SKYSCRAPER (2018)

The Rock joue un remake de La Tour Infernale et de Piège de Cristal avec toute la finesse qui le caractérise !

SKYSCRAPER

2018 – USA

Réalisé par Rawson Marshall Thurber

Avec Dwayne Johnson, Neve Campbell, Chin Han, Roland Moller, Pablo Schreiber, Noah Taylor, Hannah Quinlivan, Matt O’Leary

THEMA CATASTROPHES

Depuis le début des années 2000, Dwayne Johnson cherche à s’imposer comme le Arnold Schwarzenegger du 21ème siècle. Même profil (un « Monsieur Muscle » adulé des foules et reconverti dans le cinéma), même registre (l’action virile et spectaculaire teintée d’humour), mêmes genres (l’héroïc-fantasy, la comédie d’aventure, la science-fiction, le thriller, le fantastique)… Mais cet « effet miroir » n’est que superficiel. Si la carrière de The Rock, malgré sa popularité, n’arrivera sans doute jamais à la cheville de celle du « Chêne Autrichien », c’est parce qu’elle n’a pas su profiter de cinéastes à la forte personnalité. En lieu et place de John Milius, James Cameron, John McTiernan ou Paul Verhoeven (excusez du peu !), l’ex-catcheur ne s’entoure que d’aimables faiseurs respectant gentiment les délais et les budgets imposés par les studios et laissant les spécialistes des effets visuels concevoir pour eux les séquences d’action. 

Mis en scène par un réalisateur jusqu’alors habitué aux comédies, Skyscraper n’échappe pas à la règle. A moins d’être prêt à se payer une bonne tranche de rigolade au second degré, le visionnage de ce mixage improbable entre La Tour Infernale et Piège de Cristal ne saura provoquer que haussements d’épaules désabusés et soupirs exaspérés. Le trauma initial du héros, situé dix ans avant l’action principale, exhale d’emblée un tel sentiment de déjà vu que les espoirs s’évaporent en quelques secondes. Le massif Dwayne incarne ici Will Sawyer, ancien leader d’une équipe de libération d’otages pour le FBI reconverti dans la sécurité des buildings depuis une opération ayant viré au désastre. Installé à Hong-Kong avec ses deux enfants et son épouse (Neve Campbell, seul rayon de soleil d’un casting bien terne), il est responsable de la plus haute tour du monde (1100 mètres de haut, 225 étages), érigée à l’initiative du millionnaire Zhao Long Ji. Mais devinez quoi ? Des méchants terroristes s’introduisent dans le gratte-ciel et provoquent un incendie, pour une raison tellement tirée par les cheveux qu’on sent bien l’embarras du réalisateur/scénariste lorsqu’il s’agit de justifier cet acte de sabotage. Peu importe : de jolies flammes illuminent bientôt le building en images de synthèse et le transforment en brasier titanesque. Or la famille de Sawyer est coincée dans la tour infernale. N’écoutant que son courage, Will Dwayne The Rock Sawyer Johnson n’y va pas par quatre chemins : il escalade à mains nues une grue de chantier puis se jette dans le vide pour atterrir dans l’immeuble en flammes, tout ça avec une jambe de bois ! 

Testostérone, pyrotechnie, cascades et unijambisme

Testostérone, pyrotechnie, cascades improbables et unijambisme sont donc au programme de Skyscraper, dont chaque rebondissement est prévisible puisque la plupart des éléments scénaristiques permettant de dénouer les pires situations ont été « discrètement » mis en place pendant la première partie du métrage. Bien sûr, le film demeure divertissant pour peu qu’on n’y cherche rien d’autre qu’un spectacle de foire, et certaines idées visuelles demeurent amusantes (comme ce final réinventant sous un angle high-tech le climax de La Dame de Shanghai). Mais que les puristes dorment tranquilles : La Tour Infernale et Piège de Cristal resteront encore longtemps dans toutes les mémoires lorsque Skyscraper aura disparu dans les limbes de l’oubli cinéphilique.

 

© Gilles Penso

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RESURRECTION (1980)

Après avoir échappé de peu à la mort, une femme développe d'étranges pouvoirs de guérison…

RESURRECTION

1980 – USA

Réalisé par Daniel Petrie

Avec Ellen Burstyn, Sam Shepard, Pamela Payton-Wright, Richard Farnsworth, Roberts Blossom, Clifford David, Madeleine Sherwood, Roy Scheider

THEMA POUVOIRS PARANORMAUX I DIEU, LES ANGES, LA BIBLE

Sept ans après le succès planétaire de L’Exorciste chez Warner, les studios Universal décident opportunément d’offrir un nouveau thriller fantastique à Ellen Burstyn. Le script signé Lewis John Carlino (L’Opération diabolique) séduit l’actrice qui s’investit corps et âme dans le projet pour ne plus faire qu’un avec le personnage d’Edna Mae. Epoustouflante de justesse (elle passa de peu à côté d’un Oscar) et physiquement très impliquée, Burstyn usera ici parfaitement de sa voix apaisante si caractéristique, enrobée par l’orchestration au diapason de Maurice Jarre. Le vétéran Daniel Petrie est choisi pour mettre en scène l’histoire de cette femme qui, après avoir subi un accident de voiture provoquant la mort de son mari et la laissant paralysée, décide de retourner vivre au sein de la ferme familiale, dans un Kansas rassurant, berceau des croyants. Rapidement, elle est assaillie d’étranges rêves proches des Expériences de Mort Imminente (Joel Schumacher s’en souviendra pour L’Expérience interdite), et développe de spectaculaires dons de guérisseuse, induisant de vives réactions au sein de sa petite communauté…

Petrie choisit une approche réaliste, loin de tout effet facile, s’autorisant une fugace concession à un fantastique plus démonstratif lors de tests scientifiques, rappelant L’Exorciste 2 : L’Hérétique de John Boorman. Le voyage initiatique de notre héroïne se voit magnifié par la photographie pastorale de l’italien Mario Tosi, déjà responsable de l’atmosphère magique et intimiste du Carrie de Brian de Palma. Edna Mae souffrira dès qu’elle commencera à démontrer un pouvoir de guérison christique. La communauté environnante, ne jurant que par la Sainte Bible, connaîtra une scission marquante face au phénomène : d’un côté ceux qui célèbrent leur bienfaitrice, de l’autre des détracteurs illuminés, la comparant au Diable lui-même. Outre une critique frontale de l’intégrisme religieux, source de discorde là où le simple amour de son prochain peut panser les plaies, Petrie dénonce le désir irrépressible propre à l’Homme de chercher une justification à tout prix quand quelque chose le dépasse. Ce rapport d’attraction/répulsion sur l’Autre, cette personne brisée par un accident de voiture qui lui confère un don/malédiction, figure charismatique s’appuyant sur une canne, tout ceci évoque évidemment le John Smith de Dead Zone (roman sorti un an auparavant). Stephen King est également à l’honneur à travers les similitudes d’Edna avec Carrie. Toutes deux prennent conscience de leur pouvoir par le biais initiatique du sang (la première lorsqu’elle soigne une enfant hémophile, la seconde le jour de ses premières règles), pouvoir taxé de diabolique.

Highway to Heaven

Le film évite le manichéisme, mettant en avant la bonté de la grand-mère d’Edna, image d’Epinal sortie tout droit des Raisins de la colère, fervente croyante qui fait, elle, bon usage de sa foi. Solide rempart face à la bigoterie galopante, elle est la clé de voûte de l’espoir d’un monde meilleur suggéré par sa petite-fille. Une autre figure essentielle s’impose à travers un protagoniste ambigu, Cal, incarné par un jeune Sam Shepard. Sauvé de la mort par Edna, il la courtise à outrance puis commence à en avoir peur. Paradoxalement, Cal est un pur symbole de liberté, cheveux longs de hippie au vent sur sa moto, mais se fait sournoisement rattraper par l’endoctrinement religieux qu’on lui a prodigué depuis toujours. La résurrection-titre s’avère être en même temps celle que l’on veut attribuer à Edna malgré elle du fait de son parcours christique mais se révèle avant tout spirituelle, lui permettant de se transcender et de trouver sa place dans le grand dessin. Outre son apport régénérant, elle jouera également un rôle d’accompagnante vers, au choix, un paradis ou un simple au-delà où l’on retrouve les siens au bout d’un tunnel lumineux. Au départ stérile, Edna est devenue source de vie, réussissant même (au détriment de sa santé) à s’approprier les maux les plus incurables de son prochain. Nous la retrouverons beaucoup plus tard, sauvant sans mot dire un jeune garçon du cancer qui le ronge. En mourra-t-elle, dans un ultime acte sacrificiel ? Qu’importe, seule compte la beauté du geste.

 

© Julien Cassarino

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DANS LA BRUME (2018)

Un ambitieux film catastrophe franco-canadien qui plonge Romain Duris et Olga Kurylenko dans une brume mortelle

DANS LA BRUME

2018 – FRANCE / CANADA

Réalisé par Daniel Roby

Avec Romain Duris, Olga Kurylenko, Fantine Harduin, Michel Robin, Anna Gaylor, Réphaël Ghrenassia, Erja Malatier

THEMA CATASTROPHE

Le pari était pour le moins osé : rivaliser avec les grands films catastrophe hollywoodiens sans jamais chercher à les imiter, conserver une spécificité francophone tout en s’offrant une dimension internationale, aligner les décors ambitieux et les effets visuels spectaculaires mais respecter un budget modeste… Tel était le cahier des charges de Dans la Brume, amorcé dès 2011 sous forme d’un court-métrage par le producteur Guillaume Colboc et le réalisateur Dominique Rocher avant que le projet ne prenne de plus grandes proportions et n’atterrisse entre les mains du metteur en scène québécois Daniel Roby. On aurait pu craindre le syndrome de la bonne idée artificiellement étalée sur la durée d’un long-métrage, du film-concept faisant illusion pendant quelques dizaines de minutes avant que le soufflé ne retombe. Mais il n’en est rien. Dans la Brume est une réussite exemplaire, presque miraculeuse, reposant sur l’alchimie parfaite de ses comédiens rivalisant de naturel, de son scénario conçu comme un implacable parcours du combattant et de sa mise en scène virtuose jouant sans cesse avec les contrastes : les toits lumineux s’opposent aux rues enfumées, la respiration à l’asphyxie, l’optimisme au désespoir.

Un jour, sans préavis, un tremblement de terre secoue Paris et une fissure s’ouvre dans les sous-sols, libérant un gigantesque nuage brumeux faisant passer de vie à trépas tous ceux qui ont le malheur d’en respirer les effluves. Cette brume cauchemardesque se répand dans toutes les rues et monte sur une quinzaine de mètres de haut. Seuls ceux qui habitent les étages les plus élevés survivent donc à la catastrophe. C’est le cas de Mathieu et Anna (Romain Duris et Olga Kurylenko), qui trouvent refuge in-extremis chez leurs vénérables voisins campés par Michel Robin et Anna Gaylor. Le problème, c’est que leur fille Sarah (Fantine Harduin) est enfermée dans une bulle quelques étages plus bas, à cause d’une maladie incurable l’empêchant de vivre à l’air libre. Comment se dépêtrer de cette situation d’autant plus inextricable que les vapeurs toxiques continuent de monter inexorablement ? 

L'instinct de survie

Contrairement à celle de Stephen King, la brume n’abrite ici aucun monstre venu d’une dimension parallèle. Ce qu’elle cache de manière bien plus insidieuse, ce sont les instincts les plus primaires, ceux qui poussent les miraculés à survivre coûte que coûte, quitte à laisser parfois un penchant bestial insoupçonné prendre le dessus, à l’image de ce chien féroce et affamé qui menace nos héros dans l’une des scènes les plus mouvementées du film. Cette invasion vaporeuse, sombre et impalpable agit donc comme un révélateur, poussant chacun à se dépasser ou à s’enfoncer pour préserver l’étincelle de vie, devenue soudain si précieuse. S’il sait multiplier les rebondissements incessants, muant l’intrigue en véritable parcours du combattant, le scénario co-écrit par Jimmy Bemon, Mathieu Delozier et Guillaume Lemans nous touche surtout par son sens de l’épure, esquissant sans insister l’évocation d’un monde légèrement futuriste (la bulle dans laquelle vit Sarah utilise une technologie qui n’existe visiblement pas encore), évoquant discrètement la relation complexe du couple vedette (Mathieu et Anna semblent séparés au début du métrage), et acheminant le récit vers une chute délicieusement ironique.

 

© Gilles Penso

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TOMB RAIDER (2018)

Une aventure de Lara Croft qui retourne aux origines du personnage en s'inspirant de son reboot vidéoludique de 2013

TOMB RAIDER

2018 – USA

Réalisé par Roar Uthaug

Avec Alicia Vikander, Dominic West, Walton Goggins, Daniel Wu, Kristin Scott-Thomas, Derek Jacobi, Nick Frost

THEMA EXOTISME FANTASTIQUE

Angelina Jolie était l’interprète idéale de Lara Croft telle que le jeu vidéo de Core Design la présenta au grand public en 1996, sa plastique spectaculaire et son visage angélique rendant parfaitement justice à la belle archéologue imaginée par Toby Gard. Mais les films lui donnant la vedette manquaient singulièrement de panache et étouffèrent dans l’œuf le potentiel d’une saga cinématographique digne de ce nom. Pour pouvoir ressusciter cette franchise quinze ans plus tard, une importante remise à neuf s’imposait. Les producteurs s’appuyèrent ainsi sur le reboot du jeu initié en 2013 par Crystal Dynamics. Du coup, Lara Croft n’est plus une athlète millionnaire à la poitrine défiant la gravité et au mini-short affriolant mais une jeune fille aux proportions beaucoup plus réalistes et au niveau de vie modeste. Même si son père reste le richissime Lord Richard Croft, disparu depuis sept ans, Lara ne souhaite pas reprendre les affaires familiales et gagne sa vie comme coursière à vélo dans les rues de Londres. 

Mais lorsqu’un artefact ayant appartenu à son père tombe entre ses mains, révélant un bureau secret et une vidéo affirmant que Richard a découvert l’emplacement du tombeau de la sorcière Himiko au sud du Japon, Lara part en quête de son géniteur, que tout le monde croyait pourtant mort. Les obstacles qu’elle s’apprête à franchir, les ennemis qui barreront sa route et les dangers exotiques qui se dresseront devant elle vont progressivement muer la discrète livreuse londonienne en héroïne intrépide et redoutable. Il s’agit donc d’une « origin story », volonté affirmée du cinéaste norvégien Roar Uthaug (Cold Prey) pour se démarquer des deux films précédents et donner la possibilité à la jolie Alicia Vikander (The Danish Girl) de se réapproprier totalement ce personnage mythique. Peu avare en séquences d’action à grande échelle, Tomb Raider cherche malgré tout à doter d’un maximum de crédibilité les exploits physiques de son héroïne et à mettre en scène des combats brutaux et réalistes. 

Une approche plus « réaliste » du personnage

Ainsi, même lorsqu’elle échappe à un monstrueux naufrage en mer, prend à la fuite au milieu de dizaines de mercenaires armés jusqu’aux dents, se raccroche à l’antique épave d’un bombardier abattu pour ne pas sombrer dans des rapides tumultueux ou escalade à mains nues une montagne abrupte, Lara Croft semble toujours à deux doigts d’échouer et de périr malgré son acharnement et son opiniâtreté. L’implication du spectateur en est forcément accrue, tout comme son empathie pour cette aventurière qui n’a finalement rien d’une super-héroïne. Le dernier tiers du métrage s’éloigne un peu de cette quête de naturalisme pour se laisser très fortement influencer par Les Aventuriers de l’Arche Perdue et Indiana Jones et la Dernière Croisade. Les lieux communs abondent alors, du temple truffé de pièges aux messages abscons qu’il faut décrypter en passant par la relation complexe liant la jeune archéologue et son père et la farouche obstination d’un méchant campé ici par Walton Goggins. Le final du film, feuilletonesque à souhait, nous promet une nouvelle aventure riche en rebondissements, prélude probable d’une saga potentielle.

 

© Gilles Penso

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ANT-MAN ET LA GUÊPE (2018)

L'homme-fourmi de Marvel est de retour, cette fois-ci accompagné d'une co-équipière à taille de guêpe

ANT-MAN AND THE WASP

2018 – USA

Réalisé par Peyton Reed

Avec Paul Rudd, Evangeline Lilly, Michael Douglas, Michael Peña, Michelle Pfeiffer, Hannah John-Kamen, Lawrence Fishburne

THEMA SUPER-HEROS I NAINS ET GEANTS I INSECTES ET INVERTEBRES I SAGA AVENGERS I MARVEL

Pour contrebalancer la relative gravité dont Avengers : l’ère d’Ultron dotait l’univers cinématographique Marvel, Peyton Reed nous proposait en 2015 un Ant-Man très rafraîchissant (et plutôt cohérent malgré le départ précipité d’Edgar Wright après un désaccord avec le studio Marvel). La démarche est très similaire ici. Le public ayant été quelque peu estomaqué par la noirceur inattendue de Avengers : Infinity War, une « récréation » plus légère était de mise. D’où ce Ant-Man et la Guêpe qui cultive la même bonhommie décontractée que son prédécesseur et se situe chronologiquement avant les événements marquant l’ascension du tout-puissant Thanos. Grâce à sa propension à ne jamais se prendre au sérieux trop longtemps, Ant-Man et la Guêpe nous permet d’accepter des énormités scénaristiques qui, en temps normal, provoqueraient un rejet généralisé, qu’il s’agisse de cette antagoniste qui interrompt soudain l’intrigue pendant cinq bonnes minutes pour nous raconter les origines de ses pouvoirs et ses tourments dans leurs moindres détails, des motivations gentiment évasives d’un méchant caricatural campé par Walton Goggins (déjà « bad guy » dans Tomb Raider), ou encore de ces aberrations scientifiques liées aux voyages dans le monde quantique (on se croirait presque dans une parodie d’un film de Christopher Nolan).

Ce qui est surtout appréciable, dans le film de Peyton Reed, c’est la générosité et l’inventivité de ses multiples séquences d’action, déclinant jusqu’à plus soif les infinies possibilités qu’apporte la capacité des protagonistes à faire réduire ou grandir les gens et les objets. Cette boulimie narrative nous évoque à plusieurs reprises L’Aventure intérieure avec lequel Ant-Man et la Guêpe présente de nombreux points communs. Les allusions au chef d’œuvre de Joe Dante s’alignent d’ailleurs joyeusement, notamment lorsque Scott Lang, réduit à la moitié de sa taille originale, peine pour s’asseoir sur la banquette arrière d’une voiture (comme jadis Kevin McCarthy et Fiona Lewis), ou dans ce climax surréaliste où Michael Douglas s’immerge dans l’infiniment petit aux commandes d’un submersible en tous points semblable à celui que pilotait Dennis Quaid trente ans plus tôt. Ce sens de la démesure (au sens le plus strict) nous donne droit à un chassé-croisé totalement délirant dans les rues de San-Francisco, version mi-Playmobil mi-Godzilla de la célèbre poursuite automobile de Bullit.

Entre Playmobil et Godzilla

Motivé par ce trop-plein d’énergie, Christopher Beck, déjà en charge de la musique du premier Ant-Man, déchaîne son orchestre pour les passages les plus épiques et teinte sa bande originale de rythmes électroniques et de sonorités synthétiques lorsque la comédie prend le pas. Volontairement déconnecté de la grosse artillerie des Avengers, si l’on excepte plusieurs allusions aux événements survenus pendant Captain America : Civil War, ce second Ant-Man obéit à sa propre logique et préfère largement le plancher des vaches aux odyssées cosmiques… Même si son ultime séquence, située comme il se doit après le générique de fin, raccroche les wagons et intègre finalement le film dans l’arc narratif de ce vaste univers filmique dont il constitue le vingtième épisode.

 

© Gilles Penso

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MADAME HYDE (2017)

Isabelle Huppert joue une variante féminine de Docteur Jekyll et Mister Hyde aux côtés de Romain Duris et José Garcia

MADAME HYDE

2017 – FRANCE

Réalisé par Serge Bozon

Avec Isabelle Huppert, Romain Duris, José Garcia, Patricia Barzyk, Guillaume Verdier, Pierre Léon, Adda Senani, Karole Rocher

THEMA JEKYLL & HYDE

Une relecture féminine de « L’Etrange Cas du Docteur Jekyll et de M. Hyde » de Robert Louis Stevenson, située dans un lycée professionnel de la fin des années 2010 et mettant en vedette un trio d’acteurs populaires français : tel est le postulat de Madame Hyde, co-écrit et réalisé par un cinéaste atypique ouvertement influencé par la Nouvelle Vague telle qu’elle s’affirma dans les années 60. Comme chez ses aînés, Serge Bozon croit en la compatibilité du cinéma d’art et essai avec la culture populaire véhiculée par les films de genre, la littérature fantastique et la bande dessinée. Sur le papier, Madame Hyde était donc un projet intéressant, ou tout du moins intriguant. A l’écran, les espoirs s’évaporent hélas assez rapidement.

Au début, on se laisse encore surprendre par Isabelle Huppert qui, à contre-courant des personnages glaciaux et autoritaires qui firent sa célébrité, campe un professeur de physique timide, effacé et introverti. Son nom ? Marie Géquil (sic). Face à des élèves turbulents, un proviseur démago (Romain Duris) et un époux béatement énamouré (José Garcia), l’enseignante est passive, spectatrice impuissante d’une vie peu satisfaisante. Le public aguerri attend donc en toute logique la métamorphose qui révèlera sa facette sombre et une personnalité plus forte et plus affirmée. Mais Bozon n’utilise le motif du récit de Stevenson que de manière extrêmement superficielle, oubliant au passage tout discours sur la dualité de l’esprit humain, toute tentative de réflexion autour des notions de Bien et de Mal, toute approche un tant soit peu psychanalytique de la division du Ça et du Surmoi. 

Un scénario qui semble s'improviser au fur et à mesure

Marie Géquil se réfugie ainsi dans un petit laboratoire de fortune, met en route quelques machines et s’électrocute par mégarde. Se transforme-t-elle dès lors en Madame Hyde, penchant démoniaque de la bienveillante Marie Géquil ? Plus ou moins. Avec une désinvolture qui témoigne d’une parfaite méconnaissance du genre fantastique et de son potentiel symbolique, Serge Bozon et sa co-scénariste Axelle Ropert se contentent en effet de muer de temps en temps le gentil professeur en une espèce de créature incandescente qui erre la nuit dans la cité voisine et enflamme de manière aléatoire ceux qu’elle croise, un jeune banlieusard par ici, deux chiens par là… Les infographistes de Mikros Image et les maquilleurs de l’équipe d’Olivier Afonso tentent bien d’égayer le métrage avec une poignée d’effets spéciaux modestes, mais rien n’y fait : la pilule ne passe pas. Le scénario erratique de Madame Hyde semble s’improviser au fur et à mesure sans qu’il soit possible de comprendre ce que ses auteurs cherchent à nous raconter, si ce n’est une ode manifeste à l’enseignement et à la science qui rapprocherait presque le métrage du sympathique Entre les Murs de Laurent Cantet. Malheureusement, à part quelques démonstrations de logique mathématique et de géométrie, rien de saillant ne ressort du film, d’autant que ses comédiens se contentent de réciter sans la moindre conviction des dialogues théâtraux sur-écrits et pas du tout naturels. Par moments, on croirait presque écouter les répliques d’un film de Jean Rollin, c’est dire !

 

© Gilles Penso

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TONNERRE DE FEU (1983)

Roy Scheider et Malcolm McDowell pilotent un hélicoptère futuriste dans l'un des meilleurs films de John Badham

BLUE THUNDER

1983 – USA

Réalisé par John Badham

Avec Roy Scheider, Malcolm McDowell, Warren Oates, Candy Clark, Daniel Stern, Paul Roebling, David Sheiner, Joe Santos

THEMA ESPIONNAGE ET SCIENCE-FICTION I POLITIQUE-FICTION

Tout commence par un texte froidement rédigé à l’ordinateur : “Le matériel, les armes et systèmes de surveillance décrits dans ce film sont réels et actuellement employés aux États-Unis”. L’oeuvre est ouvertement motivée par une volonté d’ancrage dans le réel, et animée d’un désir d’alerte face aux abus sécuritaires du gouvernement américain. Nous sommes en 1983, et les écoutes illégales ordonnées par le président Nixon onze ans auparavant résonnent encore visiblement dans toutes les oreilles. Big Brother revêt ici la forme d’un hélicoptère suréquipé et armé pour le combat (Supercopter envahira les écrans de télévision un an plus tard), censé protéger Los Angeles pendant les futurs Jeux Olympiques, afin d’éviter un “autre Munich”, le tout dans un climat de tensions raciales qui n’est pas sans évoquer les émeutes de Watts de 1965. Un flic expérimenté de la police de l’air (Roy Scheider), flanqué d’un jeune aspirant (Daniel Stern), est choisi pour tester le bébé, et met à jour un complot aux ramifications nationales… 

Dans le script originel de Dan O’Bannon (Alien) et Don Jakoby (Le Justicier de New York), le personnage de Frank Murphy était un schizophrène paranoïaque qui finissait par se prendre pour une incarnation du Dieu Thor, et transformait Los Angeles en véritable champ de bataille. Jugé trop sombre par les producteurs et par l’acteur principal, Murphy fut quelque peu radouci et Scheider le joua plus détendu, armé d’une cool attitude à la Steve McQueen, casse-cou et rebelle à l’autorité. Badham applique ici le traitement qui fera de lui un des rois de l’entertainment sur la décennie à venir, à savoir un sens de la narration fluide et directe, une maîtrise parfaite des enjeux et du rythme, et un humour omniprésent. Nous sommes ici plongés dans le vif du sujet dès l’introduction, en patrouille aérienne avec des protagonistes qui se caractérisent dans le cœur de l’action. La légèreté de ton ambiante est entérinée par un passage voyeuriste, version potache de Body Double avant l’heure, pour mieux basculer plus tard vers une violence adulte (la mort-choc de Lymangood), amorcée par l’arrivée du fameux Tonnerre De Feu, engin plus inquiétant que rassurant et graphiquement iconisé sous toutes les coutures.

« Toi, je t'aurai ! »

Pour répondre à la forte personnalité de Murphy, il fallait un méchant de taille. Le choix de Malcolm McDowell, éternel Alex d’Orange mécanique s’avère payant, le comédien semblant se régaler à incarner un colonel cynique et condescendant. Malgré un temps de présence réduit à l’écran, son arrogante rivalité avec Scheider est l’un des points forts du film. Leur affrontement dans le ciel de Los Angeles également, qui donne lieu à des poursuites spectaculaires. Le Vietnam se rejoue alors sur le sol américain dans une guérilla urbaine avec destructions massives (séquence marquante dont se souviendra le James Cameron de True Lies). Ironiquement, le gouvernement qui voulait s’armer contre la menace terroriste finit par exploser des buildings au risque d’atteindre des innocents. Murphy règle ses comptes avec un ancien compagnon d’armes et annihile avec lui la culpabilité du conflit Vietnamien qui tua des locaux mais aussi et surtout des Américains. Les masses, bercées par une illusion de sécurité, se retrouvent manipulées, victimes collatérales d’un complot à grande échelle éventé par les médias, qui sauvent in extremis la vie des héros en les lovant dans le giron de l’opinion publique. Les boucs émissaires sont des immigrés mexicains, auxquels le FBI et la police voulaient faire porter le chapeau des émeutes, dans le but de justifier une intervention musclée et de valider le projet d’aéro-surveillance. Cette charge acide trouve des résonances prophétiques aujourd’hui, en pleine administration Trump. In fine, Murphy choisit de détruire lui-même l’engin de malheur, en l’abandonnant face à un bon vieux train de marchandises : les dérives du progrès capitaliste sont ici éparpillées par un pur outil prolétaire, plaçant un peu plus le personnage à hauteur d’homme. Le plan final très 70’s voit notre héros s’éloigner du chaos provoqué avec l’air satisfait du travail accompli, moment de gloire rapidement vérolé par le filtre d’un écran d’ordinateur qui transforme l’image. La boucle de l’alerte d’ouverture est bouclée, et la victoire semble être vouée à court terme. L’actuel fichage à outrance d’internet qui analyse la population en permanence sous prétexte de participer à son bien-être ne peut que confirmer la vision pas si exagérément alarmiste que ça de John Badham et Dan O’Bannon.

 

© Julien Cassarino

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GHOSTLAND (2018)

Après la claque de Martyrs, Pascal Laugier se penche sur une horreur plus classique, à mi-chemin entre Stephen King et H.P. Lovecraft

GHOSTLAND

2018 – FRANCE / CANADA

Réalisé par Réalisateur

Avec Crystal Reed, Anastassia Philips, Emilia Jones, Taylor Hickson, Mylène Farmer, Adam Hurtig, Rob Archer, Kevin Power

THEMA TUEURS

Après Martyrs, il semblait impossible que Pascal Laugier repousse davantage les limites de l’horreur physique et psychologique. Son long-métrage précédent était radical, ultime, presque définitif. Le cinéaste fait donc machine arrière en partant cette fois-ci en quête d’une terreur plus « classique », plus en accord avec une culture populaire de l’épouvante établie depuis de longues décennies. Cette démarche est assumée dès les premières secondes du film, qui s’ouvre sur un hommage à l’écrivain H.P. Lovecraft puis laisse apparaître furtivement sur une route déserte nord-américaine un enfant qui semble échappé des Démons du Maïs. Plus tard apparaissent d’autres motifs familiers : la maison apparemment hantée, les vieilles poupées effrayantes, l’intrusion de psychopathes dégénérés, la lutte désespérée pour la survie… 

Pascal Laugier connaît ses classiques et cite volontiers ses sources. Mais sa personnalité reste singulière, son style est unique et son approche des personnages – toujours féminins, une constante – témoigne d’une
sensibilité à fleur de peau. L’une des idées les plus étonnantes du film est sans doute d’offrir l’un des rôles centraux à Mylène Farmer. Absente des écrans depuis Giorgino en 1994 (si l’on excepte son interprétation vocale de Sélénia dans la version française des trois Arthur de Luc Besson), la chanteuse entre avec un naturel désarmant dans la peau de Pauline Keller, mère de deux jeunes filles que tout semble opposer : Elizabeth (Emilia Jones), qui rêve de devenir écrivain, et Verra (Taylor Hickson) qui entre en opposition avec sa sœur en affichant un caractère ouvertement plus extraverti. Toutes trois investissent une grande maison isolée dont elles ont hérité d’une vieille tante excentrique. Les lieux ne sont pas particulièrement rassurants, la décoration étant saturée de personnages en bois et en porcelaine au sourire glacial et figé, et chacune sent bien qu’il va falloir un certain temps pour s’y accommoder. Mais dès la première nuit, deux meurtriers s’introduisent dans la maison et agressent les trois occupantes. Le cauchemar que s’apprêtent à vivre Pauline, Elizabeth et Verra va bouleverser leur vie à tout jamais…

Terreurs primaires

Si les prémisses de Ghostland cultivent un certain « académisme », l’intrigue prend bientôt une tournure inattendue qui altère drastiquement son cours et redéfinit le rôle de chacun(e). Ce coup de théâtre central est l’idée maîtresse du film, celle qui justifie à elle seule sa mise en chantier. Malgré son approche du genre « à l’ancienne », Pascal Laugier n’a rien perdu de son mordant. Les séquences de suspense, d’angoisse et d’horreur sont extrêmes, jusqu’au-boutistes et franchement éprouvantes. Comme les grands maîtres de l’épouvante transalpins qui lui servent souvent de référence – Dario Argento et Lucio Fulci en tête – le réalisateur se réapproprie l’imagerie du conte de fée pour la muer en vecteur de terreur primaire. L’ogre, la sorcière et la princesse sont donc au cœur du récit, mais aucun prince charmant ne se présente pour sauver la situation, qui ne pourra se dénouer que de l’intérieur, quitte à sacrifier quelques vies et beaucoup d’innocence.
 
© Gilles Penso

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TIMECOP (1994)

Jean-Claude Van Damme incarne un policier du futur dans un monde où la technologie permet de voyager dans le temps

TIMECOP

1994 – USA

Réalisé par Peter Hyams

Avec Jean-Claude Van Damme, Mia Sara, Ron Silver, Bruce McGil, Gloria Reuben, Scott Bellis, Jason Schombing

THEMA VOYAGES DANS LE TEMPS I FUTUR

Timecop s’inspire d’une bande dessinée de Mike Richardson et Mark Verheiden, publiée chez Dark Horse Comics. Tout commence en 1994 (donc au présent), funeste année où le policier Max Walker (Jean-Claude Van Damme) est agressé par des hommes qui tuent sa femme Melissa. Dix ans plus tard, il devient membre de la TEC (Time Enforcement Commission), une unité spéciale dont le rôle est de contrôler rigoureusement les voyages dans le temps, devenus désormais possibles grâce aux progrès technologiques. Car une nouvelle race de criminels sévit, manipulant les événements historique ou les marchés financiers à son profit. Lorsque Lyle Atwood (Jason Schombing) déserte la TEC pour se transporter à Wall Street en 1929, Walker reçoit la mission de le ramener. Atwood se jette alors par la fenêtre, après avoir avoué qu’il agissait sur l’ordre du sénateur Aaron McComb (Ron Silver). Celui-ci, peu étouffé par les scrupules, voyage en effet dans le passé pour modifier l’histoire et devenir président des Etats-Unis, ni plus ni moins ! Walker le rejoint en 1994 et comprend que c’est lui qui a fait assassiner sa femme en envoyant ses hommes l’attaquer la même année. Walker va donc essayer de stopper McComb et d’empêcher ce drame passé…

D’un côté, nous avons Jean-Claude Van Damme, spécialiste de l’action musclée, des arts martiaux et du kickboxing qui s‘agite régulièrement contre toutes sortes de malfrats dans des œuvres à la finesse toute relative telles que CyborgUniversal Soldier ou Chasse à l’Homme. De l’autre se trouve Peter Hyams, un réalisateur plein d’audace et de talent, dont les thrillers science-fictionnels (Capricorn OneOutland2010) sont de purs joyaux. La réunion de ces deux hommes est donc pour le moins surprenante, tant leurs films sont aux antipodes. « Peter Hyams ne voulait pas me rencontrer à l’origine », nous avoue Van Damme. « Il ne pouvait pas envisager de faire un film de science-fiction avec du karaté et du kickboxing. Au début de notre premier entretien, il était très figé. Nous avons commencé à parler, il s’est détendu, et il a fini par vraiment vouloir faire un film avec moi. » (1) 

Un scénario prometteur qui vire à la baston générale

Résultat : Timecop est un film de science-fiction au scénario très prometteur, qui vire rapidement à la baston générale, aux coups de tatanes et aux grands écarts. Car Hyams se laisse piéger par le culte du vedettariat inhérent à Van Damme. Timecop offre donc plus de combats musclés spectaculaires que de réflexions sur les paradoxes spatio-temporels, et n’apporte pas vraiment de nouveau jalon dans l’histoire des voyages dans le temps. On retrouve bien la patte de Hyams, au détour de rares scènes plus inspirées que les autres, en particulier dans toute la première partie du film, mais elle demeure souvent à l’état embryonnaire. Côté visuel, la direction artistique s’avère elle aussi très inégale. Les locaux de la TEC et la machine à voyager dans le temps sont de belles réussites, plutôt réalistes, mais la ville extérieure n’a rien de vraiment futuriste, si l’on excepte la voiture de Walker, une sorte de gros objet en plastique pas vraiment convaincant. Notons une belle photo signée par Hyams en personne, dont le talent multiple méritait mieux que ce petit thriller sans envergure. 

 

(1) Propos recueillis par votre serviteur en mars 1996

 

© Gilles Penso

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FLOWERS IN THE ATTIC (1987)

Un thriller d'épouvante trouble et malsain adapté d'un best-seller signé Virginia C. Andrews

FLOWERS IN THE ATTIC

1987 – USA

Réalisé par Jeffrey Bloom

Avec Louis Fletcher, Victoria Tennant, Kristy Swanson, Jeb Stuart Adams, Ben Ryan Ganger, Lindsay Parker, Marshall Colt

THEMA TUEURS

Signé Virginia C. Andrews, le premier volet de la saga des Dollanganger, “Fleurs Captives”, sort en 1979 et devient un best-seller (40 millions de copies vendues à ce jour dans le monde) : Corrine, face à la mort soudaine de son mari et à la ruine qui la frappe, décide d’emmener ses quatre enfants vivre dans la gigantesque demeure familiale. ll lui faudra renouer avec un père inflexible, qui l’avait froidement déshéritée suite à une fuite passionnée… Avec son oncle. Commence alors une lutte intestine entre la terrifiante grand-mère et les chères têtes blondes nées de cette union interdite. A l’aube des années 80, les teenagers plébiscitent ce cocktail irrévérencieux d’inceste et d’infanticide en opposition à une censure bien-pensante. Jeffrey Bloom, scénariste confirmé et réalisateur du bis culte La Plage sanglante, est contacté pour en écrire l’adaptation et la mettre en scène, exercice périlleux car les producteurs veulent un classement PG-13 pour ne pas s’aliéner le jeune public. Il tâche de contourner les aspects trop sulfureux de la relation entre Cathy et son frère aîné Chris (à l’origine, ce dernier la viole dans un accès de jalousie), transpose les faits des années 50 au jour présent (l’époque reste pourtant difficile à situer à l’image), modifie l’épilogue et réduit le rôle-clé du majordome.

Flowers In The Attic cultive un charme suranné, à l’encontre des productions de l’époque : la photographie vaporeuse et la partition enchanteresse de Christopher Young (préféré à Howard Shore) créent une véritable atmosphère de conte macabre. De la maison qui toise ses occupants à l’inquiétant valet mutique en passant par le garde-chasse émergeant de la brume, flanqué de menaçants molosses sortis tout droit du Chien des Baskerville, l’hommage aux productions de la Hammer est évident. Cependant le ton reste moderne et subversif, les irruptions de violence sadique évoquant les pulsions inavouables du Corrupteur de Michael Winner, notamment une séquence suggestive à la Mario Bava où Corrine reçoit le fouet sous l’œil inquisiteur de son père, dispensé par la maîtresse de maison. Louise Fletcher, inoubliable infirmière de Vol au-dessus d’un nid de coucou, incarne à merveille cette marâtre glaçante, entre la Folcoche de Vipère Au Poing et la gouvernante de Rebecca. Bloom choisira de n’effleurer que les prémisses des rapprochements tactiles entre Cathy et Chris (il coupera une scène de voyeurisme trop évidente), plus prudent que le Damiani d’Amityville 2, le possédé. Le fameux grenier du titre, symbole du dernier bastion de l’enfance menacée, devient littéralement le jardin secret (où les fleurs sont factices) de ces “Innocents”, fragiles bourgeons obligés de se cultiver eux-mêmes, en déficit d’air pur et de soleil. Cet aspect cruel du script amènera Bloom à enfoncer le clou gothique lors d’un dérangeant don de sang au cadet anémique dont l’appétit vorace n’a d’égal que la pâleur vampirique.

Œdipe Roi

Le réalisateur questionne également le spectateur sur la pureté inaltérable de sa figure matriarcale et l’impossibilité d’admettre qu’elle peut trahir sa propre progéniture, érigeant le personnage de Corrine en véritable monstre d’égoïsme. Les enfants auront tout de même droit à leur revanche, ruinant le mariage de l’infâme et parvenant à s’échapper, marqués à tout jamais par leur apprentissage précoce des vicissitudes de l’existence. Cet épilogue fut un gros sujet de discorde entre le réalisateur et le studio : dans le roman, la mère ne meurt pas. Effrayés par les résultats des projections-test, les producteurs désirent une vengeance fatale de la main-même des offensés et exigent un reshoot. Bloom refusant catégoriquement la proposition, un anonyme est engagé dans son dos et s’exécute, la mort dans l’âme. Perdu au beau milieu des franchises Vendredi 13 et autres FreddyFlowers In The Attic peina à trouver un public non-initié, séduisit moyennement la critique et dérouta les fans, déçus par la trahison faite au roman. En l’état, cette œuvre atypique aux allures de production Disney pervertie (on pense aux Yeux de la forêt), hybride déviant, poignant et poétique entre Barbara Cartland, les sœurs Brontë et Jack Ketchum avant l’heure, mérite une relecture avisée.

 

© Julien Cassarino

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