CANNIBAL HOLOCAUST (1980)

Abordant le cannibalisme le plus effroyable sous un angle pseudo-documentaire, Ruggero Deodato invente le «found footage» avant la lettre

CANNIBAL HOLOCAUST

1980 – ITALIE

Réalisé par Ruggero Deodato

Avec Francesca Ciardi, Perry Pirkanen, Robert Kerman, Lucas Barbareschi, Gabriel Yorke, Salvatore Basile

THEMA CANNIBALES

Reprenant les thématiques qu’il développa deux ans plus tôt dans Le Dernier monde cannibale, Ruggero Deodato signe avec Cannibal Holocaust le plus marquant et le plus controversé des films italiens consacrés aux rites anthropophages de peuplades primitives. L’entrée en matière, quasiment idyllique, ne laisse guère imaginer les abominations que réserve le long-métrage au spectateur. Car les premiers plans sont des vues aériennes d’une splendide jungle sud-Américaine, tournées dans la région Colombienne et serties dans une langoureuse mélodie que composa le très prolifique Riz Ortolani (La Vierge des Nurenberg, Danse macabre, Les Fantômes de Hurlevent). « J’aime le décalage entre l’horreur à l’écran et la douceur de la musique », nous explique Ruggero Deodato. « Quand j’ai tourné Cannibal Holocaust, je ne connaissais pas personnellement Riz Ortolani mais j’avais adoré la musique qu’il avait écrite pour Mondo Cane. Le producteur ne savait pas s’il serait disponible parce que c’était un compositeur très sollicité. Alors j’ai appelé Sergio Leone, que je connaissais bien, et je lui ai demandé de me mettre en contact avec lui. Ritz m’a rencontré, a regardé le film avec moi sur la visionneuse. A la fin, il m’a dit : “Deodato, tu es un grand metteur en scène, ce film me plaît beaucoup, je veux le faire !“. Ce fut le début d’une longue collaboration. » (1)

Le récit se centre sur Harold Monroe, un éminent anthropologue new-yorkais qui dirige une expédition au cœur d’une forêt dense et peu connue surnommée « l’enfer vert », quelque part aux alentours du Brésil. Son équipe est à la recherche de quatre occidentaux partis tourner un documentaire sur les tribus cannibales, sous la direction du cinéaste Alan Yates. Au beau milieu de deux peuplades anthropophages, les Yakumo et les Yamami, l’équipe de secours trouve les cadavres amochés des documentaristes ainsi que plusieurs bobines de films. De retour à New York, Monroe se voit confier par la télévision la présentation d’une émission spéciale consacrée à l’expédition d’Alan Yates. Il visionne alors les morceaux de pellicule trouvés dans la jungle, en compagnie des producteurs, et le résultat s’avère horrifiant… pour lui comme pour les spectateurs du film. On y voit en effet Yates et son équipe torturer, violer et tuer sans aucun scrupule les membres des tribus qu’ils rencontrent, afin d’obtenir les images les plus choquantes possibles. En l’occurrence, ils ne sont guère déçus, car les indigènes se vengent de fort sanglante manière.

Dénoncer les atrocités en les montrant ?

Ruggero Deodato s’efforce ainsi de dénoncer les atrocités du monde dit civilisé, et de détourner le cliché du sauvage cannibale, mais la complaisance des séquences d’horreur laisse dubitatif quant à l’honnêteté véritable de ses intentions. Des jambes y sont tranchées à la machette, une femme adultère avortée violemment par des sauvageonnes surexcitées, les viols, les émasculations et les empalements s’y étalent sans retenue. Sans compter les multiples massacres d’animaux qui, eux, ont réellement été commis face à la caméra : tortue éviscérée, rat-musqué écorché vif, cochon abattu d’une balle en pleine tête, serpent décapité… Autant de séquences scandaleuses et parfaitement gratuites qu’aucun film ne saurait justifier. « Je suis le premier à regretter d’avoir tourné ces scènes », nous avoue Deodato. « Elles n’ont pas été filmées par moi directement mais par le producteur, que j’ai laissé faire. Le guide que nous avions sur place nous a indiqué quels animaux choisir, car ceux-ci allaient ensuite servir de nourriture aux Indiens qui jouaient dans le film. C’est ainsi qu’ont été sélectionnés la tortue, le porc, les rats et les singes. Nous limitions ainsi les dégâts en transformant ces animaux en repas. Je n’aime pas ces scènes, et j’ai encore beaucoup de mal à revoir celle du massacre de la tortue, que je trouve douloureuse. » (2) L’ensemble est filmé avec un réalisme tel qu’on jurerait visionner les images d’un véritable reportage, et c’est sans doute là que Cannibal Holocaust tire la majeure partie de sa force. Deodato entretint d’ailleurs le doute à ce sujet, à tel point qu’il fut condamné par un tribunal et contraint de prouver  la non-authenticité des prises de vues. Une fois cette affaire réglée, Cannibal Holocaust n’en demeura pas moins interdit de projection partout dans le monde, pour cause d’obscénité, et ne fut visible qu’à partir de 1983, date à laquelle le réalisateur, malin, tira profit de ce bannissement pour en faire l’un des éléments clefs de la promotion du film.

(1) et (2) Propos recueillis par votre serviteur en septembre 2016

© Gilles Penso

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EDWARD AUX MAINS D’ARGENT (1990)

Tim Burton signe l'un de ses plus beaux films et transforme Johnny Depp en magnifique pantin iconique

EDWARD SCISSORHANDS

1990 – USA

Réalisé par Tim Burton

Avec Johnny Depp, Winona Ryder, Dianne Wiest, Anthony Michael Hall, Kathy Baker, Robert Oliveri, Vincent Price, Conchita Ferrell

THEMA ROBOTS I CONTES I SAGA TIM BURTON

Plus que n’importe quel autre film de Tim Burton, Edward aux mains d’argent prouve que ce cinéaste atypique a décidément l’âme d’un poète. Il s’agit sans nul doute d’une de ses œuvres les plus personnelles, une sorte de mètre étalon auquel seront inévitablement comparés tous ses films ultérieurs. Edward est un robot au teint blafard, aux cheveux hérissés et au regard un peu perdu, dont le look n’est pas sans évoquer les membres du groupe Cure. Fruit des travaux d’un inventeur génial reclus dans un immense château surplombant la ville, il est hélas inachevé. Car si le savant a eu le temps de lui implanter un cœur, il est mort avant de pouvoir le doter de mains imitant celles des humains. Le pauvre Edward se retrouve ainsi affublé de ciseaux, de couteaux et de toutes sortes d’objets tranchants dont il maîtrise mal le maniement, à tel point qu’il se blesse régulièrement le visage et se couvre de cicatrices. Orphelin, il reçoit un jour la visite d’une représentante en produits de beauté. A son initiative, il quitte le château de son créateur et vient se frotter aux gens de la ville.

Tim Burton décline là sa thématique favorite, celle de la difficile intégration des êtres « différents » au sein d’un environnement normalisé. D’où certaines réminiscences des deux Frankenstein de James Whale, films de chevet de Burton auxquels il rendit hommage dans son délectable court métrage Frankenweenie. Et de toute évidence, le réalisateur s’identifie à son protagoniste, interprété avec beaucoup de justesse par un Johnny Depp quasi-méconnaissable, affublé d’un étrange accoutrement conçu par Stan Winston. Conscient que l’expressivité de son personnage passe plus par la mimique que par le dialogue, Depp se laisse largement inspirer par les créations de Charlie Chaplin, dont on ressentira trois ans plus tard l’influence dans son personnage de Benny and Joon« Quand je l’ai rencontré, j’ai su qu’il collerait parfaitement au rôle », raconte le cinéaste. « C’est quelque chose que j’ai senti. Dans ces cas-là, vous ne pensez pas au futur, vous ne vous dites pas : “ce sera l’acteur de la plupart de mes autres films“ ». (1)

Les adieux de Vincent Price

Edward aux mains d’argent est aussi et surtout un conte de fées, genre qui fascine depuis toujours Burton et que celui-ci transpose dans l’univers des banlieues américaines pour mieux caricaturer ses contemporains et en dépeindre l’hypocrisie. La naïveté l’emportant toujours sur la satire, le film s’avère foncièrement sincère, bien loin des canons hollywoodiens savamment établis. Et c’est toujours avec joie que l’on retrouve Vincent Price, dans une série de flash-backs d’autant plus émouvants que l’immense comédien jouait là son dernier rôle à l’écran, trônant au beau milieu d’un château gothique qu’on croirait échappé des adaptation d’Edgar Poe par Roger Corman. Ce n’est pas un hasard : Tim Burton rendait déjà un fervent hommage à l’acteur et ses personnages « poesques » dans son tout premier film, le court-métrage d’animation Vincent. Saluons enfin la magnifique partition de Danny Elfman, l’un des plus beaux travaux de sa prolifique carrière, ici largement inspiré par Tchaïkovsky et notamment la Danse de la Fée Dragée du ballet « Casse Noisettes ».

(1) Propos recueillis par votre serviteur en janvier 2008

 

© Gilles Penso

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LES RIVIERES POURPRES (2000)

Matthieu Kassovitz adapte Jean-Christophe Grangé et plonge le duo Vincent Cassel / Jean Réno au cœur d'une affaire sordide

LES RIVIÈRES POURPRES

2000 – FRANCE

Réalisé par Matthieu Kassovitz

Avec Vincent Cassel, Jean Réno, Nadia Farès, Dominique Sanda, Karim Belkhadra, Jean-Pierre Cassel, Didier Flamand

THEMA TUEURS

Malgré la déception procurée par Assassin(s), un essai sur la violence particulièrement erratique, confus et maladroit, on attendait beaucoup de cette adaptation par Mathieu Kassovitz du best-seller de Jean-Christophe Grangé. Les prémisses des Rivières pourpres laissent planer tous les espoirs, car le réalisateur de La Haine empoigne son spectateur dès le troublant générique. Tandis que l’inspecteur de police Pierre Niemans enquête sur un meurtre atroce perpétré dans une école perchée au sommet d’une montagne, son jeune collègue Max Kerkerian est dépêché sur le terrain suite à la profanation de la tombe d’une jeune fille par un groupe de skinheads. Les deux affaires semblant liées par d’étranges points communs, les deux hommes joignent leur force, tandis que les sanglants assassinats se succèdent…

Kassovitz parvient à effrayer son spectateur plus que de raison en créant des ambiances de terreur sourde très maîtrisées. Mais en ce qui concerne la rigueur du scénario, c’est une autre histoire. « L’univers des Rivières pourpres m’a tout de suite séduit, mais je suis incapable de vous en raconter l’intrigue ! », nous avoue le compositeur Bruno Coulais. « Dans ce cas précis, j’ai conçu la musique comme une espèce de venin tapi derrière l’image. » D’où notamment d’inquiétantes nappes musicales structurées autour de comptines de boîtes à musique. « A mon sens, ce qui vient de l’enfance et que l’on rattache habituellement à l’innocence peut créer un sentiment dérangeant au cinéma », poursuit Coulais. « Je préfère faire peur avec des boîtes à musique qu’avec des violons stridents. J’adore la partition de Psychose, mais tout le monde l’a imitée, et maintenant elle est galvaudée. Pour faire peur aux spectateurs, j’essaie plutôt de les émouvoir à fleur de peau. » (1)

Des soupapes de réalisme

L’atmosphère d’épouvante est donc la véritable réussite du film, mais la confusion croissante dans laquelle s’empêtre le récit est un véritable handicap pour son efficacité, d’autant qu’un sentiment de déjà-vu s’immisce assez fortement dès les premières séquences. Car ces meurtres brutaux et méthodiques, ce duo de flics aux méthodes divergentes qui piétine sur une enquête en forme de point d’interrogation, ces scènes d’autopsie éprouvantes et cette chasse au tueur sous la pluie battante nous rappellent plus que de raison Seven. Et malgré tout son talent, face à David Fincher, Kassovitz ne fait pas le poids. D’autant que sa direction d’acteurs manque singulièrement de rigueur. Le trio Jean Réno/Vincent Cassel/Nadia Farès donne trop souvent la sensation de réciter son texte sans trop y croire, et la crédibilité du film en prend un sacré coup. Dommage, car en de trop fugitifs instants, de petites improvisations des comédiens nous offrent des soupapes de réalisme et de naturel très rafraichissantes. Quant au final, franchement grotesque, il sacrifie aux règles hollywoodiennes du climax spectaculaire à défaut de résoudre correctement toutes les intrigues nouées au cours du récit. Kassovitz lui-même semble n’y croire qu’à moitié, puisqu’il s’amuse à tourner une séquence d’affrontement entre Cassel et des skinheads, savoureuse et pleine d’humour, mais parfaitement hors sujet. Une espèce de court-métrage autonome intégrée dans un film définitivement trop fouillis pour convaincre.


(1) Propos recueillis par votre serviteur en septembre 2001 

© Gilles Penso

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GOTHIKA (2003)

Matthieu Kassovitz s'essaie à l'épouvante hollywoodienne et signe un film efficace mais sans grande personnalité

GOTHIKA

2003 – USA

Réalisé par Matthieu Kassovitz

Avec Halle Berry, Robert Downey Jr., Charles Dutton, John Carroll Lynch, Bernard Hill, Penélope Cruz, Dorian Harewood

THEMA FANTÔMES

Séduit par les sirènes hollywoodiennes, Mathieu Kassovitz s’est laissé expatrier aux Etats-Unis le temps de réaliser cette histoire de fantôme post-Sixième sens au postulat pour le moins intrigant. Halle Berry y incarne Miranda Grey, psychologue dans le pénitencier psychiatrique pour femmes criminelles que dirige son mari. Un soir, alors qu’elle emprunte une déviation en voiture pour cause de travaux sur le bitume, elle croise une jeune fille mystérieuse à la sortie d’un pont. Celle-ci reste immobile au milieu de la route, puis soudain s’enflamme en hurlant. Terrifiée, Miranda sombre dans l’inconscience. A son réveil, elle est derrière les barreaux, accusée du meurtre violent de son époux et dès lors considérée comme une dangereuse psychopathe. Amnésique, elle découvre peu à peu qu’elle a été le jouet d’un spectre qui s’est emparé d’elle et la manipule pour exercer une terrible vengeance…

La première partie du film accroche donc le public à son siège, servie par l’interprétation d’Halle Berry, Robert Downey Jr et Penelope Cruz, surprenants dans des rôles à contre-courant de leur filmographie habituelle, et par un début de scénario plaçant la folie sous une perspective intéressante. Car en plongeant le spectateur dans la peau d’Halle Berry, Gothika pose du même coup le problème de la légitimité des conclusions psychiatriques hâtives. L’une des réflexions de Gilbert Keith Chesterton nous revient alors en mémoire : « Le fou n’est pas l’homme qui a perdu la raison. Le fou est celui qui a tout perdu, excepté la raison. » Une pensée qui trouve son écho dans le scénario de Sebastian Guttierez (auteur d’œuvres aussi disparates que Judas Kiss, Des Serpents dans l’avion ou le remake de The Eye) et qui nous pousse, dans le cas présent, à nous demander si les fous internés dans les cellules capitonnées le sont vraiment. En s’efforçant de prouver leur santé mentale, ne s’enfoncent-ils pas davantage aux yeux de leurs médecins/juges ? Et si certains d’entre eux entendaient vraiment des voix ? Et si quelques fantômes venaient réellement les tourmenter ? Telles sont les problématiques soulevées par le début du film.

La vengeance du spectre

Hélas, au moment où Miranda Grey parvient à échapper à ses geôliers pour mener sa propre enquête, le scénario change de cap, empruntant des chemins plus connus, familiers de ceux qui ont vu Hypnose, Apparences ou Intuitions, tout en collectant bon nombre d’invraisemblances. Le film continue malgré tout à passionner, grâce à une mise en scène ciselée et virtuose qui transcende clichés et illogismes. Visiblement motivé par ses prestigieux producteurs Joel Silver et Robert Zemeckis, Kassovitz s’amuse ainsi à promener sa caméra dans les endroits les plus surprenants, et à multiplier les effets choc destinés à faire sursauter le public. Le résultat est des plus probants, même si Gothika aurait gagné à conserver sa rigueur scénaristique jusqu’au bout, d’autant que certains personnages clefs du film s’évaporent presque au fil de l’intrigue, ce qui s’avère pour le moins frustrant. L’interruption du tournage pendant huit semaines, après qu’Halle Berry se soit cassé le bras en jouant une scène aux côtés de Robert Downey Jr, explique en partie les réécritures de dernière minute et quelques pertes de cohérence en cours de route.

© Gilles Penso

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BABYLON A.D. (2008)

Matthieu Kassovitz réalise un ambitieux film de science-fiction aux allures de blockbuster américain avec en tête d'affiche un monolithique Vin Diesel

BABYLON A.D.

2008 – FRANCE

Réalisé par Mathieu Kassovitz

Avec Vin Diesel, Mélanie Thierry, Michelle Yeoh, Lambert Wilson, Mark Strong, Charlotte Rampling, Gérard Depardieu

THEMA FUTUR

Il est difficile, quand on réalise un film d’anticipation, de s’affranchir de l’influence de ses prédécesseurs. Et de prime abord, Babylon A.D. évoque beaucoup Les Fils de l’homme et Le Cinquième élément, dont il reprend un certain nombre de thématiques. Pourtant, Mathieu Kassovitz parvient sans peine à s’extraire de l’influence d’Alfonso Cuaron et Luc Besson, affirmant sa personnalité par une mise en scène exemplaire et une direction artistique minutieuse. Tourné en grande partie en République Tchèque, avec un budget confortable mais sans commune mesure avec celui d’une production américaine analogue, l’auteur de La Haine tire au mieux parti des décors sinistres conçus par Sonja Krauss et Paul Cross et des excellents effets visuels de Buf Compagnie pour bâtir de toutes pièces un 21ème siècle guère reluisant.

Co-écrit avec Eric Besnard, le scénario puise sa source dans le roman « Babylon Babies » de Maurice G. Dantec, sans jamais chercher à respecter le texte à la lettre. Vin Diesel est le mercenaire Toorop, un homme désabusé ayant mené de nombreux combats et survécu à toutes les guerres qui ont ravagé la planète depuis des décennies. Désormais, la mafia règne sur l’Europe de l’Est, et Gorsky (Gérard Depardieu), un puissant chef de gang, confie à Toorop une mission délicate : convoyer de Russie jusqu’à New York une mystérieuse jeune fille prénommée Aurora (Mélanie Thierry) pour la remettre aux mains d’un ordre religieux tout puissant… L’arrivée à New York matérialise deux autres influences : Blade Runner de Ridley Scott et le magazine « Métal Hurlant », fer de lance de la culture parallèle des années 80. Mais une fois de plus, Kassovitz affiche sa propre singularité. Derrière la colossale mise en œuvre technique, derrière les innombrables difficultés ayant émaillé le tournage, son style et son caractère sont omniprésents. Sa direction d’acteurs instinctive, ses choix musicaux audacieux, son rapport à l’individu immergé dans un contexte socio-politique aux allures de poudrière, tout ce qui séduisit les fans de la première heure de Métisse et La Haine est dans Babylon A.D., une bande dessinée en chair et en os mais aussi un drame intimiste, un bon gros film de science-fiction mixé à une parabole sur la valeur de la vie, la préservation de l’enfance et des générations futures.

Une bande dessinée en chair et en os

Bien sûr, le film n’est pas exempt de faiblesses, mais elles prennent plus l’allure de frustrations que de fautes de goût, comme si la tourmente du tournage avait empêché Kassovitz de s’attarder suffisamment sur ses personnages. Pourquoi les batailles mettant en scène Michelle Yeoh sont-elle si peu lisibles et si confuses ? Pourquoi le personnage énigmatique campé par Charlotte Rampling, véhiculant l’idée passionnante que toute religion n’est qu’un business comme les autres, est-il à peine survolé ? Pourquoi le scientifique incarné par Lambert Wilson verse-t-il à ce point dans la caricature ? Ces questions trouvent probablement leur réponse dans la densité du matériau littéraire ayant servi de base au scénario. Pour pouvoir traiter en profondeur toutes les thématiques et tous les protagonistes rattachés au récit, il eut fallu sans doute rallonger le métrage d’une bonne heure.

 

© Gilles Penso

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L’HOMME INVISIBLE (1933)

Le réalisateur de Frankenstein signe la plus impressionnante et la plus belle des adaptations du classique de H.G. Wells

THE INVISIBLE MAN

1933 – USA

Réalisé par James Whale

Avec Claude rains, Gloria Stuart, William Harrigan, Henry Travers, Una O’Connor, Forrester Harvey, Holmes Herbert

THEMA HOMMES INVISIBLES I SAGA UNIVERSAL MONSTERS

A quelques détails près, cet Homme invisible est une adaptation très fidèle du roman homonyme d’H.G. Wells, écrit en 1897. On imagine mal meilleure transposition, et celle-ci demeure d’ailleurs inégalée à ce jour. C’est au faîte de son talent et de sa gloire que James Whale réalisa ce pur chef d’œuvre, entre Frankenstein et La Fiancée de Frankenstein. Comme dans le texte initial, tout commence un soir de tempête. Un mystérieux étranger au visage couvert de bandelettes arrive à Iping, un petit village britannique, prenant pension à l’auberge locale. Le nouvel arrivant, Jack Griffin, inquiète les aubergistes, et les curieux se multiplient autour de lui. Furieux, il ôte ses bandages et ses vêtements, révélant aux villageois médusés l’absence totale de toute forme apparente. Autrefois jeune savant, Griffin a découvert le secret de l’invisibilité, mais les effets secondaires de la drogue employée, la monocaïne, perturbent son cerveau et le conduisent à la folie. Ses collègues s’inquiètent. Il s’agit du docteur Cranley, de sa fille Flora, fiancée de Griffin, et du docteur Kemp, rival malheureux de ce dernier auprès de Flora. La police est maintenant sur les traces de Griffin, qui multiplie les méfaits et les meurtres. Ainsi, comme dans l’histoire légendaire du berger Gygès racontée par Platon, dans laquelle un anneau rendant invisible pousse son héros à commettre l’adultère et le meurtre, l’assurance de l’impunité pousse ici Griffin à se muer en criminel. Quel terrible constat sur la nature humaine ! 

Pour porter à l’écran un tel récit, il fallait des comédiens solides, une mise en scène méticuleuse, mais aussi des effets spéciaux de très haut niveau. A ce titre, John P. Fulton a réalisé de véritables prouesses, et l’inventivité de ses trucages est d’autant plus remarquable qu’au début des années 30, rien de tel n’avait encore été montré auparavant sur un écran de cinéma. On n’est pas près d’oublier cette séquence d’anthologie au cours de laquelle Jack Griffin enlève un à un ses bandages, révélant un col désespérément béant. Sa chemise s’agite ensuite dans le vide, avant que la caméra ne nous transporte dans la rue, où un vélo se redresse et roule seul, au beau milieu des villageois affolés. Un très grand moment de cinéma fantastique, que n’égalera aucune des variantes ultérieures sur le thème. Et ce malgré les incroyables avancées technologiques dont bénéficieront des œuvres telles que Les Aventures d’un homme invisible ou L’Homme sans ombre

A voir absolument en version originale !

Le film de James Whale se pare en outre de l’inquiétante voix de Claude Rains, dont la diction parfaite et les tonalités caverneuses conviennent à merveille au personnage de Jack Griffin. A l’origine, Universal envisageait de confier ce rôle vocal à sa vedette du moment, l’immense Boris Karloff. Mais Whale convainquit le studio de faire appel à Rains, dont la voix de ténor résonnait à l’époque sur les planches de Broadway. Et l’histoire lui a donné raison, le comédien jouant en virtuose sur la tessiture de son organe, oscillant entre la colère contenue et la fureur destructrice, en passant par un rire dément à glacer le sang. D’où la nécessité de déguster cet Homme invisible dans sa version originale.  

© Gilles Penso

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LA CITÉ DES ENFANTS PERDUS (1995)

Jean-Pierre Jeunet et Marc Caro poursuivent leurs expérimentations en construisant un gigantesque univers rétro-futuriste

LA CITE DES ENFANTS PERDUS

1995 – FRANCE

Réalisé par Jean-Pierre Jeunet et Marc Caro

Avec Ron Perlman, Daniel Emilfork, Judith Vittet, Dominique Pinon, Jean-Claude Dreyfus, Geneviève Brunet, Rufus

THEMA RÊVES I DOUBLES

La Cité des enfants perdus : Derrière ce titre délicieusement poétique se cache l’histoire de Krank, un homme vivant parmi d’étranges compagnons sur une plate-forme en mer perdue dans le brouillard, au-delà d’un champ de mines. Fruit d’une expérience génétique, il s’avère incapable de rêver, ce qui a pour effet d’accélérer son vieillissement. Pour venir à bout de ce détestable phénomène, il enlève les enfants d’une cité portuaire afin de voler leurs rêves, grâce à une étrange machine de son invention. L’univers si étrange créé par Marc Caro et Jean-Pierre Jeunet pour La Cité des enfants perdus, situé en un lieu et une époque indéterminés à mi-chemin entre Paris et une cité portuaire, sous l’influence manifeste de Jules Verne, n’est pas si éloigné de celui de Delicatessen. Mais ici, l’uchronie et la technologie rétrofuturiste ont été largement amplifiées, le film assumant plus ouvertement son caractère science-fictionnel. Le budget lui aussi a bien gonflé (on l’estime à l’équivalent de 18 millions de dollars), ce qui permet aux cinéastes d’aller jusqu’au bout de leurs folles visions. 

« La cité s’inspirait à la fois des canaux de Venise, de la verticalité architecturale de New-York, des habitations de Londres au début du siècle, de l’amoncellement des maisons orientales, des constructions métalliques de Gustave Eiffel, des gravures de Gustave Doré et des peintures de De Chierico » (1) nous révèle Jean Rabasse, chef décorateur du film. Au sein de cette somptueuse direction artistique se mettent en branle des séquences insolites (quatre clones de Dominique Pinon se donnent des claques, une puce vue en très gros plan saute de corps en corps, l’incroyable cité s’étend dans de vastes panoramas brumeux) grâce à une série d’effets spéciaux numériques et mécaniques de haute tenue, le plus grand nombre jamais utilisé jusqu’alors dans un film français. 

Un équilibre difficile

Plus volontiers attirés par les « gueules » que par les stars, Caro et Jeunet optent pour un casting étonnant, avec en particulier Ron Perlman (l’un des trois héros préhistorique de La Guerre du feu), Daniel Emilfork (le génie de la lampe dans Le Voleur de Bagdad de Clive Donner), François Hadji-Lazaro (Gnahi dans Dellamorte Dellamore), mais aussi Dominique Pinon (dans un rôle septuple, chacun clamant à qui veut l’entendre qu’il est l’original et que les autres ne sont que des clones !) et Jean-Claude Dreyfus, déjà mis à contribution dans Delicatessen. Mais la révélation du film demeure Judith Vittet, gamine des rues s’étant endurcie prématurément sans perdre tout à fait sa fragilité. On regrette tout de même une narration confuse qui masque mal la terrible minceur du scénario, malgré cette magnifique idée du vol des rêves d’enfants. « Pour moi, le maître mot doit toujours être la cohérence, et ce n’était pas vraiment le cas dans La Cité des enfants perdus », reconnaît Jeunet. « Nous avons commis l’erreur de choisir l’environnement avant l’histoire. On sent les tirailleries entre Caro et moi, lui tirant le film vers le visuel et moi vers le narratif. » (2) Malgré tout, le film fit sensation lors de sa présentation en ouverture au Festival de Cannes et se mua en objet de culte auprès des cinéastes américains, ce qui permit à Jean-Pierre Jeunet d’amorcer sa carrière solo quelques années plus tard par l’entremise de la 20th Century Fox avec Alien la résurrection.

(1) Propos recueillis par votre serviteur en mars 1998

(2) Propos recueillis par votre serviteur en septembre 2009

© Gilles Penso

 

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LA MORTE-VIVANTE (1982)

Jean Rollin s'adapte à la vogue des films de zombies en conservant ses motifs favoris : la poésie macabre, le sang et l'érotisme

LA MORTE-VIVANTE

1982 – FRANCE

Réalisé par Jean Rollin

Avec Françoise Blanchard, Marina Pierro, Mike Marshall, Carina Barone, Fanny Magier, Patricia Besnard-Rousseau, Jean Berel 

THEMA ZOMBIES I SAGA JEAN ROLLIN

Spécialisé dans les films de vampire érotiques made in France depuis la fin des années 60 (Le Viol du vampire, La Vampire nue, Le Frisson des vampires et compagnie), Jean Rollin s’est attaqué en 1982 au thème du zombie, mais sans pour autant changer grand-chose à ses habitudes. Les filles se dénudent donc encore généreusement et le sang coule toujours à flots écarlates. La morte-vivante du titre est une jeune femme du nom de Catherine Valmont, décédée prématurément, dont le joli cadavre repose dans une crypte où trois ouvriers viennent un jour déposer des fûts de produits apparemment toxiques. Profitant d’être sur place, ils décident de dépouiller sans vergogne les cadavres de leur trop-plein de bijoux. Soudain, rien ne va plus : Catherine revient à la vie, crève les yeux de l’un des vauriens avec ses ongles exagérément effilés, puis égorge le second à coups de griffes, tandis que le troisième a le visage horriblement défiguré par le contenu d’un des fûts qui vient s’écouler dans la crypte.

Décrite comme ça, la séquence peut paraître horrifique à souhaits, mais le montage très approximatif de Jean Rollin et le jeu évasif de ses comédiens ruinent une bonne partie de son impact, malgré des trucages plutôt efficaces. « J’ai été engagé sur ce film pour créer des effets gore, notamment pas mal d’égorgements », raconte Benoît Lestang, responsable des maquillages spéciaux du film. « Mais à l’époque je dois bien avouer que n’y connaissais rien du tout. Je vivais encore chez mes parents, donc je travaillais dans la salle de bains et dans ma chambre… C’était n’importe quoi ! Sur un tournage normal, on m’aurait viré dès le premier jour. Mais comme c’était un film à très petit budget et que je ne coûtais pas cher à la production, personne ne m’a jamais rien dit. » (1) Assoiffée de sang, la belle Catherine se met à errer dans la campagne avoisinante jusqu’à regagner la grande demeure où elle a grandi. Là, son amie d’enfance Hélène la retrouve et, passée une légitime période d’incrédulité, décide de l’aider à se maintenir artificiellement en vie en lui fournissant autant de victimes que nécessaire.

Un décalage abyssal entre les intentions et le résultat

Un tel sujet méritait une mise en scène inspirée, une photographie soignée et des acteurs convaincants. Hélas, tout le potentiel d’épouvante, d’émotion et d’érotisme que contenait en substance le scénario de Jean Rollin et Jacques Ralf s’estompe derrière la banalité formelle du film. On y trouve même des clichés franchouillards du plus curieux effet, notamment le bistrot et ses piliers de comptoir, le marché aux fruits et légumes et une fête du village caricaturale avec un mauvais groupe de rock qui s’accompagne à l’accordéon ! Ce décalage entre les intentions initiales et le résultat final est d’autant plus regrettable que la relation entre Catherine, femme-zombie terrifiée par son état, et Hélène, devenue meurtrière par amour, pouvait s’avérer passionnante, et que le final, basculant du gore le plus outrancier au drame le plus poignant, laisse imaginer le beau conte d’épouvante que cette Morte-vivante aurait pu être. On retrouve d’ailleurs certaines composantes de ce récit – le lesbianisme en moins – dans Le Retour des morts-vivants 3 de Brian Yuzna, pas beaucoup plus argenté mais bien mieux ficelé.  

(1) Propos recueillis par votre serviteur en décembre 1996

© Gilles Penso

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SOLITAIRE (2007)

Le réalisateur de Wolf Creek nous jette dans la gueule d'un crocodile gigantesque et vorace

ROGUE

2007 – USA

Réalisé par Greg McLean

Avec Michael Vartan, Radha Mitchell, Sam Worthington, Barry Otto, Geoff Morrell, Damien Richardson, Robert Taylor, Heather Mitchell

THEMA REPTILES ET VOLATILES

Grâce au succès inespéré de Wolf Creek, qui rapporta cinquante fois sa modeste mise de départ, le réalisateur australien Greg McLean put concrétiser Solitaire, un projet de longue date qui lui fut notamment inspiré par L’Etrange créature du lac noir et des documentaires animaliers sur l’outback et la flore des marais. De fait, la séquence d’introduction du film est plus proche de National Geographic que d’un film de monstre façon Nu Image. Et même si le réalisateur cisèle son découpage et son montage avec la minutie d’un orfèvre, le réalisme cru de cette attaque soudaine de crocodile, entraînant par la seule force de sa mâchoire un buffle sous les eaux, semble tout droit issu d’un documentaire. La suite du film confirme cette impression. Certes, la présentation de tous les protagonistes – un groupe de touristes embarqués pour une croisière exotique dans les marais australiens, parmi lesquels un journaliste blasé (Michael Vartan) semble pouvoir connaître une idylle avec le capitaine/guide (Radha Mitchell) – obéit à la logique introductive des films catastrophes. Mais le cinéaste attarde surtout sa caméra sur les magnifiques décors naturels, soutenu par une partition magnifique (bien qu’un tantinet trop emphatique) de François Tetaz, déjà compositeur de la bande originale de Wolf Creek.

Le drame survient de manière discrète, presque implicite. Une silhouette sous-marine immense mais quasiment invisible renverse en effet le bateau des touristes, les incitant à se réfugier au plus vite sur une petite île broussailleuse. Bientôt, il faut se rendre à l’évidence : un crocodile gigantesque et vorace hante les lieux et se met à dévorer ceux qui s’aventurent trop près de l’eau. Ici aussi, Greg McLean fait preuve d’une sobriété inattendue, les attaques se déroulant de préférence en dehors du champ de la caméra. En ce sens, Solitaire se rapproche beaucoup de Black Water, réalisé en Australie à la même période mais avec des moyens bien moindres. Ici, le suspense s’appuie sur un double time-lock : la tombée de la nuit et la marée montante qui engloutira bientôt le refuge précaire de nos héros.

Une relecture moderne de Sigfried contre le dragon

Puisant visiblement son inspiration dans Les Dents de la mer, le réalisateur limite les apparitions du monstre au strict minimum, profitant de l’obscurité et de l’élément aquatique pour laisser travailler l’imagination du spectateur. Cependant, la dernière partie du film nous réserve un affrontement homme-animal particulièrement spectaculaire. Enfin visible en entier et sous toutes ses coutures, le crocodile géant s’avère être l’une des créatures numériques les plus réalistes et les plus impressionnantes que l’on ait pu contempler à ce jour. L’animatronique prend le relais pour les plans serrés, et le climax s’avère digne de l’affrontement de Sigfried contre le légendaire dragon des Nibelungen. Quant à  Michael Vartan, il confirme tout le bien que nous pensions de lui dans la série Alias, promenant sa silhouette de gravure de mode usée avec beaucoup de charisme, et nous faisant regretter sa trop rare présence sur les écrans. Dommage que le rythme du film ne soit pas toujours soutenu, peinant à maintenir une attention toujours en éveil malgré d’indiscutables qualités formelles. Précisions que le film a été rebaptisé Eaux troubles pour sa sortie en DVD.  

© Gilles Penso

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APPELEZ-MOI DAVE (2008)

Eddie Murphy incarne tout un équipage d'extra-terrestres miniatures mais aussi leur vaisseau spatial en forme d'être humain au sourire figé !

MEET DAVE

2008 – USA

Réalisé par Brian Robbins

Avec Eddie Murphy, Ed Helms, Elizabeth Banks, Judah Friedlander, Scott Caan, Austyn Myers

THEMA EXTRA-TERRESTRES

Dans l’une des scènes les plus étonnantes du premier Men in Black, un homme allongé sur un lit d’hôpital s’avérait être une machine imitant les traits humains, son visage n’étant qu’un masque dissimulant de minuscules habitants extra-terrestres le manipulant de l’intérieur. Les scénaristes Rob Greenberg et Bill Corbett ont décidé de reprendre cette idée à leur compte et d’en tirer un long-métrage. Pour fonctionner, ce concept fou devait être porté par un acteur comique au corps et au visage élastiques, quelqu’un de la trempe de Jim Carrey ou Mike Myers. C’est finalement Eddie Murphy qui endossa le rôle principal, collaborant pour la seconde fois avec le réalisateur Brian Robbins (ils avaient tourné ensemble Norbit, gros succès aux Etats-Unis) et laissant reposer 90% du film sur ses épaules.

Murphy incarne donc le capitaine d’un équipage d’extra-terrestres en tout points semblables aux êtres humains, si ce n’est qu’ils ne mesurent que quelques centimètres de haut. Leur planète étant moribonde, ils sont chargés d’une mission délicate : drainer toute l’eau de la Terre puis retourner en vitesse chez eux. Pour passer inaperçus, ils se déplacent à l’intérieur d’un vaisseau spatial qui a la taille et la forme d’un être humain. Et c’est à nouveau Eddie Murphy qui prête ses traits à la machine anthropomorphe. Dès lors, les situations comiques s’enchaînent en cascade, d’autant que le vaisseau, qui parle avec la voix de son capitaine, tente maladroitement d’imiter les comportements humains et se fait appeler Dave, est en train de séduire malgré lui Gina (Elizabeth Banks), une jeune mère qui le renverse en voiture et se sent désormais redevable de lui. La situation se complique lorsque les aliens se laissent peu à peu influencer par l’atmosphère terrienne…

Un concept fou hélas sous-exploité

Appelez-moi Dave est une comédie formatée pour un tout jeune public et trouvera surtout grâce aux yeux des téléspectateurs de Disney Channel. Raisonnablement drôle, tranquillement huilée, empruntant prudemment des sentiers tout tracés, l’entreprise ne cherche jamais, hélas, à tirer parti à plein régime des folies que permettait un concept initial pour le moins excentrique. Les clichés s’enchaînent donc sans surprise et plusieurs séquences donnent l’étrange sentiment d’avoir déjà été vues cent fois ailleurs. Quand on se souvient d’œuvres aussi audacieuses que Retour vers le futurL’Aventure intérieure ou Chérie J’ai rétréci les gosses, qui exploitaient au maximum de leurs possibilités les péripéties inhérentes à leur postulat de départ, on ne peut que regretter le manque d’ambition d’Appelez-moi Dave. Nul doute que cette comédie de science-fiction perdrait tout son sel sans les facéties d’Eddie Murphy (en très grande forme, il faut bien l’avouer) et sans les excellents effets spéciaux supervisés par le vétéran Mark Stetson (Waterworld, Le Cinquième élément, Superman Returns). A ce titre, l’une des scènes les plus mouvementées du film montre le minuscule capitaine et son assistante bravant les dangers d’une ville aux proportions gigantesques.

 

© Gilles Penso

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