HELLRAISER 2 : LES ÉCORCHÉS (1988)

Une séquelle très réussie du shocker de Clive Barker qui prend des allures de conte de fées horrifique et sanglant

HELLBOUND : HELLRAISER 2

1988 – USA

Réalisé par Tony Randel

Avec Ashley Laurence, Clare Higgins, Imogen Boorman, Kenneth Cranham, Sean Chapman, Doug Bradley 

THEMA DIABLE ET DEMONS I SAGA HELLRAISER

L’univers intriguant dévoilé par Hellraiser ne demandait qu’à être développé. Le quasi-débutant Tony Randel prend donc la relève de Clive Barker pour ce second opus dont le prologue nous révèle la genèse du personnage emblématique du film précédent : Pinhead. Un soldat colonial (Doug Bradley) y ouvre la fameuse boîte magique. Aussitôt, des chaînes prolongées par des crochets en surgissent et lacèrent sa chair. Son visage est tailladé, des clous y sont plantés à coup de maillets, le malheureux hurle à la mort… Voilà de quoi conditionner un public qui n’en espérait pas tant ! La suite du film prolonge directement l’intrigue du premier opus. Interrogée par la police suite à la mort mystérieuse de son père et de sa belle-mère, Kirsty (Ashley Laurence) est confiée à l’éminent docteur Channard (Kenneth Cranham), qui pratique des opérations à cerveau ouvert avec autant de décontraction que Steve Martin dans L’Homme aux Deux Cerveaux.

Un soir, dans l’institut psychiatrique où elle est soignée, la jeune fille a une vision terrifiante : un écorché gémissant écrit avec son sang : « Je suis en Enfer, aidez-moi ». Elle est persuadée qu’il s’agit de son père. Lorsque Kyle (William Hope), l’assistant de Channard, lui rappelle que son géniteur a passé l’arme à gauche, elle répond sans se démonter : « Mon père est mort, il est seul et il souffre ! » Il se trouve que Channard est obsédé par les secrets de l’au-delà et collectionne tout ce qui a trait aux cubes magiques. Il a même passé un pacte avec la défunte Julia (Clare Higgins), s’engageant à la ressusciter en lui fournissant des victimes puisées dans son hôpital psychiatrique. Pour camoufler l’apparence hideuse de l’écorchée, Channard recouvre son corps de bandages, à la manière d’une momie, et une idylle trouble s’installe bientôt entre eux. « Il nous faut de la peau… en quantité », lui dit elle après un langoureux baiser. L’homme lui livre alors des dizaines de victimes enchaînées dans le crâne desquelles elle plante ses griffes écarlates pour puiser leur énergie vitale. Et la voilà enfin ressuscitée, face à un médecin aussi fasciné que le docteur Pretorius dans La Fiancée de Frankenstein (le costume en bandelettes semble s’y référer d’ailleurs directement).

Alice au pays des horreurs

Mais la référence principale du film est une fois de plus le conte de fée. Et si le premier Hellraiser ressemblait à une variante horrifique de Blanche Neige (la jeune fille en robe de chambre immaculée affrontant sa maléfique belle-mère), nous avons plutôt affaire ici à une relecture d’Alice au Pays des Merveilles. Car lorsque la boîte s’ouvre à nouveau, notre héroïne se met à errer dans des labyrinthes dignes d’Escher, dominés par le dieu Léviathan, peuplés de Cénobites vengeurs et d’écorchés ensanglantés. Très généreux en maquillages gore, Hellraiser 2 nous donne également droit à la naissance d’un nouveau Cénobite, Channard lui-même, mué en monstre dont les mains se prolongent par des tentacules animés image par image et ornés d’instruments tranchants. Au cours du climax, il affronte les quatre autres Cénobites qui, en mourant, reprennent leur apparence humaine. Mais comme en Enfer, la mort est toute relative, tout ce beau monde reviendra dans Hellraiser 3.

 

© Gilles Penso

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LA VIE FUTURE (1936)

Une étonnante fable d'anticipation réalisée par le directeur artistique William Cameron Menzies d'après un scénario écrit par H.G. Wells en personne

THINGS TO COME

1936 – GB

Réalisé par William Cameron Menzies

Avec Raymond Massey, Edward Chapman, Ralph Richardson, Margaretta Scott, Cedric Hardwicke, Maurice Braddell

THEMA FUTUR

Deuxième long-métrage dont le scénario fut écrit par Monsieur Herbert George Wells en personne (après L’Homme qui fait des Miracles), La Vie Future s’ouvre sur des images terriblement prophétiques. Elles décrivent en effet les méfaits d’une effroyable guerre mondiale qui éclate en 1940 et s’étend inlassablement sur de longues décennies. Certaines images, comme l’enfant jouant devant un mur sur lequel se projettent les ombres colossales de soldats au pas, la gigantesque nuée d’avions militaires, ou encore les plans de la cité en ruines, sont très fortes. Elles sont dues en grande partie au talent visuel de William Cameron Menzies, directeur artistique de renom qui œuvra notamment sur Le Voleur de Bagdad de Raoul Walsh. Ces images rendent du coup inutiles les répliques sentencieuses et moralisatrices que Wells place un peu artificiellement dans la bouche de ses personnages. Des dialogues qui ne gêneraient guère en littérature, mais passent difficilement le cap de la transposition sur grand écran. C’est là tout le paradoxe de l’écrivain, génie visionnaire parfois embarrassé par une naïveté un tant soit peu désuète.

Au sein de cet univers parallèle, où la guerre fait encore rage en 1970 et où la civilisation a régressé jusqu’à une sorte de moyen âge recyclant les résidus des années de paix, la science-fiction pure et dure fait irruption sous la forme d’un avion futuriste piloté par un homme tout de noir vêtu et affublé d’un gigantesque casque… Il s’agit tout bonnement du représentant de la civilisation moderne, celle de la paix, de la science et de l’avenir prospère. Celle à laquelle Wells a toujours aspiré, à travers une large portion de son œuvre. Porté par le génie artistique de Cameron Menzies, le film est truffé d’effets spéciaux plus ou moins efficaces, mais tous très ingénieux, en particulier à base de maquettes, d’incrustations variées et de matte-paintings signés Peter Ellenshaw et Percy Day. Ce qui nous donne droit à des visions dantesques, comme l’armada de forteresses volantes futuristes ou la cité du 21ème siècle. Celle-ci, qui évoque par moments celle de Metropolis, s’avère visionnaire en bien des points : grands immeubles aux baies vitrées, machines qui reconstituent la lumière du jour, ascenseurs transparents à flanc d’édifices, écrans de télécinévision… 

Mi-prophétique, mi-fantaisiste

En revanche, les péplums que portent les hommes du futur sont forcément beaucoup moins convaincants. Le rôle du vénérable Theotocopulos fut d’abord attribué à Ernst Thesiger (le docteur Pretorius de La Fiancée de Frankenstein) qui joua toutes ses scènes, avant que le producteur Alexander Korda ne change son fusil d’épaule et ne le fasse remplacer par Sir Cedric Hardwicke (qui partageait l’année précédente l’affiche des Misérables avec Frederic March et Charles Laughton), plus connu et plus populaire à son goût. Au cours de son final, La Vie Future ouvre une perspective de colonisation spatiale et de peuplement des autres planètes, via les Adam et Eve de l’an 2036. En tant que scénariste, Wells en restera là, et s’éteindra dix ans plus tard, suite à la guerre qu’il avait en partie prophétisée.

© Gilles Penso

TICKS (1993)

Des tiques ayant muté suite à l'absorption de stéroïdes anabolisants s'en vont agresser des adolescents en pleine campagne…

TICKS

1993 – USA

Réalisé par Tony Randel 

Avec Rosalind Allen, Ami Dolenz, Seth Green, Virginya Keehne, Ray Oriel, Alfonso Ribeiro, Peter Scolari, Dina Dayrit, Barry Lynch

THEMA INSECTES ET INVERTEBRES

« J’ai écrit le scénario original de Ticks au début des années 70 », nous raconte l’as des effets spéciaux Doug Beswick. « Il aura donc fallu vingt ans avant que le film ne se fasse. » (1) Un groupe d’adolescents parti à la campagne découvre un laboratoire de stéroïdes anabolisants installé dans une vieille cabane. Lorsqu’ils renversent par accident un des récipients, son contenu se déverse sur un nid de tiques. Celles-ci voient dès lors leur taille et leur force augmenter… A priori, le sujet ne déborde pas de nouveauté. Le choix des tiques témoigne certes d’une certaine originalité, mais leur rôle reste strictement identique à celui des habituels insectes mutants. A la place de l’atome ou des manipulations génétiques, les scénaristes ont opté pour des mutations dues à l’usage de stéroïdes dans des champs de marijuana. Pourquoi pas ? Mais, une fois de plus, ce n’est pas de ce côté qu’il faut chercher la nouveauté. L’intérêt que suscite spontanément Ticks provient principalement de ses personnages. Contrairement aux victimes anonymes des Vendredi 13, ces adolescents à problème ont de la consistance, de la teneur, des personnalités relativement fortes et des réactions assez logiques.

A ce titre, Tony Randel nous éclaire un peu sur ses intentions : « J’ai voulu donner aux acteurs une chance d’être eux-mêmes dans le film. C’est la raison pour laquelle beaucoup de choses ont été improvisées pendant le tournage. » (2) Les singularités de ces six filles et garçons, menés par un couple de sociologues, dotent le film d’une crédibilité fort appréciable. Peu attiré par l’humour référentiel, Tony Randel lui préfère une approche sérieuse, semblable en esprit à celle des années 50, où SF et épouvante prêtaient rarement à rire. A ce sérieux s’ajoute une horreur toute moderne, due aux ravages provoqués par les abominables tiques géantes. Ticks se rattache également au « survival », par le décor naturel et sauvage – habité par de peu recommandables individus – où il se déroule, et en particulier à Délivrance, auquel il fait une furtive allusion.

L'assaut final des bêtes rampantes

Mais le film n’aurait certainement pas eu le même impact sans le travail de Doug Beswick, qui réalisa à l’occasion toute une série de tiques très convaincantes. Simples marionnettes, créatures mécaniques ou figurines animées image par image, les tiques de Beswick provoquent une répulsion systématique. On peut émettre plus de réserves sur la tique gigantesque qui apparaît à la fin du film. Si son animation mécanique réussit à convaincre – on pense en particulier à La Mouche – sa présence ne se justifie pas vraiment. Elle obéit apparemment à un concept devenu commun depuis Aliens, et surgit d’un corps humain à l’issue d’une métamorphose réussie mais un peu trop prolongée. L’assaut final des tiques autour de la cabane dans laquelle se sont réfugiés les héros évoque beaucoup La Nuit des Morts-Vivants, d’autant que dans certains plans, les pattes s’agitant derrière les lattes de bois ressemblent à des mains crispées. Le film s’achève sur un faux happy-end classique, aussitôt désamorcé par une chanson folk saupoudrant d’une touche finale légère et comique un film somme tout assez éprouvant.


(1) Propos recueillis par votre serviteur en avril 1998
(2) Propos recueillis par votre serviteur en février 1994

 

© Gilles Penso

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PREDICTIONS (2009)

Le talentueux réalisateur de The Crow et de Dark City plonge Nicolas Cage dans un récit de science-fiction aux répercussions inattendues

KNOWING

2009 – USA

Réalisé par Alex Proyas

Avec Nicolas Cage, Chandler Canterbury, Rose Byrne, Lara Robinson, D.G. Maloney, Nadia Townsend, Alan Hopgood 

THEMA CATASTROPHES

Prédictions part d’une idée géniale imaginée par le scénariste Ryne Douglas Pearson : pour fêter l’inauguration d’une école en 1959, on décide de demander aux enfants de dessiner le futur tel qu’ils l’imaginent et d’enfouir tous leurs dessins dans une « capsule temporelle » qui sera enfouie sous terre pour n’être ouverte que cinquante ans plus tard. En 2009, au moment de l’ouverture de la capsule, chaque élève de l’école hérite d’une des œuvres de ses prédécesseurs. Sauf qu’en décachetant son enveloppe, le jeune Caleb Koestler ne trouve pas un dessin mais une série de chiffres énigmatiques écrits à la main. Or ces chiffres semblent prédire l’avenir… Difficile de ne pas être intrigué par un tel point de départ. Naturellement séduits par cette idée, les producteurs Jason Blumenthal et Todd Black ont pourtant eu toutes les peines du monde à monter le projet. Rod Lurie et Richard Kelly furent tour à tour envisagés pour réaliser le film, avant qu’il n’atterrisse enfin entre les mains d’Alex Proyas. Tout désigné pour diriger cette fable de science-fiction, l’auteur de The CrowDark City et I, Robot s’en est emparé à bras le corps pour signer une œuvre marquante à plus d’un titre. La concrétisation du projet reposait sur les épaules d’une tête d’affiche, et c’est Nicolas Cage qui s’en charge dans le rôle de John Koestler, le père de Caleb, un professeur d’astronomie bientôt obsédé par cette insondable liste de chiffres. 

L’une des scènes clefs du film, le crash d’un avion survenant sous les yeux de notre héros, fait définitivement basculer le récit tout en nous offrant un pur et magnifique moment de cinéma. Conçue en plan-séquence, cette catastrophe, prélude d’une série de désastres de plus en plus spectaculaires, s’avère remarquable du double point de vue de la technique et de la narration. Englobés avec le protagoniste dans ce cauchemar en temps réel, nous participons activement à son traumatisme et perdons peu à peu toute notion d’espace et de temps. Or telle est justement la thématique clef du film : l’absence totale de contrôle sur notre environnement spatio-temporel, malgré la science, les connaissances et le savoir que l’homme s’échine à accumuler depuis ses origines.

Un potentiel énorme émoussé par une fin bancale

On comprend que Richard Kelly, réalisateur de Donnie Darko, ait envisagé de s’attaquer à cette histoire, mais l’on se félicite que Proyas ait pris le relais, tant sa direction artistique, sa direction d’acteur et sa construction dramatique se mettent au diapason du sujet. D’autant que notre homme, malin, est parvenu à boucler son tournage en trois mois seulement (deux fois moins qu’I, Robot) grâce aux progrès de la technologie numérique (ce fut le premier long-métrage tourné avec la fameuse caméra Red One). Prédictions aurait pu être un chef d’œuvre. Il en avait l’étoffe. Hélas, au cours du dernier quart d’heure, Alex Proyas montre trop explicitement des choses qu’il aurait dû se contenter de suggérer, évacuant une bonne partie de la crédibilité de son intrigue et forçant exagérément un trait qu’on aurait aimé plus subtil. Tous disposés à nous laisser transporter, nous sommes quelque peu freinés par cette imagerie d’Epinal naïve et maladroite qui clôt le film sur une note un peu bancale. Dommage.

 

© Gilles Penso

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JUDGE DREDD (1995)

Une adaptation qui fit grincer les dents de tous les amateurs du comic book original, mais qui aurait tendance à se bonifier un peu en vieillissant

JUDGE DREDD

1995 – USA

Réalisé par Danny Cannon

Avec Sylvester Stallone, Armand Assante, Jürgen Prochnow, Diane Lane, Rob Schneider 

THEMA SUPER-HEROS I FUTUR

Si depuis leur création à la fin des années 30 les super-héros et les super-vilains se sont sagement positionnés dans les camps bien définis des bons et des méchants, le manichéisme des comic books s’est progressivement étiolé au cours des années 70. On a coutume de dire que ce bouleversement des valeurs est rattaché à la guerre du Vietnam et au scandale du Watergate, semant définitivement le doute sur les certitudes ancrées jusqu’alors dans l’inconscient collectif américain. Cette période correspond ainsi à l’avènement de héros aux méthodes discutables, à la violence exacerbée et aux idéaux frôlant dangereusement le fascisme. Trois ans après Frank Castle, le fameux Punisher de Marvel, naissait ainsi Judge Dredd dans le magazine « Science Fiction 2000 A.D. » Une adaptation au cinéma était inévitable, mais elle tarda à se concrétiser et entre temps plusieurs films de science-fiction s’inspirèrent largement du juge/policier/bourreau expéditif créé par John Wagner et Carlos Ezquerra, notamment Robocop et Demolition Man. Lorsqu’un Judge Dredd cinématographique pointa enfin le bout de son nez, l’originalité ne fut donc pas la qualité principale qui frappa les spectateurs.

Sur une splendide partition d’Alan Silvestri, le générique de début s’efforce pourtant de remettre les pendules à l’heure, affichant les couvertures du comics original pour légitimer un retour aux sources. Les premières images de la mégalopole du futur nous coupent le souffle, et force est de constater que les effets spéciaux, les décors et la direction artistique du film sont de toute beauté. Lorsque Dredd apparaît pour la première fois afin de défaire une émeute, la mise en scène de Danny Cannon joue la carte de l’iconisation, et le film semble partir sous les meilleurs auspices. Mais on sent déjà que le grand public est visé (budget pharaonique oblige) et que l’édulcoration guette. Un premier indice nous est donné lorsque le caractère impartial du personnage est tourné en dérision. Quand sa collègue lui suggère d’éprouver de temps en temps des émotions, il rétorque ainsi : « des émotions ? Ce devrait être interdit par la loi. »

Sacrilège : Dredd retire son casque !

Au bout d’un quart d’heure, le sacrilège ultime nous frappe alors de plein fouet : Dredd retire son casque ! C’était à prévoir. Le studio Disney (sous le label Hollywood Pictures) ne pouvait pas masquer pendant une heure et demie le visage de sa superstar, et malgré tout le bien que nous pensons de Stallone, l’embaucher pour jouer Dredd était de toute évidence une fausse bonne idée. Dès lors, le film alterne le meilleur et le pire. Le méchant psychopathe incarné par Armand Assante, le terrifiant robot animatronique réactivé après des décennies de sommeil, la secte religieuse cannibale ou l’éveil des clones de Dredd font partie des moments mémorables – et très réussis – de Judge Dredd. Mais parallèlement, il faut subir les pitreries d’un faire-valoir comique inutile (Rob Schneider), les prémisses d’une love story hors sujet et quelques scènes d’action poussives (la poursuite des motos volantes). Le bilan est donc mitigé, mais le film ne méritait pas la cabale dont il fut victime au moment de sa sortie. Il aurait même tendance à se bonifier en vieillissant.

 

© Gilles Penso

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MAGGIE (2015)

Arnold Schwarzenegger campe le père d'une adolescente infectée par un virus qui s'apprête à la muer en zombie

MAGGIE

2015 – USA

Réalisé par Henry Hobson

Avec Arnold Schwarzenegger, Abigail Breslin, Joely Richardson, Mattie Liptak, Laura Cayouette 

THEMA ZOMBIES

Dans une Amérique post-apocalyptique, un terrible virus infecte et tue la population. Les malades se retrouvent mis en quarantaine, dans l’attente d’une transformation (et d’un décès) atroce. Wade (Arnold Schwarzenegger dans un rôle prévu au départ pour Paddy Considine) apprend que sa fille adolescente, Maggie (Abigail Breslin qui remplace au pied levé Chloë Grace Moretz), est contaminée. Il décide de s’isoler à la campagne avec elle pour accompagner dignement ses derniers jours… Disons-le sans ambages, cette chronique d’une mort annoncée est un ratage quasi-total. L’intention était pourtant très louable et même excitante sur le papier : la première véritable composition dramatique de Schwarzenegger (si l’on excepte son personnage alcoolique de La Fin des temps de Peter Hyams). A 68 ans bientôt, le chêne autrichien affiche une belle stature d’homme qui a vécu. La barbe fournie, les yeux fatigués, l’allure de monsieur-tout-le-monde, l’acteur se veut anti-iconique au possible. Malheureusement, il ne suffit pas d’adopter une mine déconfite ou d’écraser une larme pour émouvoir. Les limites de jeu du Governator sont ici palpables, mais il n’est pas seul en cause, loin de là.

Le souci majeur réside dans la mise en scène appliquée d’Henry Hobson, auparavant responsable de l’incrustation des titres dans les génériques des Sherlock Holmes de Guy Ritchie ou du jeu vidéo The Last of Us (dont l’influence se fait ici sentir). Le novice confond émotion et afféterie, récitant avec redondance le manuel du petit film indépendant illustré, avec force jump-cuts, décadrages et autres caméras portées et tremblotantes. L’univers visuel est à l’avenant, pillant sans personnalité aucune La Route ou The Walking Dead. Les protagonistes sont taillés à la serpe et mal dégrossis, ne parvenant pas à exister (la belle-mère incarnée par Joely Richardson est celle qui souffre le plus de cette non-caractérisation), et certaines sous-intrigues ne servent carrément à rien (le sort tragique de la famille de voisins).

Le manuel du petit film indépendant illustré

La seule à tirer son épingle du jeu demeure la toujours juste Abigail Breslin (on la préférera dans le très bon Haunter de Vincenzo Natali), qui arrive au détour de certaines scènes à toucher au cœur, notamment lors de son rendez-vous amoureux avec un autre infecté. Sa complicité avec son père n’est tristement effleurée que deux fois, un sourire échangé suffisant à insuffler un peu de vie à l’ensemble. L’atmosphère neurasthénique confine à l’ennui total, et l’issue fatale étant certaine dès le départ, le suspense est inexistant. Sur un sujet similaire, mieux vaut revoir le traumatisant Moi, zombie, chronique de la douleur de l’anglais Andrew Parkinson, autrement plus fort et abouti. Le pauvre Arnold manque donc encore une fois son retour en grâce malgré ses efforts d’humilité, et ne sera jamais meilleur que lorsqu’il est bien dirigé – McTiernan, Cameron ou Verhoeven auront tiré ses meilleures performances.

 

 © Julien Cassarino

ZOMBIE HONEYMOON (2004)

Danny et Denise sont fous amoureux, mais leur couple survivra-t-il à la transformation de l'un d'eux en zombie anthropophage ?

ZOMBIE HONEYMOON

2004 – USA

Réalisé par David Gebroe

Avec Tracy Coogan, Graham Sibley, Tonya Cornelisse, David M. Wallace, Neal Jones, Maria Bermudez, Phil Catalano

THEMA ZOMBIES

Une histoire d’amour avec un zombie ? Pourquoi pas ? Tel est en tout cas le postulat de Zombie Honeymoon, dont le titre prête à sourire mais dont le propos s’articule avec une gravité qui fait parfois froid dans le dos. Le film s’amorce pourtant sur un ton léger. Éperdument amoureux, Danny et Denise sont incarnés par deux jeunes comédiens pleins de fraicheur, accompagnés par une caméra portée qui les suit pas à pas pendant leur voyage de noces. Puis vient ce moment étrange où un homme surgit lentement de l’eau, alors que notre couple se détend sur la plage. Hagard, blafard et ensanglanté, l’inconnu arpente le sable en se dirigeant pesamment vers Danny, qui sommeille paresseusement, puis se jette sur lui et laisse couler le sang de sa bouche vers son visage. Cliniquement mort, le jeune marié se réveille pourtant dix minutes après son arrêt cardiaque. Cette expérience traumatisante pousse Denise et Danny à concrétiser aussitôt les projets qu’ils prévoyaient pour le long terme. Ils démissionnent, vendent leur appartement et envisagent de s’installer au Portugal. Evidemment, lorsqu’elle constate que Danny a des accès de cannibalisme soudains, Denise déchante ! Au moment où les pulsions le prennent, son amoureux se jette en effet sur les gens qui passent à sa portée et les dévore sans préavis.

On retrouve là plusieurs thématiques du Mort-Vivant de Bob Clark, si ce n’est qu’ici la comédie romantique se substitue au drame sur la guerre. Le sida semble avoir remplacé le traumatisme des combattants, même si le zombie reste le symbole idéal de l’exclusion. Le motif du mort-vivant assoiffé de sang humain et protégé par sa bien-aimée évoque aussi La Morte-Vivante de Jean Rollin. Plus le film avance, plus le malheureux Danny se décompose, et plus son avidité s’avère incontrôlable. Plusieurs scènes mémorables ponctuent le métrage, comme la lecture des lignes de la main (qui s’accompagne de la vision furtive d’un cadavre décomposé) ou le dîner aux chandelles au cours duquel Denise est quasiment prête à s’offrir aux mâchoires de son époux. Quelques gags référentiels s’immiscent aussi dans le récit, à l’image de ce vendeur de vidéoclub qui porte un t-shirt L’Enfer des Zombies et de son client mécontent qui vient lui rendre la cassette d’un mauvais film (signé David Gebroe, qui est justement le réalisateur de Zombie Honeymoon !).

Une parabole du deuil et de son acceptation

Tourné entièrement au New Jersey, le film souffre parfois de son absence de moyens et du semi-amateurisme de son équipe. C’est ce qui explique sans doute le manque de réalisme des maquillages spéciaux et le jeu parfois approximatif de Tracy Coogan, interprète de Denise (laquelle ne s’offusque que mollement lorsqu’elle voit Danny dévorer ses semblables). Mais la sincérité manifeste de Gebroe emporte l’adhésion, le jeune cinéaste appuyant une partie de son récit sur une véritable expérience de drame familial (le film est dédié à son défunt beau-frère). Sous ses oripeaux de film d’horreur, Zombie Honeymoon peut donc s’appréhender comme une parabole de la perte d’un être cher et de la difficulté d’en faire son deuil. En ce sens, la démarche est plus réussie que celle des Revenants de Robin Campillo qui brassait les mêmes thèmes.

 

© Gilles Penso

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GHOST RIDER : L’ESPRIT DE VENGEANCE (2012)

Pouvait-on faire pire que le premier
Ghostrider de Mark Steven Johnson ? Apparemment oui, preuve que Nicolas Cage n'a peur de rien !

GHOST RIDER : SPIRIT OF VENGEANCE

2012 – USA

Réalisé par Mark Neveldine et Brian Taylor

Avec Nicolas Cage, Ciaran Hinds, Violante Placido, Idris Elba, Christophe Lambert, Johnny Whitworth 

THEMA SUPER-HEROS I DIABLE ET DEMONS I SAGA MARVEL

Mais qu’est-ce qui a bien pu passer par la tête des dirigeants de Marvel lorsqu’ils ont donné le feu vert à ce second Ghost Rider ? Le film précédent était pourtant une catastrophe de grande ampleur, probablement le pire film de super-héros jamais réalisé, à côté duquel même les Captain America des années 70 mériteraient d’être revus à la hausse. Des lancements ratés de franchise, comme le Hulk de Ang Lee ou le Punisher de Jonathan Heinsleigh, ont été rebootés pour bien moins que ça. L’existence de ce Ghost Rider : l’Esprit de Vengeance est donc déjà en soi une sorte d’aberration contre-nature. Mais c’est lorsqu’on contemple le spectacle qu’on peut constater pleinement l’étendue des dégâts, avec en filigrane une interrogation lancinante : ne serait-il pas temps que Nicolas Cage change d’agent ? Comment un comédien aussi talentueux peut-il tomber aussi bas ? Pourquoi l’homme qui nous époustoufla dans Leaving Las Vegas, Sailor et Lula et Volte/Face continue-t-il à faire le pitre sur sa moto enflammée alors qu’il pourrait irradier tant d’autres films de sa présence magnétique ? Mystère. 

Séquelle tardive de la purge signée Mark Steven Johnson, Ghost Rider : l’Esprit de Vengeance se situe logiquement huit ans après les événements précédemment narrés. Johnny Blaze vit désormais isolé au fin fond de la Roumanie, avec le fol espoir de se débarrasser de la malédiction qui le mue en cavalier fantôme au crâne incandescent. Or un jour, l’énigmatique Moreau (Idris Belda affublé d’étranges lentilles de contact) lui demande instamment de sauver un enfant, Danny, capturé par le maléfique Roarke. Ce dernier serait un démon dont les plans viseraient à ressusciter Satan en personne. Il y a donc péril en la demeure, et notre Ghost Rider accepte de reprendre du service. 

Un super-héros qui urine des flammes

Bien vite, on comprend que le personnage d’Idris Belda ne sert à rien d’autre qu’à expliquer au héros – et aux spectateurs – tous les tenants et les aboutissants d’un scénario qui, du reste, n’intéresse personne. Pourquoi le Diable veut-il récupérer Danny ? En quoi le sacrifice qu’il prépare consiste-t-il ? A quoi correspond la fameuse prophétie et comment la contrer ? Ne cherchez pas, Idris sait tout et débite de longues tranches de dialogues explicatifs pour nous tenir régulièrement au courant des événements. Entre deux scènes inutiles (une course de motos pour amuser Danny) ou grotesques (la vision du Ghost Rider qui urine des flammes !), le film avance donc pesamment, accompagné pas à pas par une bande originale mi-rock mi-orchestrale aussi subtile qu’un marteau piqueur. Les amateurs de nanars seront tout de même récompensés par l’intervention inespérée de Christophe Lambert en personne, le visage couvert de tatouages, dans le rôle improbable du chef d’une secte religieuse réfugiée dans le désert. Avec ses séquences de combat absurdes, ses effets spéciaux qui n’hésitent pas à en faire des tonnes et ses rebondissements aberrants, Ghost Rider 2 tient finalement du prodige, dans la mesure où il parvient à faire pire que son prédécesseur. Vivement le troisième opus, tiens !

 

© Gilles Penso

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STREET TRASH (1987)

À 22 ans, Jim Muro réalise un film bête et méchant qui rivalise en débordements gore avec les premiers longs-métrages de Peter Jackson

STREET TRASH

1987 – USA

Réalisé par Jim Muro

Avec Mike Lackey, Bill Chepil, Marc Sferazza, Jane Arakawa, Nicole Potter, Pat Ryan

THEMA MUTATIONS 

Dans les bas-fonds de Manhattan où vivent des épaves humaines, des sans abris réfugiés dans une casse de voitures et des laissés pour compte, deux adolescents à la dérive, Fred et Kevin, tentent de survivre malgré l’animosité que leurs vouent leurs antipathiques voisins de rue. Un jour, l’épicier du coin découvre dans sa cave une caisse remplie d’une boisson inconnue. Il se met à vendre ces bouteilles à très bas prix, rameutant rapidement toute la faune locale. Mais cet alcool a des effets désastreux. Ceux qui en boivent meurent en effet dans d’épouvantables souffrances, transformés en flaques de bouillie jaunâtre… Dans le domaine du mauvais goût outrageux, Jim Muro, à peine âgé de 22 ans pendant le tournage, réussit à battre le Peter Jackson de Bad Taste sur son propre terrain. Viol collectif, nécrophilie, émasculation, scatologie et gore excessif sont au programme de Street Trash qui joue la carte de la surenchère sans le moindre garde fou. Le summum du délire est atteint lorsque les clochards absorbent l’alcool toxique : les corps gonflent, explosent, fondent, se décomposent, se liquéfient, dans un festival d’éclaboussures sans retenue. 

L’auteur de ces effets spéciaux bien dégoulinants est Jennifer Aspinall, qui avait eu l’insigne honneur de donner naissance au Toxic Avenger quelques années plus tôt. Jim Muro désamorce cette accumulation de sang, de vomi, d’urine, de chair putréfiée et de cadavres disloqués par un ton burlesque systématique qui donne souvent à Street Trash les allures d’un Tex Avery version hard. L’épilogue, qui se déroule pendant le générique de fin, semble carrément échappé d’un film des ZAZ. Parmi les délires gras du film, on note aussi la bouteille de gaz qui est propulsée dans les airs et décapite salement un colosse barbu dont la tête va s’échouer quelques mètres plus loin. Et puis une mention toute spéciale à la partie de volley entre clochards dans laquelle la balle est remplacée par un pénis fraîchement arraché ! 

Une certaine misanthropie désemparée

Pour éviter les foudres de la censure, Muro procède de la même manière que Sam Raimi pendant le tournage d’Evil Dead 2, c’est-à-dire en évitant les giclées de sang écarlate. Si des fluides innombrables inondent l’écran tout au long de Street Trash, ils sont volontiers multicolores, muant du coup tout effet sanglant en abstraction pure. Bizarrement, au beau milieu de ce délire bien gras semblent émerger un désenchantement et un désespoir qui mueraient presque ce « splatter » en film d’auteur. Cet enchaînement de violences et de bassesses va même jusqu’à évoquer – toutes proportions gardées – certaines des toutes premières œuvres d’Abel Ferrara et Martin Scorsese. Un peu comme si Jim Muro s’était servi du véhicule « film d’horreur » pour traduire une sorte de misanthropie désemparée. Toujours est-il que Street Trash sera son unique film, notre homme se tournant par la suite vers de plus sages activités, c’est-à-dire le maniement virtuose d’une steadicam dans bon nombre de films d’action, notamment pour James Cameron (Terminator 2Titanic), Martin Scorsese (Casino) et Katherine Bigelow (Strange Days). Pour l’anecdote, Bryan Singer, futur réalisateur d’Usual Suspects et X-Men, fit ses débuts sur Street Trash en tant qu’assistant.

 

© Gilles Penso

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A LA POURSUITE DE DEMAIN (2015)

Brad Bird, réalisateur de quelques-uns des films d'animation les plus marquants des années 90/2000, s'attaque à un ambitieux récit de science-fiction live

TOMORROWLAND

2015 – USA

Réalisé par Brad Bird

Avec Brittany Robertson, George Clooney, Raffey Cassidy, Hugh Laurie, Judy Greer, Kathryn Hahn, Thomas Robinson

THEMA FUTUR

Peu de cinéastes peuvent se targuer d’avoir amorcé leur carrière par un parcours sans faute. Brad Bird est de cette trempe. Après ses premières armes sur les séries Histoires fantastiques et les Simpsons, Bird a réalisé l’un des plus beaux films d’animation de tous les temps (Le Géant de fer), deux chefs d’œuvres pour les studios Pixar (Les Indestructibles et Ratatouille) et l’un des meilleurs – le meilleur ? – opus de la saga Mission Impossible : Protocole Fantôme. Hélas, avec A la poursuite de demain, le niveau baisse drastiquement, la quasi-perfection cède le pas à l’approximation, la grâce fait place à la confusion. Entendons-nous bien : A la poursuite de demain est loin d’être un échec artistique, mais son ambition démesurée et sa quête désespérée d’originalité jouent paradoxalement en sa défaveur. Le célèbre adage d’Alfred Hitchcock « mieux vaut partir du cliché qu’y arriver » s’applique malheureusement au scénario co-écrit par Bird, Jen Jensen et Damon Lindelof.

Certes, le film sait titiller notre intérêt dès son entame. Deux parcours parallèles s’offrent à nous simultanément. D’un côté, nous faisons connaissance dans les années 50 avec le tout jeune Frank Walker (Thomas Robinson), inventeur en herbe venu présenter son projet de jet-pack à un jury dirigé par l’austère David Nix (Hugh Laurie), et pénétrant soudain dans un univers parallèle futuriste hérissé de buildings vitrés, empli de robots multifonctions et traversé par toutes sortes de vaisseaux volants. De l’autre, nous suivons les pas d’une adolescente du 21ème siècle, Casey Newton (Brittany Robertson), qui se retrouve en possession d’un pin’s aux pouvoirs surprenants : dès qu’elle le touche, elle a des visions du même monde futuriste que celui découvert par Frank soixante ans plus tôt. Tandis que le mystère s’épaissit, une seule personne semble pouvoir apporter des réponses : Athena (Raffey Cassidy), une fillette qui n’a pas pris une ride depuis les années 50 et qui s’apprête à organiser une rencontre entre Casey et Frank devenu adulte (George Clooney)… Visiblement, A la poursuite de demain ne sait pas trop sur quel pied danser, cherchant à séduire autant le jeune public que les amateurs de science-fiction pure et dure sans trop parvenir à se décider.

Un fil narratif sans doute trop distendu

En cherchant à complexifier coûte que coûte sa narration – de peur que le nœud de l’intrigue ne paraisse finalement trop simpliste ? – le film se cherche en permanence, alternant les morceaux de bravoure (la séquence de la découverte du pin’s est extraordinaire) et les séquences frisant le ridicule (le voyage à Paris). Bien sûr, Brad Bird n’a rien perdu de sa virtuosité et sait nous époustoufler par sa mise en scène inspirée, soutenu par l’orchestre emphatique du fidèle Michael Giacchino, tout en dirigeant avec beaucoup de finesse un casting impeccable (George Clooney est parfait, tout comme les deux jeunes comédiennes qui lui donnent la réplique). Mais le fil narratif est décidément trop distendu pour captiver, d’autant que la tendance du film à abuser d’auto-citations de l’univers Disney (le prologue situé à Disneyland, les allusions aux animatroniques du parc, les références pataudes à Star Wars) et de placements produits (ah, la scène du Coca Cola !) finit par agacer. 

 

© Gilles Penso

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