POLTERGEIST (1982)

Tobe Hooper et Steven Spielberg unissent leurs efforts pour nous conter une inoubliable histoire de fantômes

POLTERGEIST

1982 – USA

Réalisé par Tobe Hooper

Avec JoBeth Williams, Craig T. Nelson, Beatrice Straight, Dominique Dunne, Olivier Robins, Heather O’Rourke

THEMA FANTÔMES I VEGETAUX I JOUETS I SAGA POLTERGEIST

Début 82, Steven Spielberg avait déjà réalisé Les Dents de la mer et Les Aventuriers de l’Arche Perdue, et Tobe Hooper Massacre à la tronçonneuse. Leur association, l’un au poste de producteur, l’autre sur la chaise du réalisateur, avait tout d’un événement excitant. Et de fait, Poltergeist est un film d’épouvante de haut niveau, s’attachant à nous familiariser avec des protagonistes convaincants et réalistes pour mieux les faire basculer dans l’horreur et le surnaturel. Craig T. Nelson incarne Steve Freeling, agent immobilier et chef d’une famille installée dans une maison de banlieue construite par la société qui l’emploie. Tout va bien jusqu’au jour où d’étranges phénomènes se succèdent dans leur doux foyer : des objets se déplacent seuls, des voix se font entendre à travers le téléviseur après la fin des émissions.… Au début, les Freelings prennent ces événements avec un certain amusement mêlé d’incrédulité. Mais les manifestations se font de plus en plus inquiétantes, jusqu’à ce que la petite Carol Ann (Heather O’Rourke), disparaisse purement et simplement, emportée dans une dimension parallèle à mi-chemin entre le monde des morts et celui des vivants…

Officiellement, les taches de Spielberg et Hooper furent clairement réparties pendant le tournage de Poltergeist, mais il est plus que probable que le producteur ait activement participé à la mise en scène de cette histoire de fantômes, comme en témoignent les nombreuses réminiscences de son univers cinématographique. Au-delà des maisons de banlieue, des plans larges à la louma accompagnant des enfants à bicyclette et de ce foyer américain archétypal, cette œuvre quasi-commune évoque le téléfilm La Chose (la famille dans une maison hantée face à des fantômes qui s’en prennent aux enfants), Rencontres du troisième type (les jouets animés, les nuages lourds de menace, l’enfant enlevé), Les Aventuriers de l’Arche Perdue (l’héroïne entourée de cadavres momifiés et grimaçants, les spectres évanescents et liquides), et même E.T. qui fut tourné et post-produit en même temps que Poltergeist. Mais le scénario, rédigé par Spielberg lui-même, s’inspire surtout de la nouvelle « Little Girl Lost » de Richard Matheson, adaptée dans un célèbre épisode de La Quatrième dimension.

Les frayeurs enfantines universelles

Toujours est-il qu’Hooper et Spielberg se réapproprient en virtuoses les frayeurs enfantines universelles (l’arbre aux formes inquiétantes, le clown qui sourit) et transforment la dernière partie du film en véritable train fantôme. « Les effets spéciaux sophistiqués sont agréables, car ils donnent l’impression de pouvoir tout faire, mais parfois les vieux trucs sont les plus efficaces », raconte Tobe Hooper. « Dans Poltergeist, un panoramique suit JoBeth Williams qui passe devant une table et lorsqu’elle revient, trois secondes plus tard, toutes les chaises y sont empilées ! En fait, dès que la caméra faisait sortir la table du champ, les accessoiristes changeaient la disposition des six chaises. C’est l’un de mes trucages préférés, un simple tour de magie. » (1) Poltergeist a aussi le mérite d’évoquer les phénomènes paranormaux et les fantômes avec beaucoup de crédibilité et d’intelligence. D’où son impact, et la mini-saga cinématographique et télévisuelle qu’il entraîna.


(1) Propos recueillis par votre serviteur en février 1995

© Gilles Penso

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EVIL DEAD 2 (1987)

Encore plus folle, encore plus inventive, cette séquelle aux allures de remake oscille entre l'horreur graphique et les gags de Tex Avery

EVIL DEAD 2 : DEAD BY DAWN

1987 – USA

Réalisé par Sam Raimi

Avec Bruce Campbell, Sarah Berry, Dan Hicks, Kassie DePaiva, Ted Raimi, Denise Bixler, Richard Domeier

THEMA ZOMBIES I DIABLES ET DEMONS I SAGA EVIL DEAD

Après l’horreur troublante du film précédent, Sam Raimi opte pour un ton très différent, à la limite du cartoon et de Tex Avery. Et pourtant, Evil Dead 2 s’inscrit parfaitement dans la continuité du premier puisqu’il lui s’y enchaîne à la seconde près, si l’on fait abstraction du flash-back du prologue, simplifiant à l’extrême l’intrigue du film original et réduisant le nombre de protagonistes à deux au lieu de cinq. Seul survivant de l’attaque des forces diaboliques réveillées par les incantations du professeur Knowby, enregistrées sur un magnétophone à bande, Ash (Bruce Campbell) est à son tour possédé par le démon qui le mue en zombie grimaçant. Mais le soleil lui redonne son aspect normal. Le pont, seul accès vers l’extérieur, s’étant écroulé, Ash s’avère incapable de quitter la cabane où se déroula le drame. Il se cloître alors et sombre peu à peu dans la démence. D’où une séquence hallucinante où tous les objets dans la cabane se mettent à éclater de rire, de la tête de cerf empaillée à la chaise en passant par la lampe et la bibliothèque. Du délire pur !

Puis survient une magnifique scène d’animation où le cadavre de Linda, la défunte fiancée d’Ash, sort de terre et se met à danser dans les bois, jusqu’à ce que sa tête décapitée ne morde la main droite du malheureux. « C’est une séquence que j’aime beaucoup », avoue Doug Beswick, qui en signa l’animation. « Elle fut particulièrement amusante à réaliser. Sam Raimi nous a fourni un storyboard précis, puis nous avons engagé une chorégraphe. On peut presque considérer la danse de Linda comme un petit film d’animation à elle seule. Il y a un début, un milieu et une fin, comme dans un court-métrage. »… (1) Au seuil de la folie, Ash est rejoint par la fille du professeur Knowby, son fiancé Ed, et deux guides, Jake et Bobby Joe, tous quatre ayant emprunté un chemin à travers les bois. Les forces du mal ne vont guère tarder à se manifester à nouveau, multipliant les apparitions de zombies divers dans la cabane.

A mi-chemin entre Mad Max et Leatherface

Ici, le gore n’est plus cru mais comique, grand-guignolesque, et Bruce Campbell joue la démence à la perfection. Le scénario cultive volontiers les références à H.P. Lovecraft, déjà présentes dans le premier Evil Dead, en particulier à travers le livre des morts réveillant les démons, qui n’est rien d’autre que le fameux Necronomicon imaginé par l’écrivain tourmenté. Les nouveaux personnages n’existent ici que dans le but de se faire décimer par des monstres loufoques : grand-mère zombie au cou télescopique, main coupée qui ricane et court se réfugier dans un trou de souris comme si elle était échappée d’un « Tom et Jerry », et Ash lui-même, métamorphosé à son tour en mort-vivant agressif. Les prises de vues acrobatiques de Sam Raimi étonnent toujours, et le budget confortable alloué par Dino de Laurentiis en personne n’a effacé ni la personnalité du cinéaste, ni son style visuel reconnaissable à des kilomètres à la ronde. Au beau milieu du film, Bruce Campbell, une tronçonneuse greffée à la place de sa main droite coupée, un fusil à canon scié dans l’autre, se mue quasiment en super-héros au look des plus surprenants, à mi-chemin entre Mad Max et Leatherface. Quant au dénouement, proprement hallucinant, il annonce les délires anachroniques du troisième volet.

(1) Propos recueillis par votre serviteur en avril 1998.

© Gilles Penso

 

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CREEPSHOW (1982)

La première rencontre entre Stephen King et George Romero a donné naissance au film d'horreur à sketches ultime

CREEPSHOW

1982 – USA

Réalisé par George A. Romero

Avec Hal Holbrook, Adrienne Barbeau, Fritz Weaver, Leslie Nielsen, Ed Harris, Carrie Nye, E.G. Marshall, Stephen King

THEMA ZOMBIES I INSECTES ET INVERTEBRES I VEGETAUX SAGA CREEPSHOW I STEPHEN KING

L’association de George Romero et de Stephen King pour un film d’horreur à sketches inspiré des macabres EC Comics, voilà qui avait de quoi exciter la curiosité ! Le résultat est à la hauteur de toutes les espérances, mariant l’humour noir à l’épouvante graphique avec un indiscutable bonheur. « Je connaissais les EC Comics », raconte Romero. « J’avais grandi en les lisant, tout comme Stephen King. Lorsque nous avons décidé de faire ce film ensemble, il a écrit le scénario très rapidement. Nous n’avions pas beaucoup d’argent pour faire le film, mais c’est pour moi un excellent souvenir de tournage. J’avais l’impression d’être dans une cour de récréation ! » (1) Au cours du prologue, un père sévère punit son fils qui lit une bande dessinée horrifique. Il la confisque et la jette dans une poubelle. La BD prend alors vie, ce qui nous donne droit à de formidables petits dessins animés assurant le rôle de transitions colorées du plus bel effet. Le premier sketch est probablement le plus réussi, et c’est une histoire de zombie, car Romero est un incorrigible en la matière. Sauf qu’ici, la franche rigolade se substitue à la noirceur réaliste, sans toutefois évacuer tout à fait l’épouvante et le gore, chevaux de bataille du genre. Un mort-vivant surgit donc de sa tombe le jour de la fête des pères et décime sa famille en réclamant son gâteau. Le cadavre ambulant est un colosse écarlate en état de décomposition avancée, et parmi ses victimes, on note un tout jeune Ed Harris.

La seconde histoire, moins palpitante, met carrément Stephen King en vedette, dans le rôle d’un fermier qui se mue peu à peu en plante après avoir touché un météore tombé du ciel. Les zombies prennent à nouveau le relais, avec cette histoire de mari trompé (excellent Leslie Nielsen) et mordu de vidéo qui filme l’agonie de sa femme et de son petit ami noyés par la marée. Les amants maudits reviendront sous forme de morts-vivants monstrueusement boursouflés, dégoulinants et couverts d’algues, afin de faire subir à leur bourreau le même sort. Le quatrième récit met en vedette un monstre velu à l’insatiable appétit carnivore, découvert dans l’Antarctique par une expédition scientifique (en hommage à The Thing), et réveillé après des années d’hibernation par un professeur un peu trop curieux. Après que la bête ait dévoré quelques humains, l’universitaire décide de s’en servir pour se débarrasser de son insupportable épouse…

Entre le rire et l'horreur

Quant au tout dernier sketch, il nous plonge dans l’horreur la plus viscérale, puisqu’il conte les mésaventures d’un PDG cruel et maniaque dont l’appartement aseptisé est peu à peu envahi par des hordes d’énormes cafards. Jusqu’à ce que ces derniers, par milliers, ne le dévorent de l’intérieur ! Les effets spéciaux excessifs de Tom Savini, la partition pour synthétiseur et piano composée par John Harrison, les éclairages violemment rouges ou bleus, tous les départements artistiques de Creepshow se sont donnés le mot pour composer une ambiance outrancière, très proche dans l’esprit et la forme des albums EC Comics qui servent d’inspiration au film. Et cette réussite artistique ne sera jamais vraiment égalée, ni par un Creepshow 2 modérément inspiré, ni par la série Les Contes de la Crypte qui tentera en vain d’en retrouver l’atmosphère.

(1) Propos recueillis par votre serviteur en juillet 2005

 

© Gilles Penso

 

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LES RUINES (2008)

Un petit groupe de touristes décide d'aller explorer une vieille pyramide au fin fond de la forêt mexicains… Mais la végétation en a décidé autrement !

THE RUINS

2008 – USA

Réalisé par Carter Smith

Avec Jonathan Tucker, Laura Ramsey, Jena Malone, Shawn Ashmore, Joe Anderson, Sergio Calderon, Jesse Ramirez

THEMA VEGETAUX

L’écrivain Scott Smith fit beaucoup parler de lui en publiant son premier roman, « Un Plan Simple », dont Sam Raimi tira un thriller magnifique. Dès lors, Hollywood commença sérieusement à s’intéresser au jeune auteur, et dès qu’il acheva son manuscrit suivant, « Les Ruines », deux producteurs avisés en achetèrent aussitôt les droits : Stuart Cornfeld (Elephant Man, La Mouche, Mimic) et son partenaire Ben Stiller, plus connu pour ses grimaces à l’écran que pour ses travaux derrière la caméra. Adapté par Smith lui-même, Les Ruines raconte les vacances à Cancun d’Amy (Jena Malone) et Stacy (Laura Ramsey), deux amies de longue date, et de leurs boyfriends respectifs, Jeff (Jonathan Tucker) et Eric (Shawn Ashmore). Alors qu’ils paressent autour de la piscine de leur hôtel, nos quatre touristes américains font la connaissance de Mathias (Joe Anderson), un jeune Allemand dont le frère archéologue est en train d’étudier une pyramide Maya au cœur de la jungle mexicaine.

Séduit à l’idée d’aller visiter des ruines fermées au public, le petit groupe troque le confort et l’opulence contre un voyage en autocar local, une expédition en taxi-brousse et une longue marche. Lorsque la pyramide est enfin en vue, le spectacle vaut vraiment le détour. Majestueuse, parfaitement préservée, elle trône au milieu d’une végétation sauvage. En s’approchant, ils découvrent une étrange plante grimpante qui envahit chaque marche de la monumentale construction antique. Aussitôt, des villageois armés et hystériques surgissent de la forêt et ne laissent à nos touristes que deux choix : mourir sous le tir nourri de leurs flèches ou grimper au sommet de la pyramide. Paniqués, ils s’exécutent et comprennent bientôt la réaction des autochtones. La plante qui encercle les lieux est dotée d’une vie propre, d’une intelligence presque anthropomorphe et d’un insatiable appétit carnivore. En quête de sang, elle s’immisce sous la peau de ses hôtes humains, les ronge de l’intérieur et contamine peu à peu tous ceux qu’elle approche. Comment lutter contre une telle monstruosité ?

L'horreur qui rampe…

Les Ruines n’est pas exempt de défauts, loin s’en faut. L’intrigue met beaucoup de temps à démarrer, les protagonistes ne sont pas franchement intéressants, et une fois la situation dramatique exposée, les choses évoluent bien peu. On aurait aimé, par exemple, que la plante ne soit que la partie apparente d’un péril plus grand, d’un monstre ultime, équivalent des fameux « boss » des jeux vidéo. Là où l’on aurait pu espérer un bon gros monster movie ou un survival nerveux, nous n’avons droit qu’à un petit shocker dont le récit se serait fort bien contenté d’un court-métrage. Malgré ces faiblesses, Carter Smith excelle dans la construction d’un climat tendu et dans l’établissement de séquences de suspense extrême. La vision de ces végétaux rampant sous l’épiderme de leurs victimes affolées, réminiscence de La Nuit des vers géants, distille une terreur viscérale horriblement efficace. Quant aux éprouvantes opérations chirurgicales improvisées par nos héros pour tenter d’éradiquer la contamination, elles sont d’ores et déjà entrées dans la légende.  

© Gilles Penso

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LA REVOLTE DES TRIFFIDES (1962)

Alors qu'une pluie de météorite a rendue aveugle la majorité de la population, des plantes géantes carnivores surgissent à la surface de la Terre…

DAY OF THE TRIFFIDS

1962 – GB

Réalisé par Steve Sekely

Avec Howard Keel, Nicole Maurey, Janette Scott, Kieron Moore, Mervyn Johns, Ewan Roberts, Alison Leggatt, Geoffrey Matthews

THEMA VEGETAUX I CATASTROPHES

Futur auteur des « Coucous de Midwich » qui allait se muer en classique du cinéma de science-fiction (le fameux Village des damnés), John Wyndham écrivait en 1951 « Le Jour des Triffides », un éprouvant récit post-apocalyptique narrant les déboires d’un petit groupe ayant survécu à un cataclysme planétaire. Onze ans après la publication du roman, le metteur en scène d’origine hongroise Steve Sekely en tirait une adaptation cinématographique spectaculaire. Si les personnages et les péripéties imaginées par Wyndham ont considérablement été modifiés par le scénario, l’esprit général reste le même, et les prémisses du film, notamment, sont assez similaires à ceux du livre. Hospitalisé pour une opération des yeux, Bill Masen (Howard Keel, futur personnage récurrent de la série Dallas) rate l’événement dont tout le monde parle : une pluie de météorites multicolore. Mais lorsqu’il se réveille au petit matin, il doit bien reconnaître qu’il a une chance inouïe. En effet, la majeure partie de la population est devenue aveugle au lendemain du phénomène astronomique. En enlevant ses bandages, il découvre donc un monde ravagé, livré à lui-même et à la panique. Un malheur ne venant jamais seul, la pluie de météorites a également donné vie à des plantes géantes carnivores, les triffides, bien décidées à profiter de la cécité de la population pour en faire son plat du jour.

S’il oublie bon nombre d’éléments imaginés par Wyndham, notamment les gangs organisés qui pillent la ville en kidnappant les rares humains encore voyants, le scénario concocte de toutes pièces des séquences de suspense mémorables. Notamment cet avion de ligne sur le point de s’écraser dans la mesure où les pilotes ne voient plus les commandes, le triffide qui menace Bill et la petite Suzan dans les bois brumeux, ou encore celui qui surgit en pleine nuit pour attaquer un couple dans un phare… « Quand cette chose “marchait“, elle se déplaçait comme un homme qui marche avec des béquilles » narrait l’écrivain. Une vision surréaliste fort bien rendue ici grâce à des trucages mécaniques et des effets sonores efficaces. 

Cataclysme à grande échelle

Mais là où les effets spéciaux coupent littéralement le souffle, c’est dans la description du cataclysme à grande échelle qui frappe la planète. Via des caches, des maquettes et des matte paintings ingénieux, le film nous décrit de gigantesques incendies ravageant Tokyo, un Arc de Triomphe parisien jonché de véhicules accidentés, ou encore les rues de Londres envahies de passants aveugles se déplaçant comme des zombies. Des images qui préfigurent le cinéma catastrophe des années 70. Après avoir réuni un petit groupe de survivants, notre héros tachera de prendre la fuite à travers l’Europe, jusqu’à un climax à grande échelle le mettant aux prises avec des centaines de triffides, seul et armé d’un simple lance-flammes. Dommage que le film s’achève sur un happy-end aussi convenu que tiré par les cheveux, au lieu d’opter pour la fin ouverte et un tantinet pessimiste suggérée par le livre. En 1981, Ken Hannam réalisera la mini-série Day of the Triffids, moins marquante, certes, mais plus fidèle au matériau littéraire initial.

© Gilles Penso

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LES HORREURS DE FRANKENSTEIN (1970)

En marge de la série "officielle" avec Peter Cushing, le studio Hammer produisait cette variante impertinente avec le futur Dark Vador dans la peau du monstre

HORROR OF FRANKENSTEIN

1970 – GB

Réalisé par Jimmy Sangster

Avec Ralph Bates, David Prowse, Veronica Carlson, Kate O’Mara, Dennis Price, John Finch, Graham James

THEMA FRANKENSTEIN

Avant de donner une suite officielle au Retour de Frankenstein, la Hammer s’est offert une parenthèse satirique avec Les Horreurs de Frankenstein, produit, écrit et réalisé par le très inventif Jimmy Sangster. Cette variante se propose de reprendre le récit de Mary Shelley depuis le début, mais avec beaucoup de liberté et sous un angle favorisant grandement l’humour noir. La Suisse prend ici les allures d’une Angleterre très puritaine et le Frankenstein sévère incarné par Peter Cushing cède le pas à un étudiant insolent mais brillant interprété par l’excellent Ralph Bates. Le film en profite pour illustrer avec délectation un conflit des générations alors très à la mode. Car ce jeune Frankenstein n’hésite pas à ridiculiser un professeur hypocondriaque devant ses camarades étudiants, ou à provoquer la mort de son père dans un accident de chasse en trafiquant son fusil. A un notable furieux dont il a engrossé la fille, il se contente de répondre « félicitations » !

En reprenant possession du château familial, il poursuit même les habitudes de son défunt père qui consistaient à coucher avec la gironde gouvernante Alice (Kate O’Mara) ! Mais au-delà de ses défis à l’autorité et de ses courses de jupons, Frankenstein se consacre principalement à la science. Il parvient ainsi à ranimer le bras d’un cadavre qu’il a subtilisé à l’école de médecine, et installe bientôt un laboratoire complet dans le grenier, avec l’aide de son ami Wilhelm (Graham James). Après être parvenu à tuer puis ranimer une tortue, il décide de tenter l’expérience avec un être humain et se procure de nombreux cadavres à cet effet. Inquiet de la tournure que prennent les choses, Wilhelm somme son ami d’arrêter, sous peine de le dénoncer aux autorités. Frankenstein, qui a depuis longtemps laissé ses scrupules au vestiaire, l’électrocute et en profite pour récupérer sur son corps quelques pièces détachées supplémentaires. Il ne manque plus qu’un cerveau à ce puzzle anatomique.

Une brute aux instincts meurtriers

Notre savant jette son dévolu sur celui d’un éminent professeur, qui n’est autre que  le père de son amie d’enfance Elizabeth (Veronica Carlson, dont la blonde beauté rayonnait déjà dans Dracula et les femmes et Le Retour de Frankenstein). Victor empoisonne sans vergogne le pauvre homme, mais le cerveau s’abîme dans le transport, et lorsque la créature s’anime enfin, elle est animée de pulsions criminelles. David Prowse, futur Dark Vador et déjà titulaire du rôle du monstre de Frankenstein dans une toute petite apparition karlofienne à la fin de Casino Royale, prête sa silhouette de bodybuilder à cette créature fort impressionnante. Découvrant avec désarroi que l’œuvre de sa vie n’est qu’une brute aux instincts meurtriers, Frankenstein se résoud à l’employer pour éliminer tous les témoins gênants. Plus drôle, plus sanglant, plus impertinent et plus subversif que les autres films « officiels » de la série, Les Horreurs de Frankenstein ne remporta pourtant pas le succès escompté, et la Hammer revint aux bonnes vieilles recettes (et à Peter Cushing) pour clore définitivement la franchise en 1973.  


© Gilles Penso

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LES FILS DE L’HOMME (2006)

Une fable futuriste pétrifiante de réalisme dans laquelle le trésor le plus précieux semble être la dernière femme fertile

CHILDREN OF MEN

2006 – GB / USA

Réalisé par Alfonso Cuaron

Avec Clive Owen, Julianne Moore, Michael Caine, Chiwetel Ejiofor, Clare-Hope Ashitey, Pam Ferris, Danny Huston, Peter Mullan

THEMA FUTUR

Alfonso Cuaron avait créé la surprise en réalisant l’épisode le plus stylisé de la saga Harry Potter. Le savoir aux commandes d’un film d’anticipation avait donc de quoi titiller notre curiosité, et le résultat est à la hauteur de toutes les attentes. Adaptant la nouvelle homonyme de P.D. James publiée en 1993, qui semble elle-même puiser des éléments d’inspiration dans le roman « Barbe-Grise » de Brian Adliss, Les Fils de l’homme évoque moult fleurons du genre, de Soleil vert à New York 1997 en passant par Blade RunnerMad Max et même 2019, après la chute de New York. Pour autant, le film de Cuaron n’a rien du patchwork référentiel. Nous sommes à Londres en 2027, dans un futur qui ressemble étrangement à notre présent, à quelques exceptions près. Car une catastrophe insidieuse et imprévisible a frappé l’humanité : aucune femme n’est tombée enceinte depuis dix-huit ans. Cette stérilité généralisée annonce à terme l’extinction de la race humaine, ce qui explique en partie le chaos dans lequel le monde est tombé. Suite à de multiples actions terroristes, les plus grands pays ont été dévastés, voire rayés de la carte, et seule la Grande-Bretagne semble encore résister. D’où un flot incontrôlable d’immigrants irréguliers, parqués dans des cages ou dans des camps insalubres, et la mise en place d’un état policier frôlant le totalitarisme.

C’est dans ce contexte pour le moins pessimiste que se débat l’employé ministériel Theo Faron, qu’incarne avec beaucoup de conviction Clive Owen. Taciturne, il s’offre quelques escapades dans la maison de campagne de son vieil ami Jasper, un hippie sur le retour interprété par le savoureux Michael Caine. Au retour d’un de ces « bols d’air », Theo est kidnappé par un groupe extrémiste dirigé par Julianne Taylor, son ancienne campagne (la toujours magnifique Julianne Moore). Celle-ci lui offre de l’argent contre un service : aider une jeune femme prénommée Kee (Clare-Hope Ashitey) à passer la frontière. Theo accepte de mauvaise grâce, mais lorsqu’il découvre que Kee est enceinte, il réalise les énormes enjeux de sa mission…

Des plans-séquence vertigineux

Ce qui frappe dans Les Fils de l’homme, au-delà de ses comédiens extraordinaires et de son univers claustrophobique, ce sont les choix de mise en scène de Cuaron. Rejetant l’image léchée, préférant le format 1.85 au Cinemascope, optant pour des mouvements de caméra accidentés, des lumières crues et des effets spéciaux discrets, le cinéaste emprunte souvent ses effets de style au reportage. La crédibilité du récit s’en trouve indiscutablement renforcée. Du coup, les scènes d’action s’avèrent brutales, plausibles et terriblement immergentes pour le spectateur. A ce titre, on n’est pas près d’oublier l’incroyable séquence d’attaque de la voiture conçue en plan-séquence (les effets numériques permettant l’enchaînement invisible de six prises distinctes) ou la longue fusillade finale dans les rues dévastées, tournée caméra à l’épaule et héritée de Full Metal Jacket, Il faut sauver le soldat Ryan et La Chute du faucon noir. C’est donc dans un climat de tension et d’inconfort permanent que se déroule cette œuvre atypique dont l’impact perdure longtemps au-delà de son visionnage.

© Gilles Penso

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LEGEND (1985)

Ridley Scott nous plonge dans un monde magique où Tom Cruise affronte le plus spectaculaire des démons

LEGEND

1985 – GB

Réalisé par Ridley Scott

Avec Tom Cruise, Mia Sara, Tim Curry, David Bennent, Alice Playten, Billy Barty, Cork Hubbert, Peter O’Farrell, Kiran Shah

THEMA CONTES I HEROIC FANTASY I DIABLE ET DEMONS

Avec Alien et Blade RunnerRidley Scott s’est taillé sans mal une réputation d’orfèvre en matière de cinéma fantastique stylisé. Désireux de varier les plaisirs, il troque la science-fiction futuriste contre l’heroïc fantasy atemporelle à l’occasion de Legend, un projet extrêmement ambitieux qui effraie quelque peu les cadres de la 20th Century Fox. Admiratif du travail de Rob Bottin sur Hurlements de Joe Dante, Scott contacte très tôt le talentueux maquilleur pour l’embarquer dans cette aventure. Mais il devient vite très clair que le scénario initial est trop fourni en monstres, nécessitant des délais de production interminables et un budget colossal que le producteur Arnon Milchan ne peut assumer. Avec l’aide de Bottin, le cinéaste revoit donc ses ambitions à la baisse pour aboutir au scénario définitif que rédige William Hjortsberg. Nous sommes donc dans un royaume enchanté, où hommes et bêtes se côtoient paisiblement sous la protection d’un couple de licornes sacrées. Lili, une jeune et belle princesse incarnée par Mia Sara, habite ce pays de lumière dont elle aime explorer les bois en compagnie de son ami Jack, un tendre et joyeux ermite qui connaît tous les secrets de la nature, et à qui Tom Cruise, pas encore portée aux nues par Top Gun, prête ses traits juvéniles. Mais, sous ce paradis, dans les entrailles de la terre, se dissimule un être maléfique : Darkness, qui rêve de plonger le monde dans les ténèbres. Pour y parvenir, il lui faut détruire les deux licornes. La première succombe au dard mortel de trois diaboliques lutins. Jack et Lili sont désormais les seuls à pouvoir rétablir l’équilibre…

 

Porté par ce voyage au cœur de l’imaginaire enfantin, Scott stylise à l’extrême un conte moins naïf qu’il n’y paraît, mettant en œuvre des décors fabuleux, des éclairages magnifiques signés Alex Thomson et des créatures d’anthologie. L’ambivalence permanente des personnages et de leur environnement, sans cesse à cheval entre les ténèbres et la lumière, apporte à la fable une dimension inattendue, à mi-chemin entre les féeries de Walt Disney et l’épouvante de la Hammer, entre l’iconographie hollywoodienne et un esthétisme mi-européen mi-oriental du plus curieux effet. « Qu’est-ce que la lumière sans les ténèbres ? » s’interroge d’ailleurs l’un des personnages au cœur du récit. « Lorsque j’étais adolescent, ma culture cinématographique se limitait aux films américains », nous raconte Ridley Scott. « J’étais donc influencé par le style, la morale et les icônes d’Hollywood. Lorsqu’ensuite j’ai commencé mes études à Londres, j’ai découvert d’autres formes de cinéma, notamment les films européens, ceux d’Ingmar Bergman et d’Akira Kurosawa. C’est à partir de là que j’ai su que je deviendrai moi-même réalisateur de films. » (1)

 

La réincarnation du Diable de Fantasia

Ces influences multiples surgissent dans la splendide forêt de studio de Legend, où pleuvent les fleurs et les bulles, et où s’animent toutes sortes de créatures fabuleuses : une espèce de fée Clochette échappée de Peter Pan, des gnomes en tout genre, un petit satyre violoniste, deux adorables licornes ou encore une abominable sorcière dégoulinante.  Mais la créature la plus inoubliable du film est sans conteste Darkness, superbement interprété par Tim Curry (le Frankenstein transsexuel du Rocky Horror Picture Show). Darkness est né sous les coups de crayon habiles de Ridley Scott et Rob Bottin, tous deux excellents dessinateurs. L’une des premières idées du cinéaste est que cette créature soit capable de changer d’aspect selon son humeur. Démon magnifique dans ses bons moments, il se mue en bête abominable lorsque sa colère éclate. Quelques centaines de dessins et plusieurs semaines de réflexion plus tard, Scott change d’idée et se concentre sur une seule morphologie, celle d’un diable superbe et imposant, rouge vif, aux traits séduisants et au front surmonté de gigantesques cornes. Croisement entre la Bête de Jean Cocteau, le Joker de Batman, la sorcière de Blanche Neige et les sept nains et le diable de Fantasia, Darkness bénéficie également de quelques attributs animaux imaginés par Bottin, notamment un front de taureau et des oreilles de bouc. Tous ces monstres et merveilles s’animent aux accents féeriques d’une partition de Jerry Goldsmith (déjà compositeur d’Alien), qui verse par moments dans la comédie musicale surréaliste et mélancolique.

 

(1) Propos recueillis par votre serviteur en avril 2005

© Gilles Penso

 

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STARFIGHTER (1985)

Un sympathique space opera réalisé par l'interprète original de Michael Myers, ponctué de révolutionnaires images de synthèse

THE LAST STARFIGHTER

1985 – USA

Réalisé par Nick Castle

Avec Lance Guest, Dan O’Herlihy, Catherine Mary Stewart, Robert Preston, Chris Herbert, Barbara Bosson, Norman Snow

THEMA SPACE OPERA I EXTRA-TERRESTRES

Ancien homme à tout faire auprès de John Carpenter, Nick Castle fut notamment scénariste de New York 1997, assistant caméraman de Dark Star et interprète de Michael Myers dans La Nuit des masques. Après un premier film variant avec inventivité sur la thématique des serial killers de l’époque, Tag, il enchaînait avec Starfighter, l’une des imitations les plus originales et les plus rafraîchissantes de La Guerre des étoiles. L’action se situe dans un camping, lieu de résidence permanent d’une poignée de sympathiques protagonistes, en particulier Alex Rogan qui, à 18 ans, rêve de voyages et de grandes aventures. Or pour l’heure, il passe le plus clair de son temps à réparer les appareils électriques de ses voisins, quand il ne traîne pas avec une bande de copains pas franchement finauds. Ses seules évasions sont une jolie petite amie et un jeu vidéo d’arcade baptisé « Starfighter ». Devenu virtuose aux commandes de cette bataille spatiale virtuelle visiblement inspirée du célèbre « Space Invaders » qui faisait à l’époque fureur sur les consoles Atari, Alex finit par atteindre le meilleur score.

Aussitôt, un homme étrange, qui se fait appeler Centauri, l’aborde en se présentant comme le créateur du jeu. Grâce à son score, le jeune prodige vient d’être sélectionné pour devenir lui-même un Starfighter, autrement dit joindre une escouade de pilotes de vaisseaux spatiaux censés s’unir pour défendre l’univers face à la menace du sinistre Zur. Évidemment, Alex n’y croit pas une seconde, mais lorsque la voiture de Centauri se met à voler au-dessus de la route en prenant les allures de la Delorean de Retour vers le futur, puis s’élève au-dessus de l’atmosphère pour le conduire dans une station spatiale, il est bien obligé de se rendre à l’évidence : Starfighter n’est pas seulement un jeu vidéo. Refusant cette trop lourde responsabilité dans un premier temps, Alex finit par accepter, tandis qu’un robot à son effigie le remplace sur Terre le temps de la bataille, occasionnant les séquences les plus drôles du film.

Des vaisseaux spatiaux 100% numériques

Car Starfighter, paré d’une mise en scène alerte de Nick Castle, ne s’interdit aucun trait d’humour, sans verser pour autant dans la pantalonnade parodique. A celle de La Guerre des étoiles, le film ajoute l’influence de Tron, et profite de la brèche ouverte par ce dernier pour oser un tour de force technique alors très avant-gardiste : abandonner les maquettes pour reconstituer toutes les séquences spatiales en image de synthèse. Ce parti pris, aujourd’hui banalisé, était évidemment fort risqué en 1985, et on ne peut que saluer la qualité du résultat. Car si les vaisseaux spatiaux en 3D souffrent fatalement de textures moyennement réalistes (en particulier lors de la poursuite à l’intérieur d’un astéroïde qui évoque L’Empire contre-attaque), le dynamisme de leurs chorégraphies est une indéniable réussite. « Starfighter était un film pivot en ce qui concerne l’avancement technique des effets visuels réalisés sur ordinateur », raconte le spécialiste des effets numériques Kevin Rafferty. « L’équipe de Digital Productions a remporté un Oscar spécial en 1984 pour notre travail sur ce film, qui contient de nombreux plans intégralement numériques. »  (1) Comme en outre la partition symphonique de Craig Safan n’a rien à envier aux envolées lyriques de John Williams et Jerry Goldsmith, et que les maquillages extra-terrestres se démarquent habilement de ceux des Star Wars et des Star TrekStarfighter est assurément l’un des space opéra les plus réjouissants des années 80.

 

(1) Propos recueillis par votre serviteur en décembre 2008

© Gilles Penso

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LA DERNIÈRE MAISON SUR LA GAUCHE (1972)

Le premier long-métrage de Wes Craven est une œuvre choc dont l'influence sera durable sur le cinéma de genre des années 70

THE LAST HOUSE ON THE LEFT

1972 – USA

Réalisé par Wes Craven

Avec David Hess, Lucy Grantham, Marc Sheffier, Sandra Cassel, Fred J. Lincoln, Jeramie Rain, Richard Towers, Cynthia Carr

THEMA TUEURS I SAGA WES CRAVEN

Wes Craven se destinait à priori à une carrière d’écrivain plutôt que de cinéaste. «  Je n’ai fréquenté les salles de cinéma que tardivement, dans la mesure où j’ai été élevé dans un cadre familial et religieux strict qui n’approuvait pas que les enfants voient des films », raconte-t-il. « J’ai donc grandi en lisant des livres. Ce n’est qu’en devenant enseignant que j’ai pu me rattraper, grâce à un cinéma d’art et d’essai qui passait de nombreux grands classiques européens. J’ai ainsi découvert les films de Renoir, de Fellini, de Truffaut. Fasciné par ces œuvres magnifiques, j’ai finalement démissionné pour partir à New York travailler dans le cinéma. » (1) Là, notre homme accumule les petits boulots, de coursier à synchroniseur de rushes, jusqu’à sa rencontre avec le producteur Sean S. Cunningham, qui finance des petits films de fiction tournés en 16 mm avec des moyens techniques de documentaires. « Les exploitants réclamant à Sean un film d’horreur, il a fini par me proposer d’en écrire le script », continue Craven. « S’il était convaincant, j’aurais la possibilité de le réaliser et de le monter moi-même. Le problème, c’est que je n’y connaissais rien. Pour moi, les films d’horreur se résumaient à des squelettes cachés dans des placards ! » (2)

Pourtant, ce cinéphile invétéré se prête habilement au jeu et livre l’un des films d’horreur les plus influents des années 70. Le script, d’une grande simplicité, raconte l’enlèvement, le viol, la torture et le meurtre de deux jeunes filles par quatre dangereux criminels en cavale. Étrangement, Craven emploie des ballades folks et pop joyeuses en guise de bande originale, créant un décalage intéressant avec le climat malsain du film et dédramatisant presque les séquences de suspense, notamment lorsque l’une des captives tente de s’échapper. On peut en revanche s’interroger sur la pertinence des deux éléments comiques du film, deux policiers patauds et partisans du moindre effort qui rivalisent de bêtise et d’inefficacité. Mais lorsque surviennent les meurtres, la crudité de la mise en scène (due à l’extrême pauvreté d’un budget estimé à 80 000 dollars) les dote d’un réalisme et d’une brutalité inattendus.

La vengeance engendre la violence

L’originalité du film consiste d’ailleurs à adopter à tour de rôle le point de vue des victimes et celui des assassins (avec en tête l’impressionnant David Hess, que Craven allait retrouver dans La Créature du marais)… jusqu’à ce que les rôles ne s’inversent. Car l’ironie du sort veut que les tueurs trouvent refuge dans la maison des parents d’une des victimes. Et lorsque ces derniers comprennent à qui ils ont affaire, la vengeance est largement à la hauteur du crime… Si le propos est fort, cette partie du récit manque singulièrement de cohérence. En effet, la vengeance en question est froide et méthodique, ce qui ne colle pas avec la douleur indescriptible de deux parents découvrant tout juste qu’ils abritent les assassins de leur fille. Le paroxysme final est tout de même assez dérangeant : tout se finit au couteau, à la tronçonneuse et même à coups de dents ! Succès commercial inattendu, La Dernière maison sur la gauche rapporta plus de 20 millions de dollars, soit plus de deux cents fois son budget, et propulsa la carrière de Wes Craven.

 

(1) et (2) Propos recueillis par votre serviteur en octobre 2005

© Gilles Penso

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