THE BABYSITTER (2017)

Un slasher semi-parodique conçu directement pour Netflix et dirigé par un McG qu'on a connu plus inspiré

THE BABYSITTER

2017 – USA

Réalisé par McG

Avec Bella Thorne, Samara Weaving, Robbie Amell, Judah Lewis, King Bach

THEMA TUEURS 

Mais qu’est-il arrivé à McG ? L’ancien clippeur devenu cinéaste avait su transposer avec panache la série Charlie Angels sur le grand écran, et même réaliser le meilleur épisode de la saga Terminator non dirigé par James Cameron. Comment s’est-il donc retrouvé à la tête d’un téléfilm aussi anecdotique ? Visiblement persuadé qu’une fille sexy, un héros adolescent et des litres de sang étaient des ingrédients suffisants pour garantir un succès immédiat auprès du public teenager, McG s’est lancé dans une sorte de mixage improbable entre Scream et Maman j’ai raté l’avion destiné directement à une diffusion sur Netflix. 

Le personnage central de The Babysitter est Cole Johnson, un garçon de douze ans qui subit de manière récurrente le harcèlement de plusieurs de ses voisins. Intelligent mais sans doute trop naïf, il échappe à ce quotidien morose grâce à la présence de Bee, sa baby-sitter. Cette jolie jeune femme déborde de charisme et semble la seule personne de son entourage à ne pas l’infantiliser. Le lien très fort qu’ils ont noué leur permet de se considérer comme des amis. Mais Cole est persuadé que Bee attend qu’il s’endorme pour inviter des garçons dans la maison. Un soir, alors qu’il l’espionne, il la surprend avec un groupe de jeunes gens bizarres qui assassinent l’un des leurs et récupèrent son sang. Car Bee est à la tête d’une secte dont le but est d’invoquer un démon maléfique. Quand le groupe découvre que Cole les espionnait, ce dernier va devoir se battre pour survivre. 

D'une désespérante vacuité…

Si McG insiste lourdement en début de métrage sur la fragilité de Cole, qui a peur de tout et que tout le monde traite de poule mouillée, ce trait de caractère ne réapparait jamais par la suite, comme si le scénario s’improvisait au fur et à mesure. Sous couvert de second degré, The Babysitter oublie de caractériser ses personnages et se contente de mettre en scène des stéréotypes. De fait, comment croire une seconde à ce groupe de jeunes idiots qui pratiquent la magie noire en dilettantes ? Aucun cliché ne nous est épargné, pas même le sempiternel faire-valoir noir qui est censé nous faire rire en poussant des cris et en adoptant la « cool attitude ». Le film abonde de meurtres saignants (couteaux plantés dans un crâne, lance transperçant un œil, égorgements) sans pour autant trouver le ton juste. Pas assez excessif pour basculer dans les excès drôles d’un Braindead ou d’un Ash vs. Evil Dead, pas assez réaliste pour effrayer, The Babysitter ne sait visiblement pas sur quel pied danser. En désespoir de cause, le réalisateur s’amuse avec sa caméra pour combler les vides. Ces plans-séquences en vue subjective, ces caméras embarquées, ces ralentis, ces incrustations de titrages décalés ne sont pas inintéressants, mais comment les interpréter autrement que des cache-misères s’efforçant de dissimuler le néant scénaristique du film sous une couche esthétique ? Un peu plus de sincérité et d’amour réel du genre pastiché n’aurait pas nui à cette œuvrette d’une désespérante vacuité.
 
© Gilles Penso

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CHASSE À L’HOMME (1993)

John Woo nous rejoue Les Chasses du Comte Zaroff avec Jean-Claude Van Damme dans le rôle du gibier

HARD TARGET

1993 – USA

Réalisé par John Woo

Avec Jean-Claude Van Damme, Lance Henriksen, Arnold Vosloo, Yancy Butler, Lenore Banks, Chuck Pfarrer

THEMA SUPER-VILAINS

Le Syndicat du CrimeThe KillerUne balle dans la têteÀ toute épreuve… La filmographie de John Woo est spectaculaire, somptueuse, lyrique et unique en son genre. Maintes fois imité, admiré sans borne par des cinéphiles prestigieux tels que Martin Scorsese ou Quentin Tarantino, Woo décide de partir pour les États-Unis au début des années 90, au moment de la rétrocession de Hong-Kong à la Chine, et d’y poursuivre sa carrière. Mais le système des studios hollywoodiens ne lui est guère familier, et son premier long-métrage américain, Chasse à l’homme, va en pâtir. À vrai dire, les exécutifs d’Universal sont tellement peu confiants – notamment à cause de sa mauvaise maîtrise de la langue anglaise – qu’ils demandent à Sam Raimi d’assurer ses arrières au cas où… quitte à le remplacer si les choses tournent mal. 

Chasse à l'homme photo

Comme le laisse assez clairement imaginer son titre, Chasse à l’homme est conçu comme un remake modernisé des Chasses du Comte Zaroff. Son héros, Chance Bourdeaux, est un dur à cuire de la Nouvelle Orléans. En acceptant d’aider une femme à retrouver la trace de son père, un ancien officier des Forces Spéciales, il tombe sur un gang de chasseurs d’hommes dirigé par le vil Emil Fouchon, et se retrouve en ligne de mire d’une meute de fous de la gâchette. Prévu initialement pour Kurt Russell, le rôle principal échoit finalement à Jean-Claude Van Damme, aux premières loges face aux difficultés de John Woo à « entrer dans le moule » hollywoodien. « John Woo est un excellent réalisateur d’action, mais il a besoin de beaucoup de temps pour faire un bon film », nous racontait l’acteur belge. « Quand il est venu aux États-Unis, il a été pressé par la machine américaine, qui exigeait de lui qu’il fasse des films en trois mois. Or lui lui avait fallu six mois pour écrire The Killer, et six autres mois pour le tourner. En comparaison, nous avons écrit le scénario de Chasse à l’homme en un mois seulement. C’est la raison pour laquelle les séquences d’action de ce film sont formidables, mais son histoire un peu simple. » (1) 

La frustration de John Woo éclabousse l'écran

Car si le scénario est officiellement rédigé par Chuck Pfarrer (Navy SealsDarkman), Van Damme a mis son nez dans le script, fidèle aux habitudes qu’il a acquises depuis son accès au star-system. Chasse à l’homme ne révolutionne donc pas le genre, même si sa propension à mêler l’action nerveuse et la violence graphique nous offre quelques fulgurances flamboyantes. Tout se passe comme si la frustration et la colère de John Woo éclaboussaient l’écran à grands coups d’hémoglobine. Le film se pare de deux magnifiques bad guys : Emil Fouchon (Lance Henriksen) et son homme de main patibulaire Pik van Cleef (Arnold Vosloo, quelques années avant son rôle d’Im-Ho-Tep dans La Momie). « C’était le premier film américain de John Woo, et donc un compromis permanent », raconte Vosloo. « Depuis, il s’est habitué au système et s’est endurci. Ce qui explique la réussite de Volte/Face. » (2) Finalement, Sam Raimi n’aura pas eu à intervenir, mais force est de constater que Chasse à l’homme, est une œuvre assez anonyme, ne reflétant ni la personnalité ni la créativité de son metteur en scène.
 
(1) Propos recueillis par votre serviteur en mars 1996
(2) Propos recueillis par votre serviteur en juin 1999
 
© Gilles Penso

 

Pour en savoir plus

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SUPERMAN 3 (1983)

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Pour sa troisième aventure dans le collant rouge et bleu, Christopher Reeve bascule dans l'auto-parodie

SUPERMAN 3

1983 – USA

Réalisé par Richard Lester

Avec Christopher Reeve, Richard Pryor, Robert Vaughn, Jackie Cooper, Marc McClure, Annette O’Toole, Margot Kidder

THEMA SUPER-HÉROS I EXTRA-TERRESTRES I SAGA SUPERMAN I DC COMICS

Après avoir remplacé en cours de route Richard Donner sur le tournage de Superman 2, Richard Lester est désormais seul en charge de la mise en scène de Superman 3. Le cinéaste peut donc s’en donner à cœur joie dans le domaine de la comédie, faisant presque basculer l’intrigue de ce troisième opus dans le pastiche pur et simple. De fait, même si les thèmes musicaux de John Williams sont toujours intégrés dans le film, la bande originale est désormais prise en charge par Ken Thorne, fidèle collaborateur de Lester (Help, Comment j’ai gagné la guerre, L’Ultime Garçonnière) qui accentue le caractère léger et humoristique de cette troisième aventure. 

Envoyé en reportage à Smallville, Clark Kent y retrouve son amie Lana Lang (Annette O’Toole). Mais une nouvelle menace l’attend. En effet, Gus Gorman (l’humoriste Richard Pryor), chômeur quelque peu loufoque mais as de l’informatique, est engagé par le puissant Ross Webster (Robert Vaughn), lequel rêve de dominer l’économie de la planète. Face à la menace que représente Superman pour ses activités hégémoniques, Webster charge Gus Gorman de reconstituer une nouvelle masse de kryptonite, seule matière capable de détruire l’homme d’acier. Celle-ci n’étant pas réellement conforme, elle n’affecte pas son corps mais son esprit. Peu à peu, Superman devient maléfique. Pour se ressaisir, il devra s’affronter lui-même. D’où le titre initial du scénario, « Superman contre Superman », abandonné après que les producteurs de Kramer contre Kramer aient menacé d’entamer une action en justice pour plagiat. 

Quand Superman se transforme en faire-valoir

Le ton semi-parodique de ce troisième volet est annoncé dès la séquence d’ouverture, petit morceau d’anthologie dans lequel l’apparition de Superman survient à l’issue d’une série d’accidents s’enchaînant les uns aux autres en un crescendo cartoonesque. L’aspect science-fictionnel inhérent au personnage principal, que Richard Donner s’était efforcé d’atténuer en prônant une approche réaliste, éclate ici au grand jour, comme si Richard Lester cherchait à justifier les origines dessinées de son super-héros. D’où le dédoublement physique de Superman ou l’intervention exubérante de cet ordinateur géant. Sous le feu des projecteurs et souvent en roue libre, Richard Pryor en fait des tonnes, éclipsant Christopher Reeve et provoquant la colère des fans purs et durs du super-héros qui n’apprécient guère de voir leur idole passer au second rang derrière un clown. Même Robert Vaughn donne dans le cabotinage, pastichant les rôles de méchants qu’il eut souvent l’occasion d’endosser au fil de sa carrière. Quant à Loïs Lane, elle n’apparaît que quelques minutes à l’écran. La petite histoire veut que ce traitement fut réservé à la comédienne Margot Kidder pour la punir d’avoir publiquement dénigré Richard Lester lorsque ce dernier prit la place de Richard Donner. Considéré comme une trahison par de nombreux amateurs, Superman 3 ne rapporta pas autant d’argent que les deux opus précédents mais fut loin d’être le flop annoncé. Christopher Reeve, pour sa part, affirma souvent être déçu par le film, regrettant presque de ne pas avoir cédé à son premier instinct qui fut de refuser d’y participer.
 
© Gilles Penso

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SPACE COWBOYS (2000)

Clint Eastwood s'envole avec trois vieux briscards pour une aventure spatiale revigorante

SPACE COWBOYS

2000 – USA

Réalisé par Clint Eastwood 

Avec Clint Eastwood, Tommy Lee Jones, Donald Sutherland, James Garner, James Cromwell, Marcia Gay Harden, William Devane

THEMA SPACE OPERA

En 1958, les pilotes d’essais Frank Corvin (Clint Eastwood), William Hawkins (Tommy Lee Jones), Jerry O’Neil (Donald Sutherland) et Tank Sullivan (James Garner), membres du projet expérimental Daedalus, voient leur espoir d’aller dans l’espace réduit à néant par la NASA lorsque celle-ci annonce leur remplacement par des chimpanzés. Mais quarante ans plus tard, une seconde chance va s’offrir aux quatre intrépides pilotes. Ils sont tirés de leur retraite par Bob Gerson (James Cromwell), l’homme qui les avait écartés, lorsque le satellite de télécommunications russe Ikon, vestige de la Guerre Froide, menace de décrocher de son orbite. Le quatuor voit là enfin l’occasion de concrétiser leur rêve de partir dans l’espace et goûter aux joies de l’apesanteur. Malheureusement, une fois en orbite, les quatre hommes constatent avec effroi que le satellite en question est en fait doté de missiles balistiques, initialement destinés à frapper les États-Unis en cas de guerre nucléaire généralisée.

Voilà le pitch de départ de cette première incursion de Clint Eastwood dans le domaine de la science-fiction. Une incursion qui est aussi pour l’acteur-réalisateur l’occasion de réunir ses copains. Ainsi, il partageait notamment l’affiche en 1970 avec Donald Sutherland pour le cultissime De l’or pour les braves de Brian G. Hutton. Et en 1989, c’est à James Cromwell qu’il donnait la réplique dans le buddy movie Pink Cadillac. Tourné avec le soutien logistique et technique de la NASA, qui a mis à disposition de la production la plupart de ses installations dont le centre spatial Kennedy et le Johnson Space Center de Houston, Space Cowboys s’avère un très bon divertissement qui ne se prend absolument pas au sérieux. Si la plupart des matériels présentés sont parfaitement réels, certaines situations sont en revanche complètement fantaisistes. Pour les effets visuels, le réalisateur fit appel à ILM.  

Quatre adolescents attardés dans l'espace

Si Clint Eastwood tient à garder un certain degré de réalisme, le film lorgne quand même du côté de la farce de collégiens, surtout lorsque les quatre vétérans, s’entrainant difficilement pour leur voyage orbital autour de la Terre, sont gentiment charriés par quatre aspirants astronautes. Cela donne quelques échanges savoureux, dont notamment celui de la scène de la cantine. Les quatre acteurs s’en donnent à cœur joie et, il faut bien le reconnaitre, monopolisent l’écran avec un certain plaisir. Fort heureusement, les rôles secondaires tirent aussi leur épingle du jeu. Nous retrouvons des comédiens de qualité dont William Devane (transfuge de Hollow Man) en directeur de vol ou encore James Cromwell (Star Trek Premier ContactLa Ligne VerteI, Robot), en administrateur de la NASA. Hommage avoué de Clint Eastwood aux premiers héros de la conquête spatiale, et notamment ceux qui n’ont pas eu la chance d’y aller, Space Cowboys rencontrera un joli succès dans le monde, récoltant au passage 129 millions de dollars dans le monde dont 100 millions rien qu’aux États-Unis. En France, il flirtera avec le million d’entrées. Antithèse réussie de L’Étoffe des Héros, ce long-métrage n’est certainement pas le meilleur film de Clint Eastwood. Toutefois, ce dernier prouve au moins une chose importante, c’est qu’à 70 ans, il savait encore ne pas se prendre au sérieux.
 
© Antoine Meunier

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MISSION TO MARS (2000)

Brian de Palma s'éloigne de son terrain de prédilection pour plonger dans la science-fiction… Une mission impossible ?

MISSION TO MARS

2000 – USA

Réalisé par Brian de Palma

Avec Gary Sinise, Don Cheadle, Connie Nielsen, Jerry O’Connell, Tim Robbins, Armin Mueller-Stahl

THEMA SPACE OPERA

En entrant dans les années 2000, Brian de Palma s’attaquait à un genre qui semblait à des années lumières de son univers : le space opéra. Certes, le cinéaste s’était nourri dans sa jeunesse de nombreux romans de science-fiction et caressait même le projet de réaliser un jour un remake de Planète Interdite. Mais son cinéma reste ancré dans une réalité tangible et « terre à terre », se nourrissant d’un réalisme presque toujours contemporain pour mieux le transcender et y injecter une dimension fantastique. Chez De Palma, même l’intrigue policière la plus traditionnelle prend des atours oniriques, traversée par des fulgurances mémorables. Allait-il savoir transposer ses effets de style dans l’espace ? Le réalisateur semble lui-même circonspect, s’obligeant artificiellement à démarrer le film par deux longs plans-séquences de trois minutes chacun, comme s’il tenait à rassurer les spectateurs en apposant dès le générique l’une de ses marques de fabrique stylistiques les plus connues. Mais d’emblée, on sent que quelque chose cloche. Car ces longs plans filmés en continuité n’ont aucun apport narratif et s’enchaînent de manière abrupte (comme si la logistique avait empêché le réalisateur de n’obtenir qu’un seul plan-séquence de six minutes), renforçant la gratuité du procédé. Ce qui semble n’être qu’un détail est en réalité révélateur du problème majeur de Mission to Mars : un film écrit pour un autre réalisateur (en l’occurrence Gore Verbinski) que Brian de Palma cherche à s’approprier sans parvenir à en unifier le style de manière cohérente.
Partagé entre sa volonté de rendre des hommages répétés à 2001 l’Odyssée de l’Espace (les séquences de déambulation des astronautes dans la centrifugeuse, les plans majestueux d’un vaisseau longiligne aux allures de Discovery), d’aborder son univers futuriste sous l’angle le plus réaliste possible (avec l’apport officiel de la NASA), d’abandonner le cynisme qui irradiait volontairement ses œuvres précédentes (L’ImpasseSnake EyesMission Impossible) et d’achever son récit sur un grand climax métaphysique, De Palma semble ne pas savoir sur quel pied danser. La première séquence martienne s’avère pourtant prometteuse. La titanesque tempête qui s’abat sur l’expédition et disloque littéralement les malheureux astronautes, servie par des effets visuels époustouflants d’ILM, nous laisse bouche bée. La mission de sauvetage qui se met ensuite en place, menée conjointement par un beau quatuor d’acteurs (Tim Robbins, Gary Sinise, Connie Nielsen et Jerry O’Connell), laisse encore aux spectateurs beaucoup d’espoir. Mais lorsque cette mission tourne à la catastrophe, le film atteint un point de non-retour. Tout bascule lors de la scène excessivement dramatisée du sacrifice d’un des personnages principaux. Là, alors que tous les protagonistes sont en sortie extravéhiculaire, les effets visuels commencent à défaillir, et la musique d’Ennio Morricone devient exagérément romantique. Au lieu d’amplifier par sa présence une séquence conçue pour saisir les spectateurs d’émotion, la bande originale abuse de trompettes mélancoliques et de violons languissants jusqu’à provoquer un effet de décalage à la limite du risible. Tout se passe comme si Morricone et De Palma, trop heureux de leurs retrouvailles après plus de dix ans de séparation, se laissaient aller à l’emphase en oubliant toute mesure. Dès lors, le film s’avère incapable de doser ses effets et s’achemine vers un grand final saugrenu. 

Le début de la fin…

Mission to Mars se voulant rationnel et cartésien, il s’interdit tout mystère, même si l’entrée des survivants dans la blancheur immaculée du visage géant évoque les conclusions ambiguës de 2001 et de Rencontres du Troisième Type. Le scénario ayant pris le parti de tout expliquer et tout montrer sans laisser de place à la suggestion, les spectateurs déconcertés découvrent alors une sorte de planétarium numérique racontant pédagogiquement l’histoire de notre système solaire, jusqu’à ce que surgisse un extra-terrestre féminin – conçu avec des images de synthèse d’une effroyable laideur – jouant auprès de nos héros le rôle de professeur d’astronomie. Notre suspension d’incrédulité, mise à rude épreuve, vole alors en éclats. Le tout premier plan de Mission to Mars montrait le lancement d’une fusée qui n’était en réalité qu’un accessoire de feu d’artifice. C’est hélas l’impression que nous laissera finalement le film : celle d’un pétard mouillé. Brian de Palma ne se remettra jamais vraiment de cet échec artistique, s’efforçant dès lors de retrouver en vain la verve du cinéaste immense et génial qu’il fut autrefois.
 
© Gilles Penso

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LE PROJET BLAIR WITCH (1999)

Le film le plus rentable de l'histoire du cinéma est aussi celui qui a lancé la mode du « found footage »

THE BLAIR WITCH PROJECT

1999 – USA

Réalisé par Daniel Myrick et Eduardo Sanchez

Avec Heather Donahue, Joshua Leonard, Michael C. Williams, Bob Griffin, Jim King, Sandra Sanchez, Ed Swanson

THEMA SORCELLERIE ET MAGIE

Le manque de moyens peut être un excellent stimulateur de créativité, comme en témoignent dans le genre qui nous intéresse des œuvres aussi réjouissantes qu’Evil Dead ou Bad Taste. Dans le cas du Projet Blair Witch, la contrainte était de ne filmer qu’à l’aide d’un caméscope, à l’exception d’une poignée de plans en 16 mm. Daniel Myrick et Eduardo Sanchez ont donc élaboré l’idée d’un film amateur tourné par trois étudiants partis enquêter dans les bois avoisinant Burkittesville, dans le Maryland. L’objet de leur investigation est une sorcière tenue pour responsable de la disparition d’enfants dans les années 40. Les étudiants disparaissent à leur tour corps et biens, et on retrouve ce qu’ils ont filmé un an plus tard. 

Le procédé (qui ne porte alors pas encore le nom codifié de « found footage », autrement dit « images retrouvées ») semble très original à l’époque, mais il n’est pas nouveau. C’est sans doute Cannibal Holocaust qui s’imposa comme le précurseur de ce dispositif de mise en scène, partant d’un principe très voisin pour une large partie de ses péripéties. La différence, c’est qu’ici le concept vaut pour le film tout entier. L’intégralité du récit nous est donc contée en caméra subjective, à travers les images tournées à la volée par nos reporters amateurs. S’il n’est plus question ici de faire croire à un « snuff movie », comme au temps des anthropophages de Ruggero Deodato, le réalisme cru des images vidéo de Blair Witch participe activement au sentiment de peur qu’il parvient à créer, de manière parfois très immersive. Témoin cette séquence nocturne où les protagonistes, dans leur tente, entendent d’étranges voix et décident d’aller jeter un coup d’œil dans les bois. Cette situation, ultra classique en matière de récit d’épouvante, prend ici une dimension étrange, quasi-expérimentale. Car la caméra ne filme pratiquement rien, si ce n’est une série de mouvements désordonnés et beaucoup de noir. C’est donc l’imagination du spectateur qui est sollicitée pour combler les trous. Rarement le jeu du hors-champ aura autant joué sur les nerfs du public. De ce point de vue, l’exercice est parfaitement réussi, d’autant que les comédiens, improvisant beaucoup et se filmant eux-mêmes, apportent au film l’ultime touche d’hyperréalisme qui fait sa force. 

L'arbre qui cache la forêt…

L’indéniable efficacité de ce concept ne dispensait pas pour autant le film d’une structure narrative solide et surtout d’une progression dramatique. Or dans ce domaine, Le Projet Blair Witch n’a pas grand-chose à offrir à ses spectateurs. Et sans évolution, le meilleur des concepts finit par faire du sur place. Passée la surprise, le film se met donc à tourner en rond, comme ses héros, et le dénouement, expédié à toute vitesse, semble témoigner d’une incapacité, pour Myrick et Sanchez, à trouver une idée de chute digne de ce nom. Le procédé fera pourtant école, entraînant de très nombreuses imitations, créant quasiment un sous-genre du cinéma d’horreur et générant une inévitable séquelle qui sacrifiera pour sa part à une mise en scène plus classique et sombrera dans un oubli poli.
 
© Gilles Penso

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LA PLANÈTE DES SINGES : SUPRÉMATIE (2017)

La guerre entre les hommes et les singes a éclaté, mais les plus sauvages ne sont pas toujours ceux qu'on croit…

WAR OF THE PLANET OF THE APES

2017 – USA

Réalisé par Matt Reeves

Avec Andy Serkis, Woody Harrelson, Judy Greer, Karin Konoval, Steve Zahn, Amiah Miller, Chad Rock, Ty Olsson

THEMA SINGES SAGA LA PLANETE DES SINGES

Dès les premières secondes de La Planète des Singes : Suprématie, alors qu’apparaissent les logos de la production, l’atmosphère du film s’installe. La fanfare de 20th Century Fox est reprise sur un mode tribal, les bruits de la forêt envahissent l’espace sonore, les instincts les plus primaire sont sur le point de se révéler à l’écran. La guerre annoncée par l’épisode précédent fait désormais rage entre les humains et les singes. Mais elle n’est ni emphatique, ni héroïque. Ici, les scènes de batailles cherchent la brutalité et le réalisme plutôt que l’effet spectaculaire, du moins dans la première partie du métrage. Les intentions de César, chef de la rébellion simienne, sont annoncées d’emblée : il n’a pas voulu cette guerre, déclenchée par Koba et par quelques humains belliqueux, mais il est prêt à tout pour défendre les siens. Et la tournure des événements va le pousser à un bellicisme qu’il aurait pourtant voulu éviter.

Les décors hivernaux contribuent au caractère glacial de cette guerre, tandis que la musique de Michael Giacchino continue à se laisser inspirer par Jerry Goldsmith mais aussi Igor Stravinsky. Ici et là, l’influence de plusieurs classiques du film de guerre (Apocalypse Now, La Grande Evasion, Les Sentiers de la Gloire) mais aussi de quelques épopées antiques (Ben Hur, Les Dix Commandements, Le Cid) affleure, Matt Reeves s’emparant de ces références pour en extraire l’essence nécessaire à sa dramaturgie. Les choix radicaux du film précédent (les personnages principaux sont les primates et non les humains, une grande partie des dialogues est en langage des signes) perdurent. L’antagoniste majeur est donc un homme, en l’occurrence l’impressionnant colonel McCullough incarné par Woody Harrelson, un seigneur de la guerre fanatique. Sa première confrontation avec les singes ressemble presque à une scène de Predator inversée. Car ici le chasseur a un visage humain, et c’est la « bête » qui devient proie. D’ailleurs plus le film avance, plus les singes se civilisent et plus les hommes deviennent primitifs. 

La boucle est bouclée

Par petites touches subtiles, La Planète des Singes : Suprématie se positionne comme une préquelle du film de Franklin J. Schafner. Les arcs narratifs convergent ainsi vers le classique de 1968, avec la présence de Nova et Cornélius encore enfants et la propagation du phénomène qui va pousser la race humaine à régresser vers son animalité première. La performance technique du film est tellement incroyable qu’elle finit paradoxalement par s’effacer pour ne laisser place qu’au drame et à ses enjeux, les singes n’étant jamais perçus comme des images de synthèse mais comme des personnages incarnés par des comédiens réels. Contrairement à un prologue en retenue, le final de La Planète des Singes : Suprématie est apocalyptique, presque biblique, comme s’il voulait faire définitivement table rase sur l’ancien monde et annoncer une ère nouvelle. L’ultime séquence évoque d’ailleurs le prologue de 2001 l’Odyssée de l’Espace, qui narrait justement l’éveil de la conscience chez les hommes-singes et l’aube de l’humanité.
 
© Gilles Penso

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ATOMIC CYBORG (1985)

Le Terminator du pauvre, version italienne, lorgne aussi sérieusement du côté de Blade Runner

MANI DU PIETRA

1985 – ITALIE

Réalisé par Sergio Martino

Avec Daniel Greene, Janet Agren, Claudio Cassinelli, George Eastman, John Saxon, Amy Werba, Robert Ben, Pat Monti

THEMA ROBOTS I FUTUR 

Assez porté sur les imitations à petit budget de succès américains (AlligatorLe Continent des Hommes-Poissons2019, après la Chute de New York), Sergio Martino ne pouvait décemment passer à côté de Terminator. Un an à peine après le petit chef d’œuvre de James Cameron, il propose donc cet Atomic Cyborg qui imite servilement sa campagne de promotion mais se démarque tout de même par une intrigue sensiblement différente. Nous sommes au Nouveau-Mexique en 1997, c’est-à-dire dans le futur. Arthur Mosley, un écologiste aveugle et paralytique qui s’étale sur de grandes affiches publicitaires en clamant « You have no future », combat toute forme de pollution. Paco Querak, un tueur à gages, est chargé par l’industriel Francis Turner d’assassiner Mosley, car celui-ci s’oppose à l’édification d’un immense complexe immobilier dans un quartier défavorisé. Or au moment d’accomplir sa mission, Paco est pris d’un doute. Il se contente de blesser sa victime, puis prend la fuite. Pris en chasse par les hommes de Turner, il se réfugie dans une petite bourgade d’Arizona et décroche un boulot d’homme à tout faire dans un bar où les camionneurs du coin viennent régulièrement éprouver leur testostérone à grands coups de tournois de bras de fer. 

D’où des séquences sévèrement burnées qui annoncent Over the Top avec quelques années d’avance, et des bagarres musclées façon Bud Spencer et Terence Hill. Au milieu du film, Paco révèle enfin qui il est : un homme grièvement blessé suite à un violent accident, resté dans le coma pendant de longs mois, et dont 70% du corps ont été remplacés par des éléments cybernétiques. Une sorte de Steve Austin des années 80, en quelque sorte. Sauf que Terminator demeure la source d’inspiration principale, comme en témoigne ce plagiat honteux d’une célèbre séquence du film de Cameron où le cyborg répare sa main en s’ouvrant le poignet. D’ailleurs, Daniel Greene semble moins avoir été choisi pour ses talents d’acteur que pour ses capacités de mimétisme avec le jeu d’Arnold Schwarzenneger. A ses côtés, on reconnaît quelques seconds rôles savoureux, notamment John Saxon en businessman véreux et George Eastman en routier stupide.

« Quand j'en aurai fini avec toi,
tu devras t'essuyer le cul avec ton nez ! »

La seconde partie du film multiplie les scènes d’action plutôt bien menées, à défaut d’être originales : fusillades, poursuites en hélicoptère et en camion, combats au canon laser… En la matière, la séquence la plus insolite et la plus réussie est l’affrontement entre notre héros et une femme cyborg surexcitée, probablement inspirée par Daryl Hannah dans Blade Runner. C’est le seul moment qui marquera quelque peu les mémoires, au beau milieu d’un film par ailleurs très anecdotique, à l’exception peut-être de quelques dialogues dont l’indicible poésie laisse encore rêveur aujourd’hui. Comment oublier des phrases aussi imagées que : « Quand j’en aurai fini avec toi, tu devras t’essuyer le cul avec ton nez » ?!
 
© Gilles Penso

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CROCODILE (2000)

25 ans après Le Crocodile de la Mort, Tobe Hooper braque à nouveau sa caméra sur un saurien particulièrement vorace

CROCODILE

2000 – USA

Réalisé par Tobe Hooper

Avec Mark McLachlan, Caitlin Martin, Chris Solari, D.W. Reiser, Julie Mintz, Sommer Knight, Rhett Wilkins, Greg Wayne

THEMA REPTILES ET VOLATILES

L’association du nom de Tobe Hooper avec le mot « crocodile » nous ramène illico en 1976, à l’époque du Crocodile de la Mort. Mais les amateurs du slasher glauque mettant en vedette Neville Brand, sa faux et son reptile glouton risquent fort de déchanter s’ils s’attendent aux mêmes déviances. Car Crocodile est un pur produit de consommation formaté pour le public adolescent, une production Nu Image, alors au sommet de son exploitation des monstres en tout genre. Quant à l’auteur de Massacre à la Tronçonneuse, principalement reconverti dans la série télévisée depuis le milieu des années 90, il accepte ici d’apporter à l’œuvrette un semblant de prestige en y apposant sa signature, tout en assurant le service minimum côté mise en scène.

Le film s’intéresse à un groupe de jeunes tellement stupides qu’on se demande s’il ne faut pas les considérer sous l’angle parodique. Partis faire du bateau sur un lac en plein été, ils éructent de joie au simple son du mot « bière », c’est dire ! Une belle collection de portraits improbables taillés à la serpe s’offre à nous : la nymphomane qui se fait lécher le ventre par les garçons, le beau gosse qui n’ose pas dire à sa douce qu’il l’a trompée, l’abruti qui vomit dans le bob des autres, la bourgeoise coincée qui ne quitte pas d’une semelle son gentil chienchien prénommé « Princesse ». Un soir, au coin du feu, l’un d’entre eux raconte une légende urbaine liée à l’importation par un hôtelier d’œufs d’une espèce de crocodiles particulièrement féroces, surnommés « les chiens du fleuve » par les Égyptiens de l’Antiquité, à l’époque où les Pharaons les chevauchaient sur le Nil pour partir sur le front (une belle image guerrière absente de nos manuels d’histoire). Or effectivement, un nid d’œufs reptiliens est mis à jour par des pêcheurs passablement éméchés, qui finissent bien vite entre les mâchoires d’un crocodile gros comme un camion.

« Montre-nous ta misérable face de monstre ! »

Si les images de synthèse signées Flat Earth sont assez maladroites, les marionnettes grandeur nature de l’atelier KNB s’avèrent raisonnablement efficaces et dynamisent avec bonheur toutes les séquences dans lesquelles elles interviennent. La première attaque de nos héros par le monstre et la destruction complète de leur bateau est à ce titre un beau morceau de bravoure. On croit reconnaître la patte de Tobe Hooper au détour de la visite de la ferme aux crocodiles Surkin, tenue par deux rednecks au visage vérolé et emplie de fœtus animaux et autres bizarreries nauséabondes, mais Crocodile demeure un divertissement sans grande ambition, que n’importe quel cinéaste un tant soit peu expérimenté aurait tout aussi bien pu emballer sans trop d’embarras. Les références habituelles pointent le bout de leur museau, notamment Les Dents de la Mer et « Moby Dick », les dialogues rasent les pâquerettes (« on aurait dit un moustique géant à quatre pattes », « montre-nous ta misérable face de monstre »), le climax est assez aberrant, mais l’ennui ne s’installe jamais grâce à l’absence de prétention de ce « monster movie » généreux qui nous en donne pour notre argent. Et que les amoureux des animaux se rassurent : « Princesse » finit le film en un seul morceau.
 
© Gilles Penso

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THELMA (2017)

Le passage à l'âge adulte, la quête d'indépendance et la lutte contre le puritanisme sont au cœur de cette fable fascinante

THELMA

2017 – NORVEGE

Réalisé par Joachim Trier

Avec Eili Harboe, Kaya Wilkins, Henrik Rafaelsen, Ellen Dorrit Petersen, Grethe Eltervag, Ludvig Algeback

THEMA POUVOIRS PARANORMAUX

Le réalisateur Joachim Trier s’était déjà distingué par des œuvres marquantes mais jusqu’alors très éloignées du fantastique, notamment Oslo 31 Août et Black Home. Avec Thelma, il raconte l’histoire d’une jeune fille partie à Oslo pour ses études de biologie et de sciences naturelles. Au fil des jours, la timide étudiante se laisse progressivement séduire par une camarade de classe. Or la famille dont elle est issue est très religieuse et particulièrement rigoriste. La voilà bientôt victime d’une série de crises régulières, qui ressemblent à de l’épilepsie mais sont en réalité psychogènes. Elles s’avèrent être les symptômes de la manifestation de pouvoirs paranormaux lui permettant d’agir sur son environnement et sur les gens qui l’entourent. Mais cette capacité surnaturelle, née de ses pulsions les plus intimes, semble incontrôlable. 

Dans ce film visuellement somptueux et constellé de morceaux de bravoure, les comédiens semblent en état de grâce. L’un des sommets de mise en scène et d’implication du spectateur est sans doute la séquence du concert au cours de laquelle Joachim Trier, manifestement sous l’influence d’Alfred Hitchcock et de Brian de Palma, mélange les émotions avec beaucoup d’habileté, soutenu par une partition singulière d’Ola Flottum convoquant les orgues religieux, les violons d’orchestre de chambre et les instruments médiévaux. Sans prendre tout à fait les allures d’une bande originale de film fantastique, la musique subtile et déroutante de Thelma laisse sans cesse sourdre l’étrangeté, le malaise et l’anormalité mais évite de les exposer frontalement. Le paranormal s’affirme d’ailleurs ici comme une métaphore de la sortie de l’adolescence, de la libération du poids de traditions familiales étouffantes, de la possibilité d’assumer ses désirs refoulés, mais aussi de la quête de libre arbitre et d’autonomie. 

La petite sœur norvégienne de Carrie

En ce sens, Thelma évoque souvent Carrie, la jeune héroïne souffrant ici aussi d’un carcan familial puritain trop rigide. D’autres moments forts constellent le métrage, notamment le prologue glaçant (dans tous les sens du terme) ou la scène de la piscine qui n’est pas sans rappeler La Féline de Jacques Tourneur. Trier connaît donc ses classiques mais s’efforce de les transcender pour mieux les adapter à la sensibilité de son récit. Sans doute le film accuse-t-il quelques longueurs et se perd-il parfois dans d’inutiles maniérismes auteurisants, mais son propos reste très fort et sa mise en forme remarquable. Il faut bien sûr saluer la performance tout en retenue d’Eiji Harboe qui nous fait croire à l’incroyable grâce à sa prestation fragile et à fleur de peau, qui incite le réalisateur à laisser parfois la porte ouverte à quelques séquences d’improvisation.
 
© Gilles Penso

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