S.O.S. FANTÔMES (1984)

Maintes fois imitée mais jamais égalée, cette comédie fantastique a su combiner l'alchimie d'une brochette de comédiens en état de grâce et d'un concept joyeusement délirant

GHOSTBUSTERS

1984 – USA

Réalisé par Ivan Reitman

Avec Bill Murray, Dan Aykroyd, Sigourney Weaver, Harold Ramis, Rick Moranis, Annie Potts, Ernie Hudson, William Atherton

THEMA FANTÔMES I SAGA S.O.S. FANTÔMES

Initialement, Ghostbusters devait marquer les grandes retrouvailles à l’écran de Dan Aykroyd et John Belsuhi, quatre ans après Les Blues Brothers. Mais la mort du second poussa le premier à embarquer dans l’aventure d’autres amis comiques, en l’occurrence Bill Murray et Harold Ramis. La première version du script se déroulait dans un futur fantaisiste, mais après qu’Ivan Reitman ait revu le budget à la baisse, Aykroyd et Ramis concoctèrent finalement un scénario situé dans le New York des années 80. Trois étudiants attardés, convaincus de l’existence de phénomènes paranormaux, s’y font renvoyer de l’université. Malgré le professionnalisme indiscutable d’Egon Spengler (Ramis), leurs travaux sont difficiles à prendre au sérieux, en particulier ceux de Peter Venkman (Murray) qui a un penchant très prononcé pour le sexe féminin. Tous trois décident alors de fonder avec l’argent de Raymond Stantz (Aykroyd) une agence spécialisée dans la capture des fantômes. Après la capture d’un spectre glouton dans un hôtel, la gloire et l’argent viennent frapper à leur porte, ainsi qu’un quatrième larron qui se joint à l’équipe (Ernie Hudson). Tout serait simple si Peter n’était tombé amoureux de Dana Barrett (Sigourney Weaver), dont l’immeuble donne sur une autre dimension dirigée par la reine Zul. Lorsque le chef du service d’hygiène de New-York oblige nos chasseurs de fantômes à libérer tous les spectres qu’ils ont capturés, ceux-ci envahissent la ville en semant la panique. C’est le signe que Zul attendait pour envahir la terre…

La grande réussite de Ghostbusters repose sur les étincelles provoquées par son trio vedette, Bill Murray crevant tout particulièrement l’écran grâce à son humour pince sans rire et ses répliques absurdes. Mais là où le film surprend, c’est dans son admirable exercice d’équilibrisme entre la comédie et le fantastique, chacun étant traités avec le même soin, à la manière des bons vieux Abbott & Costello des années 40/50. Du coup, entre les nombreux gags qui ponctuent le récit, l’équipe des effets spéciaux de Richard Edlund nous gratifie d’apparitions spectrales très spectaculaires, variante exacerbée des esprits frappeurs de Poltergeist : un squelette grimaçant dans une bibliothèque, un fantôme vert répondant au surnom de « Slimmy », ou encore d’impressionnants Chiens de la Terreur.

Un bibendum qui se prend pour King Kong

« Pour définir le design de ces créatures, j’ai dû retravailler des dessins de Thom Enriquez, eux-mêmes inspirés du monstre ID de Planète Interdite », explique l’animateur Randy Cook. « Selon les plans, il s’agissait de figurines animées image par image ou de marionnettes grandeur nature. Mon souci principal était de m’assurer qu’on ne détecte pas de différence entre les deux techniques, pour éviter les déconvenues que j’avais eues sur The Thing. » (1) Le clou du spectacle est probablement l’intervention d’un bibendum Marshmallow géant, parodiant joyeusement King Kong au cours d’un climax vertigineux. Succès colossal, Ghostbusters entraîna une séquelle, une série animée et une infinité de produits dérivés portant le célèbre logo du fantôme barré dans un panneau de signalisation.

(1) Propos recueillis par votre serviteur en mai 1999

© Gilles Penso

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LA COLERE DES TITANS (2012)

Distrayante mais totalement facultative, cette seconde "modernisation" du classique de Ray Harryhausen ne vaut que pour son bestiaire original

THE WRATH OF THE TITANS

2012 – USA

Réalisé par Jonathan Liebesman

Avec Sam Worthington, Liam Neeson, Ralph Fiennes, Rosamund Pike, Edgar Ramirez, Toby Kebbell, Bill Nighy, Danny Huston 

THEMA MYTHOLOGIE

Le Choc des Titans de Louis Leterrier nous avait laissé une impression plutôt mitigée. Si quelques séquences marquantes surnageaient, notamment le climax et son très impressionnant Kraken, le scénario péchait par manque de finesse, et certains choix artistiques – des faire-valoir pseudo-comiques, un Pégase noir, une Méduse trop numérique pour convaincre, une 3D bricolée à la va-vite – laissaient singulièrement à désirer. Pourtant, les salles se remplirent et le studio Warner mit aussitôt en chantier une suite. Exit Leterrier, place donc à Jonathan Liebesman, dont la filmographie très inégale compte notamment Massacre à la tronçonneuse : le commencement et World Invasion: Battle Los Angeles. Le cahier des charges du cinéaste était pour le moins prometteur, puisqu’il annonçait ce second opus comme un film de monstre mixé avec le Gladiator de Ridley Scott. Alléchant n’est-ce pas ? Pourtant, face au résultat final, la désillusion s’avère cruelle. Les amateurs du Choc des Titans original de Ray Harryhausen et Desmond Davis crient une nouvelle fois à la trahison, les férus de mythologie grecque s’arrachent les cheveux face à une réinterprétation aussi farfelue qu’indigente des grands mythes fondateurs, et les autres se disent que, finalement, le film de Louis Leterrier n’était pas si mal.

Dix ans après avoir vaincu le Kraken, Persée (Sam Worthington, toujours) est devenu un brave pêcheur, père d’un gentil Helios et veuf de la belle Io. Un jour, papa Zeus (Liam Neeson, venu cachetonner sans conviction sous sa fausse barbe) annonce à Persée que rien ne va plus et que si les hommes arrêtent de prier les dieux, ces derniers perdront tous leurs pouvoirs et disparaîtront. Alors, le redoutable Cronos, qui sommeille au fin fond du Tartare, s’éveillera et sèmera le chaos. Bientôt, une créature infernale surgit des tréfonds de la terre et nous laisse espérer que le film va finalement décoller. Car cette superbe chimère bicéphale, mi-chèvre mi-lion, affublée d’un serpent en guise de queue et d’une haleine enflammée, est la vedette d’une séquence de combat extrêmement spectaculaire. Hélas, ce sera le seul vrai morceau de bravoure du film.

La grande foire d'empoigne

Car si d’autres créatures pittoresques pointent le bout de leur nez et semblent se référer ouvertement au bestiaire de Ray Harryhausen (le cheval ailé Pégase, trois cyclopes géants, un minotaure aux allures de démon cornu, des guerriers siamois et bicéphales et enfin le gigantesque et incandescent Cronos), la mise en scène de Liebesman ne sait jamais les mettre en valeur. Batailles illisibles, topographie imprécise, montage épileptique, tous les travers du cinéma d’action mal maîtrisé sont ici de mise. C’est d’autant plus dommage que les studios d’effets spéciaux sollicités par la production (Framestore et The Motion Picture Company en tête) ont effectué un travail par ailleurs remarquable. Cette grande foire d’empoigne où s’agitent des dieux déchus, des guerriers humains et des monstres féroces finit donc par nous laisser indifférent, et nous rappelle que Ray Harryhausen disait vrai lorsqu’il nous affirmait avec un sourire en coin : « On ne peut pas raconter la mythologie grecque avec une explosion toutes les cinq minutes ! »

© Gilles Penso

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TRAUMA (1976)

Talentueux spécialiste de l'épouvante télévisée, Dan Curtis passe au grand écran pour conter une effrayante histoire de maison hantée

BURNT OFFERINGS

1976 – USA

Réalisé par Dan Curtis

Avec Oliver Reed, Karen Black, Bette Davis, Burgess Meredith, Lee Montgomery, Eilen Heckart, Dub Taylor, Joseph Riley

THEMA FANTÔMES

Si Dan Curtis est un grand spécialiste du fantastique et de l’épouvante, ses talents se sont principalement déployés à la télévision. En ce sens, Trauma fait quasiment figure d’exception dans la mesure où il s’agit d’une de ses rares incursions sur le grand écran. S’appuyant sur le roman « Burnt Offerings » écrit en 1973 par Robert Marasco, Curtis démontre une fois de plus la grande efficacité de sa mise en scène sans recourir pour autant au moindre maniérisme, témoin de son expérience télévisuelle le poussant à aller à l’essentiel avec une économie de moyens remarquable. Ben Rolf (ce bon vieux Oliver Reed) et son épouse Marian (Karen Black, enceinte de quatre mois pendant le tournage), mariés depuis maintenant treize ans, viennent passer leurs vacances avec leur fils David (Lee Montgomery) et leur tante Elizabeth (Bette Davis) dans une immense maison étonnamment bon marché. Les propriétaires sont un frère et une sœur bizarres (Burgess Meredith et Eilen Heckart) qui ne leur réclament que 900 dollars pour tout l’été ainsi qu’une clause inhabituelle : servir les repas de leur vieille mère de 85 ans, cloîtrée dans une chambre au dernier étage de la maison. Dès les premières minutes du film, l’étrangeté s’immisce en douceur, notamment à travers la musique de Bob Cobert qui dote le moindre détail d’une touche insolite. Puis les comportements commencent à vaciller.

Tout commence lorsque Ben, en jouant dans la piscine avec David, tente subitement de le noyer, comme s’il était possédé par une force extérieure. Puis ses cauchemars d’enfance viennent le hanter : pendant l’enterrement de sa mère, un corbillard passe, derrière le volant duquel un croque-mort aux yeux cachés derrière des lunettes noires le regarde avec un rictus démoniaque. Marian elle-même commence à agir bizarrement. Apparemment obnubilée par leur mystérieuse hôtesse, elle ne laisse personne d’autre qu’elle s’en occuper et la visiter. Son apparence se met d’ailleurs à changer subtilement. Elle troque bientôt le jean et la chemise des années 70 contre une robe et un châle d’un autre âge, s’éclaire à la bougie, mange avec des couverts en argent… Quant à la tante Elizabeth, elle perd peu à peu toute son énergie, s’épuisant de plus en plus fréquemment.

La maison est vivante !

Un soir, à minuit, les horloges déréglées de la maison se mettent à l’heure toutes seules, et David manque d’être asphyxié par une fuite de gaz dans le chauffage de sa chambre. Plus tard, la mort frappe de plein fouet nos héros. La maison, comme ayant acquis une énergie nouvelle, se débarrasse alors de son écorce et rajeunit de surnaturelle manière. Même la serre, où toutes les plantes étaient en train de pourrir, refleurit soudain miraculeusement. Ben et David tentent bien de s’enfuir, mais les arbres et les plantes s’animent pour les en empêcher… La maison agit ainsi comme une entité propre, une mère possessive qui envoûte ses occupants, les prive d’autonomie, les rend dépendants et les empêche de quitter son giron. S’achevant sur un dénouement choc d’une étonnante brutalité, Trauma est assurément un grand moment d’épouvante.

 

© Gilles Penso

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INVASION LOS ANGELES (1988)

Une pièce maîtresse de la filmographie de John Carpenter qui exprime sa colère contre une société de consommation apathique et conformiste

THEY LIVE !

1988 – USA

Réalisé par John Carpenter

Avec Roddy Piper, keith David, Meg Foster, George Flower, Peter Jason, Raymond St. Jacques, Jason Robards 

THEMA EXTRA-TERRESTRES I SAGA JOHN CARPENTER

Autant le dire tout de suite : avec They Live (traduit n’importe comment en français pour faire écho à New York 1997), John Carpenter est passé à deux doigts du chef d’œuvre. Car son film, en partie inspiré de la nouvelle « Eight o’clock in the morning » de Ray Nelson, repose sur une idée science-fictionnelle absolument géniale. L’argument est d’une simplicité confondante. Fraîchement débarqué à Los Angeles, John Nada, un ouvrier sans le sou, cherche du travail sur un chantier. Squattant dans un bidonville en attendant de pouvoir gagner décemment sa vie, il découvre qu’un petit groupuscule semble organiser une résistance contre quelque chose dont il ignore la nature. Avant qu’il ait pu en savoir plus, une violente descente de police ravage le bidonville et Nada s’enfuit en récupérant un carton que les résistants n’ont pas eu le temps d’emporter avec eux. Lorsqu’il l’ouvre, il y trouve plusieurs paires de lunettes noires. Un peu déconcerté par cette découverte, il chausse une des paires et là, c’est le choc, à la fois pour le héros et le spectateur. Car ces lunettes révèlent le monde tel qu’il est : tout est en noir et blanc, et des messages subliminaux sont disséminés sur les affiches publicitaires, les magazines, les panneaux de signalisation, à la télévision. Ces messages ordonnent aux humains d’obéir, de ne pas remettre en cause l’autorité, de consommer, de rester endormis, de se marier et de se reproduire, de regarder la télé… Les auteurs de ces instructions sont des extra-terrestres infiltrés parmi la population, qui entendent bien asservir la race humaine en se servant de l’argent, de la mode et de la consommation.

Très motivé par son sujet, et désillusionné par les valeurs que défendait à l’époque l’Amérique de Ronald Reagan, John Carpenter signe là l’un de ses films les plus subversifs et réalise quelques séquences de pure anthologie. Mais visiblement trop confiant en ce postulat d’une très grande force, il n’a pas jugé bon de le développer avec rigueur. They Live se traîne donc un peu, et se permet même une assez grotesque scène de bagarre qui dure dix bonnes minutes et qui ne sert à rien d’autre qu’exhiber les talents de catcheur de Roddy Piper, interprète de Nada. « On m’a demandé pourquoi je n’avais pas demandé à Kurt Russell de jouer ce personnage », raconte Carpenter, « mais Kurt est assez petit de taille. Or il me fallait un grand costaud au physique rude et marqué pour incarner Nada » (1).

Le repaire des envahisseurs

Dommage que la découverte du repaire des envahisseurs, point d’orgue du film, manque totalement de crédibilité. Les séquences de téléportation à la Star Trek, notamment, sont pour le moins déplacées dans un contexte par ailleurs réaliste. « John Carpenter m’a demandé de diriger moi-même ces séquences », raconte le superviseur des effets visuels Jim Danforth. « Les téléportations étaient des combinaisons de peintures, d’effets lumineux en dessin animé et de prises de vue sur fond bleu avec les comédiens. » (2) Mais ces scories n’entachent que partiellement l’impact du film, soutenu par une partition de Carpenter judicieusement sommaire, teintée de blues, qui tient sur les trois mêmes accords du début à la fin du métrage.

(1) Propos recueillis par votre serviteur en février 1995

(2) Propos recueillis par votre serviteur en avril 1998

© Gilles Penso 

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DRACULA (1979)

Deux ans après le succès de La Fièvre du samedi soir, John Badham signait l'une des plus belles adaptations du roman de Bram Stoker

DRACULA

1979 – USA

Réalisé par John Badham

Avec Frank Langella, Laurence Olivier, Donald Pleasence, Kate Nelligan, Jan Francis, Trevor Eve, Jamine Duvitski, Tony Haygarth

THEMA DRACULA I VAMPIRES

En 1977, John Badham triomphait grâce au succès planétaire de La Fièvre du samedi soir. Avec son second long-métrage (le premier portait le titre prémonitoire Bingo), ce vétéran de la télévision américaine collectait ainsi près de 240 millions de dollars de recettes et propulsait sa carrière cinématographique. Mais était-ce pour autant le réalisateur idéal pour une nouvelle adaptation du roman de Bram Stoker ? Les détracteurs de John Travolta et des boules à facettes pouvaient légitimement émettre des doutes, mais la magistrale réussite de ce nouveau Dracula tourné en Angleterre a tôt fait de faire taire les inquiets. Tous les choix artistiques de Badham sont en effet de premier ordre : un retour fidèle au texte initial mais aussi à la pièce de Hamilton Deane et John Balderston qui inspira Tod Browning en 1931, une partition envoûtante confiée à John Williams, des effets spéciaux haut de gamme signés Roy Arbogast et Albert Whitlock, et surtout un casting exceptionnel. Dans le rôle-titre, Frank Langella est tout simplement époustouflant. Il faut dire que ce fringuant quadragénaire au regard noir et au charme étrange faisait déjà des merveilles sur les planches dans le rôle du comte vampire. Sans la rondeur blafarde de Bela Lugosi ni les dents acérées de Christopher Lee, Langella campe le plus humain des Dracula, et si son look évoque quelque peu les années disco (la chemise grande ouverte, la coupe de cheveux seventies), l’atemporalité et l’universalité du film n’en pâtissent absolument pas.

Aux côtés de Langella, Laurence Olivier et Donald Pleasence crèvent l’écran, comme à leur habitude, incarnant respectivement Abraham Van Helsing et le docteur Seward. En rédigeant le script avec W.D. Richter (auteur du formidable remake de L’Invasion des profanateurs de sépultures et futur réalisateur du délirant Les Aventures de Buckaroo Banzai dans la 8ème dimension), John Badham s’est efforcé de concilier épouvante, humour et érotisme, et force est de constater qu’il y est parvenu, réalisant tout simplement l’un des meilleurs Dracula jamais portés à l’écran – et aussi accessoirement son meilleur film, malgré toute la sympathie que l’on peut éprouver pour Tonnerre de feuWar Games ou Etroite surveillance

Un vampire insaisissable

Le scénario décrit les actes de séduction vampiriques du comte, s’éprenant de Lucy Seward (Kate Nelligan) et tuant sous sa morsure Mina Van Helsing (Jan Francis). Le père de celle-ci, accompagné du docteur Seward et de Jonathan Harker, fiancé de Lucy, sont dès lors farouchement déterminés à éliminer le monstre. Mais ce dernier s’avère insaisissable, d’autant qu’il a l’étonnante capacité de se transformer en animal la nuit venue. Le climax, qui décrit l’inévitable mise à mort de Dracula, s’avère aussi baroque que ceux du Cauchemar de Dracula et des Maîtresses de Dracula, ce qui n’est pas peu dire ! Le suceur de sang y est hissé par un crochet au mât d’un navire et se décompose bientôt à la lueur brûlante du soleil, provoquant un élan d’empathie inattendu de la part du public. Frank Langella se fera ensuite plus discret (malgré son rôle improbable de Skeletor dans Les Maîtres de l’univers !), ce qui ne l’empêchera pas d’incarner toutes sortes de seconds rôles savoureux à travers des œuvres aussi variées que 1492La Neuvième porte ou Superman Returns.

 

© Gilles Penso

 

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ZARDOZ (1974)

Après Délivrance, John Boorman nous offre cette fable futuriste étrange restée célèbre grâce au slip rouge de Sean Connery !

ZARDOZ

1974 – GB

Réalisé par John Boorman

Avec Sean Connery, Charlotte Rampling, John Alderton, Sara Kestelman, Sally Anne Newton, Niall Buggy

THEMA FUTUR

Galvanisé par le succès de son magistral Délivrance, John Boorman envisagea dans la foulée d’adapter « Le Seigneur des Anneaux » de Tolkien. Le projet n’avançant guère, il se rabattit sur ce récit de science-fiction bizarroïde situé en l’an 2293, après un cataclysme planétaire. Dans ce monde futuriste revenu à une sauvagerie digne de La Planète des singes, les humains se livrent au meurtre et au viol, sous la domination du terrifiant dieu Zardoz. Celui-ci leur apparaît régulièrement sous la forme d’une gigantesque tête volante, déclamant « l’arme est le bien, le pénis est le mal » et crachant à ses adorateurs des centaines de fusils prêts à l’emploi. Zed, l’un des exterminateurs au service de Zardoz, passe ainsi ses journées à tuer et violer son prochain en toute impunité. Sous la défroque de cette brute épaisse, on retrouve Sean Connery qui, trois ans après Les Diamants sont éternels, casse son image d’espion en smoking au profit d’un look pour le moins improbable, à mi-chemin entre le péplum et le western. Le voilà ainsi affublé d’une queue de cheval, d’une grosse moustache, d’un slip rouge et de cartouchières en bandoulière.

Poussé par ses pairs, il décide de percer le mystère de la divinité autoritaire qui les maintient sous son joug et se cache dans la tête barbue de Zardoz. A l’issue d’un long voyage dans les airs, au sein d’un magnifique décor orné de cadavres humains encellophanés, notre barbare atterrit dans un champ et débarque au beau milieu d’un petit groupe d’élus qui vivent éternellement dans la paix, l’opulence… et l’ennui. Tous étaient jadis les riches, les puissants et les savants de notre société. Sentant le monde agoniser, ils se sont retranchés en communauté privilégiée, asservissant le reste de l’humanité en inventant le dieu Zardoz (contraction de « The Wizard of Oz », dans la mesure où ils s’inspirent du célèbre conte de fée pour faire régner la terreur à l’aide d’un masque effrayant).

Un reflet fantasmé de la lutte des classes

Tour à tour affublé des sympathiques surnoms de « brute », « animal » ou « monstre », Zed est admis au sein de cette peuplade nantie, malgré les vives protestations d’une Charlotte Rampling alors à l’apogée de sa glaciale beauté. Il fait office de serviteur, de cobaye, et sert à tromper l’ennui de ces immortels aux allures de dieux grecs efféminés et exagérément précieux trônant dans leurs costumes ridicules sur une sorte de Mont Olympe kitsch. Soucieux de renverser ce régime dictatorial, Zed s’est infiltré parmi eux pour fomenter une révolte intestine. Le sous-texte de Zardoz est donc une satire sociale et un reflet fantasmé de la lutte des classes, le tout étant assorti d’un érotisme timide et champêtre à la David Hamilton. Mais l’ensemble est trop maladroit et conceptuel pour convaincre. Sans compter que les délires psychédéliques du film, typiques du milieu des années 70, tournent un peu en rond et alourdissent considérablement le rythme du film. Quant au final, il prend la forme d’une grotesque séquence élliptique au cours de laquelle les héros se mettent à vieillir en accéléré… Zardoz restera principalement dans les mémoires pour l’image surréaliste de cette tête géante aux allures de dieu Zeus flottant majestueusement dans les airs, une vision qu’on croirait issue de l’imagination fertile d’un Terry Gilliam.

 

© Gilles Penso

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HARLEQUIN (1980)

Un film étrange qui mélange la satire sociale et le fantastique en offrant un rôle ambigu à Robert Powell

HARLEQUIN

1980 – AUSTRALIE

Réalisé par Simon Wincer

Avec Robert Powell, David Hemmings, Broderick Crawford, Carmen Duncan

THEMA POUVOIRS SURNATURELS

Vétéran de la télévision australienne, le réalisateur Simon Wincer signait avec Harlequin son second long-métrage, une œuvre atypique s’efforçant de mêler avec audace la satire politique et la magie. Interprété avec beaucoup de conviction par un David Hemmings dans la force de l’âge (inoubliable héros de Blow Up et des Frissons de l’angoisse), Nick Rast est un sénateur promis à un bel avenir politique. Entouré par plusieurs hommes influents et persuasifs, il ne prend jamais de décision seul, sa carrière suivant une voie tracée par des intérêts qui dépassent sa simple personne. Cet état de fait déborde largement sur sa vie privée, puisqu’il a épousé par intérêt Susan, une fille d’ambassadeur, et qu’ils n’ont eu un enfant, Alex, que pour valoriser l’image de Nick aux yeux du public. Ce cadre familial rigide bascule le jour où Alex est atteint de leucémie. Susan est persuadée qu’il s’agit d’une punition divine, Nick se réfugie dans son travail, et les médecins finissent par baisser les bras, jugeant que le petit garçon est condamné. C’est alors que surgit Gregory Wolfe, un homme mystérieux incarné par Robert Powell, personnification du Christ dans le Jésus de Nazareth de Franco Zeffirelli trois ans plus tôt. Wolfe affirme qu’il est capable de guérir Alex, et effectivement l’enfant va soudain beaucoup mieux, ne présentant bientôt plus aucun symptôme de la maladie.

Le guérisseur entre donc dans le cercle intime des Rast, se met à nouer des liens étroits avec Alex et devient la bête curieuse des grandes réceptions mondaines de la ville. Mais les dents finissent par grincer chez les conseillers de Nick. Ce Gregory Wolfe est-il vraiment un magicien capable de provoquer des miracles, ou plus probablement un vulgaire charlatan usant de la prestidigitation et de l’hypnose pour parvenir à ses fins ? Pour compliquer les choses, Susan finit par tomber sous le charme de l’étrange guérisseur. Le film repose beaucoup sur les épaules de Robert Powell, charismatique, séduisant et mystérieux à souhait. S’amusant du jeu des apparences, son personnage arbore les looks les plus divers, du clown grimaçant au magicien en cape en passant par la grande robe blanche couverte d’amulettes, le smoking impeccable, le déguisement de vieux professeur allemand, le cuir d’une rock star et le traditionnel costume d’arlequin.

« Les anges sont immortels, pas les étoiles filantes »

Ses intentions demeurent floues, tout comme sa véritable identité. Interrogé à ce sujet par Alex qui lui soupçonne une nature angélique, il se contente de répondre : « les anges sont immortels, pas les étoiles filantes ». Car Wolfe sent venir ses derniers jours à grands pas, l’entourage politique de Nick n’hésitant pas à recourir aux méthodes les plus expéditives pour écarter ceux qui entravent ses projets. Le scénario d’Everett de Roche se plaît ainsi à opposer au cynisme adulte des politiciens avides de pouvoir la magie au sens propre, celle dont rêvent les enfants et les poètes.  Mais le rôle de Wolfe demeurera ambigu jusqu’à la fin, de même que l’étendue même de ses pouvoirs, qui dépassent largement le simple cadre de l’illusionnisme. Au service d’un récit surprenant et inhabituel, Simon Wincer signe une mise en scène élégante et efficace, quelque peu entachée par une partition de Brian May qui ne fait pas dans la finesse.

© Gilles Penso

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NUITS DE CAUCHEMAR (1980)

Un film d'horreur gorgé d'humour noir qui éloigne Kevin Connor de ses habituels continents fantastiques

MOTEL HELL

1980 – USA

Réalisé par Kevin Connor

Avec Rory Calhoun, Paul Linke, Nina Axelrod, Nancy Parsons, Wolfman Jack, Elaine Joyce, Monique St. Pierre 

THEMA CANNIBALES

Au milieu des années 70, Kevin Connor s’est spécialisé dans les aventures fantastiques naïves et épiques, aux titres aussi exotiques que Le Sixième continentLes Sept cités d’Atlantis ou Le Trésor de la montagne sacrée. C’est donc non sans surprise qu’on le retrouve aux commandes de ce film d’horreur cynique et cruel qui nous propose une vision du cannibalisme pour le moins inattendue. Le sympathique fermier Vincent Smith (Rory Calhoun, héros du Colosse de Rhodes et de bon nombre de westerns) et sa sœur boulimique Ida (Nancy Parsons, futur personnage récurrent de la série Porky’s) tiennent un motel réputé dans une petite bourgade de l’Amérique profonde. Leur renommée, ils la doivent à une viande fumée unique au monde, dont le goût et le bouquet déplacent les amateurs de toute la région. Mais Vincent et Ida ont un jardin secret… Au sens propre, car il s’agit d’une parcelle de terrain cachée par des barrières imitant la végétation. Là, ils enterrent jusqu’au cou les malheureux visiteurs qui leur tombent sous la main, leur coupent les cordes vocales pour éviter qu’ils ne donnent l’alerte, puis les gavent patiemment en attendant qu’ils soient fin prêts pour se muer en viande fumée ! Depuis quelque trente ans, Vincent passe ainsi une bonne partie de ses nuits à tendre des embuscades aux automobilistes, du traditionnel piège à loups jusqu’aux fausses vaches en plastique grandeur nature…

On le voit, le ton du film est ouvertement celui de la comédie noire, et c’est tant mieux car sans cette distanciation, la vision de l’infortuné bétail humain gémissant d’écœurants borborygmes en attendant une mort prochaine serait proprement insupportable. Fort heureusement, un petit grain de sable va venir enrayer la machiavélique entreprise des Smith : une jeune fille rescapée d’un de leurs pièges, dont Vincent s’éprend peu à peu, et qui va découvrir l’abominable pot aux roses. Certes, Connor s’était déjà frotté à l’horreur à l’occasion du film à sketches Frissons d’outre-tombe, mais ici il dépasse allégrement toutes les audaces. Il faut voir les fermiers hypnotiser gaiement leurs victimes pour que leur mort soient plus douce, ou s’extasier devant leur vaste projet humanitaire, partant du principe qu’il y a trop de monde et pas assez de nourriture sur notre planète.

Le motel de l'enfer

Quant au final, il est carrément dantesque, puisqu’il commence comme une variante de La Nuit des Morts-Vivants, les martyrs aphones s’extrayant de la terre pour réclamer vengeance d’un pas traînant, puis s’achève à la façon d’un remake burlesque de La Guerre des étoiles, les sabres laser se muant ici en tronçonneuses et le casque de Dark vador ayant été troqué contre une tête de cochon ! Massacre à la tronçonneuse est aussi bien sûr en ligne de mire de ce dénouement outrancièrement parodique. Le titre original, qui joue sur les mots « Hell » et « Hello », trouve son écho visuel dans l’enseigne au néon du fameux motel, dont le dernier « o » ne s’allume plus, annonçant implicitement que l’accueil chaleureux des joyeux fermiers dissimule une véritable plongée aux enfers. Le titre français, hélas, se prive de cet astucieux calembour au profit d’un Nuits de cauchemar passe-partout.

 

© Gilles Penso

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ORANGE MECANIQUE (1971)

Trois ans après 2001 l’Odyssée de l’espace, Stanley Kubrick s’ancre sur la terre ferme pour livrer une satire cruelle et sans concession d’une société déshumanisante

A CLOCKWORK ORANGE

1971 – GB

Réalisé par Stanley Kubrick

Avec Malcolm McDowell, Patrick Magee, Michael Bates, Warren Clarke, John Clive, Adrienne Corri, David Prowse 

THEMA MEDECINE EN FOLIE

Après son odyssée spatiale, Stanley Kubrick décide de s’attaquer à un autre projet pharaonique narrant la vie de Napoléon Bonaparte. Mais ce film d’époque ne voit pas le jour, et le cinéaste se plonge alors dans le roman « L’Orange Mécanique » d’Anthony Burgess que lui a glissé le scénariste Terry Southern en espérant en tirer un long-métrage. Peu intéressé à priori par ce récit d’anticipation aux fortes connotations autobiographiques, Kubrick est pourtant happé dès les premières pages et se laisse transporter par la prose surprenante de Burgess. Orange mécanique est donc une adaptation fidèle du roman que Burgess écrivit en 1962. L’écriture du script, signée par Kubrick lui-même, est d’autant moins aisée que le livre, raconté à la première personne, emprunte un argot étrange inventé de toutes pièces, riche en néologismes aux consonances russes. Conformément au texte original, le spectateur suit cette sordide histoire à travers les yeux d’Alex, chef d’un quatuor de voyous londoniens qui sont responsables d’agressions violentes, en particulier auprès des personnes âgées et des clochards. Une discorde sépare le groupe et Alex, au moment où il s’en prend à une riche femme excentrique entourée de chats et de sculptures en forme de phallus, est abandonné par ses compagnons. Emprisonné, il accepte d’être le cobaye d’une expérience scientifique destinée à éliminer les pulsions violentes chez les individus. Il se retrouve bientôt attaché dans une salle de cinéma, un casque à électrodes sur la tête, les yeux maintenus grand ouverts, face à un écran projetant des images atroces sur une musique de Beethoveen, son compositeur favori. Relâché dans la société à l’issue du traitement, Alex est sapé de toute sa violence et déteste Beethoveen. Mais ses anciennes victimes ne l’ont pas oublié, et le bourreau se mue bientôt en victime…

Kubrick était jusqu’alors habitué aux tournages à rallonge, multipliant les prises par dizaine jusqu’à obtenir le résultat parfait. Mais dans le cas d’Orange mécanique, le cinéaste révise quelque peu ses méthodes, comme si le modernisme rétro-futuriste du récit l’incitait à filmer plus vite et plus instinctivement. De fait, le tournage d’Orange mécanique, situé entre septembre 1970 et avril 1971, aura été le plus court de toute sa carrière, la logistique étant facilitée par le fait que la plupart des séquences se déroulent à Londres et dans sa banlieue. Cette relative spontanéité transparaît dans le jeu de Malcolm McDowell, que Kubrick sélectionne après l’avoir vu dans If, et qui trouve ici le rôle le plus marquant de toute sa carrière, dotant son personnage pourtant détestable d’une sympathie irrésistible. Ce sentiment est renforcé par le fait qu’aucun des personnages du film n’est plaisant, et donc impropre au phénomène d’identification. C’est là que réside une grande partie du malaise distillé par le film. Certes, le ton est satirique, comme souvent chez Kubrick, mais le cynisme ne tempère nullement la violence de certaines scènes, en particulier l’agression du couple Alexander, un épisode douloureux qui fut inspiré à Anthony Burgess par l’agression réelle dont sa femme fut victime en 1944.

Autocensure

Le titre surréaliste apparaît comme la métaphore de l’homme, fruit de la nature altéré par les mécanismes de la société, mais cette image n’est clairement définie que dans les pages du roman, le film ne s’embarrassant pas d’expliquer ce qu’est une orange mécanique.  Kubrick profite surtout de ce postulat science-fictionnel pour dresser un portrait vitriolé des grandes institutions (police, armée, science, médecine, système judiciaire…), retrouvant là la verve caustique de Docteur Folamour et Les Sentiers de la gloire. L’inconfort permanent que suscite le film trouve sa résonnance dans une bande son qui recycle des morceaux classiques réorchestrés électroniquement. Très avant-gardiste pour l’époque, cette démarche s’avère totalement cohérente avec le sujet central du film – et avec son titre : la nature (l’instrument acoustique) dénaturée par la technologie (le synthétiseur). Cette idée n’est pourtant pas immédiate. Initialement, Kubrick souhaite utiliser des morceaux du répertoire classique, comme il l’avait fait pour 2001. Mais en écoutant les expérimentations de Wendy Carlos, interprétant des morceaux baroques au synthétiseur mood pour l’album « Switched on Bach », il décide de lui confier la bande originale d’Orange mécanique. Celle-ci revisite donc des pièces célèbres de Beethoveen, Rossini, Purcell et Elgar, avec ce fameux synthétiseur qu’utilisa deux ans plus tôt John Barry pour la musique d’Au service secret de Sa MajestéVoyant son film taxé de violence gratuite et complaisante, voire récupéré par certains mouvements d’extrême droite, Kubrick préfère interdire Orange mécanique sur le territoire britannique à partir de 1974 plutôt que de consentir à en sortir une version raccourcie et dénaturée. Cette autocensure prendra fin en 1999, date de la mort du cinéaste. Aujourd’hui, ce classique inclassable n’a rien perdu de son impact. Les fantasticophiles y glanent même quelques clins d’œil inattendus, comme la pochette du disque de 2001 l’odyssée de l’espace chez un disquaire, un extrait du cataclysme d’Un million d’années avant JC au milieu des fantasmes destructeurs d’Alex, et la présence musclée de David Prowse, futur Dark Vador !

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THE THING (2011)

Une prequel du classique de John Carpenter qui ne manque pas de séquences choc et d'effets spéciaux spectaculaires

THE THING

2011 – USA

Réalisé par Matthjis Van Heijningen Jr

Avec Mary Elizabeth Winstead, Joel Edgerton, Ulrich Thomsen, Erich Christian Olsen, Adewale Akinnuoye-Agbaje 

THEMA EXTRA-TERRESTRES

Sans aller jusqu’à dire comme le réalisateur Paco Plaza que The Thing de John Carpenter est le meilleur film de l’histoire du cinéma, on ne peut que le hisser au rang de chef d’œuvre du genre, transfigurant le classique La Chose d’un autre monde d’Howard Hawks dont il constitue un remake/hommage. Initier une nouvelle version de cet objet de culte semblait à priori absurde, même si, après les remakes en série de Massacre à la tronçonneuseLa Nuit des masquesZombie, Les Griffes de la nuit et consorts, une telle entreprise de recyclage n’avait rien de bien surprenant. Petite différence avec les films précédents : The Thing 2011 est une prequel de The Thing 1982. Les événements se déroulent donc avant ceux décrits par le thriller paranoïaque de Carpenter. L’intrigue se situe toujours dans une base scientifique en Antarctique, menée par une équipe de chercheurs internationale, et démarre avec la découverte d’un vaisseau spatial prisonnier des glaces. Par accident, l’occupant est réveillé de sa léthargie et s’avère redoutable, puisqu’il s’agit d’une créature capable d’imiter toutes les formes de vie à sa portée, à l’issue d’abominables métamorphoses. La biologiste Kate Lloyd se retrouve bientôt en première ligne d’un affrontement homérique.

Partant du principe que les mêmes causes produisent les mêmes effets, cette prequel prend bien vite des allures de remakes, puisque la plupart des situations qui s’y déroulent ressemblent comme deux gouttes d’eau à celles que Carpenter décrivait déjà avec maestria. Pour autant, il serait injuste de condamner aveuglément ce troisième The Thing. Car le savoir-faire du réalisateur Matthijs van Heijningen Jr, jusqu’alors spécialisé dans les spots publicitaires, est indéniable. Ses séquences de suspense fonctionnent à plein régime, sa gestion de l’espace est irréprochable, et sa direction d’acteurs de haute tenue, d’autant qu’aucun d’entre eux n’est connu du grand public, comme à l’époque d’Alien. Héroïne malgré elle d’un drame qui la dépasse, la scientifique incarnée par Mary Elizabeth Winstead évoque d’ailleurs davantage l’Helen Ripley de Ridley Scott que celle –archétypale – de James Cameron.

Une relecture efficace et respectueuse

Succédant au génialissime Rob Bottin, Tom Woodruff Jr. et Alec Gillis, spécialistes des maquillages spéciaux et des effets mécaniques (Alien 3, Starship Troopers) concoctent des créatures incroyables et des mutations hallucinantes, majoritairement réalisées en direct sur le plateau. Leur travail admirable est prévu pour ponctuer régulièrement le film de séquences d’anthologie qui nous ramènent aux grandes heures de l’animatronique des années 80. Hélas, signe des temps, une grande partie de leurs effets est considérablement « augmentée » après le tournage, voire purement et simplement remplacée par des effets numériques. « Notre expérience sur ce film fut horrible », raconte avec amertume Tom Woodruff Jr. « Initialement, 80% des effets devaient être réalisés en direct sur le plateau et le reste serait obtenu avec des effets numériques. Nous adorons mélanger les techniques et les outils, comme sur Starship Troopers. Mais à un moment donné, en cours de post-production, j’ai senti que tous les effets que nous avions réalisés et filmés risquaient d’être jetés au rebut. Et c’est ce qui s’est passé. Ils n’ont quasiment rien gardé et tout refait numériquement. Si nous n’avions pas tourné de making of ni gardé quelques-unes de nos créations, nous ne pourrions même pas prouver que nous avons travaillé sur ce film ! » (1) A cette réserve près, cette prequel tournée dans les studios Pinewood de Toronto n’entache guère son illustre modèle, dont elle constitue finalement une relecture efficace et respectueuse. Le dernier plan du film (avant l’épilogue post-générique qui assure un lien direct avec le Carpenter) semble même se référer au final du Vieux fusil. Une référence pour le moins inattendue, qui prouve que ce The Thing sait réserver des surprises…


(1) Propos recueillis par votre serviteur en juillet 2018


© Gilles Penso

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