LA SŒUR DE SATAN (1966)

Barbara Steele fait une petite apparition dans cette histoire abracadabrante de sorcellerie qui marque les débuts du réalisateur Michael Reeves

THE SHE BEAST

 

1966 – GB

 

Réalisé par Michael Reeves

 

Avec Barbara Steele, Ian Ogilvy, John Karlsen, Mel Welles, Lucretia Love, Joe Riley, Richard Watson, Edward B. Randolph, Peter Grippe, Ennio Antonelli

 

THEMA SORCELLERIE ET MAGIE

Après avoir illuminé de sa beauté altière plusieurs perles du cinéma gothique italien (Le Masque du démon, L’Effroyable secret du Dr. Hichcock, Danse macabre, Les Amants d’outre-tombe), Barbara Steele s’échoue à contrecœur dans cette Sœur de Satan qui, avouons-le, demeure très anecdotique. Son réalisateur, Michael Reeves, n’avait jusqu’alors signé qu’une poignée de courts-métrages tout en participant – sans en être crédité – au scénario du Château des morts-vivants de Luciano Ricci et Lorenzo Sabatini. Désireux de passer à la vitesse supérieure, il investit une bonne partie de son propre argent dans la production de La Sœur de Satan et réunit une petite équipe technique pour un tournage d’une vingtaine de jours en Italie. Aux côtés de Steele, Reeves met en scène Ian Ogilvy, un vieux camarade de classe qu’il avait perdu de vue depuis des années et qui démarre alors sa carrière d’acteur. Écrit par le réalisateur sous le pseudonyme de Michael Byron, avec l’aide officieuse de Mel Welles, Charles B. Griffith et F. Amos Powell, le scénario de La Sœur de Satan laisse légitimement perplexe.

Il y a 200 ans, en Transylvanie, des villageois armés de torches battent la campagne, mettent la main sur une vieille femme hideuse aux mains griffues et au visage démoniaque (interprétée par Jay Riley, dont le maquillage ne joue guère la carte de la subtilité, mettant en évidence ses dents acérées, sa peau flétrie et son regard fou). La foule déchainée lui transperce le corps avec une lance et la jette dans un lac. Le film nous transporte ensuite au présent où un jeune couple d’Anglais en pleine lune de miel, incarné par Ian Ogilvy et Barbara Steele, cherche son chemin dans la Transylvanie profonde et se retrouve dans un hôtel dont le tenancier accumule les tares : idiot, rustre, malhonnête, alcoolique et obsédé sexuel ! Pour la première fois de sa carrière, Barbara Steele joue un personnage contemporain dans un film d’horreur, troquant ses robes gothiques habituelles contre une tenue moderne lui donnant des faux airs de l’Emma Peel de Chapeau melon et bottes de cuir.

Van Helsing à la rescousse

Mais le spectateur n’en profite pas beaucoup dans la mesure où le temps de présence de la comédienne à l’écran reste limité. N’ayant qu’une journée de disponible pour ce film, elle doit se soumettre à un tournage marathon de dix-huit heures d’affilées pour satisfaire les besoins de la production (en échange d’un chèque de mille dollars). Son personnage disparaît donc de l’intrigue assez rapidement, après un accident de voiture qui la précipite dans un lac – celui-là même où fut jadis jetée la sorcière – et ne réapparaît qu’à deux minutes de la fin le temps d’un dénouement abracadabrant. Entre-temps, la vieillarde monstrueuse sème la panique tandis qu’un descendant de la famille Van Helsing (John Karlsen) tente de l’exorciser et que les policiers locaux se livrent à une course poursuite burlesque où les voitures roulent en accéléré comme dans une comédie avec Louis de Funès ! Reeves aurait bien supprimé cette séquence de poursuite ridicule – confiée aux bons soins de la seconde équipe sans sa supervision – mais le film n’aurait pas duré suffisamment longtemps. C’est l’une des concessions que notre homme doit donc accepter pour boucler cette première œuvre faite de bric et de broc. Michael Reeves ne réalisera que deux autres films, La Créature invisible et Le Grand inquisiteur, avant sa mort prématurée à l’âge de 25 ans suite à une surdose accidentelle de barbituriques.

 

© Gilles Penso


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SOLOMON KANE (2009)

Le chasseur de démons imaginé par Robert Howard prend corps à l'écran sous les traits charismatiques de James Purefoy

SOLOMON KANE

2009 – GB / FRANCE / REPUBLIQUE TCHEQUE

Réalisé par Michael J. Bassett

Avec James Purefoy, Max Von Sydow, Pete Postlethwaite, Rachel Hurd-Wood, Alice Krige, Mackenzie Crook, Ben Steel

THEMA HEROIC FANTASY I DIABLE ET DEMONS

Moins connu que Conan le barbare, Solomon Kane est pourtant une autre création inspirée de l’écrivain Robert Howard, un pourfendeur de démons du 17ème siècle aussi peu dénué de scrupules et d’états d’âmes que son petit frère cimmérien. Apparu pour la première fois en août 1928 dans le magazine Weird Tales, Solomon Kane (dont le nom mixe deux influences bibliques, le fougueux roi Salomon et le fratricide Caïn) fut le héros de plusieurs récits et se vit adapter en bande dessinée. Mais il aura fallu attendre la passion du scénariste/réalisateur Michael J. Bassett, grand admirateur d’Howard, pour qu’un Solomon Kane sur grand écran voie enfin le jour. Et le spectacle est à la hauteur des espérances, ne reculant devant aucune brutalité (les combats sont particulièrement sanglants), bénéficiant de magnifiques décors naturels captés en République Tchèque ou reconstitués en studio façon Hammer Films (ah, ce magnifique cimetière nocturne !), et mettant en scène quelques somptueuses créatures démoniaques conçues par Patrick Tatopoulos et visiblement sous l’influence de Guillermo del Toro.

A ce titre, les spectres grimaçants qui hantent les miroirs et happent les guerriers passant à leur portée ou le colossal Troll surgissant au moment du climax s’affirment comme de superbes visions de pure fantasy. Le casting lui-même est d’une grande finesse, offrant à quelques vétérans tels que Max Von Sydow ou Pete Postlethwaite des rôles mémorables tout en proposant à un quasi-inconnu (l’excellent James Purefoy) de tenir le haut de l’affiche. Aussi crédible en combattant farouche qu’en puritain tourmenté, Purefoy, avec ses faux airs d’Hugh Jackman et de Robert Carlyle, porte une bonne partie de l’impact du film sur ses solides épaules.

Sanglante croisade

N’adaptant aucune aventure précise écrite par Robert Howard, le film de Bassett se situe dans une Angleterre ravagée par les guerres. Le capitaine Solomon Kane, guidé par une foi inébranlable, occis à tour de bras tous les « infidèles » qu’il croise, persuadé d’agir pour le bien de l’humanité. Mais après une de ses sanglantes croisades, il croise un émissaire du Diable qui lui annonce le prix qu’il devra payer pour tout ce sang versé : son âme. Terrifié, Kane décide de renoncer à la violence en s’enfermant dans un cloître. Mais le mal continue de croitre autour de lui, et lorsque les démoniaques émissaires du redoutable Malachi se mettent à battre la campagne, ses nouvelles résolutions sont mises à rude épreuve… Élégante, stylisée, toute en retenue (sauf évidemment lorsque l’acier et la chair entrent en collision au cours des nombreuses échauffourées scandant le métrage), la mise en scène de Bassett dote Solomon Kane d’un souffle et d’une personnalité en parfait accord avec ses sources d’inspiration littéraires. La seule véritable ombre au tableau, en la matière, est sans doute la partition paresseuse d’un Klaus Badelt en sérieux manque d’inspiration. On regrette aussi – et surtout – un final un peu escamoté qui fait l’effet d’un pétard mouillé et laisse imaginer quelques coupes budgétaires inopinées. Ces réserves mises à part, Solomon Kane est une initiative réjouissante qui mériterait plusieurs séquelles. Hélas, le succès très mitigé du film ne laisse guère augurer de prolifique descendance…

 

© Gilles Penso

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PHÉNOMÈNES PARANORMAUX (2010)

Un film insaisissable, entre fiction et faux documentaire, qui aborde sous un angle hyper-réaliste le thème des enlèvements d'humains par des extra-terrestres

THE FOURTH KIND

2010 – USA / GB

Réalisé par Olatunde Osunsanmi

Avec Milla Jovovich, Will Patton, Hakeem Kae-Kazim, Corey Johnson, Enzo Cilenti, Elias Koteas, Eric Loren, Raphael Coleman

THEMA EXTRA-TERRESTRES

Contrairement à ce que pourrait laisser croire son titre français maladroitement opportuniste, Phénomènes paranormaux n’est pas un succédané de Paranormal Activity (gros succès en salle l’année précédente) mais un film étrange qui mixe la science-fiction à l’épouvante psychologique en s’appuyant sur un procédé narratif original aux allures de docu-fiction. Le scénario s’appuie sur un fait réel dûment établi par le FBI : dans la ville de Nome, en Alsaka, des disparitions inexpliquées se produisent régulièrement depuis les années 60 sans qu’aucune explication logique n’ait pu être donnée. La piste des enquêteurs officiels s’oriente bien sûr vers des kidnappings et des meurtres, mais pour Hollywood, il semblait plus séduisant d’adopter la thèse des abductions extra-terrestres. Le titre original, Fourth Kind, ne laisse d’ailleurs planer aucun doute, se référant directement à la fameuse typologie établie par le scientifique Alan Hynek pour hiérarchiser les contacts entre humains et aliens : la rencontre du premier type est l’observation d’un phénomène spatial inexpliqué, celle du deuxième type caractérise l’interaction physique de ce phénomène avec des témoins, et celle du troisième type concerne le contact établi avec une forme extra-terrestre.

Quant à la « Rencontre du Quatrième Type », elle semble liée aux enlèvements d’humains par des extra-terrestres, un thème qui a alimenté moult scénarios de la série X-Files mais que le réalisateur Olatunde Osunsanmi aborde sous un angle volontairement hyperréaliste. Le doute est d’ailleurs volontairement entretenu quant à la véracité des événements décrits dans le film. Car le montage, surprenant, insère régulièrement des documents vidéo mettant en scène les « véritables » acteurs du drame (séances d’hypnose de l’époque filmées par les psychiatres, enregistrements par des caméras de police, documents tournés pour une université, etc.). A l’écran, il n’est pas rare qu’un split-screen montre ainsi deux fois la même scène, version cinéma et version « réalité ».

Rencontres du quatrième type

Pour enfoncer le clou, les comédiens se présentent dès le début du film pour nous annoncer qu’ils s’apprêtent à interpréter des personnages réels. Milla Jovovich incarne ainsi la psychologue Abigail Tyler, traumatisée par le meurtre de son époux et préoccupée par plusieurs de ses patients souffrant de troubles sévères du sommeil suite à des cauchemars récurrents… Alors, info ou intox ? De toute évidence, le film est un gigantesque canular, mais la minutie et le réalisme avec lequel les témoignages « réels » sont reconstitués et intégrés à la narration font tout l’intérêt d’un long-métrage qui, par ailleurs, ne raconte rien de foncièrement novateur. La mise en scène d’Osunsanmi s’avère d’ailleurs parfois exagérément maniérée, là où un peu plus de sobriété aurait été de mise. Mais il faut reconnaître que Phénomènes Paranormaux sait susciter le trouble, en partie grâce à l’implication de ses comédiens. Milla Jovovich nous surprend agréablement dans un registre moins physique et beaucoup plus intériorisé qu’à l’accoutumée, épaulée par de solides partenaires tels que Will Patton et Elias Koteas. Bref rien de neuf sous le ciel extra-terrestre, mais une habile et innovante variation sur un thème connu.

 

© Gilles Penso

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SPLICE (2010)

Le talentueux réalisateur de Cube revisite le mythe de l'apprenti-sorcier en décrivant les conséquences d'une étrange expérience génétique

SPLICE

2010 – CANADA / FRANCE

Réalisé par Vincenzo Natali

Avec Sarah Polley, Adrian Brody, Delphine Chaneac, David Hewlett, Abigail Chu, Brandon McGibbon, Amanda Brugel

THEMA MEDECINE EN FOLIE

S’appuyant sur le thème classique de l’apprenti sorcier, Splice aurait pu se barder de clichés et verser dans la caricature. La réussite et la singularité du film n’en sont que plus remarquables. Car Vincenzo Natali, auteur du remarquable Cube, choisit d’aborder son sujet sous un angle naturaliste et moderne. Adrien Brody et Sarah Polley incarnent Clive et Elsa, un couple de scientifiques spécialisés dans la recherche génétique. Après avoir combiné les gènes de plusieurs espèces animales, ils souhaitent fusionner l’ADN animal et humain, mais le laboratoire pharmaceutique qui les finance refuse d’aller aussi loin. Elsa décide de bafouer les règles et de tenter l’expérience. Avec la complicité méfiante de l’homme qu’elle aime, la jeune savante parvient à donner naissance à un petit être hybride dont le faciès n’est pas sans évoquer le bébé monstre d’Eraserhead. Bientôt baptisée Dren (l’envers de « Nerd »), la créature grandit très vite et va progressivement faire basculer la vie de ses créateurs dans le cauchemar…

Si la réussite de Splice repose beaucoup sur la justesse de jeu d’Adrien Brody et Sarah Polley, il faut également saluer l’incroyable prestation de Delphine Chanéac dans le rôle de Dren, accentuée par des effets visuels révolutionnaires déformant suffisamment son visage pour marquer son anormalité, mais pas trop afin de préserver sa beauté androgyne. « Les jambes de Dren, qui sont conçues avec une double articulation, ont été reconstruites numériquement à partir de mes véritables jambes et se prolongent avec mes avant-bras », explique la comédienne. « Les pieds sont mes mains. Un de mes doigts a été supprimé et des tendons ont été rajoutés, mais ce sont des éléments de mon propre corps. Finalement, seule la queue est entièrement factice. » (1) « Dans la plupart des films de monstres, on a tendance à partir d’une morphologie humaine et à y ajouter des choses », ajoute Vincenzo Natali. « Pour Dren, nous avons procédé à l’envers, par soustraction, en ne créant que de petites altérations. » (2)

Une collection de sujets tabous

Grâce au prisme de la science-fiction, le cinéaste se permet d’aborder frontalement des sujets aussi délicats que l’inceste, la pédophilie, la zoophilie, la transsexualité ou le viol, sans le moindre voyeurisme mais sans s’embarrasser pour autant du moindre tabou. Les obsessions de David Cronenberg hantent ce récit tortueux, qui évoque aussi Embryo de Ralph Nelson. Mais Splice demeure résolument personnel et novateur, notamment grâce au choix de sa principale protagoniste, Elsa, une scientifique trentenaire. Arrivée à l’âge où la question de la maternité se pose naturellement, elle écarte inconsciemment l’idée de donner vie à un enfant dont la croissance, le développement et l’autonomie lui échapperaient. En se rabattant sur un être artificiellement enfanté, elle croit pouvoir conserver la maîtrise de son devenir. Il n’en sera rien, évidemment, et tous ceux qui sont familiers avec l’œuvre de Mary Shelley savent qu’une telle tentative est vouée à l’échec. « J’ai grandi avec les Frankenstein de James Whale et je les adore, mais je n’ai jamais cherché à les imiter », avoue Natali. « Avec Splice, je me suis efforcé de reprendre certains de leurs concepts et les transporter dans le vingt et unième siècle. » (3)

 

(1) Propos recueillis par votre serviteur en novembre 2009
(2) et (3) Propos recueillis par votre serviteur en février 2010

 

© Gilles Penso

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LA PIEL QUE HABITO (2011)

Pedro Almodovar détourne l'argument des Yeux sans visage pour placer au cœur d'un récit à rebondissements la question de l'identité sexuelle

TITRE ORIGINAL

2011 – ESPAGNE

Réalisé par Pedro Almodovar

Avec Antonio Banderas, Elena Anaya, Marisa Paredes, Jan Cornet, Roberto Alamo, Eduard Fernadez, Jose Luis Gomez 

THEMA MEDECINE EN FOLIE

Même s’il adaptate librement le roman « Mygale » de Thierry Jonquet, publié en 1995, le scénario de La Piel que Habito (un titre qu’on pourrait traduire littéralement par « la peau que j’habite ») a surtout les allures d’une nouvelle variante de celui des Yeux sans Visage, Pedro Almodovar semblant recycler les thèmes du classique de Georges Franju comme le fit à plusieurs reprises son compatriote Jess Franco quelques décennies plus tôt. Le poster du film, qui montre un masque blanc révélant le regard de la comédienne Elena Anaya, semble renforcer la référence. Mais en réalité, seul l’argument initial tisse un lien tangible entre les deux films. Depuis que sa femme a été victime de brûlures dans un accident de voiture, le docteur Robert Ledgard, éminent chirurgien esthétique, se consacre à la création d’une nouvelle peau, grâce à laquelle il aurait pu sauver son épouse. Douze ans après le drame, il réussit enfin à cultiver cette peau dans son laboratoire privé. Mais pour pouvoir la tester, il lui faut une femme cobaye. Avec la complicité de Marilia, la femme qui s’est occupé de lui depuis le jour de sa naissance, il finit par trouver le sujet idéal…

Bien vite, les multiples rebondissements de cette intrigue à tiroir s’avèrent animés d’une vie propre, reflétant de manière très intime les obsessions récurrentes de son auteur. Au-delà de son goût indiscutable pour le mélodrame et pour les relations sentimentales déviantes, Almodovar place le questionnement de l’identité sexuelle au cœur de son récit. Le sujet fut parfois trivial face à sa caméra volage. Ici, il devient profondément dramatique, voire philosophique ou même métaphysique. En convoquant la science et ses incroyables avancées technologiques, en muant son acteur fétiche Antonio Banderas en émule ténébreux et tourmenté du docteur Frankenstein, le réalisateur de Talons Aiguille nous interroge sur la nature humaine. Que reste-t-il de nous lorsque la médecine peut nous transformer au point de nous transfigurer intégralement ? Si l’intégrité physique initiale n’est plus respectée, qu’en est-il de l’esprit ? Doit-il suivre la mutation ? Derrière l’argument de science-fiction, c’est toujours la préoccupation humaine qui titille le cinéaste. C’est elle qui transforme la séquence finale – au fort potentiel vaudevillesque – en moment d’émotion contenue mais intense.

Une fin ouverte et troublante…

Compositeur attitré d’Almodovar depuis La Fleur de mon secret, Alberto Iglesias renforce l’impact du film en se référant souvent aux travaux de Bernard Herrmann. « Il est vrai que je suis souvent influencé par Herrmann mais aussi par les compositeurs que lui-même appréciait, notamment Prokofiev, Bartok et Puccini », avoue Iglésias. « Les indications que me donne Pedro Almodovar sont rarement d’ordre musical. Nous parlons surtout des séquences en termes d’émotions. Il sait exactement ce que les personnages doivent faire ressentir à chaque moment. » (1) Lorsque l’incroyable vérité du film éclate, lorsque les langues se délient, de nouvelles portes narratives s’ouvrent et d’autres histoires se profilent. Mais Almodovar laisse ses spectateurs en plan, leur offrant le loisir de poursuivre eux-mêmes en imagination les péripéties de ses protagonistes. 

(1) Propos recueillis par votre serviteur en avril 2004

 

© Gilles Penso

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MACISTE EN ENFER (1962)

Le valeureux héros mythologique se retrouve propulsé dans une histoire de sorcellerie située en plein 17ème siècle…

MACISTE ALL’INFERNO

 

1962 – ITALIE

 

Réalisé par Riccardo Freda

 

Avec Kirk Morris, Hélène Chanel, Vira Silenti, Andrea Bosic, Remo de Angelis, Angelo Zanolli, Charles Fawcett

 

THEMA SORCELLERIE ET MAGIE I MYTHOLOGIE

Malgré ce que peut laisser imaginer son titre, ce film n’est pas le remake du Maciste aux enfers réalisé en 1925 par Guido Brignone mais le détournement curieux d’une des figures les plus célèbres du péplum mythologique. Maciste en enfer démarre comme une classique histoire d’épouvante gothique, avec une sorcière condamnée, une malédiction ancestrale et un château hanté, bref un univers avec lequel Riccardo Freda est plutôt familiarisé (il signa notamment Les Vampires, L’Effroyable secret du Dr. Hichcock et Le Spectre du professeur Hichcock). L’intrigue de Maciste aux enfers prend d’abord place au milieu des années 1500. Promise au bûcher, une sorcière jette une malédiction sur les habitants d’un village écossais avant de trépasser. Un siècle plus tard, l’arbre auquel elle a été enchaînée est toujours debout et personne n’ose le détruire, tandis que le sort qu’elle a jeté persiste au fil des ans, forçant les femmes à se suicider. La descendante de cette sorcière, Martha Gunt (Vira Silenti) passe sa lune de miel dans un château de la région avec son époux Charly (Angelo Zanolli), mais elle est soudain arrêtée par les autorités et condamnée à son tour à être brûlée pour sorcellerie.

Brusquement, dans une scène particulièrement comique (au douzième degré), surgit à cheval un Maciste en petite tenue, qui semble s’être trompé de film et d’époque et qui prend fait et cause pour les personnages sans qu’on comprenne d’où il sort ni pourquoi il est là. Certes, Maciste contre les monstres avait transporté notre Musclor en pleine préhistoire, et dès lors nous aurions dû nous attendre à d’autres anachronismes du même acabit. Mais il faut avouer que l’intervention de cet émule d’Hercule en plein 17ème siècle a un caractère mi-surréaliste mi-burlesque du plus curieux effet. Lorsque Maciste déracine l’arbre maudit et se retrouve en enfer, nous retrouvons les délires colorés chers aux péplums des années 60 : décors en carton et polystyrène, effets pyrotechniques divers ou encore apparitions féminines aux larges décolletés. Visiblement atterré par les capacités d’acteur très limitées de Kirk Morris, interprète du massif Maciste, Freda supprime en cours de tournage une grande partie de ses dialogues pour le muer en colosse quasiment muet.

Les grimaces de Kirk Morris

Entre deux grimaces, Kirk Morris affronte donc deux serpents, un colosse barbu, un vautour, et même un troupeau de vaches (!). La mythologie reprend alors quelque peu ses droits lorsque Maciste fait la rencontre de Sisyphe et Prométhée, condamnés à des châtiments perpétuels par des dieux peu commode. En soulevant la pierre que le premier transporte inlassablement sur une butte capricieuse et en tuant l’aigle qui dévore sans cesse le foie du premier, il se fait deux alliés précieux. Alors que Prométhée juge bon de relater les exploits précédents du valeureux Maciste, une série de flash-backs nous le montre lutter contre un cyclope, des Égyptiens et des Mongols (via des extraits puisés dans la filmographie précédente du personnage, en un habile montage où Kirk Morris, en gros plan, s’insère dans les plans mettant en scène ses prédécesseurs). S’écartant des excès de certains films précédents de la série, Riccardo Freda évite le recours aux monstres caoutchouteux qui avaient notamment plombé l’épisode de Guido Malatesta et choisit même une vaste caverne naturelle pour filmer sa vision des enfers. Notre justicier aux gros bras sauve enfin tout le monde puis repart dans son Antiquité natale, tel Lucky Luke regagnant ses pénates au soleil couchant. Les voies du péplum sont parfois impénétrables…

 

© Gilles Penso


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MA FEMME EST UNE SORCIÈRE (1942)

Une séduisante jeteuse de sorts originaire de Salem décide de mener la vie dure au descendant du juge qui la condamna jadis au bûcher…

I MARRIED A WITCH

 

1942 – USA

 

Réalisé par René Clair

 

Avec Frederic March, Veronica Lake, Robert Benchley, Susan Hayward, Cecil Kellaway, Elizabeth Patterson

 

THEMA SORCELLERIE ET MAGIE

Tout est parti du roman « The Passionate Witch » entamé par Thorne Smith et terminé par Norman H. Watson à cause du décès prématuré du premier écrivain. Cette petite pépite d’humour et de fantaisie séduit très tôt le cinéaste René Clair qui, après La Belle ensorceleuse, cherche une nouvelle comédie à mettre à son actif. La lecture du livre de Smith et Watson, que lui conseille son agent, le convainc d’en tirer une adaptation. Preston Sturges s’en voit proposer la production, pour le compte de Paramount Pictures. Reste à trouver un scénariste susceptible de transposer le texte à l’écran. À partir de là, la production va s’avérer quelque peu chaotique. Initialement embauché, Dalton Trumbo jette l’éponge à cause de mésententes artistiques avec Preston Sturges, qui lui-même quitte le navire en cours de route faute de pouvoir se mettre d’accord avec René Clair ! Ce sont finalement les auteurs Robert Pirosh et Marc Connelly qui sont seuls crédités pour le script final, Clair ayant lui-même beaucoup contribué à l’écriture des dialogues. Dès le prologue de son film, le réalisateur nous donne le ton : après l’exécution d’une sorcière dans un bois nocturne du XVIIème siècle en plein Salem, un juge d’aspect sévère et revêche annonce un second bûcher, mais propose d’abord un entracte, pendant lequel un vendeur à la criée propose des cacahuètes à l’assistance !

La suite est un rapide aperçu de trois siècles de déboires amoureux des descendants du juge, à cause de la malédiction que lui a lancée la sorcière, condamnant tous les hommes de sa lignée à épouser des femmes cruelles et des mégères. Le récit se met alors en place au début des années 40. Après le désistement de Joel McCrea (héros des Chasses du comte Zaroff), c’est Frederic March, mémorable savant tourmenté de Docteur Jekyll et Mister Hyde, qui incarne le dernier descendant actuel frappé par la malédiction. Il s’agit de Wallace Wooley, un politicien sur le point d’être élu gouverneur. La sorcière, qui fend les airs avec son père sous la forme d’une fumée blanche et chevauche même, sous cet aspect vaporeux, un manche à balais, prend les traits adorables de Veronika Lake. Ramenée à la vie après que la foudre ait frappé l’arbre où reposaient ses cendres, elle provoque une série de catastrophes le jour du mariage de Wooley qui tombe aussitôt amoureux d’elle et finit par l’épouser…

« Oh chéri je t’aime ! »

Gorgée de dialogues incisifs et savoureux, Ma femme est une sorcière agite bien souvent les zygomatiques des spectateurs, comme lorsque la cérémonie du mariage du futur gouverneur est inlassablement perturbée puis recommencée, irritant jusqu’au point de rupture une fiancée qui éprouve de plus en plus de difficultés à sourire à l’assistance. Cerise sur le gâteau : la chanteuse d’opérette engagée à l’occasion qui s’égosille sur un « Oh chéri je t’aime ! » de moins en moins adapté aux circonstances. Des moments drôles de cet acabit,  Ma femme est une sorcière en compte beaucoup, se positionnant comme l’un des mètres étalons du double genre comique et fantastique. L’as des effets visuels Gordon Jennings agrémente le film de quelques jolis trucages, comme les fumées volantes qui se réfugient dans des bouteilles, l’incendie du building des pèlerins ou encore l’envol de la voiture au-dessus de la ville nocturne. Le film de René Clair sera la source d’inspiration principale – et parfaitement assumée – de la série Ma sorcière bien aimée.

 

© Gilles Penso


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RENAISSANCES (2015)

Imaginez un monde dans lequel la médecine permet aux hommes vieux ou malades de quitter leur corps pour une enveloppe charnelle en meilleure santé…

SELF/LESS

2015 – USA

Réalisé par Tarsem Singh

Avec Ryan Reynolds, Natalie Martinez, Matthew Goode, Ben Kingsley, Victor Garber, Derek Luke

THEMA MEDECINE EN FOLIE

Tout semble avoir réussi au richissime homme d’affaire Damian Hale (Ben Kingsley), mais une maladie incurable le ronge et rien ne pourra empêcher la Grande Faucheuse de croiser sa route. Rien, sauf peut-être la société Phénix, dirigée par le professeur Albright (Matthew Goode), qui propose aux grandes fortunes une alternative à la mort : un transfert de l’esprit dans un corps de synthèse. Passées les premières réticences, Damian cède à la tentation et se retrouve bientôt dans une nouvelle enveloppe corporelle (Ryan Reynolds). Mais la jeunesse éternelle a un prix… Il ne faut pas chercher bien loin pour déceler dans le scénario d’Alex et David Pastor une allusion au mythe de Faust, Damian signant quasiment un pacte avec le Diable lorsqu’il choisit de tromper la mort. Mais Renaissances prend surtout les allures d’un remake d’Opération diabolique de John Frankenheimer, auquel il semble vouloir rendre un hommage manifeste. Au fil de cette intrigue à tiroirs, c’est la nature humaine qui est questionnée. Notre corps n’est-il qu’une coquille vide, qu’un « véhicule » biologique accueillant notre âme et notre intelligence ?

La science-fiction n’étant jamais aussi fascinante que lorsqu’elle interroge l’humain sur lui-même et sur sa place dans l’univers, le film de Tarsem Singh atteint pleinement ses objectifs tout en offrant au public un spectacle truffé de poursuites échevelées, de fusillades à répétition et de cascades à couper le souffle. En ce sens, Renaissances retrouve presque l’équilibre miraculeux de Volte/Face de John Woo qui, lui aussi, prenait la forme d’un thriller de SF mouvementé pour mieux décliner la thématique de la quête d’identité. Particulièrement inspiré, Tarsem fait entrer sa mise en scène en résonance avec le sujet de manière presque organique. La syncope de son montage lors des premiers pas du « nouveau » Damian, la bande originale d’Antonio Pinto qui parasite harmonieusement les envolées symphoniques avec des rythmiques électroniques, le recours régulier aux flash-forwards qui altèrent la chronologie de certaines séquences, toutes ces facéties visuelles et sonores dépassent allègrement le statut d’effets de style pour raconter via un langage purement cinématographique les tourments psychiques du héros de Renaissances

La mémoire du corps

Car plus le film avance, plus Damian comprend que sa « reprogrammation » n’est pas naturelle, et que des souvenirs étranges affleurent à sa mémoire. Le film n’aurait pas eu le même impact si les comédiens ne s’y étaient pas investis pleinement. A ce titre, il convient de saluer la performance de Ryan Reynolds, dont le jeu minimaliste et la retenue extrême se prêtent parfaitement au sujet. Quant à Ben Kingsley, impérial comme toujours, il n’occupe pas longtemps l’écran, mais sa présence est si forte qu’elle imprègne la totalité du métrage. A leurs côtés, les seconds rôles excellent, de l’ultra-charismatique Matthew Goode au touchant Victor Garber en passant par la fragile Natalie Martinez et l’inquiétant Derek Luke. Bref, Renaissances est une excellente surprise dont on regrettera simplement un titre français un peu passe-partout traduisant mal son originalité et son audace.

 

© Gilles Penso

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MON AMI JOE (1998)

Le studio Disney profite des perfectionnements de l’image de synthèse et de l’animatronique pour se lancer dans un remake de Monsieur Joe

MIGHTY JOE YOUNG

 

1998 – USA

 

Réalisé par Ron Underwood

 

Avec Charlize Theron, Bill Paxton, Rade Sherbedja, Peter Firth, David Paymer, Regina King, John Alexander

 

THEMA SINGES

C’est dans une certaine urgence que se prépare Mon ami Joe. Nous sommes alors en 1995 et le succès de Jurassic Park est encore dans tous les esprits. Désireux de profiter de ce nouvel engouement pour les grands monstres et des dernières évolutions en matière d’effets spéciaux numériques et animatroniques, Joe Roth et David Vogel, président de Disney Pictures, se mettent en quête d’un nouveau projet. Ils jettent rapidement leur dévolu sur Monsieur Joe, un sympathique film de gorille géant produit et réalisé en 1949 par une partie de l’équipe qui avait œuvré sur le King Kong original. Les scénaristes Mark Rosenthal et Lawrence Konner n’ont que quatre semaines pour en écrire un remake. Pendant ce temps, le spécialiste des grands singes Rick Baker (King Kong 1976, Greystoke, Gorilles dans la brume) et le superviseur des effets visuels Hoyt Yeatman (La Mouche, Abyss) sont chargés de développer les techniques capables de donner vie au héros simiesque du film. Le réalisateur Ron Underwood n’entre en piste que dans un second temps. Ses accointances avec le fantastique et avec la comédie (Tremors, Drôles de fantômes, La Vie l’amour les vaches) en font le candidat idéal. Finalement, suite à ses nombreuses réécritures et à ses contraintes techniques, Mon ami Joe ne sortira sur les écrans qu’en 1998.

Oubliée l’ambiance de western épique du premier Monsieur Joe, place à une approche plus réaliste, inspirée en partie par le personnage bien réel de Dian Fossey qu’incarnait Sigourney Weaver dans Gorilles dans la brume. Alors que la primatologue Ruth Young observe et étudie les gorilles des montagnes d’Afrique centrale, sa fille Jill sympathise avec un bébé singe qu’elle surnomme Joe. Mais de vils braconniers entrent en scène, tuant à la fois la mère de Jill et celle de Joe. Douze ans plus tard, la blonde héroïne a pris les traits de Charlize Theron et son ami gorille mesure désormais cinq mètres de haut. Si ces proportions incompréhensibles défient la science, les légendes locales évoquent un « gardien de la montagne » qui apparaîtrait toutes les cent générations pour défendre les siens contre les menaces extérieures. C’est flanquée de ce primate hors norme que Jill rencontre Gregg O’Hara (Bill Paxton), patron d’un refuge animalier qui leur propose tous deux de venir s’installer dans un parc californien…

Mon ami Ray

Mon ami Joe modernise donc le propos du film précédent ainsi que son approche visuelle, nous offrant par exemple une relecture de la fameuse scène des lassos avec une jeep enchaînée au gorille géant en fureur. Les effets visuels cohabitent sans heurts avec les costumes et marionnettes de Rick Baker, démontrant au passage que la simulation numérique de poils a fait du chemin depuis les singes de Jumanji« Notre Joe digital a été conçu en scannant une sculpture du singe créée par Rick Baker », nous explique Hoyt Yeatman. « Nous lui avons appliqué des poils grâce à un logiciel maison que nous avons baptisé Yéti. Les données numériques du personnage étaient tellement lourdes qu’il nous fallait en moyenne dix heures pour calculer une seule image de Joe ! » (1) Une surprise bien agréable, pour l’équipe du film, sera la visite de Ray Harryhausen, le gourou des effets spéciaux qui avait fait ses débuts en animant justement le gorille du premier Monsieur Joe. Harryhausen accepte même de faire un peu de figuration pour le film. Ainsi le voit-on apparaître au cours d’une scène de réception, échangeant un dialogue avec la comédienne Terry Moore, celle-ci n’étant autre que l’héroïne du Monsieur Joe original. Interrogé sur ce remake, Harryhausen reste mesuré. « C’est une approche très différente » dit-il prudemment. « Le scénario s’intéresse au thème de la préservation des espèces, alors que le film original possédait un style fantastique “plus grand que nature“ » (2). Pour notre part, nous aurions tendance à préférer cette version à son modèle qui, malgré son charme indiscutable, basculait dans le mélodrame un peu facile. Et comment ne pas se laisser transporter par la bande originale lyrique et exotique de James Horner ?

 

(1) Propos recueillis par votre serviteur en août 1998

(2) Propos recueillis par votre serviteur en février 2004

 

© Gilles Penso

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KING DONG (1984)

Cette parodie érotique des aventures de King Kong, garnie d’acteurs dévêtus et de dinosaures en stop-motion, est totalement tombée dans l’oubli…

KING DONG

 

1984 – USA

 

Réalisé par Yancey Hendrieth

 

Avec Crystal Holland, Chaz St. Peters, Dee Hendrieth, Felicia Fox, Mikhael, Ken Monti, Angel Dials, Duke Shywasher, Venus Hut, Diane Speaks

 

THEMA SINGES I DINOSAURES

La popularité vivace de King Kong depuis sa création en 1933 et son retour ultra-médiatisé sous le feu des projecteurs grâce au remake produit de Dino de Laurentiis auront autorisé toutes les imitations, toutes les variantes et tous les délires. Alors pourquoi pas une version olé olé avec des acteurs pas pudiques pour un sou et quelques créatures animées en stop-motion ? Totalement oubliée aujourd’hui, cette production au budget minuscule, filmée à Honolulu sous le titre Lost on Adventure Island, est l’œuvre de Yancey Hendrieth, un réalisateur sans complexe dont nous ne connaissons pas d’autre titre de gloire. Système D oblige, il est aussi scénariste, producteur et monteur de cet invraisemblable King Dong. Le titre s’amuse à détourner le mot « dong » qui, en argot, signifie « pénis ». Nous voilà donc prévenus : au programme, il y aura de la nudité et du rire. Le casting lui-même accumule des inconnus dont les prénoms imagés (Crystal, Chaz, Ange, Duke, Venus) trahissent l’emploi quasi-systématique de pseudonymes. Au vu du résultat, on ne s’étonne guère à l’idée que personne n’ait particulièrement envie de mentionner fièrement King Dong dans son CV.

Incarnée par Crystal Holland, l’héroïne se prénomme Anna. Elle a bientôt 20 ans mais sa mère divorcée (Dee Hendrieth) la traite encore comme une enfant et veut l’envoyer passer ses vacances dans un camp au fin fond du Montana. En pleine révolte, notre jeune adulte décide plutôt de partir en yacht vers le Pacifique-Sud en compagnie de trois de ses amis, Alex (Chaz St. Peters), Danny (Mikhael) et Diane (Felicia Fox). Victimes d’un naufrage, Anna et Alex s’échouent sur une île sauvage où ils sont attaqués par un plésiosaure qui n’est pas sans nous rappeler les créatures de The Crater Lake Monster et Quand les dinosaures dominaient le monde. La figurine utilisée pour cette séquence est relativement réussie et son animation plutôt efficace, des rétroprojections permettant de mêler les deux acteurs avec le monstre marin qui avance en glissant sur ses nageoires. Ce n’est pas du grand art, certes, mais l’on devine le travail d’amateurs des films de Ray Harryhausen qui font de leur mieux avec les moyens dont ils disposent.

Le poil de la bête

Bien sûr, le clou du spectacle est le gorille géant, que les personnages baptisent « Super Simian ». Animé lui aussi image par image, il s’agit d’une créature femelle qui cherche à récupérer son fiston (autrement dit un acteur dans un costume de singe), fait des grimaces face à la caméra (ses sourcils se froncent, ses lèves se retroussent) et capture Alex grâce à une main géante absolument pas crédible. Un tyrannosaure pointe aussi le bout de son nez, animé avec un peu moins de finesse et desservi par des bruitages ridicules, malgré une belle figurine qui s’inspire de celle du premier King Kong tout en évoquant le T-rex de La Planète des dinosaures. Le scénario nous explique vaguement qu’Alex est chargé de repeupler le village local (cinq figurants vaguement costumés) en s’accouplant avec les femmes indigènes, afin de respecter le quota « fesses à l’air » voulu par le film. Ce qui surprend finalement le plus, dans King Dong, c’est le décalage presque abyssal entre le soin apporté aux séquences en stop-motion et la piètre qualité du reste du métrage (scénario, jeu d’acteurs, prises de vues). Absent de toutes les encyclopédies du cinéma, King Dong est donc une curiosité facultative dont la bande originale est un collage de morceaux classiques empruntés principalement à Gustav Holst.

 

© Gilles Penso

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