MAISON DE TOUS LES CAUCHEMARS (LA) (1980)

La compagnie Hammer Films délaisse le cinéma pour s’orienter vers la télévision à l’occasion d’une collection d’histoires horrifiques…

HAMMER HOUSE OF HORROR

 

1980 – GB

 

Créée par Roy Skeggs

 

Avec Peter Cushing, Jon Finch, Patricia Quinn, Lucy Gutteridge, Denhilm Elliott, Brian Cox, Diana Dors, Suzanne Danielle, Simon MacCorkindale, Gary Raymond

 

THEMA TUEURS I LOUPS-GAROUS I SORCELLERIE I RÊVES I MÉDECINE EN FOLIE I DIABLE ET DÉMONS I CANNIBALES I FANTÔMES

Il faut bien s’adapter à son époque. Avec Une fille pour le diable, la compagnie britannique Hammer Films s’efforçait d’attiser la flamme vacillante de sa gloire passée, convoquant l’un de ses acteurs vedette (Christopher Lee) et surfant sur la vague satanique initiée par le succès de L’Exorciste. Mais le film ne déplaça guère les foules et incita la société de production à réorienter ses activités vers le petit écran. Les aventures gothiques de Dracula, Frankenstein, la momie et consorts n’étant plus au goût du jour, il était temps de cultiver une horreur plus moderne, plus dans l’air du temps. Ainsi est née La Maison de tous les cauchemars, une anthologie de treize histoires d’épouvante d’une heure chacune confiées à sept réalisateurs britanniques expérimentés :  Peter Sasdy (Une messe pour Dracula), Robert Young (Le Cirque des vampires), Alan Gibson (Dracula 73), Tom Clegg (Cosmos 1999), Don Sharp (Le Baiser du vampire), Francis Megahy (Les Professionnels) et Don Leaver (Chapeau melon et bottes de cuir). Terence Fisher, le metteur en scène star de la Hammer, est lui aussi envisagé pour se joindre à la fête, mais il décède hélas en juin 1980.

La demi-douzaine de récits qui s’égrènent au fil de cette Maison de tous les cauchemars aborde l’horreur sous toutes ses formes. Les sorcières issues du passé, les inquiétantes société secrètes, les rêves prémonitoires, les expériences scientifiques mystérieuses, les demeures hantées, les possessions diaboliques, les loups-garous, les tueurs psychopathes, les sacrifices humains, les machinations machiavéliques et les cannibales s’y succèdent donc avec une belle générosité, tandis que plusieurs visages familiers se montrent au fil des épisodes. Le plus fameux d’entre eux est Peter Cushing, qui participe ici à sa dernière production Hammer dans le rôle d’un ancien nazi pratiquant des expérimentations sur les humains en se dissimulant sous l’identité affable du patron d’une animalerie. Jon Finch (Macbeth), Denholm Elliott (Les Aventuriers de l’arche perdue), Simon MacCorkindale (Manimal), Lucy Gutteridge (Top Secret !), Ian McCulloch (L’Enfer des zombies), Robert Urquhart (Frankenstein s’est échappé) et même un tout jeune Pierce Brosnan sont aussi de la partie.

Entre deux époques

Bien sûr, les épisodes sont inégaux et tous ne distillent pas les frissons avec autant d’efficacité. Mais quelques perles émergent largement du lot. Outre « Le Cri » dans lequel Cushing nous fait froid dans le dos, il faut citer « L’Aigle des Carpathes » et sa jeune tueuse en série (Suzanne Danielle) persuadée d’être possédée par l’esprit d’une meurtrière psychopathe, « Un étrange réveil » où un agent immobilier (Denholm Elliott) est victime de rêves récurrents de plus en plus affolants, « Visiteur d’outre-tombe » qui met en scène une femme (Kathryn Leigh Scott) hantée par le fantôme de l’homme qu’elle a tué accidentellement, ou encore « Les Deux faces du démon » et son sinistre auto-stoppeur. La Maison de tous les cauchemars a ceci d’intéressant qu’elle se positionne stylistiquement entre deux époques distinctes, n’évacuant pas totalement l’héritage « old school » de l’épouvante telle que la traitait la Hammer dans les années 60/70 tout en cherchant à s’inscrire dans les codes du genre redéfinis par les slashers post-Halloween (avec ce qu’il faut de violence et d’érotisme pour appâter le public du début des années 80). Le résultat n’est pas toujours pleinement convaincant, mais le niveau de la série reste de haute tenue, en grande partie grâce à l’originalité des scripts, à la solidité des réalisations et à la qualité de son casting.

 

© Gilles Penso


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MAX LA MENACE (1965-1970)

Deux ans avant son premier film, Mel Brooks lance la carrière du plus idiot des agents secrets à travers cette série délirante pastichant James Bond…

GET SMART

 

1965/1970 – USA

 

Créée par Mel Brooks et Buck Henry

 

Avec Don Adams, Barbara Feldon, Edward Platt, Robert Karvelas, Bernie Kopell, King Moody, Dick Gautier, David Ketchum, Victor French, Stacy Keach sr.

 

THEMA ESPIONNAGE ET SCIENCE-FICTION

En 1965, Mel Brooks n’a pas encore réalisé de long-métrage mais fait déjà rire beaucoup de monde à travers ses spectacles délirants. Auteur pour la télévision depuis la fin des années 40 (Your Show of Shows, Caesar’s Hour), il ne peut décemment pas passer à côté de la « spymania » déclenchée par le succès des aventures de James Bond au cinéma. Avec Buck Henry, il répond donc à la demande de la compagnie de production Talent Associates et imagine le personnage de Max la menace, autrement dit le plus stupides de tous les espions. « J’en avais assez de voir toutes ces comédies gentillettes et raisonnables », explique-t-il. « Je voulais faire quelque chose de fou, d’irréel, une sorte de bande dessinée parlant d’autre chose que la famille. Personne n’avait encore jamais consacré de série télévisée à un idiot. J’ai décidé d’être le premier » (1). La chaîne ABC, à qui est proposé le show, n’est pas totalement convaincue par ce ton parodique permanent et propose d’y ajouter de la chaleur humaine, des animaux familiers, des bons sentiments et des parents ! Autant dire que Mel Brooks et Buck Henry n’ont pas la même vision des choses. C’est finalement le réseau NBC qui diffusera Max la menace.

Beaucoup plus proche de l’inspecteur Clouzeau que de James Bond, Maxwell Smart (Don Adams) est un espion qui répond au matricule d’agent 86 et travaille pour Control, une agence gouvernementale de contre-espionnage dont le QG se trouve à Washington. Épaulé par l’agent 99 (Barbara Feldon), il lutte contre Kaos, une redoutable organisation criminelle internationale. Le fait qu’il s’en tire toujours et qu’il mène généralement à bien ses missions est un miracle, étant donné son incompétence notoire et sa maladresse congénitale. Au fil des épisodes, la série déploie une infinité de gadgets pastichant bien sûr ceux de l’agent 007. Le plus fameux d’entre eux est le téléphone qui se trouve non seulement dans la chaussure de Max mais aussi un peu partout (plus de cinquante objets permettent ainsi de téléphoner, de la cravate au peigne en passant par l’horloge). Max recours aussi à un mur invisible à l’épreuve des balles installé dans son appartement, une caméra cachée dans un bol de soupe, une ceinture équipée d’un aimant, un bouton de veste qui tire des rayons laser, un « cône du silence » qui permet de parler sans être entendu ainsi qu’une voiture surchargée en équipement d’attaque et de défense (mitrailleuse, écran de fumée, suivi radar, siège éjectable). Il faut aussi citer la présence de Hymie le robot (incarné par Dick Gautier), un androïde qui aide nos héros dans leurs missions mais souffre de quelques dysfonctionnements. Il n’est pas impossible qu’il ait inspiré l’inspecteur Yoyovitch de l’éphémère série Holmes et Yoyo.

Gadgets à gogo

Plusieurs vedettes invitées pointent le bout de leur nez tout au long du show : des échappés de Mission impossible (Martin Landau, Barbara Bain), Star Trek (Leonard Nimoy) ou Batman (Vincent Price, Cesar Romero, Julie Newmar), mais aussi Ernest Borgnine (Les Douze salopards), Victor Buono (Qu’est-il arrivé à Baby Jane ?), James Caan (Le Parrain), Sid Haig (bien avant La Maison des 1000 morts) ou Nancy Kovack (Jason et les Argonautes), pour n’en citer que quelques-uns. Il faut bien reconnaître que tous les gags de Max la menace ne font pas mouche et que la finesse n’est pas spécialement au rendez-vous. Pour autant, le show séduit grâce à sa liberté de ton, à son anti-héros campé à merveille par un Don Adams ayant trouvé là le rôle de sa vie et à ses détournements constants des codes de l’espionnage et de la science-fiction. Après la première saison, Mel Brooks laissera les rênes de Max la menace à Buck Henry pour se consacrer à son premier film, Les Producteurs. Si la série s’arrête en 1970 après cinq ans de bons et loyaux services, Don Adams revient interpréter Max dans le long-métrage cinéma Le Plus secret des agents secrets en 1980 puis dans les séries Le Retour de Max la menace en 1989 et Get Smart en 1995. Un remake sur grand écran sortira en 2008, avec Steve Carell dans le rôle-titre, preuve que cet improbable espion a décidément la vie longue.

 

(1) Extrait d’une interview parue dans « Time » en octobre 1965.

 

© Gilles Penso


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SECOND CHANCE (1987-1988)

À 17 ans, Matthew Perry devient le héros de cette sitcom fantastique dans laquelle son double du futur vient réparer ses fautes passées…

SECOND CHANCE / BOYS WILL BE BOYS

 

1987/1988 – USA

 

Créée par David W. Duclon et Gary Menteer

 

Avec Kiel Martin, Matthew Perry, William Gallo, Demian Slade, Randee Heller, Joseph Maher, Terri Ivens, Adam Sadowsky

 

THEMA MORT I VOYAGES DANS LE TEMPS

Créateurs de la série Punky Brewster, David W. Duclon et Gary Menteer développent au milieu des années 80 l’idée d’une sitcom au concept surprenant : alors qu’il vient de mourir, un homme adulte est renvoyé dans le passé pour se rencontrer lui-même à l’âge de l’adolescence et tenter de réparer les erreurs de sa vie. Matthew Perry, alors âgé de 17 ans, n’a joué que des petits rôles à la télévision et au cinéma et voit là l’opportunité de se faire enfin repérer par le grand public. Mieux encore : pourquoi ne pas embarquer avec lui son père Joe Perry, acteur spécialisé jusque-là dans les films publicitaires ? « Existe-t-il un meilleur pitch pour un duo d’acteurs père/fils ? » raconte-t-il à propos du concept de Second Chance. « Mon père et moi avons évidemment passé le casting. Et là, désastre : j’ai été pris pour jouer la version jeune du héros, mais pas mon père pour jouer la version adulte. Mon père a géré la situation en n’assistant à aucun de mes tournages sauf celui du dernier épisode. Je suppose qu’il avait ses raisons » (1). Cette rancœur compréhensible gâche un peu le plaisir du jeune Matthew Perry mais lui permet enfin d’accéder à un rôle de premier ordre. C’est finalement l’acteur Kiel Martin (l’inspecteur LaRue dans Hill Street Blues) qui est sélectionné pour incarner le personnage à l’âge adulte.

Le caractère burlesque de Second Chance est assumé dès son entame. Dans son bureau très « rococo », Saint-Pierre (Joseph Maher) reçoit tour à tour une Miss America et le général Kadhafi. La première est envoyée au paradis (une lumière dorée s’allume et la conduit vers une porte d’où émergent des chœurs angéliques), le second part directement en enfer (comme l’indique la lumière rouge qui l’emmène vers une autre porte s’ouvrant sur d’inquiétantes volutes de fumée). L’action se situe le 29 juillet 2011. Kadhafi étant mort dans la réalité le 20 octobre 2011, voilà qui démontre un surprenant sens de la prédiction de la part des scénaristes ! Le prochain visiteur de l’au-delà est Charles « Chazz » Russell, mort dans un accident d’aéroglisseur. Face à son cas, Saint-Pierre est perplexe. Le défunt n’a droit ni à la lumière dorée, ni à la lumière rouge, mais à une lueur bleue. C’est un « Blue Lighter », autrement dit quelqu’un qui n’est pas assez bon pour le paradis ni assez mauvais pour l’enfer. Saint-Pierre le renvoie donc sur Terre en 1987 pour qu’il se rencontre lui-même alors qu’il était adolescent et s’aide à faire des choix moraux plus judicieux.

Changement de cap

Si Kiel Martin déborde de charisme dans la peau de cet homme coincé dans son passé et si la petite galerie de personnages qui lui donnent la réplique ne démérite pas, c’est clairement Matthew Perry qui crève l’écran et vole la vedette de tous ses compagnons de jeu. En tout début de carrière, il possède déjà tout le dispositif comique qui le rendra célèbre : une répartie cinglante, une façon unique de ponctuer ses dialogues, des mimiques irrésistibles, une gestuelle saccadée et surtout un incroyable sens du timing. Une grande partie des gags de la série se réfèrent directement à la culture américaine. Chazz n’étant ni bon ni mauvais, il est comparé au chanteur Barry Manilow par exemple. Les auteurs imaginent également que le président des USA du futur sera John Travolta. Les dialogues abondent quant à eux de jeux de mots autour de la mort, l’enfer, le paradis et l’éternité, dont la plupart sont intraduisibles en français. La série n’est d’ailleurs jamais parvenue jusqu’à chez nous, faute d’un succès suffisant aux États-Unis. « Tout le monde était persuadé que Second Chance allait cartonner », raconte Perry. « À sa sortie, la série s’est placée à la 93ème place des 93 séries du classement » (2). Face à ces mauvaises audiences, les scénaristes changent complètement leur fusil d’épaule. Après neuf épisodes, l’argument fantastique est supprimé, les intrigues se concentrent sur la vie d’adolescent de Chazz et de ses amis et le programme est rebaptisé Boys Will Be Boys. Le succès n’est pas pour autant au rendez-vous, et la série est annulée au bout de sa première et unique saison. Dommage, parce que Second Chance ne manque ni d’atouts ni de charme. Peut-être serait-il temps de lui donner… une seconde chance ?

 

(1) et (2) Extraits de l’autobiographie « Friends, mes amours et cette chose terrible » de Matthew Perry parue en 2022.

 

© Gilles Penso


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MA SORCIÈRE BIEN AIMÉE (1964-1972)

L’une des sitcoms les plus populaires des années 60 s’attache à un couple faussement tranquille chez qui la magie s’invite quotidiennement…

BEWITCHED

 

1964/1972 – USA

 

Créée par Sol Saks

 

Avec Elizabeth Montgomery, Dick York, Dick Sargent, Agnes Moorhead, David White, Erin Murphy, Irene Vernon, Kasey Rogers, Alice Pearce, George Tobias

 

THEMA SORCELLERIE ET MAGIE

Le mois de septembre de l’année 1964 aura été marqué par l’arrivé en masse du fantastique, de la magie et du surnaturel dans les foyers américains, via trois sitcoms réjouissantes dont les premières diffusions furent quasiment simultanées : La Famille Addams, Les Monstres et Ma sorcière bien aimée. Cette dernière fut de loin la plus populaire des trois, occupant le réseau ABC pendant huit années consécutives tout en se déployant sur les petits écrans du monde entier. Sol Saks, qui en est à l’initiative, ne cache pas ses sources d’inspiration : les comédies romantiques fantastiques Ma femme est une sorcière de René Clair (avec Frederic March et Veronika Lace) et L’Adorable voisine de Richard Quine (avec James Stewart et Kim Novak). La délicieuse jeteuse de sorts aux cheveux blonds et le pauvre homme ordinaire tombant sous ses charmes viennent de là. Les postulats de la série et des deux films sont si proches qu’une action en justice pour plagiat aurait pu inquiéter Saks. Mais aucun risque de ce côté-là : Ma sorcière bien aimée est produit par Screen Gems, une division de Columbia Pictures qui possède les droits des longs-métrages de René Clair et Richard Quine. Nous sommes donc « en famille » en quelque sorte.

Bienvenue chez les Stephens, un couple très sympathique qui mène une vie tranquille dans sa maison modèle qu’on croirait presque issue d’un prospectus publicitaire pour l’American Way of Life des années 1960. Samantha est une femme au foyer docile, Darrin (Jean-Pierre dans la version française) l’employé prospère d’une agence de publicité, et tous deux s’aiment tendrement. Seulement voilà : Samantha n’est pas tout à fait une ménagère comme les autres. Descendante d’une lignée de sorcières, elle possède des pouvoirs magiques qu’elle évite d’utiliser chaque fois que possible pour mener une vie normale. Mais Darrin/Jean-Pierre et les « mortels » qui font partie de son entourage (son patron, ses clients, ses voisins, ses parents) sont souvent victimes de sorts dont Samantha s’efforce d’éliminer les effets le plus discrètement possible pour ne pas révéler ses pouvoirs. D’où un nombre incalculable de situations comiques accentuées par la présence d’une belle-mère hostile et envahissante…

Flamme au foyer

Les clichés de la bonne petite famille américaine des sixties volent donc rapidement en éclat malgré les apparences. La femme au foyer est la personnalité forte de la série, celle qui possède le pouvoir de régler la plupart des problèmes, face à un époux souvent dépassé par la situation. Derrière le rire et la magie se dissimule ainsi une bonne dose de satire sociale brocardant les à-priori sexistes, l’hypocrisie et le snobisme (symbolisé par la mère de Samantha n’ayant toujours pas avalé le fait que cette dernière ait épousé un homme socialement inférieur à elle). Sans compter que Ma sorcière bien aimée est la première série américaine à avoir mis en scène un couple séparé (la belle-mère et son époux). Ce détail peut sembler aujourd’hui anecdotique, mais c’était inédit à l’époque. Le charme d’Elizabeth Montgomery (ah, son fameux remuement de nez pour provoquer la magie !), l’énorme capital sympathie de Dick York (remplacé à mi-parcours de la série par Dick Sargent à cause d’un état de santé défaillant), la légèreté rafraîchissante des scénarios, la musique pétillante de Jack Keller, le célèbre générique en dessin animé conçu par Hanna & Barbera, tous ces ingrédients ont contribué au succès de Ma sorcière bien aimée bien au-delà des frontières américaines. En 2005, Nora Ephron en tirera un film post-moderne très décevant, malgré son casting judicieux.

 

© Gilles Penso


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LOST, LES DISPARUS (2004-2010)

Quel est le secret de l’île tropicale sur laquelle se sont échoués les passagers du vol 915 d’Oceanic Airlines ? 

LOST

 

2004/2010 – USA

 

Créée par Jeffrey Lieber, J.J. Abrams, Damon Lindelof

 

Avec Matthew Fox, Evangeline Lilly, Naveen Andrews, Emilie de Ravin, Jorge Garcia, Maggie Grace, Josh Holloway, Dominic Monaghan, Terry O’Quinn

 

THEMA EXOTISME FANTASTIQUE I MORT I MONDES PARALLÈLES ET VIRTUELS

Un œil s’ouvre en gros plan, découvrant d’immenses arbres tropicaux qui se dressent vers le ciel. L’homme revient à lui, haletant, son costume défait, sa cravate de travers. Mais il n’est pas seul. Un chien émerge dans la forêt, s’avance vers lui la langue pendante avant de s’éloigner avec indifférence. Notre homme se redresse avec difficulté, le visage couvert de griffures. Puis il s’élance, accélérant le pas au milieu d’une végétation de plus en plus dense, sans remarquer qu’une chaussure est accrochée à l’un des arbres. Il finit par déboucher sur une grande plage, avec l’océan à perte de vue. Ce sont les cris qui finissent par attirer son attention, ceux de dizaines de survivants terrifiés qui émergent de la carcasse fumante de ce qui fut jadis un avion… Tous ceux qui ont vu le premier épisode de Lost se souviennent encore du choc ressenti par cette entrée en matière percutante, nouvelle preuve de l’art indiscutable de l’accroche cultivé par J.J. Abrams. Ce n’est pourtant pas le créateur d’Alias qui est à l’origine de Lost mais le directeur de la chaîne ABC, Lloyd Brown. En vacances à Hawaï en 2003, il regarde Seul au monde de Robert Zemeckis lors d’une de ses rediffusions et se dit que cette histoire de naufragé se déclinerait à merveille sous forme de série télévisée. Le succès de la télé-réalité Survivor, qui rameute à l’époque les foules devant les petits écrans, le conforte dans cette idée. Le scénariste Jeffrey Lieber est chargé de développer le concept, mais ce qu’il écrit ne suffit pas à convaincre la chaîne. C’est là qu’Abrams entre en scène, épaulé par Damon Lindelof. Les trois hommes partageront le crédit de créateurs de la série.

Lost, les disparus raconte donc les déboires d’un groupes de survivants réunis sur ce qui ressemble à une île tropicale inhabitée après le crash du vol 915 d’Oceanic Airlines. Au sein de ce feuilleton choral, la personnalité de Jack Shephard (Matthew Fox) émerge. Ce chirurgien charismatique devient le guide de la petite troupe, les résonnances bibliques de son patronyme (qu’on pourrait traduire par « berger ») n’ayant bien sûr pas été choisies au hasard. Son autorité est assez rapidement remise en question par Sawyer (Josh Holloway), le mauvais garçon de la bande qui va s’ériger en rival amoureux dans la romance naissante qui s’installe avec Kate Austen (Evangeline Lilly). Car il y a des composantes de soap opera dans Lost, mêlées à une bonne dose de suspense et à un basculement régulier dans le fantastique pur. L’île regorge en effet de mystères et d’éléments surnaturels : la présence incompréhensible d’ours polaires, le surgissement d’un « monstre de fumée » rugissant et destructeur, un groupe mystérieux d’habitants qui seront surnommés « les autres », des stations de recherche scientifique installées par une organisation inconnue, une trappe métallique enfouie sous le sol… Parallèlement aux errances de nos naufragés, de nombreux flash-backs ponctuent le récit pour nous en apprendre plus sur chaque personnage et sur les interconnexions qu’ils pourraient bien avoir les uns avec les autres.

L’île mystérieuse

Bénéficiant de budgets très conséquents (le pilote à lui seul a coûté 14 millions de dollars, un record dans le genre), Lost joue avec maestria sur les attentes des téléspectateurs. Chaque épisode se clôt sur un cliffhanger palpitant et les fins de saisons sont des modèles de frustration savamment orchestrée. On ne compte plus le nombre de théories qu’auront échafaudé les fans pour tenter de comprendre le fin mot de l’histoire et de justifier les phénomènes inexpliqués de cette île mystérieuse. Mais au bout du compte, même les plus assidus finissent par voir leur foi émoussée. Et si tout ceci n’était qu’une vaste supercherie ? Les scénaristes ne seraient-ils pas en train d’essayer de nous faire croire qu’ils savent où ils vont alors qu’en réalité ils improvisent à l’aveuglette ? Ce sentiment que personne – ni les auteurs, ni le public – ne saura jamais où tous ces mystères mènent devient de plus en plus prégnant. Il y aura pourtant un dénouement avec une explication s’efforçant de rationnaliser tout ce que nous avons vu pendant six saisons. Mais cette conclusion se révèle très décevante, bien en deçà des attentes et des fantasmes. Comment pouvait-il en être autrement ? Il n’empêche que Lost est entré dans les mémoires comme l’un des feuilletons les plus originaux, les plus captivants et les plus addictifs de l’histoire de la télévision.

 

© Gilles Penso


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LOÏS & CLARK : LES NOUVELLES AVENTURES DE SUPERMAN (1993-1997)

Le plus célèbre de tous les super-héros vit une romance complexe dans cette série ultra-populaire qui a révélé Teri Hatcher…

LOIS & CLARK : THE NEW ADVENTURES OF SUPERMAN

 

1993/1997 – USA

 

Créée par Deborah Joy LeVine

 

Avec Dean Cain, Teri Hatcher, Lane Smith, Eddie Jones, K Callan, Michael Landes, Justin Whalin, Tracy Scoggins, John Shea

 

THEMA SUPER-HÉROS I SAGA SUPERMAN I DC COMICS

Les séries télévisées « live » consacrées au plus célèbre des super-héros se limitaient jusqu’alors aux Aventures de Superman (1952-1958) et à Superboy (1988-1992). Désireuse d’offrir à l’homme d’acier un autre show digne de ce nom, la présidente de DC Comics de l’époque, Jenette Kahn, confie à Deborah Joy LeVine le développement d’une nouvelle série baptisée d’abord Lois Lane’s Daily Planet (ce qui laisse entendre que la fameuse journaliste était déjà prévue comme élément central de l’intrigue) puis finalement Loïs & Clark : les nouvelles aventures de Superman. LeVine n’est pas familière avec les aventures du héros de Krypton et avoue même n’avoir aucune culture du comic book. Mais aux yeux de Jenette Kahn, ce n’est pas rédhibitoire, bien au contraire. Voilà même l’occasion de proposer un regard neuf sur des personnages qu’on pensait connaître par cœur. Dans Loïs & Clark, l’accent sera mis sur la relation romantique du couple vedette. Clark Kent prend donc le pas sur son alter-égo en rouge et bleu, quasiment relégué au second plan. Et pour bien marquer cette inversion des tendances, les coiffures associées habituellement aux deux facettes de Kal-El ont été interverties : Superman a les cheveux gominés et Clark la fameuse petite mèche qui rebique.

L’intrigue de Loïs & Clark revisite le super-héros en s’appuyant sur la version établie par le scénariste John Byrne dans la mini-série « L’Homme d’acier » publiée en 1986. Ici donc, Clark est la personnalité réelle et dominante tandis que Superman se révèle être une sorte de « déguisement » lui permettant de secourir la veuve et l’orphelin (ce qui est conforme avec la majorité des double-identités des autres super-justiciers mais entre en rupture avec le personnage tel qu’il fut créé par Joe Shuster et Jerry Siegel). La série débute vingt-sept ans après l’atterrissage en catastrophe du petit vaisseau spatial abritant le bébé venu de Krypton, en plein Kansas. Clark démarre alors son travail de journaliste pour le Daily Planet de Metropolis, sous la direction de Perry White, et décide d’adopter une panoplie colorée pour pouvoir lutter contre le mal sans mettre à jour sa véritable identité. Lorsqu’il rencontre sa pétillante collègue Loïs Lane, le cours de sa vie bascule…

Je taime, moi non plus

Terriblement séduisante et addictive, cette série assume pleinement son rattachement au genre de la comédie romantique en s’appuyant sur le charme fou de ses deux interprètes principaux : Dean Cain et Teri Hatcher. La future héroïne de Desperate Housewives vole même la vedette à son partenaire masculin et bâtit pas à pas son statut de future star. Au sortir de Loïs & Clark, elle sera d’ailleurs promue James Bond Girl dans Demain ne meurt jamais. Mais les seconds rôles ne sont pas en reste, notamment Lane Smith en savoureux Perry White et John Shea en Lex Luthor réinventé. Abandonnant son crâne lisse et son rôle classique de savant fou mégalomane, l’ennemi juré de Superman est ici un industriel corrompu plus « terre à terre » qui joue surtout le rôle du rival amoureux. Car Luthor n’est pas avare en avances à l’encontre de Loïs qui se laisserait presque séduire si elle n’était pas si éprise de Superman, ignorant que ce dernier est en réalité Clark Kent qui lui aussi la couve des yeux, mais sous son identité civile. Cet imbroglio amoureux motive l’écriture de scénarios riches en rebondissements. Cela dit, même si le caractère fantastique n’occupe plus le devant de la scène, la série ne recule pas devant les super-vilains excessifs : des armées de robots à la solde de truands, des voyageurs temporels, des enfants maléfiques… Pour peu on se croirait revenu à l’époque du Batman des sixties ! Sise dans une époque indéterminée, quelque part à mi-chemin entre les années 50 et 90, Loïs & Clark : les nouvelles aventures de Superman finit par s’essouffler en cours de route et s’arrêtera au bout de quatre saisons.

 

© Gilles Penso


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LIFE ON MARS (2006-2007)

Après avoir été renversé par une voiture, un inspecteur de police des années 2000 se retrouve propulsé en 1973…

LIFE ON MARS

 

2006/2007 – GB

 

Créée par Matthew Graham, Tony Jordan et Ashley Pharoah

 

Avec John Simm, Philip Glenister, Liz White, Dean Andrews, Marshall Lancaster, Noreen Kershaw, Tony Marshall, Rafaella Hutchinson, Joanne Froggatt

 

THEMA VOYAGES DANS LE TEMPS

En 1998, alors qu’ils se creusent la tête pour trouver l’idée de plusieurs programmes télévisés originaux, les scénaristes Matthew Graham (EastEnders) et Ashley Pharoah (Down to Earth) pensent à une série déjantée qui mixerait les codes de la comédie, de l’enquête policière et de la science-fiction, le tout saupoudré d’un humour typiquement anglais et d’un pastiche des effets de style des années 70. Le titre de travail, Ford Granada, se réfère au modèle de la voiture qu’utiliseront les personnages principaux. Mais ce projet met du temps à convaincre les décideurs, incapables de ranger ce programme dans une « case » bien établie. « À l’époque, les diffuseurs n’étaient tout simplement pas à l’aise avec un concept de ce type, parce qu’il ne se déroulait pas dans un cadre classique et comportait un important élément fantastique », raconte Matthew Graham (1). Il faudra huit ans pour que Ford Granada finisse par se concrétiser. Son titre définitif, Life on Mars, est un hommage direct à l’une des chansons de David Bowie. C’est finalement Julie Gardner, de la BBC, qui s’entiche du projet et convainc la chaîne de s’embarquer dans l’aventure. Elle a du flair. Dès qu’elle débarque sur les petits écrans en 2006, la série connaît en effet un succès immédiat.

Life on Mars raconte l’histoire de Sam Tyler (John Simm), un inspecteur de police qui officie à Manchester en 2006. Après avoir été renversé par une voiture, il se réveille au même endroit… mais en 1973. Le voilà désormais co-équipier d’un homologue des années 70, son supérieur l’inspecteur Gene Hunt (Philip Glenister), au sein du département des enquêtes criminelles. Dès lors, il va s’efforcer de poursuivre son travail d’inspecteur dans un contexte qui lui est résolument étranger (le Manchester des seventies n’est pas du tout le même que celui des années 2000, les techniques policières non plus) tout en cherchant à percer le mystère de sa situation incompréhensible. « Suis-je fou, dans le coma, ou ai-je voyagé dans le passé ? » se demandera-t-il en voix off au début de chaque épisode, invitant les téléspectateurs à s’interroger comme lui sur ce basculement temporel inexplicable.

Le choc des cultures

Avec une audace réjouissante, Life on Mars combine deux mécaniques scénaristiques bien connues : le « buddy movie » (deux protagonistes sont obligés d’évoluer côte à côte malgré le fossé abyssal qui les sépare) et le « poisson hors de l’eau » (un héros plongé dans un cadre dont il ne connaît quasiment rien). L’opposition entre ces deux flics que tout sépare, l’un très attaché à la procédure et à la règlementation, l’autre beaucoup plus libre dans ses méthodes et dans son langage, est le moteur comique principal de la série, qui s’amuse aussi à tourner en dérision deux visions extrêmes du métier de policier : le politiquement correct aseptisé d’un côté, une moralité toute relative à la lisière de la corruption de l’autre. Portée par le jeu délectable de ses deux acteurs principaux, Life on Mars regorge de clins d’œil au Magicien d’Oz (Sam Tyler est d’ailleurs surnommé « Dorothy »), comme pour mieux nous faire comprendre que ce saut dans le temps est avant tout un voyage initiatique. Après la deuxième saison, les deux auteurs choisissent de stopper la série. « Nous avons décidé que le voyage de Sam devait avoir une durée de vie limitée et une fin bien définie, et nous pensons que nous avons atteint ce point » dit à ce propos Matthew Graham (2). Mais Life on Mars se prolongera malgré tout, d’abord sous forme d’un grand nombre d’adaptations à travers le monde (la plus connue est américaine, mais la série fut également déclinée en Espagne, en Russie, en République Tchèque et en Corée !), ensuite via une série spin-off, Ashes to Ashes, diffusée sur la BBC en 2008.

 

(1) Extrait d’une interview publiée dans le magazine britannique SFX en janvier 2006.

(2) Extrait d’une interview publiée sur BBC New Online en octobre 2006.

 

© Gilles Penso


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KINGDOM HOSPITAL (2004)

Sous l’impulsion de Stephen King, ce remake américain de la série danoise L’Hôpital et ses fantômes décline plusieurs obsessions de l’écrivain…

STEPHEN KING’S KINGDOM HOSPITAL

 

2004 – USA

 

Créée par Stephen King

 

Avec Andrew McCarthy, Jack Coleman, Jodelle Ferland, Diane Ladd, Bruce Davison, Ed Begley Jr, Meagen Fay, Suki Kaiser

 

THEMA FANTÔMES I SAGA STEPHEN KING

Nombre de ses écrits ayant été adaptés pour le petit écran, Stephen King est de plus en plus attentif aux programmes télévisés, toutes nationalités confondues. Lorsqu’il découvre la série danoise L’Hôpital et ses fantômes, créée par le cinéaste Lars Von Trier, l’écrivain tombe sous le charme. Insolite et inclassable, cultivant un certain sens de l’absurde et flirtant parfois avec l’univers de David Lynch, la série est située dans le grand hôpital de Copenhague, dont nous apprenons qu’il est bâti sur d’anciens marais servant jadis aux blanchisseurs. Les séances de spiritisme sont monnaie courante dans les chambres, une ambulance fantôme fait régulièrement son apparition, des pleurs de bébé résonnent dans le plafond d’un ascenseur et les anesthésies s’effectuent sous hypnose. L’idée d’un remake américain de cette série germe dans l’esprit de Stephen King et se concrétise en 2004, avec la complicité du réalisateur Craig R. Baxley (La Tempête du siècle, Rose Red, Le Journal d’Ellen Rimbauer).

Suivant son modèle danois, le Kingdom Hospital est bâti sur les ruines d’un atelier de textile détruit par un incendie criminel pendant la guerre de Sécession. Presque tous les ouvriers en réchappèrent mais pas les enfants qui y travaillaient. Des spectres hantent désormais les sous-sols de l’établissement. On retrouve beaucoup d’éléments de la série initiale dans Kingdom Hospital : le couple trisomique qui s’occupe de la vaisselle et pressent des choses impalpables, les séismes qui frappent parfois le bâtiment, la vieille dame qui se fait hospitaliser pour pouvoir communiquer avec les esprits, la rivalité entre l’acariâtre chef de service de la neurochirurgie et son subordonné… Les noms de plusieurs personnages ont d’ailleurs été conservés. Mais Stephen King y greffe aussi de l’autobiographie, faisant même subir à l’un de ses personnages le même accident que celui dont il fut victime quelques années plus tôt. Ainsi, dans le premier épisode, un peintre s’adonnant au footing le long d’une petite route de campagne est renversé par une camionnette. La fiction imite tant la réalité (telle que King la vécut et la raconta par la suite) que l’effet miroir s’avère troublant.

Médecine parallèle

Le malade, son médecin et une médium tentent dès lors de percer le mystère qui couve derrière les murs du Kingdom Hospital, où le bien et le mal semblent vouloir s’affronter, et où apparaissent régulièrement Mary, la petite fille fantôme à la clochette, et un garçon monstrueux aux dents acérées… La réalisation de Kingdom Hospital est plus « propre » que celle de L’Hôpital et ses fantômes, évacuant son caractère volontairement brut et crasseux. Les éléments surnaturels y sont également plus immédiatement explicites, notamment le fantôme de la fillette qui, dès le début, apparaît sur les moniteurs de contrôle et dans les reflets des vitres, ou le surgissement régulier d’Anubis, un très impressionnant fourmilier conçu en images de synthèse par Image Engine Design Inc. On peut être tenté de préférer l’iconoclasme et la singularité de la série originale, mais Craig R. Baxley effectue là un travail de grande qualité et l’écriture de King (épaulé par Richard Dooling) tient la route.

 

© Gilles Penso


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JEKYLL (2007)

Dans cette relecture modernisée du mythe, le bon docteur et son redoutable alter-ego tentent de cohabiter en limitant les dégâts…

JEKYLL

 

2007 – GB

 

Créée par Steven Moffat

 

Avec James Nesbitt, Gina Bellman, Paterson Joseph, Denis Lawson, Michelle Ryan, Meera SYal, Fenella Woolgar, Linda Marlowe, Andrew Byrne, Christopher Day

 

THEMA JEKYLL ET HYDE

Producteur d’une poignée de téléfilms tels que le drame historique The Four Minute Mile, la comédie romantique Liaisons étrangères ou l’enquête policière Bloodlines : Legacy of a Lord, Jeffrey Taylor envisage une version moderne des aventures du docteur Jekyll et de Mister Hyde au milieu des années 1990, mais les compagnies américaines vers lesquelles il se tourne pour leur proposer ce projet ne se montrent pas particulièrement intéressées. Taylor se penche alors vers la Grande-Bretagne et trouve une oreille attentive du côté de la société Hartswood Films, justement à la recherche d’une idée de thriller surnaturel pour alimenter une mini-série. C’est ainsi que naît Jekyll, co-produit par Stagescreen Productions et BBC One. La productrice Elaine Cameron confie à Steven Moffat l’écriture des six épisodes et la supervision artistique du programme, envisagé non pas comme une nouvelle adaptation du roman de Robert Louis Stevenson mais plutôt comme une variante / suite qui se déroulerait à notre époque. Le tournage étant divisé en deux parties distinctes, les trois premiers épisodes sont réalisés par Douglas Mackinnon et les trois suivants par Matt Lipsey, deux téléastes de talent.

Du jour au lendemain, sans explication, le docteur Tom Jackman (James Nesbitt), marié et père de deux enfants, a abandonné sa famille pour partir s’installer dans un appartement en sous-sol lourdement fortifié. Il engage une infirmière psychiatrique, Katherine Reimer (Michelle Ryan), pour l’aider à résoudre un cas parfaitement inhabituel. En effet, à intervalles réguliers, le médecin change radicalement de personnalité. Son alter ego ne se contente pas de posséder une psychologie différente (il est plus jovial, plus séducteur, plus agressif, plus violent) mais aussi de capacités physiologiques nouvelles, notamment des sens accrus, une grande force et une vitesse presque surhumaine. Étant donné que ce phénomène ressemble comme deux gouttes d’eau à celui décrit par l’écrivain R.L. Stevenson dans son roman « L’Étrange cas du docteur Jekyll et de Monsieur Hyde », Jackman se demande s’il ne s’agit pas d’une histoire vraie et s’il n’est pas lui-même le descendant de Jekyll. Son double prend donc le nom de Hyde et tous deux concluent une sorte de pacte du silence. Si Hyde comment un meurtre, Jackman ira se dénoncer à la police. Mais si le docteur tente de trouver un traitement contre cette transformation, Hyde se donnera la mort et les tuera donc tous les deux.

Le pacte du silence

Ce n’est pas tant la modernisation du mythe qui marque la singularité de cette énième adaptation mais surtout l’inscription du livre de Stevenson au sein-même de son récit, offrant du même coup aux téléspectateurs une mise en abyme surprenante. Ce simple élément scénaristique parvient à crédibiliser le phénomène surnaturel du dédoublement de Jackman. Bien sûr, l’un des plus gros atouts de la série est James Nesbitt, dont l’interprétation flamboyante – toujours à la limite de l’excès et du cabotinage, en un jeu d’équilibriste fascinant – irradie tout l’écran. Tour à tour séduisant, drôle et terrifiant, ce Hyde est l’un des plus mémorables d’une filmographie qui en compte pourtant beaucoup. L’idée d’un double vecteur de communication entre les deux facettes du même homme (l’infirmière mais aussi un magnétophone à cassette sur lequel ils s’enregistrent des messages) enrichit la narration de possibilités nouvelles et inattendues. Tout comme l’adjonction de cette organisation secrète qui commence à s’intéresser de près au cas du docteur Jackman. La qualité de la mise en scène, la précision de l’écriture et la réaction très positive du public laissaient espérer une seconde saison, pour laquelle Steven Moffat avait déjà élaboré plusieurs scénarios. Mais la BBC préfère s’en tenir là. Jekyll n’aura donc duré que six épisodes. Moffat prendra sa revanche en mettant sa plume au service des séries Doctor Who, Sherlock et Dracula.

 

© Gilles Penso


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HOMME DE L’ATLANTIDE (L’) (1977-1978)

Un homme capable de respirer sous l’eau et de nager comme un poisson est découvert sur une plage californienne. Qui est-il ?

MAN FROM ATLANTIS

 

1977/1978 – USA

 

Créée par Mayo Simon et Herbert F. Solow

 

Avec Patrick Duffy, Belinda Montgomery, Alan Fudge, Victor Buono, Robert Lussier, Kenneth Tigar, Ted Neeley, Fred Beir, Richard Laurance Williams, J. Victor Lopez

 

THEMA SUPER-HÉROS

Il était mignon tout plein, Patrick Duffy, avec son slip de bain jaune, ses mains palmées et ses cheveux qui s’ébouriffaient sous l’eau dans le rôle de cet étrange Atlantéen dont les aventures semblaient presque vouloir poursuivre en chair et en os les exploits dessinés de l’Aquaman de DC Comics et du Submariner de Marvel. La grande majorité des adolescentes ayant découvert L’Homme de l’Atlantide à la fin des années 70 et au début des années 80 ne s’en sont toujours pas remises ! Quant aux garçons, ils essayaient tous d’imiter sa technique de nage très particulière pour faire les malins à la plage et à la piscine. Duffy n’était pas encore le Bobby Ewing du feuilleton fleuve Dallas et semblait donc surgi de nulle part, émergeant des flots comme une version masculine de la Venus de Botticelli. Produit par la compagnie Solow Production, branche « live » du célèbre studio d’animation Hanna-Barbera, ce show aquatique créé par Mayo Simon et Herbert F. Solow a connu une diffusion atypique : d’abord quatre téléfilms sur le réseau NBC entre mars et juin 1977, puis une saison de 13 épisodes hebdomadaires jusqu’en juin 1978.

Le point de départ de L’Homme de l’Atlantide est très intriguant. Après une violente tempête en mer, le corps inerte d’un homme est retrouvé sur la plage près d’un centre de recherche océanique gouvernemental. Doté de mains palmées et de branchies à la place des poumons, il peut respirer sous l’eau, nager plus vite qu’un dauphin et plonger à plus de dix kilomètres de profondeur. Serait-il le dernier survivant de la légendaire Atlantide ? Le docteur Elizabeth Merrill (Belinda Montgomery) le soigne et lui donne le nom de Mark Harris. En échange, Mark accepte d’aider la marine américaine à retrouver un submersible disparu transportant de hauts responsables militaires. Dans les profondeurs de l’océan, Mark découvre un énorme habitat sous-marin construit par Monsieur Schubert. Ce savant fou exubérant campé par Victor Buono sera le super-vilain récurrent de la série. Au fil des épisodes, Mark Harris va donc prêter main forte à la fondation et aux membres de l’équipage du sous-marin le Cétacé.

Comme un poisson hors de l’eau

Grâce aux effets spéciaux miniatures supervisés par Gene Warren (La Machine à explorer le temps, Les Aventures de Tom Pouce), le Cétacé s’enfonce avec grâce dans les fonds marins, tandis que le maquilleur Fred Philips (Star Trek) est chargé de doter Mark Harris de ses mains et de ses pieds palmés, ainsi que d’une paire de lentilles de contact inconfortables lui donnant un regard presque félin. Si les premiers épisodes – et notamment les téléfilms initiaux – abordent avec un certain sérieux les sujets environnementaux et scientifiques via le prisme de la science-fiction, la série finit par partir un peu dans tous les sens en mettant en scène des créatures fantaisistes n’ayant plus rien de crédible, de la sirène au diablotin en passant par le jumeau maléfique. La palme revient tout de même à « Oscar », un hippocampe géant à deux têtes joué par un acteur dans un costume de caoutchouc qu’on croirait échappé des séries Ultraman ou Spectreman. « Ce monstre était ridicule et en plus j’étais plus grand que lui », se souvient Patrick Duffy. « J’étais censé me battre contre lui, comme s’il était terrifiant. Pour être honnête, j’avais du mal à garder mon sérieux devant cette espèce de Muppet ! J’avais l’impression de jouer dans un épisode de Batman ! » (1) L’audience finit donc par baisser et la série – jugée par ailleurs trop coûteuse – est annulée à l’issue de sa première saison. En France, elle fut d’abord diffusée en 1979 sous le titre de L’Homme qui venait de l’Atlantide avant le retitrage plus condensé L’Homme de l’Atlantide à partir de 1986.

 

(1) Extrait d’une interview parue dans « Famous Monsters of Filmland » en juillet 2016.

 

© Gilles Penso


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