BLOOD DOLLS (1999)

Un millionnaire psychopathe crée des poupées meurtrières pour se venger de ceux qui l’ont trahi…

BLOOD DOLLS

 

1999 – USA

 

Réalisé par Charles Band

 

Avec Kristopher Logan, Debra Mayer, William Paul Burns, Warren Draper, Nicholas Woeth, Jodie Fisher, Phil Fondacaro, Naomi McClure, Jack Forbes, Jason Pace

 

THEMA JOUETS I CLOWNS I SAGA CHARLES BAND

Très occupé en cette fin de vingtième siècle, le producteur Charles Band prend tout de même le temps de réaliser lui-même Blood Dolls avec lequel il espère créer un petit événement. Son idée consiste en effet à se servir de ce film d’horreur délirant – tourné à la va vite pendant douze jours en Californie – pour lancer la carrière d’un groupe de rock féminin. Il réunit donc quatre chanteuses et musiciennes sous le nom des « Blood Dolls » (« Les poupées sanglantes ») : Cotton Baby, Black Baby, Razor Baby et Shirley. Derrière ces pseudonymes se cachent Venesa Talor, Persia White, Yvette Lera et J. Paradee. Autoproclamées « anti-Spice Girls », celles-ci se voient dotées d’un look trash sexy et ponctuent régulièrement le film de morceaux de rock, le reste de la bande originale étant pris en charge par Richard Band sous le pseudonyme de Ricardo Bizzeti. Mais Band veut aller plus loin : avec le concours de Miles Copeland, le manager de Police et de Sting, il prépare une tournée du groupe sur le continent américain. L’opération semble juteuse : les concerts des filles aideront à la promotion du film, qui servira lui-même de showcase pour faire découvrir leur répertoire. En théorie, c’est imparable. En pratique, rien ne va se passer comme prévu…

Le scénario de Blood Dolls est un joyeux fourre-tout qui réutilise plusieurs ingrédients déjà exploités par Band dans le passé. Caché sous un masque sinistre qui ferait passer Fantomas pour un joyeux drille, Travis Virgil (Kristopher Logan) est un millionnaire génétiquement modifié dont la tête n’est pas plus grosse qu’une balle de tennis. Féru d’excentricités, il a à ses services un majordome dont le maquillage de clown sinistre est le même que celui du Jack-Attack de Demonic Toys (William Paul Burns), un assistant nain acariâtre (Phil Fondacaro, le Dracula de The Creeps) et quatre filles turbulentes enfermées dans une cage qui sont contraintes de jouer des morceaux de rock à la demande sous peine de subir des décharges électriques. Ce sont elles, les fameuses « Blood Dolls ». Suite à une manigance financière lui ayant fait perdre des fortunes, Travis décide de se venger de ceux qui l’ont trahi à l’aide d’une de ses inventions : une machine capable de transformer les humains en poupées meurtrières qui lui obéissent au doigt et à l’œil. Le titre du film désigne ainsi à la fois les chanteuses en prison et les jouets assassins…

La poupée qui fait non

Le film part un peu dans tous les sens, accumulant les passages gore (un homme transpercé par une perceuse dans une gigantesque gerbe de sang, un autre qui est lentement découpé par des câbles en fer qui le saucissonnent étroitement), les scènes SM (entre une femme dominatrice et son époux fébrile), les gags insolites et les chansons qui scandent régulièrement le scénario. Pour le reste, Blood Dolls applique peu ou prou la même recette que la saga Puppet Master, lançant dans les pattes des futures victimes trois poupées grimaçantes adeptes des pièges mortels et des armes blanches miniatures. Charles Band espère visiblement faire de son film un objet de culte. En réalité, Blood Dolls passera relativement inaperçu. Quant à la tournée musicale prévue, elle n’aura jamais lieu, l’un des membres du groupe (Venesa Talor, ancienne strip-teaseuse et héroïne de Femalien) ayant officiellement refusé le maigre salaire prévu pour cette opération (avocat et action en justice à la clé). Le groupe des « Blood Dolls » ne survivra pas à cette tentative étouffée dans l’œuf. Dommage, l’idée n’était pas mauvaise. Mais comme souvent, Charles Band n’a pas les moyens de ses ambitions et sabote d’excellents concepts qui mériteraient qu’on mette un peu plus généreusement la main à la poche.

 

© Gilles Penso

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BAD CGI GATOR (2023)

Ne reculant devant rien, ce film de monstre fait la promotion de la mauvaise qualité de ses effets spéciaux !

BAD CGI GATOR

 

2023 – USA

 

Réalisé par Danny Draven

 

Avec Michael Bonini, Maddie Lane, Ben VanderMey, Rebecca Stoughton, Cooper Drippe, Sarah Buchanan, Lee Fealy

 

THEMA REPTILES ET VOLATILES I SAGA CHARLES BAND

Chez Full Moon, on ose tout, même l’impensable. La compagnie à l’origine des sagas Puppet Master et Subspecies n’hésite jamais devant un bon concept, surtout s’il est provocateur. Quelques années après avoir commis un Corona Zombies calamiteux qui n’eut d’autre vertu que celle d’un morbide opportunisme, la société de Charles Band tente le tout pour le tout : un film de monstre qui assume pleinement la mauvaise qualité de ses effets spéciaux en en faisant non seulement un argument marketing mais aussi un élément comique vaguement justifié par un scénario improbable. Pour être honnête, l’idée n’est pas nouvelle, puisque Matthew et Jason Ellsworth signaient déjà un Bad CGI Sharks en 2019. C’est Zalman Band, le propre fils de Charles, qui est à l’origine de l’histoire abracadabrante de Bad CGI Gator, tandis que la réalisation échoit à Danny Draven (Horrorvision, Cryptz, Patient Seven). Signe des temps, Full Moon produit désormais de nombreux films directement destinés à leur plateforme de streaming et donc formatés sur des durées courtes (deux fois 30 minutes ou une heure). Bad CGI Gator (dont le titre pourrait se traduire par « L’alligator en mauvaises images de synthèse », oui ça sonne tout de suite moins bien en français) fait partie de cette nouvelle génération de films « direct-to-streaming » qui se distinguent généralement par une mise en forme soignée malgré des budgets ridicules.

Les héros de ce petit film absurde sont six étudiants qui rivalisent de stupidité et sont ouvertement pétris de clichés : le gros bras sportif, l’abruti imbibé de bière, les deux bimbos superficielles accros aux réseaux sociaux, le garçon réservé et maladroit (qui ressemble bizarrement à une version jeune de Martin Sheen) et la fille marginale qui se sent au-dessus des autres. Ce petit groupe mal assorti s’installe dans une maison au bord d’un lac pour un petit séjour à base de bière, de coucheries, de vidéos TikTok et de jeux idiots. L’un d’entre eux consiste à jeter tous les ordinateurs portables en leur possession au fond du lac, comme un acte de rébellion contre les conventions… à condition de tout filmer et de tout envoyer sur les réseaux sociaux en espérant créer une vidéo virale. Les ordis coulent donc à pic. Mais un petit alligator qui passait par là entre en contact avec les machines. Soudain, une étrange réaction en chaîne se déclenche : frappé par des éclairs électrico-numériques, le reptile devient énorme et prend les allures d’une création approximative en images de synthèse. Ce monstre improbable surgit des eaux et décide de grignoter les six ados attardés qui se trouvent à proximité…

Digitalligator

Bad CGI Gator assume pleinement l’incongruité de son intrigue et de ses personnages, multipliant chez ses jeunes héros les comportements niais et les dialogues saugrenus, comme lorsque le grand macho crie « je suis un mâle alpha ! » en brandissant un sabre, ou lorsque l’une des filles se demande si l’alligator tueur est un mâle, une femelle ou un saurien non genré. Bien sûr, l’attraction principale reste cette vilaine bête qui s’avère capable de courir, de sonner aux portes et même de voler. Son animation, sa texture et son incrustation dans les prises de vues réelles rivalisent de médiocrité assumée. Les effets visuels sont pourtant attribués à Dave Matherly qui, jadis, œuvrait pour des films comme Vampire vous avez dit vampire, Les Aventures de Jack Burton, The Devil’s Rejects ou Hostel. Ici, nous voilà revenu à l’époque des « creature features » diffusés sur Sci-Fi Channel au tout début des années 2000, des micro-productions Nu Image ou des pires rejetons d’Asylum. À côté des effets numériques de Bad CGI Gator, n’importe quel Sharknado ressemble à Avatar, c’est dire ! On s’amuse donc raisonnablement dans ce film qui rit de sa propre bêtise… puis s’oublie aussitôt après avoir été visionné.

 

© Gilles Penso


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DEMONIC TOYS : JACK-ATTACK (2023)

Le clown aux dents tranchantes de la saga Demonic Toys a droit à son propre film et terrorise une famille de fermiers au fin fond de l’Amérique…

DEMONIC TOYS : JACK-ATTACK

 

2023 – USA

 

Réalisé par William Butler

 

Avec Sofia Castellanos, Mabel Thomas, Carson Polish, Kamarra Cole, Taylor Abigail Rice, Sean Ramey, Maddie Small, Christine Brunner, Tim Novotny

 

THEMA JOUETS I CLOWNS I SAGA CHARLES BAND I DEMONIC TOYS

Après avoir consacré trois films à l’affreux bébé en plastique aux dents acérées Baby Oopsie, le réalisateur William Butler et le producteur Charles Band continuent à décliner les personnages de la petite franchise Demonic Toys en s’intéressant cette fois ci à Jack-Attack, un démon maléfique qui a pris lui aussi possession d’un jouet apparemment inoffensif. Jack a donc la forme d’une tête de clown grimaçante montée sur ressorts et enfermée dans une boîte. Capable de mordre ses victimes avec ses crocs tranchants, il peut aussi se déloger de son support pour ramper comme un serpent et s’en aller commettre toutes sortes de ravages. Son potentiel horrifique est donc intéressant, tirant parti de la phobie des clowns entretenue dans des films comme Ça ou Terrifier. Jugeant peut-être que ce bon vieux Jack risque d’avoir du mal à soutenir par sa seule présence un film entier, privé de ses habituels partenaires de jeu, le scénario lui adjoint ici un comparse inquiétant : un autre clown (en pied, celui-ci) muet dont le comportement bestial, les allures de boucher et le maniement du marteau ne sont pas sans évoquer le Leatherface de Massacre à la tronçonneuse.

Le duo infernal se déchaîne dès le prologue, réduisant en charpie une vieille dame sous les yeux de l’adolescente Lily (Sofia Castellanos). Désormais muette, l’orpheline traumatisée passe ses journées à dessiner des clowns effrayants en attendant qu’une famille d’accueil veuille bien la prendre en charge. Les heureux élus sont Tyler et Kate Yost (Sean Ramey et Christine Brunner), un couple de fermiers qui accepte de recueillir la malheureuse, sous la supervision attentive de la travailleuse sociale Audrey Haines (Mabel Thomas). Lily découvre son nouveau foyer ainsi que les deux enfants du couple Yost, autrement dit Dewey (Taylor Abigail Rice), une « influenceuse » accro à son téléphone, et Mike (Carson Polish) qui passe son temps à batifoler avec sa petite-amie. Mais Jack-Attack a suivi Lily jusque dans cette coquette propriété rurale et ne saurait tarder à sortir de sa boîte pour s’adonner à son jeu favori : ricaner en massacrant tous ceux qui passent à sa portée…

L’attaque des clowns

Fidèle à ses habitudes, William Butler soigne sa mise en forme malgré une poignée de maladresses (l’ombre d’un drone pendant une prise de vue aérienne, quelques raccords sonores hasardeux) et cherche même à approfondir un peu ses personnages en adoptant une tonalité sérieuse et sombre. Mabel Thomas et Sofia Castellanos nous offrent à ce titre des prestations très honorables, même si ce potentiel est sous-exploité par le format court du film (une heure à peine) et par une intrigue somme toute filiforme. Butler s’amuse donc avec sa mise en scène, laissant apparaître furtivement dans le cadre des silhouettes de clown que seuls les spectateurs ou Lily parviennent à apercevoir, et ne rechigne pas devant les effets gore pour diversifier les séquences de meurtres. La chair se déchire, les yeux s’arrachent, les entrailles s’ouvrent, les hachoirs à viande tournent à plein régime et les enclumes tombent sur les victimes comme dans un cartoon des Looney Tunes. On apprécie aussi le discret crossover avec la série des Baby Oopsie via l’évocation des événements liés au personnage de Sybil Pittman, la collectionneuse de vieilles poupées. Sans doute une « réunion » des joujoux diaboliques de Demonic Toys est-elle prévue dans la foulée, comme le laisse entendre cet épilogue très ouvert.

 

© Gilles Penso

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KRAA ! THE SEA MONSTER (1998)

Une patrouille intergalactique tente d’arrêter un monstre géant envoyé sur notre planète par le maléfique Lord Doom…

KRAA ! THE SEA MONSTER

 

1998 – USA

 

Réalisé par Aaron Osborne, Dave Parker et Michael Deak

 

Avec Michael Guerin, Jon Simanton, R.L. McMurry, Teal Marchande, Robert Garcia, Robert J. Ferrelli, Alison Lohman, Stephan Martines, Anthony Furlong

 

THEMA EXTRA-TERRESTRES I SAGA CHARLES BAND

Quelques mois à peine après le tournage de Zarkorr ! The Invader, Full Moon lance la mise en production d’un autre film de monstre géant calqué sur le même modèle : Kraa ! The Sea Monster. Au départ, l’idée est de suivre une méthode de réalisation similaire, autrement dit laisser le spécialiste des effets spéciaux Michael Deak filmer les séquences de destructions de décors miniatures avec un homme dans un costume de créature extra-terrestre, demander au scénariste Benjamin Carr d’imaginer une histoire intégrant ces séquences et solliciter le réalisateur Aaron Osborne pour tourner toutes les scènes avec des comédiens. Malgré le résultat médiocre obtenu avec Zarkorr, le producteur Charles Band souhaite ainsi lancer une petite série de films inspirés de la saga Godzilla dont les titres sont empruntés à des comic books de chez Marvel (Zarkorr et Kraa sont en effet des personnages issus du magazine « Tales of Suspense »). Mais plusieurs problèmes imprévus interrompent le tournage de Kraa et mettent le projet en pause. Lorsqu’il redémarre deux ans plus tard, Band a l’idée de faire appel à un troisième réalisateur, Dave Parker, pour tourner de nouvelles séquences situées dans une station spatiale avec un équipage futuriste habillé dans des combinaisons/pyjamas façon Star Trek. Kraa est donc un film joyeusement décousu et chaotique.

D’emblée, le film prend les allures d’une série de science-fiction japonaise des années 80 destinée à un public d’enfant. Mais face à la pauvreté des décors et des costumes de Kraa, même Spectreman, X-Or ou Bioman ressemblent à Star Wars. Nous découvrons d’abord Lord Doom, un méchant émule de Skeletor qui semble avoir acheté son costume dans un magasin de farces et attrapes. D’une voix caverneuse, il annonce son intention d’envoyer le monstre Kraa sur la Terre pour tout détruire afin d’y installer son règne. Pour contrecarrer ses plans, la patrouille intergalactique (dont la station spatiale a les allures d’une version cheap de l’Etoile Noire) décide d’entrer en action en sollicitant une nouvelle recrue dotée de pouvoirs parapsychologiques : Curtis, incarnée par une toute jeune Alison Lohman, future héroïne des Associés de Ridley Scott et de Jusqu’en enfer de Sam Raimi. Incapables d’agir suite à une avarie technique, nos gendarmes spatiaux décident d’envoyer sur Terre un agent secret extra-terrestre. Celui-ci, Mogyar, est une petite créature visqueuse à l’accent italien qui fait la rencontre d’un motard et de la propriétaire d’un snack dont il sollicite l’aide pour lutter contre le redoutable Kraa…

Kraa…tastrophe !

Kraa ! The Sea Monster est fait de bric et de broc, ses acteurs jouent tous comme des savates, son intrigue est strictement dénuée d’intérêt et la mise en scène amorphe d’Aaron Osborne et Dave Parker n’arrange rien. Malgré tout, le film s’avère beaucoup plus distrayant que son calamiteux prédécesseur, ne serait-ce parce qu’il assume pleinement son caractère « pulp » et autoparodique. Quelques clins d’œil jalonnent d’ailleurs le récit, comme ce cinéma qui projette Zarkorr ! The Invader ou cette affiche du Godzilla de Roland Emmerich (sorti sur les écrans la même année) que Kraa déchire d’un air rageur. Les séquences qui mettent en scène le monstre géant restent les moments les plus réjouissants, rivalisant d’inventivité et d’audace malgré des moyens extrêmement limités qui ne permettent pas la construction de maquettes très élaborées. Par conséquent, la grande majorité des décors miniatures ressemblent à des jouets, sans pour autant que le charme de ces passages délicieusement régressifs n’en soit entaché. Chaque fois qu’il le peut, Charles Band rend également hommage aux comics Marvel de son enfance. Face à ce quatuor de héros en combinaison bleu électrique qui affronte un super-vilain masqué et encapuchonné nommé Doom, comment ne pas penser aux Quatre Fantastiques et au docteur Fatalis ? D’autres films conçus dans le même esprit sont envisagés après Kraa (notamment une sorte de mixage entre Le Salaire de la peur et Gorgo imaginé par Michael Deak). Mais la série des kaijus à la sauce Full Moon s’arrête finalement là, et ça n’est sans doute pas plus mal.

 

© Gilles Penso


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ZARKORR ! THE INVADER (1996)

Un monstre géant venu d’une autre planète menace de détruire la Terre… Seul un modeste employé de la Poste semble capable de l’arrêter !

ZARKORR ! THE INVADER

 

1996 – USA

 

Réalisé par Aaron Osborne et Michael Deak

 

Avec Rhys Pugh, Torie Lynch, Deprise Grossman, Mark Hamilton, Franklin A. Vallette, Don Yanan, Peter Looney, Dyer McHenry, Stan Chambers

 

THEMA EXTRA-TERRESTRES I SAGA CHARLES BAND

Jusqu’alors spécialisé dans les petites créatures agressives et malicieuses (Ghoulies, Troll, Dolls, Puppet Masters, Subspecies, Demonic Toys), le producteur Charles Band décide d’inverser la tendance en s’intéressant aux grands monstres façon Godzilla. L’idée lui vient de Michael Deak, son superviseur d’effets spéciaux attitré depuis 1992, qui a réalisé pour son plaisir personnel un court-métrage rendant hommage aux kaijus japonais. « Charlie est venu me voir après avoir vu ces images et m’a dit : “Voici environ 40 000 dollars pour tourner des séquences avec un monstre géant, nous allons en faire un film” », raconte Deak. « Ces 40 000 dollars comprenaient le matériel, l’achat de la pellicule, son développement, son transfert sur des bandes Beta et le salaire de toute l’équipe. Heureusement, mon ami Lex Nakashima possédait son studio et avait fait construire des costumes de créatures au Japon pour ses propres projets. Le costume de Zarkorr était l’un d’entre eux. Je lui ai demandé si je pouvais le lui emprunter, construire une ville miniature sur son plateau et tout faire exploser.” Et il a accepté. » (1) En une journée, Deak tourne ainsi des séquences jubilatoires au cours desquelles le grand monstre déambule dans la cité et casse tout. Reste à élaborer un scénario pour y intégrer ces images.

C’est Neal Marshall Stevens, sous son pseudonyme habituel de Benjamin Carr, qui est chargé d’écrire un script autour de ces scènes d’effets spéciaux, sachant que le réalisateur sélectionné, Aaron Osborne (Caged Heat 3000), aura moins d’une semaine pour mettre en boîte ses séquences. Il est donc impératif de réduire au maximum le nombre de décors, de personnages et d’intrigues. Le personnage principal est Tommy Ward (Rhys Pugh), un modeste employé des services postaux qui reçoit un jour la visite d’une entité extra-terrestre. Celle-ci prend l’apparence d’une adolescente de quinze centimètres (Torie Lynch), ce qui n’est pas sans nous évoquer les sœurs jumelles miniatures de Mothra. La visiteuse lui annonce qu’un monstre gigantesque baptisé Zarkorr s’apprête à ravager la Terre et que Tommy est le seul espoir pour l’humanité. Charge à lui de trouver le point faible de cette espèce de dinosaure cornu aux yeux laser de soixante mètres de haut, faute de quoi la planète est perdue…

Monstrueusement ennuyeux

Le principe de la division des équipes de tournage (l’une pour les humains, l’autre pour les monstres) a longtemps été éprouvé par des studios nippons comme la Toho ou la Daei pour les films des franchises Godzilla et Gamera. Les choses auraient pu fonctionner de la même manière dans Zarkorr si le processus avait suivi une certaine logique. Mais puisque Michael Deak a tourné ses scènes de destruction à l’aveuglette et qu’Osborne a bricolé ce qu’il pouvait avec les moyens du bord, le film ne tient pas du tout la route. Il nous semble même regarder des scènes provenant de deux longs-métrages distincts et assemblées entre elles de manière aléatoire. Tout ce qui touche au monstre et aux maquettes est très réjouissant, Deak retrouvant la saveur des kaijus d’antan (même si ses décors fleurent bon le carton-pâte et que les actions finissent par se répéter). Tout le reste, hélas, est d’un ennui profond. La mise en scène et le jeu des acteurs frôlent l’amateurisme (avec une mention spéciale pour l’interprète horripilant du hacker hystérique), les décors sont laids, les péripéties terriblement statiques. Même Richard Band, d’ordinaire plus inspiré, compose une bande originale synthétique banale alors qu’il aurait pu s’amuser à rendre hommage aux travaux d’Akira Ifukube ou de Max Steiner. Bref, comme souvent chez Full Moon, le concept et le poster valent bien mieux que le film lui-même. Charles Band poursuivra pourtant dans la même voie avec Kraa ! The Sea Monster.


(1) Propos extraits du livre « It Came From the Video Aisle ! » (2017)

 

© Gilles Penso


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LES GUETTEURS (2024)

Pour son premier long-métrage, la fille de M. Night Shyamalan nous plonge dans des bois mystérieux abritant un inquiétant secret…

THE WATCHERS

 

2024 – USA

 

Réalisé par Ishana Shyamalan

 

Avec Dakota Fanning, Georgina Campbell, Olwen Fouéré, Oliver Finnegan, Alistair Brammer, John Lynch, Siobhan Hewlett, Hannah Dargan, Emily Dargan

 

THEMA CONTES I DOUBLES

Ishana Shyamalan a appris les ficelles du métier en fréquentant les plateaux de tournage de son père. Réalisatrice de deuxième équipe sur Old, signataire de plusieurs épisodes de la série Servant, elle fait le grand pas avec Les Guetteurs, dont elle écrit elle-même le scénario d’après le roman de A.M. Shine. M. Night Shyamalan continue de mettre le pied à l’étrier de sa fille en produisant lui-même ce premier long-métrage, qu’il finance avec ses fonds propres avant de le revendre pour 30 millions de dollars au studio Warner. Évidemment, il n’aura pas fallu longtemps pour que la presse utilise à tout bout de champ le mot « népotisme » pour définir cette situation. Le film aurait-il eu autant de facilités à se concrétiser sans le nom de Shyamalan Sr. au générique ? Sans doute pas. Consciente de l’avantage inestimable dont elle bénéficie, la réalisatrice est bien décidée à en tirer parti du mieux qu’elle peut. « J’y pensais tout le temps pendant la fabrication du film », avoue-t-elle. « J’avais très peur d’être jugée à cause de ça. Mais finalement, ce n’est pas si mal d’avoir quelque chose à prouver par vous-même. Ça vous pousse à travailler plus dur et à en faire encore plus. » (1)

L’héroïne des Guetteurs est interprétée par Dakota Fanning, que nous avons découverte petite fille dans des films comme Le Chat chapeauté, Man on Fire ou La Guerre des Mondes. C’était aussi la voix de Coraline et la Jane de la saga Twilight. Elle incarne ici Mina, une jeune Américaine qui travaille dans une animalerie à Galway, en Irlande. Encore sous le choc de la mort de sa mère survenue seize ans plus tôt, elle a coupé les ponts avec sa sœur jumelle Lucy (on notera que leurs deux prénoms proviennent du « Dracula » de Bram Stoker) et vit seule sans attaches. Un jour, son employeur la charge de livrer un perroquet de grande valeur à un zoo près de Belfast. Mina accepte, prend la route avec le précieux volatile coloré qu’elle finit par baptiser Darwin et traverse une forêt dense. Au beau milieu des arbres et de la végétation, il nous semble pénétrer avec elle dans une sorte de Triangle des Bermudes irlandais qui cesse abruptement de faire fonctionner les téléphones, les radios et les voitures. En panne, complètement perdue, Mina erre bientôt dans les bois sans se douter des sombres secrets qui s’y cachent…

Les yeux de la forêt

Le point de départ du film est intriguant et sait capter aussitôt l’attention du spectateur, dans la droite lignée des travaux de Shyamalan père. Mais très vite, Les Guetteurs nous assène toute une série de règles expliquant le fonctionnement du phénomène mystérieux dans lequel est plongée notre héroïne. Ce procédé très littéraire et bien peu cinématographique, au cours duquel les dialogues n’en finissent pas de détailler les mécanismes du scénario, entame très vite la suspension d’incrédulité des spectateurs qui ont bien du mal à accepter le concept auquel on tente de leur faire croire. Les choses sont amenées mécaniquement, sans finesse (comme ce parallèle entre la situation des protagonistes et les jeux de télé-réalités par exemple), les pensées des personnages sont exprimées à voix haute (« je m’amuse à me déguiser de temps en temps » dit Dakota Fanning face à son rétroviseur) et le film passe le plus clair de son temps à nous raconter ses procédés narratifs par l’intermédiaire de la voix de l’enseignante incarnée par Olwen Fouéré. C’est d’autant plus dommage qu’Ishana Shyamalan fait ici preuve d’un indiscutable sens de l’image et de la mise en scène, jouant avec habileté sur les motifs de la gémellité et de la dualité tout en déclinant sous un angle inattendu le principe des « body snatchers ». Nous serions maintenant curieux de la voir s’extraire de l’influence de son père pour pouvoir affirmer sa propre personnalité.

 

(1) Extrait d’une interview publiée dans « Refinery29 » en juin 2024

 

© Gilles Penso


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HELLRAISER RÉVÉLATIONS (2011)

Ne cherchez plus : voilà sans doute le pire de tous les opus engendrés par la franchise Hellraiser, écrit, tourné et joué n’importe comment…

HELLRAISER REVELATIONS

 

2011 – USA

 

Réalisé par Victor Garcia

 

Avec Steven Brand, Jay Gillespie, Tracey Fairaway, Sebastien Roberts, Stephan Smith Collins, Devon Sorvari, Sanny van Heteren, Jolene Andersen

 

THEMA DIABLE ET DÉMONS I SAGA HELLRAISER

Ceux qui pensaient avoir touché le fond avec Hellraiser : Hellworld ne se doutaient pas que le pire restait à venir. Les frères Weinstein préparaient pourtant depuis longtemps la mise en chantier d’un remake ambitieux du premier film de la saga. Mais ce projet nécessitait des mois dont les producteurs ne disposaient pas. En effet, il leur était indispensable de lancer un nouvel opus en un temps record sous peine de perdre les droits de la franchise. Exit donc le remake, place à Hellraiser Révélations, une huitième séquelle expédiée en trois semaine seulement, tournage compris ! Le scénario, écrit à la va-vite par le spécialiste des maquillages spéciaux Gary J. Tunnicliffe, est aussitôt envoyé à l’acteur Doug Bradley dans l’espoir de le voir reprendre une nouvelle fois le rôle de Pinhead. « L’encre du scénario est à peine sèche et voilà qu’ils prévoient de démarrer le tournage dans deux semaines puis de distribuer le film un mois plus tard ! », raconte-t-il à l’époque. « Le calendrier de tournage est minuscule, le budget aussi. Franchement, il ne me semble pas qu’il s’agisse d’une tentative sérieuse de faire revivre la franchise Hellraiser » (1). Bradley passe donc son tour. Il sera remplacé par Stephan Smith Collins (pour le visage) et Fred Tatasciore (pour la voix). La mise en scène est confiée à Victor Garcia, signataire des peu mémorables Retour à la maison de l’horreur, Arctic Predator et Mirrors 2. Charge à lui d’emballer ce neuvième Hellraiser en onze jours de tournage.

Les premières minutes du film nous laissent imaginer que nous avons affaire à un « found footage » de la pire espèce : caméra hystérique qui bouge dans tous les sens, image floue et surexposée… Les choses se calment par la suite, l’aspect « reportage vidéo » devenant plus anecdotique, sans pour autant que la mise en forme d’Hellraiser Révélations n’en soit grandement améliorée. La caméra continue d’avoir régulièrement la bougeotte et à s’agiter d’un personnage à l’autre. À se demander si le film n’est pas sponsorisé par Doliprane ! Deux étudiants américains qui se nomment Nico Bradley et Steven Craven (hommage très subtil à Doug Bradley et Wes Craven, bien sûr) partent au Mexique pour faire la fête pendant plusieurs jours mais disparaissent sans laisser de trace. Les autorités mexicaines remettent à leurs parents les affaires qu’ils ont retrouvées, notamment un enregistrement vidéo qui documente leurs derniers instants et un étrange casse-tête en forme de cube. Un an plus tard, les familles des deux disparus se retrouvent pour un dîner…

« S’ils prétendent qu’il vient de l’esprit de Clive Barker, c’est un mensonge ! »

A partir de là, le film prend la tournure d’un huis-clos entre quatre murs, sorte de Vaudeville pseudo-horrifique dans lequel viennent s’intercaler des flashbacks narrant la rencontre des deux amis avec Pinhead. Sous les prothèses et les épingles du Cénobite, Stephan Smith Collins a bien du mal à nous faire oublier Doug Bradley, son visage rondouillard et ses grimaces excessives s’accordant bien mal avec le personnage iconique que nous connaissons. Mais c’est surtout l’ineptie du scénario, la lourdeur de ses péripéties et la transparence de ses personnages qui placent immédiatement Hellraiser Révélations en première place sur le podium de l’opus le plus calamiteux jamais engendré par cette franchise qui, pourtant, ne manque pas d’épisodes médiocres. Quelques éclaboussures gore (assurées par Gary J. Tunnicliffe et son équipe), un peu d’érotisme et un soupçon d’inceste s’efforcent en vain de dynamiser ce film pesant et laborieux sorti directement en DVD en octobre 2011 après une seule séance de cinéma – en réalité une projection pour l’équipe ouverte au public. En découvrant l’ampleur du massacre – et surtout son nom au générique et sur les jaquettes -, Clive Barker oubliera toute retenue en publiant un message mémorable sur Twitter en août 2011. « Je tiens à préciser que je n’ai rien à voir avec cette saloperie ! » écrit-il. « S’ils prétendent qu’il vient de l’esprit de Clive Barker, c’est un mensonge. Ça ne vient même pas de mon trou du cul ! » Car Clive Barker sait être poète, parfois.

 

(1) Extrait d’un entretien paru dans « Dread Central » en août 2010

 

© Gilles Penso

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THE CREEPS (1997)

Un savant fou ramène à la vie des versions miniatures de Dracula, le monstre de Frankenstein, le loup-garou et la momie !

THE CREEPS

 

1997 – USA

 

Réalisé par Charles Band

 

Avec Rhonda Griffin, Justin Lauer, Bill Moynihan, Kristin Norton, Jon Simanton, Joe Smith, Thomas Wellington, Phil Fondacaro, J.W. Perra, Andrea Harper

 

THEMA DRACULA I FRANKENSTEIN I LOUPS-GAROUS MOMIES PETITS MONSTRES I SAGA CHARLES BAND

Très amateur des films en relief, discipline à laquelle il s’adonna lui-même à l’occasion des sympathiques Metalstorm et Parasite, le producteur Charles Band sent que l’arrivée des télévisions haute définition à la fin des années 90 pourrait bien relancer cette vogue. Il lance donc coup sur coup trois projets conçus pour la 3D : le film d’horreur Horrorvision.com, le conte fantastique Secret of the Micromen et le pastiche d’épouvante The Creeps. Finalement, seul ce dernier long-métrage verra le jour, et c’est Band lui-même qui décide de le réaliser en revenant aux bonnes vieilles techniques qu’il expérimenta dans les années 80, autrement dit un tournage sur pellicule 35 mm au format Cinémascope et en stéréoscopie. Roi de l’économie et du système D, il limite au maximum le budget du film en écourtant son temps de développement et de préparation (huit semaines à peine), en réduisant la durée du tournage à quelques jours, en n’utilisant que deux ou trois décors simples et en ne recrutant qu’une petite poignée d’acteurs. La qualité du résultat final s’en ressent fatalement. Ainsi, malgré son concept fou et des comédiens qui semblent passer du bon temps avec un enthousiasme communicatif, The Creeps est décidément trop mal fichu et trop « cheap » pour convaincre.

Écrit par Benjamin Carr, le scénario s’intéresse au docteur Winston Berber (Bill Moynihan), un savant fou qui se fait passer pour un universitaire pour pouvoir dérober un précieux manuscrit : l’original du « Frankenstein » de Mary Shelley. Anna Quarrels (Rhonda Griffin), la jeune bibliothécaire qui vient de se faire abuser par l’usurpateur, doit absolument remettre la main sur le manuscrit si elle veut conserver son job. Elle s’en remet donc au détective privé le moins cher du marché, David Raleigh (Justin Lauer), qui parvient à identifier le sinistre individu. Ce dernier vient de mettre au point une machine conçue pour transformer les personnages légendaires en entités réelles, dans le but de les mettre à son service et de dominer le monde. Les quatre créatures auxquelles il souhaite donner vie sont Dracula, le monstre de Frankenstein, le loup-garou et la momie. Mais notre homme n’a pas pu récupérer tous les manuscrits qu’il souhaitait et son expérience ne réussit qu’à moitié. Si les monstres se matérialisent bel et bien dans son laboratoire, ce sont des versions « demi-portions » bien moins impressionnantes que ce dont il rêvait…

Nain porte quoi !

Voir des acteurs de petite taille sous le maquillage des célèbres créatures popularisés par le studio Universal est un spectacle à la fois drôle et surréaliste, mais le film n’en profite pas beaucoup. D’ailleurs, à part Dracula incarné avec une emphase volontairement exagérée par Phil Fondacaro, les trois autres n’ont pas grand-chose à faire. « Combien d’occasion un acteur de ma taille a-t-il de pouvoir incarner Dracula ? », se souvient le comédien. « Je sais bien que c’est un film à tout petit budget un peu idiot, mais je ne pouvais pas refuser ce rôle. Maintenant, ma bande demo ne ressemble à aucune autre ! » (1). Nous aimerions partager son enthousiasme. Hélas, The Creeps est un film laborieux qui multiplie les longs plans-séquences pour laisser ses acteurs improviser d’interminables dialogues, histoire de gagner du temps pendant le tournage. Au-delà des petits monstres, les personnages « humains » eux-mêmes sont tous plus improbables les uns que les autres (l’héroïne qui clame à tout va qu’elle est plus intelligente que tout le monde, le détective médiocre qui tient un vidéo club, le scientifique frustré et bégayant, la patronne de la bibliothèque qui frotte sur son corps le manuscrit de « Jane Eyre » en exultant) sans que cette exubérance ne rende le film particulièrement palpitant. L’actrice Rhonda Griffin ayant refusé de tourner des scènes nues, c’est son aînée Kristin Norton qui se dévoue pour la scène du sacrifice humain où, via d’hideuses images de synthèse, elle se transforme en Valkyrie avant de disparaître, sans que le scénario n’avance d’un pouce. Bref, The Creeps n’a qu’un intérêt très limité et ne sera d’ailleurs quasiment jamais été exploité en relief.

 

(1) Propos extraits du livre « It Came From the Video Aisle ! » (2017)

 

© Gilles Penso


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DARK ANGEL – THE ASCENT (1994)

Une jolie démone décide de s’échapper de l’Enfer pour venir juger les péchés des humains sur Terre et punir ceux qui le méritent…

DARK ANGEL – THE ASCENT

 

1994 – USA

 

Réalisé par Linda Hassani

 

Avec Angela Featherstone, Daniel Markel, Mike Genovese, Michael C. Mahon, Milton James, Nicholas Worth, Charlotte Stewart, Cristina Stoica

 

THEMA DIABLE ET DÉMONS I SAGA CHARLES BAND

Alors qu’il est en train de tourner simultanément Puppet Master 4 et Puppet Master 5, Jeff Burr se prépare déjà à attaquer son prochain film pour le producteur Charles Band, un western de science-fiction baptisé Oblivion. Mais c’est finalement à Sam Irvin qu’est confié ce long-métrage. Comme lot de consolation, Burr se voit proposer Dark Angel – The Ascent, un projet singulier écrit par Matthew Bright, le scénariste de Forbidden Zone et Shrunken Heads. Malheureusement, le film met du temps à se concrétiser et le réalisateur préfère partir diriger Pumpkinhead II. L’histoire aurait pu s’arrêter là. Dark Angel finit pourtant par redémarrer avec à sa tête la réalisatrice Linda Hassani, que son amie l’actrice Barbara Crampton présente à Charles Band. Trois petits mois de préparation, un budget anémique de 350 000 dollars, un tournage économique en Roumanie, une réalisatrice peu expérimentée : Dark Angel partait avec de sérieux handicaps. Il s’agit pourtant d’un des films les plus originaux, les plus audacieux et les plus intéressants produits par Full Moon. Certes, son manque de moyens saute aux yeux et une seconde couche aurait sans doute été souhaitable pour affiner le scénario de Bright, mais cette relecture singulière de Taxi Driver (avec une jeune démone qui remplacerait Robert de Niro) vaut vraiment le détour.

L’entrée en matière est un tableau dantesque vertigineux. Dans un ample décor volcanique incandescent qui semble issu d’une peinture primitive se pressent des foules gémissantes promises à toutes sortes de supplices par des démons zélés. « Jérôme Bosch et L’Échelle de Jacob ont été des sources d’inspiration majeures pour cette scène », raconte la réalisatrice. « J’ai également été influencée par les expressionnistes allemands Max Beckmann et Otto Dix, ainsi que par Sebastiao Salgado, le merveilleux photographe brésilien, et ses étonnantes photographies des mineurs de Serra Pelada. Nous avons filmé en pleine nuit à Buzau, en Roumanie, sur les volcans de boue de Berca. Tout a été tourné par notre merveilleux directeur de la photographie, Vivi Dragan, et la plupart du temps en lumière naturelle » (1). Mi horrifique mi humoristique, ce prologue étonnant nous fait découvrir Veronica Iscariot, une jeune démone qui souhaite s’échapper de l’Enfer pour aller rendre visite aux humains à la surface de la Terre. Son père, qui arrache méthodiquement les langues des âmes damnées, et sa mère, qui concocte des soupes avec des restes humains, s’opposent fermement à cette décision. Mais Veronica n’en fait qu’à sa tête et débarque dans notre monde où elle fait la rencontre d’un médecin dont elle s’éprend…

Hors normes

Bien sûr, le lien avec Taxi Driver reste assez distendu, même si les clins d’œil abondent, notamment ce moment surréaliste où l’héroïne emmène son futur petit ami voir un film pornographique en s’imaginant que c’est l’ingrédient idéal d’une soirée romantique. La démone calque surtout son comportement sur celui du chauffeur de taxi de Scorsese lorsqu’elle décide de débarrasser les rues des malfaiteurs et des racailles, jusqu’à s’en prendre au maire corrompu de la ville. Le film surprend agréablement par plusieurs de ses partis-pris artistique (notamment une splendide photographie), par l’interprétation tout en finesse d’Angela Featherstone (qui aurait clairement mérité une carrière plus éclatante) et par son équilibrage habile entre la comédie, l’horreur (le sang coule, les cœurs et les colonnes vertébrales s’arrachent, les cadavres se découpent) et une certaine approche philosophique généralement étrangère des productions Full Moon. Linda Hassani poursuivra une timide carrière de réalisatrice sans jamais retrouver cette alchimie presque miraculeuse. Dark Angel – The Ascent n’a rien d’un chef d’œuvre, certes, mais c’est un film hors-normes tombé dans l’oubli qui mérite amplement d’être exhumé et redécouvert.

 

(1) Propos extraits du livre « It Came From the Video Aisle ! » (2017)

 

© Gilles Penso


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BLOOD ISLAND (2010)

En revenant sur l’île où elle passa une partie de son enfance, une working girl coréenne plonge dans l’horreur…

BEDEVILLED

 

2010 – CORÉE DU SUD

 

Réalisé par Jang-Cheol-soo

 

Avec Seo Young-hee, Ji Sung-won, Park Jeong-hak, Baek Su-ryun, Bae Sung-woo, Oh Yong, Lee Ji-eun, Kim Gyeong-ae, Son Yeong-sun, Lee Myeong-ja

 

THEMA TUEURS

Avant de passer à la mise en scène, Jang Cheol-soo se forma aux côtés de Kim Ki-duk (L’île, Locataires, Dream), dont il fut l’assistant. « La seule véritable chose qu’il m’ait apprise fut de faire en sorte que le public ne puisse jamais quitter l’écran des yeux », raconte-t-il à propos de son mentor « Il m’a conseillé de garder ça à l’esprit en permanence le jour où je réaliserai mon premier film » (1). Jang Cheol-soo fait ses premières armes sur le court-métrage Escalator to Heaven, qui remporte un certain succès dans les nombreux festivals où il est projeté, puis passe au format long avec Blood Island. Ce film choc prouve à quel point l’élève a consciencieusement suivi les leçons du maître. « Si j’ai décidé de faire un long-métrage aussi fort pour mes débuts, c’est parce que je voulais qu’il puisse immédiatement se démarquer, même s’il s’agit d’un film indépendant à petit budget », explique-t-il (2). Sauvage, violent, bouleversant, émouvant, déchirant et mémorable (oui, oui, ne reculons devant aucun qualificatif), Blood Island ne laisse personne indemne et détourne les codes du « rape and revenge » sous un jour inédit. Le film démontre surtout le talent très prometteur d’un metteur en scène alors encore débutant.

L’héroïne de Blood Island est Hae-won (Ji Sung-won), une belle trentenaire qui mène une vie active en plein Séoul et survit dans la jungle urbaine grâce à une froideur qui confine souvent à l’égoïsme. Suite à une querelle dans la banque où elle travaille, son employeur la somme de prendre un congé forcé. La citadine s’installe alors pour quelques jours sur la petite île de Moodo, terrain de jeu d’une grande partie de ses plus jeunes années. Mais lorsqu’elle retrouve Bok-nam (Seo Young-hee), son ancienne amie d’enfance, c’est pour découvrir que la jeune femme est la victime répétée de violences, d’humiliations et de sévices en tout genre. Esclave des matriarches qui dirigent l’île d’une poigne de fer, objet sexuel des hommes qui semblent abétifiés par l’absorption quotidienne d’une plante locale, Bok-nam est souvent ramenée à l’état de bête servile et soumise. Pourtant, Hae-won ne réagit pas, habituée à rester en retrait et à ne se mêler de rien afin de préserver son confort personnel…

Explosion de violence

Progressivement, le pôle d’identification du spectateur se déplace. A mi-parcours, la protagoniste n’est donc plus l’imperturbable Hae-won mais la fragile Bok-nam, avec qui l’on finit par entrer naturellement en empathie. Si l’on tient compte de son postulat, Blood Island prend au départ les allures d’un drame humain et social… Mais c’est pour mieux basculer dans l’horreur, une horreur d’autant plus choquante qu’elle s’inscrit dans un contexte réaliste et crédible. Centrée avant tout sur les affres psychologiques de ses personnages, cette œuvre d’exception cède à la brutalité la plus extrême et aux exactions les plus sanglantes non par volonté de cultiver les codes du genre mais pour catalyser les émotions et les sentiments. Les frustrations et les rancœurs s’accumulent jusqu’à une explosion de sauvagerie et d’hémoglobine que plus rien ne semble pouvoir retenir. Dès lors, la lisière entre le réel et le fantastique s’évapore volontiers, semant chez les spectateurs un trouble durable, même longtemps après la fin de la projection. Couronné par un gigantesque succès en Corée, Blood Island n’aura pourtant pas permis à son réalisateur de transformer l’essai avec autant d’éclat par la suite.

 

(1) et (2) Extraits d’un entretien paru dans « Far East Films » en mars 201

 

© Gilles Penso


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