DESTINATION FINALE 3 (2006)

C’est dans « Le Manège du Diable », redoutable Grand Huit d’un parc d’attractions, que démarre le troisième opus de cette mortelle saga

FINAL DESTINATION 3

 

ANNEE – USA

 

Réalisé par James Wong

 

Avec Mary Elizabeth Winstead, Ryan Merriman, Kris Lemche, Alexz Johnson, Sam Esaton, Jesse Moss, Gina Holden, Texas Battle

 

THEMA MORT I CATASTROPHES I SAGA DESTINATION FINALE

Destination finale 2 avait prouvé la possibilité d’une franchise à partir du concept fou imaginé par Glen Morgan et James Wong. Voici donc surgir un troisième épisode dans lequel les duettistes, ex-auteurs de la série X-Files, se réunissent pour tenter de faire perdurer les exploits de la Grande Faucheuse. La première difficulté consistait à trouver une catastrophe initiale transcendant celle des deux premiers opus. Après le crash aérien et le carambolage, vers quoi allaient-ils se diriger ? Le naufrage d’un ferry-boat ? L’accident d’un TGV ? L’écroulement d’un building ? Férus d’innovations, Morgan et Wong décident de situer leur séquence d’ouverture dans un parc d’attractions. L’idée est séduisante. Mais son développement a bien des difficultés à réitérer l’effet de surprise suscité par les deux films précédents. Car une fois en terrain connu, malgré les exploits pyrotechniques et les trucages numériques, le spectateur ne peut se contenter d’une simple resucée des recettes ayant fait leurs preuves.

Le prologue nous familiarise avec Wendy Christensen (Mary-Elizabeth Winstead), une lycéenne sur le point de passer son bac, comme tous ses camarades venus fêter ça lors d’une virée dans le redoutable « Manège du Diable », un Grand Huit particulièrement vertigineux. Mais avant que l’attraction ne démarre, Wendy a la vision d’un terrible accident au cours duquel tout le monde meurt de manière atroce à cause d’une fuite hydraulique dans un des rails. Expulsée du manège avec plusieurs de ses amis suite à sa crise de panique, elle assiste médusée à la catastrophe qu’elle avait prévue. Est-il nécessaire de résumer la suite ? Car dès lors, tous ceux qui ont échappé à la mort sont inexorablement rattrapés par elle, et Wendy s’efforce de contrecarrer ses funestes plans avec l’aide de son ami Kevin (Ryan Merriman). Désabusée, elle déclare pendant un enterrement : « le meilleur lieu pour se convaincre qu’il n’y a rien après la mort, c’est un cimetière ».

Chocs immédiats et sursauts faciles

D’emblée, l’accident de manège nous laisse comprendre que cette fois-ci, on ne se laissera guère prendre au jeu. Car le spectaculaire y est privilégié aux dépens du suspense, la dynamique de jeu vidéo l’emporte sur la dramaturgie, bref on est impressionné mais l’on ne ressent rien. Et ce sentiment perdure au cours de toutes les séquences ultérieures, censées faire frémir le public lorsque la mort rôde sur les jeunes protagonistes. Qu’il s’agisse des deux bimbos brûlées vives dans leurs cabines de bronzage, de l’improbable accident de camion qui perfore le crâne d’un automobiliste, de la tête tranchée dans un club de sport, de la réaction en chaîne dans un magasin de bricolage ou du climax sur fond de feux d’artifices, les jeux sur l’attente, l’inquiétude et la tension cèdent trop souvent le pas à l’effet choc immédiat et à la quête du sursaut facile. Le scénario s’efforce bien d’ajouter un élément additionnel aux mécaniques déjà bien huilées, à travers les photos prises par Wendy qui comportent des indices sur la mort future de ceux qui y figurent. Mais cette idée est exploitée avec de gros sabots, d’autant que son originalité est toute relative dans la mesure où elle provient directement de La Malédiction.

 

© Gilles Penso

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MULAN (2020)

La version « live » du célèbre dessin animé produit par les studios Disney prend la forme d’une superproduction à grand spectacle

MULAN

 

2020 – USA

 

Réalisé par Niki Caro

 

Avec Liu Yifei, Yoson An, Gong Li, Donnie Yen, Jason Scott Lee, Jimmy Wong, Doua Moua, Utkarsh Ambudkar, Chum Ehelepola, Jet Li

 

THEMA SORCELLERIE ET MAGIE

L’adaptation « live » de l’excellent long-métrage d’animation de Tony Bancroft et Barry Cook s’est concrétisée dans des circonstances compliquées, liées à une situation socio-politique en pleine tourmente. Les relations tumultueuse qu’entretient la Chine avec le monde occidental se sont logiquement envenimées avec la levée du voile sur l’internement forcé de la minorité musulmane Ouïgoure dans la province du Xinjiang, province qui aurait apporté son aide à la production de ce nouveau Mulan. Autant dire que les levées de bouclier n’ont pas tardé, certains allant jusqu’à taxer les studios Disney de complicité de crime contre l’humanité. D’autre part, la distribution du film – qui aurait pu requinquer les salles de cinéma sérieusement mises à mal par la crise du Covid 19 – a été annulée un peu partout au profit d’une diffusion sur la plateforme Disney +, la maison de Mickey préférant assurer ses arrières financièrement plutôt que subir la défaite au box-office d’une superproduction chiffrée à 200 millions de dollars. La colère des exploitants et des spectateurs a provoqué une nouvelle polémique autour du film. Le fait que la pandémie mondiale trouve ses origines en Chine ne fait bien sûr que compliquer les choses. Même s’il est difficile de séparer l’œuvre de son contexte, il nous faut tout de même tenter d’analyser Mulan sous un angle purement cinématographique.

L’idée d’un Mulan en prises de vues réelles date de 2010, époque à laquelle Disney envisage de confier le premier rôle à Zhang Ziyi (Tigre et Dragon) et la mise en scène à Chuck Russell (The Mask). Sans cesse repoussé, le projet patine jusqu’à prendre corps une décennie plus tard. Ang Lee est contacté pour la mise en scène, mais son planning l’empêche d’accepter, et c’est finalement la réalisatrice néo-zélandaise Niki Caro qui hérite du bébé. Au casting, on retrouve du beau monde comme l’impressionnant Jason Scott Lee (Bruce Lee dans le Dragon de Rob Cohen) en chef des barbares, la sublime Gong Li (qui servit d’ailleurs de modèle pour l’héroïne du Mulan de 1998) en sorcière métamorphe ou l’incontournable Jet Li en empereur de Chine. Pour le rôle de Mulan, on sollicite en revanche un visage moins connu. Si ce n’est pas une débutante (elle croisait déjà la route de Jet Li mais aussi de Jackie Chan dans Le Royaume interdit), Yifei Liu n’a été sélectionnée qu’après l’audition d’un millier de candidates. Il faut dire que le cahier des charges nécessité par le rôle s’avérait conséquent : le physique de l’emploi bien sûr, mais aussi la pratique des arts martiaux, le maniement des armes, l’expérience de l’équitation et une maîtrise totale de la langue anglaise. La jeune comédienne coche allègrement toutes les cases, allant jusqu’à exécuter elle-même la grande majorité des cascades du film. Dans une Chine impériale reconstituée en grande partie en Nouvelle-Zélande, le récit de Mulan reprend fidèlement celui de son modèle dessiné, la jeune fille partant gonfler les rangs de l’armée en se faisant passer pour un garçon afin d’éviter à son père de risquer sa vie sur le front. Les analogies avec le Yentl de Barbra Streisand sont toujours présentes (avec cette idée similaire d’une société ayant relégué chaque sexe à une fonction spécifique, obligeant les femmes à se travestir en homme pour accéder à un rôle qui leur est interdit) et une grande partie des séquences épiques du premier film sont revisitées, notamment la titanesque avalanche ou le climax vertigineux.

Le côté obscur du Ch’i

Pour autant, ce Mulan n’est pas une copie carbone de son modèle, s’éloignant de fait de la démarche vaine de La Belle et la Bête de Bill Condon ou du Aladdin de Guy Ritchie. Le film possède son propre style, sa propre personnalité, évacuant les parties chantées (l’action ne s’interrompt plus pour laisser les personnages faire des vocalises) et les animaux parlants. Si le dragon Mushu et le criquet porte-bonheur ont disparu, le caractère fantastique du récit se renforce pourtant à travers cette sorcière capable d’imiter les traits de ses semblables ou de se muer en volatile, ces guerriers défiant les lois de la gravité ou ce Phoenix mythologique qui traverse régulièrement les cieux pour guider notre héroïne. Quant à Mulan, elle possède le Ch’i, un don qui la dote d’une force, d’une agilité et d’une rapidité quasi-surnaturelles. Ces capacités hors-normes la muent quasiment en chevalier Jedi (le principe du Ch’i ayant inspiré à George Lucas celui de la Force, la boucle est bouclée). Le scénario lui offre même la tentation de « suivre le côté obscur », le temps d’une séquence qu’il est difficile d’appréhender autrement que comme un clin d’œil à Star Wars. Visuellement, le film est splendide (décors, costumes et photographie rivalisent de beauté) et la musique de Harry Gregson-Williams parvient habilement à se soustraire à l’influence de Jerry Goldsmith tout en rendant plusieurs hommages discrets à la bande originale du film original. Le bilan de ce Mulan « live » est donc globalement positif. Car si les séquences de comédie (l’enfance malicieuse de Mulan, la scène de la marieuse) s’avèrent pataudes et si certains raccourcis scénaristiques cèdent à la facilité, Niki Caro fait des merveilles lorsqu’elle se laisse porter par le souffle de l’aventure.

 

© Gilles Penso

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DESTINATION FINALE 2 (2003)

Trois ans après le premier Destination Finale, les méfaits de madame la Mort se poursuivent suite à un monstrueux carambolage automobile…

FINAL DESTINATION 2

 

2003 – USA

 

Réalisé par David R. Ellis

 

Avec A.J. Cook, Ali Larter, Michael Landes, Tony Todd, Terrence Carson, Jonathan Cherry, Keegan Connor Tracy, Lynda Boyd

 

THEMA MORT I CATASTROPHES I SAGA DESTINATION FINALE

Comment faire plus fort que Destination Finale ? En augmentant d’un cran l’horreur et le spectaculaire. Tel fut sans doute le raisonnement de J. Mackye Gruber et Eric Bress, scénaristes de cette séquelle qui se déroule un an après le film original et repose sur le même principe. Si ce n’est qu’ici, la catastrophe aérienne est remplacée par un carambolage, probablement le plus impressionnant et le plus gore jamais vu au cinéma. Autant dire que l’entrée en matière, sur des chapeaux de roue, cloue le public sur son siège et le couvre de sueurs froides. Ce monstrueux accident est évité de justesse par Kimberly (A.J. Cook), qui l’avait prévu quelques minutes auparavant. Elle et une poignée de survivants vont donc être harcelés par madame la Mort, fâchée de voir ses plans contrariés.

Et c’est reparti pour une série de trépas horribles, fonctionnant une fois de plus sur le principe de la réaction en chaîne, et générant de très efficaces moments de suspense. D’autant qu’ici, nul excès n’est réfréné, que ce soit dans le domaine du gore pur et dur ou dans la quête d’une certaine forme d’absurdité. Témoins cette victime aplatie comme une crêpe sous un énorme poids, ou cette autre coupée en tranches qui tombent les unes après les autres. Par moments, on se croirait dans un Tex Avery ou un épisode de « Tom et Jerry » ! L’originalité des situations et le perpétuel jeu sur les nerfs des spectateurs (ah, la scène chez le dentiste !) parviennent miraculeusement à éviter toute redite avec le premier Destination Finale.

Peut-on lutter contre l’inéluctable ?

Là où le bât blesse, c’est dans cette volonté de surcharger le récit d’explications, comme si le concept n’était pas assez fort pour se passer de légendes. A ce titre, les interventions des deux seuls acteurs communs avec le film précédent, Tony Todd en employé de morgue extralucide et Ali Larter en survivante du crash aérien, semblent superflues. Pour l’anecdote, le personnage incarné par Devon Sawa dans le premier Destination Finale était également prévu dans le scénario de cette séquelle, mais suite à désaccord de l’acteur avec la production, le film nous apprend qu’il est mort assommé par une brique ! La surcharge explicative dont s’embarrasse le scénario inclut de longues dissertations sur le mode de fonctionnement de la Mort, qui agit selon un ordre précis, en respectant des règles rigoureuses, et qu’on peut déjouer en lui opposant une nouvelle vie… Sans parler de cette idée, intéressante mais pas vraiment exploitée, qui veut que toutes les victimes potentielles s’avèrent avoir été en contact par le passé avec celles du crash aérien survenu l’année précédente. Tout ce surplus narratif est un peu vain, mais il n’entache en rien l’impact de cet éprouvant train fantôme, véritable catalogue des morts les plus stupides et les plus affreuses qu’on puisse imaginer.

 

© Gilles Penso

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L’HYBRIDE INFERNAL (1986)

Une créature extra-terrestre agresse des jeunes new-yorkaises pour les transformer en mères porteuses involontaires…

BREEDERS

 

1986 – USA

 

Réalisé par Tim Kincaid

 

Avec Teresa Farley, Lance Lewman, Frances Raines, Natalie O’Connell, Amy Brentano, LeeAnne Baker, Matt Mitler, Adriane Lee

 

THEMA EXTRA-TERRESTRES I SAGA CHARLES BAND

Avec un planning de vingt jours à sa disposition et un budget étriqué, Tim Kincaid fut chargé de tourner simultanément deux films de science-fiction : Robot Killer (alias Mutant Hunt) et L’Hybride Infernal (autrement dit Breeders). Comme on pouvait s’y attendre, ces deux œuvres n’ont rien pour passer à la postérité et fleurent bon le nanar. L’Hybride Infernal se situe au cœur de New York. Plusieurs femmes sont violées par une créature mystérieuse mais aucune description de l’agresseur ne concorde, comme s’il était capable de se métamorphoser. Toutes les victimes, qui étaient vierges, sont désormais défigurées. Un lieutenant de police dénué du moindre charisme mène l’enquête.

Bientôt, les cicatrices des victimes disparaissent, et de la poussière rouge est découverte dans leur sang. Après analyse, il s’avère qu’elle provient des briques ayant servi aux fondations de Manhattan. « Nous avons affaire à un mystère provenant des tréfonds de la ville » déclame alors un scientifique avec un sérieux papal. Bientôt mues par une énergie collective, les victimes quittent toutes leur lit d’hôpital, nues comme des vers, et s’enfuient sous la ville, dans le même décor de métro que celui qui servit à C.H.U.D. Nos nudistes convalescentes se retrouvent dans une espèce de coquille d’huître géante et s’y baignent ensemble, poussant des gémissements, s’enduisant de liquide blanchâtre poisseux et lançant des regards torves à la caméra . De ce « nid » émane une force extra-terrestre en quête d’hôtes féminines vierges pour conquérir la terre. « Cette planète doit assurer la continuité à une noble race » dit avec emphase le scientifique féru de belles phrases, lequel est désormais acquis à la cause de l’envahisseur.

Érotisme de bas étage et gore mal fichu

Pour tenter de camoufler son scénario absurde, ses acteurs narcoleptiques et ses dialogues aberrants, Kincaid joue la carte de l’érotisme de bas étage et du gore mal fichu. Ainsi, lorsque la caméra ne s’attarde pas sur l’anatomie d’une infirmière en train de prendre sa douche ou sur les déambulations d’un mannequin qui se dénude sans raison puis se déhanche pendant cinq minutes au son d’une musique des années 80 (exhibant des marques de bronzage peu gracieuses), elle filme sans conviction les maquillages spéciaux d’un Ed French qu’on a connu plus inspiré. Un ventre (en plastique, avec des prothèses bien visibles) se déchire et exsude du faux sang, une clocharde se transforme en monstre hideux (son visage n’est plus qu’une boursouflure de latex traversée par une mâchoire carnassière verticale, avec un œil unique qui s’agite), un visage enfle et explose, un alien gluant en caoutchouc tente de nous faire peur, bref c’est du grand n’importe quoi. Le climax, quant à lui, vaut son pesant d’or. Dans le souterrain désaffecté, le héros trouve comme par miracle un bidon d’essence avec lequel il asperge le méchant extra-terrestre (un homme dans un costume de caoutchouc digne de Bioman) avant d’y jeter une allumette, puis découvre un câble électrique (très pratique lui aussi) qu’il utilise pour électrocuter toutes les femmes contaminées. The end.

 

© Gilles Penso

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LA PERSONNE AUX DEUX PERSONNES (2008)

Un chanteur à succès des années 80 meurt mais son esprit survit et vient se loger dans la tête d’un modeste comptable…

LA PERSONNE AUX DEUX PERSONNES

 

2008 – FRANCE

 

Réalisé par Nicolas Charlet et Bruno Lavaine

 

Avec Daniel Auteuil, Alain Chabat, Marina Foïs, Aurélie Matéo, François Damiens, Denis Maréchal, Fred Tousch

 

THEMA DOUBLES

« Pour moi, écrire un scénario de long-métrage est une expérience très agréable mais aussi quelque chose d’extrêmement fastidieux. C’est long, c’est scolaire, c’est compliqué. Il faut parvenir à créer de toutes pièces un monde, des personnages, trois actes dynamiques qui doivent captiver le lecteur, puis le spectateur. Et comme il faut bien deux ans entre les premières étapes d’écriture et la finalisation du film, il faut soi-même être suffisamment captivé par l’histoire que l’on écrit pour la porter à bout de bras jusqu’au bout. » (1) Ces mots sont d’Alain Chabat, et on aurait aimé qu’ils trouvent leur résonance dans le scénario de La Personne aux deux personnes. Hélas, l’ancien chef de troupe des Nuls, si regardant sur l’écriture de sa production précédente, Prête-moi ta main (sur lequel six auteurs consécutifs se passèrent le relais), semble avoir ici lâché l’affaire, confiant les rênes du film aux duettistes Nicolas et Bruno qui ont toutes les difficultés à passer du petit écran (où ils sévissaient jusqu’alors) au grand.

Le postulat absurde du film, qui semble subir partiellement l’influence de L’Aventure intérieure, est pourtant loin d’être inintéressant. Gilles Gabriel est un chanteur qui a connu son heure de gloire dans les années 80. Lorsqu’un accident automobile le fait entrer en collision avec Jean-Christian Ranu (Daniel Auteuil), un modeste comptable qui passait par là, l’impensable survient : Gilles Gabriel meurt physiquement mais son esprit pénètre dans le corps de Jean-Christian. La cohabitation entre ces deux personnalités que tout oppose ne va pas s’avérer simple. Certes, les acteurs font de leur mieux pour soutenir ce scénario farfelu. La voix off de Chabat dote la moindre péripétie d’un second degré savoureux, Marina Foïs excelle en petit chef glacial et Auteuil s’avère hallucinant dans un rôle grotesque et régressif qu’il empoigne à bras le corps et sans le moindre complexe. Mais le film ne peut tenir sur les seules épaules de ses comédiens sans un développement digne de ce nom.

Trop décalé ou pas assez ?

Le concept étant sous-exploité, les enjeux mous et les objectifs des personnages abandonnés en cours de route, La Personne aux deux personnes perd rapidement la majorité de ses attraits. D’autant que l’un des ressorts comiques principaux du film, le décalage entre un ex-chanteur des années 80 et un comptable des années 2000, se relâche totalement à cause de choix artistiques étranges. En effet, Jean-Christian vit comme s’il était lui aussi coincé dans les années 80, avec un minitel dans son appartement et des vignettes autocollantes sur son pare-brise. Le ton même du film hésite entre plusieurs voies à emprunter, lorgnant parfois du côté du gag télévisuel pur (les encarts aux allures de vieux films d’éducation sexuelle ou de publicités de cinéma pour des magasins de quartier). La bride sur le cou, les deux auteurs/réalisateurs pèchent donc par manque de rigueur, résolvant certains problèmes (ceux du personnage campé par Auteuil), en oubliant d’autres (le fameux nouveau disque que Gilles Gabriel est censé enregistrer), et s’achevant sur une révélation de dernière minute qui bouleverse le concept de base sans proposer la moindre résolution. Bref, l’essai est loin d’être concluant, ce qui explique la désertion des salles lors de la sortie du film.

(1) Propos recueillis par votre serviteur en janvier 2007

 

© Gilles Penso

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BATES MOTEL (1987)

Un étrange téléfilm déclinant maladroitement la franchise Psychose dans l’espoir de donner naissance à une série TV

BATES MOTEL

 

1987 – USA

 

Réalisé par Richard Rothstein

 

Avec Bud Cort, Lori Petty, Moses Gunn, Gregg Henry, Jason Bateman, Robert Picardo, Kurt Paul

 

THEMA TUEURS I SAGA PSYCHOSE

Psychose III n’ayant guère fait d’éclat au box-office, Universal décide de poursuivre la saga consacrée à Norman Bates sur le petit écran. Créateur de la série Le Voyageur, le scénariste et réalisateur Richard Rothstein propose alors au studio de décliner la franchise Psychose sous forme d’une série télévisée. Le studio se laisse convaincre et finance en 1987 un pilote baptisé Bates Motel, dont le concept s’avère assez surprenant. Ignorant superbement Psychose II de Richard Franklin et Psychose III de Anthony Perkins, Bates Motel se déroule immédiatement après les événements survenus dans le film d’Alfred Hitchcock. Nous sommes donc en 1960, l’image est en noir et blanc et Norman Bates est emmené par la police. Anthony Perkins n’étant pas intéressé par ce projet, il décline la proposition d’y participer. C’est donc Kurt Paul, qui le doublait dans les deux séquelles de Psychose, qui lui prête son visage pour une petite poignée d’apparitions furtives.

Interné dans une institution psychiatrique, Norman Bates se lie d’amitié avec Alex West, un petit garçon qui a assassiné son beau-père abusif. Vingt-sept ans plus tard, l’image passe en couleurs et Alex a pris les traits étranges de Bud Cort, héros de Harold et Maude. Dévasté par la mort de Norman Bates, il apprend que ce dernier lui a légué son motel. Or Alex peut enfin sortir de l’institut, avec la bénédiction d’un médecin incarné par Robert Picardo, et se confronter au monde extérieur, avec sous le bras une urne contenant les cendres de son cher Norman. Alex s’installe donc dans le motel, mais le fantôme de la défunte Madame Bates semble hanter les lieux…

Bancal et embarrassant

On ne peut pas dire que ce Bates Motel se distingue par sa subtilité. Les acteurs y surjouent avec exubérance, la musique synthétique de J. Peter Robinson ne fait pas dans la finesse et les tentatives d’humour sont pour le moins embarrassante. C’est notamment le cas de la première rencontre entre Alex et Willie (Lori Petty, future héroïne de Point Break et Tank Girl), une adolescente fugueuse affublée d’un volumineux costume de poulet, rencontre qui s’appuie lourdement sur une musique éléphantesque. A vrai dire, on ne comprend pas bien où s’achemine le scénario besogneux de Richard Rothstein, d’autant qu’aucun des personnages ne suscite la moindre empathie, malgré les tentatives maladroites de Bud Cort dans le registre du « gentil simple d’esprit ». C’est donc avec langueur qu’on assiste à la rénovation du motel par Alex et Willie, à l’arrivée des premiers clients (tous moins crédibles les uns que les autres) et à une sorte de bal rétro avec un groupe de rockers se croyant revenus dans les années 60 (sans doute pour faire écho au succès tout récent de Retour vers le Futur). Bizarrement, Alex et Willie disparaissent momentanément de l’intrigue pour laisser place à une histoire de fantômes n’ayant plus rien à voir avec le postulat de départ. L’idée de Rothstein était visiblement de se servir du motel comme prétexte pour mettre en scène dans chaque épisode divers phénomènes surnaturels touchant des personnages à chaque fois différents. Mais la mayonnaise ne prend pas du tout. Sans parler de ce double rebondissement final qui atteint les sommets du grotesque et achève d’enterrer cette maladroite déclinaison. Le projet de série que devait initier ce téléfilm est donc annulé, et la saga se poursuivra trois ans plus tard avec Psychose IV.

 

© Gilles Penso

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PSYCHO (1998)

Un remake plan par plan du classique d’Alfred Hitchcock par un Gus Van Sant visiblement en panne d’inspiration

PSYCHO

 

1998 – USA

 

Réalisé par Gus Van Sant

 

Avec Anne Heche, Vince Vaughn, Juliane Moore, Viggo Mortensen, William H. Macy, Robert Forster

 

THEMA TUEURS I SAGA PSYCHOSE

Au début des années 80, le succès fulgurant d’Halloween et Vendredi 13 mit sur le devant de la scène les tueurs psychopathes et poussa Universal à lancer les deux premières séquelles de Psychose. Vingt ans plus tard, les fous de la machette et du couteau de boucher reviennent à la mode grâce à Scream et Souviens-toi l’été dernier. Le studio se lance donc dans une nouvelle relecture du chef d’œuvre d’Alfred Hitchcock qu’elle confie à Gus Van Sant. En réalité, Van Sant pense à ce remake dès 1989, mais il n’est alors pas suffisamment connu, malgré le succès d’estime de son film Drugstore Cowboy, et son projet ne convainc pas le studio. Huit ans après, Van Sant est sous le feu des projecteurs grâce à Will Hunting, et Universal lui déroule cette fois-ci le tapis rouge. Sans doute les cadres du studio auraient-ils dû se fier à leur instinct premier, car ce remake marquera sans doute les mémoires comme étant l’un des plus inutiles de l’histoire du cinéma. A part la mise en couleur et le changement de casting, Van Sant se contente en effet de reproduire le film original plan par plan. Les décors, les cadrages, les mouvements de caméra, les costumes, les dialogues, tout est reconstitué à l’identique. On en vient donc à se demander si une colorisation du premier Psychose n’aurait pas été plus efficace.

Là où Brian de Palma (Pulsions, Blow Out, Body Double), Paul Verhoeven (Basic Instinct) ou Robert Zemeckis (Apparences) ont su se réapproprier l’univers d’Hitchcock à travers des œuvres personnelles, Gus Van Sant nous livre un simple travail de décalque qui, sur les bancs de l’école, lui aurait à coup sûr valu un zéro pour cause de copie. La seule « modernisation » un tant soit peu intéressante est le générique en plan-séquence sur les toits de la ville, dont Alfred Hitchcock rêvait pour le premier Psychose mais que les machineries de l’époque ne lui permettaient pas d’obtenir, le contraignant à enchaîner en fondu plusieurs plans distincts. Van Sant comble cette « frustration » dans son remake. Au-delà de cette révision du prologue, les seules libertés que le réalisateur se permet, par rapport à son modèle, sont des images subliminales évasives au moment des meurtres. Un effet gratuit qui atténue considérablement l’impact des scènes en question.

La photocopie d’un chef d’œuvre

Il y a bien quelques audaces intéressantes, comme la suggestion par la bande son de la masturbation de Norman Bates au moment où il observe à la dérobée Marion qui se déshabille. Mais c’est un peu court, et finalement assez gratuit. D’autant que les comédiens supportent fort mal la comparaison avec leurs prédécesseurs, malgré la présence toujours réjouissante de Juliane Moore (Lila Crane) et William H. Macy (le détective Arbogast). Vince Vaughn fait bien pâle figure face à Anthony Perkins, Anne Heche n’a rien de la grâce de Janet Leigh, et Viggo Mortensen n’a pas encore le charisme qu’il acquerra dans le Seigneur des Anneaux. Quant à la bande originale, elle évacue elle aussi toute surprise, Danny Elfman ayant été sommé de reproduire servilement la partition de son mentor Bernard Herrmann en modifiant simplement son tempo. Bref, un exercice futile dont le seul intérêt aura été de rappeler – mais était-ce nécessaire ? – l’inimitable talent du maître Hitchcock. Le public ne s’y trompe pas, réservant à ce Psycho version 1998 un accueil glacial.

 

© Gilles Penso

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PSYCHOSE IV (1990)

Conçu directement pour le petit écran, ce quatrième épisode donne au jeune Norman Bates les traits de Henry Thomas, l’inoubliable héros en culottes courtes de E.T.

PSYCHO IV

 

1990 – USA

 

Réalisé par Mick Garris

 

Avec Henry Thomas, Olivia Hussey, Anthony Perkins, CCH Pounder, Warren Frost, Donna Mitchell, John Landis

 

THEMA TUEURS I SAGA PSYCHOSE

Le téléfilm Bates Motel n’ayant pas déplacé les foules devant les écrans de télévision, la série qui devait en découler ne voit pas le jour. Universal décide donc de doter la saga d’un quatrième épisode, sans tenir compte de cet encombrant pilote qui s’apprête à sombrer dans l’oubli, et convainc non seulement Anthony Perkins mais aussi le scénariste Joseph Stefano de reprendre du service. Psychose IV, produit en 1990, est directement destiné à la télévision et ne tient pas vraiment compte non plus des événements survenus dans Psychose II et Psychose III, malgré son titre. La mise en scène est confiée à Mick Garris, qui a fait ses débuts comme réalisateur de making of de films (Hurlements, Les Goonies) avant de diriger le réjouissant Critters 2 et l’un des épisodes de la série Les Cauchemars de Freddy. Côté musique, c’est Graeme Revell qui prend le relais, ignorant les travaux de Jerry Goldsmith et de Carter Burwell pour reprendre à sa manière plusieurs des thèmes originaux de Bernard Herrmann. C’est donc à un retour aux sources que semble vouloir nous convier ce téléfilm.

Psychose IV prend place dans le studio d’enregistrement de l’émission de radio « KTC Le Pouls de la Cité » animée par Fran Ambrose (CCH Pounder) et consacrée aux garçons matricides. Au téléphone, un auditeur prend la parole. C’est Norman Bates, toujours incarné par Anthony Perkins. Il déclare qu’il a déjà tué, et qu’il va devoir recommencer. Le film se structure alors sous forme de flash-back successifs au cours desquels Bates, apparemment équilibré, apaisé et marié à Connie, une infirmière qu’il a rencontrée lorsqu’il était interné (Donna Mitchell), raconte les épisodes les plus traumatisants de sa jeunesse et se remet à basculer progressivement dans la psychopathie que nous lui connaissons. Le pseudonyme qu’il a choisi pour s’adresser aux auditeurs est Ed, sans doute en référence au tueur réel Ed Gein qui inspira la nouvelle de Robert Bloch. La narration de ce téléfilm se déroule en temps réel, au fil de l’émission de radio. Au cours des flash-backs, nous découvrons Norman jeune, cette fois-ci incarné par Henry Thomas. C’est une excellente idée de casting, car le héros d’E.T. réinterprète avec beaucoup de retenue et de subtilité le timide Norman, reprenant à son compte le jeu corporel de Perkins dans le film original d’Alfred Hitchcock. Sa mère a pris les traits d’Olivia Hussey. Avec beaucoup de conviction, la comédienne parvient tour à tour à exhaler une beauté altière ou une effrayante rigueur psychotique. Ses relations avec son fils, à la lisière de l’inceste, créent le malaise. Elle lui demande par exemple de s’allonger en sous-vêtements dans son lit avec elle car elle est effrayée par l’orage, ou de lui enduire le corps avec de l’essence de fleur d’oranger ! Passant par des phases hystériques, colériques, hilares ou paisibles, cette Norma Bates sait inquiéter les téléspectateurs avec beaucoup d’efficacité. Passablement déséquilibré, le jeune Norman supporte très mal la présence d’un amant dans le lit de sa mère et, en désespoir de cause, les empoisonne tous deux à la strychnine, au cours d’une scène de mise à mort lente et éprouvante.

Le meurtre dans la peau

En s’appuyant sur une très belle photographie de Rodney Charters, Mick Garris stylise avec soin sa mise en scène, et ce dès le générique – annonciateur de celui de la série Dexter – dans lequel les gros plans de gestes quotidiens du matin ont tous une connotation liée au meurtre et au sang. Garris se réapproprie aussi certaines scènes clefs du film d’Hitchcock qu’il détourne habilement, comme la voiture qui s’enfonce dans le lac avec un cadavre à l’intérieur ou la femme au volant, sous la pluie, qui se dirige en pleine nuit vers le motel tandis qu’on entend sa voix off. Ce quatrième Psychose ayant été conçu pour la télévision, il est logiquement tourné au format 4/3 (les écrans HD n’étant pas encore entrés dans les foyers), son économie de moyens et son format nous ramenant au film de 1960 tourné lui aussi avec un budget et une équipe de la télévision. Psychose IV, qui s’achève sur un grand brasier purificateur digne des adaptations d’Edgar Poe par Roger Corman, fait forte impression à Stephen King qui le découvre sur son petit écran et qui proposera dans la foulée à Mick Garris de réaliser La Nuit Déchirée. Ce sera le point de départ d’une longue et heureuse collaboration entre les deux hommes.

 

© Gilles Penso

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PSYCHOSE III (1986)

Anthony Perkins fait son baptême de metteur en scène en dirigeant la seconde séquelle du classique d’Alfred Hitchcock

PSYCHO III

 

1986 – USA

 

Réalisé par Anthony Perkins

 

Avec Anthony Perkins, Diana Scarwid, Roberta Maxwell, Jeff Fahey, Hugh Gillin, Lee Garlington, Robert Alan Browne, Gary Bayer, Patience Cleveland

 

THEMA TUEURS I SAGA PSYCHOSE

A l’occasion de Psychose III, dont la mise en chantier est motivée par le succès du second épisode dirigé par Richard Franklin, Anthony Perkins fait ses débuts de réalisateur. Il reconnaîtra plus tard avec humilité qu’il n’avait pas l’étoffe d’un réalisateur à cause de ses trop nombreuses carences techniques. Force est de constater qu’il s’en sort pourtant plutôt bien. Audacieux, il propose à Universal de tourner cette seconde séquelle en noir et blanc, afin de retrouver la texture et l’atmosphère du film original, mais la réponse est sans appel : Psychose III sera en couleurs. Perkins change alors de source d’inspiration et puise beaucoup d’idées visuelles dans Sang pour sang des frères Coen, dont il admire le style. Le prologue de Psychose III nous fait découvrir Maureen (Diana Scarwid). Jeune religieuse en pleine crise de foi, elle s’apprête à se jeter dans le vide du haut du clocher d’un couvent qui ressemble comme deux gouttes d’eau à celui de Sueurs froides. En empêchant son geste, l’une de ses consœurs meurt à sa place. Maudite et promise aux flammes de l’enfer, Maureen quitte les lieux précipitamment, avec pour seuls bagages une robe démodée et une petite valise, et se met à errer dans le désert américain. Prise en stop par Duane Duke (Jeff Fahey), un chanteur de folk exubérant, elle repousse ses avances grossières, mais tous deux finissent par se retrouver au fameux motel de Norman Bates, l’une comme cliente sans le sou, l’autre comme employé saisonnier.

Norman était guéri au début de Psychose II, mais les événements survenus entre temps l’ont à nouveau désaxé, le muant une fois de plus en tueur schizophrène hanté par la momie de sa mère. En ce sens, Psychose III, écrit par Charles Edward Pogue, joue moins la carte de l’originalité que son prédécesseur, se reposant plus confortablement sur les acquis du roman de Robert Bloch et du film d’Alfred Hitchcock. La surprise n’est pourtant pas exclue du métrage, notamment lors d’une séquence suprêmement ironique où Norman s’apprête à occire dans sa salle de bains la jeune cliente qui lui rappelle tant Marion Crane (et qui porte comme par hasard les mêmes initiales). Mais il découvre qu’elle vient de s’ouvrir les veines dans sa baignoire et lui sauve finalement la vie en l’emmenant à l’hôpital le plus proche. Or en voyant celui qui venait l’assassiner, en tenue de femme, le couteau à la main, la moribonde croit apercevoir la vierge brandissant un crucifix !

Humour noir

D’autres touches d’humour noir ponctuent le film, en particulier au cours de l’affrontement dans l’une des chambres du motel sur le téléviseur duquel est diffusé un dessin animé de Woody Woodpeker (une scène qu’on croirait issue d’un film de Joe Dante) ou lorsqu’un policier mange des glaçons piochés dans un bac à glace où repose un cadavre ensanglanté. Mais ces « écarts » demeurent assez isolés, et pour le reste, Psychose III a du mal à s’éloigner de la routine. Il faut d’ailleurs reconnaître que certaines séquences directement puisées dans le classique d’Hitchcock frôlent le ridicule, comme l’enfouissement de la voiture dans les eaux ou la chute dans l’escalier. Même Carter Burwell, qui composa la musique du Sang pour sang que Perkins aime tant, peine ici à composer une bande originale mémorable, se contentant souvent d’accommoder maladroitement des mélodies synthétiques sans commune mesure avec les magnifiques partitions de Bernard Herrmann et Jerry Goldsmith. Dommage, d’autant que l’idée d’une romance entre Norman et Maureen, tous deux parias et seuls au monde, était intéressante. Le film ne rapportant pas des fortunes, Universal décide d’interrompre la saga sur cette note mitigée. Le scénariste Charles Edward Pogue avait pourtant commencé à élaborer avec Anthony Perkins quelques idées pour une éventuelle troisième séquelle qui aurait mué le Bates Motel en attraction touristique pour amateurs de sensations fortes et aurait adopté la tonalité d’une comédie noire.

 

© Gilles Penso

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SYNCHRONIC (2019)

Le talentueux duo Aaron Moorhead / Justin Benson nous plonge dans un récit de voyages dans le temps vertigineux et résolument atypique

SYNCHRONIC

 

2019 – USA

 

Réalisé par Justin Benson et Aaron Moorhead

 

Avec Jamie Dorman, Anthony Mackie, Katie Aselton, Ally Ioannides, Bill Oberst Jr., Martin Bats Bradford

 

THEMA VOYAGES DANS LE TEMPS

A peine The Endless avait-il eu le temps de faire le tour de la planète qu’Aaron Moorhead et Justin Benson ajoutaient déjà une nouvelle pierre à l’édifice fascinant de leur filmographie hors norme. Synchronic s’inscrit parfaitement dans la continuité de leurs travaux précédents, et s’il ne se situe pas nécessairement dans le même univers, il cultive la même approche : le traitement d’un sujet de science-fiction pur – en l’occurrence le thème du voyage dans le temps – via une approche intimiste et une relecture inédite. Le scénario s’intéresse ici à deux ambulanciers de la Nouvelle-Orléans, Dennis (Jamie Dorman) et Steve (Anthony Mackie) dont la vie bascule le jour où ils découvrent que de nombreuses morts violentes sont dues aux effets d’une drogue de synthèse totalement inconnue.

Synchronic est sans conteste le film le plus « accessible » et le plus « grand public » de ses réalisateurs. S’ils ne renoncent jamais à leur style résolument original, les duettistes s’arment ici d’un budget légèrement plus confortable qu’à l’accoutumée et peuvent du coup accroître leurs ambitions visuelles. Les sauts dans le temps répétés du protagoniste central prennent ainsi une tournure presque épique, garnis de séquences d’action très efficaces, d’effets spéciaux audacieux et de reconstitutions d’univers appartenant au passé. Le plan-séquence du début du métrage est lui-même un tour de force virtuose doublé d’un usage parfaitement judicieux des latitudes qu’offre le langage cinématographique. Le but n’est pas d’épater le spectateur mais de jouer dès l’entame sur la notion de temps réel et de relocalisation de chaque personnage et de chaque objet dans un espace précis. Ces « implants » narratifs, a priori anodins, finissent par prendre tous leur sens plus tard dans le métrage.

Les caprices du temps

Après la boucle temporelle d’Endless, l’altération du temps s’organise ici sous une forme différente. Le scénario développe ainsi l’idée surprenante que certains objets sont physiquement affectés lorsqu’ils passent d’une époque à l’autre. Le film est jalonné de trouvailles habiles, comme par exemple cet usage du caméscope qui remplit un triple usage. Support de suspense très efficace, il justifie aussi les moments où le personnage central est amené à parler tout seul et permet en outre de collecter des preuves du phénomène surnaturel sans encombrer le récit de besogneuses explications à rallonge. Au cœur de l’action, Anthony Mackie s’implique pleinement, laissant au vestiaire la panoplie de super-héros dont l’a doté le studio Marvel pour camper un humain ordinaire plongé dans la plus extraordinaire des situations. En ce sens, Moorhead et Benson s’inscrivent ouvertement dans la lignée des scénarios de Rod Serling pour La Quatrième Dimension. Avec leur sensibilité toute personnelle, ils ne cessent en effet de décliner de film en film le motif du surnaturel qui s’invite dans le quotidien jusqu’à l’ébranler irrémédiablement.

 

© Gilles Penso

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