L’ATTAQUE DE LA PIN-UP GÉANTE (1995)

Une aspirante au prix de la « pin-up de l’année » ingurgite des hormones expérimentales et se mue en bimbo de 18 mètres de haut !

ATTACK OF THE 60 FOOT CENTERFOLDS

 

1995 – USA

 

Réalisé par Fred Olen Ray

 

Avec J.J. North, Ted Monte, Raelyn Saalman, Tammy Parks, Tim Abell, Jay Richardson, John Lazar, Michelle Bauer

 

THEMA NAINS ET GÉANTS

Réalisé deux ans après L’Attaque de la femme de 50 pieds de Christopher Guest, lui-même remake au second degré de l’inénarrable Attack of the 50-foot Woman de Nathan Juran, L’Attaque de la pin-up géante est une production Roger Corman budgétée à moins de 300 000 dollars. Cette minuscule enveloppe n’empêche pas le réalisateur Fred Olen Ray, habitué à l’économie des séries B, de voir grand. « J’ai été attiré par ce projet parce que c’était le seul film à ma connaissance, à l’exception du Village des géants, dans lequel seraient mis en scène deux êtres humains gigantesques en train de se battre », avouait-il. « C’était un peu comme dans La Guerre des monstres. J’aimais beaucoup l’idée de montrer le combat de deux femmes géantes en plein Hollywood. Après avoir expliqué à Roger Corman ce que j’avais en tête, la pression est devenue forte parce qu’il fallait que je trouve le moyen d’y parvenir » (1). Effectivement, impossible de se payer des effets spéciaux haut de gamme et des trucages numériques dernier cri. Olen Ray opte donc astucieusement pour des perspectives forcées et des accessoires miniatures et obtient grâce à ces techniques peu coûteuses des résultats globalement très efficaces. Pour le reste, il mise principalement sur le charme de son actrice principale.

Pour remporter le prix prestigieux de la « Pin-Up de l’année », l’ambitieuse Angel (J.J. North) décide d’ingurgiter des hormones expérimentales dans le secret le plus absolu. « Notre traitement d’embellissement agit sur la croissance des cellules » lui promet le médecin qui s’occupe d’elle. Or les rats sur lesquels il faisait des expériences sont devenus des mutants géants (autrement dit des acteurs dans des costumes en peluches très drôles à défaut d’être convaincants) et l’un d’eux vient de s’échapper. Pendant un week-end organisé chez le patron de la compagnie Plaything se déroule la compétition visant à déterminer qui remportera le titre. Mais le matin de la séance photo qui doit se dérouler sur la plage, Angel se réveille en retard avec une terrible gueule de bois. Elle ingurgite alors tout le stock d’hormones en une seule prise, persuadée que les choses vont s’arranger d’elles-mêmes. Bien sûr, c’est le contraire qui se produit. Après une première étape de mutation où son visage se transforme furtivement en celui d’un monstre (via un effet de morphing), notre blonde ingénue se métamorphose en créature de rêve… de 18 mètres de haut !

La guerre des bikinis

Bourré de clins d’œil, L’Attaque de la pin-up géante se paie bon nombre de références cinéphiliques (un certain monsieur Griffin au visage couvert de bandelettes dans une salle d’attente, un magazine consacré aux films de la Hammer, la reprise de l’effet du verre d’eau de Jurassic Park avec une bouteille de bière qui tremble dans une voiture à l’approche de la géante) et se laisse même aller à l’humour nonsensique cher au trio Zucker-Abrahams-Zucker, notamment avec cette fille encombrée d’une tonne de bagages qui voit son chemin jonché d’obstacles de plus en plus improbables. Affublé de personnages caricaturaux (le photographe beau gosse qui drague toutes les filles, l’émule de Hugh Heffner, le stagiaire maladroit, le savant improbable, le dératiseur macho), d’acteurs sans finesse, d’une mise en scène pataude, d’une musique synthétique pompière et d’une esthétique de film érotique bon marché, L’Attaque de la pin-up géante se laisse pourtant déguster sans trop de déplaisir, grâce à sa bonne humeur communicative et totalement décomplexée. Quelques guest-stars y pointent le bout de leur nez, comme Russ Tamblyn en pompiste témoin d’une apparition d’OVNI ou Forrest J. Ackerman en figurant déguisé en Dracula, et tout s’achève comme il se doit par un affrontement entre la gentille géante en bikini blanc et sa méchante rivale en bikini noir au beau milieu de Hollywood Boulevard.

 

(1) Extrait d’une interview publiée dans « Femme Fatales » en 1995.

 

© Gilles Penso

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CHÉRIE, J’AI AGRANDI LE BÉBÉ (1992)

Après avoir rétréci ses enfants, Wayne Szalinski poursuit les maladresses et transforme son tout jeune fils en géant incontrôlable…

HONEY, I BLEW UP THE KID

 

1992 – USA

 

Réalisé par Randal Kleiser

 

Avec Rick Moranis, Marcia Strassman, Amy O’Neill, Robert Oliveri, Daniel Shalikar, Joshua Shalikar, Lloyd Bridges

 

THEMA NAINS ET GÉANTS

À l’époque où Stuart Gordon, Brian Yuzna et Ed Naha écrivent l’histoire de Chérie, j’ai rétréci les gosses, deux autres auteurs (Gary Goodrow et Peter Elbling) travaillent sur un scénario parallèle sans rapport : Big Baby, l’histoire d’un bébé devenant géant à cause d’un rayon de croissance et semant la panique dans Las Vegas. Séduit par cette idée, Stuart Gordon prend une option sur l’histoire et propose les deux projets aux studios Disney, qui jettent leur dévolu sur Chérie, j’ai rétréci les gosses. Gros succès public et critique, le film de Joe Johnston pousse naturellement Disney à envisager une suite. C’est là que Big Baby, jusqu’alors laissé dans un tiroir, redevient d’actualité, à condition de revoir le script de fond en comble pour le raccorder avec l’histoire de Wayne Szalinski et de sa famille. Ainsi est né Chérie, j’ai agrandi le bébé. Pour la mise en scène, on envisage logiquement de rappeler Johnston (qui est alors accaparé par son second film, Rocketeer) ou de solliciter Stuart Gordon (qui passe son tour, de peur que Disney ne lui laisse pas les mains libres, tout en restant attaché au film en tant que producteur exécutif). C’est donc Jeremiah Chechnik qui est engagé, sur la foi de sa comédie à succès Le Sapin a les boules (quel magnifique titre français !). Mais notre homme manque d’expérience dans les effets spéciaux et propose des idées beaucoup trop coûteuses. Remercié en cours de pré-production, Chechnik cède le pas à Randal Kleiser, dont la filmographie (Grease, Le Lagon bleu, Le Vol du navigateur, Big Top Pee-Wee, Croc-Blanc) rassure les costumes-cravate de chez Disney.

Toujours incarné par l’irrésistible Rick Moranis, Wayne Szalinski a trouvé un emploi dans un grand laboratoire du Nevada. Retiré d’un projet de rayon laser agrandissant les molécules, il tente malgré tout une expérience sur le lapin en peluche de son fils Adam. Mais en voulant récupérer son jouet favori, Adam subit un bombardement de particules et grandit en quelques secondes de plusieurs centimètres. Exposé un peu plus tard aux rayonnements d’un four à micro-ondes et d’un téléviseur, le bébé atteint d’un coup la taille impressionnante de trois mètres. A peine troublé par sa mutation, il défonce tranquillement la porte d’entrée et s’enfuit de la maison, semant la panique dans le quartier. Après être passé sous une ligne à haute tension, Adam franchit la barre des quinze mètres et continue de trotter allègrement à travers le désert, direction Las Vegas. Complètement affolé, Wayne ressort alors sa vieille machine à rétrécir et se lance avec son épouse Diane (Marcia Strassman) à la poursuite du bambin géant.

Le fantastique bébé colosse

Alors que Chérie, j’ai rétréci les gosses s’affirmait comme une variation comique autour du thème de L’Homme qui rétrécit, sa suite semble proposer, à l’inverse, une version burlesque du Fantastique homme colosse (référence avouée des premiers auteurs du script). Hélas, l’inventivité, la spontanéité et le grain de folie rafraîchissants du film de Joe Johnston ne sont plus vraiment d’actualité dans cette suite qui cherche un peu mécaniquement à capitaliser sur les mêmes ingrédients. En effet, une fois le postulat annoncé (le bébé lâché dans la nature grandit sans cesse au contact des rayons électromagnétiques), le scénario tourne en rond et tente d’enchaîner un maximum de gags et de situations cocasses tout au long des 90 minutes imparties. Le film procède alors par accumulation, multipliant à l’écran les foules, les voitures de police, les militaires, les journalistes, confinant donc à l’indigestion avec – pour couronner le tout – une bonne tartine de valeurs américano-puritaines lourdement assénées aux spectateurs. La bande originale de Bruce Broughton, moins jazzy que celle de son prédécesseur James Horner, abonde dans le sens de la surenchère sirupeuse. Restent les séquences d’effets spéciaux inventives, qui combinent avec habileté les perspectives forcées, les incrustations (pas toujours réussies) et même quelques images de synthèse. La saga se poursuivra sur le petit écran avec le téléfilm Chérie, nous avons été rétrécis et la série Chérie, j’ai rétréci les gosses en 1997.

 

© Gilles Penso


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LE VILLAGE DES GÉANTS (1965)

Huit teenagers turbulents consomment un aliment expérimental qui les transforme en colosses de six mètres de haut…

VILLAGE OF THE GIANTS

 

1965 – USA

 

Réalisé par Bert I. Gordon

 

Avec Tommy Kirk, Johnny Crawford, Beau Bridges, Ron Howard, Joy Harmon, Robert Random, Tisha Sterling, Charla Doherty

 

THEMA NAINS ET GÉANTS

Bert I. Gordon est le roi du gigantisme. Obsédé par la disproportion (celle des reptiles dans Le Roi des dinosaures, des sauterelles dans Le Début de la fin, des araignées dans The Spider, des humains dans Le Cyclope, Le Fantastique homme colosse et Le Retour de l’homme colosse), ce cinéaste atypique porte bien ses initiales, qui lui valurent le surnom légitime de « Mister Big ». Au milieu des années 60, il s’attaque à une histoire d’Herbert George Wells, « La Nourriture des dieux », qu’il revisite de fond en comble pour l’adapter à ses goûts, aux mœurs des sixties et au jeune public massé dans les drive-in de l’époque. Paru en 1904, le roman de Wells raconte les conséquences alarmantes d’un aliment inventé par deux scientifiques qui modifie la courbe de croissance des êtres vivants et leur fait atteindre une taille phénoménale. Filmé en « Perceptovision » (un terme fantaisiste destiné à appâter le chaland), Le Village des géants met en scène un grand nombre de jeunes acteurs dont les parents sont déjà établis à Hollywood, comme Tisha Sterling (la fille de Rod Serling), Toni Basil (la fille de Louis Basil), Tim Rooney (le fils de Mickey Rooney) ou Beau Bridges (le fils de Lloyd Bridges). « Lorsque j’ai fait ce film, j’avais 18 ou 19 ans et j’ai pris tout cela très au sérieux », se souvient ce dernier. « J’étais persuadé que ce rôle allait me transformer en porte-parole de ma génération. Quand on revoit ça aujourd’hui, il faut avouer que c’est un peu embarrassant » (1).

Le scénario, dépourvu de la moindre demie-mesure, raconte l’aventure de huit teenagers turbulents et fêtards qui rencontrent dans la petite ville imaginaire de Hainesville, en Californie, un jeune garçon surnommé « Genius ». En jouant avec son kit de chimie dans son sous-sol, l’ado à lunettes crée accidentellement une substance qu’il nomme « Goo » (« gelée ») et qui, lorsqu’elle est consommée, fait grossir des animaux, dont un chien, un chat et deux canards, jusqu’à ce qu’ils atteignent une taille gigantesque. En découvrant cet incroyable phénomène, la bande des huit subtilise un échantillon du « Goo » et décide de l’avaler. L’effet ne tarde pas à se faire sentir : tous atteignent une taille de six mètres de haut et commencent à semer la panique dans la ville, bien décidés à en prendre le contrôle à faisant fi de toute autorité…

Poussée de croissance

Baigné en permanence dans l’ambiance rock’n roll qu’affectionne tant le cinéaste (comme dans The Spider), Le Village des géants enchaîne les séquences folles, comme un personnage escaladant la poitrine volumineuse d’une adolescente gigantesque ou des motocyclistes attrapant au lasso les jambes de l’un des teenagers colossaux. Les effets spéciaux utilisent les traditionnelles rétro-projections ainsi que des mains et des pieds géants à la sculpture très évasive. Malgré le joyeux grain de folie qui l’anime, le treizième long-métrage de Gordon est loin de s’avérer passionnant. On finit même par s’y ennuyer ferme, presque autant que les huit géants blasés par leur nouveau statut de quasi-dieux. Pour l’anecdote, on note que « Genius », le gamin à l’origine du gigantisme du film, est interprété par Ron Howard, future vedette de Happy Days et futur réalisateur de Willow donnant la vedette à… des nains ! Onze ans plus tard, Gordon se lancera dans une nouvelle adaptation de « La Nourriture des dieux » avec Soudain les monstres, une sorte de « prequel » se concentrant sur le gigantisme d’animaux divers provoqué par un produit que des enfants finissent par avaler à leur tour au cours du dénouement. Malgré son succès limité, Le Village des géants a fini par générer un certain culte. Un extrait de sa bande originale, composé par Jack Nitzsche, est même devenu le thème principal de Boulevard de la mort de Quentin Tarantino.

 

(1) Extrait d’une interview publiée dans AV Club en janvier 2014.

 

© Gilles Penso

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IMAGINARY (2024)

Depuis qu’elle a emménagé avec sa famille dans une nouvelle maison, Alice a un ami imaginaire : un ours en peluche pas aussi mignon qu’il en a l’air…

IMAGINARY

 

2024 – USA

 

Réalisé par Jeff Wadlow

 

Avec DeWanda Wise, Taegen Burns, Pyper Braun, Betty Buckley, Tom Payne, Veronica Falcon, Samuel Salary, Matthew Soto, Alix Angelis, Wanetah Walmsley

 

THEMA JOUETS

Réalisateur du slasher Cry Wolf et de Kick-Ass 2, Jeff Wadlow est un habitué des productions Blumhouse pour lesquelles il a déjà mis en scène Action ou vérité et Nightmare Island. Il rempile cette fois-ci à l’occasion d’un projet au concept alléchant : Imaginary, qui détourne le principe des amis imaginaires pour les muer en entités démoniaques se nourrissant de l’imagination et de la créativité des enfants dans le but d’alimenter leur propre monstruosité. Wadlow écrit lui-même le scénario avec Greg Erb et Jason Oremland (La Princesse et la grenouille). Sur le papier, Imaginary est très prometteur. A l’écran, hélas, le château de cartes s’effondre lamentablement. C’est d’autant plus dommage que les prémices laissaient entrevoir le joli potentiel d’un tel film. Après une séquence de cauchemar introductive qui doit beaucoup à la saga Freddy Krueger, l’intrigue nous familiarise avec Jessica (DeWanda Wise, que nous avions vue faire face aux dinosaures de Jurassic World : le monde d’après). Auteur de livres pour enfant dont le héros est une araignée nommée Simon, elle a vécu un trauma d’enfance qui explique ses fêlures et son apparente fragilité. Sa mère étant décédée et son père ayant sombré dans la démence, elle a trouvé un certain équilibre en épousant Max (Tom Payne, le « Jesus » de The Walking Dead) qui lui-même traîne un certain passif. Sa première épouse est en effet internée dans un institut psychiatrique, ce qui a laissé un vide dans la vie de ses deux filles Alice et Taylor.

Le tableau étant dressé, l’histoire peut commencer. La famille recomposée emménage ainsi dans la maison d’enfance de Jessica. En fouillant dans la cave, Alice découvre un petit ours en peluche qu’elle baptise Chauncey et qui devient son ami imaginaire. Elle le trimballe partout avec elle, lui parle, l’écoute, le fait participer à ses dinettes et se lance dans une chasse au trésor dont il serait – selon elle – l’initiateur. Il s’agit de collecter toutes sortes d’objets, du plus innocent au plus effrayant. Le comportement de la petite fille se révélant de plus en plus étrange, voire dangereux, on décide de solliciter une psychologue qui s’efforce de comprendre le lien étrange en train de se nouer entre Alice et Chauncey. Or l’ourson en peluche n’est pas si innocent qu’il n’y paraît et cache bien son jeu derrière sa frimousse. Bientôt, la petite vie tranquille de tout ce beau monde va basculer dans le cauchemar…

Demonic Toy

Si nous sommes encore indulgents en début de métrage, tous disposés à jouer le jeu d’un scénario qu’on sent un peu mécanique mais plein d’intéressantes intentions, les choses vont bientôt de mal en pis. L’un des problèmes majeurs d’Imaginarium tient au traitement de ses personnages, tellement archétypaux et caricaturaux qu’ils semblent presque échappés d’une parodie. Il y a la petite fille qui s’appelle Alice (au cas où le public n’aurait pas compris l’allusion à la traversée du miroir) et qui nous joue rapidement un remake de Poltergeist, l’adolescente rebelle qui n’aime pas sa belle-mère et entend bien le lui faire savoir, le père qui disparaît purement et simplement du film à mi-parcours parce que les scénaristes n’ont plus besoin de lui et – cerise sur le gâteau – la vieille voisine qui sait tout et nous donne soudain d’interminables explications sur les esprits qui se cachent derrière les amis imaginaires (livre illustré à l’appui !). Le film ne cherche même plus à cacher ses ficelles au cours de sa seconde moitié, débitant les informations dans le but de donner aux protagonistes un mode d’emploi précis pour combattre le mal et muant tous les protagonistes en marionnettes au comportement invraisemblable. Le climax lui-même, censé nous offrir une vision de ce qu’est l’esprit d’un enfant imaginatif, est d’une désespérante platitude, exempt de la moindre idée visuelle novatrice. Dommage, il y avait tant à faire avec un tel sujet…

 

© Gilles Penso


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LOU COSTELLO ET LA BLONDE (1959)

Pour son dernier long-métrage, le binôme de Bud Abbott se la joue solo et transforme sa jolie fiancée en géante de dix mètres de haut…

THE 30-FOOT BRIDE OF CANDY ROCK

 

1959 – USA

 

Réalisé par Sidney Miller

 

Avec Lou Costello, Dorothy Provine, Gale Gordon, Jimmy Conlin, Charles Lane, Robert Burton, Will Wright, Lenny Kent, Ruth Perrott, Peter Leeds

 

THEMA NAINS ET GÉANTS

Techniquement, Lou Costello et la blonde n’est pas le seul long-métrage dans lequel l’acteur principal joue sans son comparse habituel Bud Abbott, puisque Costello fit ses débuts en tant que cascadeur et figurant à partir de la fin les années 20. Mais ce n’est qu’en formant son duo surnommé « Les deux nigauds » en France qu’il se transforma en star. Et depuis, les deux comparses ne se sont plus quittés. Lou Costello et la blonde fait donc office d’exception, puisque Costello se retrouve pour la première fois sans Abbott dans un film depuis son accès au vedettariat. Le titre franco-belge, un peu simpliste, cache The 30-Foot Bride of Candy Rock, autrement dit une sorte de remake loufoque du fameux Attack of the 50-Foot Woman réalisé l’année précédente par Nathan Juran. Costello y joue Artie Pinsetter, collectionneur de ferraille et inventeur amateur qui vit dans la ville de Candy Rock, au beau milieu du désert américain. Lorsque sa fiancée Emmy Lou Raven (la ravissante Dorothy Provine) est exposée à des radiations dans une grotte, elle se transforme aussitôt en une géante de dix mètres de haut. Soupçonnant son époux d’infidélité, la gigantesque fiancée pique une crise de jalousie et, en comprenant que son oncle magouille dans son dos, sème une petite panique en ville avant d’être prise en chasse par l’armée.

Auteurs de l’idée originale du film, Irving Block et Jack Rabin en signent aussi les effets visuels avec leur associé Louis DeWitt. Habitués tous les trois aux séries B de science-fiction à tout petit budget (Monster from Green Hell, Behemoth le monstre des mers, Viking Women and the Sea Serpent), ils donnent à Dorothy Provine la taille de King Kong par le biais d’une série de trucages sommaires qui n’entretiennent que très modérément l’illusion : retro-projections mal contrastées, incrustations affublées de liserés noirs, effets de cache qui tremblotent… Quelques belles visions surréalistes ponctuent tout de même le film, comme ce clair de lune où la belle vêtue d’un parachute repose lascive auprès de son minuscule mari, ou ce plan aérien censé être vu depuis un hélicoptère dans lequel son gigantisme nous saute aux yeux à travers un trou dans le toit d’une grange.

Chérie, je t’ai agrandie !

Force est de constater que les pitreries maladroites de Lou Costello, les caprices de son robot cul-de-jatte et la bonne bouille de son chien ne dérident que très occasionnellement le spectateur. Probablement atteints de folie en cours d’écriture, les scénaristes (cinq au total si l’on compte Rabin et Block) se laissent aller dans la dernière partie du film, au cours de laquelle nous assistons incrédules à un tir de missiles qui écrivent dans le ciel « I love you », à la transformation des protagonistes en soldats de la guerre de Sécession puis en hommes des cavernes, à l’envol de Costello dans le ciel aux côtés d’une nuée de canards, ou encore à la métamorphose de la belle en Lilliputienne avant qu’elle ne retrouve enfin sa taille réelle… sans qu’aucune raison logique ne vienne expliquer ces délires en cascades. Même si elles semblent bien innocentes aujourd’hui, les discrètes allusions sexuelles dont se pare le film furent jugées osées à l’époque, dans la mesure où les « Deux nigauds » avaient habitués le public à un humour familial et bon enfant. Lou Costello et la blonde sera le chant du cygne de son acteur principal, puisque Costello sera terrassé par une crise cardiaque cinq mois à peine avant la sortie du film en août 1959.

 

© Gilles Penso


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REBEL MOON – PARTIE 2 : L’ENTAILLEUSE (2024)

Le deuxième chapitre du space opera de Zack Snyder raconte la violente bataille opposant des villageois à un dictatorial empire galactique…

REBEL MOON – PART 2: THE SCARGIVER

 

2024 – USA

 

Réalisé par Zack Snyder

 

Avec Sofia Boutella, Djimon Hounsou, Ed Skrein, Michiel Huisman, Doona Bae, Ray Fisher, Anthony Hopkins, Staz Nair, Fra Free, Cleopatra Coleman, Stuart Martin

 

THEMA SPACE OPERA

Le second volet de l’épopée Rebel Moon concoctée par Zack Snyder pour Netflix (après que les dirigeants de Lucasfilm aient refusé d’intégrer les concepts du cinéaste à la saga Star Wars) raconte exactement ce que le premier opus annonçait : les préparatifs des villageois opprimés et des champions intergalactiques rameutés par la guerrière Kora (Sofia Boutella) pour faire front face à l’oppresseur impérial personnifié par le vil amiral Attikus Noble (Ed Skrein). La mécanique des Sept samouraïs et des Sept mercenaires est donc convoquée une fois de plus. Toujours aussi impressionnant dans le rôle de l’antagoniste, Skrein campe ici un super-vilain aux pouvoirs quasi-surnaturels, puisque son dernier affrontement avec Kora aurait logiquement dû lui faire passer l’arme à gauche. Ressuscité par les miracles technologiques de la Mère-Monde, il semble désormais indestructible, porteur d’une cicatrice au beau milieu de la poitrine qui justifie le sous-titre de cet épisode 2 : The Scargiver en V.O. (la « donneuse de cicatrice »), L’entailleuse en VF. Réfugiés parmi les fermiers de Veldt, les survivants de la bataille précédente s’échauffent donc en prévision du futur assaut de Noble et de ses troupes. C’est l’occasion pour chaque mercenaire de raconter en flash-back son passé et ses motivations dans ce combat imminent.

Fidèle à ses habitudes, Zack Snyder multiplie les séquences très graphiques, affirmant une volonté de stylisation qui dote certes le film d’une impeccable patine (le réalisateur signe lui-même la très belle photographie du métrage) mais confine souvent au maniérisme, d’autant que la dramaturgie ne justifie pas toujours ces abus d’ultra-ralentis, ces couchers de soleil de carte postale, ces angles de prises de vue insolites (la contre-plongée sur Djimon Hounsou depuis l’intérieur d’un tonneau plein d’eau, par exemple) ou cette bande originale envahissante chargée en vocalises orientalisantes qui appuie chacune des scènes bucoliques. À cette esthétisation quelque peu « forcée », Snyder ajoute des idées singulières mais parfois saugrenues qui privilégient l’originalité au détriment de la crédibilité, comme cet orchestre de chambre cagoulé qui reste imperturbable alors qu’une fusillade se déclenche et vire au massacre.

Plus d’un tour dans son Zack

Si l’influence de Star Wars est beaucoup moins prégnante dans ce second volet que dans le précédent, avec un déferlement de machines de guerre et de vaisseaux aux designs atypiques, la trame reste extrêmement basique et très prévisible. Peu concerné par cette spectaculaire échauffourée à cause de la caractérisation très primitive des belligérants, le spectateur se réfugie alors dans le spectacle pur dont on ne peut nier l’incroyable générosité. Très ouverte, la fin de cette deuxième partie laisse imaginer de nouvelles aventures et de nouvelles batailles. « J’aimerais beaucoup réaliser d’autres films autour de la saga Rebel Moon », déclarait Snyder quelques jours avant la diffusion de The Scargiver. « Attendons d’abord que le film sorte, y compris sa version director’s cut, et ensuite nous déciderons quoi faire » (1). Un montage plus long et plus violent (classé R aux États-Unis) est en effet prévu. Mais l’accueil de Rebel Moon – partie 2 ayant été particulièrement glacial (avec une virulence souvent exagérée de la part de certaines critiques), l’avenir de cette saga reste à ce jour très incertain.

 

(1) Extrait d’une interview publiée dans GamesRadar+ en avril 2024.

 

© Gilles Penso

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ODYSSEUS : VOYAGE AU CŒUR DES TÉNÈBRES (2008)

Découvert par le grand public grâce à La Momie, Arnold Vosloo joue le rôle d’Ulysse dans cette épopée mythologique fauchée…

ODYSSEUS AND THE ISLE OF THE MISTS / ODYSSEUS : VOYAGE TO THE UNDERWORLD

 

2008 – GB / CANADA / ROUMANIE

 

Réalisé par Terry Ingram

 

Avec Arnold Vosloo, Stefanie Von Pfetten, Randal Edwards, J.R. Bourne, Mike Antonakos, Steve Bacic, Leah Gibson, Sonya Salomaa, Perry Long

 

THEMA MYTHOLOGIE

Terry Ingram est un téléaste en activité depuis le milieu des années 90. Son travail intensif sur toutes sortes de séries TV (The Adventures of Sinbad, Total Recall 2010, Invasion planète Terre, Chérie j’ai rétréci les gosses, Mutant X) révélant une prédilection manifeste pour le genre fantastique, il était le candidat idéal pour mettre en scène Odysseus : voyage au cœur des ténèbres, une épopée mythologique à tout petit budget (1 100 000 dollars) tournée au Canada et en Roumanie et destinée à une diffusion sur Sci-Fi Channel. Pour jouer le rôle principal, la production engage Arnold Vosloo, second rôle efficace de 1492 : Christophe Colomb et Chasse à l’homme, remplaçant honnête de Liam Neeson dans Darkman II et Darkman III et surtout inoubliable Im-Ho-Tep dans La Momie de Stephen Sommers. Vosloo entre ici dans la peau d’Ulysse, tenant la vedette d’une aventure complètement imaginaire censée s’être déroulée en marge du récit de l’Odyssée. L’entame de ce téléfilm se révèle frustrante, puisque les dialogues évoquent l’histoire du cyclope Polyphème, des sirènes et des Lestrygons sans que jamais le public ait la possibilité de voir ces créatures fantasmagoriques. En effet, l’intrigue d’Odysseus : voyage au cœur des ténèbres se résume à un séjour sur « l’île de la brume », un lieu sinistre et mystérieux hanté par une nuée de démons volants.

Les monstres en question sont des espèces de gargouilles vampiriques en image de synthèse pas trop mal fichues, au regard du budget alloué à l’équipe des effets spéciaux (supervisée par Ian Cumming), et visiblement inspirées par les harpies de Jason et les Argonautes. Après avoir décimé la majorité de l’équipage, les démons prennent la poudre d’escampette et laissent les survivants s’aventurer dans une zone de l’île où vit une déesse séduisante et énigmatique (Stefanie Von Pfetten) qu’ils prennent pour une sirène mais qui s’avère être Perséphone, la reine des Enfers. Celle-ci accepte de soigner et protéger Ulysse et ses hommes s’ils l’aident à s’échapper de cette île, mais c’est un leurre. Comme notre héros l’apprend dans un de ses rêves où le visite la déesse Athena (Sonya Salomaa), Perséphone n’attend qu’une occasion pour asservir toute l’humanité. S’ils veulent vaincre le mal, nos héros vont devoir trouver « la croix du feu de l’enfer » (tout un programme) forgée par Héphaïstos et taillée par Appolon…

« La croix du feu de l’enfer »

Odysseus : voyage au cœur des ténèbres possède quelques atouts, le moindre n’étant pas Arnold Vosloo lui-même dont l’interprétation d’Ulysse reste très honorable. Le scénario a l’idée – inattendue et originale – d’intégrer dans l’équipage Homère en personne, ici présenté comme un simple scribe qui se met en tête de noter chacune des péripéties de cette aventure. Autres aspects intéressants : un climat d’angoisse réussi, quelques effets gore assez osés (les entrailles qui sortent des corps des victimes) et une poignée de dialogues intéressants. Mais tout ça ne vole pas très haut et la minceur du budget saute sans cesse aux yeux (dès l’apparition de cette petite douzaine d’acteurs censés représenter tous les marins au service d’Ulysse). L’intrigue elle-même s’avère franchement absurde et s’assortit d’éléments anachroniques bizarres, comme cette épée dorée d’allure médiévale après laquelle courent les héros. Ce « direct-to-video » est donc gentiment tombé dans l’oubli, et ce n’est que justice. De toutes façons, pour les cinéphiles férus de l’Odyssée, un seul film vaut véritablement le détour : le merveilleux Ulysse de Mario Camerini.

 

© Gilles Penso


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LA MASCOTTE (2023)

Une étudiante adopte un paresseux pour devenir populaire auprès de ses amies… mais l’animal est un tueur psychopathe !

SLOTHERHOUSE

 

2023 – USA

 

Réalisé par Matthew Goodhue

 

Avec Lisa Ambalavanar, Sydney Craven, Andrew Horton, Bianca Beckles-Rose, Olivia Rouyre, Tiff Stevenson, Sutter Nolan, Milica Vrzic, Stefan Kapicic

 

THEMA MAMMIFÈRES

« Je ne vais pas mentir, nous avons trouvé le titre en quelques secondes », raconte le scénariste Brad Fowler. « Tout a commencé lorsque quelqu’un nous a demandé : “ Quelle est l’idée la plus stupide que vous puissiez avoir ? ”. Après avoir plaisanté pendant environ cinq minutes, non seulement le concept était né, mais aussi le titre » (1). Ce titre, Slotherhouse, est intraduisible en français, puisqu’il joue avec les mots « Sloth » (paresseux) et « Slaughterhouse » (abattoir). Les distributeurs français optent donc pour une appellation plus traditionnelle : La Mascotte. Co-écrit par Cady Lanigan et réalisé par Matthew Goodhue, ce slasher animalier cherche à rendre hommage au cinéma d’horreur des années 80 en s’appuyant sur deux de ses composantes clés : les étudiantes transformées en chair à saucisse et des effets spéciaux pratiques réalisés en direct face à la caméra. Pour trouver la juste tonalité, les trois hommes tentent un cocktail d’influences singulier. « Nous voulions que notre film soit un mélange de Lolita malgré moi et de Happy Birthdead avec une touche de Gremlins », explique ainsi Lanigan, « en espérant que tous ces éléments ressortent dans le résultat final » (2). En voyant La Mascotte, on décèle en effet ces sources d’inspiration composites, même si nous sommes face à un OVNI singulier qui aurait tendance à échapper aux comparaisons.

L’héroïne de La Mascotte est Emily Young (Lisa Ambalavanar), étudiante en dernière année dont la mère fut jadis une présidente de sororité très populaire. La favorite à la présidence des Sigma Lambda Theta, cette année, est l’odieuse Brianna (Sydney Craven) qui semble rallier tous les suffrages. Mais le jour où Emily tombe par hasard sur un paresseux femelle ramené du Panama par une équipe de braconniers, elle en fait sa mascotte et voit soudain sa cote de popularité grimper en flèche. L’idée lui vient alors de se présenter face à Brianna. Tandis que la rivalité entre les deux jeunes filles crée des tensions nouvelles et que la date de l’élection approche, le sympathique petit paresseux, baptisé Alpha, révèle sa véritable nature : c’est un monstre assoiffé de sang doté d’une redoutable intelligence…

Des poils et des griffes

Même si La Mascotte n’invite pas ses spectateurs à se prendre au sérieux, une bonne dose de suspension d’incrédulité s’avère nécessaire pour croire aux exactions de cette créature dont rien ne justifie le comportement agressif et vengeur, ni la force et l’intelligence quasi-surnaturelles. Car la bête se montre capable d’utiliser l’électricité et la plomberie, de faire des recherches sur Internet, d’envoyer des SMS et des photos sur un smartphone et même de conduire une voiture ! On voit bien que le film n’obéit à aucune autre logique que celle d’exploiter son concept fou, avec en prime quelques dialogues surlignant le caractère absurde de l’intrigue, comme l’inénarrable « on va toutes mourir dans d’atroces souffrances à cause d’une tueuse trop mignonne ! » Pour autant, le ton de La Mascotte n’est pas tout à fait celui d’une parodie potache truffée de gags. L’approche est certes légère mais reste positionnée la plupart du temps au premier degré, ce qui surprend dans la mesure où l’enjeu dramatique principal – l’élection de la future présidente de la sororité – nous laisse parfaitement de marbre. Un petit discours gentiment moralisateur autour de la quête de popularité et des amitiés superficielles émerge certes en filigrane du scénario, assorti d’un jeu régulier sur l’esthétique des réseaux sociaux (affichage de fenêtres d’informations en pop-up, d’émoticones, de messages, de photos), mais cet aspect reste anecdotique. La Mascotte a en tout cas le mérite de solliciter une créature 100% animatronique (même si la marionnette souffre d’un certain statisme et de mouvements pas toujours très fluides) et de soigner tout particulièrement sa mise en forme, avec en prime une très belle bande originale signée Sam Ewing.

 

(1) et (2) Extrait d’une interview publiée dans « Forbes » en aout 2023.

 

© Gilles Penso


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LA GORGONE (1964)

Peter Cushing et Christopher Lee font face à un monstre mythologique dans ce conte fantastique signé Terence Fisher…

THE GORGON

 

1964 – GB

 

Réalisé par Terence Fisher

 

Avec Barbara Shelley, Peter Cushing, Christopher Lee, Richard Pasco, Prudence Hyman, Michael Goodliffe, Patrick Troughton

 

THEMA MYTHOLOGIE

Au milieu des années soixante, les studios Hammer ont déjà bien exploité le filon des monstres classiques d’Universal, notamment Dracula, Frankenstein, la Momie et le Loup-Garou. Même si ces créatures immortelles séviront encore pendant une bonne dizaine d’années sous les bons auspices de la firme britannique, celle-ci se met en quête de nouvelles sources d’inspiration, histoire de renouveler un peu son bestiaire. D’où la mise en scène de la Gorgone, un monstre femelle tiré de la mythologie grecque, que Terence Fisher et son équipe s’efforcent de transporter dans le contexte britannique victorien cher aux productions Hammer. « Parmi les films que j’ai réalisés, il y a en a beaucoup que je n’aime pas, mais je dois avouer être très fier de La Gorgone parce qu’il s’appuie plus sur la poésie et le fantastique que sur l’horreur », affirmait à l’époque le réalisateur (1). Le scénariste John Gilling se révèlera moins enthousiaste quelques années plus tard, chagrin que l’auteur et producteur Anthony Hinds ait réécrit toute la scène d’introduction. « Il a changé une grande partie du dialogue et a massacré ce qui, à mon avis, aurait pu être un très bon film », déclarait-il (2). Sans être aussi sévère que Gilling, nous aurions effectivement tendance à constater que le potentiel de La Gorgone n’est pas exploité à son maximum, malgré ses grandes qualités.

Nous sommes au début des années 1900. Lorsque son père et son frère meurent dans des circonstances mystérieuses, Paul Heitz (Richard Pasco) se rend dans une petite ville pour comprendre ce qui se passe. Il constate rapidement que les villageois se méfient des étrangers et vivent dans la peur d’une sorte de malédiction, tout particulièrement les nuits de pleine lune. Ces craintes seraient liées à la légende de Megara, une Gorgone si hideuse qu’il suffit de la regarder pour être transformé en pierre. Bientôt, notre homme fait la rencontre de deux éminents professeurs campés par les deux stars de la compagnie Hammer, en l’occurrence Christopher Lee et Peter Cushing. Le premier joue l’excentrique Karl Meister, qui cherche à percer le mystère de la région. Le second incarne Namaroff, un homme qui semble en savoir plus qu’il n’en dit et dont le comportement très possessif à l’égard de sa jeune assistante Carla Hoffman (Barbara Shelley) semble cacher quelque chose…

« Elle est libre, désormais… »

La Gorgone regorge de séquences fortes (la transformation progressive d’un homme en statue de pierre, les panoramas du vieux château gothique dont la maquette servit également dans L’Empreinte de Frankenstein), mais il faut bien avouer que le look du monstre vedette, interprété par Prudence Heyman, n’a rien de bien convaincant. Malgré les astuces de mise en scène de Terence Fisher (via des jeux de reflets dans l’eau ou dans un miroir déformant), le maquillage est très sommaire et les serpents en plastique qui remuent mollement sur sa tête sont plus risibles qu’effrayants. Barbara Shelley avait pourtant proposé au producteur Anthony Nelson Keys de jouer elle-même la Gorgone et de porter une perruque spéciale agrémentée de vrais serpents, mais cette idée fut rejetée à cause des complications techniques qu’elle laissait augurer. Bien sûr, face au résultat final, Keys admit qu’il aurait dû écouter son actrice principale. Christopher Lee se fendra à ce propos d’une remarque cinglante : « La seule chose qui ne va pas dans La Gorgone, c’est la Gorgone ! » Il n’empêche que c’est lui qui a droit à la réplique finale, après avoir enfin vaincu la créature victime d’un sort funeste. « Elle est libre, désormais… », dit-il tristement. Lors de sa sortie, le film fut exploité en double programme avec Les Maléfices de la momie.

 

(1) Extrait d’un entretien avec Michael Caen publié dans « Midi Minuit Fantastique » en décembre 1964.

(2) Extrait d’un entretien publié dans « Little Shop of Horrors » en avril 1978.

 

© Gilles Penso


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HERCULE L’INVINCIBLE (1964)

Dans ce péplum fantastique délirant, Hercule affronte un lion apathique, un dragon bizarre, un ours, des éléphants et un volcan en éruption…

ERCOLE L’INVINCIBILE

 

1964 – ITALIE

 

Réalisé par Alvaro Mancori

 

Avec Dan Vadis, Spela Rozin, Carla Calo, Ken Clark, Maria Fiore, Ugo Sasso, Howard Ross, Olga Solbelli, Alberto Cevenini, Rosemarie Lindt, Kriss Moss

 

THEMA MYTHOLOGIE

En vingt ans de carrière, Dan Vadis aura joué les gros bras dans tous les films passant à sa portée : péplums, westerns, aventure, comédie, action… Il apparaît même – sans en être crédité – au générique du Corniaud aux côtés de Louis de Funès et Bourvil. Hercule l’invicible est son cinquième long-métrage, après Maciste contre les géants, Ursus le rebelle, Les Pirates du Mississipi et Les Dix gladiateurs. Il y incarne Ursus, réincarnation du célèbre demi-dieu Hercule. Au tout début de cet improbable long-métrage mythologique, une jolie fille ingénue, Teica (Spela Rozin), échappe à la surveillance de sa chaperonne pour aller se baigner. Mais alors qu’elle se dévêt (le reflet de l’eau masquant à peine sa poitrine dénudée, ce qui s’avère assez osé pour un film tout public de l’époque), un lion agressif surgit. Pas de problème : le massif Ursus, qui s’abreuvait justement dans le coin, intervient. Le combat qui s’ensuit est d’une incroyable mollesse, l’homme et le fauve donnant plus l’impression de se câliner que de s’affronter. Mais Ursus est un sensible, et la folle bataille contre l’animal l’a épuisé. La belle le ramène alors au village dont le roi n’est autre que son père. Or selon la coutume, celui qui sauve une fille dans cette communauté a le droit de l’épouser. « C’est formidable ! » s’écrie Ursus en se pourléchant les babines, avant d’apprendre que cette règle ne s’applique pas à la fille du roi. Bigre !

Hercule l’invincible s’affirme ainsi comme un sommet de kitscherie non dénué d’autodérision. Alors que notre musculeux héros boude dans son coin, déçu d’avoir raté une bonne occasion d’épouser la belle Teica, une lueur d’espoir surgit soudain. En effet, s’il tue le dragon qui terrorise la région et ramène comme preuve une dent de sa mâchoire, cette histoire de mariage pourra se renégocier. Notre Hercule prend donc conseil auprès d’une prêtresse grandiloquente qui le dote d’une lance spéciale, au milieu d’une belle nappe de fumigènes, puis monte sur un rocher pour attraper une toison accrochée à un arbre. Mais le rocher se met soudain à bouger : c’est le dragon, autrement dit un homme dans un costume ridicule qui se redresse, fait tomber toutes les feuilles qui le recouvraient et fait face à Hercule. Son corps ressemble vaguement à celui d’un tyrannosaure, sa bouche à celle d’un phacochère et ses bras à ceux d’un paresseux. Le combat lui-même ne dure que quelques secondes, puisque ce monstre évasif est immédiatement terrassé lorsqu’Hercule lui envoie une lance en travers de la gorge. Embarrassé par cette séquence de combat grotesque, le distributeur Embassy Pictures la supprimera sans vergogne et la remplacera par celle – légèrement plus convaincante – des Travaux d’Hercule avec Steve Reeves pour la sortie d’Hercule l’invincible sur le territoire américain (sous le titre Hercules Against the Elephant’s Empire).

Rebondissements invraisemblables

La suite des péripéties du long-métrage d’Alvaro Mancori multiplie les rebondissements invraisemblables. Car après être revenu triomphant de ce combat, la dent de dragon à la main, prêt à passer la bague au doigt de sa promise, Ursus doit renverser les hommes qui veulent usurper le trône sous les ordres d’une reine maléfique (Carla Calo), sauver le village, affronter un ours, éviter d’être écartelé par des éléphants auxquels on l’a enchaîné ou encore échapper à un cataclysme de lave et de feu qui menace de l’engloutir, le tout avec l’aide d’un faire-valoir peureux et – censément – comique. Signé sous le pseudonyme américain d’Al World, Hercule l’invincible ne sera pas le succès escompté, la grande mode des super-héros antiques torse-nu étant alors en train de décliner. On note pour l’anecdote que le montage du film est signé par un certain Franck Boberston, un pseudonyme derrière lequel se cache Franco Fraticelli, futur monteur attitré de Dario Argento (à l’œuvre sur Cinq jours à Milan, Les Frissons de l’angoisse, Suspiria, Inferno, Ténèbres, Phenomena et Terreur à l’opéra, ainsi que sur les deux Démons de Lamberto Bava et sur Dellamorte Dellamore de Michele Soavi).

 

© Gilles Penso


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