LE VAMPIRE DE L’ESPACE (1988)

Traci Lords affronte un extra-terrestre en quête de sang frais dans ce remake d’un petit classique de la SF des années 50…

NOT OF THIS EARTH

 

1988 – USA

 

Réalisé par Jim Wynorski

 

Avec Traci Lords, Arthur Roberts, Lenny Juliano, Ace Mask, Roger Lodge, Rebecca Perle, Michael DeLano, Becky LeBeau, Monique Gabrielle, Roxanne Kernohan

 

THEMA EXTRA-TERRESTRES

Alors qu’il est en pleine post-production de Big Bad Mama II, le réalisateur Jim Wynorski tombe sur une vieille copie de Pas de cette Terre, petit classique de la science-fiction réalisé à bas prix par Roger Corman en 1957, et propose d’en faire un remake dans les mêmes conditions qu’à l’époque : même planning de tournage express, même budget (rajusté à l’inflation) et même trame. Corman accepte bien sûr avec enthousiasme. Comme son modèle, Le Vampire de l’espace raconte les mésaventures d’une infirmière confrontée à un extraterrestre vampire. Si le scénario est le même, Wynorski tient à injecter dans sa version de l’humour et du sexe. Les victimes de l’alien en perdition sont donc de préférence jeunes, jolies, en petite tenue ou carrément nues (y compris des prostituées et des strip-teaseuses). Pour le rôle féminin principal, le réalisateur choisit Traci Lords qui, après un début de carrière hyperactif dans l’industrie du X, cherche à rejoindre le cinéma « mainstream ». Cela dit, si l’actrice tient cette fois-ci à jouer la plupart des séquences du Vampire de l’espace en restant habillée, elle sacrifie au cliché de la tenue de l’infirmière court-vêtue et continue à dévoiler généreusement son anatomie (en sortie de bain, en maillot, tous les prétextes sont bons). Sa présence dans le film est de toute évidence un argument marketing majeur.

À ces écarts impudiques près, Le Vampire de l’espace reprend fidèlement l’intrigue de Pas de cette Terre. La plupart des scènes sont reproduites quasiment à l’identique, y compris celle du vendeur d’aspirateur jadis joué par Dick Miller (et incarné ici par Michael DeLano). L’avenante infirmière Nadine Stacy (Traci Lords), employée du docteur Rochelle (Ace Mask), fait donc la rencontre d’un patient inhabituel, Monsieur Johnson (Arthur Roberts), qui est habillé en noir, trimballe une mallette énigmatique, porte des lunettes de soleil et demande de toute urgence une transfusion sanguine. Après avoir analysé le sang de Johnson, le docteur découvre avec surprise qu’il possède des caractéristiques très inhabituelles. Johnson propose d’engager Nadine pour travailler chez lui et lui administrer des transfusions régulières. Avec l’aide de son petit ami Harry (Roger Lodge), la jeune femme découvre bientôt que Johnson est un émissaire de la planète Davanna, qui cherche à se procurer le sang humain dont son peuple a besoin pour survivre…

Du sang pour Davanna

Le générique de début donne immédiatement le ton, puisqu’il s’agit d’un joyeux fourre-tout où s’assemblent dans l’anarchie la plus totale toute une série d’extraits de films d’horreur et de science-fiction produits par Roger Corman (Piranhas, Les Mercenaires de l’espace, Mutant, Les Monstres de la mer) qui n’ont aucun rapport avec Le Vampire de l’espace mais permettent à Wynorski de saturer l’écran de monstres et d’hémoglobine sans rien dépenser, le tout sur une musique électronique survoltée de Chuck Cirino. Le film se joue volontairement de tout réalisme. Le décor du cabinet du médecin, par exemple, est orné de fioles emplies de liquides de toutes les couleurs, tandis que tous les personnages féminins du film ont des mensurations de playmates. Y compris une extra-terrestre en bikini (Rebecca Perle) qui se fait transfuser de l’hémoglobine contaminée et se transforme en tueuse assoiffée de sang avant de mourir de la rage ! Les effets vidéo utilisés pour montrer le regard aveuglant de l’alien et le flux d’énergie qui s’échappe de ses victimes sont extrêmement kitsch, mais ils ne tranchent pas avec le ton et le style de ce remake déjanté. Car si Le Vampire de l’espace est plutôt mal fichu, il se regarde avec plaisir. Le film est sans prétention, ne se prend jamais au sérieux et laisse deviner une certaine bonne humeur communicative derrière la caméra. Il connaîtra d’ailleurs un gros succès lors de son exploitation en vidéo à la fin des années 80.

 

© Gilles Penso

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ANACONDAS : À LA POURSUITE DE L’ORCHIDÉE SAUVAGE (2004)

Un groupe de biologistes part pour Bornéo à la recherche d’une fleur aux propriétés miraculeuses et se heurte à un serpent gigantesque…

ANACONDAS : THE HUNT FOR THE BLOOD ORCHID

 

2004 – USA

 

Réalisé par Dwight Little

 

Avec Johnny Messner, KaDee Strickland, Matthew Marsden, Nicholas Gonzalez, Eugene Byrd, Karl Yune, Salli Richardson

 

THEMA REPTILES ET VOLATILES

Anaconda ayant connu un petit succès et quasiment donné naissance à un sous-genre du cinéma d’horreur peuplé de serpents géants, comme le prouvent les Python, Boa, Snake et autre King Cobra qui rampèrent dans son sillage, les producteurs du premier volet se sont mis en tête d’en initier une tardive séquelle. C’est d’ailleurs la sortie de King Cobra qui aura précipité la mise en scène de ce second opus, le « direct-to-video » de David et Scott Hillenbrand étant sorti sur certains territoires sous le titre abusif d’Anaconda 2. Pour la mise en scène, on sollicite Dwight Little, habitué du cinéma d’horreur (Halloween 4, Le Fantôme de l’opéra) et d’action (Désigné pour mourir, Rapid Fire, Meurtre à la Maison Blanche). À vrai dire, Anacondas : à la poursuite de l’orchidée sauvage n’est pas techniquement une suite du premier Anaconda (même si les faits survenus dans le film original sont vaguement évoqués le temps d’une réplique) mais plutôt une sorte de remake avec d’autres personnages. Force est de constater hélas que ce deuxième volet s’avère à peu près aussi inepte que son modèle, proposant les mêmes péripéties et les mêmes séquences, tout en se privant de têtes d’affiches telles que Jennifer Lopez et Jon Voight au profit d’un groupe de jeunes comédiens désespérément dénués de charisme.

L’histoire se concentre sur une équipe de botanistes ayant obtenu le parrainage d’une société pharmaceutique pour monter une expédition à Bornéo afin de trouver la rare orchidée sauvage qui ne fleurit qu’une fois tous les sept ans, dans une vallée reculée, et qui pourrait être la solution miracle capable de stopper le vieillissement humain. Mais l’expédition arrive en pleine saison des pluies et le seul propriétaire de bateau qui accepte de les emmener en amont est un skipper peu engageant nommé Bill Johnson (Johnny Messner). Après avoir affronté de nombreux dangers à bord du Bloody Mary, le bateau branlant de Johnson, s’être écrasés contre une chute d’eau et fait naufrage, nos chercheurs poursuivent leur route à pied. Or ils découvrent bien vite qu’ils sont poursuivis par un anaconda ayant atteint des proportions gigantesques après avoir ingéré l’orchidée sauvage. Comme si ça ne suffisait pas, la saison des amours a poussé toute une série d’autres serpents géants à se rassembler dans la région. Et pour couronner le tout, un traitre parmi les membres de l’équipe est déterminé à obtenir à tout prix des échantillons de la précieuse orchidée, quitte à saboter les chances de survie de l’expédition…

Les créatures du marais

Le travail sur les images de synthèse ne se révélant pas beaucoup plus soigné que sur le premier Anaconda et les personnages étant caractérisés à coup de serpe (le faire valoir comique, l’aventurier musclé, le traitre, l’indigène sage et courageux), il est très difficile de s’attacher à cette intrigue exotique bardée de clichés. D’autant que Dwight Little essaie d’effrayer ses spectateurs avec les trucs les plus éculés du monde (caméra subjective, coups de violons stridents, petit singe qui entre dans le champ en criant…), quitte à plagier allègrement au passage Les Dents de la mer ou même les vieux Tarzan avec Johnny Weissmuller (le temps d’un combat contre un crocodile). Certes, le film ne manque pas de générosité dans ses exubérances, nous offrant quelques séquences de suspense réussies (comme celle de la gigantesque silhouette du monstre qui nage dans le marais au milieu des héros) et un climax spectaculaire au-dessus d’un nid de serpents géants. Mais Anacondas : à la poursuite de l’orchidée sauvage s’oublie aussitôt après son visionnage, se distinguant finalement bien peu des autres films de monstres géants à tout petit budget de chez Nu Image ou Asylum.

 

© Gilles Penso

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LES AILES DU DÉSIR (1987)

Un ange tombe amoureux d’une mortelle et décide d’abandonner ses ailes et sa vie éternelle pour s’unir à elle…

DER HIMMEL ÜBER BERLIN

 

1987 – ALLEMAGNE/FRANCE

 

Réalisé par Wim Wenders

 

Avec Bruno Ganz, Peter Falk, Solveig Dommartin, Peter Falk, Otto Sander, Curt Bois

 

THEMA DIEU, LES ANGES, LA BIBLE

Après plusieurs années passées aux États-Unis, où il signe notamment Paris, Texas, Wim Wenders ressent le besoin de revenir filmer son Allemagne natale. C’est à Berlin, ville coupée en deux par le Mur, qu’il trouve un décor idéal pour raconter une histoire profondément mélancolique. Il imagine alors Les Ailes du désir, un projet nourri de nombreuses influences : la littérature de Rainer Maria Rilke, le cinéma expressionniste allemand, et surtout une envie de capter l’âme même de Berlin. Le scénario, coécrit avec l’écrivain Peter Handke, naît d’une idée simple : et si des anges invisibles nous accompagnaient au quotidien, témoins impuissants de nos souffrances, incapables d’intervenir ? Pour mettre son film en image, Wenders fait appel au légendaire chef opérateur Henri Alekan (La Belle et la Bête), qui alterne à sa demande le noir et blanc pour représenter le regard des anges et la couleur pour incarner la perception humaine. Les deux anges errants sont incarnés par Bruno Ganz et Otto Sander, aux côtés desquels s’illustre Solveig Dommartin, encore inconnue, choisie pour jouer la trapéziste dont l’un d’eux tombera amoureux. Wenders invite également l’inspecteur Colombo en personne, autrement dit Peter Falk, jouant ici son propre rôle à l’occasion d’une pirouette narrative qui fait de son personnage un acteur ayant été autrefois un ange.

Dans un Berlin fracturé et maussade, deux anges, Damiel et Cassiel, planent silencieusement au-dessus des vivants. Invisibles aux yeux des hommes, ils observent, écoutent, compatissent, mais ne peuvent ni intervenir, ni modifier le cours des choses. Jour après jour, ils assistent aux angoisses, aux espoirs déçus, aux pensées intimes d’une humanité accablée par la solitude et l’incommunicabilité. Damiel, pourtant, se lasse de cette existence éthérée. Fasciné par Marion, une trapéziste solitaire et mélancolique, il rêve de ressentir enfin les émotions humaines : goûter au plaisir, au désir et même à la douleur. Cette envie devient une obsession. Dans sa quête, il croise l’acteur américain Peter Falk, venu tourner un film sur la Seconde Guerre mondiale. Ce dernier peut l’aider à franchir le pas, à devenir humain et quitter l’éternité pour plonger dans l’incertitude et la fragilité du monde mortel. Tiraillé entre son devoir angélique et ses aspirations nouvelles, Damiel doit choisir : rester un observateur impassible ou tenter sa chance auprès de Marion, au risque de tout perdre. Mais le temps est compté, car la vie humaine ne l’attendra pas éternellement…

Le saut de l'ange

Wenders filme la capitale allemande comme un monde suspendu entre la vie et la mort, magnifiant ses décors désolés en de sublimes tableaux. Les séquences en noir et blanc, traduisant le regard des anges, sont splendides, tandis que les passages en couleur, marquant l’entrée dans le monde des vivants, renforcent cette frontière entre deux réalités. La musique de Nick Cave et les Bad Seeds, ainsi que celle de Jürgen Knieper, achèvent de tisser une atmosphère unique. Formellement, il n’y a donc rien à dire, Les Ailes du désir est une réussite indiscutable. Mais Dieu, que ce film est bavard ! Chaque pensée humaine est déclamée avec un sérieux pesant, chaque dialogue semble vouloir réinventer la poésie. L’écriture est bien trop ampoulée, et cette surenchère d’intellectualisme finit par étouffer l’émotion brute que le sujet appelait. Malgré ses innombrables qualités plastiques, le film finit par se noyer dans sa propre emphase et par nous perdre en cours de route. Voilà donc un film fascinant mais frustrant : un rêve d’ange porté par des images sublimes, malheureusement lesté par un excès de verbiage et de prétention. Dommage, car sous cette avalanche de surlignages superflus se cachait un vrai grand film, simple, émouvant et universel. Un film qu’il nous faudra hélas nous contenter d’imaginer.

 

© Gilles Penso

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DREAMSCAPE (1984)

Un médium, qui se forme à une nouvelle technologie permettant d’intervenir dans les rêves, déjoue un complot contre le président des USA…

DREAMSCAPE

 

1984 – USA

 

Réalisé par Joseph Ruben

 

Avec Dennis Quaid, Max von Sydow, Christopher Plummer, Eddie Albert, Kate Capshaw, David Patrick Kelly

 

THEMA RÊVES

En 1984, alors que Freddy Krueger fait ses premiers pas au cinéma et bouleverse la représentation des cauchemars sur pellicule, un autre film fantastique se réapproprie le thème du rêve sous un jour surprenant : Dreamscape, qui mêle l’aventure (avec son somptueux poster à la Indiana Jones signé Drew Struzan), la science-fiction, l’espionnage et l’épouvante. À l’origine du projet, on trouve Roger Zelazny, maître de la science-fiction américaine, auteur notamment des Chroniques d’Ambre, de Seigneur de Lumière ou encore de L’Île des morts. En 1981, il rédige une première ébauche de scénario, inspirée de sa nouvelle Le Façonneur et de son roman Le Maître des rêves. Mais une fois le script vendu à la 20th Century Fox, Zelazny est écarté du projet : il ne participe ni au traitement ni à l’écriture finale, et son nom n’apparaît même pas au générique. L’intrigue de Dreamscape s’inscrit dans un contexte réel de tensions Est-Ouest. Le film imagine en effet une Amérique où certains groupes d’influence, inquiets de la passivité du président face à l’URSS, complotent en coulisses. Un écho troublant à la réalité : quelques années plus tard, Ronald Reagan signera un traité historique de désarmement nucléaire avec l’Union soviétique. L’histoire est rédigée par David Loughery, futur auteur de Star Trek V, Passager 57, Les Trois Mousquetaires et Money Train. Après avoir imaginé l’histoire, il co-écrit le script final avec Chuck Russell et le réalisateur Joseph Ruben. Ce dernier signera plus tard quelques thrillers solides comme Le Beau-père, Un bon fils ou Les Nuits avec mon ennemi.

Alex Gardner (Dennis Quaid), jeune médium doué mais immature, mène une vie de plaisirs faciles, entre jeux d’argent et conquêtes féminines. Repéré par deux mystérieux individus, Finch (Chris Mulkey) et Babcock (Peter Jason), alors qu’il cherche à fuir un gangster local, il est conduit dans une étrange institution gouvernementale où il retrouve son ancien mentor, le professeur Paul Novotny (Max von Sydow). Celui-ci travaille sur un projet top secret permettant à des médiums de pénétrer les rêves d’autrui en se connectant à leur subconscient pendant le sommeil paradoxal. Conçu à des fins thérapeutiques, ce programme vise notamment à traiter les cauchemars et les éliminer. Invité à participer au projet, Alex s’initie à cette étrange technologie, aidé par la scientifique Jane DeVries (Kate Capshaw), et gagne en expérience en affrontant les rêves inquiétants d’un jeune garçon, Buddy (Cory Yothers), hanté par une créature mi-homme mi-serpent. Mais il découvre bientôt que le programme a été détourné par un influent agent gouvernemental, Bob Blair (Christopher Plummer), qui compte l’utiliser à des fins meurtrières. Blair projette en effet d’éliminer le président des États-Unis (Eddie Albert) en provoquant sa mort dans un rêve. Alex devient alors le seul capable de l’en empêcher…

L’ancêtre d’Inception ?

Le scénario de Dreamscape repose sur une idée passionnante, qui aurait sans doute gagné à être confiée à des cinéastes de la trempe de Peter Hyams ou Michael Crichton, maîtres du techno-thriller mâtiné de science-fiction et de conspirations gouvernementales. Tous deux auraient probablement insufflé davantage de style et de personnalité au film, là où Joseph Ruben reste assez académique. Le réalisateur se rattrape dans les séquences oniriques, bien plus inspirées et inventives. Si les trucages optiques supervisés par Peter Kuran souffrent parfois de maladresses – notamment des liserés visibles lors des incrustations sur fond bleu – les maquillages signés Craig Reardon impressionnent. Ce dernier conçoit notamment, de manière expérimentale, la transformation de David Patrick Kelly en homme-serpent en utilisant une cinquantaine de têtes sculptées qui se substituent à l’écran image par image. Pour les plans larges, la créature est une figurine animée en stop-motion sous la supervision du talentueux James Aupperle (La Planète des dinosaures). Leur travail, même s’il accuse aujourd’hui un inévitable coup de vieux, se révèle d’une belle efficacité. On ne peut malheureusement pas en dire autant de la bande originale, une composition synthétique de Maurice Jarre indigne du talent que nous lui connaissons. Pour l’anecdote, Chuck Russell, co-scénariste et producteur associé du film, retournera à l’univers des rêves quelques années plus tard avec Freddy 3. Quant à l’idée centrale de Dreamscape, elle résonnera bien plus tard dans Inception de Christopher Nolan, dont elle constitue probablement une source d’inspiration.

 

© Gilles Penso

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CURTAINS, L’ULTIME CAUCHEMAR (1983)

Six actrices réunies dans un manoir pour une session de casting sont assassinées l’une après l’autre par un meurtrier masqué…

CURTAINS

 

1983 – CANADA

 

Réalisé par Richard Ciupka

 

Avec Samantha Eggar, John Vernon, Linda Thorson, Anne Ditchburn, Lynne Griffin,Sandee Currie, Lesleh Donaldson, Deborah Burgess, Michael Wincott

 

THEMA TUEURS

Après le succès du Bal de l’horreur, le producteur Peter Simpson cherche à réitérer l’exploit avec un nouveau slasher à fort potentiel. L’idée germe lors d’une discussion avec le scénariste Robert Guza Jr. : un thriller centré sur des actrices assassinées une à une pendant des auditions dans un manoir isolé de la Nouvelle-Angleterre. Contrairement aux nombreux films d’horreur de l’époque, Simpson souhaite viser un public adulte et s’éloigner de la formule du Monstre du train, par exemple. Pour la mise en scène, il mise sur Richard Ciupka, directeur de la photographie prometteur, fraîchement sorti du tournage d’Atlantic City de Louis Malle. Ciupka est séduit par le projet et y voit l’occasion de créer un film d’horreur influencé par les giallos italiens, avec un style plus européen que nord-américain. Mais la production finit par virer au cauchemar. Entre le ton voulu par Ciupka et la vision plus directe et plus commerciale qu’envisage Simpson, les tensions s’accumulent. Le conflit culmine avec le départ de Ciupka, qui renonce au projet avant la fin du tournage. Simpson reprend alors les rênes, orchestre des réécritures et supervise de nombreux tournages additionnels. Résultat : le film met près de deux ans à voir le jour. En désaccord profond avec le résultat final, Ciupka demandera à être crédité sous un pseudonyme. Voilà pourquoi Curtains est signé par un certain Jonathan Stryker – nom du personnage central du film !

C’est le vétéran John Vernon (L’Inspecteur Harry, American College) qui incarne ce fameux Jonathan Stryker, metteur en scène de renom qui collabore depuis longtemps avec la comédienne Samantha Sherwood (Samantha Eggar, l’héroïne de Chromosome 3). Étant donné qu’elle l’a accompagné sur tous ses plus grands succès, elle est certaine d’obtenir le rôle-titre de son nouveau projet, Audra. Stryker l’encourage dans cette idée, mais lui demande d’abord d’« approfondir son personnage ». Puisqu’Audra est une malade mentale, pourquoi ne se ferait-elle pas provisoirement interner dans un hôpital psychiatrique pour vivre pleinement ce que vivra l’héroïne ? Samantha accepte, sans imaginer une seule seconde qu’il compte l’y abandonner. Pendant ce temps, il convoque six jeunes actrices aux profils variés pour auditionner à sa place. Mais Samantha finit par s’échapper et retourne au vieux manoir isolé où ont lieu les auditions. Or les candidates disparaissent une à une, massacrées par un assassin qui se cache sous un masque de vieille sorcière. Qui est responsable des disparitions des jeunes prétendantes ? Samantha, dévorée par la vengeance ? Stryker, manipulateur jusqu’au bout ? Ou bien l’une des actrices, prête à tout pour décrocher le rôle ?

Casting sanglant

La suspension d’incrédulité des spectateurs est mise à mal dès les premières minutes du film. Comment croire à la motivation de cette actrice qui se fait interner volontairement au nom de la « méthode », à cette machination invraisemblable fomentée par son metteur en scène, ou encore à cette ridicule et interminable scène de fausse agression qui persiste à démontrer que les comportements des personnages n’ont pas la moindre cohérence ? Le tiraillement à l’origine des conflits survenus en coulisses du film est très perceptible à travers son grand écart permanent entre les codes du slasher post-Halloween et ceux du giallo. Entre deux meurtres routiniers (agrémentés de visions surréalistes à la limite de la parodie involontaire, comme l’assassin masqué en vieille femme qui avance vers une de ses victimes en glissant sur des patins à glace, une faucille à la main !), l’ombre de Mario Bava et Dario Argento plane sur le film. D’où la présence de cette poupée angoissante, ces mains gantées qui saisissent les victimes ou ce dernier acte qui semble vouloir payer son tribut à Six femmes pour l’assassin avec ses mannequins en plastique et ses éclairages rouges et bleus. Au-delà de ses « crises d’identité, Curtains souffre d’un problème de gestion du rythme, s’encombrant de scènes inutiles qui trainent en longueur (la fille qui fait du patin, celle qui danse). Au détour du casting, les spectateurs avisés reconnaîtront Linda Thorson, la Tara King de Chapeau melon et bottes de cuir, ainsi qu’un Michael Wincott débutant, le futur salaud mémorable de The Crow, 1492 et Strange Days se contentant ici d’une apparition éclair.

 

© Gilles Penso

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BLANCHE NEIGE (2025)

Un énième remake « live » d’un classique de Disney dont chacun des choix artistiques est une énorme erreur qui précipita sa chute au box-office…

SNOW WHITE

 

2025 – USA

 

Réalisé par Marc Webb

 

Avec Rachel Zegler, Gal Gadot, Emilia Faucher, Andrew Burnap, Ansu Kabia, Andrew Barth Feldman, Tituss Burgess, Martin Klebba, Jason Kravits

 

THEMA CONTES

Marc Webb ne nous avait pas particulièrement convaincus avec son diptyque The Amazing Spider-Man. Mais à sa décharge, comment lutter contre la géniale trilogie de Sam Raimi ? Il échoue une nouvelle fois à nous séduire avec ce Blanche-Neige, qui s’avère être une véritable catastrophe artistique et industrielle. L’entrée en matière est déjà peu engageante : des animaux en image de synthèse dignes du siècle dernier, une voix off envahissante au ton exagérément mélancolique, un numéro musical médiocre filmé comme un spot publicitaire… Lorsque Gal Gadot entre en scène, les choses semblent s’améliorer, dans la mesure où la beauté envoûtante de l’ex-Wonder Woman nous ferait presque croire à ses pouvoirs surnaturels. Le choix de Rachel Zegler est beaucoup plus discutable, pas tant parce que c’est une actrice d’origine latino-américaine (décision tant décriée à l’époque de la sortie du film, qui semblait entrer en contradiction radicale avec les caractéristiques physiques intrinsèques d’un personnage nommé Blanche Neige), mais parce qu’elle n’a tout simplement pas l’étoffe du rôle. Sous la direction inspirée de Steven Spielberg, elle nous émouvait par sa candeur et sa fragilité dans la peau de la Maria de West Side Story. Mais au jeu du mimétisme avec son illustre ancêtre dessiné, la comédienne se prend hélas les pieds dans le tapis.

Cette erreur de casting n’est pourtant pas le problème principal du film de Marc Webb, dont le défaut majeur réside dans une consensualité poussée à l’extrême. Lorsque Walt Disney initiait le classique de 1937, il cassait les codes, repoussait les limites, prenait tous les risques : un pari jugé insensé, mais couronné de succès. Ce remake, au contraire, adopte une démarche diamétralement opposée : ne froisser personne, plaire à tout le monde, cocher toutes les cases imposées par un bureau de marketing, quitte à perdre toute audace créative. Soucieux d’afficher des valeurs de diversité et d’inclusion, le Blanche Neige de 2025 en oublie l’essentiel : proposer une œuvre originale, artistiquement ambitieuse, guidée par de vrais choix d’auteur. Las, c’est exactement l’inverse qui nous est servi.

Nain porte quoi !

Quand il ne se contente pas de singer platement son modèle animé (avec des costumes dignes d’un rayon déguisement et des effets visuels ratés), le film ajoute des chansons d’une mièvrerie confondante, refuse d’employer des acteurs de petite taille pour éviter toute stigmatisation (au prix de sept rôles supprimés, remplacés par des créatures numériques bas de gamme), et revendique fièrement son audace : Blanche-Neige ne sera pas blanche cette fois-ci. Ce geste politique mal assumé aurait pu rester anecdotique si l’actrice incarnait pleinement le personnage. Mais le film s’en empare comme d’un argument de vente, et se prend logiquement le retour de flamme (sans compter – mais c’est un autre débat – que la beauté de Rachel Zegler peine objectivement à rivaliser avec celle de Gal Gadot, pourtant enjeu majeur du scénario du film). Il y a fort à parier que si le public a boudé ce Blanche Neige revu et corrigé (dont le titre prend bien soin d’expurger les sept nains), ce n’est pas tant à cause de la couleur de peau de son héroïne que de l’indigence du projet lui-même, lequel achève de démontrer — encore plus que les laborieux Aladdin, Peter Pan et Wendy ou La Petite Sirène — à quel point l’industrialisation des remakes live-action des classiques de la maison de Mickey est une impasse artistique. L’audace du Walt Disney de 1937 nous semble aujourd’hui bien lointaine…

 

© Gilles Penso

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SINNERS (2025)

Deux frères jumeaux inaugurent un club de blues dans le Mississipi ségrégationniste des années 30, sans se douter qu’une nuit d’horreur les attend…

SINNERS

 

2025 – USA

 

Réalisé par Ryan Coogler

 

Avec Miles Caton, Saul Williams, Andrene Ward-Hammond, Jack O’Connell, Tenaj L. Jackson, Michael B. Jordan, Dave Maldonado, Aadyn Encalarde, Helena Hu

 

THEMA VAMPIRES

Révélé par la bombe indé Fruitvale Station, érigé au rang d’incontournable avec Creed et le dissident Black Panther, Ryan Coogler s’aventure ici sur les terres de Jordan Peele, mélangeant discours humaniste portant haut la culture noire et irruption d’un fantastique décomplexé. Dès les premières minutes, une guitare profonde à la Ry Cooder s’accorde et donne le ton : l’atmosphère s’annonce poisseuse comme une soirée d’été sudiste et la musique sera indissociable du propos. On parle évidemment de blues, déchirante complainte viscéralement liée à la souffrance des esclaves, transformée en chant gospel dans les églises, récupérée plus tard à leur compte par les Blancs sous le nom de rock n’ roll. En ces temps troublés, les Noirs ont peu d’options pour survivre, options habilement illustrées par les divers protagonistes : ramasser le coton dans les champs, expulser cathartiquement leurs malheurs en louant le Seigneur, ou devenir gangsters pour s’extirper d’un destin tout tracé. Chose rare dans le genre, la mise en place prend le temps de caractériser des seconds rôles attachants brassant les croyances, vaudou, chrétienne, asiatique ou indienne face aux suprémacistes Blancs, tous fascinés par le Dieu Argent.

Les enjeux s’entrelacent crescendo jusqu’à la fameuse inauguration du « juke joint » supposé devenir un havre de paix et de liberté pour la communauté noire, voyant un estomaquant plan-séquence convoquer les esprits passés, présents et futurs dans une transe musicale anachronique surpuissante (d’ores et déjà la scène indétrônable de l’année). Transe qui trouvera sa réponse antagoniste à travers une gigue irlandaise nocturne démente aux résonances inquiétantes. Défloré dès les premiers teasers du film, le virage fantastique s’amorce par le biais d’un malin retour aux sources du mythe : les suceurs de sang ne peuvent pas passer le seuil du club sans y être invités (arrangement scénaristique qui finit par poser question : pourquoi ne pas simplement mettre le feu au club pour pousser les proies à sortir ?). À ce stade du métrage, les influences se bousculent déjà beaucoup (John Carpenter, Stephen King, Walter Hill, Angel Heart, Aux frontières de l’aube ou Des hommes sans loi)…

From Blues ‘til Dawn

Cependant Coogler, visiblement peu passionné par l’argument horrifique, n’hésite pas à singer à outrance Une nuit en enfer dès l’affrontement attendu, pour ce qui s’avère être le segment le plus décevant : cadrée trop serrée, l’action devient mécanique, sombrant dans le déjà-vu (on préfèrera de loin le climax à l’aube en forme de massacre à la Peckinpah). Qu’importe, le fond demeure primordial : le pont entre le monde des vivants et des morts se construisant par le truchement de la musique, la communauté vampirique se mue en union païenne réunie par le blues au sein de laquelle les disparités n’existent plus, où un Noir et une Blanche peuvent s’aimer sans retenue, et où membres du Ku Klux Klan et esclaves dansent ensemble la sarabande autour d’un feu de joie. Critique acerbe de la religion et du pouvoir en place qui condamne hypocritement les libres pécheurs débridés en titre (toujours d’actualité) ou analogie avec l’appropriation/digestion de la culture afro-américaine ? Toujours est-il qu’un blockbuster avec une âme aussi vibrante ne se refuse pas en 2025. Alléluia !

 

© Julien Cassarino

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PETRIFIED (2006)

Une momie d’origine extra-terrestre revient à la vie et s’introduit dans une clinique pour jeunes patientes atteintes de nymphomanie…

PETRIFIED

 

2006 – USA

 

Réalisé par Charles Band

 

Avec Roark Critchlow, Kimberly Dawn Guerrero, Kathryn Adams, Shirley Brener, Robert Buckley, Stephanie Gentry, Darrow Igus, Christopher Bergschneider

 

THEMA MOMIES I EXTRA-TERRESTRES I MAINS VIVANTES I SAGA CHARLES BAND

Si l’on excepte l’amusant The Creeps, qui réinventait plusieurs monstres du répertoire classique dans une version « demi-portion », Charles Band et ses productions Full Moon ne s’étaient encore jamais frottés au thème des momies. Petrified comble cette lacune en s’appuyant sur une idée qui fut soufflée à Band par Don Adams, l’un de ses anciens collaborateurs. Tourné en six jours, le film est partiellement financé par les fans, l’astucieux producteur ayant promis un statut de producteur exécutif à tous ceux qui participeraient aux frais dès un achat de 100 dollars parmi les nombreux produits proposés par la boutique Full Moon (posters, jouets, DVD et autres). Résultat : plus de 200 personnes sont créditées au poste de producteurs exécutifs dans le générique ! Pour concevoir la momie d’origine extra-terrestre (surnommée « mumlien » par l’équipe, contraction de « mummy » et « alien »), Band fait appel à son expert des effets spéciaux attitré depuis plusieurs années, Christopher Bergschneider. Ce dernier recycle un vieux costume de momie échappé d’une production précédente, y ajoute des bouts de tissus brillant et modifie sa tête et ses mains avec l’aide de son associé de l’époque Jeff Farley. Dans la foulée, grand amateur de Lon Chaney Jr., Bergschneider joue le monstre lui-même.

Lorsque Reggie Coscarella (Nick Stellate) et sa petite amie Lin Hooper (Elina Madison) sabotent une vente d’antiquités sur le marché noir, tout dérape. Le sang d’Eldridge (Darrow Igus, ex-Doctor Bones), le marchand assassiné, ranime accidentellement la relique qu’ils tentaient de vendre : une momie extraterrestre assoiffée de sang. Tandis que la créature s’échappe, Buzz York (Roark Critchlow) – agent des opérations spéciales du FBI – trouve refuge dans une étrange clinique spécialisée dans le traitement de la nymphomanie. Petrified commence donc très fort ! Sur place, Buzz fait la rencontre du très antipathique infirmier Garth (Tim Murphy), du fantasque Dr Horatio Von Gelder (Ozman Sirgood) – obsédé par le secret de la jeunesse éternelle – et de plusieurs patientes émoustillées par sa présence. Buzz temporise en attendant l’arrivée des renforts, autrement dit sa co-équipière Kate Shelly (Stephanie Gentry) et l’agent Tanner (Robert Buckley), qui se croient visiblement dans un épisode des X-Files. Mais l’accalmie est de courte durée, car la momie infiltre à son tour l’établissement, multipliant les victimes et provoquant la panique à tous les étages.

Bandages et débandades

La créature vedette est plutôt réussie : des dents acérées, des yeux noirs, un look original qui tranche agréablement avec les momies classiques. Son regard incandescent lui permet de pétrifier ses victimes – d’où le titre –, sans qu’on en comprenne vraiment l’intérêt, puisqu’elle passe le reste du temps à se nourrir du sang de ses autres victimes. Son mode opératoire reste donc assez confus. Pour ajouter à la folie ambiante, une main coupée appartenant à une autre momie se balade toute seule dans le décor et occis les malheureux qu’elle croise. Charles Band profite du décor improbable de cette clinique dédiée aux nymphomanes pour filmer la majorité de ses actrices en petites tenues, dans les positions les plus suggestives. Le monstre lui-même ne semble pas insensible aux charmes des demoiselles, se dissimulant dans les coins en grognant pour jouer les voyeurs. Les personnages de Petrified se révèlent tous plus stéréotypés les uns que les autres, les péripéties tournent en boucle et les situations frôlent souvent l’absurde, quand elles ne sombrent pas carrément dans l’incohérence. Car comme souvent chez Band, le concept de départ est drôle et prometteur, mais l’ensemble est bâclé, emballé à la va-vite pour pouvoir rapidement passer au film suivant sans trop dépenser d’argent.

 

© Gilles Penso

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PRIMEVAL (2007)

Un producteur de télévision et son caméraman s’enfoncent dans la jungle africaine à la recherche d’un redoutable crocodile mangeur d’hommes…

PRIMEVAL

 

2007 – USA

 

Réalisé par Michael Katleman

 

Avec Dominic Purcell, Orlando Jones, Brooke Langton, Jurgen Prochnow, Gideon Emery, Dumisani Mbebe, Gabriel Malema, Patrick Lyster, Linda Mpondo

 

THEMA REPTILES ET VOLATILES

Lorsque Primeval sort en 2007, les crocodiles tueurs semblent être les nouvelles stars des écrans. Entre les très efficace Solitaire et Black Water, le dispensable Lake Placid 2 et les ultra-cheaps Croc et Supercroc, les sauriens aux grandes dents ne manquent pas cette année-là. Malgré son titre, Primeval n’a donc aucun lien avec la série britannique homonyme diffusée la même année sur ITV mais nous propose lui aussi un croco qui a les crocs. Le scénario s’inspire librement d’une histoire vraie : celle de Gustave (ainsi nommé par l’herpétologue Patrice Faye), un redoutable crocodile du Nil de plus de six mètres de long et de près d’une tonne, accusé d’avoir tué des centaines de personnes en Afrique de l’est. Réalisé par Michael Katleman, dont c’est le tout premier long métrage après une carrière bien remplie à la télévision, le film est écrit par John Brancato et Michael Ferris, duo à l’origine de thrillers et de films d’action et de suspense à la qualité très variable comme The Game, Traque sur Internet, Terminator 3 ou Catwoman. À la croisée des genres, Primeval est un film de monstre croisé avec un thriller politique. Le projet ne manque pas d’ambition mais aura toutes les peines du monde à convaincre le public. Accablé par une salve de critiques négatives, le film sera un flop au box-office mondial.

Primeval s’intéresse à une équipe de reporters américains menée par le producteur Tim Manfrey (Dominic Purcell) et le caméraman Steven Johnson (Orlando Jones). Alertés par la présence du vorace Gustave et par ses méfaits aux confins de la jungle africaine, ils décident de partir à sa recherche. Leur mission : filmer la terrifiante créature et, si possible, la capturer vivante. Mais très vite, ce qui devait être un simple reportage se transforme en cauchemar. Sur place, ils découvrent un pays ravagé par la guerre civile, à la frontière du Burundi et du Rwanda, où la violence des hommes rivalise avec celle de la nature. Quant à Gustave, habitué au goût de la chair humaine, c’est un prédateur incroyablement rusé et dangereux. Comme si cela ne suffisait pas, un dictateur local qui se fait appeler Little Gustave (Dumisani Mbebe) fait régner sa propre terreur. Traqués à la fois par l’animal et par des miliciens sans pitié, Tim et son équipe vont vite réaliser que leur mission n’a rien d’une partie de plaisir…

Le croco a les crocs

Primeval tire parti de superbes extérieurs naturels captés en Afrique et se distingue par un contexte politique qui lui donne une autre dimension que les simples péripéties d’un « monster movie » classique. On ne se contente donc pas ici de fuir une bête sanguinaire : la violence humaine, bien réelle celle-là, rôde aussi hors-champ. Quelques images choc restent en mémoire après le visionnage du film, comme cette séquence glaçante où le crocodile engloutit un enfant dans la rivière. Michael Katleman nous offre une poignée de scènes de suspense et d’action réussies, notamment la poursuite haletante d’Orlando Jones dans les hautes herbes ou le climax très tendu dans une voiture embourbée. Les apparitions du croco sont souvent impressionnantes, mises en scène avec efficacité et brutalité. Bref, le bilan est plutôt positif de ce côté-là. Mais le film pèche sérieusement du côté de ses personnages, tous très stéréotypés. Jurgen Prochnow campe une espèce d’Achab moderne hanté par la mort de son épouse, Brooke Langton joue la belle journaliste qui n’a pas froid aux yeux, Purcell endosse le rôle du héros taciturne et Orlando Jones assure la touche d’humour sous la défroque du cameraman rigolo. Difficile de s’attacher à ces « clichés sur pattes », d’autant que la direction d’acteurs reste évasive et que les dialogues peinent à convaincre. Primeval pèche donc par manque de finesse, même s’il faut lui reconnaître son efficacité indiscutable.

 

© Gilles Penso

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THE WHISPERER IN DARKNESS (2011)

Un professeur de l’université de Miskatonic enquête sur une race de crustacés extra-terrestres qui se seraient installés dans le Vermont…

THE WHISPERER IN DARKNESS

 

2011 – USA

 

Réalisé par Sean Branney

 

Avec Matt Foyer, Barry Lynch, Stephen Blackehart, Autumn Wendel, Zack Gold, P.J. King, Casey Kramer, Annie Abrams, Andrew Leman, Matt Lagan, Daniel Kaemon

 

THEMA EXTRA-TERRESTRES

Si La Couleur tombée du ciel est sans conteste le plus célèbre des récits de H.P. Lovecraft consacré aux horreurs venues du cosmos, ce n’est pas le seul. En 1931, très impressionné par la découverte encore toute récente de Pluton par l’astronome Clyde William Tombaugh, l’écrivain se lance dans Celui qui chuchotait dans les ténèbres. Cette histoire insensée s’intéresse à une race d’hommes-crabes géants d’outre-espace s’étant établis dans une région reculée du Vermont depuis leur base située sur la planète « Yuggoth », autrement dit Pluton. Mais l’auteur s’empresse de dire que l’origine de ces monstres est encore plus lointaine. « Yuggoth n’est qu’un avant-poste », dit-il. « La plupart de ces êtres habitent dans des abîmes curieusement organisés, entièrement inconcevables pour l’esprit humain. » Habituellement chiche en descriptions pour laisser l’imagination des lecteurs vagabonder, Lovecraft se veut un peu plus précis lorsqu’il s’agit de tracer les contours de ces arthropodes venus d’ailleurs. « C’étaient des créatures rosâtres d’environ cinq pieds de long », détaille-t-il. « Leur corps crustacéen portait une paire de vastes nageoires dorsales ou d’ailes membraneuses, et plusieurs groupes de membres articulés ; une espèce d’ellipsoïde couvert d’une multitude de courtes antennes leur tenait lieu de tête. »

Si elle inspire de manière très lointaine le troisième segment du film à sketches Necronomicon co-réalisé par Brian Yuzna, Christophe Gans et Shusuke Kaneko, la nouvelle attend encore son adaptation officielle. C’est la très respectable H.P. Lovecraft Historical Society qui va s’en charger en 2011. Déjà responsable du très réussi The Call of Cthulhu, qui transposait à l’écran l’un des plus fameux mythes lovecraftiens en adoptant la mise en forme d’un film muet des années 20, la HPLHS produit cette fois-ci un long-métrage imitant les classiques de l’épouvante en noir et blanc des années 30, pour se conformer une fois de plus à la date de publication du texte original. C’est donc dans une atmosphère héritée des Universal Monsters que s’inscrit The Whisperer in Darkness. Matt Foyer entre dans la peau d’Albert Wilmarth, professeur de folklore à l’université Miskatonic, parti enquêter sur les légendes des étranges créatures qui habiteraient les montagnes les plus reculées de la Nouvelle Angleterre. Ses investigations le poussent d’abord à entamer une relation épistolaire avec Henry Akeley (Barry Lynch), un autochtone harcelé par les monstres dans sa maison isolée, puis à se rendre lui-même sur place. Ce qu’il va découvrir va sérieusement mettre à mal sa santé mentale…

Attack of the Crab Monsters

Même si le pseudo-orchestre symphonique qui agrémente sa bande originale fait un peu fausse note, The Whisperer in Darkness joue avec beaucoup de talent la carte de l’imitation des codes du cinéma d’époque, notamment via sa photographie achrome très atmosphérique et sa mise en scène ample masquant l’étroitesse de son budget (estimé à environ 350 000 dollars). Le scénario de Sean Branney et Andrew Leman choisit d’enrichir le matériau initial en ajoutant plusieurs séquences, notamment une joute radiophonique entre le héros et l’un de ses plus farouches opposants, et surtout un climax en plein ciel extrêmement ambitieux au cours duquel les monstres (créations biomécaniques surprenantes sollicitant tour à tour des marionnettes, de la stop-motion et des images de synthèse) attaquent un avion au-dessus des montagnes nocturnes. Sans doute le rythme du film aurait-il gagné à être resserré et le recours à certains artifices narratifs (notamment la voix off peu convaincante de Matt Foyer) aurait-il pu être évité. C’est notamment le cas lorsque le mystérieux Ashley chuchote de terribles vérités à l’oreille de notre protagoniste. Au lieu de laisser travailler l’imagination du spectateur, le narrateur se sent obligé de surligner les choses en déclarant « Il était épouvantable d’entendre les cauchemars les plus répugnants de la mythologie secrète dévoilés dans des termes aussi concrets ». Or ce qui marche en littérature nécessite généralement d’être retranscrit en termes cinématographiques pour en conserver l’impact. Mais ces réserves n’empêchent pas The Whisperer in Darkness d’être une très honorable réussite, surtout si l’on tient compte des faibles moyens à la disposition de cette production indépendante portée à bout de bras par des passionnés bouillonnant d’enthousiasme.

 

© Gilles Penso

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