LADYHAWKE (1985)

Un conte envoûtant porté par la grâce de ses deux têtes d'affiche et mené de main de maître par Richard Donner

LADYHAWKE

1985 – USA

Réalisé par Richard Donner

Avec Rutger Hauer, Michelle Pfeiffer, Matthew Broderick, Alfred Molina, John Wood, Leo McKern, Ken Hutchison

THEMA CONTES I SORCELLERIE ET MAGIE I MAMMIFERES

Avant de devenir le grand spécialiste du cinéma d’action des années 80 et 90, grâce à L’Arme fatale et ses séquelles, Richard Donner avait prouvé un bel éclectisme dans le domaine du cinéma fantastique, nous offrant tour à tour un excellent exercice d’épouvante diabolique (La Malédiction), le meilleur film de super-héros de son époque (Superman) et ce magnifique conte médiéval. Contrairement à ce que clamait la campagne publicitaire de l’époque, l’extraordinaire scénario de Ladyhawke n’est pas inspiré d’une vraie légende du moyen âge mais sort tout droit de l’imagination du scénariste Edward Khmara. Dans un rôle prévu à l’origine pour Dustin Hoffmann, Matthew Broderick (porté aux nues par le succès de War Games) incarne Philippe Gaston, alias « la souris », un jeune voleur condamné à la pendaison qui parvient à s’évader de sa prison par les égouts. Alors que les hommes du redoutable Marquet (Ken Hutchison) sont sur le point de le rattraper, il est sauvé par un énigmatique chevalier en noir qui répond au nom d’Etienne Navarre. Après que Sean Connery et Kurt Russell aient été tour à tour envisagés, c’est l’impérial Rutger Hauer, inoubliable dans La Chair et le sang et  Blade Runner, qui prête son charisme à ce personnage taciturne, accompagné d’un faucon apprivoisé. 

Lorsque vient la nuit, Philippe Gaston constate que Navarre et l’oiseau ont disparu pour laisser place à un loup paisible et à une belle demoiselle du nom d’Isabeau d’Anjou (Michelle Pfeiffer, que le grand public avait pu découvrir dans Scarface). « Etes-vous chair ou êtes-vous esprit ? » s’enquiert Philippe auprès de la jeune femme, qui lui rétorque : « je suis chagrin ». Au matin, celle-ci semble s’être évaporée, ainsi que le loup, et Navarre est de retour en compagnie de son faucon. Décontenancé, Philippe apprend l’explication de ce prodige par un vieil ermite, le père Imperius (Leo McKern). Jadis capitaine de la garde d’Aquila, Navarre était amoureux de la belle Isabeau, ce qui déclencha la jalousie du sinistre évêque d’Aquila (John Wood). Furieux, ce dernier leur lança un terrible sort, condamnant Navarre à se transformer en loup la nuit et Isabeau en faucon le jour. Les deux amants ne peuvent donc plus se côtoyer sous leur forme humaine. Touché par leur destin, Philippe décide de s’associer à Imperius pour les aider à briser la malédiction…

« Je suis chagrin… »

La magie de ce scénario inventif, la grâce des comédiens et le savoir-faire indéniable de Richard Donner ont tôt fait de muer Ladyhawke en véritable chef d’œuvre du genre. Signalons tout de même une ombre à ce tableau idyllique : la bande originale d’Alan Parsons. Curieux mélange d’orchestre symphonique et de pop rock, à mi-chemin entre John Miles et le Rondo Veneziano, cette musique anachronique brise hélas l’atemporalité du film en l’inscrivant pesamment dans les années 80. Cette réserve mise à part, le film de Donner est une réussite totale. Epique, drôle, émouvant, paré de beaux décors extérieurs captés en Italie et éclairés par Vittorio Storraro, Ladyhawke n’eut pourtant pas l’accueil triomphal qu’il méritait lors de sa sortie sur les écrans. Ce n’est qu’avec la patine du temps qu’il accéda enfin au statut de classique du genre.

 

© Gilles Penso

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CHROMOSOME 3 (1979)

Derrière ce titre français énigmatique se cache une œuvre déviante de David Cronenberg dans laquelle, une fois de plus, les émotions fortes prennent corps et chair

THE BROOD

1979 – CANADA

Réalisé par David Cronenberg

Avec Oliver Reed, Samantha Eggar, Art Hindle, Nuala Fitzgerald, Henry Beckham, Susan Hogan

THEMA MEDECINE EN FOLIE I ENFANTS

Il y a bien longtemps, dans une galaxie très lointaine, David Cronenberg, metteur en scène actuellement adoubé par l’intelligentsia cinéphile, réalisait d’obscures séries B gore et déviantes, ne vous en déplaise. Chromosome 3, dont on préférera le titre original, qu’on peut traduire littéralement par « la couvée », est de cette race de films tétanisants qui vous hantent à vie. La « Cronenberg touch », savant mélange entre des postulats scientifiques crédibles et des métaphores horrifiques troublantes, y fonctionne à plein régime. Le sujet est passionnant : un psychiatre (Oliver Reed, solide) applique une méthode révolutionnaire pour soigner ses patients, les poussant à extérioriser et exorciser physiquement leurs traumatismes les plus profonds au cours d’éprouvantes thérapies. Mais les effets secondaires provoqués chez Nola Carveth (dérangeante Samantha Eggar) vont le dépasser complètement… Impossible d’en dire plus sans déflorer une intrigue à tiroirs absolument inédite et terrifiante. Cette matérialisation de la colère peut certes vaguement rappeler le formidable Planète interdite de Fred McLeod Wilcox, mais Cronenberg, animé par une rage toute personnelle (à l’époque en plein divorce, il fut contraint d’arracher sa fille des griffes d’une secte antipsychiatrique qui avait déjà embrigadé sa femme), défie ici toute concurrence en explosant les limites de l’horreur psychologique.

Le spectateur assiste, hypnotisé par le rythme lancinant et l’atmosphère dépressive, à un crescendo de séquences graphiquement traumatisantes (la scène de la cuisine, le meurtre à l’école, les enfants marchant sur la route enneigée) menant à un final totalement autre, gorgé d’images fantasmagoriques que ne renierait pas un Jodorowsky. Le tout emmené brillamment par la stridente musique d’un Howard Shore ayant retenu les leçons anxiogènes du Herrmann de Psychose… Mais là ou un tâcheron aurait simplement cédé à une déferlante gratuite de plans sanglants, Cronenberg réalise le tour de force de lier intimement la violence la plus crasse à l’analyse psychique la plus subtile. Chaque événement dramatique, chaque sentiment exacerbé induit immédiatement une cause physique, et un rebondissement scénaristique.

Jusqu'au-boutiste et autobiographique

L’aspect émotionnel n’est pas en reste (touchante tristesse du père de Nola apprenant la mort de sa femme), l’hypocentre de l’histoire étant le déchirement d’une famille et les traumatismes de l’enfance se transmettant d’une génération à une autre. Tout manichéisme est également exclus, chaque protagoniste demeurant trouble bien qu’animé d’intentions compréhensibles : le docteur Raglan cherche à faire avancer la science, mais au détriment de la morale la plus élémentaire, Nola se comporte en protectrice avec sa fille mais reproduit les erreurs de sa propre mère, Franck Carveth, l’ex-mari et « héros », est plutôt antipathique et ne pense qu’à son enfant, rejetant sans compassion aucune les problèmes mentaux de sa femme. Chromosome 3 s’impose donc comme le film le plus jusqu’au-boutiste et autobiographique de son réalisateur, qui n’aura de cesse par la suite de se renouveler, tout en creusant un sillon passionnant et identifiable entre tous.

 

© Julien Cassarino 

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INCIDENTS DE PARCOURS (1988)

Une dangereuse relation fusionnelle s'établit entre un sportif cloué sur un fauteuil roulant et un singe extrêmement intelligent

MONKEY SHINES

1988 – USA

Réalisé par Georga A. Romero

Avec Jason Beghe, Kate MacNeil, John Pankow, Joyce Van Patten, Christine Forrest, Stephen Root, Stanley Tucci

THEMA SINGES

Incidents de parcours raconte l’histoire d’Allan, sportif respecté qui, suite à un accident, devient tétraplégique et se voit offrir un petit capucin femelle, Ella, dressé pour aider les handicapés. Quand il s’agit de réfléchir sur l’Homme, Ridley Scott a son alien, James Cameron, son cyborg et George A. Romero, son zombie, qui prend ici la forme d’un singe. En cela, Incidents de parcours s’inscrit à la fois dans la tradition du film de science-fiction par cette figure de l’Autre, sorte de miroir extrême de l’humanité et dans le fantastique pur, notamment en ce qui concerne le lien télépathique qui se développe entre Allan et Ella. Outre son sujet, le film est fascinant par l’efficacité de sa mise en scène, très lisible : accident et opération ont lieu pendant le générique, posant immédiatement les personnages et leur contexte. Dans la foulée, l’esthétique du laboratoire, tout de rouge et de vert vêtu, rappelle les classiques de la Hammer (d’autant plus quand le savant fou transporte d’un pas décidé une boîte cylindrique en métal étiquetée « Live Human Tissue ») et indique que l’expérience va mal tourner.

La séquence évolutive où Ella est présentée se charge de poser les enjeux scénaristiques : Ella est plus intelligente que le seraient ses congénères puisqu’elle est boostée au cerveau humain. Elle s’attache très rapidement à Allan, qui la laisse prendre beaucoup de libertés. Une relation unique se crée entre eux et l’amour provoque chez la femelle singe le besoin de marquer son territoire et ainsi, des accès d’agressivité envers les femmes qui entourent Allan. Elle ira jusqu’à tuer pour lui, lisant ses pulsions sans qu’il ne puisse rien contrôler.

L'homme et l'animal se complètent… puis s'affrontent

Incidents de parcours fonctionne, tant par sa structure que par la caractérisation de ses personnages, sur un mode binaire : la première partie du film montre un sportif dont le corps très entretenu est brisé (le culte du corps étant un thème très ancré dans les années 80), perdant son indépendance et son statut d’Homme, en opposition à une femelle singe dépassant sa condition animale par une intelligence hors norme. Nous nous situons alors à un carrefour : l’animal et l’être humain dit « civilisé » se complètent et forment un tout pour ensuite s’affronter. S’affronter par le biais de deux personnages représentant simplement les deux composants intrinsèquement humains que sont la conscience et l’instinct animal, rarement en paix. La seconde partie est dédiée à cette lutte. Ella est, sans conteste, un double : elle est d’abord les jambes d’Allan (sorte d’Avatar avant l’heure) mais elle veut aussi être son cerveau. Là s’explique alors le titre original Monkey Shines (le singe va briller, avoir sa volonté propre et prendre le pouvoir), bien plus légitime que la récupération française, pour le moins simpliste. Pendant 1h45, Romero ne relâche ni le rythme, ni la tension et nous mène jusqu’à un final où l’on ne sait plus différencier l’homme de l’animal. Un volet noir se referme sur le dernier plan pour faire place au générique, comme s’il enfermait ses personnages. Le happy end sonne faux et achève le tableau : l’être humain, à nouveau, nous a déçu.

 

© Caroline Mrowicki

 

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L’AVENTURE INTERIEURE (1987)

Le film le plus distrayant et le plus abouti de Joe Dante est une relecture débridée du classique Le Voyage fantastique

INNER SPACE

1987 – USA

Réalisé par Joe Dante

Avec Dennis Quaid, Martin Short, Meg Ryan, Kevin McCarthy, Fiona Lewis, Vernon Wells, Robert Picardo, Wendy Schaal

THEMA NAINS ET GEANTS

Difficile de revenir sur une réussite aussi éclatante que L’Aventure intérieure sans évoquer la folle alchimie de sa confection, donnant tout son sens à l’expression « association de talents ». Steven Spielberg producteur en premier lieu, laisse les coudées franches une fois de plus à son protégé prodige Joe Dante, forts du succès historique de leur acide Gremlins. Les deux comparses, partageant un goût prononcé du spectacle total, poussent ici le cinéma de divertissement à son paroxysme, et donc au-delà de ses limites imposées, élargissant de façon jouissive le champ des possibles. Le scénario de Jeffrey Boam et Chip Proser, subtil démarquage du fameux Voyage fantastique de Richard Fleischer, permet à Dante d’inverser totalement les schémas classiques, en injectant « Dean Martin dans le corps de Jerry Lewis ». En l’occurrence, le beau gosse charismatique Dennis Quaid (Tuck Pendleton) qui se retrouve miniaturisé, prisonnier du corps du névrosé Martin Short (Jack Putter), échappé du séminal Saturday Night Live. Dès la première scène du film, la couleur est annoncée : méfiez-vous des apparences.

Le mystérieux générique (rythmé par la splendide musique de Jerry Goldsmith qui livre ici l’une de ses meilleures partitions) nous montre des formes étranges qui, se dessinant progressivement, s’avèrent être les glaçons d’un verre de whisky filmés en macro. La séquence d’ouverture commence alors comme une flamboyante cérémonie militaire à la Top Gun, célébrant un courage très américain… Pour mieux se terminer en pirouette irrévérencieuse avec un Dennis Quaid complètement ivre qui fout tout en l’air dans la bonne humeur, tel un gremlin incontrôlable. La note d’intention est claire : le personnage de Pendleton, c’est Dante, fauteur de troubles malicieux, tête brûlée qui n’accepte pas les règles d’un système hollywoodien trop balisé et ne peut s’empêcher de ruer dans les brancards. Mais le réalisateur est aussi un fan de cartoons doublé d’un grand timide, ce qui le lie étroitement à Jack Putter, héros malgré lui. Faisant confiance aux effets spéciaux magnifiques de l’équipe de Dennis Muren (qui récoltera un Oscar), à la photo classieuse d’Andrew Laszlo et à ses seconds rôles fétiches (Dick Miller, Wendy Schaal, Robert Picardo, Kathleen Freeman), le réalisateur maverick se lance à corps perdu dans l’aventure avec une générosité incroyable.

La divine générosité du duo Spielberg/Dante

Et cette divine générosité, chez le duo Spielberg/Dante, s’accompagne d’un vrai désir de flatter l’intelligence et les sens du spectateur en variant les plaisirs à foison. Dans un joyeux désordre : références à Chuck Jones, évidemment (qui se fend d’un caméo), au cinéma parano des 60’s (impayable Kevin McCarthy), gags visuels percutants et punchlines imparables en cascade, méchants de BD hauts en couleurs (Vernon Wells en tueur multi-fonctions, idée de Spielberg pour le premier Indiana Jones ; Robert Picardo en cowboy musulman halluciné), courses poursuites endiablées, combat à l’intérieur d’un corps humain (grand moment de pure SF), folie cartoonesque débridée (les méchants réduits à l’état de lilliputiens, Jack Putter prenant les traits du cowboy en passant par de multiples visages absurdo-horrifiques), amitié virile et romance. Tout est pensé pour aller à l’essentiel, exploiter chaque possibilité du sujet, faire évoluer les enjeux dramatiques à rythme soutenu, et surtout… divertir, dans le sens le plus noble du terme. Et le but est plus qu’atteint. Le film ne trouvera étonnamment pas son public malgré d’excellentes critiques (trop hybride ?), et ne deviendra culte qu’en vidéo, préfigurant le suicide commercial couillu de Gremlins 2. Une œuvre à redécouvrir d’urgence pour mieux mesurer le cynisme calculateur des années 2000, avant qu’un énième et sage remake ne vienne pervertir sa folie salvatrice…

© Julien Cassarino 

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L’HOMME QUI RETRECIT (1957)

Cette adaptation magistrale d'un roman de Richard Matheson raconte une inexorable miniaturisation qui se mue peu à peu en voyage initiatique

THE INCREDIBLE SHRINKING MAN

1957 – USA

Réalisé par Jack Arnold

Avec Grant Williams, Randy Stuart, April Kent, Paul Langton, Raymond Bailey, William Schallert

THEMA NAINS ET GEANTS I ARAIGNEES I MAMMIFERES

Jack Arnold est l’un des artisans majeurs de la science-fiction des années 50, et la qualité de ses films de genre est allée crescendo. Après les extra-terrestres du Météore de la nuit (1953), le monstre aquatique de L’Etrange créature du lac noir (1954) et l’effrayante araignée géante de Tarantula (1955), L’Homme qui rétrécit aura été le point culminant de sa carrière. Le scénario, écrit par Richard Matheson d’après un roman qu’il publia l’année précédente, repose sur une idée toute simple qui n’aurait pas détonné dans un épisode de La Quatrième dimension, ce qui ne surprend guère lorsqu’on sait que Matheson fut l’un des collaborateurs réguliers de la série culte de Rod Serling. Tout commence sur un yacht, lorsque Scott Carey (Grant Williams), en vacances avec sa femme Louise (Randy Stuart), traverse un nuage étrange. A son retour, il constate que sa taille diminue et consulte de grands savants. L’un deux arrête pour quelque temps cette décroissance. Soigné avec dévouement par Louise, il trouve une consolation passagère auprès d’une charmante naine, Clarice (April Kent). Mais sa taille recommence bientôt à diminuer. Réfugié provisoirement dans une maison de poupées, il est attaqué par le chat de la maison et tombe dans la cave. Là, il lutte contre une araignée, puis passe à travers une plaque d’aération et se retrouve enfin libre. Mais que va-t-il devenir désormais ?

Le postulat peut sembler rudimentaire, mais le soin que Richard Matheson et Jack Arnold ont mis à accentuer le drame humain plutôt que le fantastique fait toute la force du film. Comme dans bien des récits de Matheson, le spectateur en vient à se poser la question cruciale : « Et si ça m’arrivait ? » Arnold, pour sa part, a accru davantage l’identification du spectateur à son héros en focalisant toute l’action sur lui, évitant toute intrigue secondaire et parallèle. La scène de suspense dans laquelle Louise et son frère se rendent dans la cave pour réparer une fuite d’eau, ignorant que le minuscule Scott les appelle en vain pour qu’ils viennent le chercher, fait atteindre au spectateur les sommets de son implication.

Combat contre un chat et une araignée

Les premières étapes de la métamorphose sont servies par des images simples mais extrêmement efficaces : les radios du crâne de Scott, de plus en plus petites, ou le malheureux protagoniste assis dans un fauteuil soudain trop grand pour lui. Puis les magnifiques effets visuels de Clifford Stine (Les Survivants de l’infiniTremblement de terre) prennent le relais : décors surdimensionnés, incrustations, perspectives forcées, le tout réalisé avec un effarant réalisme, tant et si bien que tous les trucages se font rapidement oublier. Les scènes les plus mémorables du film sont les affrontements du héros avec le chat et l’araignée, une tarentule géante un peu irréaliste (même minuscule, qu’est-ce qu’une tarentule viendrait faire dans la cave ?) mais réellement terrifiante, qui semble faire écho à celle de Tarantula. Comme dans le roman, le dénouement du film est on ne peut plus ouvert, jouant sur les lois de la relativité et offrant au spectateur le soin d’imaginer la suite de l’incroyable destin de Scott Carey.

 

© Gilles Penso

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L’EMPRISE (1981)

La terrifiante histoire d'une femme agressée régulièrement par une entité invisible et fantomatique

THE ENTITY

1981 – USA

Réalisé par Sidney J. Furie

Avec Barbara Hershey, Ron Silver, David Labiosa, George Coe, Jacqueline Brookes

THEMA FANTÔMES

A l’origine de L’Emprise, il y a un fait divers réel survenu à Los Angeles en octobre 1976, et considéré selon les experts comme « l’un des plus extraordinaires cas dans l’histoire de la parapsychologie », dixit le générique du film qui adapte lui-même un roman de Frank de Felita. Campée par la magnifique Barbara Herschey, Carla Moran est une jeune femme de 32 ans, mère célibataire d’un grand garçon, Bill, et de deux petites filles, Julie et Kim. Un soir, elle est agressée dans sa chambre par une créature invisible qui la frappe, l’étouffe et la viole sauvagement. Personne ne croit à son histoire, que l’on attribue à un cauchemar, mais lorsque l’entité prend en plein jour le contrôle de son véhicule, manquant de la tuer, elle décide d’aller voir un psychiatre de l’hôpital, le docteur Sneiderman (Ron Silver). En creusant la question, ce dernier développe une théorie liée aux peurs subconscientes de Carla. « Certaines phases de notre vie ne meurent jamais tout à fait, et elles nous affectent pendant toute notre vie », lui déclare-t-il. « Elles se manifestent quelques fois avec un esprit de vengeance. Elles peuvent créer des illusions, des angoisses et des hallucinations. » Persuadé que le tabou développé autour du sexe dans l’enfance de la jeune femme est à l’origine de ce visiteur imaginaire, il invoque le complexe d’Œdipe, affirmant : « votre créature est un symbole ».

Mais les attaques suivantes excluent peu à peu la thèse psychanalytique. Il y a d’abord ce viol dans la salle de bains, puis cette agression devant les enfants de Carla accompagnée d’éclairs électriques, et enfin cette scène incroyable où le corps dénudé de la jeune femme est malaxé par des doigts invisibles. Le trucage, hallucinant, utilise un corps factice conçu par Stan Winston et James Kagel, et la séquence est d’autant plus troublante que Carla connaît un orgasme. Celle-ci finit par faire appel à une équipe de parapsychologues, qui tente une expérience de la dernière chance : reconstituer la maison de Carla dans un gymnase de l’université et tenter de congeler la créature avec de l’hélium liquide, afin de prouver qu’elle a une masse et qu’elle n’est pas une simple projection psychique.

La prestation de Barbara Hershey

La force d’un tel sujet trouve un précieux écho dans l’interprétation extraordinaire de ses comédiens (Barbara Hershey remporta en 1982 le prix d’interprétation du Festival d’Avoriaz) et par la mise en scène très inspirée de Sidney J. Furie. Ce dernier crée un climat de malaise dès les premières minutes du film, jouant en maître avec ses cadrages, ses éclairages, ses angles de prise de vue, sa bande son et son montage. Refusant les effets chocs et les ellipses tentantes, il étire ses séquences, prolonge des plans apparemment anodins et construit de véritables morceaux d’anthologie en matière d’épouvante. La musique de Charles Bernstein, bien qu’un peu datée, concourt aussi à entretenir cette atmosphère oppressante qui ne quitte le spectateur que longtemps après la projection. Pas vraiment reconnu à sa juste valeur, L’Emprise a pourtant toutes les qualités d’un classique du genre, à mi-chemin entre L’Exorciste et Poltergeist avec lesquels il présente de nombreuses similitudes.

 

© Gilles Penso

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LE CONTINENT PERDU (1951)

Une expédition part retrouver la trace d'une fusée atomique échouée dans une forêt inconnue où vivent encore des dinosaures

THE LOST CONTINENT

1951 – USA

Réalisé par Samuel Newfield

Avec César Romero, John Hoyt, Hugh Beaumont, Whit Bissell, Hillary Brooke, Acquanetta, Chick Chandler, Sid Melton

THEMA DINOSAURES

Très influencé par Le Monde perdu, comme son titre le laisse entendre, le Continent perdu bénéficia en 1951 d’une campagne de promotion essentiellement axée sur ses séquences de dinosaures. Or celles-ci ne durent qu’une poignée de minutes, perdues au beau milieu d’une heure et demie d’actions pas franchement palpitantes. Dès le départ, nous pénétrons dans un QG top secret de l’armée, où tous les yeux se tournent vers une fusée atomique sur le point de décoller. Celle-ci s’élève dans les airs avec grâce (via des stock-shots empruntés à Rocketship X-M) et la mission se déroule sans encombre… jusqu’à ce que la fusée ne dévie inopinément de sa trajectoire pour aller s’écraser sur un plateau inconnu des mers du sud. L’incident est de taille, car l’engin contient un équipement ultra-secret, et en ces temps paranoïaques de guerre froide, il ne s’agirait pas qu’elle tombe entre de mauvaises mains. Une expédition aérienne est donc mise sur pied pour récupérer la fusée. Elle est menée par le major Joe Nolan (César Romero) et le lieutenant Danny Wilson (Chick Chandler), deux officiers charismatiques et tombeurs de ces dames. A leurs côtés se trouvent trois scientifiques aguerris (John Hoyt, Hugh Beaumont et Whit Bissell) ainsi que le jovial sergent Willie Tatlow (Sid Melton) assurant le rôle du faire-valoir comique.

Bientôt, l’avion se crashe au milieu de la jungle, et nos six hommes découvrent un village abandonné. Là, les autochtones se limitent à une belle indigène (interprétée par Acquanetta) et à son jeune frère (le film n’ayant visiblement pas prévu de ligne budgétaire pour les figurants). Etant donné que la fusée s’est écrasée sur une montagne sacrée, de laquelle personne n’est jamais revenu vivant, la petite expédition ne tarde pas à s’équiper pour une séance d’alpinisme. Dès lors, le film nous assène vingt bonnes minutes d’escalade laborieuse à flanc de rocher en carton-pâte, la caméra s’attardant plus que de raison sur chaque comédien pendant l’ascension, et le rythme s’alourdissant jusqu’à l’assoupissement du plus vaillant des spectateurs. Une fois enfin arrivés au sommet, nos hommes découvrent une jungle luxuriante habitée par une poignée de dinosaures maladroitement animés image par image par Augie Lohman.

Une faune préhistorique en stop-motion

Un brontosaure qui barrit comme un éléphant joue là un remake de King Kong, attaquant l’un des hommes réfugié dans un arbre, tandis que deux tricératops s’engagent dans une lutte à mort calquée sur les pugilats antédiluviens du Monde perdu. Ces brèves séquences souffrent de figurines plutôt grossières et de mouvements rigides et saccadés, mais elles ne manquent guère de charme, et constituent une véritable oasis au sein d’une aventure guère palpitante où les protagonistes passent leur temps à marcher, escalader, bavarder ou fumer cigarette sur cigarette. Le film compte aussi la brève apparition d’un ptérodactyle et d’un lézard géant. Malgré son manque d’intérêt, Le Continent perdu reçut un accueil honorable, les producteurs envisageant même un temps de lui adjoindre plusieurs séquelles mettant à nouveau en vedette César Romero et Chick Chandler.

© Gilles Penso

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LA MONTAGNE MYSTÉRIEUSE (1956)

Un dinosaure maladroitement animé en stop-motion sème la panique en plein décor de western

THE BEAST OF HOLLOW MOUNTAIN

1956 – USA / MEXIQUE

Réalisé par Edward Nassour, Ismael Rodriguez

Avec Guy Madison, Patricia Medina, Eduardo Noriega, Carlos Rivas, Mario Navarro, Pascual Garcia Pena, Julio Villareal

THEMA DINOSAURES

La Montagne mystérieuse est l’une des expériences les plus douloureuses de la carrière de Willis O’Brien, maître d’œuvre des effets spéciaux de King Kong, car le projet lui a carrément été volé par deux producteurs bien peu scrupuleux nommés Edward et William Nassour. Son histoire initiale, qu’il rêvait de mettre en image lui-même, a subi maints outrages sous les plumes respectives de Robert Hill, Ismael Rodriguez, Carlos Orellana et Jack De Witt. Le récit se déroule au fin fond de la campagne mexicaine où s’élève une montagne sinistre dont on dit qu’elle est creuse. L’intérieur n’a jamais été exploré car à son pied s’étend un marécage infranchissable. La légende dit aussi qu’un animal étrange, datant de l’aube de la création, habite cet endroit. Or on rapporte des disparitions inexpliquées de bétail et d’hommes. Jimmy Ryan et Felipe Sanchez découvrent un jour un bœuf enlisé dans la vase. Ryan, guère superstitieux, porte ses soupçons sur Enrique Rios, un riche voisin qui lui fait concurrence dans le commerce du bétail…

Les fans d’effets spéciaux et d’animation ont intérêt à être patients lorsqu’ils visionnent La Montagne mystérieuse, car la bête du titre ne montre le bout de son museau qu’après une heure de film, au moment où le spectateur est plus ou moins sur le point de s’endormir. La figurine est sans doute l’une des créations les moins inspirées du sculpteur Marcel Delgado (créateur des gorilles et des dinosaures de King Kong tout de même), et elle est animée très approximativement par Jack Rabin et Louis DeWitt. La bête semble ne bouger que toutes les trois ou quatre images et se retrouve en outre dotée d’attitudes trop souvent humanoïdes pour convaincre. Le monstre est malgré tout la vedette d’une séquence finale assez distrayante dans laquelle il s’attaque aux héros (maladroitement rétro-projetés), dévore une vache (animée image par image), s’empare d’un cow-boy dans une grotte (animé lui aussi) et finit englouti dans un marécage.

Un allosaure contre des cowboys

Pour quelques inserts, les pattes du dinosaure sont des bottes en latex absolument pas convaincantes et ses griffes des répliques grandeur nature à peine plus efficaces. Finalement, les images les plus intéressantes du monstre sont les plans larges filmés dans des décors miniatures complets, notamment lorsqu’il assaille la cabane où sont réfugiés l’héroïne et le petit garçon. On se prend à rêver aux images fabuleuses qu’aurait pu nous offrir Willis O’Brien. Mine de rien, ce film marque tout de même une double première : le mélange surréaliste du film de dinosaure avec le western (qui allait être repris avec beaucoup de talent dans La Vallée de Gwangi douze ans plus tard), et l’utilisation combinée de l’animation image par image et de la rétro-projection en format Cinemascope, ce qui vaut au film le label technique fantaisiste de « Regiscope ». Dix ans plus tard, des extraits de La Montagne mystérieuse seront réutilisés dans la série télévisée It’s About Time.

© Gilles Penso

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LE ROI DES DINOSAURES (1955)

Pour son premier film, le spécialiste des monstres géants Bert I. Gordon met en scène un dinosaure régnant sur une planète qu'explorent des astronautes

KING DINOSAUR

1955 – USA

Réalisé par Bert I. Gordon

Avec Bill Bryant, Wanda Curtis, Douglas Henderson, Patricia Gallagher, Marvin Miller

THEMA DINOSAURES

Passionné de monstres géants en tout genres, Bert I. Gordon marque ses goûts pour le gigantisme dès son premier long-métrage, King Dinosaur, qui marche sur les traces du Monde perdu et de King Kong tout en sacrifiant aux goûts science-fictionnels de ce milieu des années 50, le tout avec un budget des plus anémiques. Il faut dire que le producteur de l’aventure, Al Zimbalist, n’est pas du genre dépensier, l’une de ses œuvres phares étant le redoutable Robot Monster. Le tournage de King Dinosaur n’excéda donc pas la durée d’un week-end, ce qui est déjà un petit exploit en soi. Tout commence par un bon quart d’heure de stock-shots scientifiques et militaires, commentés par la voix off sentencieuse de Marvin Miller nous apprenant qu’une nouvelle planète, baptisée Nova, s’insinue dans notre système solaire. Aussitôt, les autorités dépêchent une expédition afin de l’explorer. Quatre scientifiques – deux hommes et deux femmes – débarquent donc sur l’astre. Les comédiens sont tellement peu crédibles en savants et en astronautes qu’on n’essaie même pas d’y croire, d’autant que l’intrigue se concentre dès lors sur des relations amoureuses troublées et bardées de clichés.

Il se trouve que l’air de la planète est tout à fait respirable, comme par hasard, et l’aventure prend dès lors les allures d’un Tarzan un peu fantaisiste, tourné en réalité dans une poignée de canyons californiens. Tout y est : les vautours, le lémurien (qui pousse des cris de chimpanzé !), le serpent (qui rugit comme un fauve !!), et même le combat entre un homme et un crocodile (empaillé) censé l’agresser sauvagement. Un matin, notre petite expédition se retrouve nez à nez avec une guêpe géante, incrustée dans le décor via un trucage extrêmement maladroit. Mais le délire ne bat vraiment son plein que lorsque nos quatre explorateurs se rendent sur une île trônant au beau milieu d’un lac. Là, ils rencontrent le fameux « King Dinosaur », c’est-à-dire un iguane affublé d’une corne en plastique, que l’un des scientifiques prend en photo et identifie sans rire comme étant un Tyrannosaurus Rex… Le reptile se met alors à affronter un crocodile géant, en un combat repris quasiment plan par plan à Tumak fils de la Jungle.

Dinosaures improbables

Les monstres et les acteurs sont rarement vus dans les mêmes plans, mais lorsqu’ils le sont, les rétro-projections qui donnent l’impression du gigantisme des deux sauriens sont plutôt réussies. Et Bert I. Gordon a au moins le mérite d’avoir tourné son propre combat de dinosaures au lieu d’emprunter sans vergogne les plans du film de Hal Roach, comme le firent moult séries B fauchées. Après avoir vaincu le crocodile, ce bon vieux King Dinosaur s’en prend ensuite à un lézard géant, ce qui permet à nos héros de s’enfuir. Ils croisent alors furtivement d’autres étranges bestioles, comme un éléphant déguisé en mammouth, un tatou géant figurant probablement un quelconque dinosaure cuirassé, et même un troupeau de buffles. Alors, probablement lassés par cette faune un peu farfelue, nos héros placent une bombe atomique sur l’île et la font sauter en un gigantesque champignon (des stock-shots, toujours) qui clôt le film sur une note abrupte qui en laissera plus d’un perplexe.

 

© Gilles Penso 

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PIRATES DES CARAÏBES : LA FONTAINE DE JOUVENCE (2011)

Un quatrième épisode qui se passe des services de Gore Verbinski et fait appel à Penelope Cruz pour pimenter un peu les aventures de Jack Sparrow

PIRATES OF THE CARIBBEAN – ON STRANGER TIDES

2011 – USA

Réalisé par Rob Marshall

Avec Johnny Depp, Penelope Cruz, Geoffrey Rush, Ian McShane, Kevin R. McNally 

THEMA MONSTRES MARINS I SAGA PIRATES DES CARAÏBES

Inégale, la saga Pirates des Caraïbes s’est muée en véritable objet de culte, ravivant avec panache un sous-genre tombé en désuétude : le film de piraterie, mâtiné ici d’une bonne dose d’éléments fantastiques. Malgré la confusion extrême de son scénario et son déroutant manque de cohérence, le troisième opus avait su remplir à son tour les salles de cinéma et les tiroirs-caisse, au point qu’il semblait inévitable de poursuivre la franchise coûte que coûte. Le cinéaste Gore Verbinski ayant décidé d’aller nager dans d’autres eaux (en réalisant notamment le film d’animation Rango), c’est Rob Marshall (ChicagoMémoires d’une Geisha) qui fut chargé de prendre le relais. Si la mise en scène de Pirates des Caraïbes : la Fontaine de Jouvence y perd en style et en flamboyance, l’intrigue, en revanche, a gagné en clarté et en rigueur. Donc l’un dans l’autre, nous serions tentés de préférer l’approche plus légère de ce quatrième épisode, qui présente en outre le mérite de puiser une grande partie de son inspiration dans une autre saga ultra-populaire : les Indiana Jones.

A priori, tout y est : la quête de l’objet surnaturel (en l’occurrence la fontaine de jouvence, équivalent du Graal d’Indiana Jones et la dernière croisade), l’intrigue sentimentale à rebondissements, l’expédition concurrente, la jungle sauvage truffée de pièges, le climax grandguignolesque… Mais il manque un élément essentiel qui empêche ce Pirates des Caraïbes de marcher dignement sur les traces des Aventuriers de l’Arche Perdue : des personnages forts et des sentiments exacerbés. Or tout ici n’est que cabotinage, minauderie et maniérisme. Le jeu sentimental qui s’installe entre Jack Sparrow (Johnny Depp) et Angelica Teach (Penelope Cruz) laisse froid dans la mesure où les comédiens se contentent de se donner la réplique comme on échangerait des pas de danse, avec grâce mais sans la moindre émotion.

Une sympathique attraction

Même travers du côté des complexes relations qui lient Angelica au redoutable Barbe Noire (Ian McShane, excellent par ailleurs). Or sans motivations fortes, sans enjeux humains solides, une telle aventure se vit comme une sympathique attraction de parc à thème (retour aux sources pour un concept initialement conçu pour Disneyland) mais nous prive de toute réelle implication. Seuls deux personnages, pourtant tout à fait secondaires, parviennent à nous toucher et à nous faire vibrer, oasis de fraîcheur au sein d’un spectacle trop préfabriqué pour totalement convaincre. Restent quelques morceaux de bravoure mémorables (le navire de Barbe Noire qui s’anime pour capturer les membres de l’équipage, le soulèvement de zombies empruntés à l’imagerie vaudou, l’étourdissant assaut des sirènes qui calque sa dynamique sur l’attaque des raptors du second Jurassic Park), un grain de folie bienvenu et une partition toujours aussi énergisante qu’Hans Zimmer a joyeusement agrémentée de guitares hispanisantes du plus bel effet. A défaut d’entrer dans les annales, cet énième acte de piraterie sait distraire son public avec une générosité finalement très appréciable.

© Gilles Penso

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