WOLVERINE : LE COMBAT DE L’IMMORTEL (2013)

James Mangold se réapproprie le plus célèbre des X-Men pour le transformer quasiment en samouraï partagé entre son humanité et sa bestialité

THE WOLVERINE

2013 – USA

Réalisé par James Mangold

Avec Hugh Jackman, Hiroyuki Sanada, Tao Okamoto, Rila Fukushima, Famke Janssen, Will Yun Lee 

THEMA SUPER-HÉROS I MUTATIONS I SAGA X-MEN I MARVEL

Depuis sa création par le scénariste Len Wein en 1974, Wolverine s’est taillé la part du lion au sein des X-Men, acquérant bien vite le statut du plus populaire de tous les mutants issus des ateliers Marvel. Aussi a-t-il droit à sa propre série de films, parallèlement à ceux consacrés à l’équipe complète. Après un X-Men Origins : Wolverine n’ayant pas convaincu les aficionados, Logan revient donc sous le feu des projecteurs pour un nouveau long-métrage situé cette fois-ci après X-Men 3. Fidèles à leur penchant pour les crossovers et les spin-offs – illustré avec brio dans la franchise Avengers – les studios Marvel, associés ici avec la Fox, tissent ainsi les liens complexes d’une épopée dont le point culminant aura été la prodigieuse préquelle X-Men, le commencement dirigée par Matthew Vaughn. Ici, c’est James Mangold qui tient les rênes, un choix qui peut sembler curieux dans la mesure où le cinéaste, signataire d’indéniables réussites dans le domaine du polar (Copland), du thriller (Identity) ou du western (3h10 pour Yuma), est ici loin de son registre habituel. Mais dès les premières minutes de Wolverine : le combat de l’immortel, tous les doutes se dissipent.

Avec une maestria proche du Steven Spielberg d’Empire du Soleil, Mangold plante ses caméras dans le Nagasaki de 1945 et plonge son héros dans la tourmente d’un bombardement atomique à l’issue duquel il se lie d’amitié avec Yashida, un soldat japonais qu’il sauve in-extremis des flammes nucléaires. Les années ont passée et Logan a vécu de nombreux tourments, le moindre n’étant pas la mort de sa bien-aimée Jean Grey. Désormais hanté par des cauchemars récurrents, il est tiré de sa vie d’ermite par Yukio, une jeune Japonaise experte en arts martiaux qui fait office de messagère. Logan est attendu à Tokyo où Yashida, prêt à exhaler son dernier souffle, souhaite lui faire ses adieux. Mais dans le pays du soleil levant, l’homme aux griffes d’adamantium est un parfait étranger, et l’ennemi qu’il s’apprête à rencontrer dépasse tout ce qu’il a pu affronter jusqu’alors. 

Les luttes intérieures de Logan

Wolverine nous offre des séquences d’action étourdissantes (le kidnapping en plein centre-ville, le combat nocturne contre les ninjas ou encore cette incroyable course-poursuite sur le toit d’un train ultra-rapide qui fera date dans l’histoire des cascades et des effets spéciaux) et jette notre héros en pâture à des adversaires hauts en couleurs (la fascinante et vénéneuse « Vipère », le très impressionnant « Samouraï »). Mais le film ne repose pas majoritairement sur son caractère spectaculaire. Les luttes intérieures de Logan, traduites à merveille par le jeu intense d’Hugh Jackman, n’ont jamais été aussi violentes. Partagé entre deux cultures (l’Occident et l’Orient), deux natures (l’homme et le monstre), deux instincts (le repli sur soi ou le sacrifice altruiste), Wolverine est déchiré, et la remise en cause de son immortalité entame son habituelle détermination. Wolverine porte en son sein l’une des images les plus fortes de l’histoire du film de super-héros, celle d’un homme vaincu, genou à terre, le dos percé de centaines de projectiles tissant derrière lui une inextricable toile d’araignée, mais luttant toujours pour rendre justice coûte que coûte. Et la citation d’Elie Wiesel, décrivant le légendaire Golem, nous revient alors en mémoire : « Connaissez-vous des êtres qui n’existent que pour autrui, qui vouent le moindre souffle, le moindre battement de paupières, la plus infime parcelle de leur existence à une vocation unique et sacrée : celle de protéger la vie ? » Avec Wolverine, la saga X-Men s’orne ainsi d’un de ses plus beaux opus, dont l’épilogue déconcertant et ouvert attise fortement notre curiosité.

 

© Gilles Penso  

À découvrir dans le même genre…

 

Partagez cet article

TEXAS CHAINSAW 3D (2013)

Une énième variante sur Massacre à la tronçonneuse qui se raccorde directement à la fin du classique de Tobe Hooper

TEXAS CHAINSAW 3D

2013 – USA

Réalisé par John Luessenhop

Avec Alexandra Daddario, Dan Yeager, Trey Songz, Scott Eastwood, Tanua Raymonde, Shaun Sipos, James MacDonald 

THEMA CANNIBALES I TUEURS I SAGA MASSACRE À LA TRONÇONNEUSE

Massacre à la Tronçonneuse a déjà été accommodé à toutes les sauces depuis 1974 : séquelles, remake, préquel, parodies, hommages… A de rares exceptions près, la plupart de ces relectures facultatives ne servaient qu’à renforcer le caractère exceptionnel et séminal du chef d’œuvre de Tobe Hooper. Après le diptyque réalisé à tour de rôle par Marcus Nispel et Jonathan Liebesman, Platinum Dunes décida d’abandonner la franchise, laquelle fut rachetée par Twisted Pictures afin de profiter de l’indéniable notoriété de la « marque ». Car à ce stade, l’entreprise semble bien plus commerciale qu’artistique. L’idée consiste à attirer un nouveau public – peu enclin à s’intéresser aux « vieilles » versions – en s’appuyant sur le gimmick de la 3D, désormais incontournable.

Malgré nos réticences, le film s’amorce plutôt bien. Le générique égrène les moments les plus forts de l’œuvre originale, accentuant leur impact par leur post-conversion en 3D et l’emploi d’une nouvelle bande son. Puis l’intrigue se raccorde très exactement à la fin de Massacre à la Tronçonneuse, au moment où Sally échappe de justesse aux griffes de Leatherface et où celui-ci danse bizarrement sur la route, la tronçonneuse à la main, nimbé dans la lueur du soleil rasant. Le shérif ne tarde pas à débarquer devant la maison Sawyer, arme au poing, persuadé de pouvoir faire évacuer la famille maudite dans le calme et l’ordre. Mais il est rapidement rejoint par les autochtones qui entendent bien faire justice eux-mêmes. Sans se soucier des protestations du policier, ils incendient la maison et récupèrent parmi les cendres une tronçonneuse qui devient leur trophée, désormais exhibé fièrement dans le bar principal de la ville. Mais une femme a échappé au brasier. Un homme du cru la repère, la tue et récupère le bébé qu’elle serrait contre sa poitrine, pour l’élever lui-même avec son épouse.

Un scénario bourré d'incohérences

Ce prologue, qui restitue bien l’atmosphère des années 70, évoque les travaux de Rob Zombie et notamment The Devil’s Rejects. Mais la suite n’est pas à la hauteur. Car nous voilà désormais en 2012, avec le sempiternel groupe de jeunes gens parti passer le week-end dans les bois. A leur tête se trouve Heather, qui vient d’hériter d’une belle demeure en plein Texas. Or Heather n’est autre que le bébé du prologue. Le problème majeur du film nous saute alors aux yeux : un scénario bourré d’incohérences. Comment une femme qui est censé avoir 39 ans (bébé en 1973, adulte en 2012) pourrait-elle n’avoir que 26 ans (l’âge du personnage à l’écran) ? Comment l’incendie survenu le soir du 19 août 1973 pourrait-il déjà être en première page du journal du 19 août 1973 ? A qui appartient le cadavre putréfié dans la maison d’Heather et pourquoi n’y fait-on plus jamais allusion après qu’un des personnage l’ait découvert ? On n’en finirait plus de citer les invraisemblances qui ponctuent le film, et qu’un scénariste attentif aurait facilement pu éviter. C’est d’autant plus dommage que le parti pris du film, qui consiste à dresser un portrait tellement détestable des texans de la ville de Newt que la famille Sawyer nous semble presque sympathique en comparaison, avait beaucoup d’attrait. Le film est donc bancal. Ni catastrophique, ni révolutionnaire, il se regarde sans déplaisir, nous offre quelques débordements gore en 3D (la lame de la scie menaçante vient souvent à la rencontre du spectateur) mais n’apporte pas grand-chose à la saga et s’achève de manière très frustrante.

 

© Gilles Penso

À découvrir dans le même genre…

 

Partagez cet article

C’ETAIT DEMAIN (1979)

Herbert George Wells voyage dans les États-Unis du futur pour y affronter le redoutable Jack l'éventreur

TIME AFTER TIME

1979 – USA

Réalisé par Nicholas Meyer

Avec Malcolm McDowell, David Warner, Mary Steenburgen, Charles Cioffi, Kent Williams 

THEMA VOYAGES DANS LE TEMPS I TUEURS

L’œuvre foisonnante et avant-gardiste d’H.G.Wells (« L’homme invisible », « La guerre des mondes », « L’île du Docteur Moreau ») aura excité l’imaginaire de nombreux lecteurs, metteurs en scène et spectateurs à travers les âges. Nicholas Meyer, scénariste et réalisateur, propose ici une histoire folle et originale : l’auteur de « La machine à explorer le temps » a vraiment inventé ladite machine, et, sur le point de la tester, se la fait voler par un Jack l’Eventreur en fuite. Le fou dangereux atterrit aux USA en 1979. Ce n’est que le début d’une course-poursuite inédite… Film atypique, précurseur et indémodable, C’était demain est avant tout un formidable divertissement d’une générosité à toute épreuve, mélangeant avec classe la science-fiction, le thriller, la comédie, la romance (sublimée par les envolées lyriques du grand Miklos Rozsa), le drame et l’étude sociologique et politique. Rien que ça. Un tel postulat de départ ouvrant de nombreuses voies, Meyer se met en tête de les explorer toutes, sans s’y perdre. Le scénario, limpide et trépidant, rebondit en permanence, et se permet des digressions osées qui font constamment progresser le récit. Les séquences d’exposition, prenant place dans une majestueuse et crédible Angleterre victorienne, présentent et définissent les deux protagonistes principaux à travers leurs actes (Jack tue une prostituée avec une grande violence, laquelle imprégnera chacun de ses meurtres) et leurs pensées. D’un côté, Wells, utopiste, romantique (le vrai ne l’était visiblement pas autant), progressiste (ouvert au socialisme et aux droits des femmes), à la fois cartésien et rêveur acharné, et de l’autre, Jack, tueur sadique et dénué de tout sentimentalisme, cynique voulant profiter de son époque (mais quelque part lui aussi en avance sur son temps, étant le premier serial killer officiel de l’Histoire). Engagés dans une partie d’échecs significative dès leur mise en présence, ils n’auront de cesse de s’opposer tout au long du film, physiquement et moralement.

Après un voyage « spatio-temporel » clignant de l’œil à celui du Superman de Donner (sorti un an auparavant), notre inventeur se retrouve perdu dans une Amérique à la frontière des 80’s. Si Meyer choisit dans un premier temps de saisir le côté comique de la situation (la séquence au Mc Donald’s, les répliques savoureuses et anachroniques), il ne tombe pas dans la gaudriole, très cohérent dans son écriture, Wells étudiant les progrès techniques et son nouvel environnement en scientifique accompli. Deux intrigues très sérieuses s’entremêlent rapidement : une enquête effrénée pour retrouver l’assassin en liberté, évidemment, mais aussi une véritable histoire d’amour naissante. La toujours excellente Mary Steenburgen donne corps à un personnage-clé, archétype de la femme moderne engagée (craquant tout de même sur le charme suranné de Wells) qui guide le savant dans un milieu inconnu et révèle ses côtés chevaleresques, lui procurant ainsi une motivation supplémentaire quand elle devient une victime potentielle. Coupant court au suspense, Meyer choisit de remettre rapidement les deux adversaires face-à-face, dans une scène d’une importance capitale, parfaite césure où leurs points de vue divergents s’expriment en toute liberté, éclairés par cette époque nouvelle. Là où l’utopiste pensait trouver une société évoluée, démocratique et pacifiste, Jack lui démontre par A+B qu’il se trompe lourdement… En allumant simplement la télévision. Les images de violence se succèdent sous les yeux effarés de Wells, et le tueur en pleine extase prend un malin plaisir à ébranler les convictions de sa Némésis, lui assénant deux répliques cultes : « Vous n’êtes pas allé vers le futur, Herbert, mais vers la Préhistoire », et l’imparable « Il y a 90 ans, j’étais un monstre. Aujourd’hui, je suis un amateur. Repartez sans moi. Le futur vous décevra. Le futur c’est moi ». Cette discussion se soldera par une gifle, donnée par un Wells outré. Le sens profond du film est là : la violence est contagieuse, et le progressiste ouvert au dialogue y coupe court quand il se sent acculé, réalisant que le futur est pire que le passé, et qu’il s’est trompé. La fracture entre eux n’en sera que plus marquée, la poursuite qui s’ensuit les voyant se retrouver sur deux ponts, littéralement à l’opposé l’un de l’autre.

Malcolm McDowell contre David Warner

Relevons ici les performances implacables de Malcolm McDowell, fragile et déterminé, à mille lieux de Caligula ou de l’Alex d’Orange Mécanique, et de David Warner, glacial et imposant au possible. Il fallait bien des acteurs de cette trempe pour incarner les contradictions des personnages, contradictions qui, ajoutées à leurs facultés d’adaptation mutuelles, seront déterminantes de leur destin. Car c’est en lisant enfin dans les pensées de son ennemi et en choisissant lui aussi de s’adapter aux lois de cette nouvelle ère que Wells l’emportera. Et c’est là que le fond du film achève de l’élever au-dessus du simple divertissement, Meyer usant de détails subtils pour distiller son discours : McDowell reste habillé tout du long dans ses habits d’époque, revendiquant sa différence (ce qui lui vaudra de se faire remarquer et arrêter par la police), contrairement à Warner qui adopte immédiatement un look moderne, se fondant dans la masse tel un prédateur, faisant corps avec le présent. C’est donc logiquement par le biais d’un symbole de modernité et de progrès, la voiture, que le gentleman gagnera la partie. Chevalier des temps modernes, il conduira ce fier destrier non sans mal (l’héroïne lui ayant rapidement appris) pour aller délivrer sa belle des griffes du monstre. Par deux fois dans le film, il aura manqué de se faire écraser par des automobiles (là où Jack se sera fait percuter de plein fouet juste après leur scission de pensées, accident lui permettant d’échapper à son poursuivant), et un pneu crevé l’aura empêché de sauver une malheureuse victime. Accepter les dysfonctionnements de l’Humanité, continuer néanmoins la lutte pour l’évolution des mentalités en usant des mêmes armes que les cyniques, la parabole est belle et salutaire. Mieux, au-delà du combat d’idées, c’est l’amour qui régule l’Univers (rapprochant un peu plus l’œuvre du magnifique Quelque part dans le temps), Wells concluant avec cette phrase romanesque et porteuse d’espoir : « Si nous voulons maîtriser le temps, nous devons savoir maîtriser la nature de l’Homme. Tous les siècles se ressemblent, il n’y a que l’Amour qui puisse les rendre supportables ».

 

© Julien Cassarino

Partagez cet article

PACIFIC RIM (2013)

Guillermo del Toro rend hommage aux films de monstres de son enfance en opposant des robots géants à de colossales créatures surgies des océans

PACIFIC RIM

2013 – USA

Réalisé par Guillermo del Toro

Avec Charlie Hunnam, Idris Elba, Rinko Kikuchi, Charlie Day, Rob Kazinsky, Max Martini, Ron Perlman      

THEMA FUTUR I ROBOTS I MONSTRES MARINS

Un film qui achève son générique par une dédicace « à la mémoire des Maîtres des Monstres Ray Harryhausen et Ishiro Honda » ne peut pas être antipathique ! Avec Pacific Rim, Guillermo del Toro a décidé de citer ses sources, autrement dit les pères respectifs du Monstre des temps perdus et de Godzilla. C’est donc l’enfance qui est ici convoquée. Pas celle meurtrie de L’Échine du diable ou du Labyrinthe de Pan, mais celle – autobiographique – d’un petit garçon dévorant des films de monstres sur son petit écran et jouant aux robots dans sa chambre. Derrière son budget colossal et ses allures trompeuses de blockbuster formaté, Pacific Rim transpire donc la sincérité. Certes, c’est un plaisir coupable. Comment pourrait-il en être autrement avec un scénario s’appuyant sur des luttes entre des créatures amphibies de mille tonnes et des machines humanoïdes hautes comme des immeubles de vingt étages ? Mais quel spectacle généreux ! Quel exutoire ! Quel incroyable terrain de jeu ! Dès ses premières minutes, Pacific Rim met de côté la part adulte de chaque spectateur. « Quand j’étais gamin, et que je me sentais seul ou tout petit, je regardais les étoiles en me demandant si elles pouvaient être habitées », nous dit une voix off. « Eh bien, il se trouve que je regardais dans la mauvaise direction ». En effet, le danger ne vient pas de l’espace mais des profondeurs.

Au fin fond de l’Océan Pacifique, une brèche s’est ouverte, laissant régulièrement s’échapper des monstres titanesques, les « kaijus », dont les morphologies semblent combiner le dinosaure, le poisson et l’insecte, et dont le pouvoir de destruction semble illimité. Faute de pouvoir les abattre à l’aide d’armes traditionnelles, les gouvernements s’unissent pour concevoir un arsenal à la hauteur de la menace : les « jaegers », autrement dit des robots de 80 mètres de haut pilotés par des duos de pilotes dont les esprits communiquent télépathiquement. Mais plus les monstres surgissent, plus ils s’avèrent puissant, et au bout de sept ans de luttes acharnées, seuls quatre jaegers sont encore en état de marche…

L'anti-Transformers

Pacific Rim concrétise sur grand écran un fantasme pur, que le Robot Jox de Stuart Gordon n’avait su qu’esquisser faute de moyens, et que les « kaiju-eiga » des studios Toho et Daei n’avaient que partiellement pu assouvir. Le film ne ment pas, ne cherche jamais à transcender la promesse de départ, mais il la tient avec tous les égards qu’elle mérite. Bien sûr, Pacific Rim n’est pas exempt de défauts. L’illisibilité de certains combats peut s’avérer frustrante, la simplification extrême des relations humaines confine au cliché, et la bande originale primaire de Ramin Djawadi sature les 120 minutes de métrage avec la finesse d’un marteau piqueur. De la part d’un esthète raffiné de la trempe de Guillermo del Toro, on pensait pouvoir éviter ces écueils. Mais le plaisir reste quasiment intact, d’autant que le cinéaste saupoudre sans cesse son film d’humour. Aux rires gras et cyniques d’un Transformers, il préfère la drôlerie surréaliste véhiculée par des personnages secondaires truculents (Ron Perlman en tête), laissant en fin de film ses spectateurs lessivés mais heureux.
  

© Gilles Penso

Partagez cet article

FANTASTIC FOUR (1994)

La fameuse adaptation des Quatre Fantastiques produite par Roger Corman et immédiatement retirée du marché

FANTASTIC FOUR

1994 – USA

Réalisé par Oley Sassone

Avec Alex Hyde-White, Jay Underwood, Rebecca Staab, Michael Bailey Smith, Ian Trigger, Joseph Culp, George Gaynes

THEMA SUPER-HEROS I SAGA LES QUATRE FANTASTIQUES I MARVEL

Les Quatre Fantastiques, créés en 1961 par les très prolifiques Stan Lee et Jack Kirby, étaient des super-héros longtemps réputés inadaptables à l’écran pour cause d’effets spéciaux trop compliqués. En effet, après un voyage dans l’espace l’ayant exposé à de dangereux rayons cosmiques, notre quatuor se retrouve doté de pouvoirs pour le moins spectaculaires. Reed Richards, chef de l’expédition, est capable d’étirer son corps dans tous les sens comme s’il s’agissait d’un élastique. Sue Storm, sa petite amie, peut devenir invisible à volonté. Johnny, le frère de Sue, a la faculté de s’enflammer et de projeter des flammes à tout va. Quant à Ben Grimm, ami de Richards, il devient carrément La Chose, autrement dit un colosse recouvert de pierres orange ! Avec l’avènement des images de synthèse, une version cinématographique des Quatre Fantastiques devenait envisageable. Or c’est Roger Corman qui, le premier, parvint à en acquérir les droits pour se lancer dans une adaptation pour le moins modeste.

Tout commence par un prometteur générique sur fond étoilé, avec une partition symphonique pleine d’emphase, héritée de Jerry Goldsmith et James Horner. Le scénario, extrêmement basique, prend le parti de la fidélité dans la forme et dans le fond aux pages du comic book. A l’exception du personnage du Docteur Doom, ennemi juré des quatre héros, dont les origines sont modifiées pour être directement liées au personnage de Reed Richards. Autant l’avouer : la réalisation d’Oley Sassone n’a aucun panache, tous les acteurs surjouent sans subtilité, les costumes ressemblent à des pyjamas et les décors minimalistes trahissent le budget sous-dimensionné d’un tel projet. Pourtant, ce Fantastic Four se laisse regarder sans déplaisir, d’abord parce qu’il concrétise un fantasme de bédéphile couvé depuis des décennies, ensuite parce qu’on sent l’envie de bien faire malgré les moyens squelettiques.

Un film maudit

Les trucages, nerfs de la guerre en pareille circonstance, sont certes artisanaux mais souvent inventifs, avec une mention spéciale pour le costume animatronique de Ben Grimm (alias la Chose) plutôt convaincant. L’élasticité de Reed Richards se cantonne à quelques étirements de bras et de jambes furtifs, et l’invisibilité de Sue se concrétise via de simples fondus enchaînés. Johnny Storm, lui, s’enflamme grâce à des effets cartoon pleins de charme, notamment au cours du dénouement où il tente d’empêcher le rayon laser du docteur Doom de détruire New-York. Bref, ce modeste produit Corman vaut bien L’Incroyable Hulk de Kenneth Johnson, et surpasse haut la main les exécrables Captain America et autres Homme-Araignée que les fans de Marvel devaient alors se mettre sous la dent. Hélas, 20th Century Fox ayant décidé de produire sa propre version des aventures des Quatre Fantastiques, autrement plus luxueuse, le film d’Oley Sassone ne fut jamais projeté au cinéma, ni même diffusé ou distribué sur un quelconque support officiel. Résultat : The Fantastic Four version 1994 a disparu de la circulation, et la Fox attendit onze ans avant de proposer une adaptation pas vraiment folichonne. Bref, c’est le spectateur qui en est sorti perdant. Dommage, cette œuvrette sympathique ne méritait tout de même pas un tel bannissement.

 

© Gilles Penso

Partagez cet article

À découvrir dans le même genre…

 

Partagez cet article

GAMERA (1965)

Pour concurrencer le succès croissant du Godzilla de la Toho, le studio Daei invente Gamera le tortue géante !

DAIKAIJU GAMERA

1965 – JAPON

Réalisé par Noriaki Yuasa

Avec Eiji Funakoshi, Harumi Kiritachi, Junichiro Yamashiko, Yoshiro Uchida, Michiko Sugata, Yoshiro Kitahara 

THEMA REPTILES ET VOLATILES I SAGA GAMERA

Depuis 1954, Godzilla et ses séquelles font un tabac partout dans le monde, à la grande joie du studio japonais Toho. Très envieuse de ce succès colossal, la compagnie concurrente Daeï décide de surfer sur la vague en lançant son propre monstre géant radio-actif : Gamera, la tortue antédiluvienne ! Un tel concept peut prêter à sourire, mais cette créature improbable se tailla une place de choix dans le paysage cinématographique nippon, et le premier Gamera eut droit à une bonne dizaine de séquelles. Très proche du Godzilla original dans son ambiance et sa mise en forme (en Cinémascope noir et blanc), Gamera le Monstre Géant commence au beau milieu de l’Arctique où s’engage une bataille aérienne entre des chasseurs de l’US Air Force et des avions non identifiés (probablement russes puisque nous sommes alors en pleine guerre froide). L’un des appareils, chargé d’une arme nucléaire, s’écrase dans le désert blanc en provoquant un gigantesque champignon atomique. Aussitôt, Gamera, monstre atlante endormi sous les glaces depuis des millénaires, surgit de son carcan gelé et détruit tout sur son passage.

L’anatomie de ce reptile démesuré laisse rêveur. Si ses allures évoquent vaguement une tortue, il marche sur ses pattes postérieures comme un homme, est censé mesurer soixante mètres de haut, arbore deux canines énormes, aspire le feu et – summum de délire surréaliste – se transforme en soucoupe volante pour pouvoir évoluer dans les airs ! Plusieurs séquences évoquent fatalement Godzilla, mais aussi son modèle Le Monstre des temps perdus, notamment l’attaque de la centrale électrique et la destruction du phare, véhiculant un sentiment de déjà-vu que rachètent en partie les jolies maquettes, les effets pyrotechniques généreux et les incrustations habiles. Or, comme souvent dans ce type de production, c’est finalement le monstre lui-même qui s’avère le plus mal loti en matière d’effets spéciaux. Son costume en latex ne fait pas vraiment illusion, et le dessin animé tremblotant qui le représente sous sa forme « aérienne » est d’une touchante maladresse.

Expédions Gamera sur la planète Mars !

Entre deux scènes de monstre, le scénario s’intéresse à une poignée de protagonistes humains, en particulier un savant fasciné par l’Atlantide, un petit garçon obsédé par les tortues et un journaliste qui s’entiche d’une scientifique timorée. Mais la légèreté avec laquelle sont traités ces protagonistes archétypaux entrave tout processus d’identification. Pourtant, on sent bien un effort, au fil du récit, pour s’inscrire dans les préoccupations de l’époque, notamment les tensions politiques entre l’Est et l’Ouest et les conflits générationnels propres aux années soixante. Mais la lourdeur des dialogues (« Ils viennent propager la guerre froide jusque dans le havre de paix des Esquimos ») et de la mise en scène (les jeunes fêtards amateurs de pop music qui se heurtent aux autorités ne sont pas crédibles pour un sou) ruinent souvent ces belles intentions. Finalement, toutes les nations s’unissent dans l’euphorie pour concevoir le génial plan Z, qui consiste tout simplement à se débarrasser de Gamera en l’envoyant sur la planète Mars à bord d’une fusée géante ! Evidemment, l’exil de la tortue ne durera guère…

 

© Gilles Penso

Partagez cet article

LES MONSTRES DE L’ESPACE (1967)

La troisième aventure cinématographique du professeur Quatermass nous ramène aux origines de l'humanité… et du Mal

QUATERMASS AND THE PIT

1967 – GB

Réalisé par Roy Ward Baker

Avec Andrew Keir, Barbara Shelley, James Donald, Julian Glover, Duncan Lamont, Bryan Marshall, Peter Copley 

THEMA EXTRA-TERRESTRES I DIABLE ET DEMONS

Troisième long-métrage consacré aux aventures du professeur Bernard Quatermass après Le Monstre et La MarqueLes Monstres de l’Espace est probablement le plus marquant de la série, grâce à son scénario d’une étonnante audace. Le film se démarque d’ailleurs de ses deux prédécesseurs par un changement de casting, par un nouveau metteur en scène, et par le passage à la couleur. Roy Ward Baker prend donc la relève de Val Guest derrière la caméra, et Andrew Keir se substitue à Brian Donlevy dans le rôle de Quatermass. Nous sommes à Londres. Alors qu’ils travaillent au prolongement d’une ligne de métro, à la station Hobbs End, des ouvriers mettent à jour d’étranges squelettes. Dépêché sur place, le docteur Mathew Roney, éminent paléontologue, identifie et date les ossements. Il s’agit, selon lui, d’hommes-singes vieux de cinq millions d’années. A proximité des fossiles, on découvre un énorme engin que l’armée pense être une bombe de fabrication allemande datant de la seconde guerre mondiale. Mais Quatermass, venu prêter main forte à Roney, pense plutôt à un vaisseau spatial. Insensible aux chalumeaux et aux perceuses les plus puissantes, l’engin finit par s’ouvrir seul, révélant d’étranges habitants : des arthropodes aux allures de sauterelles, grands comme des hommes…

Quatermass en déduit une inquiétante théorie : ces fossiles seraient ceux de Martiens venus coloniser notre planète à l’époque préhistorique. Leur faciès inquiétant, leurs yeux globuleux et leurs cornes semblent d’ailleurs inscrits dans l’inconscient collectif comme l’imagerie traditionnelle du Diable. Et si la religion, la superstition et les pouvoirs paranormaux trouvaient leur origine sur Mars ? Et si les humains n’étaient que des créatures hybrides conçues par les Martiens eux-mêmes il y a cinq millions d’années ? Tandis que Quatermass tente de convaincre le gouvernement du bien-fondé de cette étrange thèse, l’engin émet des vibrations, provoquant une série de phénomènes mystérieux et semant un vent de panique dans les rues de Londres. Difficile de ne pas être captivé par ce récit de science-fiction ébranlant toutes les croyances religieuses.

Le Diable vient-il de Mars ?

L’interprétation impeccable du trio Andrew Kerr (l’imperturbable Quatermass), James Donald (l’exalté Roney) et Barbara Shelley (l’impressionnable Miss Judd) et la mise en scène ciselée de Roy Ward Baker participent de l’efficacité redoutable du film, d’autant que la majeure partie du métrage est construite autour de dialogues en huis-clos. Et même si certains effets spéciaux trahissent le petit budget dont ont bénéficié les studios Hammer (le look des fossiles martiens, les visions de la planète Mars), la plupart des séquences d’action sont menées de main de maître, notamment la folie destructrice qui s’empare de la ville à la fin du film, au beau milieu d’un tourbillon d’objets en apesanteur, de façades d’immeubles qui s’écroulent et d’humains qui s’entretuent sauvagement. Le film marqua les mémoires du public et des cinéphiles, notamment celles de John Carpenter qui en réalisa presque un remake avec Prince des Ténèbres, et qui réutilisa le nom d’Hobbs End pour L’Antre de la folie.

© Gilles Penso

Partagez cet article

LE MASQUE DE LA MORT ROUGE (1964)

La sixième et la plus luxueuse des adaptations d'Edgar Poe réalisées par Roger Corman, avec toujours Vincent Price en tête d'affiche

THE MASQUE OF THE RED DEATH

1964 – USA

Réalisé par Roger Corman

Avec Vincent Price, Hazel Court, Jane Asher, David Weston, Nigel Green, Patrick Magee, Paul Whitsun-Jones, Robert Brown  

THEMA MORT I SAGA EDGAR POE PAR ROGER CORMAN

Sixième adaptation d’Edgar Poe signée Roger Corman, Le Masque de la Mort Rouge est l’épisode le plus luxueux de toute la série, ne reculant ni devant les décors grandioses, ni devant les costumes magnifiques, ni même devant une abondante figuration. Le budget du film est pourtant sensiblement identique aux autres films du cycle, mais Corman s’est débrouillé pour lui donner un vrai panache. Si on ajoute à ces qualités formelles la finesse d’un scénario qui joue la carte de la satire sociale et s’inscrit en parabole de la lutte des classes, de la dictature et de la chute d’un empire décadent, on comprend que Le Masque de la Mort Rouge soit souvent considéré comme le meilleur film de la collection.

Avec une apparente délectation, Vincent Price incarne l’ignoble Prince Prospero, un riche châtelain chez qui le sadisme le dispute à la duplicité. Lorsque le film commence, il ordonne à ses hommes d’incendier le village de Cartania, car l’un des habitants a contracté la Mort Rouge. Prospero voue en effet une véritable phobie à cette peste sanglante, qu’Edgar Poe décrivait en ces termes : « C’étaient des douleurs aiguës, un vertige soudain, et puis un suintement abondant par les pores, et la dissolution de l’être. Des taches pourpres sur le corps, et spécialement sur le visage de la victime, la mettaient au ban de l’humanité. » Persuadé d’être à l’abri dans son château, il y organise un grand bal masqué, prétexte à de nombreux jeux cruels dont il s’est fait une spécialité. Il oblige par exemple une paysanne à choisir entre la mort de son fiancé ou de son père, humilie ses convives en les forçant à imiter des animaux, et exécute d’un coup d’arbalète ceux qui demandent asile dans son château. A un seigneur qui l’accuse de corrompre les jeunes filles, il répond « je ne les corromps pas, je les instruis. »

La Faucheuse dans son manteau écarlate

Pour couronner le tout, Prospero est un adorateur de Satan, tout comme sa sœur Giuliana (Hazel Court) qui signe un pacte avec le diable. Elle se marque ainsi la poitrine au fer rouge avec une croix inversée, est en proie à des hallucinations où elle se voit sacrifiée au cours d’étranges rites païens, puis meurt brutalement au cours d’une scène choc dans laquelle un rapace la déchiquette à coup de bec. Le gore inhérent à pareille mise à mort est évacué au profit d’un montage des plus efficaces. Le fait est que la Mort Rouge elle-même a décidé de jouer un tour à Prospero et de le prendre à son propre piège. Ainsi, alors qu’il se croit hors de portée de la terrible maladie, celle-ci s’infiltre parmi ses invités sous forme d’un étrange personnage en habit écarlate… A la mise en scène élégante de Roger Corman et au scénario millimétré de Charles Beaumont et Wright Campbell viennent s’ajouter de savoureux dialogues et une musique de David Lee qui joue la carte de la variété, alternant ritournelles médiévales, valses viennoises et mélopées tribales influencées par Igor Stravinsky et son incontournable « Sacre du Printemps ». L’épilogue, cynique et poétique, voit la mort arpenter les bois nocturnes sous la forme inattendue d’une dizaine de silhouettes arborant des habits aux couleurs différentes, chacune symbolisant un moyen inéluctable pour mettre fin aux jours des humains.

 

© Gilles Penso

À découvrir dans le même genre…

 

Partagez cet article

L’EMPIRE DE LA TERREUR (1962)

Seul film à sketches du cycle d'adaptations d'Edgar Poe que Roger Corman signa dans les années 60, L'Empire de la terreur offre trois rôles distincts à Vincent Price

TALES OF TERROR

1962 – USA

Réalisé par Roger Corman

Avec Vincent Price, Peter Lorre, Basil Rathbone, Maggie Pierce, Leona Gage, Joyce Jameson, Debra Paget, David Frankham 

THEMA FANTÔMES I MAMMIFERES I ZOMBIES I SAGA EDGAR POE PAR ROGER CORMAN

Pour sa quatrième adaptation des écrits d’Edgar Poe, Roger Corman a opté pour la structure d’un film à sketches. L’idée est excellente, car l’un des rares reproches qu’on pourrait faire aux trois films précédents est leur rythme un peu lent, étirant parfois à l’extrême des intrigues qu’une demi-heure aurait souvent suffi à raconter. De fait, L’Empire de la terreur est l’un des meilleurs films de cette mémorable collection. Cet extraordinaire triptyque est dominé par le talent de Vincent Price, campant trois personnages aussi dissemblables que faire se peut, et entouré d’un casting de haut niveau. Le premier sketch s’inspire très vaguement de la nouvelle « Morella ». Price y incarne le taciturne Locke. Depuis le trépas de sa femme, il y a vingt-six ans, il a sombré dans l’alcoolisme et rend sa fille Lenora responsable de cette mort. Lorsque celle-ci lui rend visite dans son immense demeure abandonnée aux toiles d’araignées, autant dire qu’elle reçoit un accueil glacial. Une nuit, Lenora découvre le corps momifié de sa mère, que Locke n’a pu se résoudre à enterrer. L’esprit de Morella prend possession dès lors de Lenora… Au-delà de la nouvelle « Morella », le récit semble aussi puiser son inspiration dans « Ligeia » et évoque surtout La Chute de la maison Usher que réalisa Corman deux ans plus tôt. Le personnage joué par Price, les décors et le dénouement incandescent y ressemblent étonnamment.

La deuxième histoire adapte avec pas mal de libertés « Le Chat Noir » en y greffant surtout des éléments de « La Barrique d’Amontillado ». Cette fois-ci, Price est l’aristocrate caricatural Fortunato Luchresi, qui séduit l’épouse de Montresor, un incorrigible alcoolique auquel l’excellent Peter Lorre prête ses traits arrondis et son regard fou. Lorsqu’il découvre le pot aux roses, Montresor fomente une cruelle vengeance. Son plan semble parfait, mais c’était sans compter sur le chat noir de son épouse… L’ensemble du sketch baigne dans un humour noir omniprésent, et la scène des goûteurs de vin, notamment, est un sommet de dérision jubilatoire, porté par les dialogues brillants de Richard Matheson.

« Une abominable putréfaction »

Le dernier conte revient à un ton sérieux, reprenant la trame de « la Vérité sur le cas de Monsieur Valdemar » en y ajoutant un chantage machiavélique. Ici, Price est un vieillard à l’article de la mort. Pour repousser l’instant fatidique et chasser la douleur, il a eu recours aux services du docteur Carmichael, un hypnotiseur qui l’a plongé dans une transe le laissant ni mort, ni vivant. Carmichael, interprété par un Basil Rathbone au regard libidineux et dégoulinant de duplicité, profite de la situation pour réclamer les faveurs de l’épouse de Valdemar. Mais celui-ci revient d’entre les morts, sous forme d’un zombie vengeur, et s’en prend au sinistre hypnotiseur. Le final plonge dans l’horreur grand-guignolesque, le corps tout entier de Valdemar se décomposant en accéléré pour ne devenir qu’un immonde amas d’os et de chairs liquéfiées, une vision de cauchemar qui renvoie directement aux mots qu’Edgar Poe emploie pour achever cette nouvelle : « Sur le lit, devant tous les témoins, gisait une masse dégoûtante et quasi liquide, – une abominable putréfaction. »

 

© Gilles Penso

Partagez cet article

PLANETE INTERDITE (1956)

Cet incontournable classique du cinéma de science-fiction transpose dans l'espace La Tempête de William Shakespeare

FORBIDDEN PLANET

1956 – USA

Réalisé par Fred McLeod Wilcox

Avec Walter Pidgeon, Anne Francis, Leslie Nielsen, Warren Stevens, Jack Kelly, Richard Anderson, Earl Holliman 

THEMA SPACE OPERA I ROBOTS

Planète Interdite n’est pas un film de science-fiction comme les autres. Les années 50 étaient fort propices au genre et nous offrirent de nombreux classiques depuis le début de la décennie, mais celui-ci possède une aura toute particulière. L’une de ses singularités repose sur sa convocation des classiques de la littérature et des mythes antiques. Car le scénario du film, audacieux, recycle plusieurs motifs mythologiques (on y cite Bellerophon et la Gorgone) et transpose dans l’espace la trame de la pièce « La Tempête » de William Shakespeare. Dans le texte poétique du célèbre dramaturge, le duc Prospero était isolé avec sa fille Miranda sur une île déserte et pratiquait la magie grâce aux ouvrages en sa possession. Lorsque trois naufragés s’échouaient sur l’île, Prospero les soumettait à une série d’épreuves initiatiques. Dans le film de Fred McLeod Wilcox, le duc et sa fille se nomment désormais Morbius et Altaira, l’île s’est muée en planète Altaïr IV, et les naufragés sont les membres d’un équipage spatial venu explorer les lieux.

Le scénario de Cyril Hume se plaît à maintenir jusqu’au bout le parallèle avec l’œuvre de Shakespeare, jusque dans ses répercussions psychanalytiques et métaphysiques les plus profondes. Ainsi, sous ses allures de série B de SF délicieusement pulp, colorée et exubérante (son poster est devenu un archétype du genre), Planète Interdite nous propose d’explorer les recoins de la nature humaine. Même Robbie le Robot, figure désormais incontournable de la culture populaire, révèle sous ses apparences de sympathique tas de boulons aux pouvoirs quasi-illimités une filiation avec Ariel, l’esprit de l’air et de la vie décrit dans « La Tempête ». A l’opposé, le terrifiant « Monstre de l’Id » qui attaque l’équipage en pleine nuit (superbement animé en rotoscopie par Joshua Meador, transfuge des studios Disney) est le double science-fictionnel de Caliban, entité négative rattachée aux ténèbres et à la mort.

Une aventure psychanalytique

Sans cesse, le Ça, le Moi et le Surmoi chers à la psychanalyse sont ainsi sollicités au fil du récit, comme en témoigne Morbius qui décrit les créatures maléfiques et invisibles errant sur Altaïr comme des manifestations bestiales et primitives du subconscient, assoiffées de vengeance, de mort et de destruction. La grande force de Planète Interdite est de parvenir à conserver malgré ses hautes ambitions thématiques un aspect distrayant et récréatif, à travers ses superbes effets visuels supervisés par A. Arnold Gillespie, ses magnifiques décors de studio édifiés là où s’étendaient jadis ceux du Magicien d’Oz, sa ravissante et unique protagoniste féminine campée avec ingénuité par Anne Francis, son fier chef d’équipage qu’un Leslie Nielsen pas encore cantonné au registre parodique incarne avec beaucoup d’aplomb, ou encore sa bande son électronique très avant-gardiste signée par les époux Louis et Bebe Barron. Planète Interdite fera beaucoup d’émules. Plusieurs épisodes de La Quatrième dimension recycleront certains de ses accessoires (la soucoupe volante, les uniformes spatiaux et même Robbie). Quant à Gene Roddenberry, il y puisera l’une des sources d’inspiration majeures de la série Star Trek.  

 

© Gilles Penso

À découvrir dans le même genre…

 

Partagez cet article