LIFE ON MARS (2006-2007)

Après avoir été renversé par une voiture, un inspecteur de police des années 2000 se retrouve propulsé en 1973…

LIFE ON MARS

 

2006/2007 – GB

 

Créée par Matthew Graham, Tony Jordan et Ashley Pharoah

 

Avec John Simm, Philip Glenister, Liz White, Dean Andrews, Marshall Lancaster, Noreen Kershaw, Tony Marshall, Rafaella Hutchinson, Joanne Froggatt

 

THEMA VOYAGES DANS LE TEMPS

En 1998, alors qu’ils se creusent la tête pour trouver l’idée de plusieurs programmes télévisés originaux, les scénaristes Matthew Graham (EastEnders) et Ashley Pharoah (Down to Earth) pensent à une série déjantée qui mixerait les codes de la comédie, de l’enquête policière et de la science-fiction, le tout saupoudré d’un humour typiquement anglais et d’un pastiche des effets de style des années 70. Le titre de travail, Ford Granada, se réfère au modèle de la voiture qu’utiliseront les personnages principaux. Mais ce projet met du temps à convaincre les décideurs, incapables de ranger ce programme dans une « case » bien établie. « À l’époque, les diffuseurs n’étaient tout simplement pas à l’aise avec un concept de ce type, parce qu’il ne se déroulait pas dans un cadre classique et comportait un important élément fantastique », raconte Matthew Graham (1). Il faudra huit ans pour que Ford Granada finisse par se concrétiser. Son titre définitif, Life on Mars, est un hommage direct à l’une des chansons de David Bowie. C’est finalement Julie Gardner, de la BBC, qui s’entiche du projet et convainc la chaîne de s’embarquer dans l’aventure. Elle a du flair. Dès qu’elle débarque sur les petits écrans en 2006, la série connaît en effet un succès immédiat.

Life on Mars raconte l’histoire de Sam Tyler (John Simm), un inspecteur de police qui officie à Manchester en 2006. Après avoir été renversé par une voiture, il se réveille au même endroit… mais en 1973. Le voilà désormais co-équipier d’un homologue des années 70, son supérieur l’inspecteur Gene Hunt (Philip Glenister), au sein du département des enquêtes criminelles. Dès lors, il va s’efforcer de poursuivre son travail d’inspecteur dans un contexte qui lui est résolument étranger (le Manchester des seventies n’est pas du tout le même que celui des années 2000, les techniques policières non plus) tout en cherchant à percer le mystère de sa situation incompréhensible. « Suis-je fou, dans le coma, ou ai-je voyagé dans le passé ? » se demandera-t-il en voix off au début de chaque épisode, invitant les téléspectateurs à s’interroger comme lui sur ce basculement temporel inexplicable.

Le choc des cultures

Avec une audace réjouissante, Life on Mars combine deux mécaniques scénaristiques bien connues : le « buddy movie » (deux protagonistes sont obligés d’évoluer côte à côte malgré le fossé abyssal qui les sépare) et le « poisson hors de l’eau » (un héros plongé dans un cadre dont il ne connaît quasiment rien). L’opposition entre ces deux flics que tout sépare, l’un très attaché à la procédure et à la règlementation, l’autre beaucoup plus libre dans ses méthodes et dans son langage, est le moteur comique principal de la série, qui s’amuse aussi à tourner en dérision deux visions extrêmes du métier de policier : le politiquement correct aseptisé d’un côté, une moralité toute relative à la lisière de la corruption de l’autre. Portée par le jeu délectable de ses deux acteurs principaux, Life on Mars regorge de clins d’œil au Magicien d’Oz (Sam Tyler est d’ailleurs surnommé « Dorothy »), comme pour mieux nous faire comprendre que ce saut dans le temps est avant tout un voyage initiatique. Après la deuxième saison, les deux auteurs choisissent de stopper la série. « Nous avons décidé que le voyage de Sam devait avoir une durée de vie limitée et une fin bien définie, et nous pensons que nous avons atteint ce point » dit à ce propos Matthew Graham (2). Mais Life on Mars se prolongera malgré tout, d’abord sous forme d’un grand nombre d’adaptations à travers le monde (la plus connue est américaine, mais la série fut également déclinée en Espagne, en Russie, en République Tchèque et en Corée !), ensuite via une série spin-off, Ashes to Ashes, diffusée sur la BBC en 2008.

 

(1) Extrait d’une interview publiée dans le magazine britannique SFX en janvier 2006.

(2) Extrait d’une interview publiée sur BBC New Online en octobre 2006.

 

© Gilles Penso


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KINGDOM HOSPITAL (2004)

Sous l’impulsion de Stephen King, ce remake américain de la série danoise L’Hôpital et ses fantômes décline plusieurs obsessions de l’écrivain…

STEPHEN KING’S KINGDOM HOSPITAL

 

2004 – USA

 

Créée par Stephen King

 

Avec Andrew McCarthy, Jack Coleman, Jodelle Ferland, Diane Ladd, Bruce Davison, Ed Begley Jr, Meagen Fay, Suki Kaiser

 

THEMA FANTÔMES I SAGA STEPHEN KING

Nombre de ses écrits ayant été adaptés pour le petit écran, Stephen King est de plus en plus attentif aux programmes télévisés, toutes nationalités confondues. Lorsqu’il découvre la série danoise L’Hôpital et ses fantômes, créée par le cinéaste Lars Von Trier, l’écrivain tombe sous le charme. Insolite et inclassable, cultivant un certain sens de l’absurde et flirtant parfois avec l’univers de David Lynch, la série est située dans le grand hôpital de Copenhague, dont nous apprenons qu’il est bâti sur d’anciens marais servant jadis aux blanchisseurs. Les séances de spiritisme sont monnaie courante dans les chambres, une ambulance fantôme fait régulièrement son apparition, des pleurs de bébé résonnent dans le plafond d’un ascenseur et les anesthésies s’effectuent sous hypnose. L’idée d’un remake américain de cette série germe dans l’esprit de Stephen King et se concrétise en 2004, avec la complicité du réalisateur Craig R. Baxley (La Tempête du siècle, Rose Red, Le Journal d’Ellen Rimbauer).

Suivant son modèle danois, le Kingdom Hospital est bâti sur les ruines d’un atelier de textile détruit par un incendie criminel pendant la guerre de Sécession. Presque tous les ouvriers en réchappèrent mais pas les enfants qui y travaillaient. Des spectres hantent désormais les sous-sols de l’établissement. On retrouve beaucoup d’éléments de la série initiale dans Kingdom Hospital : le couple trisomique qui s’occupe de la vaisselle et pressent des choses impalpables, les séismes qui frappent parfois le bâtiment, la vieille dame qui se fait hospitaliser pour pouvoir communiquer avec les esprits, la rivalité entre l’acariâtre chef de service de la neurochirurgie et son subordonné… Les noms de plusieurs personnages ont d’ailleurs été conservés. Mais Stephen King y greffe aussi de l’autobiographie, faisant même subir à l’un de ses personnages le même accident que celui dont il fut victime quelques années plus tôt. Ainsi, dans le premier épisode, un peintre s’adonnant au footing le long d’une petite route de campagne est renversé par une camionnette. La fiction imite tant la réalité (telle que King la vécut et la raconta par la suite) que l’effet miroir s’avère troublant.

Médecine parallèle

Le malade, son médecin et une médium tentent dès lors de percer le mystère qui couve derrière les murs du Kingdom Hospital, où le bien et le mal semblent vouloir s’affronter, et où apparaissent régulièrement Mary, la petite fille fantôme à la clochette, et un garçon monstrueux aux dents acérées… La réalisation de Kingdom Hospital est plus « propre » que celle de L’Hôpital et ses fantômes, évacuant son caractère volontairement brut et crasseux. Les éléments surnaturels y sont également plus immédiatement explicites, notamment le fantôme de la fillette qui, dès le début, apparaît sur les moniteurs de contrôle et dans les reflets des vitres, ou le surgissement régulier d’Anubis, un très impressionnant fourmilier conçu en images de synthèse par Image Engine Design Inc. On peut être tenté de préférer l’iconoclasme et la singularité de la série originale, mais Craig R. Baxley effectue là un travail de grande qualité et l’écriture de King (épaulé par Richard Dooling) tient la route.

 

© Gilles Penso


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JEKYLL (2007)

Dans cette relecture modernisée du mythe, le bon docteur et son redoutable alter-ego tentent de cohabiter en limitant les dégâts…

JEKYLL

 

2007 – GB

 

Créée par Steven Moffat

 

Avec James Nesbitt, Gina Bellman, Paterson Joseph, Denis Lawson, Michelle Ryan, Meera SYal, Fenella Woolgar, Linda Marlowe, Andrew Byrne, Christopher Day

 

THEMA JEKYLL ET HYDE

Producteur d’une poignée de téléfilms tels que le drame historique The Four Minute Mile, la comédie romantique Liaisons étrangères ou l’enquête policière Bloodlines : Legacy of a Lord, Jeffrey Taylor envisage une version moderne des aventures du docteur Jekyll et de Mister Hyde au milieu des années 1990, mais les compagnies américaines vers lesquelles il se tourne pour leur proposer ce projet ne se montrent pas particulièrement intéressées. Taylor se penche alors vers la Grande-Bretagne et trouve une oreille attentive du côté de la société Hartswood Films, justement à la recherche d’une idée de thriller surnaturel pour alimenter une mini-série. C’est ainsi que naît Jekyll, co-produit par Stagescreen Productions et BBC One. La productrice Elaine Cameron confie à Steven Moffat l’écriture des six épisodes et la supervision artistique du programme, envisagé non pas comme une nouvelle adaptation du roman de Robert Louis Stevenson mais plutôt comme une variante / suite qui se déroulerait à notre époque. Le tournage étant divisé en deux parties distinctes, les trois premiers épisodes sont réalisés par Douglas Mackinnon et les trois suivants par Matt Lipsey, deux téléastes de talent.

Du jour au lendemain, sans explication, le docteur Tom Jackman (James Nesbitt), marié et père de deux enfants, a abandonné sa famille pour partir s’installer dans un appartement en sous-sol lourdement fortifié. Il engage une infirmière psychiatrique, Katherine Reimer (Michelle Ryan), pour l’aider à résoudre un cas parfaitement inhabituel. En effet, à intervalles réguliers, le médecin change radicalement de personnalité. Son alter ego ne se contente pas de posséder une psychologie différente (il est plus jovial, plus séducteur, plus agressif, plus violent) mais aussi de capacités physiologiques nouvelles, notamment des sens accrus, une grande force et une vitesse presque surhumaine. Étant donné que ce phénomène ressemble comme deux gouttes d’eau à celui décrit par l’écrivain R.L. Stevenson dans son roman « L’Étrange cas du docteur Jekyll et de Monsieur Hyde », Jackman se demande s’il ne s’agit pas d’une histoire vraie et s’il n’est pas lui-même le descendant de Jekyll. Son double prend donc le nom de Hyde et tous deux concluent une sorte de pacte du silence. Si Hyde comment un meurtre, Jackman ira se dénoncer à la police. Mais si le docteur tente de trouver un traitement contre cette transformation, Hyde se donnera la mort et les tuera donc tous les deux.

Le pacte du silence

Ce n’est pas tant la modernisation du mythe qui marque la singularité de cette énième adaptation mais surtout l’inscription du livre de Stevenson au sein-même de son récit, offrant du même coup aux téléspectateurs une mise en abyme surprenante. Ce simple élément scénaristique parvient à crédibiliser le phénomène surnaturel du dédoublement de Jackman. Bien sûr, l’un des plus gros atouts de la série est James Nesbitt, dont l’interprétation flamboyante – toujours à la limite de l’excès et du cabotinage, en un jeu d’équilibriste fascinant – irradie tout l’écran. Tour à tour séduisant, drôle et terrifiant, ce Hyde est l’un des plus mémorables d’une filmographie qui en compte pourtant beaucoup. L’idée d’un double vecteur de communication entre les deux facettes du même homme (l’infirmière mais aussi un magnétophone à cassette sur lequel ils s’enregistrent des messages) enrichit la narration de possibilités nouvelles et inattendues. Tout comme l’adjonction de cette organisation secrète qui commence à s’intéresser de près au cas du docteur Jackman. La qualité de la mise en scène, la précision de l’écriture et la réaction très positive du public laissaient espérer une seconde saison, pour laquelle Steven Moffat avait déjà élaboré plusieurs scénarios. Mais la BBC préfère s’en tenir là. Jekyll n’aura donc duré que six épisodes. Moffat prendra sa revanche en mettant sa plume au service des séries Doctor Who, Sherlock et Dracula.

 

© Gilles Penso


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HOMME DE L’ATLANTIDE (L’) (1977-1978)

Un homme capable de respirer sous l’eau et de nager comme un poisson est découvert sur une plage californienne. Qui est-il ?

MAN FROM ATLANTIS

 

1977/1978 – USA

 

Créée par Mayo Simon et Herbert F. Solow

 

Avec Patrick Duffy, Belinda Montgomery, Alan Fudge, Victor Buono, Robert Lussier, Kenneth Tigar, Ted Neeley, Fred Beir, Richard Laurance Williams, J. Victor Lopez

 

THEMA SUPER-HÉROS

Il était mignon tout plein, Patrick Duffy, avec son slip de bain jaune, ses mains palmées et ses cheveux qui s’ébouriffaient sous l’eau dans le rôle de cet étrange Atlantéen dont les aventures semblaient presque vouloir poursuivre en chair et en os les exploits dessinés de l’Aquaman de DC Comics et du Submariner de Marvel. La grande majorité des adolescentes ayant découvert L’Homme de l’Atlantide à la fin des années 70 et au début des années 80 ne s’en sont toujours pas remises ! Quant aux garçons, ils essayaient tous d’imiter sa technique de nage très particulière pour faire les malins à la plage et à la piscine. Duffy n’était pas encore le Bobby Ewing du feuilleton fleuve Dallas et semblait donc surgi de nulle part, émergeant des flots comme une version masculine de la Venus de Botticelli. Produit par la compagnie Solow Production, branche « live » du célèbre studio d’animation Hanna-Barbera, ce show aquatique créé par Mayo Simon et Herbert F. Solow a connu une diffusion atypique : d’abord quatre téléfilms sur le réseau NBC entre mars et juin 1977, puis une saison de 13 épisodes hebdomadaires jusqu’en juin 1978.

Le point de départ de L’Homme de l’Atlantide est très intriguant. Après une violente tempête en mer, le corps inerte d’un homme est retrouvé sur la plage près d’un centre de recherche océanique gouvernemental. Doté de mains palmées et de branchies à la place des poumons, il peut respirer sous l’eau, nager plus vite qu’un dauphin et plonger à plus de dix kilomètres de profondeur. Serait-il le dernier survivant de la légendaire Atlantide ? Le docteur Elizabeth Merrill (Belinda Montgomery) le soigne et lui donne le nom de Mark Harris. En échange, Mark accepte d’aider la marine américaine à retrouver un submersible disparu transportant de hauts responsables militaires. Dans les profondeurs de l’océan, Mark découvre un énorme habitat sous-marin construit par Monsieur Schubert. Ce savant fou exubérant campé par Victor Buono sera le super-vilain récurrent de la série. Au fil des épisodes, Mark Harris va donc prêter main forte à la fondation et aux membres de l’équipage du sous-marin le Cétacé.

Comme un poisson hors de l’eau

Grâce aux effets spéciaux miniatures supervisés par Gene Warren (La Machine à explorer le temps, Les Aventures de Tom Pouce), le Cétacé s’enfonce avec grâce dans les fonds marins, tandis que le maquilleur Fred Philips (Star Trek) est chargé de doter Mark Harris de ses mains et de ses pieds palmés, ainsi que d’une paire de lentilles de contact inconfortables lui donnant un regard presque félin. Si les premiers épisodes – et notamment les téléfilms initiaux – abordent avec un certain sérieux les sujets environnementaux et scientifiques via le prisme de la science-fiction, la série finit par partir un peu dans tous les sens en mettant en scène des créatures fantaisistes n’ayant plus rien de crédible, de la sirène au diablotin en passant par le jumeau maléfique. La palme revient tout de même à « Oscar », un hippocampe géant à deux têtes joué par un acteur dans un costume de caoutchouc qu’on croirait échappé des séries Ultraman ou Spectreman. « Ce monstre était ridicule et en plus j’étais plus grand que lui », se souvient Patrick Duffy. « J’étais censé me battre contre lui, comme s’il était terrifiant. Pour être honnête, j’avais du mal à garder mon sérieux devant cette espèce de Muppet ! J’avais l’impression de jouer dans un épisode de Batman ! » (1) L’audience finit donc par baisser et la série – jugée par ailleurs trop coûteuse – est annulée à l’issue de sa première saison. En France, elle fut d’abord diffusée en 1979 sous le titre de L’Homme qui venait de l’Atlantide avant le retitrage plus condensé L’Homme de l’Atlantide à partir de 1986.

 

(1) Extrait d’une interview parue dans « Famous Monsters of Filmland » en juillet 2016.

 

© Gilles Penso

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HEROES (2006-2010)

Suite à une éclipse solaire, plusieurs personnes ordinaires qui ne se connaissent pas sont soudain dotées de super-pouvoirs…

HEROES

 

2006/2010 – USA

 

Créée par Tim Kring

 

Avec Hayden Panettiere, Milo Ventimiglia, Adrain Pasdar, Zachary Quinto, Santiago Cabrera, Jack Coleman, Greg Grunberg, Tawny Cypress, Noah Gray-Cabey

 

THEMA SUPER-HÉROS

Alors que les super-héros de chez Marvel et DC commencent à s’activer avec de plus en plus d’intensité et de succès sur les grands écrans, Tim Kring, créateur de la série policière Preuve à l’appui, décide d’ajouter sa pierre à l’édifice en inventant de toutes pièces de nouveaux justiciers aux pouvoirs surhumains au sein d’une série chorale extrêmement ambitieuse. Après plusieurs discussions créatives avec son confrère Damon Lindelof, producteur exécutif de Lost, Kring se lance et propose son concept à la chaîne NBC qui l’accueille à bras ouverts. Le principe de Heroes est de raconter l’histoire de personnes apparemment ordinaires qui n’ont à priori aucun lien entre elles et qui se découvrent soudain des capacités surnaturelles. Ces dernières vont bien sûr avoir une répercussion directe sur leur vie privée mais aussi à plus grande échelle sur la survie du monde tel que nous le connaissons. Pour raconter en parallèle tous ces récits interconnectés, Kring veut s’appuyer sur une narration très proche de celle des albums de bande-dessinée. Chaque saison est donc chapitrée sous forme de plusieurs volumes comportant chacun des intrigues principales et des récits secondaires, au fil d’un découpage scénaristique virtuose où s’entremêlent les destins croisés de chacun.

Heroes commence par une éclipse solaire, à la suite de laquelle des personnes du monde entier se découvrent des superpouvoirs : mimétisme, régénération, manipulation de l’espace-temps, capacité de voler, télépathie… Il s’agit notamment d’un infirmier (Milo Ventimiglia), d’une cheerleader (Hayden Panettiere), d’un employé de bureau (Masi Oka), d’un politicien (Adrian Pasdar) et d’un policier (Greg Grunberg). Tandis que tous ces nouveaux « surhommes » apprennent à gérer ces nouvelles capacités et s’efforcent de les intégrer tant bien que mal dans leur vie quotidienne, une organisation secrète, la Compagnie, se met à leur recherche pour pouvoir les contrôler. Alors que l’agent Noah Bennet (Jack Coleman), engagé par cette organisation top-secrète, mène ses investigations, le chercheur en génétique Mohinder Suresh (Sendhil Ramamurthy) poursuit les recherches de son défunt père sur la source biologique des super-pouvoirs. Pour compliquer davantage les choses, l’un des êtres nouvellement dotés de capacités surnaturelles, l’horloger Sylar (Zachary Quinto), s’est mis en tête de tous les éliminer…

Plus dure sera la chute

Sans doute Heroes a-t-il commencé trop fort. Comment ne pas décevoir après une entrée en matière aussi puissante, aussi prometteuse, aussi captivante ? Car il faut reconnaître que les 23 premiers épisodes, diffusés une première fois entre le 25 septembre 2006 et le 21 mai 2007 sur NBC, ont attiré un nombre record de téléspectateurs. La chaîne n’avait pas connu ça depuis plusieurs années. La précision d’écriture des scénarios, la qualité de la mise en scène (jouant en virtuose avec les codes visuels des comic books), la justesse des acteurs et l’élaboration habile de cliffhangers en fin d’épisode laissant volontairement le public sur sa faim ont concouru de concert à créer un phénomène d’addiction télévisuelle quasiment sans précédent. Mais c’était trop beau pour durer. Après cette première saison exemplaire, Heroes s’essouffle puis bascule peu à peu dans la confusion, l’incohérence et l’absurdité, générant une frustration grandissante qui provoquera l’annulation de la série au bout de quatre ans d’existence. Mieux vaut donc revoir cette première saison en tous points remarquables et s’arrêter là, quitte à imaginer soi-même une suite idéale qui n’existera donc que dans l’imagination de chaque téléspectateur.

 

© Gilles Penso

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GAME OF THRONES (2011-2019)

Adaptée des écrits de George R.R. Martin, cette série historico-fantastique à grande échelle a bouleversé à tout jamais les codes de la fiction télévisée…

GAME OF THRONES

 

2011/2019 – USA

 

Créée par David Benioff et D.B. Weiss

 

Avec Peter Dinklage, Lena Headey, Emilia Clarke, Kit Harrington, Sophie Turner, Maisie Williams, Nikolaj Coster-Waldau, Iain Glen, John Bradley

 

THEMA HEROIC FANTASY I DRAGONS I SORCELLERIE ET MAGIE I ZOMBIES

Porter à l’écran la saga littéraire « Le Trône de fer » de George R.R. Martin n’était pas une chose simple. Plusieurs producteurs y songèrent par le passé, envisageant des adaptations pour le cinéma. L’écrivain passa cependant son tour, persuadé que la densité du matériau écrit serait impossible à condenser sous forme d’un long-métrage, voire même plusieurs. Lorsque le scénariste David Benioff (La 25ème heure, Troie, Stay) tente sa chance à son tour, c’est avec en tête une transposition des romans pour le petit écran, via une série au long cours libérée des contraintes habituelles de la censure et bénéficiant de budgets confortables. La chaîne HBO a en effet prouvé ses capacités dans ce domaine, notamment avec la série exemplaire Rome qui ne se réfrénait ni sur les gros moyens, ni sur la violence, ni sur le sexe, se hissant presque par moments au même niveau que le pourtant titanesque Gladiator de Ridley Scott. Après une longue conversation avec Benioff, Martin est convaincu et HBO donne son feu vert, allouant à chaque épisode un budget colossal d’au moins six millions de dollars. L’histoire de la télévision ne sera désormais plus la même. Il y aura un avant et un après Game of Thrones.

Le monde médiéval de Game of Thrones n’a au départ pas grand-chose de fantastique. La magie, le surnaturel, les envoûtements et les monstres semblent être de lointains souvenirs, dans un contexte finalement très réaliste qui semble puiser une partie de son inspiration dans les guerres bien réelles « des Cent Ans » et « des Deux-Roses » ayant frappé l’Europe du quatorzième et du quinzième siècle. Sur les deux continents imaginés par George R.R. Martin, Westeros et Essos, la série s’articule autour de trois arcs dramatiques simultanés : la guerre civile au sein de Westeros pour la conquête du trône de fer des sept royaumes, les menaces permanentes que font peser sur les habitants de Westeros les peuples barbares des Terres du Nord et d’Essos, et les tentatives d’un monarque déchu et exilé pour récupérer sa couronne. Les intrigues politiques, romantiques, familiales et militaires qui se déploient telles des tentacules sur l’ensemble de la série n’auraient rien de foncièrement palpitant si la mise en scène n’était pas si solide, les dialogues si incisifs et les personnages si truculents (à ce titre le casting est un véritable tour de force, chaque acteur donnant corps à merveille à cette galerie de figures rarement sympathiques). Car tel est le paradoxe de Game of Thrones : réussir à faire passer par la force de sa mise en forme une structure narrative pas toujours très rigoureuse, s’appesantissant parfois pour laisser un acteur faire son numéro ou pour jouer un peu gratuitement la carte de la provocation.

La chair et le sang

En effet, débridée grâce à son indépendance, la chaîne HBO autorise tous les excès et Game of Thrones en profite. Certes, les temps médiévaux n’étaient pas tendres, tout le monde le sait. Mais l’on ne peut s’empêcher d’appréhender les séquences de violence et de nudité qui ponctuent chaque épisode sur un rythme métronomique comme l’obéissance un peu puérile à un cahier des charges inutilement racoleur. Du sang et des fesses, pourquoi pas, mais à condition que l’intrigue y gagne quelque chose ! Il suffit de regarder La Chair et le sang de Paul Verhoeven pour s’en convaincre. Ce systématisme aura cependant tendance à s’atténuer au fil des saisons, alors même que le fantastique s’invite peu à peu dans un contexte jusqu’alors très terre-à-terre. Et c’est justement grâce à la crédibilité de l’univers bâti pendant les premières saisons que les téléspectateurs acceptent sans sourciller le surgissement des sorcières, des géants, des morts-vivants et des dragons (d’autant que les effets spéciaux sollicités pour leur donner corps sont de très grande qualité). Plus la série avance, plus les séquences de bataille se révèlent spectaculaire, cherchant presque à rivaliser avec les échauffourées monstrueuses de la saga du Seigneur des anneaux. Plus qu’un succès télévisuel, Game of Thrones s’est mué en phénomène de société aux répercussions planétaires. Il n’est pas rare que des enfants nés pendant sa diffusion aient été affublés du nom de certains des personnages de la série. Quant au thème musical épique composé par Ramin Djawadi, il aura été décliné à toutes les sauces, y compris dans la série spin-off House of the Dragon.

 

© Gilles Penso


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FOLLOWING (2013-2015)

Kevin Bacon affronte un redoutable tueur psychopathe et son culte d’assassins sanglants que rien ne semble pouvoir arrêter…

THE FOLLOWING

 

2013/2015 – USA

 

Créée par Kevin Williamson

 

Avec Kevin Bacon, James Purefoy, Shawn Ashmore, Jessica Stroup, Valorie Curry, Nico Tortorella, Adan Canto, Kyle Catlett, Maggie Grace, Annie Parisse

 

THEMA TUEURS

Aussi surprenant que ça puisse paraître, la série Following existe parce que Kevin Williamson n’a pas pu écrire le scénario de Scream 3. Suite au succès fracassant des deux premiers volets de la saga du tueur Ghostface mis en scène par Wes Craven et écrits par Williamson, ce dernier est naturellement sollicité par Bob et Harvey Weinstein pour scénariser le troisième épisode. Notre homme imagine alors une histoire dans laquelle Sidney Prescott affronterait toute une armée de tueurs psychopathes membres d’un culte à la gloire de Ghostface. Échaudés par une série d’actes de violence bien réels survenus dans la foulée des sorties respectives de Scream et Scream 2 (et que la presse s’empresse de rapprocher des films de Craven, accusés d’avoir une influence néfaste sur la jeunesse), les Weinstein refusent de donner leur feu vert à un tel scénario et sortent Kevin Williamson de l’équation. Scream 3 sera finalement écrit par Ehren Kruger. Quelques années plus tard, Williamson décide de ressortir son histoire des cartons et d’en faire la base d’une série télévisée mêlant les codes de l’horreur et de l’enquête policière en effaçant bien sûr toute référence à Scream. Très admiratif de la série 24 heures chrono, il calque son héros sur le Jack Bauer incarné par Kiefer Sutherland et se tourne vers le même diffuseur, autrement dit Fox Télévision.

Tête d’affiche de Following, Kevin Bacon incarne Ryan Hardy, un ancien agent du FBI qui reprend du service après l’évasion du tueur en série Joe Carroll (James Purefoy) qu’il avait mis derrière les barreaux. Hardy découvre avec stupeur que Carroll a profité de son incarcération pour créer toute une secte d’assassins fanatiques. Grâce à son charisme, son pouvoir de persuasion et son statut de gourou, le dangereux psychopathe a en effet rallié à sa cause un nombre incalculable de « suiveurs » (ou de « followers », d’où le titre de la série) qui partagent dès lors ses mêmes idées et ses mêmes pulsions sanguinaires. Comme si les choses n’étaient pas assez compliquées, Carroll fait enlever par ses disciples son propre fils Joey Matthews (Kyle Catlett) dans le but de retrouver son ex-femme Claire (Natalie Zea). Submergé par la menace croissante de cette armada de copycats, Hardy se jette dans la gueule du loup, épaulé par des collègues du FBI bien obligés de composer avec ses méthodes peu orthodoxes…

Le culte des copycats

Le concept des tueurs multiples adeptes d’un mentor machiavélique permet à Following de se distinguer fortement des infinités de séries américaines bâties sur la confrontation d’un agent du FBI avec un serial killer. Mais au-delà de son originalité, cette idée concourt à la création d’un climat extrêmement oppressant. Ne sachant jamais qui sont les suiveurs, où ils sont cachés ni ce qu’ils s’apprêtent à faire (leur mode opératoire étant impossible à anticiper, dans la mesure où leur seule motivation semble être de verser le sang), les téléspectateurs sont comme notre héros : sans cesse aux aguets. La lame du couteau peut surgit de n’importe où et frapper n’importe quel personnage. Le cercle des victimes se rapproche donc sans cesse autour de l’agent Hardy, en un festival d’atrocités qui a provoqué la levée de plusieurs boucliers. Nombreux sont en effet ceux qui ont reproché à Following sa violence jugée excessive. Mais telle était la volonté initiale de Kevin Williamson : repousser les limites de ce que la télévision permettait pour y injecter les ingrédients du cinéma d’horreur, le tout sur un tempo infernal hérité de 24 heures chrono. Résultat : une série haletante au rythme implacable qui – c’était à prévoir – a fortement divisé l’opinion.

 

© Gilles Penso


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FAMILLE ADDAMS (LA) (1964-1966)

Quatre accords à l’orgue, deux claquements de doigts… Bienvenue dans la famille la plus macabrement drôle de l’histoire de la télévision

THE ADDAMS FAMILY

 

1964/1966 – USA

 

Créée par David Levy

 

Avec Carolyn Jones, John Astin, Jackie Coogan, Lisa Loring, Ted Cassidy, Marie Blake, Ken Weatherwax, Felix Silla, Parley Baer, Eddie Quillan, Vito Scotti

 

THEMA FREAKS I MAINS VIVANTES

Féru d’humour noir, le dessinateur Charles Addams commence à publier dans le magazine The New Yorker une série de dessins humoristiques consacrés à une famille drôle et sinistre à laquelle il donne son propre nom. Dès leur première publication en 1938, ces histoires en noir et blanc gorgées de gags macabres remportent un grand succès. Scénariste et producteur pour la télévision américaine depuis le début des années 50, David Levy décide au milieu de la décennie suivante de porter à l’écran les dessins d’Addams. Il convainc même ce dernier de participer à la future série TV qu’il a en tête. Le dessinateur donne donc un nom à chacun des personnages – qui n’en portaient pas dans ses publications originales. L’un des atouts artistiques clés de cette Famille Addams télévisée sera le producteur Nat Perrin, scénariste de plusieurs films des Marx Brothers. Son sens de la satire, de l’humour visuel, des dialogues comiques et des gags absurdes sera déterminant pour définir la tonalité du show. Ainsi naît une sitcom pas comme les autres, dont le grain de folie irradie chacun de ses épisodes de 30 minutes dans une atmosphère gothico-lugubre saisie par la photographie en noir et blanc d’Archie R. Dalzell (La Petite boutique des horreurs).

Il n’était évidemment pas simple de trouver des contreparties en chair et en os des personnages dessinés par Charles Addams. Le parti pris de la série n’est pas de jouer la carte du mimétisme à tout prix mais de trouver des interprètes charismatiques au fort potentiel comique que les départements costumes et maquillages se chargeront de faire ressembler à leurs modèles en 2D. Habituée du cinéma fantastique (L’Homme au masque de cire, L’Invasion des profanateurs de sépulture), Carolyn Jones entre dans la peau de la femme fatale Morticia Addams, une mère de famille beaucoup plus sexualisée que ses contreparties télévisées de l’époque. Son époux Gomez, qui la couvre de baisers et de mots doux, est campé par le vétéran de la télévision John Astin, qui trouve là le rôle le plus marquant de sa carrière. Les rejetons délicieusement sinistres de Morticia et Gomez, Mercredi et Pugsley, sont incarnés par Lisa Loring et Ken Weatherwax. C’est dans leur grand manoir aux allures de musée des horreurs que se déroule la grande majorité des épisodes de la série et où évolue – en s’appuyant bien souvent sur les mécanismes comiques du Vaudeville – une galerie de personnages mémorables, notamment le majordome Lurch (Ted Cassidy) aux allures de monstre de Frankenstein, la main coupée la Chose, le très bizarre oncle Fester (Jackie Coogan), le chevelu cousin Itt (Felix Silla) ou encore la grand-mère Grandmama (Marie Blake) férue de potions douteuses.

Humour noir

Les effets comiques de La Famille Addams s’appuient beaucoup sur le décalage qui se crée naturellement entre les mœurs atypiques de nos héros et la réaction qu’elles provoquent chez leurs visiteurs « normaux ». Au-delà des éclats de rire, c’est justement la question de la normalité que pose en substance la série, avec d’autant plus d’acuité que Charles Addams lui-même partageait avec ses héros le goût de l’étrangeté, du gothisme et des ornementations macabres. L’ambiance « soirée d’Halloween » que dégage La Famille Addams n’est donc pas un simple environnement visuel attrayant mais presque une philosophie de la vie. Comment ne pas se laisser séduire par cette faune hétéroclite qui semble s’aimer avec sincérité et intensité justement parce qu’elle n’obéit pas aux normes classiques qu’impose la société guindée de son époque ? Le succès de La Famille Addams, dont chaque épisode s’ouvre sur l’inoubliable générique composé et chanté par Vic Mizzy, sera quelque peu tempéré à l’époque par la diffusion d’une autre série aux thématiques très proches, Les Monstres. Mais depuis, l’histoire a repositionné le show de David Levy à la place de choix qui lui revient. Plusieurs autres séries (animées ou non) et quelques longs-métrages prendront la suite pour raconter à leur manière les aventures rocambolesques de cette famille joyeusement sépulcrale.

 

© Gilles Penso


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DOLLHOUSE (2009-2010)

Un centre futuriste top-secret loue les services d’agents dont les souvenirs ont été effacés pour leur confier les missions les plus variées…

DOLLHOUSE

 

2009/2010 – USA

 

Créée par Joss Whedon

 

Avec Eliza Sushku, Harry Lennix, Fran Kranz, Tahmoh Penikett, Enver Gjokaj, Dichen Lachman, Olivia Williams, Amy Acker, Reed Diamond, Miracle Laurie

 

THEMA MÉDECINE EN FOLIE I ESPIONNAGE ET SCIENCE-FICTION

Buffy contre les vampires, Firefly, Angel… Depuis la fin des années 90, Joss Whedon s’est imposé comme un homme à suivre de très près, friand de concepts originaux détournant les codes du cinéma fantastique et de science-fiction pour concocter des séries TV extrêmement populaires. Lorsqu’il débarque avec l’idée de Dollhouse, Fox télévision lui déroule le tapis rouge et lui garantit une première saison de treize épisodes renouvelables. Le principe de ce show d’action, de charme et de SF confirme la fertilité visiblement intarissable de son imagination. Le centre « Dollhouse » (autrement dit « maison de poupées ») est un laboratoire dont l’existence est tenue secrète. Ce lieu étrange et futuriste, caché quelque part dans Los Angeles, abrite de nombreux agents, des hommes et des femmes programmés pour accomplir différentes missions d’espionnage, de protection, d’assassinat ou de prostitution. Après chaque contrat, leur mémoire est effacée afin qu’une nouvelle identité leur soit affectée. Toutes ces « poupées humaines » sont des gens qui ont accepté de donner cinq ans de leur vie, en échange d’une très large compensation financière, afin que leur corps soit vidé de tout ce qu’il contient pour ne plus être qu’une enveloppe manipulable comme une marionnette. Mais un jour, l’une d’entre elles voit ses souvenirs réels refaire peu à peu surface…

Même si cette « maison de poupées » est un centre totalement illégal jalousement dissimulé par un consortium d’hommes puissants qui en tirent parti pour leurs besoins personnels ou professionnels, elle possède un caractère militaire, ne serait-ce qu’à travers le nom duquel sont affublés tous les « corps à louer » : Alpha, Sierra, Victor, Whiskey, autrement dit les mots utilisés pour l’alphabet phonétique de l’OTAN. Parmi tous ces « actifs », l’une se distingue du lot. Il s’agit d’Echo, incarnée par Eliza Sushku. Whedon retrouve ainsi l’une de ses actrices fétiches qui tenait le rôle de Faith dans Buffy et Angel. Le défi est ici intéressant, dans la mesure où la comédienne doit endosser dans chaque épisode un rôle radicalement différent, jouant à loisir avec les changements de looks et d’attitudes. D’une certaine manière, cet exercice rappelle celui auquel se livra Jennifer Garner dans la série Alias, si ce n’est qu’ici le personnage d’Echo ignore tout de ce que fait son corps pendant chacune de ses missions. Ce sera pourtant elle, le grain de sable prêt à gripper cette mécanique qui semblait pourtant bien huilée…

Une poupée qui dit non

Dans la peau de ce personnage aux multiples visages qui ignore sa véritable personnalité mais commence à ressentir des émotions qui n’ont rien à voir avec les identités que les programmateurs du centre n’en finissent plus de lui attribuer, Eliza Sushku donne de sa personne et porte une grande partie du show sur ses épaules. À ses côtés, il faut saluer la performance convaincante de Tahmoh Penikett (le capitaine Agathon de Battlestar Galactica) dans la peau d’un agent du FBI s’efforçant en vain de persuader ses supérieurs que cette « Dollhouse » n’est pas une légende urbaine et existe bel et bien. Au-delà de son originalité, le concept de la série permet de varier les plaisirs à l’infini, puisque chaque épisode présente de nouveaux enjeux, avec en fil rouge le lent éveil à la conscience d’Echo. Malgré des audiences décevantes, Fox renouvelle la série pour une seconde saison, mais ce sera la dernière, Whedon ayant pourtant prévu un grand arc narratif étalé sur cinq saisons. L’auteur/producteur/réalisateur prendra sa revanche sur grand écran à travers des films comme La Cabane dans les bois, Avengers et Beaucoup de bruit pour rien.

 

© Gilles Penso


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DEXTER (2006-2022)

Membre de la police scientifique de Miami le jour, serial killer la nuit, Dexter Morgan applique sa propre justice selon un rituel immuable…

DEXTER

 

2006/2022 – USA

 

Créée par James Manos Jr.

 

Avec Michael C. Hall, Julie Benz, Jennifer Carpenter, Erik King, Lauren Vélez, David Zayas, James Remar, C.S. Lee, Desmond Harrington, Aimee Garcia, Geoff Pierson

 

THEMA TUEURS

C’est le roman « Ce cher Dexter » de Jeff Lindsay, publié en 2004, qui donne à James Manos Jr. l’impulsion pour créer l’une des séries les plus perturbantes, les plus atypiques et les plus populaires de sa génération. A mi-chemin entre l’enquête policière, la comédie, l’horreur et le drame, Dexter est un cas à part qui se réapproprie les ingrédients de tous ces genres très codifiés (surtout sur le petit écran) pour en faire jaillir un mélange unique. Cette alchimie presque miraculeuse opère dès le générique, petit chef d’œuvre à lui seul qui, rythmé sur un thème musical faussement enjoué composé par Rolfe Kent, détourne tous les gestes quotidiens d’une matinée ordinaire (le réveil, la douche, le petit déjeuner) pour leur donner un double sens évoquant le meurtre et le passage de vie à trépas. Dexter repose ainsi sur sa mise en scène au cordeau, son écriture millimétrée et son casting hors pair. En tête d’affiche, Michael C. Hall crève l’écran. Dans Six Feet Under, il endossait déjà un rôle complexe et montrait toute l’étendue de son talent. Ici, il entre dans la peau d’un personnage incroyablement attachant et qui pourtant souffre de ne ressentir aucune émotion, d’être étranger à l’empathie et d’être sans cesse guidé par une pulsion qui le pousse à tuer sur un rythme régulier.

Orphelin à l’âge de trois ans, alors qu’il est témoin du meurtre brutal de sa mère à la tronçonneuse, Dexter est adopté par Harry Morgan, un policier de Miami. Reconnaissant le traumatisme du garçon et le développement ultérieur de ses tendances sociopathes, Harry le manipule pour qu’il canalise son inextinguible soif de sang, lui apprenant à tuer les criminels inexcusables qui ont échappé à la justice. Désormais adulte, Dexter travaille au sein de la police de Miami en tant qu’analyste médico-légal, spécialisé dans l’analyse des éclaboussures de sang. Cette activité est la couverture idéale pour qu’il puisse assouvir ses penchants psychopathes. Chaque fois qu’il a repéré une victime susceptible d’entrer dans son « code », il l’endort avec une injection soporifique, l’attache dans une salle d’exécution entièrement recouverte de plastique, lui plante un couteau dans le cœur, découpe son cadavre et s’en débarrasse en jetant les morceaux dans l’océan Atlantique, non sans avoir prélevé au préalable un goutte de sang qu’il conserve précieusement dans sa collection de trophées. Dexter a donc deux personnalités bien distinctes qui cohabitent en parfaite harmonie : l’homme affable entouré d’amis et de collègues d’un côté, l’assassin assoiffé de sang de l’autre. Mais cet équilibre aura maintes occasions d’être mis à rude épreuve.

« Le passager noir »

Pour mieux jouer la carte du contraste, Dexter se déroule dans une atmosphère colorée et lumineuse, sous le soleil de Miami, aux accents d’une bande originale qui intègre régulièrement des standards de la salsa. Le héros lui-même arbore volontiers des chemises à fleurs et des tenues estivales bien peu conformes à ses activités secrètes inavouables. Aux côtés de Michael C. Hall, une galerie de personnages secondaires concourt à bâtir l’atmosphère de la série et à se ranger dans deux camps bien distincts : ses alliés et ses obstacles. Jennifer Carpenter (qu’on avait découverte dans L’Exorcisme d’Emily Rose) campe à merveille la sœur de Dexter, une femme-flic dure à cuire qui cache derrière sa carapace de nombreuses failles. Le vétéran James Remar (Les Guerriers de la nuit, Cruising, 48 heures, Cotton Club), de son côté, incarne le père de Dexter, mort depuis longtemps mais rendant régulièrement visite à son fils sous forme d’un fantôme peu avare en conseils et en recommandations. C’est lui qui guide notre tueur en série et lui apprend à gérer son « passager noir », autrement dit la part sombre de sa personnalité. Quelques guest-stars font également une apparition remarquée, notamment John Lithgow sous la défroque d’un redoutable tueur qui, à partir de la saison 4, va sérieusement compliquer la tâche de notre « héros ». Dexter s’achève en 2013 au bout de huit saisons, puis réapparaît le temps d’un ultime tour de piste avec huit épisodes diffusés en 2022. Ce « revival » tardif en a déçu plus d’un, ce qui n’empêche pas Dexter d’être l’une des séries les plus marquantes des années 2000, comme en témoigne la pluie de prix dont elle fut récompensée.

 

© Gilles Penso

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