LE PETIT POUCET (2001)

Olivier Dahan propose une vision sombre et réaliste du célèbre conte de Perrault

LE PETIT POUCET

2001 – FRANCE

Réalisé par Olivier Dahan

Avec Nils Hugon, Raphaël Fuchs, William Touil, Pierre-Augustin Crenn, Théodul Carré-Cassaigne, Hanna Berthaut

THEMA CONTES

Inattendu dans un registre fantastique pur, l’auteur de Déjà Mort et La Vie Promise a opté pour une adaptation extrêmement fidèle du conte de Charles Perrault, narré à la première personne par Michel Duchaussoy incarnant en voix off un Petit Poucet vieilli et aguerri. Cadet d’une famille de paysans crève la faim et souffre-douleur de ses frères, Poucet (incarné par Nils Hugon) découvre avec ses yeux naïfs la dureté d’une époque marquée par la guerre et la famine. Leur ferme ayant été pillée par une horde de soldats, les parents de Poucet décident d’abandonner leurs nombreux rejetons en pleine forêt. Tant de bouche de moins à nourrir, ça n’est pas rien en pareil contexte. Livrés à eux-mêmes, les enfants font dans les bois maintes rencontres désagréables, notamment des loups affamés, les guerriers à la solde du redoutable soldat à la jambe de fer, et surtout l’Ogre impitoyable qui raffole de la chair tendre des petits enfants pour son petit déjeuner.

Si le scénario ne surprend donc guère, se contentant de reprendre les péripéties d’une histoire que chaque spectateur connaît depuis son plus jeune âge, c’est du côté de la direction artistique que le film d’Olivier Dahan étonne. Car du point de vue strictement formel, ce Petit Poucet est une vraie merveille. La partition de Jo Hisaishi, compositeur attitré de Hayao Miyazaki (Princesse MononokeLe Voyage de Chihiro), est lyrique à souhait, les décors mi-réels mi-numériques sont superbement oniriques, et les costumes bénéficient de designs particulièrement originaux. Avec une mention spéciale pour le look  horrifico-fétichiste de l’Ogre, dont le visage est entièrement dissimulé sous une sorte de muselière métallique articulée.

Un Ogre au look horrifico-fétichiste

Le casting, surprenant, réserve des rôles de choix à des comédiens pas du tout habitués, eux non plus, à ce registre féerique. On note en particulier Romane Bohringer en mère du Petit Poucet, Elodie Bouchez en épouse de l’Ogre, Samy Naceri en soldat à la jambe de fer, Saïd Taghmaoui en chef de troupe, Romain Duris en garde, Jean-Paul Rouve en cavalier, Maurice Barthélémy en comptable, et Catherine Deneuve en reine. Cette dernière apparition semble être conçue comme un clin d’œil au fameux Peau d’Âne. Mais contrairement au conte réalisé par Jacques Demy, qui se terminait par l’envolée incongrue d’un hélicoptère, le film d’Olivier Dahan ne s’envisage pas autrement qu’au premier degré, sans le moindre décalage ou la plus petite once d’humour. Personne ne s’en plaindrait outre mesure si ce Petit Poucet s’adressait principalement aux enfants. Mais la noirceur du traitement, l’épouvante pure dans laquelle baignent les apparitions de l’Ogre, des loups et du soldat à la jambe de fer, la dureté générale du film laissent au contraire imaginer que c’est l’adulte qui est ici visé. C’est ce petit fossé entre la naïveté linéaire de la narration et la rudesse de la mise en scène qui risque de déconcerter le public et d’empêcher cette œuvre pourtant bourrée de qualités de  trouver sa cible. A marquer d’une pierre blanche tout de même. Certes, nous sommes à mille lieues des splendeurs de La Belle et la Bête, mais ce n’est pas tous les jours que la France se pare de si beaux contes cinématographiques.

 

© Gilles Penso

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DARKMAN 2 (1994)

Une séquelle modeste du film de Sam Raimi dans laquelle Arnold Vosloo reprend le rôle de Liam Neeson

DARKMAN II : THE RETURN OF DURANT

1994 – USA

Réalisé par Bradford May

Avec Larry Drake, Arnold Vosloo, Kim Delaney, Renée O’Connor, Lawrence Dane, Kim Delaney, Jesse Collins, David Ferry

THEMA SUPER-HEROS I SAGA DARKMAN

Sam Raimi et Liam Neeson étant respectivement accaparés par L’Armée des Ténèbres et La Liste de Schindler, ils ne pouvaient décemment s’impliquer dans cette séquelle de Darkman commanditée par les studios Universal pour une exploitation directe en vidéo. Les rênes de la mise en scène furent donc confiées à Bradford May, vétéran du petit écran. Pour succéder à Neeson, les producteurs ont fait un choix étonnant : Arnold Vosloo, un comédien athlétique d’origine sud-africaine dont on avait déjà pu apprécier le charisme dans 1492 de Ridley Scott et Chasse à l’Homme de John Woo. « Je dois avoir un physique particulier, parce qu’on ne me propose jamais de comédie romantique », nous avouait-il non sans humour. « Je suis donc plutôt spécialisé dans les rôles de méchants ou de personnages atypiques. Sans compter qu’ici, mon visage était la plupart du temps recouvert de latex ! » (1) Car lorsqu’il n’arbore pas une figure humaine, l’infortuné super-héros apparaît toujours sous les traits d’un grand brûlé, grâce à un maquillage saisissant d’Evan Campbell reproduisant fidèlement celui que Tony Gardner créa pour le premier film. Vosloo apporte au docteur Peyton Westlake, alias Darkman, de la force, de la détermination et une certaine décontraction qui nous éloignent quelque peu du héros brisé et schizophrène créé par Sam Raimi.

Le déséquilibre mental, les tourments psychologiques et les troubles sentimentaux ont donc été évacués au profit d’une action soutenue et quelque peu basique. Seul rescapé du casting précédent, Larry Drake vole du coup la vedette au héros dans le rôle du parrain mafieux Robert G. Durant. Laissé pour mort à la fin du film précédent, il s’éveille d’un long coma et reprend illico les choses en main. Bien décidé à régner définitivement sur le milieu de la pègre et l’empire de la drogue, il fait évader un savant un peu fou et l’engage pour créer des armes d’un nouveau genre, à mi-chemin entre la mitrailleuse et le pistolet laser. Pour mettre en place sa chaîne de fabrication, Durant s’installe dans un entrepôt dont il fait assassiner le propriétaire. Or, comme par hasard, ce dernier était un scientifique qui œuvrait sur la création d’une peau artificielle, et qui avait été contacté par Peyton Westlake, désireux de trouver une solution pour que ses masques ne se désintègrent plus au bout de 90 minutes d’utilisation.

L'épisode central d'une petite saga

Darkman se retrouve donc une fois de plus face à son ennemi juré, et l’affrontement qui s’ensuit emprunte prudemment des chemins déjà très balisés. Car si Bradford May signe là une mise en scène nerveuse et efficace, et s’il maîtrise visiblement les cascades spectaculaires et les effets pyrotechniques en tous genres, le grain de folie de Sam Raimi fait ici cruellement défaut. D’autant que la plupart des situations décrites dans cette séquelle, et notamment les dédoublements des méchants grâce aux masques du Darkman, ont déjà été vues dans le premier film. Ce qui n’empêchera pas pour autant Universal de confier à Bradford May une seconde séquelle, toujours avec Vosloo, mais cette fois-ci sans Larry Drake.

(1) Propos recueillis par votre serviteur en juin 1999

 

© Gilles Penso

LES CHARLOTS CONTRE DRACULA (1980)

L'un des trios d'humoristes les plus populaires du cinéma français des années 70/80 affronte le roi des vampires dans une comédie gentiment poussive

LES CHARLOTS CONTRE DRACULA

1980 – FRANCE

Réalisé par Jean-Pierre Desagnat

Avec Andréas Voutsinas, Jean Sarrus, Gérard Rinaldi, Gérard Filipelli, Jean-Pierre Elga, Gérard Jugnot, Amélie Prévost

THEMA DRACULA I VAMPIRES

Chantres d’un humour franchouillard passé de mode depuis des lustres, les Charlots, chanteurs et musiciens à succès (ils firent tout de même la première partie des Rolling Stones !) devenus acteurs en 1970, ont su faire s’esclaffer les foules de l’hexagone à travers des films aux titres aussi évocateurs que Les Bidasses en Folie, Les Fous du Stade, Les Charlots font l’Espagne, Le Grand Bazar, Les Quatre Charlots Mousquetaires ou encore Bons Baisers de Hong-Kong. Pour fêter les dix ans de leur carrière cinématographique et inaugurer les années 80, les trois piliers du groupe (Gérard Rinaldi, Jean Sarrus et Gérard Filipelli) décident de marcher sur les traces d’Abott et Costello en se confrontant au plus grand vampire de tous les temps.

Mais c’est à peu près le seul point commun qu’on pourra trouver entre Les Charlots contre Dracula et une aventure des Deux Nigauds, tant l’aspect parodique du genre est ici sacrifié au profit de la comédie potache et de la drôlerie de bas étage. Il suffit de voir comment sont abordés les aspects fantastiques de l’intrigue pour comprendre que la présence du comte transylvanien aux dents longues n’est ici qu’un prétexte comme un autre pour mettre en valeur les pitreries du joyeux trio. Lorsque le film commence, le fils de Dracula (« Dracounet » pour les intimes) a douze ans. Il porte une cape et dort dans un cercueil, comme son défunt papa, et veut boire du sang comme lui. Mais les vampires sont usés par les vicissitudes des temps modernes, et pour posséder leur célèbres pouvoirs d’antan, ils ont besoin désormais d’une potion spéciale. Or une malédiction pèse sur la fiole qui renferme le précieux breuvage. Tous ceux qui veulent s’en approcher sont aussitôt pétrifiés, sauf la mère de Dracula Jr, ou toute femme qui lui ressemblerait trait pour trait. Un jour, la vénérable épouse de Dracula Sr rend l’âme. 35 ans et demi plus tard (comme nous l’annonce un carton très précis), Dracounet est devenu adulte et possède désormais les traits du comédien grec Andréas Voutsinas. Il loue les services du détective privé Gaston Lepope (Gérard Jugnot, alors en pleine période Bronzés) pour dénicher un sosie de sa mère afin de pouvoir enfin mettre la main sur la potion tant convoitée. Lepope trouve finalement la perle rare à Paris, dans une brocante où travaillent justement nos trois Charlots…

« Dieu est belge ! »

Et c’est parti pour une heure et demi de courses-poursuites laborieuses (les déambulations dans le train, les chassés croisés dans la forêt puis dans le château de Dracula), de gags interminables (la chute du plus haut pont d’Europe servie par un trucage optique abominable, la chauve-souris morte dont on essaie de se débarrasser) et de répliques absurdes (l’inénarrable « Dieu est belge ! »). La mise en scène télévisuelle de Jean-Pierre Desagnat, le montage constellé de faux-raccords et la musique éléphantesque signée par les Charlots eux-mêmes sont en accord avec la tonalité générale du film. Même l’inégal Dracula père et fils d’Edouard Molinaro ferait figure de chef d’œuvre à côté de ce Charlots contre Dracula fier de sa propre balourdise, témoignage d’une époque révolue où la comédie n’avait pas besoin d’être très sophistiquée pour titiller les zygomatiques des spectateurs bien de chez nous.

 

© Gilles Penso

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LE RETOUR DES MORTS-VIVANTS 5 : RAVE MORTEL (2005)

Quand des étudiants sont contaminés par un virus zombie, la grande rave party de l'année se transforme en joyeux massacre…

RETURN OF THE LIVING DEAD 5 : RAVE TO THE GRAVE

2005 – USA

Réalisé par Elleory Elkayem

Avec AImee-Lynn Chadwick, Cory Hardrict, John Keefe, Jenny Mollen, Peter Coyote, Claudiu Bleont, Sorin Cocis, Cain Minhea Manoliu

THEMA ZOMBIES I SAGA LE RETOUR DES MORTS-VIVANTS

Le cinquième épisode de la franchise Le Retour des Morts-Vivants, sous-titré Rave mortel, est tourné dans la foulée du quatrième opus, avec la même équipe technique, les mêmes acteurs principaux, le même réalisateur et les mêmes décors russo-roumains. Mais bizarrement, le scénario n’assure quasiment aucune continuité avec l’épisode précédent, comme si aucun des protagonistes ne se souvenait des événements survenus dans les locaux d’Hybra Tech. Pourtant les personnages principaux restent les mêmes. Seul le scientifique incarné par Peter Coyote poursuit son chemin avec une certaine « cohérence », même si son rôle tourne court. En cavale avec l’un des derniers barils de trioxine, il est prêt à les vendre à la mafia italienne. Pour tester la marchandise, ses acheteurs ont la mauvaise idée de faire inhaler le gaz à plusieurs cadavres en même temps. Comme on pouvait s’y attendre, tous les morts se relèvent d’un coup et s’adonnent à un joyeux carnage, à grand coup de cerveau arraché, de crâne trépané, d’yeux éjectés hors de leurs orbites et d’explosions de sang.

Les lycéens du film précédent sont de retour, notamment Julian Garrisson (toujours incarné par John Keefe) qui mène une petite vie tranquille avec sa nouvelle petite amie Jenny (Jenny Mollen) et s’afflige en apprenant la mort de son oncle (une amnésie subite aurait-elle occulté de sa mémoire le fait que ce dernier pratiquait des expériences innommables pour transformer les honnêtes gens en zombies ?). En fouillant dans son grenier, Julian trouve deux barils de trioxine et demande à son ami Cody (Cory Hardrict), féru de science, d’en analyser le contenu. Ce dernier en prélève donc des échantillons que Jeremy (Cain Minhea Manoliu), le frère de Jenny, absorbe en petite quantité pour en tester les vertus qu’il imagine hallucinogènes. Bientôt, des milliers de doses de « drogue », baptisée Z, sont fabriquées à partir du contenu des barils pour être vendues lors de la grande rave party qui sera organisée à l’occasion de la soirée d’Halloween. Les premiers étudiants touchés se transforment bientôt en zombies blafards gémissant « cerveau » et quelques cadavres mutilés commencent à joncher le sol, sans perturber outre-mesure les étudiants qui sont surtout excités par les préparatifs de la soirée d’Halloween. Pour assurer des touches d’humour régulières, le film croit bon d’intégrer dans son intrigue deux mafieux italiens caricaturaux. Habillés comme dans un film de Quentin Tarantino, écoutant de l’opéra italien dans leur voiture, ils se mettent en quête des précieux barils et surjouent en forçant leur faux accent (les deux acteurs sont roumains !), leurs tentatives pour faire rire les spectateurs s’avérant laborieuses. Plus versé sur l’humour que son prédécesseur, ce cinquième opus nous inflige aussi des soirées étudiantes stupides assurant leur quota de nudité et de mauvaise musique, et même des gags navrants à base de flatulences.

gags stupides et nudité gratuite

Certes, les effets spéciaux gore de l’équipe d’Optic Nerve sont toujours aussi généreux et se permettent tous les débordements (une énucléation avec des baguettes de batterie, une décapitation avec une guitare électrique, une autre à la hache, des stylos plantés dans un cerveau à travers les oreilles, le tout accompagné de gerbes de sang explosives), mais la lassitude gagne malgré tout le public. Lorsque vient le moment de la fameuse rave party, l’espoir d’une apothéose digne de ce nom est permis. Sans imaginer une hécatombe titanesque à la Braindead, les spectateurs sont en effet en droit de s’attendre à un festival de séquences gore excessives. Mais ce massacre final sombre vite dans la routine répétitive. Les figurants grimés à la va vite n’en finissent plus de gémir « cerveau » et de mordre leurs victimes au milieu de salves de coups de feu. Le retour de « Tar-Man », le fameux homme goudron, aurait pu donner lieu à quelques séquences réjouissantes. Hélas, le mort-vivant dégoulinant se contente de surgir d’un baril, de se faire tirer dessus, de s’éclipser puis de réapparaître sur la route pour faire de l’auto-stop, au cours d’un gag que le réalisateur juge tellement drôle qu’il le fait durer de longues, interminables et embarrassantes minutes. Même s’ils ont été envisagés initialement pour une sortie en salles, Le Retour des Morts-Vivants 4 et 5 seront directement diffusés sur SciFi Channel en 2005, dans des versions écourtées, avant d’être exploités sous leur forme intégrale non censurée l’année suivante en DVD. Et c’est sur ces deux opus anecdotiques que s’achève la saga sanglante du Retour des Morts-Vivants.

 

Gilles Penso

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LE RETOUR DES MORTS-VIVANTS 4 : NECROPOLIS (2005)

Ce quatrième opus tardif de la franchise initiée par Dan O'Bannon, produit par une toute nouvelle équipe, revoit sérieusement les ambitions de la saga à la baisse

RETURN OF THE LIVING DEAD 4 : NECROPOLIS

2005 – USA / ROUMANIE

Réalisé par Ellory Elkayem

Avec Aimee-Lynn Chadwick, Cory Hardrict, John Keefe, Jana Kramer, Peter Coyote, Elvin Dandel, Alexandru Geona, Toma Danila

THEMA ZOMBIES I SAGA LE RETOUR DES MORTS-VIVANTS

Une décennie après Le Retour des Morts-Vivants 3, le producteur russe Anatoly A. Fradis décide de ressusciter la saga en initiant deux séquelles tournées simultanément. Limitant le budget de chacun des films de manière drastique, Fradis met sur pied une co-production américano-roumaine, via sa compagnie Aurora Entertainment, décide de planter ses caméras en Roumanie et en Ukraine, tout près du site de Tchernobyl, et confie la mise en scène des deux films à Ellory Elkayem. Ce dernier avait créé une surprise plutôt agréable à travers ses premiers travaux : le court-métrage Larger Than Life, le téléfilm Eclosion et le blockbuster aux mille et une pattes Arac Attack. Mais autant être honnête : son talent et son inventivité semblent ici s’être totalement évaporés. Le premier film du diptyque, Le Retour des Morts-Vivants 4 : Necropolis, commence sous la forme d’un spot publicitaire vantant les mérites de la compagnie Hybra Tech. Or derrière ses apparences respectables, la puissante société se livre à des activités abjectes. L’un de leurs scientifiques en chef, Charles Garrison, est incarné par Peter Coyote, seul visage familier d’un casting d’une grande fadeur. Il se rend à Tchernobyl pour y faire l’acquisition des derniers barils de Trioxine 5 encore répertoriés. Mais les deux hommes qui l’accompagnent font bientôt les frais du dangereux produit. Le premier, touchant malheureusement le liquide qui suintait d’un des futs, se transforme illico en zombie, crie « cerveau » et arrache d’un coup de dents celui de son comparse, avant de s’écrouler au sol lorsque Garrison lui tire une balle dans la tête. Car ici, contrairement aux trois films précédents, les morts-vivants ont perdu toute indestructibilité. Un simple coup de feu peut en venir à bout. 

Quelques séquences joyeusement délirantes émaillent le film, comme ce gros rat bien dodu que font cuire deux clochards dans les sous-sols du bâtiment Hybra Tech et qui se ranime soudain pour les dévorer. Mais ce sont des tentatives relativement isolées, et lorsque les véritables « héros » du Retour des Morts-Vivants 4 font enfin leur apparition (un groupe de lycéens caricaturaux), les maigres promesses du film s’effondrent. En pleine séance de motocross acrobatique, l’un d’eux, Zeke (Elvin Dandel), se blesse en sautant sur un tremplin et est hospitalisé. Mais on ne retrouve plus sa trace. Menés par Julian (John Keefe), le neveu de Garrison, ses amis mènent l’enquête et découvrent qu’il a été transporté dans les locaux de Hybra Tech pour subir des expériences. Coup de chance, la jolie Kate (Jana Kramer), qui travaille au poste de sécurité des locaux en question, est amie avec le petit groupe. Futés, les étudiants accèdent au site Internet de la compagnie et découvrent, au sein du département de recherche médical, une zone nommée « Necropolis ». Ils se fabriquent alors de faux badges, s’équipent comme un commando et décident de s’immiscer dans les locaux en passant par les souterrains. Là, ils découvrent tous les zombies sur lesquels Charles pratique des expériences, ainsi que des bébés monstrueux flottant dans des bocaux. Interrogé sur l’intérêt de telles expériences, Charles répond laconiquement : « Pourquoi ? Mais pour dominer le monde ! » Le film assume ainsi frontalement la vacuité de son scénario et de ses enjeux dramatiques.

Des armes bio-chimiques d'un genre inattendu

Légitimement révoltés mais pas très malins, les jeunes héros libèrent par mégarde les zombies cobayes qui vont dès lors s’en donner à cœur joie. Le carnage ne fait évidemment pas dans la demi-mesure : têtes arrachées, ventres ouverts à mains nues, cerveaux extirpés et dévorés… Le sang gicle par hectolitres avec une belle générosité et les maquillages gore sont plutôt réussis. John Vulich les supervise, fort de son expérience sur les très impressionnants zombies du remake de La Nuit des Morts-Vivants de Tom Savini, et intègre au sein de son atelier Optic Nerve quelques artistes de talent comme Mark Shostrom (Evil Dead 2) et Gary Tunnicliffe (Candyman). S’engouffrant timidement dans la voie ouverte par Le Retour des Morts-Vivants 3, le climax révèle des « armes bio-chimiques » d’un genre inattendu, autrement dit un couple de zombies monstrueux engoncés dans des armures high-tech dont les bras sont reliés à des canons surdimensionnés et à des armes blanches. Mais l’intervention prometteuse de ces deux créatures s’avère frustrante car elle se limite à quelques minutes de présence à l’écran. Le film s’offre aussi un petit hommage au premier Retour des Morts-Vivants lorsqu’un des zombies, après avoir dévoré le cerveau d’un gardien, s’empare du téléphone et dit « envoyez plus de gardiens ». Mais l’humour reste pataud et lorsque le combat se poursuit à mains nues, faute de munitions, le ridicule est de la partie. On note tout au long du métrage une musique électro-orchestrale assez efficace de Robert Duncan, qui renforce le suspense et la tension même lorsqu’il ne se passe rien de bien excitant à l’écran.

 

© Gilles Penso

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LE RETOUR DES MORTS-VIVANTS 2 (1988)

Un deuxième épisode qui mise tout sur l'humour et oublie du même coup d'être effrayant

RETURN OF THE LIVING DEAD 2

1988 – USA

Réalisé par Ken Wiederhorn

Avec James Karen, Thom Matthews, Michael Kenworthy, Marsha Dietlien, Dana Ashbrook, Thor Van Lingen, Jason Hogan

THEMA ZOMBIES I SAGA LE RETOUR DES MORTS-VIVANTS

Le Retour des Morts-Vivants de Dan O’Bannon se présentait comme une sorte de séquelle « pirate » de La Nuit des Morts-Vivants, mais son succès auprès du jeune public convainquit les producteurs du potentiel d’une franchise autonome. Horreur et comédie sont donc à nouveau de la partie, à l’occasion de cette suite confiée à Ken Wiederhorn, qui s’était déjà frotté aux zombies avec le très sérieux Commando des Morts-Vivants. Dès le début du film, un camion de l’armée trimballe les fameux fûts de produits chimiques ramenant les morts à la vie. Il suffit d’un coup de frein trop brutal pour que trois des containers se détachent et tombent sur le bas-côté. Les militaires parviennent à en récupérer deux, mais le troisième atterrit entre les mains d’un groupe de gamins qui commettent l’imprudence de l’ouvrir dans une cimetière (comme par hasard !). En découvrant à l’intérieur un cadavre décomposé, ils s’enfuient, terrifiés, tandis que le produit se répand dans la terre, avec les conséquences qu’on peut imaginer…

Le Retour des Morts-Vivants 2 est typique de ce que les films d’horreur étaient devenus au milieu des années 80, motivés par la tournure que prenaient les Freddy et les Vendredi 13 : des divertissements pour adolescents conçus sous forme de produits marketing, des Police Academy de l’épouvante en quelque sorte. Le premier zombie du film, dégoulinant à souhaits, se démarque du fameux « homme-goudron » du premier Retour des Morts-Vivants, et effraie furtivement l’un des jeunes héros. La résurrection en masse qui s’ensuit est ouvertement traitée sous l’angle du pastiche : une morte met ses lunettes dès qu’elle sort de terre pour mieux y voir, un cadavre tente de s’extraire du sol mais est piétiné par tous ses camarades… Quant aux effets gores, ils lorgnent franchement du côté du cartoon : un visage troué par un coup de poing, une morte-vivante au visage hérissé de gros vers remuants qui dévore le cerveau d’un homme, une tête décapitée qui gigote et finit épinglée d’un coup de tournevis, un zombie coupé en deux puis démembré et décomposé… Mélange d’animatronique et de maquillages spéciaux, les trucages oscillent entre l’efficace et le grotesque. Quant aux gags visuels, ils sont unanimement patauds, notamment cette main coupée qui attaque les survivants dans leur voiture, pince des testicules puis est éjectée avant de dresser un doigt d’honneur ! 

Mourir, revenir

Les dialogues eux-mêmes valent leur pesant d’or, avec une mention spéciale pour l’une des héroïnes qui s’empare d’une arme à feu et déclame : « Ces choses dehors, elles sont laides, elles sont sales et elles puent. Rien n’arrêtera ces ressuscités. Je n’ai pas peur d’eux. Nous allons les éliminer ! » Voilà qui donne une idée assez précise du niveau de cette séquelle, caricaturant à l’extrême toutes les idées de Dan O’Bannon et échouant dans le double domaine de l’épouvante et de l’humour (à l’exception peut-être du personnage du médecin, qui s’excuse auprès d’un de ses patients devenu zombie de l’avoir mal diagnostiqué !) L’affiche française de l’époque, parodiant Partir Revenir de Claude Lelouch, osait le slogan qui tue : « cette fois, ils trépassent les bornes ».

 

© Gilles Penso

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DOC SAVAGE ARRIVE ! (1975)

L'un des super-héros les plus kitsch des années 70 est aussi le premier personnage Marvel qui fut porté à l'écran

DOC SAVAGE : MAN OF BRONZE

1975 – USA

Réalisé par Michael Anderson

Avec Ron Ely, Paul Gleason, Bill Lucking, Michael Miller, Eldon Quick, Darrell Zwerling, Paul Wexler, Pamela Hensley

THEMA SUPER HEROS I EXOTISME FANTASTIQUE I SAGA MARVEL

Avouons-le sans détour : le tout premier long-métrage adaptant l’univers Marvel est un nanar de compétition. Certes, avant d’être héros de comic book, Doc Savage « l’homme de bronze » exhibait sa force dans une série de romans d’aventure écrits par Kenneth Robeson dès 1933, mais c’est de toute évidence les planches dessinées par Ross Andru et scénarisées par Steve Englehart à partir de 1972 qui servirent d’inspiration au réalisateur Michael Anderson (L’Âge de cristalOrca) et au producteur George Pal (La Guerre des mondesLa Machine à explorer le temps). Annoncé dans la BD d’origine comme « le premier super-héros de tous les temps » (ses aventures littéraires précèdent en effet celles de Superman), Doc Savage prend dans le film les traits du robuste Ron Ely, qui luttait contre le crime en peaux de bêtes dans la série Tarzan entre 1966 et 1968. 

Du haut de ses presque deux mètres, l’athlétique comédien, flanqué de cinq faire-valoir caricaturaux (un avocat, un chimiste, un ingénieur, un archéologue et un électricien), lutte ici contre le maléfique capitaine Seas (Paul Wexler) qui veut mettre la main sur la réserve d’or dont Savage vient d’hériter. Très imprégné d’une autodérision apparemment héritée de la série BatmanDoc Savage serait drôle au premier degré s’il assumait pleinement sa fonction de parodie. Mais les gags volontaires qui ponctuent le film (l’œil de Savage qui brille, l’homme de main qui dort dans un grand lit de bébé à bascule, la musique de fanfare qui accompagne les scènes de batailles) tombent désespérément à plat, et la plupart des parti-pris artistiques du film (la chanson d’opérette qui vante les mérites de Doc Savage, le jeu excessif de l’intégralité des comédiens, les dialogues stupides, les situations absurdes) laissent perplexes.

« La mort verte »

A ce titre, l’interminable affrontement final entre Savage et Seas, au cours duquel les belligérants adoptent tour à tour toutes sortes de techniques de combat (dont les noms s’affichent à l’écran : sumo, kung-fu, karaté, boxe), nous embarrasse et nous navre à défaut de nous distraire. Même l’élément fantastique s’avère traité par-dessus la jambe. Le héros semble en effet doué de super-prouvoirs ponctuels (des dons de télépathe, une invulnérabilité totale face aux coups de feu) que rien n’explique, tandis que les vilains utilisent pour se débarrasser de leurs victimes « la mort verte », autrement dit des serpents volants phosphorescents (réalisés en animation) contre lesquels Savage possède miraculeusement un antidote. Pour parachever le massacre, la version française juge bon de doter le valeureux docteur d’un zozotement appuyé qui tourne en ridicule la moindre de ses répliques. Ainsi, lorsque notre homme regarde fièrement l’horizon en déclarant à ses fidèles compagnons « nous devons confacrer faque moment de notre vie à fouffrir pour nous vaméliorer fans feffe dans la mevure de nos moyens, et fe pour le plus grand profit de touf », la solennité en prend un coup ! La fin ouverte du film nous promet une séquelle : « Ne manquez pas la prochaine aventure de Doc Savage, l’ennemi du mal ! ». Mais fort heureusement, les exploits de « l’homme de bronze » resteront sans suite.

 

© Gilles Penso

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FLIC OU ZOMBIE (1987)

Dans ce buddy movie d'un genre très spécial, un policier fait équipe avec un collègue devenu mort-vivant

DEAD HEAT

1987 – USA

Réalisé par Mark Goldblatt

Avec Treat Williams, Vincent Price, Clare Kirkconnell, Joe Piscopo, Lindsay Frost, Darren McGavin, Keye Luke, Robert Picardo

THEMA ZOMBIES

Monteur talentueux, dont le sens du rythme s’est mis au service d’œuvres aussi diverses que PiranhasHurlementsTerminator ou Commando, Mark Goldblatt s’est essayé à la mise en scène à l’occasion de ce très curieux Flic ou Zombie qui, comme son titre l’indique, oscille audacieusement entre le polar et le film d’horreur. Tout commence comme un bon vieux buddy-movie, genre alors très à la mode grâce à la sortie récente de L’Arme Fatale. Le fringuant Treat Williams (Hair1941) et le lourdaud Joe Piscopo (alors comique populaire sur les petits écrans américains) incarnent Roger Mortis et Doug Bigelow, deux flics de Los Angeles qui s’entendent comme larrons en foire, malgré des méthodes et des caractères fort dissemblables. Depuis plusieurs mois, ils s’efforcent en vain d’arrêter un gang de voleurs de bijoux apparemment insensibles aux balles. Le fait le plus troublant est que ces malfrats ressemblent comme deux gouttes d’eau à des corps dérobés à la morgue.

L’enquête de nos deux policiers survoltés les mène jusqu’à la société Dante Pharmaceuticals qui, à leur grande stupéfaction, semble avoir inventé une machine capable de ressusciter les morts. Ils en feront leurs frais en affrontant l’un des zombies les plus étranges de l’histoire du cinéma, une espèce de bibendum difforme et barbu au visage triple, qui semble proprement indestructible. Au cours de l’affrontement, Roger est assassiné, au grand dam de son partenaire et de son ex-petite amie Rebecca (Clare Kirkconnell). Ressuscité grâce à la miraculeuse machine (qui semble fonctionner comme un four à micro-ondes géant), il a désormais douze heures pour retrouver son meurtrier. Passé ce délai, sa peau se sera entièrement décomposée, et il tombera en liquéfaction.

Vincent Price en guest star

Fort original, ce postulat évoque Mort à l’Arrivée, premier du nom, dont un extrait vu sur un écran de télé prouve qu’il fut la source d’inspiration principale du scénariste Terry Black (frère de Shane Black qui écrivit le script de… L’Arme Fatale, et oui ça ne s’invente pas). L’intrigue suit ensuite des sentiers moins audacieux, et les comédiens, il faut bien l’avouer, semblent ne croire qu’à moitié à ce qu’ils font, malgré un penchant pour la comédie plutôt bienvenu étant donnée l’exubérance du scénario. Le film vaut tout de même largement le coup d’œil, ne serait-ce que pour les hallucinants effets spéciaux du maquilleur Steve Johnson, qui vont jusqu’à surpasser en audace les folies de Screaming Mad George sur Society et Re-Animator 2. A ce titre, on n’est pas près d’oublier la séquence au cours de laquelle tous les animaux morts et mutilés d’un restaurant chinois reviennent soudain à la vie et attaquent nos héros. Canards décapités, porcs, saucisses, carcasses de bœufs, tout s’anime ainsi dans la frénésie et l’abomination la plus totale. Ou cette scène non moins éprouvante où une jeune fille se décompose à vue d’œil, son visage se liquéfiant et sa peau noircissant à vitesse grand V, via un trucage visuel hallucinant (les effets numériques n’étaient pas encore de mise à l’époque). Et puis, cerise sur le gâteau, il y a Vincent Price, dans un tout petit rôle certes, mais dont chaque apparition à l’écran est un pur moment de bonheur.

 

© Gilles Penso

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MISSION IMPOSSIBLE ROGUE NATION (2015)

Un cinquième épisode constellé de nouveaux morceaux de bravoure, dont un hommage opératique à Alfred Hitchcock

MISSION IMPOSSIBLE ROGUE NATION

2015 – USA

Réalisé par Réalisateur

Avec Tom Cruise, Simon Pegg, Jeremy Renner, Rebecca Ferguson, Ving Rhames, Alec Baldwin, Sean Harris

THEMA ESPIONNAGE ET SCIENCE-FICTION I SAGA MISSION IMPOSSIBLE

Avec Protocole Fantôme, quatrième opus de la saga Mission Impossible, Brad Bird avait placé la barre très haut, articulant son film autour du motif du dysfonctionnement et du déséquilibre. Fidèle collaborateur de Bryan Singer et signataire de Jack Reacher, dans lequel il dirigeait déjà Tom Cruise, Christopher McQuarrie ne s’est pas laissé démonter pour autant, prenant ce Rogue Nation à bras le corps pour s’inscrire dans la droite lignée de son prédécesseur. Ici, la prémisse dramatique a changé. L’instabilité et la perte de repères déclinées par Brad Bird cèdent ici le pas à une autre thématique qu’on pourrait résumer en une question : jusqu’où peut-on repousser les limites ? L’une des scènes les plus mémorables du film, au cours de laquelle Ethan Hunt prolonge indéfiniment une immersion en apnée jusqu’à ce que sa vie ne tienne plus qu’à un fil, symbolise parfaitement ce nouveau motif. Rogue Nation regorge de morceaux de bravoure de cet acabit, du saut insensé à flanc d’avion à l’ébouriffante course de motos en passant par un nombre incalculable de combats, de poursuites et de fusillades. Et chaque fois, l’interrogation revient, lancinante : ne va-t-il pas trop loin ? « Il », c’est l’agent Hunt, bien sûr, dont les prises de risque finissent par nous faire douter du bien fondé de son opiniâtreté, visiblement autant guidée par l’envie de bien faire que par une sorte d’orgueil altérant son jugement. Mais « il », c’est aussi Tom Cruise, dont on connaît la volonté d’effectuer lui-même une grande partie de ses cascades, quitte à se mettre en danger (un danger savamment calculé, certes, mais tout de même réel).

 Cette pleine implication physique du comédien est un atout qui force le respect, suscitant une connivence directe avec le spectateur. Mais les motivations de Cruise ne dépassent-elles pas les « simples » besoins du film pour flatter son égo, sortir de sa zone de sécurité et parfaire une sorte d’accomplissement personnel ? Sans doute, et c’est là que le parallèle entre le comédien et son personnage devient fascinant. Tom Cruise n’est pas seulement l’acteur principal de la franchise Mission Impossible, il en est aussi l’instigateur et le producteur, choisissant soigneusement chaque membre de son équipe (et chacun de ses réalisateurs) pour s’assurer que le résultat sera autant gratifiant pour le public que pour lui. Avec McQuarrie, c’est à nouveau une bonne pioche. Car au-delà de sa virtuosité et de son savoir-faire, le réalisateur a eu l’intelligence de respecter les codes établis par les épisodes précédents tout en y injectant sa propre personnalité.

Le cycle des influences

Une sorte de « cycle d’influences » se met même en branle au cours de ce qui constitue probablement la plus belle séquence du film, située en plein Opéra à Vienne. Modèle de suspense aux enjeux multiples, ce morceau d’anthologie assume totalement l’influence d’un des moments les plus célèbres de L’Homme qui en savait trop d’Alfred Hitchcock, dont il reprend même certains des composantes visuelles, notamment les gros plans sur la partition pour indiquer au spectateur à quel moment aura lieu le drame. Or Hitchcock est le maître à penser de Brian de Palma, qui fut justement l’initiateur de la saga Mission Impossible sur grand écran. Voilà une belle pirouette doublée d’un retour aux sources appréciable, scandé par une partition remarquable de Joe Kraemer sous la double influence de Michael Giacchino et Lalo Schifrin.

 

© Gilles Penso

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THANATOMORPHOSE (2012)

Un jour, le corps d'une jeune femme se met à entrer en putréfaction, sans raison, de manière inexorable…

THANATOMORPHOSE

2012 – CANADA

Réalisé par Eric Falardeau

Avec Kayden Rose, Émile Beaudry, Eryka Cantieri, Roch-Denis Gagnon, Davyd Tousignant

THEMA MORT

Le réalisateur québécois Eric Falardeau a une passion pour le corps humain, ses fluides, son vieillissement. A l’instar de David Cronenberg qui entretient un rapport aussi affectif avec le corps qu’Eric Falardeau, ce dernier a étudié de près tout ce qui en traite, a même rédigé une thèse sur le sujet et ses courts-métrages reflètent cette passion, comme dans Purgatory par exemple, dans lequel un homme, également mal dans sa peau, faisait subir à son corps des nombreux sévices afin de ressentir des choses. Avec Thanatomorphose, il nous présente un peu le penchant inverse de Purgatory puisqu’ici, c’est une jeune femme qui va voir son corps pourrir de façon inéluctable et ce, sans aucune raison apparente. Eric Falardeau ne donne aucune explication sur le pourquoi du comment et ce sera à chacun de trouver sa propre explication. Pour ma part, je pense que la vie de Laura est tellement triste, tellement morne, si peu trépidante, que ce soit avec son petit ami ou ses amis, que son corps a décidé de devenir « sans vie », comme elle. Une interprétation qui en vaudra une autre mais c’est comme ça que j’ai compris le film.

Disons-le tout net, la vision de Thanatomorphose n’a rien de plaisante. Entendez par là que le film n’est absolument pas un divertissement horrifique. Entre film d’auteur et film d’horreur, Thanatomorphose se contente de nous faire vivre le calvaire de Laura, ni plus, ni moins. Les amateurs de rythme soutenu ou les spectateurs s’attendant à suivre un film d’horreur « classique » pourront donc être rebutés par les trois premiers quarts d’heure dans lesquels Eric Falardeau nous impose son rythme lancinant, filmant Laura, superbement interprétée par l’actrice Kayden Rose, dans sa vie de tous les jours. Il ne se passe donc rien d’extraordinaire, on contemple la vie d’une personne lambda, comme si on espionnait notre voisine. Un rythme contemplatif qui je l’avoue m’a un peu refroidi, trouvant parfois le temps bien long, malgré l’intrusion, par savant dosage, de petits détails sur le corps de Laura qui nous font comprendre que la machine infernale du pourrissement s’est mise en marche : quelques traces de bleus qui ne s’estompent pas avec le temps, et pire, grossissent à vue d’oeil et se multiplient sur l’ensemble du corps ; deux ongles qui s’arrachent sans raison ; des démangeaisons, des rougeurs.

La lente dégradation

Le déroulement de cette première phase est donc à l’image de la vie de Laura : morne, sans vraiment de vie. Un passage néanmoins nécessaire (et voulu !) puisqu’on entre littéralement dans la peau de la jeune femme, on a l’impression de vivre son quotidien, de s’ennuyer autant qu’elle, de trouver son petit ami con et macho. Une première phase qui nous prépare sans qu’on le remarque vraiment à la seconde, celle où les choses s’accélèrent et où le sort de Laura va nous prendre aux tripes. Avec l’accélération du pourrissement du corps de Laura, Eric Falardeau fait alors bifurquer inexorablement son film dans une horreur crue, maladive, sans rémission. La dégradation physique du corps de Laura s’accompagne des superbes effets spéciaux et de maquillages de David Scherer et on ressent dans sa chair le pourrissement. On pense à des films comme La Mouche ou Moi, Zombie, Chronique de la douleur par exemple. Devenir un cadavre vivant, bardé d’asticots, tel est le triste sort de Laura et rien ne nous est épargné, tout est filmé frontalement et l’aspect nauséeux, répulsif, ne cesse de progresser. Thanatomorphose est donc un film « autre », qui connaît un succès grandissant dans les festivals où il est présenté, récoltant sans cesse de nombreux prix. Bref, faites l’effort d’explorer une autre face du cinéma d’horreur, faites l’effort de tenter une autre expérience et de donner sa chance au cinéma indépendant. Vous ne le regretterez pas et il est sûr que certaines images vont longtemps vous trotter en tête.

 

© Stéphane Erbisti

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