ROSEMARY’S BABY (2014)

Zoe Saldana succède à Mia Farrow dans ce remake modernisé qui troque les rues new-yorkaises contre celles de Paris…

ROSEMARY’S BABY

 

2014 – USA

 

Réalisé par Agnieszka Holland

 

Avec Zoe Saldana, Patrick J. Adams, Carole Bouquet, Christina Cole, Jason Isaacs, Olivier Rabourdin, François Civil, Rosemarie La Vaullée, Eva Lutz, Frédéric Pierrot

 

THEMA DIABLE ET DÉMONS I SAGA ROSEMARY’S BABY

Drôle d’idée de se lancer dans une nouvelle version de Rosemary’s Baby conçue pour les petits écrans sous forme d’une mini-série en deux épisodes de 90 minutes chacun. Bien sûr, les instigateurs du projet insisteront pour dire qu’il ne s’agit pas d’un remake mais d’une réadaptation modernisée du roman d’Ira Levin. Certes, mais comment éviter la comparaison avec le chef d’œuvre de Roman Polanski ? Choisie pour succéder à Mia Farrow, Zoe Saldana ne se fait d’ailleurs pas trop d’illusions sur l’accueil du public. « Les fans du classique n’aimeront pas le nouveau, et ce n’est pas grave », dit-elle sans complexe. « Laissez-moi juste m’amuser. Une fois que j’ai évacué cette pression et cette idée que beaucoup de gens rejetteraient le principe de ce remake, j’ai saisi l’opportunité de jouer ce personnage formidable, de travailler avec cette réalisatrice extraordinaire et de séjourner à Paris pendant trois mois. » (1) Car cette nouvelle version change le cadre du récit tel que nous le connaissons. Adieu le New York de la fin des années 60, place au Paris de 2014. Ce qui permet à la star de Star Trek et d’Avatar de faire un peu de shopping dans la capitale française entre deux prises de vues et à la réalisatrice Agnieszka Holland (Europa Europa, Le Jardin secret, Rimbaud Verlaine) de saisir la photogénie de la ville sans parvenir tout à fait évacuer les clichés et les images d’Épinal.

Le thème de la grossesse contrariée est abordé dès l’entame, puisque nous découvrons d’abord une Rosemary Woodhouse dévastée qui peine à se remettre d’une fausse couche. Pour prendre un nouveau départ, elle quitte le sol américain avec Guy (Patrick J. Adams) et s’installe à Paris, renonçant momentanément à sa carrière de danseuse tandis que son époux part enseigner à la Sorbonne en essayant de terminer d’écrire son premier livre. La vie parisienne n’est pas aussi idyllique qu’ils l’auraient espéré, confinés dans un minuscule appartement universitaire, mais le destin prend une étrange tournure par l’entremise d’un pickpocket qui vole le sac de Rosemary. En parvenant à récupérer son bien, elle découvre d’autres papiers volés, appartenant à une certaine Margaux Castevet (Carole Bouquet). Celle-ci habite dans un très luxueux immeuble, la Chimère, en compagnie de son mari Roman (Jason Isaacs). Les Woohouse et les Castevet sympathisent, ces derniers offrant aux jeunes Américains la possibilité d’être leurs voisins en intégrant un bel appartement spacieux qu’ils n’auraient jamais pu s’offrir. Tout semble prendre une tournure idyllique. Bien sûr, nous savons au contraire que l’enfer s’apprête à ouvrir ses portes…

Les locataires

Force est de constater qu’Agnieszka Holland et ses scénaristes (Scott Abbott, auteur de La Reine des damnés, et James Wong, pilier de la série X-Files) cherchent à prendre leurs distances avec Polanski. Même si le cadre parisien peut parfois évoquer Le Locataire, cette relecture nous emmène volontairement ailleurs. Le rajeunissement des Castevet est un parti pris intéressant qui permet à Carole Bouquet et Jason Isaacs d’exceller dans un registre qui leur sied à merveille : la froideur sophistiquée et la duplicité suave. Ce ne sont donc plus deux vieux retraités excentriques mais de fringants quinquagénaires qui s’apprêtent à faire basculer la vie des Woodhouse dans l’horreur. Le reste du casting ne démérite pas, Saldana et Adams en tête, mais on ne peut s’empêcher de regretter la patine de téléfilm de cette œuvre signée pourtant par une réalisatrice à la personnalité marquée. Ce Rosemary’s Baby manque singulièrement de style, malgré une certaine propension à utiliser une caméra mobile, parfois portée, pour obtenir un rendu vivant et organique. La mise en scène reste très fonctionnelle et le film manque cruellement de subtilité, comme en témoignent les apparitions récurrentes du sorcier Marcato en sorte d’émule du Robert de Niro d’Angel Heart, les cauchemars excessifs de Rosemary, les morts sanglantes grandguignolesques, la symbolique appuyée du chat noir… Hésitant entre plusieurs approches, cette mini-série n’en adopte finalement aucune de manière claire et nous laisse une impression très mitigée, à la manière de ces nombreux téléfilms fades adaptant trop sagement certains écrits de Stephen King.

 

(1) Extrait d’une interview parue dans Entertainment Weekly en mai 2014.

 

© Gilles Penso


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ECHO (2024)

Depuis qu’elle a tiré sur le redoutable Caïd, Maya Lopez alias « Echo » est la cible de tueurs qui suivent sa trace jusque dans sa bourgade natale…

ECHO

 

2024 – USA

 

Créée par Marion Dayre et Amy Rardin

 

Avec Alaqua Cox, Chaske Spencer, Tantoo Cardinal, Charlie Cox, Devery Jacobs, Zahn McClarnon, Cody Lightning, Graham Greene, Vincent D’Onofrio

 

THEMA SUPER-HÉROS I SAGA MARVEL CINEMATIC UNIVERSE

Echo n’est pas une mini-série comme les autres. Marvel entend bien le faire savoir en multipliant les « premières ». C’est effet la première fois que le studio donne la vedette à une protagoniste qui soit à la fois représentante d’une minorité amérindienne, malentendante et amputée d’une jambe. Pour couronner le tout, l’actrice choisie pour l’interpréter, Alaqua Cox, est elle-même originaire de la réserve indienne du comté de Menominee à Keshena, sourde de naissance et équipée d’une prothèse de jambe. Il ne fut sans doute pas simple de trouver la perle rare, aussi proche dans la réalité du personnage qu’elle incarne. Le public avait déjà pu découvrir Cox dans la série Hawkeye, dont Echo est une suite directe. Autre élément novateur dans le Marvel Cinematic Universe télévisé : un texte d’introduction nous annonce que le programme sera violent et réservé à un public averti. Secret Invasion n’y allait déjà pas avec le dos de la cuiller de ce côté-là, mais visiblement la productrice et réalisatrice Sydney Friedland, qui chapeaute le show, souhaite pousser le bouchon un peu plus loin. « Nous voulions absolument montrer que notre série met en scène des gens réels qui peuvent saigner et mourir, et dont la perte entraîne de vraies conséquences » affirme-t-elle en guise de cahier des charges (1). La brutalité qu’elle compte porter à l’écran s’inspire entre autres des séries Netflix consacrées à Daredevil et au Punisher. Il y a pires références.

Le premier épisode d’Echo nous résume les origines du personnage principal : son enfance bouleversée par la mort accidentelle de sa mère, son adolescence auprès d’un parrain mafieux qui n’est autre que Wilson Fisk, ses premiers combats, avec en prime une apparition en guest-star de Daredevil. L’action se raccorde ensuite directement quelques mois après les événements racontés dans Hawkeye. Depuis qu’elle a abattu le Caïd en découvrant qu’il était à l’origine de la mort de son père, Maya est devenue une fugitive dont la tête est mise à prix et qui ne doit sa survie qu’à ses capacités de combattante hors-pair. Cernée de toutes parts, elle décide de quitter momentanément New York pour s’installer à Tahama, sa ville natale d’Oklahoma. Là, il va lui falloir renouer avec sa famille, ses amis, sa communauté et ses racines. Mais les tueurs de Fisk sont toujours sur ses traces et ne tarderont pas à la retrouver…

Les vies antérieures

Soyons honnêtes, il est très difficile d’éprouver de la sympathie pour un personnage dont la seule expression se limite à une moue renfrognée. Le regard noir, les sourcils froncés, le visage crispé, Maya finit par nous laisser parfaitement indifférents, tout comme ses motivations floues (se ranger ? se venger ? remplacer le Caïd ?). Ce n’est pas le moindre handicap de cette série qui multiplie certes les morceaux de bravoure mais se prive de l’essentiel : le phénomène d’identification. C’est dommage, parce que la mise en scène s’efforce souvent d’offrir aux téléspectateurs la possibilité d’avoir un aperçu des sensations de son héroïne, via un jeu sur la bande son qui évoque la surdité de manière très immersive. L’autre élément intéressant – et inattendu – de la série est l’insertion dans son intrigue somme toute très terre-à-terre d’éléments ouvertement surnaturels liés aux pouvoirs de guérisseuse de la mère de Maya, aux perceptions extra-sensorielles dont celle-ci est parfois dotée, et aux origines de cette tribu indienne qui, huit siècles plus tôt, jetait les bases d’un monde mystique. Le titre de la série finit par prendre une dimension nouvelle lorsque nous découvrons que chaque membre de cette communauté cohabite avec ses ancêtres, créant des échos répétés qui nous renvoient au principe de la réincarnation et des vies antérieures. Toutes ces belles idées – et la présence de Vincent D’Onofrio qui reste l’interprète idéal du Caïd – ne suffisent pas à pleinement maintenir notre intérêt, à cause de scénarios extrêmement basiques qui s’étirent en longueur malgré la très courte durée – cinq épisodes à peine – de la série.

 

(1) Extrait d’une interview publiée dans « Variety » en novembre 2023

 

© Gilles Penso


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ACOLYTE (THE) (2024)

Cent ans avant l’avènement de l’Empire, une série de meurtres ensanglante l’ordre Jedi. Un maître respecté est chargé de mener l’enquête…

STAR WARS : THE ACOLYTE

 

2024 – USA

 

Créée par Leslye Headland

 

Avec Amandla Stenberg, Lee Jung-jae, Charlie Barnett, Dafne Keen, Rebecca Henderson, Jodie Turner-Smith, Carrie-Anne Moss, Manny Jacinto

 

THEMA SPACE OPERA I SAGA STAR WARS

À force de trop tirer sur la corde, on risque toujours de la faire céder. Au cinéma, la sortie de chaque nouvel opus de la saga Star Wars était vécue par tout le monde comme un événement planétaire, jusqu’à ce que Disney décide de passer à la vitesse supérieure en saturant les écrans de films au risque d’émousser l’intérêt du spectateur. D’où l’échec de Solo, dont le défaut majeur fut de sortir en salles cinq mois à peine après Les Derniers Jedi. Pour alimenter la plateforme Disney +, la compagnie de Mickey pèche à nouveau par surcharge en déployant tous azimuts une quantité impressionnante de déclinaisons télévisées de l’univers créé par George Lucas, alternant les shows qualitatifs (The Mandalorian, Andor, Ahsoka) et ceux beaucoup plus anecdotiques (Le Livre de Boba Fett, Obi-Wan Kenobi). En l’espace de cinq ans, six séries « live » se seront ainsi succédées autour de la mythologie de Star Wars, avec comme risque évident une certaine lassitude du côté du public. C’est donc sans grand enthousiasme – pour ne pas dire avec une indifférence polie – que nous vîmes débarquer The Acolyte. Imaginée par Leslye Headland, créatrice notamment de la série Poupée Russe avec Natasha Lyonne, cette nouvelle itération se situe un siècle avant l’avènement de l’Empire, donc très en amont des événements narrés dans La Menace fantôme.

Poussant très loin le concept de la « prequel » popularisé par George Lucas, The Acolyte s’intéresse à Osha (Amandla Stenberg), ancienne Padawan de maître Sol (Lee Jung-jae) qui a quitté l’Ordre Jedi en raison d’un « trouble intérieur » concernant son lien avec la Force. Elle mène dès lors une vie simple loin des préoccupations des Jedi. Mais soudain, du jour au lendemain, elle est arrêtée et s’apprête à être traduite en justice. Une jeune femme qui correspond trait pour trait à son signalement vient en effet d’assassiner une chevalière Jedi pourtant très puissante devant plusieurs témoins. Or Osha nie en bloc. Ment-elle ? Est-elle frappée d’amnésie ? Quelqu’un la manipule-t-il ? L’explication est encore plus triviale. C’est généralement la solution de dernier recours des séries TV ou des bandes dessinées lorsqu’elles sont en panne d’inspiration : le jumeau maléfique ! Et oui, Osha a une sœur qu’elle croyait morte, Mae, et qui semble avoir vendu son âme au diable, ou plutôt au côté obscur de la Force. Les deux guerrières, yin et yang du monde des détenteurs de la Force, s’apprêtent donc à s’affronter tandis que dans l’ombre ricane un super-vilain à la voix métallique, sorte d’ancêtre casqué de Dark Vador…

Les acolytes anonymes

The Acolyte montre clairement les limites de la méthode Disney appliquée à l’univers Star Wars. La mise en scène anonyme, les épisodes qui tirent à ligne sans développer d’intrigue digne de ce nom et les personnages sans saveur auraient même tendance à nous faire revoir à la hausse les shows consacrés à Obi-Wan et Boba Fett, ce qui n’est pas peu dire. Même la direction artistique – qui est habituellement le point fort de la saga, quelles que soient ses déclinaisons – surprend ici par son manque d’audace et d’idées nouvelles. Pas de décor marquant, de vaisseau mémorable, de créature surprenante, bref c’est le minimum syndical. La série ose certes quelques écarts violents inattendus, n’hésitant pas à tuer plusieurs personnages clés dont on imaginait une longévité plus importante, sans pour autant renforcer les enjeux dramatiques ni l’implication des téléspectateurs, qui attendent désespérément que les choses décollent enfin. Or elles ne décolleront jamais. Les maigres cliffhangers en fin d’épisode cherchent maladroitement à attiser la curiosité du public qui, pour sa grande majorité, aura lâché l’affaire depuis bien longtemps. Bref, cette variante anecdotique sans charme ni personnalité s’oublie aussitôt après son visionnage et n’apporte rien de bien consistant à la galaxie Star Wars.

 

© Gilles Penso


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SECRET INVASION (2023)

L’ex-patron du S.H.I.E.L.D. reprend du service pour tenter d’enrayer une invasion extra-terrestre fomentée par des Skrulls rebelles…

SECRET INVASION

 

2023 – USA

 

Créée par Kyle Bradstreet

 

Avec Samuel L. Jackson, Ben Mendelsohn, Kingsley Ben-Adir, Killian Scott, Samuel Adewunmi, Dermot Mulroney, Richard Dormer, Emilia Clarke, Don Cheadle

 

THEMA EXTRA-TERRESTRES I SAGA MARVEL CINEMATIC UNIVERSE

En 2008, la saga « Secret Invasion » bouleverse l’univers des comics Marvel en sollicitant une grande partie des super-héros maison tout en montrant des répercussions affectant la planète toute entière. Cette série écrite par Brian Michael Bendis et dessinée par Leinil F. Yu attire l’attention d’Anthony et Joe Russo (Captain America : Civil War, Avengers : Endgame) qui envisagent un temps de l’adapter au cinéma. Mais c’est finalement le petit écran qui servira d’écrin à Secret Invasion, sous forme d’une mini-série de six épisodes pour Disney + chapeautée par Kyle Bradstreet (à qui nous devons le show Mr. Robot). Le format choisi impose de revoir considérablement à la baisse le scope des événements. Les scénarios se concentrent donc sur les efforts de Nick Fury pour contrecarrer les plans hégémoniques d’un groupuscule de Skrulls rebelles infiltrés parmi les humains, sans que n’intervienne le moindre super-héros dans le récit. Samuel L. Jackson, Ben Mendelsohn et Don Cheadle reprennent les rôles respectifs de Fury, Talos et du colonel Rhodes qu’ils tenaient déjà au cinéma. Emilia Clarke et Dermot Mulroney se joignent à la fête, la première sous les traits d’une agent double Skrull, le second dans le costume du président des États-Unis.

Après une absence prolongée loin de la planète Terre suite aux événements survenus dans Avengers Endgame, l’ex-patron du S.H.I.E.L.D., toujours aussi borgne et intraitable mais moins fringuant qu’autrefois, redescend parmi les siens pour régler une question grave qui pourrait mettre en péril l’humanité toute entière. Les Skrulls, cette fameuse race extra-terrestre capable d’imiter n’importe qui avec un réalisme confondant, sont parmi nous, et l’un d’entre eux, le renégat Gravik (Kingsley Ben-Adir) a décidé de renverser les forces terriennes pour imposer le règne de son espèce. Dans ce but, il projette une série d’attentats qui, à terme, devraient mener à une troisième guerre mondiale. Comme James Caan dans Futur immédiat, Fury va devoir travailler main dans la main avec un coéquipier alien, en l’occurrence Talos, pour tenter d’enrayer ce plan machiavélique. Mais comment lutter contre des terroristes capables de s’infiltrer partout en passant inaperçus, y compris au sein même de la Maison Blanche ?

Fury rôde

C’est donc sous les atours d’un thriller d’espionnage que Secret Invasion se révèle auprès des téléspectateurs, Kyle Bradstreet et son équipe citant parmi leurs sources d’inspiration Le Troisième homme de Carol Reed, les romans de John le Carré et les séries Homeland et The Americans. Une telle approche dicte un certain nombre de figures imposées (scènes de filatures, de poursuites, d’écoutes) mais aussi une poignée de séquences d’action très ambitieuses qui n’auraient pas surpris sur un grand écran (notamment l’impressionnante attaque du convoi présidentiel par des hélicoptères). La tonalité choisie pour cette série autorise également une violence réaliste et crue qui surprend chez Marvel. Les fusillades meurtrières, les assassinats de sang-froid, les scènes de torture et les milliers de victimes décimées par un attentat ne font pas peur à Disney qui cherche visiblement à toucher un public plus adulte, après les dérives adolescentes de Ms Marvel et She Hulk. A l’avenant, les scripts fouillent un peu plus qu’à l’accoutumée la psychologie des personnages, nous présentant un Nick Fury vieilli, fatigué et au bout du rouleau qui n’est que « l’ombre de lui-même » selon Gravik, un vilain que Kingsley Ben-Adir campe avec beaucoup de charisme. Certes, Secret Invasion n’a rien d’inoubliable – c’est le lot de la grande majorité des shows Disney + – mais se distingue tout de même par ses prises de risque, son audace et une noirceur inattendue.

 

© Gilles Penso


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SHE HULK: AVOCATE (2022)

La cousine de l’incroyable Hulk fait ses premiers pas à l’écran dans cette série TV semi-parodique bien peu palpitante…

SHE HULK: ADVOCATE OF THE LAW

 

2022 – USA

 

Créée par Jessica Gao

 

Avec Tatiana Maslany, Ginger Gonzaga, Tim Roth, Mark Ruffalo, Steve Coulter, Renée Elise Goldsberry, Josh Segarra, Mark Linn-Baker, Jon Bass

 

THEMA SUPER-HÉROS I SAGA MARVEL CINEMATIC UNIVERSE

Les raisons qui ont présidé à la naissance du personnage de Miss Hulk sont pour le moins triviales. À la fin des années 70, Universal TV possède les droits d’adaptation du personnage de l’incroyable Hulk, via la série à succès produite par Kenneth Johnson. Craignant que le studio ne crée sa propre version féminine du super-héros (comme Super Jaimie qui fut une réponse à la popularité de L’Homme qui valait trois milliards) et en conserve le copyright, Stan Lee initie en vitesse le lancement d’un comic book consacré à un Hulk en jupons. Lorsqu’en février 1980 les lecteurs découvrent la couverture dessinée par John Buscema montrant une pimpante jeune femme et son alter-ego improbable (une sorte de Hulk en décolleté à la longue crinière ébouriffée !), certains croient à une blague. Pourtant Miss Hulk débarque bel et bien chez les marchands de journaux et connaît son heure de gloire. Plusieurs adaptations de ses aventures à l’écran sont même envisagées mais finissent par être abandonnées. La plus fameuse d’entre elles est prévue pour le réalisateur Larry Cohen (Le Monstre est vivant, Meurtres sous contrôle, L’Ambulance) et l’athlétique comédienne Brigitte Nielsen (qui à l’époque posa dans la tenue du personnage en attisant la curiosité des fans). C’est finalement le studio Marvel – en quête de nouveaux personnages à mettre en scène dans ses multiples séries TV – qui donne corps au personnage afin d’alimenter la plateforme Disney +.

Pour l’occasion, les scénaristes réinventent les origines de la super-héroïne. Dans le comics original, l’avocate Jennifer Walters est blessée par balle lors d’un règlement de compte et c’est un don de sang de son cousin Bruce Banner qui va la transformer en Miss Hulk. Dans la série, la transfusion sanguine s’opère suite à un accident de voiture provoqué par le surgissement d’une soucoupe volante ! Voilà qui donne un avant-goût de l’approche absurde voulue par Jessica Gao (Robot Chicken, Rick et Morty), créatrice et scénariste en chef du show. Dès les premières minutes, on brise le quatrième mur pour donner le ton. Le téléspectateur sera le confident de notre héroïne qui, en dépit de toute logique, va s’adresser régulièrement à lui et lui donner des coups de coude complices. Ce procédé se révèle bien trop artificiel pour renforcer un quelconque sentiment d’immersion ou d’identification. C’est même le contraire qui se produit. Sentant bien que cette histoire est à considérer avec légèreté, le public se distancie de la série qu’il regarde au mieux avec un regard amusé, au pire avec une moue embarrassée.

Verte et pas mûre

Tous plus futiles les uns que les autres, les scénarios tournent autour de l’inscription de notre héroïne à un site de rencontre, sa capacité à trouver une robe qui la mette en valeur, son invitation au mariage d’une amie d’enfance, sa rivalité avec une influenceuse spécialisée dans les produits de beauté, son attente désespérée du SMS de son petit-ami… Même si la cible visée est de toute évidence principalement pré-adolescente et féminine, cette tendance à prendre les téléspectateurs pour des écervelés dénote d’une condescendance très incommodante. Même lorsqu’elle essaie de brocarder le machisme ordinaire, la série se contente de dresser une série de portraits d’hommes brutaux, idiots ou imbus d’eux-mêmes en forçant tellement le trait que toute critique devient contre-productive. Dans une tentative désespérée de dynamiser ses intrigues, She Hulk sollicite plusieurs guests de l’univers Marvel (Bruce Banner, Abomination, Wong, Daredevil) dans des versions caricaturales et burlesques. Les images de synthèse approximatives utilisées pour donner corps à la super-héroïne n’arrangent évidemment rien. Et que dire de ce dernier épisode qui – en nous plongeant dans une mise en abîme censée remettre en question les processus créatifs du Marvel Studio – ne peut s’interpréter autrement que comme le constat d’échec d’un système d’écriture et de production arrivé au bout de ses propres limites. Il ne nous reste plus qu’à rêver d’un monde parallèle dans lequel c’est la Brigitte Nielsen des années 90, le regard sévère, la crinière folle et le muscle bandé, qui incarne She Hulk face à la caméra de Larry Cohen.

 

© Gilles Penso


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MS. MARVEL (2022)

La plus jeune des super-héroïnes de l’univers Marvel débarque sur les petits écrans pour vivre des aventures sympathiques mais très anecdotiques…

MS. MARVEL

 

2022 – USA

 

Créée par Bisha K. Ali

 

Avec Iman Vellani, Matt Lintz, Yasmeen Fletcher, Zenobia Shroff, Mohan Kapur, Saagar Shaikh, Laurel Marsden, Azhar Usman, Rush Shah, Arian Moayed

 

THEMA SUPER-HÉROS I SAGA MARVEL CINEMATIC UNIVERSE

Si la grande majorité des super-héros Marvel avec lesquels le grand public est familier sont nés dans les années 60, 70 et 80, Ms. Marvel est le premier personnage de l’écurie de « la maison des idées » qui ait été créé après le Marvel Cinematic Universe. Kamala Khan fait en effet ses débuts en 2013 sous la plume de G. Willow Wilson et le crayon d’Adrian Alphonsa, soit cinq ans après la sortie d’Iron Man sur les écrans. A vrai dire, le nom de « Miss Marvel » a déjà été porté avant elle par d’autres personnages dessinés : Carol Danvers, Sharon Ventura, Karla Sofen, Deidre Wentworth et même la Malicia des X-Men. Lorsque Kamala Khan débarque, c’est clairement pour mettre en valeur une minorité jugée pas suffisamment représentée. Confiée à Bisha K. Ali (déjà responsable de plusieurs épisodes de Loki), l’adaptation de ses aventures sur le petit écran assume ce parti pris. Si jusqu’alors les productions Marvel s’étaient généralement tenues à l’écart des considérations religieuses, nous sommes ici en immersion totale dans l’univers d’une famille pakistanaise musulmane : ses traditions, son folklore, ses croyances et ses pratiques.

Ms. Marvel nous offre même un voyage au Pakistan et laisse ses personnages les plus âgés se référer régulièrement à la partition des Indes par l’empire colonial britannique. « Mon passeport est pakistanais, mes racines sont en Inde, et au milieu de tout ça il y a une frontière créée dans le sang et la douleur », dira la mère de Kamala avant d’ajouter : « on revendique nos origines d’après une carte dessinée par les Anglais. » L’histoire et les racines de notre jeune héroïne sont donc explorées frontalement, avec en prime une grande reconstitution d’époque au cours d’un ambitieux flash-back. Pour se raccorder au monde super-héroïque, la mythologie des djinns vient s’insérer – un peu au chausse-pied, il faut bien le reconnaître – dans cette intrigue qui se révèle par ailleurs très anecdotique. Fan absolue des Avengers en général et de Captain Marvel en particulier, notre héroïne lycéenne récupère ainsi un bracelet en or légué par sa grand-mère qui lui permet de projeter des rayons d’énergie cosmiques et de les solidifier dans l’espace. Et voilà : une nouvelle super-héroïne est née…

Cosmic Book

Rajustés et modifiés pour pouvoir mieux se conformer à la logique du Marvel Cinematic Universe, les super-pouvoirs de Ms. Marvel diffèrent donc grandement de ceux décrits dans la BD d’origine. La série ne manque ni de charme, ni d’inventivité, notamment du côté des trouvailles visuelles qui donnent corps à l’imagination fertile de la jeune protagoniste : des animations en papier découpé, des personnages dessinés qui surgissent dans les décors réels, des graphs et des tags qui prennent vie sur les murs de la ville, tout le mobilier urbain qui se réadapte pour illustrer une conversation téléphonique… Les acteurs eux-mêmes attirent assez facilement la sympathie. Mais à l’instar de la grande majorité des shows télévisés Marvel conçus pour alimenter la plateforme Disney +, Ms. Marvel ne raconte rien de particulièrement palpitant et étire artificiellement une intrigue paresseuse qui se résume finalement à bien peu de chose. Distrayante mais parfaitement facultative, cette mini-série n’a donc rien de bien mémorable et s’envisage surtout comme une prequel du long-métrage The Marvels dans lequel Iman Vellani reprend son rôle aux côtés de Brie Larson et Teyonah Parris.

 

© Gilles Penso


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WALKING DEAD (THE) (2010-2022)

Cette adaptation à succès d’un célèbre comic book nous offre un aperçu glaçant de la fin du monde et réinvente le mythe du mort-vivant…

THE WALKING DEAD

 

2010/2022 – USA

 

Créée par Frank Darabont

 

Avec Andrew Lincoln, Norman Reedus, Melissa McBride, Lauren Cohan, Danai Guira, Christian Serratos, Josh McDermitt, Seth Gilliam, Jeffrey Dean Morgan

 

THEMA ZOMBIES I SAGA WALKING DEAD

L’apocalypse zombie, comme toute catastrophe à grande échelle, est le meilleur moyen de révéler les personnalités et les failles de chacun. C’est sans conteste la force première de cette série à la longévité impressionnante, s’appuyant sur un comic book créé en 2003 par Robert Kirkman, Tony Moore et Charlie Adlard. Frank Darabont ouvre les hostilités avec une première saison qui, aujourd’hui encore, reste un modèle du genre. Familier du cinéma d’horreur dont il fut toujours un ardent défenseur, le réalisateur des Évadés et de La Ligne verte (qui fut aussi, on l’oublie souvent, scénariste de Freddy 3, Le Blob et La Mouche 2) paie respectueusement son tribut à La Nuit des morts-vivants et à Zombie de George Romero, auxquels The Walking Dead doit tout, pour brosser le portrait intimiste d’une poignée de survivants sans cesse confrontés à des choix moraux qui définissent leurs traits de caractère et poussent sans cesse les spectateurs à s’interroger sur ce qu’ils feraient eux-mêmes en pareille situation. Il n’était pas simple de réinventer ce sous-genre surexposé sur les écrans depuis le succès de 28 jours plus tard et L’Armée des morts. Si la série ne se réfrène jamais sur les effets gore et les maquillages spectaculaires (confiés aux bons soins de Greg Nicotero et Howard Berger), son axe dramatique majeur reste l’humain et sa réaction face à l’anéantissement du monde.

Car plus la série avance, plus il devient évident que le plus dangereux des monstres n’est pas le zombie lui-même (ou « walker », « rôdeur », « mordeur », « errant », « putréfié », les surnoms ne manquent pas) mais l’humain revenu à l’état bestial. Tuer ou être tué devient vite le leitmotiv d’une terre dévastée où même les plus vertueux basculent dans la sauvagerie et où l’enfer, comme le craignait Jean-Paul Sartre, ce sont surtout les autres. Mais c’est aussi dans cette terrible adversité que certaines brutes épaisses peuvent révéler d’insoupçonnables trésors d’humanité. En ce sens, la trajectoire du personnage de Darryl, rapidement devenu le chouchou de la série, se révèle fascinant. Et puisque la loi du plus fort règne sur cette Terre où la technologie s’est peu à peu effacée, les codes du western s’invitent souvent dans The Walking Dead. Rick, le héros à travers lequel sont vécues la grande majorité des péripéties, s’érige donc en shérif dont il conserve précieusement l’uniforme en début de série.

L’enfer des zombies

À travers leur longue errance, les protagonistes de The Walking Dead (dont le groupe ne cesse de se reconfigurer au fil des morts violentes et des nouvelles rencontres) vivent à la fois un cauchemar éveillé et un voyage initiatique dont l’enjeu majeur reste leur survie physique mais aussi mentale. Car s’ils cèdent à la tentation de basculer dans des excès qui les muent en ce contre quoi ils luttent, ils finiront eux-mêmes par devenir les « walking deads », les morts qui marchent. La série parvient miraculeusement à se renouveler de saison en saison, élargissant son scope à mesure que l’humanité se réorganise en clans tour à tour pacifiques, belliqueux ou dictatoriaux. Après le climax explosif de sa huitième année, la série joue un peu artificiellement les prolongations, alternant le meilleur et le moins bon en essayant de varier les plaisirs. Sans doute aurait-il fallu savoir s’arrêter plus tôt pour éviter de s’achever sur une note mitigée. The Walking Dead demeure malgré tout un moment de télévision très intense. Grand pourvoyeuse de spin-off, la série donnera naissance à Fear the Walking Dead (2015), World Beyond (2020), Tales of the Walking Dead (2022), Dead City (2023), Daryl Dixon (2023) et The Ones Who Live (2024).

 

 

© Gilles Penso


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MOON KNIGHT (2022)

Oscar Isaac incarne les deux facettes d’un super-héros atypique dont les origines trouvent leurs racines dans la mythologie égyptienne…

MOON KNIGHT

 

2022 – USA

 

Créée par Jeremy Slater

 

Avec Oscar Isaac, May Calamawy, Karim El Hakim, F. Murray Abraham, Ethan Hawke, Ann Akinjirin, David Ganly, Khalid Abdalla, Gaspard Ulliel

 

THEMA SUPER-HÉROS I SAGA MARVEL CINEMATIC UNIVERSE

C’est en 1975 que les lecteurs des comic books Marvel découvrent Moon Knight (« Le Chevalier de la Lune » dans les premières traductions françaises), sous la plume de Doug Moench et le crayon de Don Perlin. D’abord personnage secondaire d’une aventure de « Werewolf by Night », ce super-mercenaire sous haute influence de Batman est suffisamment populaire pour avoir droit à sa propre série en 1980, à l’occasion de laquelle ses origines (jugées un peu trop « triviales ») sont entièrement réécrites. Son passage à l’écran est envisagé dans la seconde saison de Blade, en tant que guest-star partageant momentanément l’affiche avec le chasseur de vampires incarné par Sticky Fingaz. Mais la série est annulée en septembre 2006. Le « Chevalier de la Lune » va donc devoir attendre la création du Marvel Studio et le lancement des mini-séries destinées à la plateforme Disney + pour enfin faire ses premiers pas à la télévision. C’est Jeremy Slater, créateur des séries L’Exorciste et Umbrella Academy, qui est chargé de développer Moon Knight, la réalisation étant confiée à Mohamed Diab (Les Femmes du bus 678, Clash, Amira) et aux duettistes Justin Benson et Aaron Moorhead (déjà à l’œuvre sur Loki). Quant au rôle principal, il est confié à Oscar Isaac, déjà familier avec l’univers Marvel puisqu’il joue le super-vilain de X-Men Apocalypse et prête sa voix à Miguel O’Hara dans Spider-Man New Generation et ses suites.

Isaac incarne Steven Grant, modeste employé d’une boutique de souvenirs au British Museum de Londres. Passionné par l’Égypte ancienne, cet homme réservé et maladroit est souvent victime de trous de mémoire qui le plongent dans des situations embarrassantes. Il n’est pas rare qu’il se réveille dans des endroits totalement inconnus sans savoir ce qu’il a fait au cours des dernières heures. Serait-il victime de crises de somnambulisme ? À moins que la schizophrénie ne le guette, ce que laisse imaginer cette voix mystérieuse qui résonne parfois dans sa tête. En réalité, Steven souffre d’un trouble dissociatif de l’identité. Sa seconde personnalité est Marc Spector, un mercenaire américain embarqué dans une mission compliquée qui implique les dieux égyptiens. Partageant malgré eux le même corps, Steven et Marc vont devoir collaborer pour affronter l’inquiétant Arthur Harrow (Ethan Hawke), épauler l’intrépide Layla El-Faouly (May Calamawy) et maîtriser les super-pouvoirs dont les dote Khonshu, le dieu de la Lune…

Le Chevalier de la Lune

Habitué aux grands écarts artistiques, aux métamorphoses et aux registres extrêmement variés, Oscar Isaac semblait taillé sur mesure pour incarner un homme aux personnalités multiples. L’acteur accentue la différence en dotant Steven d’un accent anglais volontairement excessif et d’une affectation qui contraste avec la rigidité et la détermination de Marc. La mise en scène joue habilement avec les reflets (dans les miroirs, dans l’eau, dans les surfaces brillantes) pour permettre aux deux personnages de dialoguer entre eux. Les séquences d’archéologie au fin fond de sites égyptiens souterrains évoquent bien sûr Les Aventuriers de l’arche perdue et, par rebond, La Momie de Stephen Sommers. May Calamawy n’est d’ailleurs pas sans nous rappeler Rachel Weisz avec qui elle présente une certaine ressemblance. La série déborde donc d’idées originales, de rebondissements surprenants, de créatures mythologiques (parmi lesquelles un chacal monstrueux, mélange du chien de la terreur de S.O.S. fantômes et de la créature hybride de Lectures diaboliques) et de personnages colorés (l’antagoniste illuminé campé par Ethan Hawke, le trafiquant véreux que joue Gaspar Ulliel). Revers de la médaille, ce foisonnement a tendance à éparpiller les enjeux de la série dont l’intrigue part un peu dans tous les sens. Une narration plus resserrée aurait sans doute offert à Moon Knight la possibilité de dépasser son simple statut de série sympathique et divertissante pour lui permettre de marquer plus durablement les esprits.

 

© Gilles Penso


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HAWKEYE (2021)

L’archer des Avengers est contraint de faire équipe avec une jeune admiratrice pour affronter une foule de gangsters armés jusqu’aux dents…

HAWKEYE

 

2021 – USA

 

Créée par Jonathan Igla

 

Avec Jeremy Renner, Hailee Steinfeld, Tony Dalton, Alaqua Cox, Vera Farmiga, Florence Pugh, Linca Cardellini, Ben Sakamoto, Ava Russo, Cade Woodward

 

THEMA SUPER-HÉROS I SAGA MARVEL CINEMATIC UNIVERSE

Après les événements survenus dans Avengers Endgame, le studio Marvel envisage de consacrer plusieurs longs-métrages à certains super-héros populaires de « l’écurie » n’ayant pas encore eu lieu à leur aventure solo. Les deux premiers envisagés sont la veuve noire Natasha Romanoff et l’archer Clint Barton. Les acteurs principaux directement concernés donnent leur accord. Si Black Widow se concrétise bien sur grand écran (parallèlement à une diffusion sur la plateforme Disney +, ce qui entraînera des poursuites judiciaires initiées par Scarlett Johansson invoquant le non-respect du contrat initialement établi), Hawkeye devient pour sa part une mini-série directement destinée à la plateforme de streaming, ce que Jeremy Renner accepte au grand soulagement du producteur Kevin Feige (deux procès d’affilée, ça ferait désordre dans le monde merveilleux de Walt Disney). Alors que Black Widow tirait à la ligne en déployant laborieusement une intrigue bien peu palpitante revenant aux origines du personnage (l’option du flash-back étant la seule viable suite à la mort de l’héroïne), Hawkeye installe son intrigue dans la continuité directe d’Avengers Endgame et s’articule volontairement autour de péripéties « terre-à-terre » mieux adaptées à la personnalité de « l’œil de faucon ».

Après le combat homérique des Avengers contre Thanos, Clint Barton a décidé de prendre sa retraite et s’apprête à passer Noël en famille. Mais ses plans se retrouvent bouleversés lorsque Kate Bishop, une jeune virtuose du tir à l’arc qui s’improvise justicière, entre en possession de son ancien de costume de Ronin (à l’époque où il agissait comme un redoutable tueur sur gages sans état d’âme) et se retrouve donc avec tous les anciens ennemis de Hawkeye aux trousses. Pour l’empêcher de tomber entre leurs griffes, Barton doit donc prolonger son séjour à New York et faire équipe à contrecœur avec cette apprentie-super-héroïne contre une armada de tueurs, deux guerrières redoutables et un super-vilain – bien connu des amateurs de Marvel – qui tire toutes les ficelles et reste caché dans l’ombre jusqu’au dernier épisode…

L’étrange Noël de Monsieur Hawk

Il faut bien avouer que l’intrigue élaborée par le scénariste Jonathan Igla nous laisse gentiment indifférents. Opposer le super-héros à de simples gangsters (répondant au nom ridicule de « gang des survêts »), lui coller dans les pattes une jeune admiratrice et un gentil toutou, faire converger toutes les péripéties vers un enjeu dérisoire et pétri de bons sentiments (Clint retrouvera-t-il à temps sa famille pour fêter Noël ?), tout ça n’a rien de particulièrement palpitant. Jeremy Renner semble d’ailleurs ne pas trop savoir lui-même ce qu’il fait là, traînant son visage de chien battu pendant toute la série, tandis que l’excellente Vera Farmiga (Bates Motel, Esther) est réduite à camper un personnage archétypal et sans nuances. C’est finalement la jeune Hailee Steinfeld qui s’en sort le mieux, plutôt convaincante dans la peau de la justicière néophyte. Que retenir au final de Hawkeye ? Quelques combats bien orchestrés, un épisode final joyeusement mouvementé où se déploient les flèches-gadgets les plus improbables, une savoureuse fausse comédie musicale consacrée aux exploits des Avengers… et c’est à peu près tout. Cette mini-série reste donc très anecdotique, d’autant qu’elle bâcle l’apparition du « boss final » que le scénario expédie le temps d’un épilogue bien décevant.

 

© Gilles Penso


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LOKI (2021-2023)

Le demi-frère de Thor a droit à sa propre série TV et s’embarque dans une odyssée vertigineuse à travers les univers parallèles…

LOKI

 

2021/2023 – USA

 

Créée par Michael Waldron

 

Avec Tom Hiddleston, Sophia Di Martino, Owen Wilson, Gubu Mbatha-Raw, Wunmi Mosaku, Eugene Cordero, Tara Strong, Sasha Lane, Jack Veal, DeObia Oparel

 

THEMA SUPER-HÉROS I VOYAGES DANS LE TEMPS I MONDES VIRTUELS ET MONDES PARALLÈLES I SAGA MARVEL CINEMATIC UNIVERSE

Les séries Marvel se suivent mais ne se ressemblent pas. Après les mondes virtuels télévisuels créés par la sorcière rouge dans WandaVision et les luttes anti-terroristes musclées de Falcon et le Soldat de l’hiver, place aux facéties surnaturelles du frère turbulent de Thor. L’idée reste toujours de donner la vedette aux « seconds rôles » de l’univers Marvel en leur offrant à chaque fois un récit taillé sur mesure. Alors qu’il vient de voler le Tesseract pendant les événements décrits dans Avengers Endgame, Loki s’échappe en tout début de série mais tombe immédiatement sous la coupe du TVA : Time Variance Authority en anglais, Tribunal des Variations Anachroniques en français, donc rien à voir bien sûr avec notre taxe sur la valeur ajoutée. Il s’agit d’une organisation qui existe hors des limites de l’espace-temps et surveille de près les perturbations de la ligne temporelle. Le prologue de la série nous transporte ainsi dans une bureaucratie absurde et rétro-futuriste digne de Terry Gilliam. Un dessin animé didactique (mélange de celui de Jurassic Park et des croquis de Doc Brown dans Retour vers le futur 2) mettant en vedette une montre parlante nous permet de comprendre à quoi nous avons affaire. Dès qu’un individu s’éloigne de sa ligne de temps, il se mue en variant et bouleverse le continuum spatio-temporel. Les agents du TVA interviennent alors.

Le dieu de la malice qui vient d’être appréhendé est donc un variant que le Tribunal des Variations Anachroniques a décidé d’effacer de l’existence. Mais un autre variant est en train de voyager dans le temps en semant la mort et la désolation. Notre Loki alternatif se voit donc offrir une seconde chance, à condition qu’il pourchasse et capture ce criminel insaisissable. Il semble être le choix idéal pour cette mission, dans la mesure où le variant hors-la-loi se révèle être une autre version de lui-même ! Voilà qui s’annonce prometteur et pour le moins original. Encore faut-il adhérer à ce concept scénaristique farfelu et aux innombrables règles qui le régissent, édictées méthodiquement tout au long de la série à l’attention de Loki (et par rebond aux téléspectateurs bien sûr). Généralement, ce type d’exposition à rallonge n’est pas bon signe, signe que les scénaristes sont contraints de détailler par le menu leurs mécanismes narratifs de peur qu’ils ne soient pas assez limpides. La série s’efforce certes de nous distraire, de nous amuser, de nous surprendre, de nous émouvoir même parfois, mais comment se laisser captiver par ce récit sans queue ni tête qui ne cesse de se remettre en question pour l’amour du coup de théâtre et du retournement de situation ?

Avec ou sans TVA ?

Il y avait pourtant une intrigue passionnante à bâtir autour du destin, du choix et du libre-arbitre, mais ces thèmes ne sont que survolés au hasard d’une poignée de répliques distraitement échangées par les personnages. Les choses s’améliorent avec la seconde saison, en grande partie grâce à l’arrivée des réalisateurs Aaron Moorhead et Justin Benson qui, malgré la grosse machinerie Disney/Marvel, parviennent à imposer leur style personnel en jouant avec les paradoxes temporels déjà au cœur de plusieurs de leurs propres films (Resolution, The Endless, Synchronic). Sous leur impulsion, le suspense, l’action et l’humour s’équilibrent mieux, sans pour autant sauver totalement les meubles, malgré la présence toujours très réjouissante de Ke Huy Quan et malgré le concours de cabotinage amusant dans lequel ne cessent de lancer Tom Hiddleston et Owen Wilson. Le problème majeur de Loki est le manque de tangibilité de ses enjeux dramatiques. L’existence même du monde tel que nous le connaissons est menacée, mais puisque tout semble pouvoir se faire et se défaire, à quoi bon s’inquiéter ? La série s’entache aussi de quelques choix douteux, comme ce placement de produit insistant qui donne parfois le sentiment que les épisodes sont des spots de pub géants pour McDonald’s !

 

© Gilles Penso


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