CABIN FEVER (2002)

Pour son premier long-métrage, Eli Roth ne prend pas beaucoup de risque en se laissant volontiers inspirer par Evil Dead

CABIN FEVER

2002 – USA

Réalisé par Eli Roth

Avec Rider Strong, Jordan Ladd, James DeBello, Cerina Vincent, Joey Kern, Giuseppe Andrews, Arie Verveen 

THEMA MUTATIONS

Premier long-métrage d’Eli Roth, Cabin Fever marche ouvertement sur les traces d’Evil Dead, dont il photocopie quasiment les prémisses, tout en clignant de l’œil sans vergogne du côté de Délivrance et de Massacre à la tronçonneuse. L’initiative serait réjouissante si l’hommage était justifié par une relecture, une modernisation ou une remise en perspective des films imités, comme le fit notamment Scream avec La Nuit des masques. Hélas, Cabin Fever se contente de plagier ses prestigieux prédécesseurs sans autre ambition apparente. Suivant scrupuleusement la voie tracée par Sam Raimi vingt ans plus tôt, cinq amis prennent donc la route pour passer le week-end dans une vieille cabane au fond des bois, quelque part en Caroline du Nord. Au beau milieu de la nuit, les joyeux drilles sont assaillis par un homme en bien piteux état, purulent, hystérique et vomissant des jets de sang. 

Paniqués, ils le chassent avec leur fusil, et le pauvre bougre part mourir quelques kilomètres plus loin, au beau milieu d’un lac voisin. Infecté par un virus redoutable dont nous ne connaitrons jamais l’origine, l’homme va peu à peu contaminer les réserves d’eau du secteur. Et sitôt que nos cinq héros auront bu l’eau qui coule dans les robinets de la cabane, ils seront infectés à leur tour. La paranoïa et l’inquiétude gagnent progressivement le petit groupe, tandis que les premiers symptômes apparaissent chez l’un d’entre eux : plaies ensanglantées, teint blafard et quasi-zombification. Comme si cette affolante mutation ne suffisait pas, nos infortunés citadins se heurtent également à des autochtones guère engageants, tout droit hérités de John Boorman et Tobe Hooper, ainsi qu’à un chien enragé venant régulièrement les harceler…

Déjà-vu et pseudo-étrangeté

Tout semble donc en place pour un shocker efficace et sanglant. Hélas, non seulement les péripéties fleurent exagérément le déjà-vu, annihilant du coup l’effet de surprise, mais en plus les cinq héros dégagent une profonde antipathie qui confine souvent à la crétinerie. Leurs dialogues sont stupides, leurs réactions improbables, leur comportement absurde, tant et si bien que leur destin, si atroce soit-il, ne nous émeut guère. Quant aux personnages secondaires, ils n’ont d’autre vocation que saupoudrer le film d’une pseudo étrangeté qui frôle souvent le grotesque. Notamment le policier qui organise des orgies, le campeur qui dort dans une grotte, et surtout le petit garçon sauvage qui mord tout ce qui passe à sa portée sans rechigner à nous faire une petite démonstration de kung-fu au ralenti, le temps d’une séquence d’une ahurissante gratuité. Restent les maquillages spéciaux de KNB, particulièrement gratinés, notamment lorsqu’il s’agit de visualiser une malheureuse jeune fille en pleine mutation, son visage partiellement rongé arborant une hideuse mâchoire squelettique. Poursuivant le mimétisme jusqu’au bout, Cabin Fever s’achève sur un épilogue grinçant directement repris à celui de La Nuit des morts-vivants, et qui ne surprendra donc que ceux qui ne sont pas familiers avec le chef d’œuvre de George Romero. Bref, le film d’Eli Roth fait un peu l’effet d’un pétard mouillé, ce qui ne l’empêcha pas d’avoir un certain impact auprès des fans de films d’horreur.

 

© Gilles Penso

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THE HOST (2006)

Roi du mélange des genres, Bong Joon-Ho ose ici fusionner la chronique sociale réaliste et le film de monstre spectaculaire

GWOEMUL

2006 – COREE DU SUD / JAPON

Réalisé par Bong Joon-Ho

Avec Song Kang-Ho, Byun Hee-Bong, Park Hae-Il, Bae Doo-Na, Ko A-Sung, Lee Dong-Ho, Lee Jae-Eung, Yoon Je-Moon 

THEMA MONSTRES MARINS

Oubliez tous les films de monstres que vous avez pu voir jusqu’à présent. The Host ne ressemble à rien de connu dans le genre. Car même si Bong Joon-Ho semble ici payer son tribut aux Dents de la Mer et à Alien, il aborde son récit sous un angle pour le moins surprenant. Le scénario de The Host puise son inspiration dans un fait divers réel survenu en février 2000 au cœur d’une base militaire américaine implantée à Seoul. Un gradé nommé McFarland ordonna à son assistant coréen de déverser contre son gré le contenu de plusieurs bouteilles de formol dans un évier, acheminant ainsi le produit toxique jusque dans la rivière Han. A partir de cet incident, Bon Joon-Ho imagine une mutation transformant un poisson en monstruosité aquatique pourvue d’une gueule démesurée, de plusieurs tentacules, d’une longue queue et d’un appétit sans limite. Mais avant de nous présenter sa créature, le cinéaste s’intéresse d’abord à la modeste famille Park. Hee-Bong, le patriarche, tient un petit snack au bord de la rivière, où il vit en compagnie de son fils aîné Gang-Du, immature et irresponsable, de sa fille Nam-Joo, championne de tir à l’arc maladroite, et de leur frère Nam-Il, diplômé au chômage comme nombre de ses compatriotes.

La tonalité est volontiers comique, voire burlesque, mais lorsque soudain surgit le monstre, semant la panique parmi les badauds au cours d’une séquence d’action absolument époustouflante, The Host vire au film d’horreur pur et dur. Et c’est justement cette rupture de style qui marque l’originalité du film. Car tout au long du métrage, qui narre les tentatives désespérées de la famille Park pour sauver la petite Hyun-Seo des griffes du redoutable mutant, Bong Joon-Ho se plaît à juxtaposer des genres à priori incompatibles, osant enchaîner une pesante séquence de suspense avec un gag loufoque ou une scène horrifique avec un moment d’émotion poignante, sans que jamais le film ne perde de sa cohérence. La musique de Lee Byeongwoo est à l’avenant, alternant des percussions agressives, des violons pathétiques et une fanfare de cirque.

Un monstre international

L’impact de The Host repose beaucoup sur la qualité de ses effets spéciaux. Conçu par le designer coréen Jang Hee-Chul, modélisé par les Néo-Zélandais de Weta Workshop (King Kong), animé en 3D par l’équipe américaine de The Orphanage (Superman Returns) ou sous forme de marionnettes animatroniques par l’atelier australien de John Cox (Peter Pan), ce monstre décidément international est criant de réalisme. Mais The Host ne se limite pas à ses trucages ou à ses effets comiques. Car sous la surface de ce très réjouissant « monster movie » se cache aussi une cinglante parabole politique et sociale, dressant un portrait peu enviable de la société coréenne et de ses institutions. Et si l’hôte du titre désigne à priori le mutant amphibie hébergeant en son organisme un curieux virus, sans doute faut-il y voir aussi la métaphore d’un pays apathique laissant s’installer sur son territoire des bases militaires américaines et déléguant quelque peu son autorité. The Host nous propose ainsi plusieurs niveaux de lecture, et ce n’est pas la moindre de ses qualités. 

 

© Gilles Penso

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L’EFFET PAPILLON (2004)

Tourmenté par d'éprouvants souvenirs d'enfance, un jeune homme se découvre le pouvoir de voyager dans le temps

THE BUTTERFLY EFFECT

2004 – USA

Réalisé par Eric Bress et J. Mackye Gruber

Avec Ashton Kutcher, Melora Walters, Amy Smart, Elden Henson, William Lee Scott, John Patrick Amedori, Irene Gorovaia 

THEMA VOYAGES DANS LE TEMPS

Écrit et réalisé par les auteurs de Destination Finale 2L’Effet Papillon part d’un postulat passionnant qui propose une nouvelle variante sur le thème du paradoxe temporel, quelque part à mi-chemin entre Retour vers le FuturUn Jour sans Fin et Memento. Evan Treborn (Ashton Tucker, jusqu’alors habitué aux comédies adolescentes bien grasses), son infortuné protagoniste, porte le poids d’une enfance tourmentée, truffée d’événements traumatisants et de trous de mémoire inexplicables. Pour raviver ses souvenirs, il a accumulé bon nombre de journaux intimes. Devenu adulte, il découvre qu’il a la capacité, en relisant des extraits de ses journaux, de remonter le temps pour réparer certains accidents du passé… Mais les conséquences dans le présent s’avèrent catastrophiques. L’idée regorge d’intérêt, mais L’Effet Papillon souffre de deux faiblesses qui amenuisent son impact. En premier lieu, sa structure rythmique est très curieusement agencée, puisque le scénario s’affuble d’une exposition interminable, enchaînant sans discontinuer tous les événements et toutes les informations nécessaires à la bonne compréhension du récit.

Du coup, lorsque l’intrigue démarre vraiment, c’est-à-dire au moment où Evan découvre ses pouvoirs, nous sommes déjà quasiment au beau milieu du métrage. Ce déséquilibre nuit sérieusement à l’efficacité du film. Plus préjudiciable encore : le décalage entre le ton et le traitement. Car cette capacité qu’a notre héros à se déplacer dans le temps, sans explication scientifique et au mépris de beaucoup de logique, est pour le moins ludique, d’autant qu’il ne change que les événements liés à son entourage proche et qu’il peut réessayer autant de fois qu’il le souhaite, comme dans un jeu vidéo. Or, au lieu d’abonder dans ce sens récréatif, les scénaristes ont choisi d’explorer les facettes les plus noires et les plus glauques de l’humanité. Pédophilie, infanticide, mutilations, cancer, suicides, toxicomanie, viol, prostitution, paraplégie, schizophrénie, immolations et meurtres violents sont en effet au programme de L’Effet Papillon.

Retour vers le passé

Et comme toutes ces abominations, dont l’accumulation devient vite indigeste, ne sont jamais réellement traitées dans la mesure où elles ne servent que des prétextes au bon déroulement du scénario, la pilule est un peu dure à avaler. D’autant que la démonstration de la fameuse théorie du chaos qui donne son titre au film et qui fut établie en 1963 par le scientifique Edward Lorentz (« Est-ce qu’un battement d’ailes de papillon au Brésil peut provoquer une tornade au Texas ? ») aurait mérité un traitement plus en profondeur, abordant l’aspect philosophique de ses implications humaines, et eut sans doute été tout autant efficace sans recourir si systématiquement à l’atrocité et aux bas instincts. Le film se suit cependant avec beaucoup d’intérêt, et se clôt sur une note inattendue mais finalement fort logique, contournant avec habilité le happy end qu’on aurait pu imaginer. Le cinéphile amateur de voyages dans le temps aura remarqué que le rôle du père pédophile est tenu par Eric Stolz, qui devait à l’origine tenir la vedette de la trilogie Retour vers le Futur.

 

© Gilles Penso

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DELLAMORTE DELLAMORE (1994)

Surréalisme, horreur, érotisme, comédie et poésie se bousculent dans cette adaptation du roman de Tiziano Slavi

DELLAMORTE DELLAMORE

1994 – ITALIE

Réalisé par Michele Soavi

Avec Rupert Everett, Anna Falchi, François Hadji-Lazaro, Mickey Knox, Fabianna Formica, Clive Riche

THEMA ZOMBIES

Adapté du roman homonyme de Tiziano Slavi, Dellamorte Dellamore raconte l’histoire de Francesco Dellamorte, le gardien du cimetière de Buffalora, assisté par un colosse nommé Gnaghi qui ne sait dire que « gna ». Depuis quelques temps, sans explication, les morts reviennent à la vie sept jours après leur enterrement. Désabusé, Francesco s’est donc donné pour mission de les détruire pour qu’ils puissent définitivement reposer en paix. Il suit en cela la trace du héros de la pièce  « Le Gardien du Tombeau » imaginée par Franz Kafka. Un jour, il rencontre une femme magnifique, venue enterrer son époux, dont il tombe amoureux. Mais comme on pouvait le  craindre, le défunt revient à la vie et tue sa veuve. Lorsqu’elle ressuscite sous forme d’une femme-zombie au moins aussi troublante que la Mindy du Retour des Morts-Vivants 3, Francesco se doit de l’éliminer pour de bon, à son grand désarroi. Un soir, une mort encapuchonnée qu’on croirait issue des Aventures du Baron de Munchausen lui conseille de tuer les vivants, histoire de gagner un peu de temps… Comme on le voit, Dellamorte Dellamore n’a pas grand-chose à voir avec les histoires de zombies traditionnelles. Ici, l’inattendu et le surréalisme sont au bout du chemin. Car Michele Soavi a choisi la voie de la poésie et du gothique pour nous conter les aventures de Francesco et Gnaghi confrontés à des morts-vivants mi-organiques mi-végétaux du plus bel effet, œuvre du génial maquilleur Sergio Stivaletti.

Les décors de Massimo Antonello Geleng (collaborateur régulier du cinéaste), en particulier le cimetière et l’ossuaire, sont de pures merveilles, éclairés et cadrés avec beaucoup de talent par un Mauro Marchetti au sommet de son art. Il faut dire qu’avant d’être promu directeur de la photographie, l’homme avait fréquenté les plus grands, participant à Le Dernier Tango à Paris, Apocalypse Now ou encore Le Dernier Empereur. L’aspect visuel de cette fable horrifique évoque ainsi Lamberto Bava, à la différence près que le fils du grand Mario s’est toujours avéré incapable de réaliser de beaux films malgré la qualité de ses images. La musique de Tangerine Dream, de son côté, évoque les Goblins et donc Dario Argento. Mais le film de Soavi reste très personnel, indiscutablement original. Le romantisme nimbe le récit, grâce à cette veuve splendide qui tombe amoureuse du héros, ce qui nous vaut de magnifiques scènes comme le baiser à travers les voiles, ou les ébats amoureux du couple dans un cimetière éclairé par la pleine lune.

Le cimetière des morts-vivants

Le burlesque a aussi droit de cité, en particulier lorsqu’une troupe de scouts revient d’entre les morts dans un état des plus pitoyables. Quant à la poésie, elle prend des allures très inattendues, comme lorsque ce mort et sa moto sortent de terre, l’homme ne faisant plus qu’un avec sa machine, ou lorsque Gnaghi place la tête de sa bien-aimée dans son poste de télé cassé pour la regarder chanter. Impossible donc de s’ennuyer une seule seconde à la vision du film, même si l’histoire elle-même s’avère un peu chaotique et si les motivations de Francesco, à mesure que les événements se déroulent, restent imprécises. Quant à l’ultime image, elle clôt le film sur une note particulièrement insolite.

 

© Gilles Penso

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RASPOUTINE, LE MOINE FOU (1966)

Christopher Lee transfigure son corps pour incarner l'un des vilains les plus mémorables de sa longue carrière

RASPUTIN, THE MAD MONK

1966 – GB

Réalisé par Don Sharp

Avec Christopher Lee, Barbara Shelley, Richard Pasco, Francis Matthews, Suzan Farmer, Dinsdale Landen, Renée Asherson 

THEMA SUPER-VILAINS

Si le Mal avec un grand M revêt plusieurs formes et arbore toutes sortes de visage, aucun comédien n’aura su mieux que Christopher Lee en incarner autant de facettes, variant à loisir l’exploration des penchants les plus sombres de l’humanité. Mais avec Raspoutine, le Moine Fou, la donne est un peu différente. Contrairement aux vampires transylvaniens ou aux super-criminels asiatiques nés de l’imagination fébrile d’écrivains inventifs, Lee donne ici corps à un personnage réel. Le studio Hammer se lance ainsi dans un exercice qui lui est peu familier, celui de la biographie romancée, sans pour autant évacuer les composantes qui font sa renommée. Car sous l’alibi historique, Raspoutine, le Moine Fou demeure un film d’horreur pur et dur. D’ailleurs, son tournage se déroule simultanément à celui de Dracula, Prince des Ténèbres, les réalisateurs Don Sharp et Terence Fisher bénéficiant ainsi des mêmes comédiens principaux mais aussi des mêmes décors. Le palais des tsars et le château de Dracula ne font donc qu’un, l’histoire et la fantaisie fusionnant en un étrange cocktail.

Le scénario de Raspoutine, le Moine Fou, écrit par John Elder, se situe en Russie au début du 20ème siècle. Doté de pouvoirs proprement surnaturels qui lui permettent de guérir les mourants, de soumettre son entourage à sa volonté ou de prévoir l’avenir, le moine Raspoutine sauve la vie d’une femme dans l’auberge d’un petit village, en échange de litres de vin, de musique, de danse et de ripaille. Sa philosophie est simple : « plus on pèche, mieux on expie ». Ambitieux, il gagne St Petersbourg et complote auprès d’une des dames de compagnie de la Tsarine pour occuper une place influente à la cour. Dès lors, son ascension est fulgurante. Fruste, manipulateur, malfaisant, il devient progressivement l’architecte de sa future perte…

Un véhicule de terreur et de fascination

Bien sûr, les puristes crieront à la trahison, car la réalité historique est un peu malmenée, et les résonnances politiques du récit à peine effleurées. Plusieurs raisons expliquent un tel parti pris. La première, triviale, est liée aux limites budgétaires du film, couplées à sa courte durée de tournage. Avec les moyens à sa disposition, Don Sharp ne pouvait décemment embrasser avec envergure la vie mouvementée de Raspoutine et son impact sur la Russie des Tsars. Il confine donc l’intrigue à un nombre limité de décors et réduit volontairement ses protagonistes. Mais ce n’est pas la seule explication. En centrant la quasi-totalité de l’intrigue sur Raspoutine, ses agissements, ses exubérances et sa folie, le film transcende l’exercice de la biographie pour mettre en scène une figure monstrueuse et quasi inhumaine. La prestation de Christopher Lee est à ce titre hallucinante. Rarement le comédien aura à ce point transfiguré son corps pour le muer en véhicule de terreur et de fascination. Son regard noir, ses mains crispées, sa stature gigantesque irradient l’écran, et Lee s’efface totalement derrière son personnage, dévoilant un registre qu’on ne lui connaissait pas. Au magnétisme de Dracula, à la folie hégémonique de Fu-Manchu, il ajoute ainsi la paillardise, l’exubérance et la luxure. C’est assurément l’un des rôles les plus impressionnants et les plus intenses de sa longue carrière.

 

© Gilles Penso

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DOCTEUR CYCLOPE (1940)

Les créateurs de King Kong mettent en scène un savant maléfique qui miniaturise ses victimes pour mieux les détruire

DOCTOR CYCLOPS

1940 – USA

Réalisé par Ernest B. Schoedsack

Avec Albert Dekker, Janice Logan, Thomas Coley, Charles Halton, Victor Kilian, Frank Yaconelli, Paul Fix, Frank Reicher 

THEMA NAINS ET GEANTS

Sept ans après King Kong, le réalisateur Ernest B. Schoedsack et le producteur Merian C. Cooper reviennent au thème du gigantisme à travers cette aventure hors-norme qui s’efforce de transposer dans les années 40 le mythe d’Ulysse et du Cyclope. Le regard voilé par d’épaisses lunettes, la silhouette colossale et pataude, Albert Dekker interprète le docteur Alexander Thorkel, un éminent scientifique retiré dans une montagne péruvienne où il a édifié son laboratoire. A l’aide d’un puits de radium, il canalise la radio-activité et miniaturise des animaux, s’amusant à jouer à l’apprenti sorcier et déclarant avec emphase : « maintenant, je tiens la vie sous mon contrôle ! ». En bon savant fou, il tue de sang-froid un confrère qui juge ses travaux hérétiques, puis convoque trois biologistes afin de l’aider à analyser ses résultats au microscope – car sa vue décroît de jour en jour – avant de les chasser sans ménagement. « Si vous restez, ce sera à vos risques et périls », les prévient-il. Accompagné d’un muletier et d’un assistant du coin, le trio s’intéresse d’un peu trop près aux expériences étranges de Thorkel. N’y allant pas par quatre chemins, ce dernier soumet aux radiations les cinq curieux et les réduit à la taille de 25 centimètres de haut. « Prisonniers dans l’antre du Cyclope ! » commente bientôt l’un des captifs.

La vision de ces humains miniatures, habillés avec des bouts de tissus, gravissant un escalier géant ou se cachant derrière les pieds d’une chaise, s’avère totalement surréaliste, d’autant que les effets de transparence, à l’exception de quelques arrière-plans palots, et les nombreux décors surdimensionnés sont franchement réussis. Le film utilise même une main mécanique géante pour que Thorkel empoigne ses captifs entre ses gigantesques doigts, comme le fit jadis Kong avec la frêle Fay Wray. L’affiche du film ne s’y trompe d’ailleurs pas, entretenant la correspondance visuelle avec le grand singe et sa blonde dulcinée. Mais ici, le géant n’éprouve guère de pitié pour ses minuscules victimes. Deux d’entre elles, sur le point de s’évader, trépassent ainsi sans autre forme de procès, l’une asphyxiée, l’autre abattue à bout portant. Leurs compagnons d’infortune tentent eux aussi d’échapper aux hideuses griffes de Thorkel, croisant des poules et un chat pour le moins effrayants.

Thorkel le maléfique

Mais la jungle où ils trouvent refuge regorge de dangers plus grands encore. D’où la mémorable séquence d’attaque d’un crocodile géant dans une caverne, nouvelle réminiscence de King Kong, ou la traque des survivants par Thorkel et son chien, qui nous évoque Les Chasses du Comte Zaroff, autre chef d’œuvre de Schoedsack et Cooper. Face aux cruels stratagèmes du savant pour se débarrasser d’eux, nos héros décident d’unir leurs forces et de l’affronter sur son propre terrain, muant leur taille lilliputienne en atout décisif. Suivant l’exemple des héros de l’Odyssée, ils aveugleront finalement le géant qui les menace en brisant les verres de ses épaisses lunettes. Intégralement tourné en studio, dans un Technicolor étincelant, Docteur Cyclope est l’avant-dernier film de Schoedsack, qui conclura sa carrière avec un autre géant mémorable, le bien nommé Monsieur Joe.

 

© Gilles Penso

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DÉTOUR MORTEL (2002)

Un jeune médecin et un groupe de campeurs tombent dans les griffes des habitants dégénérés d'une cabane au fin fond de la forêt américaine…

WRONG TURN

2002 – USA

Réalisé par Rob Schmidt

Avec Eliza Dushku, Desmond Harrington, Jeremy Sisto, Emmanuelle Chriqui, Kevin Zegers, Lindy Booth, Julian Richings 

THEMA TUEURS I CANNIBALES I SAGA DETOUR MORTEL

Produit par le maquilleur Stan Winston (TerminatorJurassic ParkA.I. Intelligence Artificielle), Détour Mortel marche ouvertement sur les traces de Massacre à la Tronçonneuse, Délivrance et La Colline a des Yeux. Dès les premières minutes, en effet, il apparaît clairement que nous sommes en terrain connu. Après un prologue proposant une variante horrifique sur celui de Vertical LimitsDétour Mortel se centre sur Chris Flynn (Desmond Harrington), un jeune médecin coincé dans un embouteillage qui a la mauvaise idée de prendre un détour via une petite route de terre accidentée. Au beau milieu de la forêt, son attention est attirée par le cadavre d’un cervidé, et il heurte de plein fouet un 4X4 arrêté en plein virage. Ses occupants, cinq jeunes gens venus camper dans la région, sont tombés dans ce qui ressemble à un piège, car leurs quatre pneus ont éclaté en même temps. En quête de secours, le petit groupe s’enfonce dans la forêt et tombe sur une cabane au contenu inquiétant… et aux habitants proprement terrifiants. A partir de là, Détour Mortel décolle réellement, et s’arrache à ses prestigieuses influences pour malmener les nerfs des spectateurs au cours d’une petite heure et quart de tension ininterrompue.

Car le réalisateur Rob Schmidt et son scénariste Alan McElroy rivalisent d’ingéniosité pour multiplier les situations cauchemardesques, ne reculant devant aucun effet gore. Le plus gratiné d’entre eux est probablement celui d’une des héroïnes dont la bouche est tranchée par une serpe. La partie supérieure de sa tête reste ainsi clouée à un arbre, tandis que le reste de son corps s’écroule lamentablement et tombe dans le vide quelques dizaines de mètres plus bas ! Les assaillants eux-mêmes, dont le maquillage est évidemment l’œuvre de Stan Winston et son équipe, sont tellement hideux que les anthropophages de La Colline a des Yeux, à côté d’eux, ressemblent à des top models. Jonglant en virtuose avec les codes du film d’horreur traditionnel, Détour Mortel puise une grande partie de son impact chez les terreurs enfantines qu’il parvient à retranscrire dans le contexte du « survival ».

Des ogres hideux et anthropophages

Car les trois cannibales dégénérés qui sévissent dans les bois sont rien moins qu’une relecture des ogres des contes de fées, la fameuse séquence de la cabane fonctionnant de fait comme une nouvelle version de la rencontre du Petit Poucet et de ses frères avec le fameux mangeur de chair fraîche. Machiavélique en diable, le scénario ôte un à un tous les espoirs d’échappatoires auxquels aspirent les protagonistes, les piégeant progressivement dans un cauchemar duquel la seule issue semble être le réveil, comme si tout ceci n’était qu’un mauvais rêve. Du coup, le processus d’identification fonctionne à plein régime, le spectateur se sentant embarqué dans le même crescendo d’épouvante. Bref une œuvre bien plus novatrice qu’il n’y paraît, même si les thématiques développées par Hooper, Boorman et Craven (la violence communicative, la folie engendrée par l’inactivité, la nature agressive) ont ici été évacuées au profit d’un simple tour de train fantôme. Basique, certes, mais redoutablement efficace.

 

© Gilles Penso

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CRITTERS (1986)

Cette réponse directe au Gremlins de Joe Dante met en scène des boules de poils aux mâchoires garnies de dents acérées

CRITTERS

1986 – USA

Réalisé par Stephen Herek

Avec Dee Wallace Stone, M. Emmet Walsh, Billy Green Bush, Scott Grimes, Nadine Van der Velde, Don Opper, Billy Zane 

THEMA EXTRA-TERRESTRES PETITS MONSTRES I SAGA CRITTERS

Pour son premier long-métrage, Stephen Herek a choisi de se lancer dans une imitation bête et méchante du Gremlins de Joe Dante, qui triomphait deux ans plus tôt sur les écrans, en y adjoignant des éléments de science-fiction. L’histoire démarre sur un astéroïde-prison quelque part dans l’espace. Les « critts », une horde de minuscules créatures velues et carnivores, s’en échappent pour envahir une petite ville de l’ouest américain. Deux chasseurs de prime extra-terrestres les prennent aussitôt en chasse. Dénués de visages, ils ont la faculté d’imiter les traits qu’ils veulent. Le premier se fait donc la tête d’un mauvais chanteur de rock des années 80, tandis que le second adopte tour à tour le visage d’un policier, d’un curé et de l’idiot du village.

Avec un tel scénario, il ne fallait pas s’attendre à des miracles, et comme prévu Critters assure le service minimum en la matière, alternant les séquences d’épouvante gentille et de comédie tiède au beau milieu d’un casting visiblement peu convaincu, parmi lequel on reconnaît tout de même Dee Wallace, reprenant le rôle de mère de famille qu’elle tenait dans E.T. l’extraterrestre, Billy Zane, futur fiancé jaloux de Titanic, et Don Opper, qui incarna un mémorable robot dans Androïde. Les critters constituent l’attraction principale du film. Sommaires marionnettes mécaniques créées par les astucieux frères Chiodo, ces vilaines bestioles se déplacent en roulant comme des ballons, projettent des épines comme des porcs-épics et sont dotées d’un appétit insatiable. Aucune séquence ne surprend vraiment, mais le manque de prétention du film rachète un peu son absence d’innovations. 

Clins d'œils et références

Quelques trucages sommaires font mouche cependant, comme ce visage d’un des chasseurs de prime qui fond littéralement pour imiter des traits humains. Bizarrement, cette idée de mimétisme aurait pu donner lieu à quelques quiproquos intéressants, mais elle n’est absolument pas exploitée au fil du scénario. Le film s’accorde quelques clins d’œils cinéphiliques, à travers un extrait d’Androïde, un poster de Mutant, un t-shirt recyclant le logo de S.O.S. Fantômes ou une figurine d’E.T. l’extraterrestre que dévore l’un des Critters. On repère aussi, ça et là, des références à TerminatorStarman, et même la vieille série Star Trek (le fameux épisode des « Tribules »). Vers la fin du film, le plus vorace des petits monstres atteint des proportions humaines et enlève une jeune fille jusque dans sa soucoupe. Tout se termine à peu près comme on s’y attendait, avec le faux happy end de mise, ouvert vers une suite possible. Et effectivement, le film connaîtra un très honorable succès, rapportant presque sept fois sa mise initiale de deux millions de dollars. Trois séquelles furent donc mises en chantier, réalisées respectivement par Mick Garris (1988), Kristine Peterson (1991) et Rupert Harvey (1992), toujours avec le concours des frères Chiodo. Stephen Herek, pour sa part, entrera  dans la cour des grands en réalisant notamment un très hollywoodien Les Trois Mousquetaires, la version live des 101 Dalmatiens ou le très remarqué Professeur Holland avec Richard Dreyfuss.

 

© Gilles Penso

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CYPHER (2002)

Après Cube, Vincenzo Natali se lance dans un récit d'espionnage futuriste qui questionne la déshumanisation et la quête d'identité

CYPHER

2002 – USA

Réalisé par Vincenzo Natali

Avec Jeremy Northam, Lucy Liu, Nigel Bennett, Tomothy Webber, David Hewlett, Kari Matchett, Anne Marie Scheffler 

THEMA ESPIONNAGE ET SCIENCE-FICTION I FUTUR

Après le coup de maître de Cube, Vincenzo Natali persiste dans la voie du fantastique conceptuel avec cet étrange Cypher qui se situe dans un futur indéterminé. C’est l’occasion pour le jeune cinéaste de retrouver certains membres clefs de son équipe précédente, notamment la chef décoratrice Jasna Stefanovic et le chef opérateur Derek Rogers. Morgan Sullivan (Jeremy Northam) est le protagoniste de Cypher. Pour échapper à sa monotone vie banlieusarde, il accepte de devenir espion industriel pour le compte de la compagnie Digicorp Technologies. Sa mission consiste à se rendre sous l’identité de Jack Thursby au sein de diverses conventions autour des Etats-Unis et d’enregistrer tout ce qui se dit à l’aide d’un stylo émetteur. Sur son chemin, il rencontre une belle inconnue, Rita Foster, (Lucy Liu) qui l’incite à ne pas se fier aux apparences. Elle lui affirme que toutes les conférences auxquelles il assiste ne sont que des façades destinées à laver le cerveau de ceux qui y assistent afin de les doter d’autres identités. Pour sauver sa peau, Sullivan va devoir faire croire à ses supérieurs que leur manipulation a fonctionné. Mais Rita dit-elle la vérité ?

Une fois de plus, Natali cisèle sa mise en scène avec la minutie d’un orfèvre, confirme son goût pour les designs épurés et révèle de véritables dons d’esthète. L’univers rétro-futuriste épuré de Cypher semble avoir été inspiré au réalisateur et son équipe artistique par 2001 l’Odysée de l’Espace, l’un de ses films de chevet. Certains plans, et notamment ceux du début du film, sont de magnifiques tableaux quasi-surréalistes, nimbés d’une photographie presque monochrome rendant un hommage manifeste aux films noirs. Hommage que confirme le personnage de Rita, femme fatale archétypique dont la première rencontre avec le héros est soulignée par une partition jazzy de Michael Andrews. Mais la suite du film n’est pas à la hauteur de ce démarrage prometteur. Car le scénario s’efforce alors systématiquement de créer un coup de théâtre toutes les vingt minutes autour des interrogations “qui suis-je vraiment ?“ et “qui manipule qui ?“, jusqu’à ce que le spectateur perde un peu le fil de l’histoire et que son intérêt ne s’émousse malgré plusieurs scènes de suspense remarquablement mises en scène.

L'ombre d'Alfred Hitchcock

Admirateur manifeste d’Alfred Hitchcock, Natali semble avoir voulu rendre hommage à La Mort aux Trousses, à travers son espion à la double identité manipulé par des autorités qui le dépassent. Mais d’autres films viennent à l’esprit en cours de route, notamment MatrixDark CityTotal Recall et Mission Impossible, ôtant peu à peu toute l’originalité d’un script qui, à force de vouloir surprendre, sombre au contraire dans la convention et le lieu commun. Dommage, car Vincenzo Natali semblait vouloir dénoncer avec pertinence la déshumanisation qui gagne peu à peu toutes les grandes villes du monde. « Avec Cypher, j’avais les romans de Philip K. Dick en tête, et ce sont ses thématiques clefs que j’ai tenté de développer », raconte le réalisateur. « A l’époque, aucun de ses livres n’avait été adapté en respectant l’essence de son propos, même si je considère Blade Runner comme un chef d’œuvre absolu. C’était donc une manière, pour moi, de rendre hommage à cet immense écrivain. »  (1)

 

(1) Propos recueillis par votre serviteur en février 2010

© Gilles Penso

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LE FILS DE FRANKENSTEIN (1939)

Ce troisième épisode des aventures du Monstre de Frankenstein incarné par Boris Karloff s'oriente vers une intrigue volontiers rocambolesque

SON OF FRANKENSTEIN

1939 – USA

Réalisé par Rowland V. Lee

Avec Boris Karloff, Basil Rathbone, Bela Lugosi, Lionel Atwill, Josephine Hutchinson, Donnie Dunagan, Emma Dunn 

THEMA FRANKENSTEIN I SAGA UNIVERSAL MONSTERS

Après les deux chefs d’œuvre qu’elle consacra au mythe de Frankenstein, la compagnie Universal produisit Le Fils de Frankenstein, dans le but très pragmatique d’exploiter un filon particulièrement rémunérateur. Mais ce troisième épisode dépasse largement son statut de séquelle servile pour s’ériger en nouveau classique du genre. La tonalité a changé et le monstre, survivant miraculeux de l’explosion du laboratoire de Frankenstein, est redevenu un automate muet. L’empathie envers cette triste créature ne passe donc plus par les dialogues, si laconiques soient-ils, mais à nouveau par la pantomime balourde et l’expressivité douloureuse de Boris Karloff. Même s’il ne s’élève pas au niveau du diptyque de James Whale, Le Fils de Frankenstein demeure un spectacle foncièrement distrayant, assorti de décors somptueux et d’une très belle photographie en noir et blanc, dans la droite lignée des influences expressionnistes du premier film de la série. Il fut pourtant question de tourner cette séquelle en Technicolor à l’origine, mais les tests sur le maquillage de Jack Pierce s’avérèrent peu convaincants (Boris Karloff se retrouvait affublé d’un visage verdâtre du plus curieux effet).

Succédant à James Whale, Rowland V. Lee, vétéran du cinéma d’aventure des années vingt, assure une mise en scène efficace et élégante. Ici, Basil Rathbone, habitué au rôle de Sherlock Holmes, incarne Wolf Von Frankenstein, le fils du célèbre savant qui donna vie au monstre. Il débarque d’Amérique en compagnie de sa femme et de son enfant dans le village où son père vécut, afin de prendre possession du château familial qui lui a été légué. Mais les villageois se montrent très hostiles. En effet, personne n’a oublié la créature qui dévasta le village vingt-cinq ans plus tôt, même si ce Frankenstein, apparemment guère piqué par le virus de la science, semble être un homme affable et équilibré. Un jour, Wolf visite le laboratoire de son père et y rencontre Ygor, le serviteur de ce dernier qui fut pendu pour profanation de sépulture mais survécut à sa peine (d’où un cou tordu, une voix rauque et un port de tête franchement étrange). On note que cet étrange et hirsute subalterne est incarné par Bela Lugosi, celui-là même qui fut Dracula en 1931 et qui refusa le rôle du monstre de Frankenstein.

La fin d'une trilogie

Ygor montre au baron le corps inanimé mais toujours vivant de la créature. Effrayé puis progressivement fasciné, Wolf décide de poursuivre les travaux de son père et réussit à ranimer le monstre. Mais il semble qu’Ygor ait une grande influence sur la créature qui lui obéit servilement. L’ancien pendu en profitera pour la faire tuer les hommes qui jadis le condamnèrent, et c’est Wolf qui se trouve accusé des crimes. C’est alors qu’intervient l’inspecteur Krogh, un méticuleux policier affublé d’un bras en bois qu’incarne avec beaucoup de saveur Lionel Atwill… Même si la saga Frankenstein se poursuivit au-delà du Fils de Frankenstein, le film de Rowland V. Lee clôt une trilogie, dans la mesure où ce sera la dernière fois que Boris Karloff interprètera le monstre (si l’on excepte une ultime apparition déguisée en forme de clin d’œil dans un épisode de la série Route 66). 

 

© Gilles Penso

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