LE 7ème VOYAGE DE SINBAD (1958)

Les 1001 Nuits ne pouvaient rêver plus belle transposition à l'écran, portée par le fabuleux bestiaire de Ray Harryhausen

THE 7TH VOYAGE OF SINBAD

1958 – USA

Réalisé par Nathan Juran

Avec Kerwin Matthews, Kerwin Mathews, Kathryn Grant, Richard Eyer, Torin Thatcher, Alec Mango, Danny Green, Harold Kasket 

THEMA MILLE ET UNE NUITS I DRAGONS I REPTILES ET VOLATILES I SAGA SINBAD

Un squelette vivant qui affronte à coups de sabre un prince des Mille et Une Nuits : c’est par cette image surréaliste que Ray Harryhausen, architecte des effets spéciaux du Monstre des temps perdus et des Soucoupes volantes attaquent, commença à imaginer le projet du 7ème Voyage de Sinbad. L’enjeu était pour lui important : échapper à la routine des films de monstres lâchés dans la civilisation pour s’immerger dans la fantaisie mythologique. Le héros du titre s’apprête à épouser la jolie princesse Parisa, une union qui aura le grand mérite de seller la paix entre les villes ennemies de Chandra et Bagdad. Mais pour récupérer sa lampe merveilleuse, le magicien Sokurah veut entraîner Sinbad sur l’île des Cyclopes, en réduisant Parisa au dixième de sa taille…

Depuis le magnifique Voleur de Bagdad de Ludwig Berger, jamais les contes de Mille et Une Nuits ne furent si flamboyants à l’écran. Les trucages d’Harryhausen s’adaptent à merveille à cette féerie généreuse en créatures inoubliables : une femme serpent qui annonce la Méduse du Choc des Titans un gigantesque oiseau Roc bicéphale et son « poussin », un superbe dragon quadrupède enchaîné à une grotte, et bien sûr les fameux cyclopes, entrés au panthéon des plus beaux monstres de l’histoire du cinéma fantastique. La morphologie composite de ces géants cornus à l’œil unique et aux pattes de bouc le dispute à leur férocité, ainsi qu’à leur capacité à véhiculer les influences littéraires et cinématographiques de leur créateur. Car si la capture des hommes de Sinbad par l’un de ces colosses évoque Homère, le combat final qui oppose le dragon et le cyclope nous renvoie illico à l’une des séquences les plus célèbres de King Kong. La scène d’anthologie du film demeure cependant la fameuse lutte de Sinbad contre un squelette armé d’une épée. Bernard Herrmann compose pour cette trépidante séquence un concerto pour castagnettes et xylophone, partiellement inspiré par « La Danse Macabre » de Saint-Saëns. L’ombre des classiques plane d’ailleurs souvent sur la magnifique partition du 7ème Voyage de Sinbad, notamment les tonalités orientales de la « Danse Arabe » du « Casse-Noisettes » de Tchaïkovsky qu’évoque le thème de Bagdad, ou « Le Sacre du Printemps » de Stravinsky dont on retrouve les attaques inquiétantes à chaque manifestation des pouvoirs magiques de Sokurah.

« Du pays au-delà de l'au-delà… »

A plus d’une reprise, le film plonge dans une naïveté trop pleine de charme désuet pour ne pas séduire. C’est par exemple le cas lorsque la princesse Parisa glisse à l’intérieur de la lampe magique où elle rencontre le petit génie. Assez curieusement, le film marcha partout sauf en Angleterre, où une censure apparemment très pudibonde refusa l’entrée aux enfants de moins de seize ans non accompagnés d’un adulte, sous prétexte que le squelette et le dragon étaient trop effrayants ! Cette œuvre enchanteresse restera dans les mémoires comme l’un des “must” du magicien Ray Harryhausen. « Le 7ème Voyage de Sinbad a coûté environ 650 000 dollars », nous révèle-t-il. « Ce n’est rien ! Il a rapporté des millions à la Columbia. Financièrement parlant, c’est notre plus gros succès. »  (1)

(1) Propos recueillis par votre serviteur en février 2004. 

© Gilles Penso 

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MANIAC (2012)

Le producteur Alexandre Aja et le réalisateur Franck Khalfoun revisitent le classique de William Lustig en offrant le rôle du psychopathe à Elijah Wood

MANIAC

2012 – FRANCE / USA

Réalisé par Franck Khalfoun

Avec Elijah Wood, Liane Balaban, Nora Arnezeder, America Olivo, Genevieve Alexandra, Sammi Rotibi

THEMA TUEURS

Pas courant qu’un classique de l’horreur poisseuse des années 80 fasse l’objet d’un remake à l’étranger, hors USA. En l’occurrence le Maniac orchestré en 1980 par William Lustig et Joe Spinell, portrait d’un serial killer sous l’emprise de sa mère dans le New York d’avant le grand ménage de Rudy Giuliani. Et ce sont des Français qui tirent les ficelles du Maniac millésimé 2012 : Thomas Langmann en tant que principal producteur, Alexandre Aja et Grégory Levasseur au scénario, Franck Khalfoun (Deuxième sous-sol) à la réalisation… Par contre, c’est bien un Américain qui incarne le tueur en série Frank Zito : Elijah Wood en personne ! Oui, le Frodon de la trilogie du Seigneur des Anneaux. Un individu excessivement « normal » en regard de Joe Spinel dont la grande taille, la bedaine, les cheveux longs et gras, la peau grêlée et la cinquantaine bien sonnée installaient immédiatement le personnage. Courageux d’avoir confié le rôle à un comédien nettement plus jeune, nettement plus petit, nettement moins menaçant. Visiblement, en dépit du risque de rebuter ses fans à interpréter un assassin impuissant, hanté par le souvenir de sa mère nymphomane, Elijah Wood avait urgemment besoin de ce nouvel contre-emploi (après Sin City) pour relancer sa carrière, prouver qu’il est capable de jouer autre chose que les Hobbits. Louable, mais cela suffit-il ?

Oui, tant qu’il n’apparaît pas à l’image car, pendant plus d’une trentaine de minutes, l’ex-Frodon montre à peine son visage, sinon par des reflets. Le bénéfice d’une action filmée de son point de vue, en caméra subjective. Un procédé efficace qui, immédiatement, fait du Maniac 2012 autre chose que le banal remake du Maniac 1980. Du moins tant que le réalisateur l’emploie. Brutalement, au terme de la poursuite dans le métro puis du meurtre en surface, la caméra virevolte, se braque dans la direction opposée, sur Elijah Wood. Une raison à cela ? Aucune, sinon l’évidente nécessité de justifier la présence de l’acteur en tête d’affiche. Du coup, Maniac en prend un sacré coup. Le soufflé retombe et, en dépit des modifications apportées au script originel, la routine prend le dessus. Certes, ce Maniac-là bénéficie de moyens largement supérieurs à ceux de son modèle. Certes, les meurtres avec scalps sont bien abominables, soutenus par des effets spéciaux aussi réalistes que possible. Par contre, dès que l’objectif de la caméra se repositionne, le film ne retrouve pas la dynamique, l’oppressante tension de sa première partie.

Frodon en tueur amateur de scalps

Dans la peau de Frank Zito, désormais héritier d’une boutique de mannequins vintages qui attirent l’attention d’une jolie photographe française, Elijah Wood peine dès lors à s’imposer, à constituer un danger palpable.  Rien n’y fait, pas même la surenchère dans l’horreur, de beaux et grands décors, de la tôle froissée. Le grand luxe en contradiction avec les bouts de ficelle de l’original. D’ailleurs, son réalisateur, William Lustig, pointe à nouveau au générique, parmi les nombreux producteurs. Un poste purement honorifique, l’implication de l’intéressé dans le projet se résumant à l’encaissement d’un chèque contre la cession des droits. Bilan : un film inégal, sans complexe dans l’horreur, un remake qui ne s’imposait pas vraiment, sinon pour souligner que les temps ont bien changé. En 1980, Maniac était diffusé au Marché du Film du Festival de Cannes, dans l’indifférence générale, à l’exception des acheteurs potentiels et des amateurs du genre. En 2012, son remake bénéficie d’une projection dans le cadre de la Section Officielle, avec smokings, montée de marche et tapis rouge. Une consécration pour les uns. De la pure récup’ pour les autres.

 

© Marc Toullec

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LA RIPOSTE DE L’HOMME ARAIGNEE (1978)

Tout aussi navrant que son prédécesseur, ce second Spider-Man des années 70 est le remontage des deux premiers épisodes d'une série aujourd'hui tombée dans l'oubli

SPIDER-MAN STRIKES BACK

1978 – USA

Réalisé par Ron Satlof

Avec Nicholas Hammond, Michael Pataki, Robert F. Simon, Chip Fields, Joanna Cameron

THEMA SUPER-HEROS I ARAIGNÉES I SAGA SPIDER-MAN I MARVEL

Malgré sa médiocrité spectaculaire, le téléfilm L’Homme-Araignée, pilote d’une série tombée dans l’oubli, connut un certain succès lors de sa sortie européenne dans les salles de cinéma, probablement parce que le super-héros rouge et bleu était à l’époque le chouchou des jeunes spectateurs du vieux continent bercés par le dessin animé des années 60 (diffusé en France en 1977) et par le magazine français Strange qui traduisait ses aventures. D’où l’idée d’en bricoler une séquelle en assemblant les deux premiers épisodes de la première saison : « The Deadly Dust » 1ère et 2ème partie. Au cours du prologue, notre fier justicier sauve une fille décidée à se jeter du haut d’un immeuble après une déception amoureuse. La panoplie du super-héros est toujours aussi peu seyante (elle plisse de partout, les coutures sont apparentes) et les gesticulations de son interprète n’ont rien perdu de leur aspect risible (le malheureux, apparemment aveugle sous le masque rouge, bondit sur les toits comme un cabri et se déplace avec les mimiques d’un enfant qui jouerait à colin-maillard !). Son alter-ego Peter Parker, avec ses pantalons patte d’eph et sa coupe de cheveux seventies, n’est pas beaucoup plus crédible, d’autant que son interprète Nicholas Hammond est à peu près aussi charismatique qu’un cendrier en rotin.

Photographe pour un Monsieur Jameson aux allures de Pierre Bellemare et éternel étudiant en sciences, il s’offusque lorsque l’un de ses professeurs déclare que l’université a fait l’acquisition de plutonium pour se livrer à des expériences. Peter entrevoit le danger, et il a bien raison, car trois de ses camarades décident de voler ce plutonium pour fabriquer une bombe. Son sixième sens s’active aussitôt. Ses yeux deviennent lumineux et des visions en infrarouge lui permettent de prévoir le futur proche. Les scénaristes semblent aussi peu concernés que les comédiens, malgré l’ébauche d’un dialogue intéressant entre Peter Parker et la belle journaliste Gail Hoffman au sujet de la responsabilité engendrée par les super-pouvoirs, de la double-identité et des mensonges qu’elle implique. Crédité au générique comme consultant, Stan Lee a probablement mis son grain de sel dans la séquence en question. Le reste du temps, le génial auteur semble s’être totalement désintéressé du projet.

Des scènes de combat laborieuses

Le spectateur assiste alors médusé à des scènes de combats laborieuses, l’une sur un toit, l’autre dans un décor de western. Tous les coups sont portés à côté, le montage abuse de jump-cuts pour dynamiser les actions, les sauts sont filmés à l’envers, l’un des méchants se prend pour Bruce Lee… Quant au grand super-vilain, il vit dans une luxueuse résidence emplie de filles en bikini, s’habille en blanc, arbore des cheveux blancs, et s’appelle… Mister White ! Le film s’achève sur un climax mixant des cascades de foire et des trucages optiques horribles dans lequel Spidey s’accroche à un hélicoptère pour éviter une explosion nucléaire en plein New York ! Le super-héros continuera ses piètres exploits télévisés sur CBS, avant que la compagnie Toei n’en fasse la vedette d’une série improbable l’opposant à une belle brochette de monstres en caoutchouc !

© Gilles Penso

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L’EMPRISE DES TENEBRES (1987)

Le film le plus effrayant de Wes Craven prend ses racines à Haïti, terre des pratiques vaudou et source du mythe des zombies

THE SERPENT AND THE RAINBOW

1987 – USA

Réalisé par Wes Craven

Avec Bill Pullman, Cathy Tyson, Zakes Mokae, Paul Winfield, Brent Jennings, Conrad Roberts, Badja Djola, Theresa Merritt

THEMA ZOMBIES I SAGA WES CRAVEN

Suite au colossal succès des Griffes de la nuit, Wes Craven semblait un peu à cours d’inspiration, enchaînant les téléfilms sans saveur (Chiller), les séquelles superflues (La Colline a des yeux 2) et les contes de science-fiction sympathiques mais un tantinet anecdotiques (L’Amie mortelle). D’où un ressaisissement spectaculaire avec L’Emprise des ténèbres, qui revisite d’une manière inédite le thème du zombie. Le parti pris de Craven consiste à traiter la thématique sous l’angle le plus réaliste possible. Le film propose donc un retour aux sources de la pratique vaudou, un argument scientifique liée aux drogues hallucinogènes, et surtout l’implantation du récit au sein d’événements politiques véridiques, un fait plutôt rare en matière de cinéma fantastique. « Tout est parti d’une histoire vraie survenue à Haïti », nous raconte Wes Craven. « Un homme avait succombé d’un seul coup à une étrange maladie. Sept jours après ses funérailles, on le revit bien vivant, déambulant dans les rues comme un zombie ! Il semblait parfaitement conscient, mais incapable de parler, et son rythme cardiaque était très lent. Une grande compagnie pharmaceutique demanda alors Wade Davis, un jeune ethno-botaniste, de partir enquêter sur place. » (1) Davis tira un livre de son expérience, que Craven romança pour les besoins de L’Emprise des ténèbres.

Bill Pullman incarne ici le scientifique – rebaptisé Dennis Allan – envoyé à Haïti pour percer le secret de la poudre qui permet de ramener les morts à l’état de zombies. Il découvre bien vite que ce produit existe bel et bien, qu’il se monnaie cher, et qu’il sert à punir les indésirables, ralentissant le métabolisme humain jusqu’à une illusion parfaite de la mort, entraînant des funérailles prématurées, puis des résurrections surnaturelles. Au cours de ses investigations, Allen découvre également la puissance des « tontons macroutes ». Le chef de ceux-ci, Dargent Peytraud (Zakes Mokae), n’hésite pas à faire appel aux forces occultes pour parvenir à ses fins. Bien qu’imaginaire, ce détestable personnage s’inspire évidemment du dictateur François Duvalier qui régna sur Haïti pendant quinze ans.

Une épouvante crédible et palpable

Lorsque les enquêtes d’Allan commencent à le déranger sérieusement, Peytraud le fait arrêter par la police locale, le torture (au cours d’une séquence franchement éprouvante), puis le fait enterrer vivant en compagnie d’une énorme tarentule ! Échappant de justesse à une mort abominable, l’anthropologue rentre chez lui, sérieusement ébranlé dans ses croyances et ses certitudes. Bien vite, de terrifiantes hallucinations viennent le hanter, notamment lors d’une mémorable séquence de dîner mondain où une main de mort-vivant surgit de sa soupe pour l’attaquer avant que tous les convives ne soient soudain frappés de folie meurtrière. Nimbé d’une épouvante autant crédible que palpable, L’Emprise des ténèbres demeure à ce jour l’un des films les plus originaux et les plus marquants de son réalisateur, laissant dans son sillage des souvenirs macabres surréalistes, comme ce cercueil-prison s’emplissant de litres de sang, ou cette morte-vivante en robe de mariée aux bras démesurés surgissant régulièrement tout au long du récit.

(1) Propos recueillis par votre serviteur en octobre 2005

 

© Gilles Penso

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LOOPER (2012)

Rian Johnson révélait son talent au grand public avec cet ambitieux récit de voyage dans le temps mettant en scène Bruce Willis face à son alter-ego plus jeune

LOOPER

2012 – USA

Réalisé par Rian Johnson

Avec Joseph Gordon-Levitt, Bruce Willis, Emily Blunt, Jeff Daniels, Piper Perabo, Paul Dano

THEMA VOYAGES DANS LE TEMPS I FUTUR

La science-fiction ne réussit finalement pas si mal à Bruce Willis. Après tout de même Le Cinquième élémentArmageddonL’Armée des 12 singesIncassablePlanète terreur et Clones, juste avant le deuxième G.I. Joe, l’acteur récidive dans le genre avec Looper. Le terme « Looper » désigne en 2042 des tueurs, ou plutôt des exécuteurs, chargés de remplir des contrats bien particuliers. Ponctuels, ils se rendent sur un site strictement défini et attendent que leur victime tombe littéralement du ciel, bien ficelée, un sac sur la tête. Ne leur reste plus qu’à appuyer immédiatement sur la gâchette et ensuite jeter le cadavre dans un four crématoire. En réalité, les « paquets » arrivent non pas des cieux, mais du futur, de 2072. Si la pratique des voyages dans le temps est interdite en 2072, les mafias, toutes puissantes, n’en tiennent pas compte ; elles trouvent pratique d’envoyer dans le passé ceux qui étaient jadis coulés dans le béton, mitraillés, dissouts dans l’acide. Elles accompagnent les condamnés d’un petit chargement de lingotins d’or ou d’argent. Un business rentable pour les liquidateurs, tueurs prospères dans une Amérique décadente, rongée dans une deuxième Grande Dépression et gangrenée par une violence omniprésente.

L’effrayante et assez crédible toile de fond du film écrit et réalisé par Rian Johnson, auteur en 2008 de la comédie policière Une Arnaque presque parfaite. Rian Johnson possède-t-il la fibre science-fiction ? Suffisamment pour connaître ses classiques et reprendre habilement à son compte le paradoxe temporel des Terminator de James Cameron. Pas un hasard si le principal protagoniste féminin s’appelle Sara ! Une Sara (sans h) qui découvre que son fils adoptif est la cible d’un tueur en provenance du futur (Bruce Willis), version âgée, quoi qu’encore très alerte, d’un looper toujours en activité. Le premier s’étant mis dans le crâne d’éliminer celui qui deviendra un génocidaire et provoquera la femme de sa femme, le second (Joseph Gordon-Levitt, d’Inception et de The Dark Knight Rises) fait tout pour l’en empêcher. Surtout que, à ce stade, le gosse, doué de terrifiants pouvoirs paranormaux, peut encore rentrer dans le droit chemin…

Un individu face à lui-même

Pas évident, scénaristiquement, de rendre clair, limpide, un récit qui, pour l’essentiel, repose sur des contorsions narratives en confrontant un individu à lui-même, à son double plus vieux d’une trentaine d’années. Et, effectivement, Rian Johnson s’y perd parfois, particulièrement dans les dialogues, à expliquer le pourquoi et le comment des choses. Sans doute a-t-il trop misé sur la supposée ressemblance entre Bruce Willis et un Joseph Gordon-Levitt sensiblement maquillé pour l’occasion… Excessivement ambitieuses, leurs scènes communes ne sont certainement pas ce que Looper compte de meilleur. Elles devraient donner le vertige ; elles ne sont que platitude. Dommage car le personnage, à la base un salaud narcissique et accro à la came, se prêtait à une confrontation forte, à un vertigineux examen de conscience. Son film, le réalisateur scénariste le réussit cependant avec davantage de brio dans l’action et le tableau qu’il fait d’une civilisation au bord du chaos. Société où les voitures ne sont que des épaves alimentées par des panneaux solaires, où les flingues des Loopers sont des tromblons d’un autre âge, où tirer dans le dos d’un petit voleur ne suscite aucune émotion auprès des témoins… Non sans un certain humour (entre autres la méchante allusion faite à la déconfiture de la France !) et d’une violence débridée, Looper ne tient certes pas toutes ses promesses, mais celles qu’il tient, il les tient bien.

 

© Marc Toullec

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OFFSPRING (2009)

Le sulfureux écrivain Jack Ketchum adapte lui-même l'un de ses romans et dépeint la sauvagerie humaine la plus crue

OFFSPRING

2009 – CANADA / USA

Réalisé par Andrew van den Outen

Avec Art Hindle, Amy Hargreaves, Taylor Piedmonte, T.J. Graye, Erick Kastel, Kelly Carey, Jessica Butler

THEMA TUEURS I CANNIBALES

The LostThe Girl next doorThe Woman… Tous les films qui partent de romans de Jack Ketchum sentent le soufre et traitent de la violence sans détour. Offspring ne déroge pas à la règle, d’autant que c’est l’écrivain lui-même qui en signe un scénario non pas illustré par Lucky McKee, comme souvent, mais par Andrew van den Houten, auparavant producteur de The Girl next door et ensuite de The Woman. Des complices de la première heure donc, l’un et l’autre partageant la même volonté de taper fort. Et, à titre, Offspring n’y va effectivement pas avec le dos de la cuillère, dans le même registre que La Colline a des Yeux. Là où les sauvages de Wes Craven opèrent loin de tout, dans le désert, ceux de Jack Ketchum sévissent dans une zone plus accessible, le loin d’une côte habitée. Avec sur leurs traces l’ancien shérif du bourg qu’ils ont décimé et plusieurs flics, ils s’attaquent à une famille. Ils en enlèvent les femmes, éviscèrent le mari. Une scène parmi les plus dures d’un film qui multiplie les sévices, soucieux de montrer ce que les autres censurent généralement.

Ici, pas question de ménager les âmes sensibles. Ça commence par un bébé mort dans un sac plastique et ça s’achève par un gamin tué d’un coup de hache par un autre gosse. Car on tue beaucoup dans Offspring ; le sang gicle, les crânes explosent, les visages rotissent dans le feu, la chair humaine mijote dans les marmites, un bébé vorace tire sans ménagement sur le sein d’une nourrice malgré elle… Et pour cause ; ses sauvages sont des cannibales en chasse, tous membres d’une même tribu dont les mœurs paraissent remonter à la plus lointaine préhistoire. D’ailleurs, ne vivent-ils pas dans une grotte ? Regrettable que le scénario ne fasse que les esquisser, n’en révèle pas davantage à leur sujet. Volontairement avares d’informations, Andrew van den Houten et Jack Ketchum s’attachent à peine à la personnalité du chef, une féroce matriarche qui tient un homme en laisse…

Une auto-trahison

En adaptant lui-même son roman, le second l’allège pour beaucoup de son contenu, se concentrant sur les aspects les plus graphiques de la traque et de la chasse. Pas loin d’être de constituer un geste d’auto trahison selon beaucoup de lecteurs. Andrew van den Houten et Jack Ketchum auraient-ils gagné à lever à peu plus le coin du voile ? Certainement, de même qu’ils auraient bénéficié d’un développement plus substantiel de la personnalité des victimes. Notamment celle du mari veule, qui se range pratiquement du côté des agresseurs quand les sauvages entreprennent de charcuter sa femme, portant sur leurs dents un rattelier fabriqué à partir de cannettes ! Si, derrière la caméra, Lucky McKee ou le Gregory Wilson de The Girl next door se font regretter, Andrew van den Houten se montre assez capable dans l’ensemble, prenant le parti d’une réalisation d’abord neutre, effacée. Appelé en renfort, Douglas Buck (oui, celui du triste remake de Sœur de sang, mais surtout des Family Portaits) serre les boulons au montage. Mais pas trop, de manière à ce que les détails les plus crus fassent leur œuvre, dérangent. Ce qui était bien l’intention de départ, en même temps que d’épier l’explosion du vernis de la civilisation lorsque les circonstances mettent les bonnes manières à rude épreuve. Les instincts basiques, toujours eux.

© Marc Toullec

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CASE DEPART (2011)

Deux demi-frères que tout sépare se retrouvent propulsés dans les Antilles du 18ème siècle…

CASE DÉPART

2011 – FRANCE

Réalisé par Thomas Ngijol, Fabrice Eboué et Lionel Steketee

Avec Fabrice Eboué, Thomas Ngijol, Stefi Celma, Erig Ebouaney, Etienne Chicot, Catherine Hosmalin, David Salles

THEMA VOYAGES DANS LE TEMPS

Lorsque deux humoristes spécialisés dans le stand-up et révélés par le « Jamel Comedy Club » s’attaquent à un premier long-métrage en tant qu’auteurs/réalisateurs et acteurs principaux, leur capacité à maîtriser toutes les facettes d’un média aussi exigeant laisse a priori perplexe. Un sketch et un film ne requièrent évidemment pas le même savoir-faire, comme en témoignent les échecs artistiques de Coco, RRRrrr !!! ou Incontrôlable, pour n’en citer qu’une poignée. Mais les deux compères semblent savoir où ils mettent les pieds. Conscients des difficultés d’adaptation d’un mode d’expression – le spectacle live – à l’autre – le grand écran – ils s’adjoignent les services d’un troisième co-réalisateur aguerri (Lionel Steketee, assistant réalisateur du Pacte des loups et de Fatal) et peuvent ainsi cumuler un certain nombre de défis. Ainsi décident-ils d’aborder frontalement le thème du racisme par le biais d’une reconstitution historique située au cœur des Antilles du 18ème siècle. Pour couronner le tout, ils compliquent la donne en laissant leur scénario reposer sur les mécaniques du voyage dans le temps.

A l’écran, Thomas Ngijol et Fabrice Eboué incarnent Joël et Régis, deux demi-frères qui ne se fréquentent pas et qui ne connaissent quasiment pas leur père. Mais lorsque ce dernier s’apprête à rendre son dernier souffle, ils se rendent en Martinique et peuvent constater en chemin la grandeur du fossé qui les sépare. L’un est intégré dans la société française au point d’occuper un poste d’adjoint au maire et de renier totalement ses origines créoles. L’autre est un chômeur paresseux persuadé que la couleur de sa peau est la cause de tous ses malheurs. Au moment où leur géniteur volage passe l’arme à gauche, ils reçoivent en guise d’héritage un document d’un autre âge qui ne cesse de se transmettre au fil des générations : l’acte d’affranchissement qui a rendu la liberté à leurs ancêtres esclaves. Passablement déçus, ils le déchirent et l’éparpillent aux quatre vents. Ce geste n’est pas sans conséquence. Car ils s’assoupissent aussitôt dans les volutes de fumées soufflées par une étrange vieille tante qui les observe, et se réveillent dans un champ inconnu. Propulsés dans les Antilles de 1780, ils sont aussitôt capturés et vendus comme esclaves sur le marché.

Le racisme vu sous un angle inattendu

Certes, la légèreté avec laquelle est traité le prétexte à ce voyage dans le temps peut légitimement frustrer les fantasticophiles, malgré une manifeste allusion à La Planète des singes lorsque nos héros croisent un homme traqué comme une bête au milieu d’un champ par des cavaliers d’un autre âge. Mais le décalage entre les préoccupations quotidiennes de nos deux exilés et la condition du peuple noir dans les Antilles esclavagistes du 18ème siècle permet d’aborder le thème du racisme sous un angle inattendu, avec un recul et une faculté de relativisation que n’aurait pas permis une comédie urbaine plus traditionnelle. En ce sens, le projet Case départ est intéressant, même si l’humour y rase souvent les pâquerettes sans toujours éviter les gags graveleux et les écarts de vulgarité superflus. Le film reste anecdotique mais franchement plaisant, à l’image du jeu de mot plutôt malin qui en constitue le titre.

© Gilles Penso

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MEGA MONSTER BATTLE : ULTRA GALAXY (2009)

Une version cinématographique des aventures d'Ultraman, le célèbre super-héros japonais créé dans les années 60

DAIKAIJÛ BATORU : URUTORA GINGA DENSETSU – THE MOVIE

2009 – JAPON

Réalisé par Koichi Sakamoto

Avec Shota Minami, Susumu Kurobe, Kohji Moritsugu, Hiroyuki Konishi, Shunji Igarashi

THEMA SUPER-HEROS

Au milieu des années 60, Eiji Tsuburaya crée pour la télévision un personnage qui fera long feu : Ultraman, le premier (au Japon du moins) dans la catégorie des super héros masqués. Sur l’archipel, sa descendance sera pléthorique. Grâce à l’expérience acquise sur les effets spéciaux des films d’Inoshiro Honda (GodzillaRodanPrisonnières des Martiens…) dont il est le grand orchestrateur, Tsuburaya imagine une galerie absolument délirante de monstres extraterrestres et créatures diverses. Le succès est phénoménal, si important que les producteurs compilent deux ans plus tard des épisodes de la série originale pour en faire un supposé long-métrage de cinéma. Parallèlement à des nouvelles déclinaisons TV, de  vrais films, il y en aura, plus tard. Comme justement ce Mega Monster Battle : Ultra Galaxy dont le script se résume à une belle enfilade de titanesques bagarres.

Le scénario n’en reste pas moins confus pour qui ne connaît pas le cursus d’Ultraman. En résumé, originaires de la planète M-78, Ultraman et ses camarades sont des géants dévoués à la défense de l’univers contre des monstres belliqueux. Alliés à quelques humains, Hayata et l’équipage de son vaisseau spatial, ils affrontent dans Mega Monster Battle un certain Bélial, être maléfique qui, sur le modèle de Dark Vador, fut quelqu’un de bien avant que la facette obscure du Plasma Etincelant ne le fasse basculer dans le camp des méchants. Désormais à la tête d’une armée de craignos monsters (cent affirment les dialogues) et équipé du Giga Battle Nizer (un sceptre hautement énergisant), il entend bien mettre l’univers à ses pieds. Non sans être parvenu à congeler tout M-78, il se heurte à Ultraman et ses troupes, dont un monstre gentil qui, au premier S.O.S., se téléporte grâce au Rayonix sur le lieu des combats. Paroxysme du conflit : Bélial et ses cent créatures formant une entité organique aussi haute qu’une montagne…

Bagarre générale !

Transfuge des Power Rangers, le réalisateur Koichi Sakamoto n’affiche qu’une priorité dans cet Ultraman cinéma : la baston ! Usant à la fois d’effets spéciaux digitaux et de comédiens engoncés dans les bonnes vieilles combinaisons de caoutchouc, il frôle même à ce titre la saturation, l’overdose. Trois minutes de dialogue et c’est reparti pour dix de catch à l’échelle de l’univers. Grandiose pour les initiés, kitchissime pour les néophytes ! Nourri d’influences diverses (Star WarsLe Seigneur des Anneaux façon Peter Jackson, la mythologie gréco-romaine, la légende du Roi Arthur à l’énoncé du nom Pendagron…), Mega Monster Battle remplit donc, avec un certain brio et beaucoup de décibels, son contrat d’illustration à grand spectacle d’une franchise vieille de quarante-quatre ans. Le film ayant connu au Japon un gros succès, deux autres Ultraman ont suivi au cinéma. Nulle doute que l’archipel nippon célébrera bientôt son demi-siècle de longévité avec un énième avatar !

© Marc Toullec

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ESKALOFRIO (2007)

Un adolescent qui ne supporte pas la lumière du soleil s'isole dans un village reculé où les meurtres s'accumulent…

ESKALOFRIO

2007 – ESPAGNE

Réalisé par Isidro Ortiz

Avec Junio Valverde, Blanca Suarez, Francesc Orella, Jimmy Barnatan, Mar Sodupe, Roberto Enriquez

THEMA VAMPIRES

Tous les bons films fantastiques espagnols ne connaissent pas le fabuleux destin des [Rec] et autre L’Orphelinat, soit une belle diffusion internationale. En France, en dépit de sa sélection dans plusieurs festivals reconnus (Berlin dans la section Panorama, Gérardmer, Neuchâtel…) et des critiques généralement favorables, Eskalofrio file directement à la case TV (l’une des chaînes d’Orange), dans l’indifférence générale, sous un titre déjà utilisé (Frisson), traduction de l’original. Heureusement, une sortie DVD se profile début 2013, chez Antartic Vidéo. Petite séance de rattrapage. Bien, mais ce film-là aurait au moins mérité une petite sortie en salles. Dans un style qui sait ménager des moments de pure angoisse sans sombrer dans l’esbroufe, Isidro Ortiz (Fausto 5.0) y fait d’abord le portrait de Santi, un adolescent à priori comme les autres. Élevé par sa seule mère, une traductrice, Santi présente cependant une caractéristique : il ne peut supporter la lumière du soleil. Pas un enfant lune, mais presque…

Sachant que son état de santé se dégradera grandement dans l’environnement urbain surchauffé de Barcelone, il s’installe dans un village isolé du nord du pays. Encaissé, le bourg ne bénéficie effectivement que d’un ensoleillement minimal. L’occasion d’une existence presque normale pour l’adolescent. Naturellement, son arrivée y  coïncidence avec un premier meurtre sauvage, puis deux. Et tout l’accuse : sa présence sur les lieux, les rumeurs que suscite sa maladie, la peur de l’étranger… Alors que son père réapparaît, que la fille du policier qui enquête s’intéresse à lui, Santi tente de se disculper, de découvrir qui est vraiment le tueur. Une bête féroce ? Un serial killer champêtre ? Un monstre quelconque ? Pas vraiment…

Les ombres de la forêt

Habile, classique et bien charpenté le scénario d’Eskalofrio. Isidro Ortiz en exploite efficacement le meilleur : des personnages bien cernés, une montée graduelle de la tension, une révélation finale assez surprenante… Mais, s’il y a quelque chose que le réalisateur aime à filmer, cadrer et éclairer, c’est bien la forêt. Une forêt dense et ombragée de contes de fée, superbe et inquiétante dont le chef opérateur Josep Civit (Angoisse de Bigas Luna, déjà…) capte toutes les nuances de lumière, la profondeur, l’étendue et la topographie. Un travail remarquable au service d’une esthétique cependant sobre, jamais tentée par les grosses combines plastiques du fantastique ordinaire. Aucun halo de lumière bleue dans Eskalofrio ; les nuits y sont noires, profondes et seuls la lueur faible de la lune, les phares des voitures ainsi que le faisceau des lampes torches en percent l’obscurité impénétrable, propice à toutes les présences… Un choix pour beaucoup dans l’atmosphère de peur tangible, palpable qui se dégage des images. Certes modeste dans ses intentions, mais maîtrisé, réellement effrayant à l’occasion de deux ou trois scènes particulièrement réussies, Eskalofrio vaut largement de sortir de l’anonymat dans lequel il est enfermé depuis cinq ans.

 

© Marc Toullec

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DE LA TERRE A LA LUNE (1958)

Byron Haskin adapte l'un des premiers romans de science-fiction de l'histoire de la littérature, œuvre d'un Jules Verne visionnaire

FROM THE EARTH TO THE MOON

1958 – USA

Réalisé par Byron Haskin

Avec Joseph Cotten, George Sanders, Debra Paget, Don Dubbins, Patric Knowles, Carl Esmond, Henry Daniell, Melville Cooper 

THEMA SPACE OPERA

En 1865, Jules Verne donne à la science-fiction littéraire son véritable coup d’envoi avec « De la Terre à la Lune », imaginant le lancement d’une capsule spatiale depuis une base située en Floride… plus de cent ans avant l’envol de la mission Apollo 11 depuis Cap Canaveral ! Georges Méliès s’inspirera de l’aspect le plus loufoque de cette aventure pour Le Voyage dans la Lune, mais c’est à la fin des années 50 que le cinéma s’intéresse « sérieusement » à ce roman séminal, profitant du succès mondial d’une autre adaptation de Jules Verne, le somptueux 20 000 Lieues sous les mers de Richard Fleischer.Alors que la guerre de Sécession vient de s’achever, le fabricant d’armes Victor Barbicane (Joseph Cotten) réunit ses plus prestigieux confrères pour leur proposer une alternative à la période de vaches maigres qui s’annonce. Il s’agit de la puissance X, un redoutable explosif de son invention qui serait capable d’anéantir des cités entières. Sa théorie est la suivante : si chaque nation du monde acquiert une arme aussi redoutable, la menace d’une destruction planétaire évitera tout conflit. Farouche concurrent de Barbicane, Stuyvesant Nicholl (George Sanders) crie à qui veut l’entendre qu’un tel projet est l’œuvre du Diable en personne. Lorsque le Président des Etats-Unis lui-même s’interpose, Barbicane se voit contraint de changer ses plans. Il utilisera la puissance X non comme arme mais comme propulseur d’une capsule en partance vers la Lune.

De la Terre à la Lune est clairement scindé en deux parties. Celle qui précède le voyage est ancrée dans un réalisme historique non dénué d’images d’Epinal. La bande originale y joue volontiers la carte de la symbolique, avec une emphatique reprise de « Glory Alleluya » dès qu’il est fait allusion à la Maison Blanche, ou les accords enjouées de « Oh Suzannah » lorsque les plans larges nous révèlent une plaine de l’Ouest en pleine expansion. La seconde partie du film, quant à elle, bascule dans un délicieux univers de science-fiction steampunk avant la lettre. Les décors y sont bardés de rivets à la Gustave Eiffel, les trois astronautes s’équipent d’uniformes d’officiers de la Navy, et la bande son réutilise les célèbres bruitages de Planète interdite.

Plus important que les faits : l'imagination

Réalisateur de La Guerre des mondes, Byron Haskin exploite avec talent les possibilités visuelles du Technicolor et s’appuyant sur des effets visuels tantôt très convaincants (la foule massée au pied de la fusée), parfois plus maladroits (la maquette de la capsule qui crachote des étincelles devant un fond spatial rudimentaire). Selon un principe courant, le texte initial, jugé trop masculin, est remanié afin d’intégrer un joli minois, en l’occurrence celui de Debra Paget dans le rôle de Virginia, la fille de Nicholl qui tombe amoureuse de l’assistant de Barbicane. Cette romance n’apporte pas grand-chose à l’intrigue et en atténue même parfois l’impact. Mais De la Terre à la Lune reste un grand moment de SF à l’ancienne, qui s’achève sur l’apparition savoureuse de Jules Verne en personne (sous les traits de l’acteur Carl Esmond), qui conclue le récit en ces termes : « Je m’intéresse à quelque chose de bien plus important que les faits : l’imagination ».

© Gilles Penso

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