THE SPIRIT (2008)

Cette adaptation pataude de la BD de Will Eisner prouve que Frank Miller, passé ici derrière la caméra, est bien meilleur auteur de comics que réalisateur

THE SPIRIT

2008 – USA

Réalisé par Frank Miller

Avec Gabriel Macht, Eva Mendes, Samuel L. Jackson, Sarah Paulson, Paz Vega, Eric Balfour, Jaime King, Scarlett Johansson

THEMA SUPER-HEROS I SAGA DC COMICS

Frank Miller est un auteur surdoué qui participa activement au renouveau du comic book traditionnel dans les années 80 et 90. Pour son premier long-métrage en tant que réalisateur, il s’attaqua à « The Spirit » de Will Eisner, une œuvre majeure de la BD américaine des années 40. « The Spirit » est l’histoire d’un policier, Denny Colt, mystérieusement revenu d’entre les morts après une fusillade et mué en justicier affrontant le mal dans les rues de Central City. Son ennemi juré est Octopus, un génie du crime omniprésent. Confiant dans les techniques déjà éprouvées sur Sin City et 300, le réalisateur décida de tourner son film sur fond vert, laissant aux infographistes tout le loisir de reconstituer après coup des décors immenses et excessifs. Ce choix se justifie pleinement par l’aspect iconique du personnage et par ses origines dessinées. Libre à Miller, dès lors, de faire voltiger son justicier au-dessus des toits de la ville avec l’agilité d’un acrobate ou de mettre en scène des bagarres homériques dignes d’un cartoon de Tex Avery.

Suivant une méthode établie par Richard Donner pour Superman, Frank Miller choisit un acteur peu connu pour incarner son super-héros, en l’occurrence Gabriel Macht, et offre le rôle de son ennemi juré à un comédien renommé, l’incontournable Samuel L. Jackson. Car si l’Octopus de la bande dessinée originale n’apparaissait que sous forme de gants blancs énigmatiques, il affirme ici sa présence avec une emphase ostentatoire, arborant toutes sortes de tenues excentriques (cow-boy de western spaghetti, combattant chinois, officier nazi) et pratiquant des expériences scientifiques démesurément contre-nature. Hélas, The Spirit ne parvient jamais à convaincre et encore moins à toucher, tant il multiplie les maladresses et les fautes de goût. La direction artistique est partiellement en cause. L’idée de Frank Miller consiste à inscrire le film dans un contexte rétro-futuriste au datage indéterminé. Or la mayonnaise ne prend pas, faute d’homogénéité et d’unité. Comment pourrait-il en être autrement lorsque des héros vêtus à la mode des années 40 et conduisant des berlines des années 50 utilisent des caméscopes numériques, sont équipés de téléphones portables et chaussent des baskets dernier cri ?

Les clones zozotants de Samuel Jackson

Au lieu de s’harmoniser, les anachronismes se nuisent ici les uns aux autres et brisent la cohérence de l’univers mis en place dans le film. Mais le pire travers du film est probablement son traitement de l’humour. Certes, le sujet prête volontiers à la dérision et Will Eisner lui-même n’était pas d’un sérieux papal. Mais de là à déculotter le super-héros lorsqu’il se trouve en mauvaise posture, à laisser cabotiner Samuel Jackson jusqu’à l’indigestion ou à accumuler les séquences embarrassantes donnant la vedette à une infinité de clones stupides et zozotants, il y a tout de même une marge ! Au détour de plusieurs séquences, The Spirit laisse pourtant entrevoir le passionnant long-métrage qu’il aurait pu être, assumant pleinement son caractère fantastique et muant la ville imaginaire de Central City en personnage à part entière, à la fois alliée et maîtresse éternelle d’un héros qu’on eut aimé plus torturé et plus sombre.

 

© Gilles Penso

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BUVEURS DE SANG (1970)

Les membres d'une secte de hippies satanistes ingurgitent sans le savoir du sang de chien enragé…

I DRINK YOUR BLOOD

1970 – USA

Réalisé par David E. Durston

Avec Bhaska Roy Chowdhury, Jadine Wong, Ronda Fultz, George Patterson, Riley Mills, John Damon, Elizabeth Marner-Brooks

THEMA TUEURS

I Drink your Blood s’intitulait à l’origine Phobia, avant que sa distribution en double programme avec I Eat Your Skin n’incite les producteurs à le retitrer. Deux films projetés côte à côte et nommés respectivement « Je bois ton sang » et « Je mange ta peau », voilà en effet de quoi accrocher un public avide de sensations fortes ! En France, la sortie VHS poussa les distributeurs à une traduction relativement fidèle : Buveurs de sang. Horace Bones (interprété avec beaucoup de conviction par le chorégraphe indien Bhakshar Roy Chowchury) dirige une secte de hippies satanistes directement inspirés par la communauté de Charles Manson. Auto-proclammés fils du diable, ils s’adonnent à des sacrifices nocturnes et violent Sylvia, une jeune fille qui eut la mauvaise idée de les espionner à travers bois. En quête d’un refuge et de nourriture, ils s’installent dans un ancien hôtel désaffecté, au cœur d’une minuscule ville américaine quasiment abandonnée. Le docteur Banner (aucun lien avec Hulk), grand-père de la malheureuse Sylvia, décide de les chasser manu militari. Mais ils le violentent, le droguent au LSD et le lâchent hagard dans la nature.

Pete, le petit-fils de Banner, décide alors de prendre sa revanche. Abattant un chien enragé qui rôdait dans les bois, il lui prélève un bon demi-litre de sang qu’il injecte ensuite dans les tourtes à la viande fabriquées par la boulangerie locale. Lorsque la bande d’Horace Bones dévore les tourtes en question, les effets indésirables ne tardent pas à se manifester. « La rage attaque le système nerveux des carnivores, humains compris », explique le vieux Banner, afin que le spectateur appréhende la mutation en cours. « L’hydrophobie provoque une sensation d’étouffement, des convulsions, de l’hyper salivation, une forte fièvre, une soif insatiable, l’incapacité d’avaler et la phobie de l’eau, voire la panique ». Et de conclure : « c’est comme si le Diable prenait possession du corps malade ». Or la rage couplée à la psychopathie et à la drogue, on s’en doute, ne donne guère un cocktail des plus heureux. Gagnés par une folie meurtrière, l’écume aux lèvres et le corps en sueur, nos joyeux hippies s’en prennent dès lors à tous ceux qui ont le malheur de croiser leur chemin, étendant l’épidémie de rage dans un grand bain de sang…

La bave aux lèvres

En bon film « grindhouse » des années 70, Buveurs de sang contient son lot respectable de sexe et de sang. Quelques fesses et une ou deux paires de seins s’agitent donc au fil du métrage, tandis que des effets gore hérités d’Herschell Gordon Lewis constellent régulièrement l’action avec force jets de sang écarlate. Coups de couteau frénétiques, démembrement à coup de hache ou au couteau électrique, massacre à la fourche, décapitation, éventrements et éviscération en gros plan sont donc au programme des festivités, tandis qu’une musique synthétique particulièrement stressante joue efficacement avec les nerfs des spectateurs. Le réalisateur sait d’ailleurs compenser son manque manifeste de moyens (moins de 100 000 dollars de budget), limitant judicieusement ses décors à quelques sites naturels semi-déserts et ponctuant son film d’images frappantes, comme ces ouvriers contaminés battant la campagne en hurlant, armés de machettes. Notons au passage que Buveurs de sang est entré dans l’histoire comme le premier film ayant été classé X pour cause de violence.

 

© Gilles Penso

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LAST HOUSE ON DEAD END STREET (1973)

Un cinéaste underground décide de réaliser le film d'horreur ultime en tuant réellement ses acteurs devant la caméra

LAST HOUSE ON DEAD END STREET

1973 – USA

Réalisé par Roger Watkins (sous le pseudonyme de Victor Janos)

Avec Roger Watkins, Ken Fisher, Bill Schlageter, Kathy Curtin, Pat Canestro, Steve Sweet, Edward E. Pixley, Nancy Vrooman

THEMA TUEURS I CINEMA ET TELEVISION

Last House on Dead End Street fut longtemps entouré de mystère. Tous les noms au générique étant des pseudonymes (le film est signé Victor Janos) et aucun membre de l’équipe n’ayant officiellement admis y avoir participé, il fallut attendre le début des années 2000 pour que Roger Watkins, auteur, réalisateur et acteur principal du film, n’avoue être l’homme à la tête de ce projet fou. Tourné en 1972 avec un budget ridicule, sorti brièvement en salles en 1977 sous le titre Fun  House, ressorti deux ans plus tard sous son nouveau titre Last House on Dead End Street (inspiré par celui de La Dernière maison sur la gauche), puis très furtivement distribué en vidéo, cet OVNI a ensuite disparu de la circulation, à tel point que son existence même fut souvent remise en cause. Aujourd’hui, grâce à son exhumation en DVD, le premier long-métrage de Roger Watkins est enfin visible.

Malgré la pauvreté de ses moyens (une caméra 16 mm sans prise de son directe, des comédiens amateurs, un budget de 1500 dollars servant principalement à acheter des drogues), Watkins a de grandes intentions, imaginant son film comme un croisement entre Orange mécanique et Un chien andalou, et tenant lui-même le rôle principal d’un cinéaste underground nommé Terry Hawkins. Tout juste sorti de prison pour trafic de drogue, Hawkins a décidé de délaisser les films pornos confidentiels qu’il tournait à la sauvette pour se lancer dans une nouvelle entreprise : le film d’horreur le plus réaliste de tous les temps. Pour y parvenir, il convoque des amis dans une grande maison abandonnée et décide de les tuer réellement devant la caméra. La bande son se sature alors de hurlements, de battements de cœur, de rires hystériques et de voix off nébuleuses, tandis que les massacres éclaboussent l’écran. A ce titre, l’abominable séquence du dépeçage sur la table d’opération s’avère particulièrement gratinée. D’autres scènes hallucinantes ponctuent le film, témoignage de l’état second dans lequel Watkins et son équipe devaient probablement se trouver pendant le tournage : la femme maquillée en noir et fouettée interminablement par un bossu dans une soirée mondaine, l’homme obligé de faire une gâterie buccale à une patte de cerf, l’œil crevé à la perceuse… 

Un vrai snuff movie ?

On peut légitimement être rebuté par l’amateurisme général du résultat, l’incohérence du scénario, l’imprécision du montage, la piètre qualité de l’image ou l’approximation de la post-synchronisation. Mais il faut savoir que les spectateurs qui découvrirent le film en 1977 furent saisis par son réalisme, s’interrogeant même sur sa nature éventuelle de « snuff movie » (s’agissait-il de réelles mises à mort filmées en direct ?). La polémique survint justement à cause du caractère brut et quelque peu primitif du long-métrage, attisée en outre par le film Snuff de Michael et Roberta Findlay, sorti sur les écrans un an plus tôt. Evidemment, tout est faux dans Last House on Dead End Street, et les trucages sont même très sommaires. Mais ce débat participa activement à la réputation sulfureuse du film. A l’image de son héros, Roger Watkins échoua par la suite dans le cinéma porno underground avant de mourir d’une crise cardiaque en mars 2007.

 

© Gilles Penso

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LES ENVAHISSEURS DE LA PLANETE ROUGE (1953)

Un classique du film d'invasion extra-terrestre des années 50, avec un inévitable sous-texte anticommuniste…

INVADERS FROM MARS

1953 – USA

Réalisé par William Cameron Menzies

Avec Jimmy Hunt, Helena Carter, Arthur Franz, Morris Ankrum, Leif Erickson, Hillary Brooke, Max Wagner, Milburn Stone

THEMA EXTRA-TERRESTRES

Métaphore à peine déguisée de la menace communiste, comme bien des films de science-fiction américains réalisés en pleine guerre froide, Les Envahisseurs de la planète rouge a acquis, assez étrangement, un statut de classique malgré une construction scénaristique plutôt faible. Le prologue, certes, est assez palpitant. En pleine nuit, le jeune David Mac Lean aperçoit depuis sa fenêtre d’étranges lumières derrière la colline. Son père décide d’aller y jeter un coup d’œil, mais lorsqu’il revient son comportement n’est plus le même : froid, insensible, bref méconnaissable. La mère de David subit bientôt la même « métamorphose », tout comme bon nombre de personnes dans l’entourage immédiat du petit garçon. Paniqué, celui-ci remarque une marque étrange sur leur nuque. L’intérêt du spectateur est donc efficacement stimulé, par le biais d’une angoisse paranoïaque lentement distillée.

Tombé entre les griffes de policiers étant eux aussi « passés à l’ennemi », l’infortuné David finit carrément sous les barreaux, et ne doit son salut qu’à une belle scientifique le prenant sous son aile. Dès lors, l’intrigue perd beaucoup de son sel, l’intervention de la science et de l’armée obéissant aux clichés d’usage, avec notamment une interminable scène d’explication dans l’observatoire d’un jeune savant et le pesant défilé de tous les fiers véhicules et armements de l’US Army, sans compter un nombre incalculable de stock-shots faisant quelque peu office de remplissage. La scène finale, située dans la soucoupe volante camouflée sous terre, permet heureusement au film de retrouver un certain souffle. Les mutants emmaillotés comme des momies ne sont pas vraiment crédibles, certes, mais ils sont la plupart du temps plongés dans une pénombre salutaire qui évite de distinguer les coutures et les fermetures éclair. Quant à « l’Intelligence Suprême de Mars », sorte de méduse dorée à tête d’enfant, elle fonctionne plutôt efficacement à l’écran grâce à son design surprenant.

Un conte de fées modernisé

Assurant ici à la fois le poste de directeur artistique et de réalisateur, William Cameron Menzies compose des décors souvent épurés et très graphiques, comme ce hall de commissariat aux murs étroits et dénudés et au plafond haut, ramenant l’enfant désorienté à des proportions ridicules. A l’image de cette vision saisissante, le film tout entier prend les allures d’un conte de fée modernisé, jusque dans le dénouement calqué sur celui d’ «Alice au Pays des Merveilles». Le petit David s’y éveille en effet, comme après un mauvais rêve. Mais en regardant par la fenêtre, il voit d’étranges lueurs près de la colline, et le cauchemar semble donc sur le point de recommencer. Dans certaines copies destinées au marché européen, cette chute fut escamotée, afin de préserver un plus traditionnel happy ending. A l’origine, Les Envahisseurs de la planète rouge devait être tourné en relief, comme Le Météore de la nuit de Jack Arnold qui fut distribué la même année et racontait une histoire très similaire, mais des difficultés techniques et des restrictions budgétaires empêchèrent de concrétiser ce projet.


© Gilles Penso

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LE JOUR OÙ LA TERRE S’ARRÊTA (2008)

Un remake raté qui démontre une incompréhension totale de son magistral modèle

THE DAY THE EARTH STOOD STILL

2008 – USA

Réalisé par Scott Derrickson

Avec Keanu Reeves, jennifer Connelly, Kathy Bates, Jaden Smith, John Cleese, Jon Hamm, Kyle Chandler, Robert Kneppe

THEMA EXTRA-TERRESTRES

La dimension politique du premier Jour où la Terre s’arrêta, inscrite dans la directe après-guerre, ne pouvait pas être la même 57 ans plus tard. Judicieusement, le scénariste David Scarpa (Le Dernier château) a donc déplacé la problématique du film original vers les préoccupations environnementales des années 2000, même si l’enjeu définitif reste le même : la survie ou non de l’espèce humaine. Lorsque le film commence, nous sommes en 1928. Un alpiniste pris dans une tempête de neige découvre une étrange sphère lumineuse qui semble animée d’une vie propre. Celle-ci lui prélève un échantillon d’ADN puis le laisse à demi inconscient sur la glace. 80 ans plus tard, la scientifique Helen Benson (Jennifer Connelly, magnifique comme toujours) est convoquée manu militari pour rejoindre une cellule de crise. Un objet volant non identifié s’apprête en effet à s’écraser sur Terre et l’on s’affole légitimement en haut lieu. Or l’objet finit par décélérer et atterrit en douceur dans Central Park. Il s’agit d’une sphère colossale, de laquelle émerge Klaatu, un extra-terrestre ayant pris des traits humains (Keanu Reeves, impeccable). « Il me semblait intéressant d’imaginer un peuple possédant une technologie plus écologique et plus biologique que la nôtre », explique le réalisateur Scott Derrickson. « D’où le nouvel aspect du vaisseau, en forme de sphère organique, de Klaatu, dont la combinaison ressemble à une seconde peau, et du robot Gort, qui ressemble à une version géante de celui du film de Robert Wise mais ne révèle que plus tard sa véritable nature. » (1) 

Véritable juge d’outre-espace, Klaatu est venu délivrer un message aux humains : à force de ne pas respecter la Terre, ils sont sur le point d’atteindre un point de non-retour au-delà duquel elle ne pourra plus être préservée. Or une planète ne peut être sacrifiée au profit d’une espèce. « Si la Terre meurt vous mourez, si vous mourez la Terre survit » dit-il sans appel. On le voit, le fil conducteur narratif du classique de Robert Wise a été respecté, et la force de l’enjeu dramatique demeure intacte. « Au fil de l’intrigue, le comportement de Klaatu est de moins en moins extra-terrestre et de plus en plus humain, mais il garde toujours ce recul, cette distanciation avec notre monde », explique Keanu Reeves. « Pour y parvenir, je me suis efforcé de limiter au maximum mes expressions. Il a fallu que j’adopte un jeu très intériorisé, que j’en fasse finalement le moins possible. » (2) Le couple d’acteurs stars donne ici la réplique à quelques seconds rôles savoureux, notamment John Cleese dans la peau d’un scientifique philosophe dont on peut regretter la brièveté de l’intervention.

Plein de belles intentions qui partent en fumée

Et c’est bien là que le bât blesse. Ambitieux et bourré de bonnes intentions, ce nouveau Jour où la Terre s’arrêta peine en effet à tirer parti de tout ce qu’il met en place et escamote bon nombre d’éléments passionnants et de sous-intrigues prometteuses, comme si le montage définitif avait délesté le métrage d’une bonne demi-heure. La constitution d’une arche moderne, la difficile accoutumance de Klaatu à son organisme humain, la présence d’un second extra-terrestre dissimulé parmi les terriens, voilà autant d’idées au fort potentiel auquel le scénario ne réserve pourtant aucun développement digne de ce nom. Ce problème s’accroît au cours d’un dénouement très peu satisfaisant, dans la mesure où le message de Klaatu n’est entendu que par un tout petit nombre (contrairement à l’assemblée mondiale qu’il est censé convoquer) et que les raisons qui motivent son ultime décision nous échappent quelque peu. Le Jour où la Terre s’arrêta version 2008 s’essouffle donc progressivement, d’autant qu’il finit par privilégier les démonstrations d’effets spéciaux numérico-pyrotechniques (par l’entremise d’un Gort devenu gigantesque et volatile) aux dépens des relations interpersonnelles. « Dans un film comme Le Jour où la Terre s’arrêta, aussi riche en effets spéciaux et en séquences spectaculaires, il faut être très vigilant car les personnages peuvent facilement se noyer dans la masse, s’effacer derrière le spectacle » nous avouait Jennifer Connelly (3). Ses craintes sont hélas justifiées, le film ne laissant guère à Scott Derrickson le loisir d’exploiter les qualités de mise en scène qu’il avait révélées dans L’Exorcisme d’Emily Rose.

(1), (2) et (3) Propos recueillis par votre serviteur en novembre 2008.

© Gilles Penso

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LA GUERRE DES MONDES (1953)

Une adaptation libre du roman de H.G. Wells produite par George Pal et adaptée aux codes de la science-fiction des années 50

WAR OF THE WORLDS

1953 – USA

Réalisé par Byron Haskin

Avec Gene Barry, Anne Robinson, Les Tremayne, Bob Cornthwaite, Sandro Giglio, Housely Stevenson Jr, Lewis Martin

THEMA EXTRA-TERRESTRES

Le célèbre roman de H.G. Wells racontait en 1898 l’une des invasions extra-terrestres les plus inquiétantes et les plus dévastatrices jamais imaginées, et Orson Welles y puisa un inoubliable canular radiophonique sur CBS le 20 octobre 1938. Les années 50 étant propices à toutes les rencontres du troisième type, le cinéma s’empara à son tour du récit, sous l’égide du producteur George Pal, déjà instigateur de Destination Lune et Le Choc des mondes. A l’initiative du scénariste Barry Lyndon, le roman a été réactualisé et transposé de l’Angleterre victorienne à l’Amérique des années 50. Dans le même souci de modernisation, les machines de guerre martiennes décrites par l’écrivain, des tripodes marcheurs qui ont probablement servi d’inspiration aux Walkers de L’Empire contre-attaque, ont été remplacés par des ovnis en forme de boomerangs surmontés de périscopes aux allures de réverbères.

Ces maquettes impressionnantes, qui engloutirent 70% du budget du film (estimé à deux millions de dollars) et valurent à son équipe l’Oscar des effets spéciaux, évoluent dans de magnifiques décors miniatures. Et si les câbles qui les soutiennent sont souvent visibles à l’écran, chacune de leur intervention demeure extrêmement spectaculaire. La toute première apparition des vaisseaux est déjà très marquante : on n’en voit d’abord que la partie supérieure, ondulant comme un serpent à sonnettes et émergeant d’une météorite, puis désintégrant une poignée d’hommes qui tentaient de communiquer avec les visiteurs, drapeau blanc à la main. Le récit se concentre dès lors sur les investigations du docteur Clayton Forrester (Gene Barry), et sur son idylle naissante avec la ravissante Sylvia Van Buren (Ann Robinson).

Insensibles à la bombe atomique

Les séquences de destruction qui s’ensuivent figurent parmi les plus spectaculaires jamais montrées jusqu’alors sur un écran de cinéma, et préfigurent les excès pyrotechniques vers lesquels allaient pencher les films catastrophes des années 70. Moins convaincants sont les Martiens eux-mêmes, dont un représentant fait une apparition choc dans une ferme muée en refuge, ce qui a pour conséquence de faire s’époumoner la belle héroïne. Ces créatures en latex aux longs bras se terminant en ventouses et à l’œil unique tricolore auraient gagné à rester dans l’ombre ou à bénéficier d’effets spéciaux plus élaborés. Et lorsqu’on sait que Ray Harryhausen envisageait de réaliser lui-même sa propre version du roman de Wells, on se prend à rêver aux cauchemardesques aliens auxquels nous aurions pu avoir droit. Toujours dans le but d’actualiser le propos, la bombe atomique fait son apparition dans le film, mais elle s’avère bien incapable d’éradiquer des envahisseurs décidément très coriaces. Finalement, deus ex-machina, ce sont les bactéries de notre planète qui viennent à bout de la menace martienne, au cours d’un dénouement un peu abrupt souligné par une voix-off un tantinet sentencieuse. Très satisfaits du film, les ayant droits de Wells donnèrent carte blanche à George Pal pour l’adaptation d’un autre roman de l’écrivain, d’où la mise en chantier quelques années plus tard de La Machine à explorer le temps.

 

© Gilles Penso

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ENTRE DEUX RIVES (2006)

Keanu Reeves et Sandra Bullock reforment le couple de Speed pour incarner deux amoureux qui ne vivent pas dans le même espace-temps

THE LAKE HOUSE

2006 – USA

Réalisé par Alejandro Agresti

Avec Sandra Bullock, Keanu Reeves, Christopher Plummer, Shohreh Aghdashloo, Ebon Moss-Bachrach, Dylan Walsh

THEMA VOYAGES DANS LE TEMPS

Entre deux rives est le remake du film fantastique coréen Siworae réalisé en 2000 par Hyun-seung Lee. Très appréciée lors du Festival international de Pusan, l’œuvre originale resta cependant confidentielle, ce qui permit à Hollywood d’y puiser librement son inspiration en redistribuant les rôles principaux à deux stars américaines. Sollicité dans un premier temps, John Cusack céda finalement le pas à Keanu Reeves. Celui-ci retrouve ainsi Sandra Bullock, avec qui il partageait onze ans plus tôt l’affiche de Speed. Mais l’action mouvementée n’a plus cours ici, Entre deux rives narrant une romance impossible entre deux protagonistes appartenant à des espace-temps différents.

Lorsque le film commence, le docteur Kate Forster (Bullock) s’apprête à entamer une nouvelle carrière et une nouvelle vie dans un grand hôpital de Chicago. Son seul regret est d’abandonner la superbe maison qu’elle avait louée sur les berges d’un lac de l’Illinois… Avant de partir, elle laisse un mot à l’attention du prochain occupant, pour lui demander de faire suivre son courrier et lui indiquer que les empreintes de pattes de chien qui maculent la jetée et le seuil de la maison étaient déjà là avant qu’elle n’y emménage. Or lorsqu’il prend possession des lieux, l’architecte Alex Wyler (Reeves) a un choc : la maison, poussiéreuse et en piteux état, ne ressemble en rien à l’image qu’il s’en faisait. Et pas la moindre trace de pattes… Il se trouve qu’Alex avait occupé cette résidence familiale des années plus tôt, son père en ayant été l’architecte. Il décide donc de la restaurer sans prêter davantage attention au mystérieux message de Kate… Les bizarreries ne tardent pas à se multiplier, laissant bientôt imaginer l’impensable : Alex et Kate ne vivent pas à la même époque, et les sentiments qu’ils sont en train d’éprouver l’un pour l’autre ne peuvent se traduire qu’à travers une relation épistolaire qui, par miracle, franchit les portes du temps.

Le courrier du cœur

L’idée est fort séduisante, mais le scénario d’Entre deux rives ne cherche hélas jamais à jongler avec les paradoxes temporels vertigineux que permettait une telle intrigue. Le récit ne dépasse donc guère le cadre sagement balisé d’une romance stéréotypée hollywoodienne, happy-end béât compris, l’argument fantastique n’ayant pas beaucoup plus d’impact que la radio de Nuits blanches à Seattle ou les mails de Vous avez un message. D’ailleurs, il faut bien avouer que le principe des lettres écrites par un protagoniste et instantanément lues par l’autre ne fonctionne guère. Typiquement littéraire, le procédé n’est guère crédible à l’écran. Entre deux rives se distingue tout de même par la prestation à fleur de peau de Sandra Bullock (Keanu Reeves se contentant pour sa part d’assurer sobrement le minimum syndical), la beauté de la photographie et le somptueux décor de la maison suspendue au-dessus du lac, spécialement édifiée en verre et en bois pour les besoins du film par l’équipe de Nathan Crowley, fidèle collaborateur de Christopher Nolan depuis Insomnia. Quant au réalisateur argentin Alejandro Agresti, dont il s’agit du vingt-cinquième long-métrage, il s’en tire avec les honneurs, soignant du mieux qu’il peut la facture d’un film qu’on eut aimé plus audacieux.


© Gilles Penso

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HELLRAISER INFERNO (2000)

Le premier film du futur réalisateur de Doctor Strange tente de redonner un coup de fouet à la franchise moribonde créée par Clive Barker

HELLRAISER INFERNO

2000 – USA

Réalisé par Scott Derrickson

Avec Craig Sheffer, Nicholas Turturro, James Remar, Doug Bradley, Nicholas Sadler, Noelle Evans, Lindsay Taylor

THEMA DIABLE ET DEMONS I SAGA HELLRAISER

Après le cuisant échec artistique d’Hellraiser Bloodline, qui avait incité son réalisateur Kevin Yagher à le signer sous le fameux pseudonyme Allan Smithee, la saga créée par Clive Barker était mal en point, et l’écrivain lui-même décida de ne plus s’impliquer dans les séquelles ultérieures, cédant tous ses droits à la compagnie Dimension Films. La série ne s’arrêta pas pour autant et ce cinquième épisode, conçu directement pour le petit écran comme son prédécesseur, fut confié à Scott Derrickson, le scénariste d’Urban Legend Final Cut, effectuant là ses premiers pas de réalisateur. « J’ai eu la chance de rencontrer l’immense réalisateur Robert Wise quand j’étais étudiant », raconte Derrickson. « Lorsque je lui ai demandé conseil, il m’a dit que la meilleure façon de faire ses preuves de metteur en scène était de commencer par un film d’horreur ». (1) Le personnage principal de cet énième opus est l’inspecteur de police Joseph Thorn, incarné par Craig Sheffer (qui fut le héros de Cabal réalisé par… Clive Barker !). Infidèle, drogué, peu scrupuleux, cet individu peu recommandable enquête sur un tueur qui laisse le doigt coupé d’un enfant sur les lieux de ses crimes. Etrangement,  chaque meurtre semble avoir un lien avec le policier. Tandis que ses investigations avancent, Thorn est frappé de cauchemars terrifiants et finit par se mettre en chasse d’un énigmatique personnage connu sous le surnom de « l’ingénieur »…

De prime abord, ce scénario n’entretient que très peu de rapports avec la mythologie d’Hellraiser. La fameuse boîte de Pandore est à peine évoquée, les Cénobites sont devenus de simples apparitions oniriques et Pinhead lui-même n’intervient que quelques minutes au cours du métrage. Tout se passe comme si l’intrigue policière avait d’abord été construite indépendamment, n’intégrant que dans un second temps (et au compte-goutte) les éléments récurrents de la saga. Cet état de fait peu frustrer les amateurs du Hellraiser d’origine. Mais il faut reconnaître que cette approche présente le mérite de bousculer les clichés pour saisir les démons de Clive Barker sous un autre angle, les déséquilibres psychologiques du protagonistes se substituant aux traditionnelles visions d’horreur.

« Ta chair détruit ton corps… »

La différence majeure avec les autres films de la série réside dans le fait qu’après l’ouverture de la boîte, les démons n’apparaissent pas subitement pour embrocher le protagoniste avec leurs chaînes. Leur intervention est plus insidieuse. Le héros a des hallucinations, perd pied avec la réalité, voit partout des visages monstrueux (un procédé que le réalisateur réutilisera avec L’Exorcisme d’Emily Rose). En ce sens, les séquences de cauchemar mettant en scène un homme-tronc sans visage et deux cénobites femelles aux langues noires démesurées sont particulièrement efficaces. Si les talents de réalisateur de Scott Derrickson sautent aux yeux dès les premières minutes, la fadeur de Craig Sheffer joue sérieusement en défaveur du film, tout comme la morale judéo-chrétienne qui auréole d’un peu trop près le scénario, notamment lorsque Pinhead révèle au héros la nature de ses démons intérieurs. « Ta chair détruit ton corps » affirme-t-il, une métaphore illustrant aussitôt le propos (Joseph adulte assassine l’enfant qu’il était). Le péché, la rédemption, la foi sont donc au cœur d’Hellraiser Inferno, cette « débauche religieuse » étant la marque de fabrique de Derrickson, ce que confirmera sa filmographie ultérieure.


(1) Propos recueillis par votre serviteur en novembre 2008

© Gilles Penso

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LABYRINTHE (1986)

David Bowie, Jennifer Connelly et tout un bestiaire en peluche s'anime dans ce conte délicieusement kitsch conçu par Jim Henson

LABYRINTH

1986 – USA

Réalisé par Jim Henson

Avec David Bowie, Jennifer Connelly, Shelley Thompson, Toby Froud, David Goelz, Steve Whitmire, Karen Prell

THEMA CONTES

Fort du succès artistique de Dark Crystal, Jim Henson, le père du Muppet Show, décida de transformer l’essai en se lançant dans un nouveau conte fantastique appréciable à la fois par les enfants et les adultes. Au lieu d’opter une fois de plus pour un casting exclusivement constitué de marionnettes (c’était la grande originalité de Dark Crystal en 1982), il préféra cette fois mixer créatures fantastiques et acteurs humains. Revu à la hausse, le budget atteint la somme confortable de 25 millions de dollars (contre 15 millions pour Dark Crystal). La jeune Jennifer Connelly, qui venait de faire ses preuves dans Phenomena de Dario Argento, tient donc la vedette de Labyrinthe, dont le scénario fut co-écrit par Henson et l’ex-Monty Python Terry Jones, et dont la production fut assurée par George Lucas. Elle y incarne Sarah, une adolescente romantique mal à l’aise dans sa vie de famille.

Grâce aux contes fantastiques qu’elle lit à longueur de journée, elle trouve le moyen de s’évader d’un quotidien trop morne et imagine même de temps en temps que son frère cadet Toby (interprété par le tout jeune Toby Froud, fils du concepteur visuel du film), parfois trop envahissant à son goût, est enlevé par une horde de lutins. Or un soir, son souhait secret se réalise. Prise de panique, elle se sert de son livre favori, « Le Labyrinthe », pour franchir les portes de l’autre monde et partir à la recherche de Toby. Plongée dans les méandres d’un labyrinthe peuplé de créatures étranges, elle n’a que treize heures pour remettre la main sur son frère, prisonnier dans le palais du cruel et séduisant Jareth. « Je demande si peu », réclame celui-ci. « Crains moi, aime moi, fais ce que je dis et je serai ton esclave. »

« Crains moi, aime moi… »

Affublé d’une coupe en pétard peroxydée à faire pâlir Luc Besson, Jareth est incarné par David Bowie, assurant par sa simple présence une belle promotion au film et permettant au film de se muer, le temps de quelques séquences, en véritable comédie musicale. Ainsi, après avoir donné la réplique à l’immense Donald Pleasence dans Phenomena, Jennifer Connelly partage-t-elle cette fois l’affiche avec l’une des plus grandes rock stars du moment. Dès les premiers préparatifs de Labyrinthe, Henson envisageait de faire appel à un chanteur de sa carrure pour le rôle, les deux autres choix possibles étant Sting et Michael Jackson. Ce casting surprenant contribue beaucoup à l’impact de Labyrinthe, paré en outre d’un bestiaire débordant d’originalité (dont chaque spécimen s’inspire des jouets ou des éléments de décoration de la chambre de Sarah que l’on découvre au début du film), d’une magnifique photographie d’Alex Thomson (La Forteresse noire, Legend), d’effets spéciaux imaginatifs (incluant un hibou en image de synthèse pendant le générique de début, effet assez révolutionnaire à l’époque) et de décors proprement magiques (inspirés partiellement par l’univers sens dessus dessous de MC Escher). Mais le film ne parvient pas à égaler en fantaisie Dark Crystal, de l’ombre duquel il ne s’extirpe guère, entravé par un scénario trop basique, une mise en scène quelque peu académique et une bande originale qui, aujourd’hui, a pris un sacré coup de vieux.

© Gilles Penso

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LITTLE BUDDHA (1993)

Bernardo Bertolucci nous transporte au Népal pour une odyssée aux confins de la vie, de la mort et de la réincarnation…

LITTLE BUDDHA

1993 – USA

Réalisé par Bernardo Bertolucci

Avec Keanu Reeves, Bridget Fonda, Chris Isaak, Rucoheng Ying, Alex Wiesendanger, Raju Lal, Greishma Makar Singh

THEMA MORT

La famille Conrad vit une existence paisible à Seattle. Dean (Chris Isaak), le père, est un ingénieur talentueux, Lisa (Bridget Fonda), la mère, une enseignante, et Jesse (Alex Wiesendanger), le fils, un petit garçon de neuf ans très éveillé. Un groupe de moines bouddhistes, dirigés par le Lama Norbu (Ruocheng Ying), vient un jour leur rendre une visite surprenante. Selon eux, Jesse pourrait fort bien être la réincarnation de l’un de leurs plus grands chefs spirituels, disparu il y a neuf ans. Au Népal, deux autres enfants semblent correspondre au même profil… Traiter un tel sujet sans maladresse relevait de la gageure. Bruno Bertolucci a remporté le pari haut la main, en effectuant des choix judicieux à tous les niveaux. Au didactisme pesant, aux excès de mysticisme, le réalisateur du Dernier empereur a préféré la candeur et la poésie. « Qu’est-ce que la méditation ? », demande le jeune Jesse à Lama Norbu. « C’est être parfaitement calme et détendu », répond ce dernier, «  te séparer de tout ce qui t’entoure, libérer ton esprit comme un oiseau, afin que tu puisse voir tes propres pensées flotter à la manière des nuages qui passent. » Pour naïve qu’elle soit, la métaphore fonctionne malgré tout à merveille.

Afin de servir le sujet de leur mieux, les comédiens jouent avec un maximum de spontanéité et de naturel. Ainsi, Chris Isaak et Bridget Fonda, en parents américains cartésiens confrontés aux croyances bouddhistes, font preuve d’une sobriété à la limite de l’austérité. Quant aux trois enfants vedettes, ils sont pétillants de naturel et de vivacité. Comme Jesse, comme Bertolucci lui-même plusieurs décennies plus tôt, le spectateur découvre dans le film la vie du prince Siddharta, futur Bouddha, à travers un livre d’images qui prend vie. Cette évocation, qui scande régulièrement le récit, baigne dans un climat magique quasi omniprésent, ponctué de visions ouvertement fantastiques : le bébé éléphant onirique, les fleurs poussant sous les pas de l’enfant, l’arbre protecteur se penchant sur les personnages, Siddharta affrontant son double maléfique, ou encore le déchaînement cataclysmique des éléments naturels face à Bouddha assis paisiblement au pied d’un grand arbre.

Keanu Reeves dans la peau de Siddharta

Entre Point Break et Speed, Keanu Reeves casse son image de star du cinéma d’action et nous offre une magnifique incarnation de Siddharta, toute en ingénuité et en candeur. En plus de ces atouts fort estimables, Little Buddha se pare d’une très belle photographie de Vittorio Storaro (collaborateur régulier de Bertolucci, Francis Ford Coppola et Warren Beatty), qui prend tour à tour des tonalités froides bleutées ou chaudes orangées, selon que l’action se déroule en Amérique ou en Orient, et d’une superbe partition de Ryuichi Sakamoto qui sait éviter les excès de l’emphase malgré un large déploiement symphonique, et qui atteint le summum de son lyrisme au cours du final, d’une beauté à couper le souffle. Frileux jusqu’alors quant à l’évocation du bouddhisme, le cinéma international profitera de la brèche ainsi ouverte pour proposer dans la foulée des œuvres telles que Kundun ou Sept ans au Tibet. Little Buddha est dédié à Francis Bouygues, qui mourut avant de pouvoir produire le film.

 

© Gilles Penso

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