mention spéciale pour celui de la bimbo aux seins nus qui passe un très mauvais quart d’heure. Personne n’est épargné, pas même les enfants. Pourtant ce tueur sanguinaire semble obéir à un « code moral », puisqu’il ne s’en prend visiblement qu’à ceux qu’il considère comme des pécheurs : les amants adultères, les praticiens de la pornographie, les enfants gâtés, les curés libidineux. Il s’érige donc en juge et bourreau, utilisant tout ce qui passe à sa portée – hache, tison, lance-flamme et même bois d’une tête de cerf pour cligner de l’œil vers le film original – pour occire tous ceux qui « n’ont pas été sages ». Si Malcolm McDowell cachetonne gentiment dans le rôle de ce vieux shérif acariâtre et dur à cuire qui en a vu d’autres, Jaime King (Sin City, The Spirit, Meurtres à la Saint-Valentin) joue son personnage à fleur de peau et suscite l’empathie du spectateur, même si le scénario de Bloody Christmas n’échappe pas à la routine et s’achemine vers une révélation finale décevante.

 

© Gilles Penso


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REBEL MOON – PARTIE 1 : ENFANT DU FEU (2023)

Zack Snyder se lance dans un space opera extrêmement ambitieux qui doit beaucoup à Star Wars et aux Sept samouraïs

REBEL MOON – PART 1: A CHILD OF FIRE

 

2023 – USA

 

Réalisé par Zack Snyder

 

Avec Sofia Boutella, Djimon Hounsou, Ed Skrein, Michiel Huisman, Bae Doona, Ray Fisher, Charlie Hunnam, Anthony Hopkins, Staz Nair, Fra Fee, Cleopatra Coleman

 

THEMA SPACE OPERA

Si Rebel Moon évoque tant Star Wars, ce n’est pas tout à fait un hasard. L’idée initiale de Zack Snyder est en effet de proposer à Lucasfilm d’ajouter sa pierre à l’édifice de La Guerre des étoiles à travers un long-métrage un peu plus adulte que les précédents. Nous sommes alors en 2012, peu de temps avant que la société de George Lucas soit rachetée par Walt Disney. Mais son projet est rejeté, manifestement pas en phase avec la ligne éditoriale que la maison de Mickey souhaite adopter pour relancer la franchise. Trois ans plus tard, J.J. Abrams réalisera Le Réveil de la Force. Opiniâtre, Snyder tente de séduire un studio concurrent, Warner Bros, sans plus de succès. C’est finalement Netflix qui ouvrira ses portes pour la seconde fois consécutive à « Mad Zack », après lui avoir laissé le champ libre sur Army of the Dead en 2021. Et comme pour son film de zombies déchaînés en plein Las Vegas, Snyder tourne Rebel Moon au format numérique pour mieux se conformer aux exigences techniques de Netflix, quitte à délaisser les formats 35 et 65 mm qu’il affectionnait tant. D’un commun accord avec la plateforme de streaming, le cinéaste conçoit Rebel Moon sous forme d’un diptyque. Le premier volet est programmé pour décembre 2023 et sa suite au printemps de l’année suivante. De quoi susciter l’attente des (télé)spectateurs et jouer sur leur attente… Pour peu que le public réponde présent, bien sûr.

Ce film choral se situe dans un univers de science-fiction heroic-fantaisiste, le « monde-mère », et se focalise sur le personnage de Kora (Sofia Boutella). Celle-ci, ancien soldat de l’armée de l’Imperium, a décidé de déserter pour se réfugier sur la lune Veldt, dans une petite colonie agricole paisible qui vit de ses récoltes. Mais un jour, une délégation de l’Impérium débarque, menée par le redoutable Atticus Noble (Ed Skrein), et réclame la mainmise sur l’intégralité des récoltes pour nourrir les soldats, quitte à affamer la colonie. Kora décide alors de lancer une quête pour recruter des guerriers dans toute la galaxie afin de s’opposer à l’Imperium. L’intrigue reprend donc dans les grandes lignes celle des 7 mercenaires, déjà déclinée à plusieurs reprises par le passé sous l’angle du space opera (notamment avec Les Mercenaires de l’espace et Les Évadés de l’espace). Snyder assume la référence, Les 7 samouraïs d’Akira Kurosawa figurant parmi ses films de chevet. Mais c’est surtout la version de John Sturges qui nous vient à l’esprit, dans la mesure où Rebel Moon se réapproprie à de nombreuses reprises les codes du western… comme le fit avant lui George Lucas.

Zack Wars

Pour bâtir son propre monde de toutes pièces, Zack Snyder brasse donc les sources d’inspiration et les mixe en un tout qu’il espère cohérent, quitte à assumer – au-delà de celles de Kurosawa et Sturges – l’influence de la saga Star Wars qui servit de starting-block au projet. L’empire galactique dictatorial, les rebelles, les chasseurs de prime, les duels au pistolet laser, les robots amicaux et les bars louches emplis de créatures aux morphologies exubérantes exhalent fatalement un parfum de déjà vu, ce qui n’empêche pas pour autant Rebel Moon de posséder sa propre atmosphère, sa propre saveur et son propre style (Snyder étant plus porté sur la violence et les allusions sexuelles que George Lucas et ses successeurs, on comprend mieux le rejet de Disney). En tête de casting, Sofia Boutella se révèle une solide héroïne d’action, Ed Skrein campe un super-vilain très charismatique, Djimon Hounsou semble cligner de l’œil vers son rôle dans Gladiator et Anthony Hopkins prête sa voix à un étonnant robot pacifiste. Le film est généreux dans son foisonnement d’idées et le réalisateur ne peut s’empêcher de disséminer quelques plans « signature » au fil de l’intrigue (les fameux plans-séquence en plein combat alternant l’ultra-ralenti et la vitesse réelle). Snyder n’a donc rien perdu de son sens visuel et de ses dons d’esthète. Mais son film souffre d’un déséquilibre narratif qui lui donne plus les allures du pilote d’une série TV que d’un long-métrage à part entière. La mise en place est relativement mécanique, jusqu’à un climax qui expédie les choses à la va-vite le temps d’un affrontement spectaculaire mais aux enjeux simplistes.  Il faudra donc attendre le second volet pour s’assurer que le récit de ce space opera tient vraiment la route au-delà de son effet d’annonce.

 

© Gilles Penso

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JACK FROST 2 (2000)

Le bonhomme de neige psychopathe est de retour sur une île tropicale pour massacrer tout ce qui passe à sa portée…

JACK FROST 2 : REVENGE OF THE KILLER MUTANT SNOWMAN

 

ANNEE – USA

 

Réalisé par Michael Cooney

 

Avec Christopher Allport, Eileen Seeley, Chip Heller, Marsha Clark, Scott MacDonald, Ray Cooney, David Allen Brooks, Sean Patrick Murphy

 

THEMA MUTATIONS

Si le premier Jack Frost s’amusait à mixer l’horreur et la comédie en un jeu d’équilibre délicat, cette suite assume frontalement son caractère parodique, ce que le titre original indique de manière très explicite : Revenge of the Killer Mutant Snowman, autrement dit « La revanche du bonhomme de neige mutant tueur » ! Ce sous-titre s’avère en outre secourable pour tous les spectateurs qui, à l’époque, pouvaient croire que Jack Frost 2 était la suite du Jack Frost de 1998, un conte de Noël sirupeux avec Michael Keaton et Kelly Preston. Or ici, il n’y a pas de place pour les bons sentiments. Le mot d’ordre semble plutôt être : plus c’est bête et méchant, mieux c’est. Dès l’entame, nous comprenons que le ton a un peu changé. Reprenant le rôle du shérif Sam Tiler, Christopher Allport confie ses angoisses à un psychiatre, tandis que la secrétaire et tous les gens dans la salle d’attente s’esclaffent bruyamment en écoutant son témoignage à travers le haut-parleur du téléphone. Ce qui saute aussi aux yeux, dès les premières minutes, c’est que le budget semble encore avoir baissé depuis le premier film – pourtant déjà très « cheap ». La photographie, les décors, la mise en scène, tout accuse ce cruel manque de moyens et concourt à donner à cette séquelle les allures d’un film amateur réalisé entre copains – ce qu’il est presque, d’une certaine manière.

À la fin de Jack Frost, le redoutable tueur givré était réduit en morceaux grâce à une grosse dose d’antigel et enterré six pieds sous terre. Mais le FBI s’intéresse à sa structure moléculaire et engage deux profanateurs de sépulture pour déterrer ses restes et les ramener discrètement dans un de leurs laboratoire. Toutes les expériences qu’ils pratiquent se soldent par des échecs, jusqu’à ce qu’une tasse de thé tombe dans un aquarium où reposaient des bouts du monstre. Une étrange métamorphose s’opère, l’eau bouillonne… et Jack Frost est de retour ! Pendant ce temps, Tiler accepte de quitter sa petite ville pendant les fêtes de Noël pour aller se détendre avec son épouse et un couple d’amis sur le point de se marier sur une petite île tropicale paradisiaque. Manque de chance : aussi revanchard que le requin des Dents de la mer 4, Frost traverse les océans pour retrouver son ennemi juré avec qui il partage maintenant un lien psychique. Le massacre s’apprête donc à recommencer, mais cette fois-ci sous les cocotiers.

Batailles de boules de neiges

Les effets spéciaux n’étaient franchement pas le point fort du premier Jack Frost. Ils ont pourtant encore baissé d’un cran dans cette séquelle. Au costume approximatif et aux trucages mécaniques rudimentaires, le film adjoint désormais des images de synthèse bas de gamme qui n’arrangent rien côté crédibilité. Conscient de ces faiblesses techniques, l’auteur/réalisateur Michael Cooney transforme chaque scène de meurtre en gag de dessin animé version gore, dans l’espoir que le manque de sophistication de ses effets soit moins rédhibitoire. C’est donc un véritable défouloir sans queue ni tête, de la jeune femme écrasée par une enclume de glace jusqu’à la tête d’une bimbo qui explose, en passant par la langue qui reste accrochée à un poteau, le bras arraché à coups de boules de neige, les jets de pics glacés qui perforent tous azimuts ou encore les doigts goulument croqués. Pour faire bonne mesure, Cooney ajoute à son film un soupçon d’érotisme (c’est moins cher que des effets spéciaux et tout aussi vendeur). On note aussi une petite nouveauté amusante : l’éclosion de centaines de bébés Jack Frost aussi virulents que le grand modèle, qui permettent au film de lorgner un peu du côté des Gremlins ou des Critters. Quant à l’épilogue, il cligne de l’œil vers Godzilla, sans doute pour évoquer une idée possible pour une éventuelle nouvelle suite. Un bonhomme de neige grand comme un kaiju, pourquoi pas ?

 

© Gilles Penso

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DOUCE NUIT SANGLANTE NUIT : LES JOUETS DE LA MORT (1991)

Dans cet ultime volet de la saga qui ensanglante les fêtes de Noël, une armada de joujoux assassins se déchaîne…

SILENT NIGHT DEADLY NIGHT 5 : THE TOY MAKER

 

1991 – USA

 

Réalisé par Martin Kitrosser

 

Avec William Thorne, Jane Higginson, Van Quattro, Tracy Faim, Neith Hunter, Conan Yuzna, Mickey Rooney, Brian Bremer, Gerry Black, Clint Howard

 

THEMA JOUETS I SAGA DOUCE NUIT SANGLANTE NUIT

Cinquième opus d’une saga horrifique multiforme ayant changé de cap à mi-parcours, Douce nuit sanglante nuit : les jouets de la mort raconte comme son prédécesseur une histoire autonome n’ayant rien à voir avec les codes du slasher mis en place dans les premiers épisodes. Brian Yuzna est toujours aux manettes, assurant pour la seconde fois consécutive le rôle de producteur et de co-scénariste, mais il cède sa place de réalisateur à Martin Kitrosser. Ce dernier effectue ici son baptême de metteur en scène après avoir été scénariste pour trois opus de la franchise Vendredi 13. Kitrosser deviendra par la suite le « script supervisor » attitré de Quentin Tarantino et Brett Ratner. La présence la plus inattendue, au générique de Douce nuit sanglante nuit 5, est celle de Mickey Rooney dans le rôle d’un vieux fabriquant de jouets porté sur la bouteille. En 1984, le vénérable comédien avait pourtant fait savoir publiquement – et à grand bruit – que le premier Douce nuit sanglante nuit était un film honteux et détestable qui souillait le caractère sacré de Noël. Selon lui, les « ordures » à l’origine de cette ignominie devaient être « chassés de la ville », rien que ça ! Il faut croire qu’il a entretemps changé d’avis – ou que ses besoins financiers l’ont incité à revoir ses positions morales à la baisse -, car le voilà à l’œuvre dans le cinquième épisode de la saga. Qui l’eut cru ?

Un soir, à l’approche des fêtes de Noël, le jeune Derek Quinn (William Thorne) entend sonner à sa porte et trouve sur le porche de sa maison un cadeau qui lui est adressé. Son père le réprimande pour s’être levé si tard et pour avoir ouvert à un inconnu. Curieux, ce dernier ouvre le cadeau et découvre une sphère rouge en forme de Père Noël qui l’attaque et le tue. Deux semaines après le drame, Sarah (Jane Higginson), la mère de Derek, essaie en vain de faire retrouver la parole au garçon qui, traumatisé, est devenu muet. Pour le distraire, elle l’emmène dans la boutique de jouets du vieux Joe Petto (les amateurs de Pinocchio apprécieront), en vain… À partir de là, les événements bizarres s’enchaînent. Il y a d’abord Pino (Brian Bremer), le fils de Petto, dont le comportement est franchement curieux. Il y a ensuite Noah (Tracy Fraim), cet homme mystérieux qui suit Sarah et Derek partout. Et puis, clou du spectacle, des jouets meurtriers débarquent régulièrement dans la maison de nos héros, avec pour cible manifeste ce pauvre Derek qui ne sait plus où donner de la tête.

Cadeaux empoisonnés

Les joujoux sanglants sont bien sûr l’attraction principale du film : le Père Noël sphérique aux dents acérées, la chenille en plastique aux mandibules tranchantes, un serpent en caoutchouc virulent, une main baladeuse assassine, une petite voiture équipée de scies circulaires, un tank et des petits soldats armés de munitions réelles… La plupart d’entre eux se déchaînent à l’occasion d’une scène de massacre dans une chambre à coucher qui n’est pas sans nous rappeler les délires de la saga Puppet Master. Fait surprenant : Neith Hunter et Conan Yuzna (le fils de Brian) reviennent faire de petites apparitions en reprenant le rôle qu’ils jouaient dans le film précédent, autrement dit la journaliste Kim et Lonnie, le fils de son ex-petit ami. Même Clint Howard revient brièvement jouer le vagabond Ricky (qui trépassait pourtant à la fin du quatrième Douce nuit sanglante nuit). Malgré de furtives allusions aux événements survenus l’année précédente (« Si je te disais ce par quoi je suis passée, tu n’y croirais pas », dit Kim à Sarah), la présence de ces personnages sert moins à créer une quelconque continuité narrative avec le quatrième épisode qu’à adresser des clins d’œil aux spectateurs. Brian Yuzna s’amuse d’ailleurs à distiller quelques références ici et là, la plus invraisemblable étant cette gamine (jouée par sa propre fille) qui demande au père Noël de lui apporter la cassette vidéo de Re-Animator 2 ! Avec ses jouets assassins, ses retournements de situation et son coup de théâtre final invraisemblable (il faut le voir pour le croire !), Douce nuit sanglante nuit 5 achève sur une note joyeusement exubérante cette saga inégale.

 

© Gilles Penso

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DOUCE NUIT SANGLANTE NUIT : L’INITIATION (1990)

Le réalisateur de Society et Re-Animator 2 signe le quatrième épisode de la saga du Père Noël tueur en changeant totalement de registre et de style…

SILENT NIGHT DEADLY NIGHT 4 : INITIATION

 

1990 – USA

 

Réalisé par Brian Yuzna

 

Avec Neith Hunter, Maud Adams, Tommy Hinkley, Clint Howard, Reggie Bannister, Allyce Beasley, Hugh Fink, Richard N. Gladstein, Glen Chin, Jeanne Bates

 

THEMA SORCELLERIE ET MAGIE I INSECTES I SAGA DOUCE NUIT SANGLANTE NUIT

Contrairement aux précédents opus de la « saga » Douce nuit sanglante nuit, ce quatrième épisode n’a strictement rien à voir avec le tueur psychopathe déguisé en Père Noël qui servait de fil conducteur (avec plus ou moins de cohérence) à la trilogie première. Le script, écrit par Zeph E. Daniel (sous le pseudonyme de Woody Keith), s’inspire d’un premier jet d’Arthur Gorson et S.J. Smith qui aurait dû servir à Douce nuit sanglante nuit : coma dépassé mais qui fut rejeté par le réalisateur Monte Hellman. Daniel ayant déjà collaboré avec Brian Yuzna à l’occasion de Society et Re-Animator II, il propose au cinéaste de s’embarquer dans l’aventure, avec la bénédiction de la compagnie Live Entertainment qui a récupéré les droits de la franchise. Yuzna accepte mais souhaite mettre son grain de sel dans l’histoire, y intégrant notamment le mythe biblique de Lilith, la première femme d’Adam bannie du jardin d’Éden, ainsi que certains éléments scénaristiques liés à l’émancipation des femmes. Les producteurs insistent pour faire participer au film Maud Adams, l’une des rares actrices ayant eu l’honneur de jouer deux rôles différents dans la saga James Bond (elle fut la petite-amie de Christopher Lee dans L’Homme au pistolet d’or et le personnage-titre d’Octopussy). L’équipe étant au complet, le tournage peut commencer… et Yuzna déchaîner son grain de folie horrifico-fantasmagorique sur l’écran.

Kim Levitt (Neith Hunter) rêve de devenir grand reporter mais est cantonnée à classer et rédiger des petites annonces pour le journal Los Angeles Eye. Son rédacteur en chef Eli (Reggie Bannister, transfuge de Phantasm), semble donner du fil à retordre à tous les hommes de son bureau, y compris à son petit ami Hank (Tommy Hinkley). Lorsqu’une femme est découverte morte sur le trottoir après s’être précipitée du haut d’un immeuble, à moitié brûlée dans un cas inexpliqué de combustion humaine spontanée, Kim décide d’enquêter sur cette histoire pour en tirer un reportage, quitte à se passer du feu vert de son patron. Au cours de ses investigations, elle croise le chemin de Fima (Maud Adams), propriétaire d’une librairie d’occasion qui lui fait cadeau d’un livre sur le féminisme et l’occultisme… Cette rencontre sympathique, qui se poursuit par un petit pique-nique champêtre, va progressivement se transformer en l’un de ces cauchemars poisseux et déstabilisants dont Brian Yuzna a le secret…

« L’esprit de tout ce qui rampe… »

Partant du principe que Lilith est « l’esprit de tout ce qui rampe », le cinéaste s’adonne à une série de séquences perturbantes jouant avec la phobie des insectes : appartement infesté de cancrelats, énormes larves visqueuses et gémissantes, cafard géant accroché à un plafond, surgissement d’un invertébré gluant en dehors d’une bouche, mutations organiques à mi-chemin entre La Mouche de David Cronenberg et « La Métamorphose » de Franz Kafka… Le concepteur de ces effets spéciaux inventifs n’est autre que Screaming Mad George, le génial maquilleur déjà à l’œuvre sur les mutations surréalistes de Society. En dehors de ces passages horrifiques démonstratifs, Douce nuit sanglante nuit 4 construit un climat anxiogène efficace, inspiré manifestement en partie par Rosemary’s Baby, et semble même vouloir s’ériger en pamphlet contre le machisme à travers le comportement lourdaud des hommes qui entourent notre héroïne : ses collègues de bureau, son petit-ami, son beau-père… Ce film étrange, qui se suffit à lui-même sans besoin de se rattacher à la saga dont il est censé constituer le quatrième opus, porte donc un titre abusif qui ne se justifie que par l’imagerie de la fête de Noël timidement distillée tout au long du récit. Malgré ses attraits, il s’agit d’une œuvrette très anecdotique dans la carrière de réalisateur de Yuzna, coincée entre le délirant Re-Animator II et le remarquable Le Retour des morts-vivants 3.

 

© Gilles Penso


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JACK FROST (1997)

Exposé à des produits chimiques expérimentaux, un dangereux tueur en série se transforme en bonhomme de neige psychopathe !

JACK FROST

 

1997 – USA

 

Réalisé par Michael Cooney

 

Avec Christopher Alport, Stephen Mendel, F. William Parker, Rob LaBelle, Shannon Elizabeth, Jack Lindine, Zack Egniton, Brian Leckner, Marsha Clark, Eileen Seeley

 

THEMA TUEURS I MUTATIONS

C’est en fabriquant un bonhomme de neige en compagnie d’un groupe d’amis qui partagent avec lui une cabane à Big Bear Lake, en Californie, que le scénariste Michael Cooney pense pour la première fois à l’histoire de Jack Frost. Nous sommes alors en 1989 et son script commence à faire le tour des studios pendant plusieurs années infructueuses, jusqu’à atterrir entre les mains du réalisateur Renny Harlin (Prison, Le Cauchemar de Freddy, 58 minutes pour vivre, Cliffhanger). Le cinéaste n’a pas oublié ses affinités premières avec le genre horrifique et se laisse tenter par cette histoire de bonhomme de neige tueur. Le budget est estimé à une trentaine de millions de dollars et l’on envisage de recourir aux images de synthèse pour la majorité des effets spéciaux. Mais lorsqu’elle découvre le scénario, Geena Davis – alors épouse de Harlin – s’affole : selon elle, c’est la pire chose qu’elle ait jamais lue ! Elle convainc son mari de s’engager plutôt sur L’île aux pirates et Jack Frost revient alors à la case départ. C’est finalement la modeste compagnie Prism Entertainment qui récupère le projet et accepte de le financer à condition que le budget ne dépasse pas le million de dollars, que le tournage soit effectué avec des chutes de pellicule récupérées dans les rebuts des grands studios, que les effets spéciaux soient artisanaux et que Michael Cooney accepte de réaliser le film lui-même, exercice auquel il ne s’était encore jamais prêté. C’est donc dans des conditions très précaires que Jack Frost voit le jour.

Par une nuit enneigée de décembre, un véhicule de transfert pénitenciaire traverse la petite ville tranquille de Snowmonton. À l’intérieur se trouve le tueur en série Jack Frost (Scott MacDonald), qui a échappé à la police pendant des années et laissé derrière lui trente-huit cadavres à travers onze États avant d’être finalement arrêté par Sam Tiler (Christopher Allport), le shérif de la bourgade. Jack doit être exécuté à minuit, mais il parvient à tuer le garde tandis que le véhicule s’écrase contre un camion de recherche génétique. Jack est alors exposé à des produits chimiques, ce qui le dissout et le fait fusionner avec la neige. Les maquillages spéciaux excessifs visualisant la décomposition de son corps (dignes d’un film Troma) et l’emploi du dessin animé pour montrer la mutation de son organisme annoncent la couleur : l’artisanat, l’exubérance et le second degré seront de la partie.  Après ce prologue choc, le film prend le temps de nous présenter la population locale de cette petite ville américaine typique en pleins préparatifs de Noël. Le shérif, sa petite famille, ses collègues, les commerçants, le curé, le docteur, les jeunes du coin… Bref tout un échantillon de futures victimes pour le monstre neigeux !

Complètement givré

Les meurtres qui jalonnent Jack Frost sont inventifs mais le manque de moyens se fait cruellement ressentir. Maladroite, la mise en scène élude en effet beaucoup de choses pour éviter de solliciter des effets spéciaux trop élaborés. Michael Cooney joue donc très souvent la carte de l’ellipse (on devine les choses plus qu’on ne les voit) et recours à une astuce scénaristique qui lui facilite bien la tâche : le bonhomme tueur est capable de fondre et de se recongeler instantanément, se déplaçant à la vitesse de l’éclair d’un endroit à l’autre. Voilà qui est bien pratique pour ne pas avoir à montrer le monstre blanc en train de bouger ou de se déplacer. Les talentueux et inventifs Screaming Mad George (Society) et Michael S. Deak (Re-Animator II) sont pourtant en charge des effets spéciaux de maquillage. Mais manifestement, les moyens à leur disposition ne leur permettent pas de s’épanouir à la hauteur de leurs capacités. Le dernier tiers du film nous offre tout de même quelques passages joyeusement délirants, comme le lancer de stalactites mortelles, la transformation de Frost en boule de neige géante ou encore cette scène folle où une jeune femme prend son bain avant de se rendre compte que l’eau qui l’entoure n’est autre que ce bon vieux Jack Frost qui se resolidifie autour d’elle et n’en fait qu’une bouchée. En parfait émule de Freddy ou de Chucky, le tueur givré ricane à loisir et multiplie les mauvaises blagues chaque fois qu’il occis quelqu’un – donc assez souvent. Ce slasher sans queue ni tête qu’on croirait issu des années 80 est donc complètement stupide mais hautement sympathique.

 

© Gilles Penso


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LE VAMPIRE A SOIF (1968)

Peter Cushing enquête sur une série de morts mystérieuses dont le coupable se révèle être une femme papillon en quête de sang humain…

THE BLOOD BEAST TERROR

 

1968 – GB

 

Réalisé par Vernon Sewell

 

Avec Peter Cushing, Robert Flemyng, Wanda Ventham, Vanessa Howard, David Griffin, Glyn Edwards, William Wilde, Kevin Stoney, John Paul, Russell Napier

 

THEMA INSECTES ET INVERTÉBRÉS

Ce film d’épouvante britannique au budget minuscule et au titre très imagé est réalisé par Vernon Sewell (qui signait la même année le très psychédélique La Maison ensorcelée avec Christopher Lee, Barbara Steele et Boris Karloff) et écrit par l’habitué des productions Hammer Peter Bryan (Le Chien des Baskerville, Les Maîtresses de Dracula, L’Invasion des morts-vivants). À la fin du siècle dernier, dans la banlieue londonienne, plusieurs corps exsangues sont découverts. Parmi les personnes interrogées par la police se trouve le Professeur Mallinger (Robert Flemyng, remplaçant au pied levé Basil Rathbone qui vient de décéder). Ce dernier semble uniquement accaparé par l’état de santé apparemment fragile de sa fille Clare (Wanda Ventham, future mère de l’acteur Benedict Cumberbatch). En effet, celle-ci n’est autre que le fruit de l’une de ses manipulations génétiques et se mue à volonté en immense Sphinx à tête de mort assoiffé de sang humain…  Lorsqu’elle se transforme en femme papillon, son look s’avère tellement ridicule qu’il aurait même fait rire les spectateurs des films de SF des années 50 : un masque en caoutchouc aux yeux globuleux surmontée d’une immense paire d’antennes !

Pour poursuivre tranquillement ses expériences bizarres, Mallinger se réfugie avec sa fille dans un coin de campagne isolé. Mais le policier Quennell (Peter Cushing), qui mène l’enquête avec une opiniâtreté digne de l’inspecteur Colombo, le suit à la trace, emmenant avec lui sa propre fille (Vanessa Howard), qui tombe bientôt sur un jeune chasseur de papillons aussi guilleret que celui de la chanson de Georges Brassens. À partir de là, le scénario se met à traîner en longueur, incapable de tenir la distance à partir d’un argument de base aussi mince. Manifestement inspiré par son collègue Frankenstein, notre savant décide bientôt de créer un mâle de la même espèce que sa fille afin qu’ils puissent convoler ensemble. Mais il finit par réaliser la tournure monstrueuse que prennent les choses. Hélas, il est bien trop tard pour faire machine arrière…

 

« C’est la morte saison ! »

Monté de manière très approximative, truffé d’ellipses bizarres, affublé d’une fin grotesque expédiée à la va-vite, Le Vampire a soif ne peut pleinement s’apprécier qu’au second degré, malgré les tentatives bien maladroites d’intégrer dans le film un personnage comique, en l’occurrence un employé de pompes funèbres qui multiplie les jeux de mots idiots (« c’est la morte saison ! ») en s’esclaffant grassement. Embarrassés par ce scénario stupide et par des conditions de tournage pénibles dues au manque de moyens du film (notamment des décors minuscules où ils peinent à trouver leur place), les acteurs reconnaîtront unanimement à ce film le statut de purge inassumable. Robert Flemyng ne se privera pas pour dire à quel point ce tournage fut détestable. Peter Cushing le classera pour sa part parmi les pires films de sa carrière. Mais à l’époque, ses motivations sont triviales : il accepte tout et n’importe quoi pour pouvoir payer les traitements médicaux coûteux de son épouse malade, la pauvre Helen qui succombera quelques années plus tard. On note que dans une scène du Vampire a soif, des acteurs jouent une représentation théâtrale faisant écho aux exactions des célèbres pilleurs de tombes William Burke et William Hare. Ironiquement, Vernon Sewell réalisera en 1972 Burke & Hare qui, comme son titre l’indique, est consacré à ces deux malfrats de sinistre mémoire.

 

© Gilles Penso


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