TERREUR.COM (2002)

Après la cassette vidéo infernale de Ring, place au site internet qui tue ! Une idée un peu absurde qui ne donne rien de très convaincant…

FEARDOTCOM

 

2002 – USA

 

Réalisé par William Malone

 

Avec Stephen Dorff, Natascha McElhone, Stephen Rea, Udo Kier, Amelia Curtis, Jeffrey Combs, Nigel Terry

 

THEMA POUVOIRS PARANORMAUX

Le succès de Ring ne pouvait laisser Hollywood indifférent, et après les suites et remakes officiels, les imitations ont inévitablement commencé à montrer le bout de leur nez. Terreur.com est sans doute l’un des moins subtils rejetons du film de Hideo Nakata. Le principe est d’une simplicité confondante : reprenons la même histoire, substituons à la cassette vidéo un site Internet et remplaçons la journaliste et son ex-petit ami par une employée du service de l’hygiène et un policier. Point à la ligne. À la décharge de William Malone, le scénario qu’on lui propose comporte beaucoup de maladresse qu’il compte affiner au cours de sessions de réécriture que la production lui promet. « On m’a soumis le scénario, que je n’aimais pas particulièrement, mais j’ai pensé que l’idée en valait la peine », raconte-t-il. « J’ai pensé qu’il était possible d’en faire un film cool et bizarre » (1). Mais le temps de préparation est sensiblement écourté, notamment à cause d’une grève à Hollywood qui menace d’éclater à tout moment et de mettre en péril l’entreprise. « Je me suis donc demandé s’il fallait que je quitte le film, faute de pouvoir le préparer correctement, ou s’il fallait continuer coûte que coûte pour ne pas laisser l’équipe en plan », poursuit Malone (2). C’est la deuxième option qu’il choisit, pour le meilleur… et surtout pour le pire.

Tout commence lorsque Mike Reilly (Stephen Dorff), inspecteur de la police de New York, est appelé sur les lieux d’une mort mystérieuse dans le métro. La victime, Polidori, présente des saignements des yeux et d’autres orifices et, d’après l’expression figée de son visage, semble avoir vu quelque chose d’horrible avant d’être percuté par un train. Terry Huston (Natascha McElhone), chercheuse au ministère de la santé, est également intriguée par cette découverte, en particulier lorsque plusieurs autres victimes se présentent avec des symptômes identiques. L’hypothèse d’un virus ayant été éliminée, Mike et Terry décident de faire équipe pour en savoir plus. À partir de là, la mayonnaise ne prend plus du tout. Car le scénario s’emmêle alors les pinceaux en essayant maladroitement de mélanger deux idées. D’un côté, nous avons cette jeune femme victime d’un tueur fou qui a le pouvoir de propager la mort à travers le site « terreur.com » pour se venger de manière posthume. De l’autre, le film s’intéresse aux agissements actuels du même tueur, en réalité un docteur adepte de la torture et du scalpel, connecté lui aussi au site en question…

Le site maudit

Comme il le fit dans La Maison de l’horreur, Malone s’amuse à truffer son montage de mini-clips accélérés d’images effrayantes et bizarres, mais le résultat escompté n’est pas atteint : Terreur.com ne fait pas peur, à l’exception peut-être de cette séquence éprouvante dans laquelle une victime est attaquée chez elle par une horde d’énormes cafards. Car ceux qui ont le malheur de se connecter au site maudit voient leurs phobies prendre corps et sont hantés par le fantôme d’une petite fille jouant avec un ballon blanc, que le film emprunte sans vergogne à Opération peur de Mario Bava. Bref, ici le recyclage est roi et la surprise n’a pas droit de cité. Ainsi, lorsque l’héroïne retrouve le cadavre de la jeune fille sous les eaux pour briser la malédiction, ou lorsqu’elle comprend que ceux qui se sont connectés au site n’ont plus que 48 heures à vivre parce que la fille en question a été torturée pendant deux jours, le pillage de Ring est tellement explicite qu’il en devient grossier. Restent une mise en scène très soignée et une interprétation plutôt convaincante de Natasha McElhone et Stephen Dorff. Mais c’est un peu maigre pour sauver le film. Terreur.com n’ayant pas eu le succès escompté William Malone aura beaucoup de mal à remettre sur pied un long-métrage par la suite. Il dirigera Parasomnia en 2008 puis mettra fin à sa carrière de réalisateur.

 

(1) et (2) Extraits d’une interview publiée dans « JoBlo » en 2009

 

© Gilles Penso


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ANGOISSES (1979)

Une jeune femme est soudain frappée de visions terrifiantes au cours desquelles un mystérieux agresseur s’attaque à elle…

MIND OVER MURDER

 

1979 – USA

 

Réalisé par Ivan Nagy

 

Avec Deborah Raffin, David Ackroyd, Bruce Davison, Andrew Prine, Christopher Cary, Robert Englund, Penelope Willis, Wayne Heffley, Carl Anderson, Jan Burrell

 

THEMA POUVOIRS PARANORMAUX

C’est sans doute sous influence des Yeux de Laura Mars, honorable succès de l’année 1978, que le scénariste Robert Carrington écrit Angoisses, un thriller parapsychologique produit directement pour la chaîne américaine CBS. Carrington n’en est pas à son coup d’essai, puisqu’il signa notamment le script du très anxiogène Seule dans la nuit de Terence Young avec Audrey Hepburn, et force est de reconnaître que son récit ne manque pas d’efficacité. La mise en scène d’Angoisses est confiée à Ivan Nagy, un téléaste américain d’origine hongroise en activité depuis 1973 (nous lui devons entre autres quelques épisodes de Chips et Starsky et Hutch) qui ne manque certes pas d’expérience mais n’a jamais montré un style très marqué ni une véritable vision de réalisateur. Du côté du casting, quelques noms sortent du lot. L’infortunée héroïne est incarnée par Deborah Raffin (qui apparaissait dans Meurtres sous contrôle de Larry Cohen et La Sentinelle des maudits de Michael Winner), son petit ami par Bruce Davison (le héros tourmenté de Willard) et les hommes qui mènent l’enquête par David Ackroyd (le justicier cuirassé d’Exo-Man) et ce bon vieux Robert Englund (Freddy Krueger en personne !).

Mannequin et danseuse de profession, Suzy (Deborah Raffin) découvre un beau jour qu’elle est douée de pouvoirs psychiques étonnants. Par la seule force de son esprit, elle arrive à prévoir certains événements et à déplacer des objets. Son ami Jason (Bruce Davison) demeure sceptique, même après le tragique accident d’avion qu’elle lui avait pourtant prédit. Apprenant qu’il ne s’agit pas d’une catastrophe naturelle mais d’un attentat à la bombe, Suzy utilise ses pouvoirs surnaturels pour tenter d’identifier l’auteur du drame. Elle devient aussitôt la cible de l’assassin. Or peu de temps après, un homme mystérieux lui fixe rendez-vous. Comme attirée par des forces irrésistibles, la jeune femme s’y rend. Pendant ce temps, Ben Kushing (David Ackroyd), ingénieur dans l’aviation, mène l’enquête. De son côté, John Povey (Christopher Cary), expert en parapsychologie, cherche à comprendre ce qui arrive à la jeune femme.

Dans l’antre du tueur

La trame d’Angoisses reste relativement classique, ce qui ne l’empêche pas d’être ponctuée de séquences d’épouvante inhabituellement stressantes pour un téléfilm de la fin des années 70. C’est le cas en particulier lorsque le bus dans lequel monte l’héroïne se met soudain à rouler au ralenti en révélant, à travers ses vitres, le visage de l’assassin. Ou lorsque ce dernier remplace le temps d’une vision éprouvante le fiancé de Suzy dans son lit. Nagy parvient à doter ces scènes paranormales d’une atmosphère de panique efficace, même si leur impact s’amenuise à cause de leur effet répétitif à la longue. Le film souffre aussi d’une photographie sans éclat digne d’un soap opera. S’il se révèle très impressionnant dans la peau du tueur chauve, Andrew Prine perd un peu de sa superbe lorsque l’intrigue vire au thriller plus classique, balayant peu à peu son argument fantastique pour plonger la jeune médium dans son antre. Angoisses conserve malgré tout une certaine intensité dramatique et marqua durablement les jeunes téléspectateurs qui le découvrirent à l’époque. Dans la foulée, Ivan Nagy réalisera un Captain America involontairement drôle avec le très inexpressif Reb Brown.

 

© Gilles Penso

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LA PLANÈTE DES SINGES : LE NOUVEAU ROYAUME (2024)

Le réalisateur de la trilogie Le Labyrinthe s’empare de la célèbre saga simiesque et plonge ses héros dans un monde post-apocalyptique en ébullition…

KINGDOM OF THE PLANET OF THE APES

 

2024 – USA

 

Réalisé par Wes Ball

 

Avec Owen Teague, Freya Allan, Kevin Durand, Peter Macon, William H. Macy, Lydia Peckham, Travis Jeffery, Sara Wiseman, Neil Sandilands, Eka Darville

 

THEMA SINGES I SAGA LA PLANÈTE DES SINGES

Tout a commencé par une histoire de souris. Réalisateur des trois volets de la franchise Le Labyrinthe, Wes Ball est en effet en pleins préparatifs d’une adaptation sur grand écran de « La Légende de la Garde », une série de comic books créés par David Petersen et narrant les exploits d’un petit rongeur héroïque dans un monde médiéval fantaisiste anthropomorphique, lorsqu’il apprend la nouvelle : ce projet ne se fera pas, à cause de l’acquisition du studio 20th Century Fox par Disney. Une souris qui annule une autre souris, en quelque sorte. Cruelle ironie ! Ball et son ami producteur Matt Reeves sont dépités mais souhaitent rester dans la même énergie et développer aussitôt un autre long-métrage. Et s’il s’agissait d’un nouvel opus de La Planète des singes? Reeves ayant réalisé les deux volets précédents et Disney étant preneur d’un quatrième épisode suite au succès du reboot né en 2011, l’idée tombe sous le sens. Mais Wes Ball est intimidé par la trilogie que constituent La Planète des singes : les origines, La Planète des singes : l’affrontement et La Planète des singes : suprématie. Pas question pour lui d’écorner un triptyque qu’il juge parfait. L’idée lui vient alors d’une suite qui se déroulerait non pas dans la directe continuité de l’épisode précédent, mais plusieurs siècles plus tard. Ainsi naît La Planète des singes : le nouveau royaume.

Le film se déroule donc trois siècles après la mort de César. Le monde a bien changé depuis La Planète des singes : suprématie. Désormais, les primates vivent par clans répartis un peu partout dans le monde et l’espèce humaine semble avoir presque disparu. Réduits à quelques petits groupes privés de paroles et d’intelligence qui vivotent dans les bois, les hommes n’ont plus de rôle à jouer sur cette planète qui a oublié le temps lointain où ils y régnaient. Le protagoniste de cette nouvelle histoire s’appelle Noa (Owen Teague), membre d’un groupe de chimpanzés fauconniers dirigés par son père Koro (Neil Sandilands). Noa se prépare avec ses amis Soona (Lydia Pechma) et Anaya (Travis Jeffery) à un rite de passage à l’âge adulte en ramassant des œufs d’aigle dans la montagne. Mais la cérémonie est bouleversée par le surgissement d’une tribu de singes guerriers qui attaquent le village. Pour sauver la situation, Noa va devoir entamer un voyage initiatique aux côtés de deux compagnons inattendus : l’orang-outan Raka (Peter Macon) et une jeune humaine qui semble se distinguer de ses semblables (Freya Allan)…

Il faut rendre à César ce qui lui appartient

Si l’épilogue de La Planète des singes : suprématie annonçait l’aube d’un nouveau monde, ce quatrième volet nous plonge dans un univers ouvertement post-apocalyptique où la nature a repris ses droits, où les constructions humaines ne sont plus que des vestiges recouverts de végétation sauvage et où d’immenses carcasses de navires rouillés se dressent sur les plages. Imaginé comme un trait d’union entre la trilogie des années 2010 et la pentalogie originale, le film de Wes Ball tient à rendre plusieurs hommages directs au classique de Franklin J. Schaffner, en reprenant certains éléments de décors, en laissant le compositeur Joe Paesano décliner les thèmes originaux et les sonorités tribales de Jerry Goldsmith, mais aussi en réinventant la célèbre séquence de la chasse aux humains par des cavaliers simiesques équipés de filets. La démarche n’est pas du tout celle du fan service mais plutôt de l’imbrication de cet épisode dans un tout cohérent. D’autres allusions émergent, non seulement au Secret de la planète des singes, à La Conquête de la planète des singes et à La Bataille de la planète des singes mais aussi à la série TV La Planète des singes (on pense notamment au fameux épisode « The Trap »). Bourré de séquences d’action époustouflantes et souvent vertigineuses, repoussant plus loin que jamais les possibilités techniques offertes par la « performance capture », offrant à Freya Allan (transfuge de la série The Witcher) un rôle délicieusement ambigu, La Planète des singes : le nouveau royaume aborde au fil de son scénario aux rebondissements multiples le thème de l’appropriation d’une figure messianique (en l’occurrence Cesar) à des fins politiques. C’est sans doute l’un de ses aspects les plus fascinants, s’assortissant d’une absence de manichéisme tranché qui laisse en suspens une question sans réponse : deux espèces intelligentes et dominantes peuvent-elles cohabiter sans heurt sur la même planète ?

 

© Gilles Penso

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LES YEUX DE LAURA MARS (1978)

Faye Dunaway incarne une photographe de mode hantée par les visions prémonitoires de crimes particulièrement brutaux…

EYES OF LAURA MARS

 

1978 – USA

 

Réalisé par Irvin Kershner

 

Avec Faye Dunaway, Tommy Lee Jones, Brad Dourif, Rene Auberjonois, Raul Julia, Frank Adonis, Lisa Taylor, Darlanne Fluegel, Rose Gregorio, Bill Boggs

 

THEMA POUVOIRS PARANORMAUX

Après avoir fait ses débuts sur grand écran avec Dark Star et Assaut, John Carpenter parvient à intéresser le studio Columbia avec l’un de ses scénarios, baptisé alors Eyes. À la demande du producteur Jon Peters, le script est largement réécrit par David Zelag Goodman (Les Chiens de paille, L’Âge de cristal) et la mise en scène est confiée à Michael Miller (Street Girls). Mais le réalisateur ne parvient pas à s’entendre avec le studio et finit par rendre son tablier, aussitôt remplacé par Irvin Kershner qui vient alors de se distinguer avec La Revanche d’un homme nommé Cheval et Raid sur Entebbe. Pour tenir le rôle principal, toutes sortes d’actrices de premier plan sont envisagées, de Catherine Deneuve à Jane Fonda en passant par Goldie Hawn, Diane Keaton et même Barbra Streisand (à l’époque en couple avec Jon Peters). Si cette dernière n’apparaît pas dans le film, elle prête tout de même sa voix à la chanson « Prisoner » qu’on entend au cours du générique. C’est finalement Faye Dunaway qui hérite du rôle de Laura Mars, une photographe de mode dont les travaux s’inspirent largement de ceux de l’artiste bien réel Christoph Von Wangenheim.

Laura Mars est donc une artiste de renom grâce à ses clichés à scandale alliant la beauté de ses mannequins à demi nus à la violence contemporaine. Lors de l’évènement mondain que représente sa première exposition, tous les convives soulignent son talent sauf John Neville (Tommy Lee Jones), un inspecteur de police qui lui reproche surtout de donner trop d’importance à la représentation de la cruauté. Un jour, Laura Mars est frappée d’hallucinations terrifiantes montrant la mort de ses amis, attaqués à coups de pic à glace par un déséquilibré qui crève les yeux de ses victimes. Or la fiction de Laura rejoint la réalité, ces visions s’avérant prémonitoires. Alors que John Neville mène l’enquête, plusieurs proches de la talentueuse photographe disparaissent les uns après les autres. Il devient vite évident que l’assassin se rapproche inexorablement d’elle. Pour découvrir son identité et sauver sa peau, ses visions seront-elles d’un quelconque secours ?

La mort dans l’objectif

L’idée de départ imaginée par Carpenter est le point le plus fort du film, imité d’ailleurs dans la foulée par des œuvres telles qu’Angoisses d’Ivan Nagy ou Un tueur dans la ville d’Armand Mastroianni. Mais Les Yeux de Laura Mars se traîne un peu au fil de son intrigue policière – qui prend vite le dessus sur l’aspect parapsychologique de l’histoire – et ne parvient pas à éviter les clichés esthétisants inhérents aux années 80. De ce côté-là, force est de constater que l’aspect disco du film n’a pas franchi sans mal le cap des années. La mise en scène de Kershner demeure efficace et ses jeux fréquents sur le regard – appareils photos, caméra vidéo, et surtout miroirs multiples – ont beaucoup de pertinence, sous l’influence manifeste des giallos venus d’Italie. La beauté un peu glaciale de Faye Dunaway se prête à merveille au personnage, son regard pénétrant justifiant à lui seul le titre du film. Le dénouement d’un tel récit se devait d’être inattendu. Il ne l’est qu’à moitié. John Carpenter lui-même reconnaîtra que le scénario n’a plus grand-chose à voir avec ce qu’il avait écrit, la révélation finale ayant notamment complètement été revue et corrigée. Deux mois après Les Yeux de Laura Mars sortira Halloween, beaucoup plus conforme à l’univers de son réalisateur et promis à un véritable triomphe. Irvin Kershner, de son côté, s’en ira mettre en scène L’Empire contre-attaque pour George Lucas.

 

© Gilles Penso


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LE CRÉPUSCULE DES AIGLES (1994)

Que se serait-il passé si les Allemands avaient gagné la seconde guerre mondiale et si Adolf Hitler en était toujours le führer dans les années 60 ?

FATHERLAND

 

1994 – USA

 

Réalisé par Christopher Menaul

 

Avec Rutger Hauer, Miranda Richardson, Peter Vaughan, Michael Kitchen, Jean Marsh, John Woodvine, John Shrapnel, Clive Russell, Clare Higgins

 

THEMA POLITIQUE FICTION

En 1992, le romancier Robert Harris écrit « Fatherland », une uchronie située dans un monde alternatif où les forces de l’axe ont gagné la seconde guerre mondiale et où le parti nazi toujours dirigé par Hitler règne sur l’Europe. Ce récit, qui n’est pas sans évoquer « Le Maître du haut château » de Philip K. Dick, publié en 1962, intéresse tout particulièrement le réalisateur Mike Nichols (Qui a peur de Virginia Woolf ?, Le Lauréat, Working Girl). Persuadé qu’il peut en tirer un long-métrage palpitant, le cinéaste achète les droits d’adaptation pour un million de dollars, avant même la parution du livre aux États-Unis, mais se heurte au refus de tous les grands studios hollywoodiens, sans doute effrayés par un sujet qu’ils jugent rebutant pour le grand public. Le projet change donc d’envergure pour se muer en téléfilm pour HBO, budgété à 7 millions de dollars. La mise en scène est finalement confiée à Christopher Menaul, sur un scénario de Stanley Weiser et Ron Hutchinson. Entièrement tourné à Prague (à la fois pour des raisons budgétaires et pour profiter de décors naturels évoquant la période de la guerre froide), Le Crépuscule des aigles se situe donc dans des années 1960 fictives où le Débarquement en Normandie a échoué, où l’Allemagne nazie est parvenue à envahir le Royaume-Uni puis le reste de l’Europe et où le Grand Reich se nomme désormais « Germania ».

En 1964, l’Allemagne nazie s’apprête à fêter les 75 ans de son führer. A cette occasion, pour la première fois depuis la guerre, des journalistes américains sont invités à Berlin pour suivre la rencontre historique entre le président américain Joseph Kennedy et Adolf Hitler. Parmi eux se trouve la reporter Charlotte (« Charlie ») Maguire (Miranda Richardson). A peine arrivée à son hôtel, un homme lui remet une enveloppe contenant une photo et une adresse. En se rendant à l’endroit indiqué, elle tombe sur le cadavre d’un ancien haut responsable du troisième Reich. Or le policier SS Xavier March (Rutger Hauer) mène déjà une enquête sur le meurtre d’un autre dignitaire du parti. Ce second macchabée se révèle être Josef Bühler, un responsable du parti nazi à la retraite qui a géré la réinstallation des Juifs dans les territoires allemands d’Europe de l’Est pendant la Seconde Guerre mondiale. March fait alors le rapprochement entre les deux affaires…

Géopolitique-fiction

Traité sur un ton hyperréaliste, cet insolite essai de politique-fiction imagine donc ce qui se serait passé si l’histoire aurait bifurqué à partir de 1945. Particulièrement troublant, Le Crépuscule des aigles souffre cependant d’une réalisation souvent trop distante, la longue expérience télévisée de Christopher Menaul ne l’ayant guère laissé marquer son travail d’une empreinte personnelle ou d’une vraie vision de metteur en scène. Le souci du détail semble ici plus porté sur la cohérence historique que sur la densité psychologique des personnages du film. Appréhendé sur une échelle géopolitique, l’intrigue se tient. Mais à hauteur d’homme, c’est une autre histoire. Au moment de la révélation de l’existence des camps de la mort par exemple, l’une des séquences censément les plus marquantes d’un point de vue émotionnel, la journaliste interprétée par Miranda Richardson ne réagit pas avec l’ébahissement escompté. Il en est de même pour l’interprétation de Rutger Hauer, bien plus « tiède » que ce à quoi son talent nous a habitué. Pour autant, il faut bien avouer que son rôle de gentil officier SS, bon père de famille et mari aimant, se révèle pour le moins déstabilisant, questionnant habilement les notions du bien et du mal.  « Mon roman “Fatherland“ a été transformé en un très mauvais film » affirmera plus tard Robert Harris, manifestement déçu par cette adaptation. « Au moment du tournage, il y avait eu tellement de compromis artistiques – en particulier deux changements fondamentaux dans l’histoire – que le film n’avait plus rien à voir avec le roman. Certains l’apprécient, mais je dois dire que ce n’est pas mon cas » (1). Sans être aussi sévères qu’Harris, reconnaissons que le potentiel d’une telle histoire aurait pu donner lieu à un film plus abouti.

 

(1) Extrait d’une interview parue dans « The Independent » en novembre 2017.

 

© Gilles Penso


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L’AUBE ROUGE (1984)

C’est la troisième guerre mondiale : alors que la Russie attaque les États-Unis, un groupe de lycéens résiste vaillamment…

RED DAWN

 

1984 – USA

 

Réalisé par John Milius

 

Avec Patrick Swayze, C. Thomas Howell, Lea Thompson, Charlie Sheen, Darren Dalton, Jennifer Grey, Brad Savage, Doug Toby

 

THEMA POLITIQUE FICTION

Au départ, L’Aube rouge est un projet de Kevin Reynolds. Le futur réalisateur de La Bête de guerre, Robin des Bois prince des voleurs et Waterworld envisage ce récit d’anticipation comme une fable antimilitariste décrivant les absurdités d’un conflit qui oblige dix gamins à prendre les armes contre des envahisseurs soviétiques et cubains. Les producteurs Barry et Sidney Beckerman prennent une option sur ce script, alors baptisé Ten Soldiers, dont ils entrevoient l’énorme potentiel couplé à la possibilité d’être mis en chantier avec un budget modeste. Mais Reynolds ne leur semble pas assez expérimenté pour assurer la mise en scène. Après le refus de Walter Hill, le film reste au point mort. Lorsque la MGM s’intéresse au sujet et rachète le scénario, le projet est revu de fond en comble. Plutôt qu’un petit film dénonçant les travers de la guerre, pourquoi ne pas surfer sur le succès de Rambo et s’adresser à un cinéaste de la trempe de John Milius ? Emballé par l’idée, le réalisateur de Conan le barbare accepte de mettre en scène L’Aube rouge contre un salaire d’1,25 million de dollar plus une arme de son choix ! Après avoir réécrit le script, il envoie son jeune casting dans un camp d’entraînement militaire à la discipline rigoureuse puis le plonge dans la tourmente d’un tournage hivernal éprouvant.

Le film se situe dans des années 80 légèrement futuristes où le contexte géopolitique est en pleine mutation. Les États-Unis ont abandonné leur programme nucléaire, l’OTAN a été dissout, l’Union soviétique envahit la Pologne tandis que Cuba et le Nicaragua renforcent leur puissance militaire. L’Aube rouge commence par une image très forte, presque surréaliste. Alors que des lycéens suivent un cours d’histoire dans la ville de Calumet, au Colorado, des dizaines de parachutistes soviétiques atterrissent un peu partout (vus à travers les fenêtres de la salle de classe), puis mitraillent à tout va. Les Russes et les Cubains sont en train d’envahir les USA. La troisième guerre mondiale vient d’éclater. Un petit groupe de lycéen qui a réussi à prendre la fuite décide de former un commando d’élite pour résister face à l’envahisseur. Leur nom de code : les Wolverines.

« Ça libère ! »

L’Aube rouge se distingue par ses premiers rôles tenus par la génération montante de l’époque. Futures stars respectives de Dirty Dancing, Hitcher, Wall Street et Retour vers le futur, Patrick Swayze, C. Thomas Howell, Charlie Sheen et Lea Thompson occupent ainsi le haut de l’affiche. Malgré ce casting attrayant et un postulat très prometteur, le film ne parvient jamais à convaincre totalement, à cause de son manque singulier de finesse, de son message patriotique asséné lourdement à grands coups de maillet et de ses dérives frôlant dangereusement l’intolérance et la xénophobie. La fascination de John Milius pour les armes et la guerre ne se cache plus ici derrière le filtre fantasmagorique d’un Conan. Alors que les tensions Est-Ouest sont dans tous les esprits, déclenchant la même année le message pacifiste de 2010 l’année du premier contact, Milius joue les va-t’en guerre, ponctuant son scénario de répliques ouvertement primitives. À son camarade lui demandant l’effet que ça fait de tuer un homme, l’un des jeunes protagonistes répond allègrement : « ça libère ! » Plus tard, un enfant qui vient de voir son père se faire fusiller s’entend dire : « Trouve dans ton chagrin la force de surmonter ce que tu viens de vivre ! » Et que dire de cette séquence où les jeunes belligérants tuent un cerf et boivent son sang avec délectation avant d’aller casser du Russe ? Si l’on parvient à passer outre le discours douteux, rien n’empêche toutefois de trouver le film très distrayant, de profiter du spectacle et d’apprécier la mise en scène extrêmement efficace de Milius. Succès honorable au box-office, L’Aube rouge aura droit à un remake en 2012.

© Gilles Penso


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PUNISHMENT PARK (1971)

Dans des années 70 alternatives gangrénées par la guerre du Vietnam, les prisonniers politiques américains sont soumis à un jeu très cruel…

PUNISHMENT PARK

 

1971 – USA

 

Réalisé par Peter Watkins

 

Avec Jim Bohan, Carmen Argenziano, Stan Armsted, Van Daniels, Fred Franklyn, Gladys Golden, Sanford Golden

 

THEMA POLITIQUE FICTION

Très engagé politiquement, Peter Watkins s’est toujours servi de l’expression cinématographique pour dénoncer les travers de ses semblables et titrer un certain nombre de sonnettes d’alarme. En 1966, il réalisait La Bombe, faux documentaire centré sur une hypothétique attaque nucléaire. Trois ans plus tard, il signait Gladioterna, une fable de science-fiction située dans un avenir proche. Avec Punishment Park, il se lance dans un violent pamphlet antimilitariste, anti-armement et anti-sécuritaire. Soucieux d’adopter la tonalité du « cinéma vérité », il engage des acteurs non professionnels à qui il laisse une large part de liberté. La plupart des dialogues sont donc improvisés sans répétition préalable et s’éloignent du scénario qui, lui-même, est conçu pour laisser un maximum de latitude à chacun. Pour conserver une autonomie totale, Watkins tourne dans des conditions très précaires pendant deux semaines et demie, avec une équipe réduite à huit personnes, une caméra légère 16 mm, des extérieurs naturels captés sur le site d’El Mirage Dry Lake en Californie et un budget estimé à 95 000 dollars. Après le tournage, le réalisateur désature les couleurs afin d’obtenir un rendu proche des images de reportages d’actualité de l’époque.

Punishement Park se déroule dans des années 1970 alternatives au cours desquelles la guerre du Vietnam s’intensifie, le président américain Richard Nixon ayant décidé d’une campagne de bombardement secrète au Cambodge. Face à la montée de virulents mouvements pacifistes, la Maison Blanche décrète l’état d’urgence, autorisant les autorités fédérales à détenir des personnes jugées comme présentant un « risque pour la sécurité intérieure » sans en référer au Congrès. Le scénario du film conte la terrible mésaventure de prisonniers politiques qui se voient offrir par le gouvernement une alternative à leur longue peine de prison : le « Punishment Park », une espèce de jeu de survie en plein air qui consiste, pour les captifs, à parcourir 85 kilomètres sous le soleil du désert californien sans se faire rattraper par les policiers lancés à leurs trousses. Le but à atteindre : un drapeau américain. Ceux qui y parviennent sont libres, ceux qui échouent retournent en prison, ceux qui tentent de s’évader sont abattus… Cette chasse à l’homme a pour vocation officielle d’offrir à certains prisonniers une seconde chance et aux policiers un entraînement efficace.

La course à la mort

Ce postulat évoque plusieurs futures œuvres de science-fiction détournant le principe des Chasses du comte Zaroff, comme par exemple Les Traqués de l’an 2000, Le Prix du danger ou Running Man, si ce n’est qu’ici, tout ce qui peut rappeler la fiction a été soigneusement évacué. Ainsi, même si ce scénario s’appuie sur des faits parfaitement imaginaires, il prend place dans un contexte historique bien réel et prend les allures d’un reportage tourné pour la télévision européenne, conformément aux envies initiales de Watkins. Ainsi, la caméra portée donne sans cesse l’impression de capter des images volées, tandis que le réalisateur commente en voix-off les moments clefs du récit. Le sentiment d’hyperréalisme que dégage le film est donc très inconfortable pour le spectateur, qui oublie parfois avoir affaire à une fiction pure. Le montage de Punishment Park alterne le procès d’un groupe de détenus – accusés d’avoir écrit des textes subversifs, d’avoir déserté ou d’avoir mené des manifestations – avec la cavale d’un second groupe qui a accepté de participer au « jeu ». Le réquisitoire contre les dérives totalitaires et l’escalade de la violence est redoutablement efficace, mais il faut avouer qu’il s’essouffle un peu en cours de route, faute d’une réelle progression dramatique et d’une absence d’évolution dans le discours. Film « coup de poing », Punishment Park reste un reflet fascinant des préoccupations et des inquiétudes de la population américaine au début des années 70.

 

© Gilles Penso


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LE PROCÈS (1962)

Orson Welles adapte un récit tourmenté de Franz Kafka et plonge Anthony Perkins dans un cauchemar paranoïaque…

THE TRIAL

 

1962 – FRANCE / ITALIE / ALLEMAGNE

 

Réalisé par Orson Welles

 

Avec Anthony Perkins, Orson Welles, Jeanne Moreau, Romy Schneider, Akim Tamiroff, Arnoldo Foa, Jess Hahn, Billy Kearns, Madeleine Robinson

 

THEMA POLITIQUE FICTION

S’ils se sont côtoyés sur le tournage d’Austerlitz d’Abel Gance, Nelly Kaplan et Roger Richebé, le producteur Alexander Salkind et l’acteur/réalisateur Orson Welles n’ont jamais eu l’occasion de collaborer ensemble. Le premier propose alors au second de choisir un livre appartenant au domaine public et de l’adapter. Salkind sera le producteur de ce projet et Welles le metteur en scène. La première œuvre envisagée est « Taras Bulba » de Nikolai Gogol, mais les deux hommes changent d’avis en apprenant que Jack Lee Thompson en prépare une adaptation à grand spectacle avec Tony Curtis et Yul Brynner. Welles se tourne finalement vers « Le Procès » de Franz Kafka, publié de manière posthume en 1925. Le cinéaste est fasciné par ce récit tourmenté et paranoïaque, vision désespérée et absurde d’une société gangrénée par la bureaucratie qui préfigure la montée du totalitarisme et la quête d’un bouc-émissaire prêt à endosser tous les maux du monde (en l’occurrence le peuple juif). Dans « Le procès », l’individu est écrasé par le poids d’une administration grotesque et injuste, un thème que déclineront plus tard George Orwell dans « 1984 » et Terry Gilliam dans Brazil. Armé d’un budget de 650 millions de francs (obtenu auprès d’investisseurs ouest-allemands, français et italiens), Welles s’implique totalement dans le film, au point d’y jouer un rôle lui-même mais aussi de prêter sa voix à une bonne dizaine de personnages !

Josef K (Anthony Perkins) dort dans sa chambre, au milieu d’un appartement qu’il partage avec d’autres locataires. Il est soudain réveillé par un homme en costume qui pénètre chez lui sans s’identifier. S’agit-il d’un policier ? D’autres inconnus envahissent les lieux pour annoncer à Josef qu’il est en état d’arrestation, tandis que trois de ses collègues de bureau se joignent à eux pour fournir les preuves de son crime. Mais de quoi l’accuse-t-on ? Il n’en sait rien, d’autant que ses accusateurs le laissent en plan et quittent l’appartement sans rien lui expliquer. Incrédule, Josef discute de cette étrange visite avec sa voisine Marika Bürstner (Jeanne Moreau) puis se rend sur son étouffant lieu de travail, grouillant d’employés ordinaires qui, comme lui, sont noyés dans la masse. La journée est répétitive et rébarbative, comme toujours. Mais lorsqu’il se rend à l’opéra pour la soirée, Josef est enlevé par un inspecteur de police qui l’emmène dans une salle d’audience. Là, il s’apprête à être jugé pour un acte dont il n’a aucune connaissance. L’étau se resserre alors de manière de plus en plus cauchemardesque…

L’étau se resserre…

Malgré la bonne volonté manifeste d’Orson Welles et son respect pour le matériau qu’il adapte, Le Procès n’a pas tout à fait l’impact espéré. Au lieu de s’exercer dans la forme, il eut sans doute été préférable que la fidélité au texte de Kafka s’effectue sur le fond, ce qui aurait laissé au cinéaste plus de latitude pour affirmer son indéniable et gigantesque talent. Certes, de nombreuses séquences du film, appréhendées indépendamment, sont de beaux morceaux de bravoure (celles notamment situées dans le bureau immense de K où les employés et leurs tables s’étendent à perte de vue), d’autant qu’Anthony Perkins – à peine échappé de la psychopathie du Norman Bates de Psychose – excelle dans le rôle de l’homme anonyme pris dans un engrenage incompréhensible. Mais le manque de cohésion de l’intrigue joue en défaveur du film. Au lieu de l’implacable toile d’araignée tissée lentement autour d’un malheureux individu auquel le spectateur aurait pu – aurait dû – s’identifier, le scénario nous éloigne, crée une distance entre le personnage et les spectateurs, nous laissant la sensation d’être plongés dans un puzzle pseudo surréaliste et relativement hermétique. Peu adaptés selon lui au propos du film, les découpages complexes et les cadrages aux savantes compositions dont Welles s’est fait une spécialité sont ici délaissés au profit de caméras plus mobiles et de longs plans-séquences, aménagés afin de laisser librement les comédiens échanger leurs abondants dialogues. Si le cinéaste estimait à l’époque de sa sortie que Le Procès était son meilleur film, la critique américaine ne se révéla guère emballée. Les Français l’accueillirent avec plus de chaleur, lui décernant même le prix du meilleur film du Syndicat de la critique en 1963.

 

© Gilles Penso


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L’ASCENSEUR – NIVEAU 2 (2001)

Dick Maas réalise une suite/remake de son premier film avec en tête d’affiche Naomi Watts, Michael Ironside et Ron Perlman…

DOWN / THE SHAFT

 

2001 – USA

 

Réalisé par Dick Maas

 

Avec James Marshall, Naomi Watts, Eric Thal, Michael Irondside, Ron Perlman, Edward Herrmann, Dan Hedaya, Kathryn Meisle, Martin McDougall, John Cariani

 

THEMA OBJETS VIVANTS

Premier long-métrage de Dick Maas, L’Ascenseur connut un joli succès international et fit découvrir son réalisateur en dehors de sa Hollande natale. « Dès les années 80, on m’avait déjà proposé de réaliser un remake américain de L’Ascenseur », raconte-t-il. « Pour être honnête, je ne voyais pas bien l’intérêt de refaire un film que j’avais déjà réalisé. Mais à la fin des années 90, les effets visuels permettaient désormais de concevoir des séquences que j’avais dû abandonner à l’époque. Désormais, je pouvais montrer le sol de l’ascenseur se désagréger pour laisser tomber dans le vide ses occupants par exemple, ou toutes sortes de prises de vues spectaculaires » (1). L’idée du remake redevient donc d’actualité, même si L’Ascenseur – niveau 2 peut aussi s’appréhender comme une suite de son prédécesseur. L’action se déroule cette fois-ci à New York, justifiant le déplacement de l’équipe technique à Manhattan pour le tournage d’un certain nombre de prises de vues extérieures, même si la plupart des séquences sont filmées en studio au Pays-Bas, sollicitant un grand nombre d’acteurs hollandais pour les seconds rôles. Le casting américain, de son côté, nous offre quelques visages connus comme Michael Ironside, Ron Perlman et même Naomi Watts. « A l’époque, elle n’était pas encore célèbre », explique Maas. « Elle était seulement apparue dans une des séquelles des Démons du maïs. Elle venait de finir un film avec David Lynch, Mulholland Drive, mais il n’était pas encore sorti, donc son visage n’était pas connu du grand public » (2).

À New York, un éclair frappe le Millennium Building, un gratte-ciel de 102 étages. Les trois ascenseurs principaux se mettent aussitôt à fonctionner de façon étrange. Un groupe de femmes enceintes est ainsi retenu entre les étages 21 et 22. L’ascenseur surchauffe rapidement, provoquant l’accouchement de deux femmes et l’hospitalisation des autres. Alors que la journaliste Jennifer Evans (Naomi Watts) est appelée à rédiger un article sur l’incident, une enquête menée par les techniciens de la société d’ascenseurs Meteor, Jeff McClellan (Eric Thal) et Mark Newman (James Marshall), ne décèle aucune avarie technique. Les incidents se multiplient pourtant jusqu’à ce que coule le sang. Après deux morts particulièrement violentes, ce qui pourrait passer pour une coïncidence tourne vite à la psychose. Alors que la police mène l’enquête, Mitchell (Ron Perlman), le patron de la société Meteor, ne sait plus où donner de la tête. « Nous vivons dans un monde vertical », soupire-t-il. « Si nous ne pouvons pas nous fier aux ascenseurs, à quoi pouvons-nous faire confiance ? »

Vertical Limits

Conformément aux souhaits de son réalisateur, L’Ascenseur – niveau 2 fait usage des effets visuels pour offrir aux spectateurs des prises de vues acrobatiques autour du building ou pour concocter des plans séquence virtuoses permettant par exemple d’accompagner la décapitation d’un homme par l’ascenseur maléfique ou de montrer un homme éjecté depuis la cabine qui se retrouve propulsé depuis le 86ème étage et s’écrase au sol. Pour autant, ces tours de forces justifiaient-ils la mise en chantier du film ? Il est permis d’en douter. Malgré des moyens plus importants et quelques têtes d’affiche, cette nouvelle version n’a ni l’impact ni la singularité de son modèle, s’efforçant d’en retrouver les recettes en reproduisant quelques-unes de ses séquences les plus emblématiques comme celle de la petite fille avec sa poupée. Dick Maas lui-même regrette d’avoir dû collaborer avec un acteur ne tenant pas compte de ses consignes, en l’occurrence James Marshall, annihilant du même coup le second degré souhaité. Prévu pour une sortie en salles américaine à l’automne 2001, le film a finalement été déprogrammé suite aux attentats du 11 septembre, ce qui a bien sûr joué en sa défaveur. Sa distribution vidéo mit plus tard en avant le nom de Naomi Watts, devenue entretemps une actrice « bankable », ce qui n’empêcha pas ce second Ascenseur de sombrer dans un semi-oubli.

 

(1) et (2) Propos recueillis par votre serviteur en septembre 2017

 

© Gilles Penso

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LE PETIT MONDE DES BORROWERS (1997)

Où passent donc tous les petits objets qui disparaissent régulièrement dans les maisons ? C’est l’œuvre des Borrowers, bien sûr !

THE BORROWERS

 

1997 – USA

 

Réalisé par Peter Hewitt

 

Avec John Goodman, Mark Williams, Hugh Laurie, Bradley Pierce, Flora Newbigin, Celia Imrie, Jim Broadbent

 

THEMA NAINS ET GÉANTS

Imaginés par la romancière Mary Norton en 1952, les Borrowers (« Chapardeurs » en français) sont des humanoïdes d’une quinzaine de centimètres de haut qui vivent parallèlement aux êtres humains et leur empruntent régulièrement des objets divers pour équiper leurs appartements miniatures de fortune. Après maintes tentatives d’adaptations cinématographiques depuis la fin des années 50, les romans racontant les aventures des Borrowers sont transposés sur le petit écran en 1972, via un téléfilm copieusement récompensé qui ne donnera naissance que 17 ans plus tard à une série télévisée à son tour maintes fois primée. Mais il faudra attendre la fin des années 90 pour que le cinéma se lance enfin dans une adaptation à grand spectacle du petit monde des Borrowers, en bénéficiant des dernières avancées technologiques dans le domaine des effets spéciaux numériques. Pour mettre en scène cette fantaisie exubérante, Steven Spielberg est le premier réalisateur envisagé. Mais l’humour balourd du scénario ne séduit guère le cinéaste, de toute façon accaparé à l’époque par Le Monde perdu : Jurassic Park. Robert Zemeckis passe son tour lui aussi, et c’est finalement Peter Hewitt (Les Folles aventures de Bill et Ted) qui se retrouve derrière la caméra.

Le scénario du film se déroule dans des années 50 fantaisistes propices à plusieurs matte-paintings numériques de toute beauté dans lesquels les buildings cyclopéens de la ville sont arpentés par des ballons dirigeables en tous genres. L’histoire tourne autour d’une famille de Borrowers, Pod, Homily et leurs enfants Arrietty et Peagreen, qui vit dans une maison humaine habitée par Joe, Victoria et leur fils Pete. Les Borrowers, par définition, ne doivent jamais être vus par les humains. Mais la minuscule Arrietty commet une imprudence, et le jeune Pete la surprend. Ils sympathisent, et le « z’humain » explique à la chapardeuse que leur maison va tomber entre les mains de l’infâme Ocious Potter (alias le toujours excellent John Goodman, après qu’une ribambelle d’autres acteurs aient été envisagés avant lui, de Bill Murray à Christopher Lloyd en passant par Steve Martin, Chevy Chase, Bob Hoskins, Joe Pesci, Danny DeVito, Rowan Atkinson, Robin Williams, Tim Allen ou encore Alan Rickman). Le jour du déménagement, la famille des Borrowers est emmenée en secret par Pete, mais Arrietty et Peagreen tombent du camion, et pour eux s’amorce bien vite un remake très mouvementé de Chérie, j’ai rétréci les gosses.

Little Big Men

S’il s’inspire de l’univers créé par Mary Norton, le long-métrage de Peter Hewitt se construit autour d’un scénario original qui ne provient d’aucun livre en particulier et invente de toutes pièces plusieurs personnages. Annoncé fièrement par les producteurs comme le plus grand film familial jamais tourné en Angleterre depuis Chitty Chitty Bang Bang, Le Petit monde des Borrowers nous en donne effectivement pour notre argent, multipliant les séquences spectaculaires et jouant en virtuose avec les jeux d’échelles par l’entremise d’effets visuels très inventifs. Décors surdimensionnés, incrustations habiles, perspectives forcées, accessoires miniatures, tous les moyens sont bons pour muer le film en véritable parc d’attractions mouvementé déclinant à loisir les possibilités offertes par la taille minuscule de ses protagonistes et par leur environnement transformé en parcours du combattant vertigineux. Revers de la médaille : au-delà du divertissement immédiat assorti de petits clins d’œil amusants (aux « Voyages de Gulliver », à L’Indien du placard), l’histoire elle-même reste très anecdotique et ne sollicite que très modérément l’implication des spectateurs. La version animée qu’en tirera en 2010 le studio Ghibli, Arrietty, le petit monde des chapardeurs, se révèlera beaucoup plus mémorable. On note que la BBC produira en 2011 une autre variante, Le Mini Noël des Borrowers, sous la direction de Tom Harper.

 

© Gilles Penso


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