RAZORBACK (1984)

Le premier long-métrage de Russell Mulcahy cultive une esthétique de vidéoclip des années 80 pour narrer les méfaits d'un titanesque sanglier

RAZORBACK

1984 – AUSTRALIE

Réalisé par Russell Mulcahy

Avec Gregory Harrison, Chris Haywood, Bill Kerr, Arkie Whiteley, Judy Morris, David Argue, John Howard, John Ewart, Don Smith

THEMA MAMMIFERES

Prestigieux réalisateur de vidéoclips dans les années 80, Russel Mulcahy revint dans son Australie natale pour diriger Razorback, son premier long-métrage. Dans la petite ville de Gramulla vivent le vieux chasseur Jake Cullen et son neveu de deux ans Scotty. Un soir de tempête, un sanglier gigantesque, le razorback, surgit sans crier gare, détruisant la maison et emportant l’enfant. Au cours de l’enquête qui suit, personne ne croit au témoignage de Jake, qu’on prend désormais pour un vieux fou. Deux ans plus tard, Beth Winters, une journaliste new-yorkaise de la ligue mondiale de défense des animaux, vient sur place faire un reportage sur le massacre des kangourous. L’accueil des autochtones est pour le moins glacial. Cullen, pour sa part, est désormais obsédé par la chasse au razorback, fidèle au motif classique de Moby Dick et du capitaine Achab.

Un soir, Beth filme deux chasseurs, les frères Baker, qui la prennent en chasse avec leur camionnette rouillée et customisée façon Mad Max 2 et s’apprêtent à la violer. Mais un bruit sourd leur fait prendre la fuite. Bientôt, le razorback défonce la voiture de Beth et l’emporte dans sa gueule. Dans cette scène très efficace, le sanglier n’est aperçu que furtivement, suivant le modèle des Dents de la mer. Karl, l’époux de Beth, débarque alors à Gramulla pour retrouver sa trace. Il mène l’enquête, part chasser avec les frères Baker qui l’abandonnent en pleine nuit, et se retrouve plongé dans les étendues désertiques et boueuses de l’Australie profonde. Après une nuit éprouvante passée dans la campagne glaciale, juché sur une éolienne, il cherche son chemin et se retrouve en proie à des hallucinations. Il semble alors traverser des étendues post-apocalyptiques, fouler le sol d’une planète inhospitalière. La terre se fissure comme en proie à un séisme colossal, des squelettes de sanglier surgissent du sol, des monolithes de pierre s’érigent sur un sol craquelé… Le temps d’un plan furtif, Karl croit même que Sarah, la jeune femme qui l’a recueilli et soigné, a un visage de sanglier !

Nuits bleutées et cieux écarlates

Esthétiquement, Razorback est une pure merveille, pour peu qu’on accepte le visuel artificiel alors très en vogue dans les années 80, que Mulcahy hérite de son expérience du clip. Toutes les lumières sont abondamment filtrées, les nuits balayées par des sources de lumière irréelles, les avant-plans savamment composés, les transitions nerveuses et inventives (le cinéaste en fera sa marque de fabrique pour Highlander). Les cieux sont rouges, les nuits bleutées, et le chef opérateur Dean Semler (déjà à l’œuvre sur Mad Max 2) abuse des contre-jours, des mouvements de grue et des fumigènes… Parfois, la pilule est dure à avaler, notamment avec ces cieux écarlates à la Autant en emporte le vent ou ces projecteurs géants noyés dans les fumigènes qui percent sans raison l’obscurité nocturne en dessinant des faisceaux dans les arbres. La musique synthétique elle-même a pris un sacré coup de vieux. Mais le film demeure un spectacle de haut niveau, bénéficiant d’un monstre animatronique extrêmement efficace (conçu par Bob McCarron), nous offrant une belle galerie de rednecks australiens, et s’achevant sur un affrontement spectaculaire dans l’usine des frères Baker.

 

© Gilles Penso

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LA FELINE (1982)

Paul Schrader nous propose un audacieux remake du classique de Jacques Tourneur dans lequel il transforme Nastassja Kinski en troublante femme panthère

CAT PEOPLE

1982 – USA

Réalisé par Paul Schrader

Avec Nastassja Kinski, Malcolm McDowell, John Heard, Annette O’Toole, Ruby Dee, Ed Begley Jr, Scott Paulin 

THEMA MAMMIFERES

En s’attelant au remake de La Féline de Jacques Tourneur, Paul Schrader s’est attaché à rendre explicite tout ce qui avait été simplement évoqué dans le film précédent : l’érotisme, la violence et les effets spéciaux. Du coup, la belle Nastassja Kinski (reprenant le rôle d’Irena, la femme panthère incarnée par Simone Simon) révèle ici son anatomie sous la moindre de ses coutures, le sang coule généreusement (notamment avec le bras arraché d’un employé du zoo ou les restes en charpie d’une victime dans un hôtel), et le maquilleur Tom Burman s’adonne à des métamorphoses très graphiques, héritées d’Hurlements et du Loup-Garou de Londres. Même le scénario s’efforce de nous expliquer en détail l’origine de ces étranges « cat people » : un peuple qui sacrifiait jadis des nouveaux-nés aux fauves, jusqu’à ce que l’âme des animaux ne s’empare d’eux et ne les transforme en bêtes humaines condamnées à l’inceste, sous peine de se transformer en félins dès le premier acte sexuel, et de ne pouvoir retrouver forme humaine qu’après avoir dévoré leur amant.

Et tandis qu’Irena avoue en début de film qu’elle a toujours eu « un étrange métabolisme », son frère Paul lui résume plus tard sans concession la malédiction qui les frappe : « Chaque fois que cela arrive, tu te dis que c’est l’amour. Mais ce n’est pas le cas. C’est le sang. Et la mort. Tu ne peux échapper à ton cauchemar sans moi, et je ne peux échapper à mon cauchemar sans toi. Je t’ai attendue longtemps… » Ce parti pris démonstratif est tout à fait en accord avec les envies du public des années 80, bien moins enclin à la suggestion que celui des années 40, mais on ne peut s’empêcher de garder un faible pour les subtilités de la version Tourneur. D’ailleurs, lorsque le film de Schrader imite littéralement son modèle, avec l’entrée de champ du tramway qui rugit comme un fauve ou la scène de la fille terrorisée dans la piscine (la prude Jane Randolph étant ici remplacée par une Annette O’Toole aux seins nus), il peine à l’égaler en efficacité et en atmosphère. Pourtant, La Féline version 82 n’est pas dénuée de charme.

Les vocalises de David Bowie

Le casting est extrêmement intelligent, dans la mesure où Kinski et McDowell se ressemblent effectivement comme frère et sœur et arborent des traits félins indéniables. La mise en scène elle-même regorge d’idées visuelles et d’étonnantes ruptures de rythme, nimbée qu’elle est par une magnifique photographie de John Bailey, tandis que la Nouvelle-Orléans prend ici une tournure onirique, quasi surréaliste, sous la direction artistique inspirée de Fernando Scarfiotti. Quant à la musique de Giorgio Moroder, moins disco et vulgaire qu’à l’ordinaire, elle se pare avec bonheur des vocalises envoûtantes de David Bowie. De son propre aveu, Paul Shrader n’y allait pas de main morte avec à la drogue pendant le tournage, s’avérant parfois même incapable de diriger ses comédiens, ce qui entraîna l’interruption des prises de vues pendant une journée entière ! Cette nouvelle Féline n’enthousiasma guère la presse de l’époque, trop prompte sans doute aux comparaisons avec le classique qui le précéda de quarante ans.

 

© Gilles Penso

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CUJO (1983)

Un brave Saint-Bernard se transforme en monstre assoiffé de sang dans cette adaptation d'un célèbre roman de Stephen King

CUJO

1983 – USA

Réalisé par Lewis Teague

Avec Dee Wallace, Christopher Stone, Daniel Hugh-Kelly, Danny Pintauro, Ed Lauter, Kaiulani Lee, Billy Jane, Mills Watson

THEMA MAMMIFERES I SAGA STEPHEN KING

Publié partiellement sous le titre « The Monster in the Closet » puis dans son intégralité en 1981, « Cujo » est souvent considéré comme l’un des romans les plus terrifiants de Stephen King. Les succès de CarrieShining et Christine aidant, ce bon vieux routard de Dino de Laurentiis n’attendit guère pour s’attaquer à son tour à la poule aux œufs d’or. Il confia donc la mise en scène de Cujo à Lewis Teague, auteur de L’Incroyable alligator, et le scénario à Don Carlos Dunaway et Lauren Currier, spécialisés dans la série TV. Ces derniers simplifient le récit initial et évacuent ses éléments surnaturels pour se concentrer sur le personnage de Donna Trenton. Interprétée par Dee Wallace, valeur sûre du cinéma fantastique depuis Hurlements et E.T., cette femme au foyer partage son temps entre son époux Vic (Daniel Hugh Kelly), absorbé par son envahissant travail de publicitaire, son fils Tad (Danny Pintauro), effrayé par d’hypothétiques monstres dans le placard de sa chambre, et son amant Steve (Christopher Stone, le véritable époux de la comédienne) avec qui elle souhaite rompre.

La première partie du film brosse ainsi des portraits de la vie quotidienne américaine, dans l’éternelle petite ville de Castle Rock. Pas passionnante outre mesure, cette introduction bénéficie toutefois de l’indéniable conviction de ses comédiens, et sème les graines du cauchemar à venir. Lorsque Vic découvre l’infidélité de son épouse, il part travailler à l’autre bout du pays, tandis que Donna et son fils emmènent leur vieille voiture en panne chez le garagiste Camber. Or la séquence prologue du film nous a annoncé que Cujo, le brave Saint-Bernard de Camber, filait un mauvais coton. En effet, après avoir coursé un lapin à travers bois, il a plongé sa grosse tête dans une caverne avant de se faire mordre par une chauve-souris. Le toutou ne s’est pas converti au vampirisme pour autant, mais désormais il est enragé et mû par une inquiétante folie meurtrière. Son maître et un voisin ont déjà péri sous ses crocs baveux, et Cujo rôde désormais dans le garage. En découvrant que le Saint-Bernard s’est mué en monstre, Donna et Tad décident de prendre la poudre d’escampette, mais leur voiture refuse de démarrer. Et s’ils mettent un pied dehors, le molosse ne fera d’eux qu’une bouchée.

Le T-Rex de Jurassic Park avec dix ans d'avance…

Voilà donc le huis clos installé, et Lewis Teague réussit l’exploit de centrer désormais toute l’action du film autour d’une situation aussi basique, effrayant son spectateur à plus d’une reprise et annonçant avec dix ans d’avance la fameuse scène de tyrannosaure sur la route de Jurassic Park. Le concept est simple mais fort, et fonctionne presque aussi bien que dans le livre, d’autant que le chien est hideux à souhait : sali, le poil hirsute, la bave aux lèvres, les mâchoires menaçantes… L’exploit est d’autant plus notable qu’un Saint-Bernard suscite par nature beaucoup de sympathie. La mise en scène extrêmement efficace s’assortit d’une photographie très soignée, œuvre d’un Jan de Bont qu’on retrouvera une décennie plus tard aux commandes de Speed et Twister. Quant à Teague, ce sera son seul vrai titre de gloire, ses autres films n’étant guère passés à la postérité. Dommage que le final, très abrupt, n’ait pas osé reprendre la noirceur du texte de King pour s’acheminer vers une conclusion plus classique.

 

© Gilles Penso

 

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SPIDERS (2000)

Un petit budget mais de grandes ambitions pour ce film racontant une spectaculaire invasion d'araignées géantes

SPIDERS

2000 – USA

Réalisé par Gary Jones

Avec Lana Parrilla, Josh Green, Oliver Macready, Nick Swarts, Mark Phelan, David Carpenter, Leslie Harter Zemeckis

THEMA ARAIGNEES

Avec une poignée de dollars en guise de budget, quelques bouts de décor et des acteurs de seconde zone, Gary Jones se paie l’ambition d’une superproduction à mi-chemin entre Aliens et Tarantula. Résultat : un Spiders décomplexé qui accumule les séquences choc tout en renouvelant hardiment le thème de l’araignée géante. Passionnée par les extra-terrestres, Marci en a fait son violon d’Ingres, et rédige régulièrement des articles concernant les petits hommes verts dans le journal de son lycée. Enquêtant avec deux de ses amis sur une zone militaire top secrète, elle assiste au crash d’une navette spatiale. A l’intérieur se trouvent des cadavres horriblement mutilés, ainsi qu’un astronaute moribond, le visage hideusement déformé par les rayons cosmiques. Lorsqu’une petite escouade vient nettoyer les lieux, nos trois intrépides reporters se cachent dans une camionnette et entrent à l’insu de tous dans la base militaire. Là, entre deux découvertes fort inquiétantes (un homme en hibernation, des aliens conservés dans du formol), ils apprennent le fin mot de l’histoire. La navette contenait une grosse tarentule, affectueusement surnommée « Belle Mère », que les astronautes avaient pour mission de faire muter en lui injectant en apesanteur de l’ADN extra-terrestre.

L’objectif ? Créer une nouvelle race indestructible pour franchir les lignes ennemies en cas de guerre ! Le problème, c’est qu’après le crash, « Belle Mère » a pondu un œuf dans le corps du seul survivant de l’expédition. Ce qui nous vaut une séquence abominablement excessive, héritée d’Alien et de The Thing, au cours de laquelle une araignée grosse comme un chien s’extrait patte par patte de la bouche du malheureux, via un trucage repoussant pour le moins efficace. La suite n’évite pas les conventions post-Aliens du grand monstre pourchassant héros et militaires dans les coursives du laboratoire, mais grâce à l’audace des images de synthèse de Flat Earth (la série Hercule, le premier Blade), aux effets gore sans concession de l’atelier KNB (Une nuit en enfer) et à la mise en scène ultra-dynamique de Gary Jones, Spiders génère de beaux moments d’action et de suspense.

Une araignée qui se prend pour King Kong

Ne cessant de croître, l’araignée atteint bientôt la taille d’une vache, et dévore tous ceux qui croisent son chemin, les emprisonnant dans sa gigantesque toile. D’où une séquence éprouvante au cours de laquelle elle glisse inexorablement vers l’une de ses proies immobilisées, tandis que la partition de Bill Wandel s’amuse à broder de discrètes variantes autour de la comptine pour enfants « L’araignée Gypsy » ! Le final, démentiel, voit l’araignée désormais grosse comme une maison attaquer les gens dans la rue, dévorer les automobilistes, renverser les voitures, puis escalader un building où elle s’achemine fatalement vers un dénouement à la King Kong, l’héroïne la pulvérisant d’un coup de lance-roquettes sans omettre préalablement de la traiter de «bitch» comme Sigourney Weaver dans Aliens. Bref, une bonne vieille série B musclée, dont le grain de folie nous fait oublier la déficience de certains effets 3D hasardeusement incrustés, les multiples incohérences qui jonchent le récit et l’insipidité de la plupart des dialogues.
 

© Gilles Penso

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ARACHNOPHOBIE (1990)

Pour sa première mise en scène, Frank Marshall lâche sur son casting une horde de bêtes à huit pattes particulièrement agressives

ARACHNOPHOBIA

1990 – USA

Réalisé par Frank Marshall

Avec Jeff Daniels, John Goodman, Julian Sands, Harley Jane Kozak, Rock Brocksmith

THEMA ARAIGNEES

Collaborateur de Steven Spielberg depuis Les Aventuriers de l’Arche Perdue, Frank Marshall s’est attaqué, pour son premier long-métrage en tant que réalisateur, aux bébêtes velues à huit pattes. Le scénario d’Arachnophobie est l’œuvre de Dan Jakoby, qui fut co-auteur d’Alien avec Dan O’Bannon. En hommage manifeste au patrimoine spielbergien, le film démarre à la manière d’un Indiana Jones, avec de splendides extérieurs vénézueliens, où l’archétype de l’aventurier intrépide est l’entomologiste James Atherton, incarné par Julian Sands. La petite expédition qu’il dirige comprend un photographe nommé Jerry Manley. Soudain piqué par une énorme tarentule, ce dernier meurt après de terribles convulsions. Le malheureux est rapatrié aux Etats-Unis, dans la petite ville californienne de Canaima, sans que personne ne se rende compte que l’araignée tueuse s’est introduite dans le cercueil. Arrivée sur le sol américain, elle copule allégrement avec une petite arachnide du coin, et donne naissance à une portée de redoutables bestioles meurtrières, intelligentes et organisées. Bientôt, plusieurs morts suspectes sont déclarées dans le petit village de Canaima. Personne ne sait à quoi les attribuer, sauf le docteur Jennings, interprété par Jeff Daniels, qui a sa petite idée sur le sujet et qui, comme par hasard, développe depuis toujours une véritable phobie pour les araignées.

Les séquences de jungle, mixant habilement décors réels et reconstitutions en studio, sont plutôt prometteuses. Hélas, dès que l’intrigue se transporte de la forêt vers la ville, Arachnophobie se contente d’aligner les lieux communs du film catastrophe type. Le slogan du film citait Les OiseauxLes Dents de la mer et Alien et présentait Arachnophobie comme leur digne successeur. Il faut remettre les choses à leur place. Hitchcock, Spielberg et Scott ont créé, détourné, recyclé et magnifié des mécanismes d’épouvante que Frank Marshall se contente de réutiliser tels quels, comme tant d’autres l’ont fait, sans réelles tentatives d’innovations. Le spectateur voit une araignée que les protagonistes ne voient   pas : suspense. Les personnages et le public ne savent pas où sont les araignées : angoisse. Une araignée saute brusquement au visage de quelqu’un : surprise. C’est propre, classique, mais pas vraiment transcendant.

John Goodman l'exterminateur

Comme en outre les araignées choisies sont de mignons petits spécimens, il faut vraiment être arachnophobe au départ pour frissonner. Sans compter que le sujet a déjà été traité avec bien plus d’efficacité par le passé. Comment oublier L’Horrible invasion de John Bud Cardos, toujours inégalé à ce jour ? Reste l’humour, que Frank Marshall distille généreusement tout au long du métrage, notamment à travers le personnage de l’excentrique exterminateur d’insectes incarné par John Goodman, ou via quelques scènes savoureuses comme l’accouplement des araignées traité quasiment sous un jour romantique ! Mais ces petites touches ne sont pas suffisamment assumées pour qu’Arachnophobie se démarque réellement des conventions.
 

© Gilles Penso

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L’HORRIBLE INVASION (1977)

Un film d'autant plus terrifiant qu'il utilise de véritables tarentules et très peu d'effets spéciaux

KINGDOM OF SPIDERS

1977 – USA

Réalisé par John Bud Cardos

Avec William Shatner, Tiffany Bolling, Woody Strode, Lieux Dressler, David McLean, Natasha Ryan, Altovise Davis

THEMA ARAIGNEES

L’Horrible invasion est quasiment dénué d’effets spéciaux, à l’exception d’une poignée de trucages pyrotechniques et de matte paintings, et décrit pourtant les attaques d’araignées les plus terrifiantes jamais montrées sur un écran. Il faut dire que les dresseurs ont effectué là un travail remarquable, et que les comédiens ont beaucoup donné de leur personne, n’hésitant pas à côtoyer de très près les arachnides velues. Cela commence par quelques manipulations des grosses bestioles à mains nues, et s’achève par la plupart des comédiens recouverts de la tête aux pieds de tarentules gigotantes ! Après un générique qu’on croirait issu d’un western, où Dorsey Brunette pousse une petite chansonnette folk, l’intrigue s’amorce avec l’enquête sur la mort mystérieuse de nombreux animaux domestiques, dans une petite ville d’Arizona nommée Verde Valley. Intrigué, le vétérinaire Robert « Rack » Hansen (William Shatner) envoie des échantillons du sang des victimes à un laboratoire. En guise de réponse, il reçoit la visite du docteur Ashley (Tiffany Bolling), une biologiste qui lui déclare tout de go que les animaux sont morts suite à la morsure de plusieurs araignées.

L’incrédulité amusée du vétérinaire et des habitants de la ville fait place à la panique lorsque ceux-ci se retrouvent menacés par des milliers de tarentules migratrices, affamées à cause de l’usage massif de DDT ayant éliminé leur nourriture habituelle. Celles-ci se mettent à envahir les rues de la ville, s’organisant en armées redoutables et carnassières… Deux ans avant de revenir sur le devant de la scène avec la première adaptation cinématographique de Star Trek, William Shatner prouve ici que ses talents de comédien ne se limitent pas à l’interprétation du capitaine Kirk, en campant ce vétérinaire sympathique mais un peu rustre qui se prend pour un cow-boy à l’ancienne.

Le capitaine Kirk à la rescousse !

Parmi les séquences les plus mémorables du film, on note l’automobiliste dont le siège est peu à peu envahi d’araignées jusqu’à ce qu’une d’entre elles, cachée derrière le pare-soleil, se jette sur son visage ; l’aviateur censé pulvériser de l’insecticide qui se retrouve envahi dans son cockpit par des dizaines de tarentules et qui finit par se crasher dans une grange ; la femme qui, voulant se débarrasser d’une grosse bestiole rampant sur elle, tire un coup de pistolet sur sa propre main et la fait éclater en morceaux ; la petite fille assaillie par les horreurs rampantes dans son lit ; les cadavres exsangues enfermés dans des cocons de toiles ; ou encore le rat agressé par les voraces invertébrés. La dernière partie du film confine à l’apocalyptique, quand l’intégralité de la population de Verde Valley cède à la panique sous les assauts massifs des milliers de tarentules, tandis qu’une poignée de survivants se réfugie dans un hôtel… Jusqu’au final, dantesque, assénant au public la définitive suprématie des araignées qui justifie le titre original Kingdom of the Spiders. Bref, L’Horrible invasion est le film ultime sur les attaques d’araignées, un chef d’œuvre du genre qui demeurera probablement inégalé, et qu’il convient de fortement déconseiller aux arachnophobes, sous peine de terribles cauchemars !
 

© Gilles Penso

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LE ROYAUME INTERDIT (2008)

Le co-réalisateur du Roi Lion met en scène Jackie Chan et Jet Li dans cette relecture moderne du mythe du Roi Singe

THE FORBIDDEN KINGDOM

2008 – USA

Réalisé par Rob Minkoff

Avec Michael Angarano, Jackie Chan, Jet Li, Liu Yifei, Li Bingbing, Collin Chou

THEMA VOYAGES DANS LE TEMPS

On ne pensait pas Rob Minkoff capable d’un tel prodige. Si le réalisateur avait séduit les amateurs d’animation en co-signant Le Roi Lion, son passage à la prise de vue réelle était resté très anecdotique. En effet, les deux Stuart Little et Le Manoir hanté et les 999 fantômes, tout sympathiques qu’ils soient, n’avaient rien pour marquer durablement les mémoires. La surprise en découvrant les qualités artistiques et techniques du Royaume interdit n’en est que plus grande. Le film commence aux Etats-Unis et prend pour héros Jason Tripitika, un garçon de 17 ans féru d’arts martiaux et de cinéma asiatique. D’où un superbe générique sur fond de posters mettant en vedette Bruce Lee, soutenu par une vivace partition « seventies » composée par David Buckley.

Jason n’est pas un lycéen extrêmement populaire, et l’un de ses refuges favoris est la petite boutique du quartier chinois tenue par le vieux Hop, une échoppe qu’on croirait issue de Gremlins et dans laquelle notre héros vient régulièrement s’approvisionner en DVD incunables. Un soir, un groupe de malfrats décide de cambrioler la boutique avec la complicité involontaire de Jason. Abattu par un coup de feu, Hop a tout juste le temps de remettre au jeune homme une longue canne ornée d’un singe en bronze et de lui faire promettre de la restituer à son propriétaire. Pour échapper aux voleurs, Jason saute du haut d’un toit avec la canne… et se retrouve propulsé dans la Chine médiévale. Là, il se heurte à la redoutable armée de Jade (Collin Chou). L’ivrogne Lu Yan (Jackie Chan), un moine taciturne (Jet Li) et une jolie guerrière (Liu Yifei) décident d’aider Jason à retrouver le propriétaire de la canne, qui n’est autre que le légendaire Roi Singe, pétrifié par un sort du maléfique Jade…

Le choc de deux titans

Les aventures du Roi Singe ont maintes fois été adaptées à l’écran, notamment sous forme de dessins animés. Mais rarement ce personnage mythique eut autant de panache que sous les traits de Jet Li, s’accaparant ici un double rôle antithétique avec une conviction indubitable. Jackie Chan, pour sa part, reprend avec facétie les composantes du Drunken Master qu’il incarnait trente ans plus tôt sous la direction de Yuen Wo Ping. Le premier affrontement de Li et Chan dans un monastère abandonné est un véritable morceau d’anthologie. Hollywood matérialise ainsi un fantasme que même les cinéastes de Hong Kong n’étaient pas parvenus à réaliser : le choc de deux titans, deux générations d’acteurs et deux figures incontournables des arts martiaux cinématographiques. Et l’on ne peut qu’applaudir la démarche de Rob Minkoff, respectant tellement l’imagerie, l’atmosphère et les thématiques des films d’époque asiatiques qu’on jurerait parfois avoir affaire à une production locale, agrémentée par des combats virevoltants, de splendides effets visuels et une bande originale très inspirée. Mené tambour battant, gorgé d’humour, dominé par la figure hautaine d’un super-vilain qui semble tout droit échappé des Aventures de Jack Burton dans les griffes du Mandarin, Le Royaume Interdit s’apprécie avec des yeux d’enfants et un cœur léger, jusqu’à un dénouement espiègle et plein de promesses.

© Gilles Penso

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L’AU-DELA (1981)

Le film le plus gore de Lucio Fulci est un poème macabre qui nous transporte jusqu'aux tréfonds de l'Enfer

L’ALDILA

1981 – ITALIE

Réalisé par Lucio Fulci

Avec Catriona MacColl, David Warbeck, Cinzia Monreale, Antoine Saint-John, Veronica Lazar, Anthony Flees

THEMA ZOMBIES I ARAIGNEES

A peine a-t-il refermé l’une des portes de l’Enfer à la fin de Frayeurs que Lucio Fulci s’empresse d’en ouvrir une autre l’année suivante. Ici, le maître transalpin pousse encore plus loin les expérimentations du film précédent, ne s’encombrant quasiment plus de scénario pour pouvoir accumuler un maximum de séquences insolites et de moments d’horreur visuelle extrême. Tout commence à la Nouvelle Orléans, en 1927. Un groupe de villageois armés de chaînes et de gourdins pénètre dans un hôtel, monte au numéro 36 et agresse violemment son occupant, le peintre Schweik, qui a osé se lancer dans une représentation picturale de l’Enfer. Accusé de sorcellerie, le pauvre diable est déchiqueté à coups de chaînes, crucifié et défiguré à la chaux vive, rien que ça !

Cinquante bonnes années plus tard, la belle Lisa Meddle hérite de l’hôtel et s’y installe avec ses employés. L’horreur se met alors à déferler à un rythme métronomique, sans réelle logique, mais avec un excès assez hallucinant. Un ouvrier qui réparait le toit est précipité dans le vide, un plombier a l’œil arraché par la main livide d’un mort-vivant surgi de la cave, son épouse est lentement défiguré par un bocal d’acide en proie à la lévitation, sa fille est menacée par le mélange de sang et d’acide qui rampe au sol comme un blob menaçant, l’associé de Lisa est dévoré vivant par de grosses araignées bien velues alors qu’il se renseignait à la bibliothèque sur l’origine de l’hôtel, une jeune aveugle a la gorge arrachée par son chien soudain enragé, une gouvernante est agressée par le cadavre du plombier qui lui transperce le crâne avec un clou…

Surréalisme horrifique

L’outrance de ces séquences gore le dispute à leur gratuité, mais cette démesure sans fondement est tellement assumée qu’on finit par l’accepter sans trop de réticence. Les effets spéciaux de Giannetto de Rossi ne font pas dans la finesse, les peaux arrachées ressemblant à du caoutchouc et les yeux à du plastique. Ils demeurent pourtant extrêmement efficaces, grâce à l’inventivité du montage et des effets sonores. Le fin mot de l’histoire est l’origine de l’hôtel, qui s’avère avoir été bâti sur l’une des sept portes de l’Enfer. Or, ceux qui ont vu Frayeurs savent bien que lorsque l’une de ces portes est ouverte, les morts se réveillent pour dévorer les vivants. D’où cette séquence finale cauchemardesque au cours de laquelle Lisa et le médecin John McCabe sont pourchassés dans un hôpital par une horde de zombies directement inspirés de ceux de Romero, et se comportant de fort identique manière. Pour leur échapper, nos héros se réfugient dans le sous-sol, qui communique bizarrement avec celui de l’hôtel, les deux bâtiments étant pourtant séparés de plusieurs kilomètres. Fulci cultive ainsi le paradoxe spatio-temporel, jusqu’à ce que ses protagonistes ne se retrouvent carrément en Enfer, et que la vision qu’ils ont du macabre décor soit identique, quel que soit l’angle sous lequel ils le regardent. Le cinéaste prouve alors plus que jamais son habileté, car avec un budget limité, un peu de terre battue, du brouillard et une dizaine de faux cadavres à demi-ensevelis, il nous livre une des visions de l’Enfer les plus mémorables que le cinéma d’épouvante nous ait offertes à ce jour.

© Gilles Penso

 

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DEUXIÈME SOUS-SOL (2007)

Adoubé par son producteur Alexandre Aja, Franck Khalfoun isole dans un parking une jeune femme et un dangereux psychopathe

P2

2007 – USA

Réalisé par Franck Khalfoun

Avec  Rachel Nichols, Wes Bentley, Simon Reynolds, Grace Lynn Kung, Paul Sun-Hyung Lee

THEMA TUEURS

Avec Haute tension et le remake de La Colline a des yeux, Alexandre Aja et son fidèle co-scénariste Grégory Levasseur ont révélé une passion indéfectible pour le cinéma d’horreur brut et sans concession, hérité des premières œuvres de Tobe Hooper, Wes Craven et John Carpenter. A l’occasion de Deuxième sous-sol, dont l’idée leur vint à la lecture d’un fait divers survenu dans un parking parisien, ils cèdent le fauteuil du réalisateur à Franck Khalfoun. Le soir de Noël, Angela Bridges (Rachel Nichols) reste au bureau plus tard que ses collègues pour finaliser un important contrat avant de pouvoir rejoindre sa famille pour le repas du réveillon. Lorsqu’elle gagne le parking au niveau P2 pour récupérer sa voiture, il n’y a plus grand monde dans le building, et c’est avec beaucoup de contrariété qu’elle constate que son moteur refuse de démarrer. Fort heureusement, Thomas (Wes Bentley), le sympathique gardien du parking, lui propose son aide. Mais le soulagement n’est que de courte durée : Thomas est en effet un homme dangereux et obsessionnel qui surveille Angela depuis des mois et rêve d’en faire sa conquête. Bien décidé à ne pas passer la soirée de Noël seul dans sa loge, il assomme la jeune femme, la ligote, et la plonge dans une nuit de cauchemar dont elle sera seule à pouvoir s’échapper.

L’argument de Deuxième sous-sol est pour le moins efficace, et force est de constater que Franck Khalfoun en tire parti du mieux qu’il peut, assumant jusqu’au bout l’unité de lieu et de temps qui constituent le concept même du film. Si Wes Bentley (que le grand public put découvrir dans American Beauty de Sam Mendes) n’est pas le plus charismatique des psychopathes, Rachel Nichols (partenaire de Jennifer Garner dans la dernière saison d’Alias) est la vraie révélation de Deuxième sous-sol. Belle, crédible, sensible, elle bascule peu à peu dans une bestialité féroce seule susceptible de lui sauver la vie et de l’arracher aux griffes de son geôlier. En ce sens, les thématiques de P2 et de La Colline à des yeux se répondent avec une certaine symétrie. Dans les deux cas, nous avons en effet affaire à une victime qui ne peut affronter le monstre qui l’oppresse qu’en se transformant elle-même en monstre. Plus psychologique que physique, la terreur orchestrée par Khalfoun joue sur les peurs primales et universelles : le noir, le froid, l’inconnu, la claustrophobie, le vertige et bien sûr la mort.

Huis-clos souterrain

Le choix d’un parking souterrain, formidablement mis en lumière par Maxime Alexandre (et filmé dans un vrai parking de Toronto pendant soixante nuits consécutives), s’y prête à merveille. Mais au-delà de ses séquences de suspense pur et dur, le film nous réserve l’un des meurtres les plus brutaux et les plus sanglants qui nous aient été donnés de voir, assené aux spectateurs avec une telle rudesse que le traumatisme ainsi créé se répercute sur le restant du métrage sans que le metteur en scène n’ai besoin par la suite de recourir à une telle violence. Malgré tous ces atouts, Deuxième sous-sol ne passionne pas outre mesure, et laissera une impression bien moins durable que les films qu’Aja dirigea lui-même, car la plupart des péripéties obéissent à un schéma très classique, jusqu’à un dénouement pour le moins prévisible. Une œuvre efficace mais routinière, en somme.

© Gilles Penso

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ARAC ATTACK (2002)

Une production Roland Emmerich qui sature l'écran d'araignées géantes soudain lâchées dans la nature

EIGHT LEGGED FREAKS

2002 – USA

Réalisé par Ellory Elkayem

Avec David Arquette, Kari Wuhrer, Scott Terra, Scarlett Johansson, Doug E. Doug, Rick Overton, Leon Rippy, Matt Czuchry

THEMA ARAIGNEES

La promotion faite autour de Arac Attack évoquait beaucoup celle de L’Invasion des araignées géantes en 1975, sauf qu’ici, avec Roland Emmerich et Dean Devlin à la production, les images de synthèse haut de gamme de la compagnie CFX et le fantasticophile Ellory Elkayem derrière la caméra, on s’attendait tout de même à autre chose que la série Z de Bill Rebane. Et effectivement, les séquences spectaculaires et audacieuses abondent dans Arac Attack, d’autant que le mélange de plusieurs espèces d’araignées géantes permet de varier les plaisirs : les sauteuses qui poursuivent une équipe de motocross, la tarentule colossale qui renverse voitures et camions sur la route, les tisseuses qui enferment leurs victimes dans un cocon…

La qualité de la 3D est variable, oscillant entre l’hyperréalisme et l’animatique de jeu vidéo, mais dans l’ensemble la dynamique des arachnides est mise en scène avec beaucoup d’efficacité. D’autant que le film, ne s’embarrassant pas des longues séquences d’exposition généralement de mise dans les films catastrophe, ne connaît guère de pertes de rythme, entrant assez vite dans le vif du sujet. Question scénario, il faut avouer que Elkayem ne s’est pas excessivement creusé les méninges. Le gigantisme soudain des bestioles octopodes est simplement expliqué par des produits chimiques déversés accidentellement dans l’eau par un camionneur distrait, comme dans les années 50. L’eau contaminée est absorbée par des insectes, eux-mêmes croqués par les nombreuses araignées que possède le propriétaire d’une ferme exotique interprété par Tom Noonan, l’inoubliable tueur du Sixième sensDès lors, les arachnides se mettent à croître plus que de raison, envahissant bientôt une tranquille petite ville d’Arizona qui répond au doux nom de Prosperity. 

Des monstres conçus pour le grand public

Fidèles à leurs habitudes, Emmerich et Devlin puisent leur inspiration dans les productions Spielberg. Mais ici, contrairement à ce qu’on aurait pu penser, c’est moins Arachnophobie que Gremlins qui sert de mètre étalon. Les araignées géantes sont blagueuses, elles attaquent les habitants avec une bonne humeur apparente, et elles poussent même des petits cris façon Mogwaïs ! Cette approche évacue forcément tout potentiel horrifique, et les amateurs d’épouvante en sont pour leurs frais. Pour suivre cette logique « familiale », le gore ne pointe jamais le bout de son nez, et même la séquence des arachnides qui emplissent la bouche d’un ouvrier tourne à la farce. Nous sommes bien loin des débordements de L’Au-delà ! Cette tendance au spectacle grand public est confirmée par la gentille bluette entre David Arquette et Kari Wuhrer, qui sous-tend mollement l’intrigue générale. Du coup, l’assaut final dans le supermarché laisse un peu indifférent, malgré des clins d’œil manifestes au Zombie de George Romero, tout comme le happy end assez convenu. Le court-métrage Larger Than Life, qu’Ellory Elkayem réalisa en 1997 et qui ne mettait en scène qu’une seule héroïne et qu’une seule araignée, était à vrai dire bien plus efficace que cette superproduction très modérément inspirée.

 

© Gilles Penso

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