SATANIK (1968)

Après avoir absorbé un sérum rajeunissant, une vieille scientifique défigurée se transforme en jeune femme séduisante et enchaîne les crimes…

SATANIK

 

1968 – ITALIE / ESPAGNE

 

Réalisé par Piero Vivarelli

 

Avec Magda Konopka, Julio Peña, Umberto Raho, Luigi Montini, Armando Calvo, Mimma Ippoliti, Isarco Ravaioli, Nerio Bernardi, Pino Polidori, Antonio Pica

 

THEMA MÉDECINE EN FOLIE I SUPER-VILAINS

Au départ, « Satanik » est un fumetti (équivalent italien des comic books) créé par le scénariste Max Bunker et le dessinateur Magnus. À mi-chemin entre l’aventure, l’érotisme, l’horreur et la science-fiction, cette BD sulfureuse connaît un certain succès dès sa première parution en 1964. Le cinéma transalpin s’y intéresse logiquement, d’autant que la super-vilaine masquée qui tient la vedette de « Satanik » s’inscrit dans la même veine pop que Fantomas, Danger Diabolik ou Superargo, qui font alors les joies des spectateurs européens. Le réalisateur Piero Vivarelli s’empare donc du sujet et prend comme assistant Pupi Avati, futur metteur en scène de Zeder et La Maison aux fenêtres qui rient. Ce dernier ne gardera pas un souvenir très heureux de ce tournage, peu convaincu par les choix artistiques de Vivarelli. Face au résultat, nous serions tentés de lui donner raison. Le rôle principal est confié à l’étourdissante Magda Konopka, qui représente sans conteste l’intérêt majeur du film mais dont la carrière n’aura guère fait d’étincelles. L’amateur de cinéma de quartier l’apercevra plus tard dans Quand les dinosaures dominaient le monde de Val Guest, aux côtés des créatures en stop-motion de Jim Danforth.

En tout début de métrage, nous apprenons que le professeur Greaves (Nerio Bernardi), un biochimiste renommé, a trouvé une formule miracle de régénérescence des cellules. Il l’a testée sur des animaux avec des résultats excellents et quasi-immédiats. Les cobayes rajeunissent en effet, mais en contrepartie, ils développent des instincts agressifs. Le sérum n’est donc pas encore tout à fait au point. Sa collègue Marnie Bannister (Magda Konopka), âgée et frappée d’une maladie de peau qui la défigure partiellement (via un maquillage efficace à défaut d’être subtil), veut pourtant tester la formule sur elle-même, malgré les risques. Lorsque Greaves refuse, elle le tue d’un coup de scalpel et absorbe la potion. Après des convulsions violentes dignes de celles d’un docteur Jekyll en pleine mutation (coups de tonnerre à l’appui), Marnie se métamorphose en ravissante jeune femme puis prend la poudre d’escampette. Elle décide alors de séduire plusieurs hommes fortunés en jouant les veuves noires…

Très très méchante

Satanik tire pleinement parti de la photogénie de son actrice principale, qui change sans cesse de garde-robe au fil du récit. Mais son collant de super-vilaine (qui apparaît sur tous les posters du film) n’intervient qu’une seule fois, à un quart d’heure de la fin, le temps d’une séquence de strip-tease d’une gratuité parfaitement assumée. Si cette anti-héroïne tue à tour de bras (le couteau, le tisonnier, la noyade, tous les moyens sont bons), l’intrigue avance de manière très erratique, au rythme de l’enquête décontractée et désinvolte que mènent les deux inspecteurs chargés de l’affaire, échangeant des bons mots sans beaucoup progresser dans leurs investigations. La mise en scène elle-même se révèle très datée, abusant de coups de zoom intempestifs et s’affublant de séquences inutiles qui semblent faire office de remplissage (le spectacle de flamenco dans le restaurant, le ski nautique à Genève, le morceau de blues joué dans le casino). L’amateur de cinéma bis a certes droit à sa dose d’érotisme soft, de fusillades, de meurtres et de bagarres, mais Satanik nous donne tout de même le sentiment de gâcher son intéressant potentiel pour se perdre dans les méandres d’un scénario lâche et bien peu palpitant. Le film sera d’ailleurs boudé par le public et la critique au moment de sa sortie.

 

© Gilles Penso


Partagez cet article

À découvrir dans le même genre…

 

Partagez cet article

OBLIVION 2 (1996)

Cowboys, mutants et extra-terrestres se confrontent dans cette suite du western spatial bizarroïde de Sam Irvin…

BACKLASH : OBLIVION 2

 

1996 – USA

 

Réalisé par Sam Irvin

 

Avec Richard Joseph Paul, Jackie Swanson, Andrew Divoff, Meg Foster, Isaac Hayes, Julie Newmar, Carel Struycken, George Takei, Musetta Vander, Maxwell Caulfield

 

THEMA SPACE OPERA I EXTRA-TERRESTRES I SAGA CHARLES BAND

Oblivion et Oblivion 2 ont été tournés en même temps dans des extérieurs naturels et des plateaux roumains, avec l’idée d’en tirer d’autres épisodes dans la foulée. Sam Irvin boucle donc les prises de vues de ce diptyque surréaliste (qui inspirera de toute évidence le blockbuster Cowboys et envahisseurs de Jon Favreau en 2011) avec les mêmes décors, le même casting et la même équipe technique. À la fin du premier Oblivion, Zack Stone (Richard Joseph Paul) prenait ses fonctions de shérif, avec l’assistance de l’androïde Stell Barr (Meg Foster) et de l’Indien Buteo (Jimmie F. Skaggs), après s’être débarrassé du maléfique alien reptilien Redeye (Andrew Divoff). Oblivion 2 retrouve nos personnages où nous les avons laissés, c’est-à-dire dans une petite ville de western située sur une planète lointaine. Isaac Hayes et George Takei jouent toujours les guests invités (de manière plus épisodique cependant, ce qui n’est pas plus mal étant donnée leur propension à cabotiner outre-mesure), tandis que d’autres seconds rôles prennent plus d’importance, notamment l’impressionnant Carel Stuycken en croque-mort géant, Julie Newmar en tenancière de saloon Miss Kitty et surtout Musetta Vander qui vole la vedette de tous ses partenaires dans le cuir provocateur de Lash, la super-vilaine sous influence de Betty Page qu’elle incarne.

C’est d’ailleurs Lash qui va centraliser toutes les sous-intrigues du film. Après avoir découvert la localisation d’une mine de Derconium (le minerai le plus précieux de l’univers) au cours d’une partie de cartes dont son adversaire ne sort pas indemne, la vile dominatrice adepte du fouet électrique, du revolver laser et du couteau, pense avoir touché le pactole. Mais Sweeney (Maxwell Caulfield), un chasseur de prime à la réputation redoutable, débarque en ville pour l’arrêter, avec l’aide du shérif. La belle finit derrière les barreaux et semble donc hors d’état de nuire. C’est le moment que choisit l’extra-terrestre écailleux Jaggar (Andrew Divoff), frère de Redeye, pour atterrir à son tour dans la bourgade, mettre la main sur elle et s’emparer de la mine qu’elle a découverte. Alors que la situation menace de virer à l’imbroglio et au pugilat tous azimuts, Miss Kitty nous laisse entendre qu’elle cache elle-même bien son jeu. Bref, c’est bien vite la foire dans la ville d’Oblivion.

Il était une foire dans l’Ouest

Oblivion 2 ne s’est pas conçu sans mal. Si le tournage est une expérience plutôt joyeuse, la post-production s’effectue dans l’urgence suite aux déconvenues de la compagnie Full Moon qui vient alors de se séparer de son distributeur vidéo Paramount. Le financement manque au point qu’il n’est plus possible de demander à Pino Donaggio, compositeur d’Oblivion, d’écrire la bande originale de la suite. Charles Band et Sam Irvin prennent alors la décision de réutiliser la même musique que celle du premier film. Ce second opus s’inscrit ainsi dans la parfaite continuité de son prédécesseur, à la fois distrayant mais très anecdotique, souffrant surtout d’une mise en scène très télévisuelle dont le statisme s’accorde mal avec l’univers délirant dans lequel s’inscrit le récit. Parmi les nouveaux venus du casting, on apprécie la prestation de Maxwell Caulfield. Là où le script nous laisse imaginer un mercenaire brutal sans foi ni loi, l’acteur nous offre la prestation d’une sorte de dandy désinvolte au fort accent anglais, en puisant son inspiration chez le Patrick McNee de Chapeau melon et bottes de cuir, et en adoptant un look proche de celui de Gene Wilder dans Charlie et la chocolaterie. Si les créatures en stop-motion du premier Oblivion brillent ici par leur absence, le climax nous offre l’apparition furtive mais très réjouissante d’une tortue godzillesque annonçant ce que le créateur d’effets spéciaux Michael Deak allait faire dans la foulée avec Zarkorr ! The Invader et Kraa ! The Sea Monster. Oblivion 2 ne sera disponible dans les bacs vidéo qu’en 1996, soit trois ans après son tournage, et les suites envisagées ne verront jamais le jour.

 

© Gilles Penso


Partagez cet article

HELLRAISER : JUDGMENT (2018)

Tandis que trois inspecteurs de police enquêtent sur les meurtres atroces d’un tueur en série, Pinhead se met en quête d’âmes damnées…

HELLRAISER : JUDGMENT

 

2018 – USA

 

Réalisé par Gary J. Tunnicliffe

 

Avec Damon Carney, Randy Wayne, Alexandra Harris, Heather Langenkamp, Paul T. Taylor, Gary J. Tunnicliffe, Jeff Fenter, Tony Payne, Rheagan Wallace

 

THEMA DIABLE ET DÉMONS I SAGA HELLRAISER

Voilà plusieurs années que l’expert en maquillages spéciaux Gary J. Tunnicliffe rêve de réaliser un Hellraiser. Pilier de la saga inspirée par Clive Barker depuis le troisième opus, il s’était offert un galop d’essai en 2004 en dirigeant le court-métrage No More Souls : One Last Slice of Sensation, un bonus caché du DVD de Hellraiser : Deader. Il projette ensuite de diriger Hellraiser : Révélations, mais un conflit de calendrier l’en empêche et c’est finalement Victor Garcia qui réalise cet épisode très anecdotique. Déçu, Tunnicliffe écrit un film d’horreur indépendant qui possède sa propre mythologie en espérant le faire financer, sans succès. Jusqu’au jour où Dimension Films se tourne vers lui : il leur faut produire un Hellraiser rapidement s’ils veulent conserver les droits de la franchise. Tunnicliffe réadapte alors son scénario. C’est ainsi que naît Hellraiser : Judgment, que Dimension produit en même temps que Children of the Corn : Runaway de John Gulager, les deux films étant tournés simultanément dans des décors voisins. Doug Bradley refusant toujours de reprendre le rôle de Pinhead, à cause de la piètre qualité des derniers épisodes de la saga, Tunnicliffe lui cherche un remplaçant plus convaincant que le Stephan Smith Collins de Hellraiser : Révélations et jette son dévolu sur Paul T. Taylor.

C’est dans un tout nouveau monde que nous entraîne le prologue de Hellraiser : Judgment. Certes, Pinhead est déjà là, mais les autres créatures qui le côtoient ne sont pas des Cénobites. Elles proviennent d’un autre univers macabre, « l’inquisition stygienne », preuve que la première version du scénario ne se rattachait pas directement à la saga. Le plus étonnant d’entre eux est « l’Auditeur », un homme à la figure couturée de cicatrices que Gary J. Tunnicliffe interprête lui-même. Sa mission : recueillir le témoignage des âmes damnées qui tombent entre ses griffes, puis soumettre ce rapport écrit à « l’Évaluateur » (joué par le réalisateur John Gulager) qui dévore littéralement les morceaux de papier avant de les régurgiter. La sentence finale est appliquée par « le Boucher » et « le Chirurgien ». Parallèlement à cette antichambre de l’enfer que nous fait découvrir l’entame du film, le scénario s’intéresse à l’enquête policière menée par trois détectives : les frères Sean et David Carter et l’inspectrice Christine Egerton (Damon Carney, Randy Wayne et Alexandra Harris). Leur cible : un serial killer dont les meurtres s’inspirent des Dix Commandements.

Sous l’influence de Seven

Hellraiser : Judgment n’a pas beaucoup d’envergure et trahit cruellement son manque de moyens (son budget est estimé à environ 350 000 dollars). Mais il a le mérite de s’efforcer d’enrichir la mythologie originale, de savoir bâtir une atmosphère glauque oppressante et d’offrir aux spectateurs un défilé de créatures perturbantes. Au-delà de Pinhead et de l’Auditeur, nous avons ainsi droit à un trio de femmes nues au visage écorché, un boucher massif qui porte un masque en forme de tête de bébé ou encore un tueur tout de cuir vêtu dont la tête est dissimulée par un masque à gaz. Tunnicliffe sait tirer parti du mieux qu’il peut des décors décrépits à sa disposition pour muer l’apparition de chacun de ces échappés de l’enfer en moments de cauchemar efficaces. Côté enquête policière, on ne peut s’empêcher de penser à Seven, qui demeure visiblement la référence principale du film. Les assassinats sophistiqués et atroces suivent en effet un schéma similaire, chaque victime étant frappée selon l’un des commandements de la bible qu’elle aurait bafoué, tandis que le meurtrier adresse aux policiers des messages sibyllins. Laissé sur une étagère à cause des allégations d’abus sexuels impliquant Harvey Weinstein, cofondateur de la société mère dont Dimensions Films est une filiale, Hellraiser : Judgment sera discrètement exploité en vidéo par Lionsgate en février 2018. Le film n’entrera certes pas dans les mémoires, mais quel saut qualitatif par rapport au pitoyable Hellraiser : Révélations !

 

© Gilles Penso


Partagez cet article

SMILE 2 (2024)

Cette suite supérieure à son modèle s’intéresse à une star de la pop frappée à son tour par la terrible malédiction du sourire diabolique…

SMILE 2

 

2024 – USA

 

Réalisé par Parker Finn

 

Avec Naomi Scott, Rosemarie DeWitt, Lukas Gage, Miles Gutierrez-Riley, Peter Jacobson, Ray Nicholson, Dylan Gelula, Raul Castillo, Drew Barrymore

 

THEMA DIABLE ET DÉMONS

Excellente surprise doublée d’un joli succès au box-office, Smile propulse en 2022 le scénariste et réalisateur Parker Finn sur le devant de la scène. Aussitôt, Paramount lui propose un deal pour signer d’autres films d’horreur, avec en priorité une suite de Smile. Finn accepte mais souhaite éviter les idées scénaristiques trop évidentes. « Je ne voulais pas faire ce que l’on attendait de moi, je ne voulais pas emprunter la voie de la facilité », explique-t-il. « Je voulais me mettre au défi de créer quelque chose de frais et de différent, avec une nouvelle thématique émotionnelle. J’avais besoin de trouver un personnage qui me semble être la bonne colonne vertébrale sur laquelle accrocher l’histoire, et c’est ainsi que j’ai développé le personnage de Skye Riley. » (1) Ainsi, même si le policier incarné par Kyle Gallner assure momentanément le lien avec le film précédent, Smile 2 s’intéresse à un tout autre protagoniste, en l’occurrence une pop star mondialement célèbre dont le rôle est confié à Naomi Scott (la Jasmine d’Aladdin, l’une des drôles de dames du Charlie’s Angels de 2019, Kimberly dans Power Rangers). L’actrice s’inspire de Lady Gaga pour son personnage, puis se lance dans une session accélérée de répétition des chansons et des chorégraphies avant que le tournage commence.

L’environnement glamour, coloré et scintillant dans lequel évolue cette superstar contraste à merveille avec le caractère horrifique du scénario. De ce point de vue, Parker Finn parvient effectivement à créer la surprise. En pleins préparatifs de sa tournée événementielle après plusieurs drames personnels ayant lourdement entravé sa carrière (l’accident de voiture qui a coûté la vie de son petit-ami, sa lutte contre la toxicomanie), la newyorkaise Skye Riley est gonflée à bloc, sous l’œil attentif de sa mère Elizabeth qui fait aussi office de manager (Rosemarie DeWitt). Si Skye semble enfin libérée de ses addictions, les douleurs que provoquent les séquelles physiques de son accident la poussent à solliciter les services d’un dealer local, Lewis (Lukas Gage) pour obtenir sa dose d’analgésiques. Mais lorsqu’elle se rend un soir en douce chez lui, la chanteuse sent bien que quelque chose ne tourne pas rond. Le jeune homme est paniqué, extrêmement fébrile, au bord du malaise. Soudain, il se redresse et la fixe avec un sourire figé effrayant. Pour Skye, c’est le début de la fin…

Une tournée en enfer

D’emblée, Finn tient à nous faire comprendre que cette suite quittera les sentiers battus pour jouer la carte de l’originalité. Le plan-séquence mouvementé de 8 minutes qui ouvre le film, puis le plateau télévisé animé par Drew Barrymore (dans son propre rôle) entérinent cette sensation. Smile 2 ne va pas là où on l’attend. Si la mécanique narrative établie par le premier film est un élément incontournable avec lequel il faut forcément composer, le scénario parvient à la décliner sous un jour nouveau. Grâce à cette volonté de sang neuf, à la pleine implication d’une Naomi Scott très convaincante et à l’exploration sans fards des états d’âme de cette héroïne aux fêlures encore profondes, Smile 2 parvient à surpasser son modèle et à captiver ses spectateurs. Si les jump-scares un peu faciles continuent à pointer parfois le bout de leur nez, le cinéaste sait la plupart du temps éviter les effets d’épouvante classiques qui sont légion dans la majorité des films d’épouvante post-Conjuring. Il ose même un clin d’œil savoureux, le temps d’une apparition de l’acteur Ray Nicholson qui imite soudain le sourire de son père Jack dans Shining ! On pourra regretter que le dernier acte cède aux effets un peu grossiers et grand-guignolesques, couplés à un enchaînement de rebondissements un tantinet excessifs. Mais l’impact du film n’en souffre pas outre-mesure et sa chute est une excellente trouvaille qui fait froid dans le dos.

 

(1) Extrait d’une interview publiée dans « Bloody Disgusting » en octobre 2024

 

© Gilles Penso


Partagez cet article

VENOM : THE LAST DANCE (2024)

Eddie Brock et son alter-ego dégoulinant sont pris en chasse par des créatures extra-terrestres voraces et par des soldats armés jusqu’aux dents…

VENOM : THE LAST DANCE

 

2024 – USA

 

Réalisé par Kelly Marcel

 

Avec Tom Hardy, Chiwetel Ejiofor, Juno Temple, Rhys Ifans, Stephen Graham, Peggy Ku, Clark Backo, Alanna Ubach, Cristo Fernandez, Jared Abrahamson

 

THEMA SUPER-HÉROS I SAGA MARVEL COMICS

Certains succès hollywoodiens échappent à toute logique. Objectivement, comment expliquer que le public ait répondu aussi favorablement à un film aussi mal fagoté que le premier Venom ? Admettons qu’il s’agissait de l’effet de surprise. Mais sa suite calamiteuse, Venom Let There Be Carnage, provoqua un enthousiasme tout aussi invraisemblable. Allez comprendre. La mayonnaise prenant aussi bien, il n’y avait aucune raison de s’arrêter en si bon chemin. Andy Serkis, réalisateur du second opus, se prépare donc à rempiler pour un troisième épisode. Mais la pré-production de sa version de La Ferme des animaux lui prend beaucoup de temps et le contraint à céder sa place. C’est donc la scénariste Kelly Marcel (Dans l’ombre de Mary, Cinquante nuances de Grey, Cruella et les deux premiers Venom) qui prend le relais, effectuant du même coup ses premiers pas derrière la caméra. Avec à sa disposition un budget de 120 millions de dollars (l’enveloppe a encore augmenté depuis les deux films précédents), l’apprentie-réalisatrice peut se faire plaisir. Au détour du casting, on retrouve deux visages ayant déjà payé leur tribut aux adaptations Marvel en endossant d’autres rôles : Chiwetel Ejiofor (Mordo dans Doctor Strange) et Rhys Ifans (Curt Connors alias Le Lézard dans The Amazing Spider-Man).

Co-scénariste du film avec Kelly Marcel, Tom Hardy a visiblement trouvé une rente juteuse avec Venom. Le Mad Max de Fury Road semble pourtant se traîner sans la moindre conviction d’une scène à l’autre, comme s’il s’acquittait de mauvaise grâce de ce boulot routinier en attendant de pouvoir toucher son chèque. Comment interpréter autrement ses regards hagards, sa mine défaite et son jeu désincarné en pilote automatique ? Si le post-générique de Let There Be Carnage promettait un crossover avec le Marvel Cinematic Universe et notamment avec les Spider-Man interprétés par Tom Holland, cette suite se débarrasse des multiverses en quelques secondes. En vérité, le récit se résume à peu de choses : Eddie Brock et son alter-ego quittent le Mexique pour les États-Unis, traînent à Las Vegas puis dans la zone 51, tandis que des militaires veulent leur peau et que le Xenophage, un vilain monstre extra-terrestre en images de synthèse qu’il nous semble avoir déjà vu dans une centaine de films, cherche à se les mettre sous la dent. Voilà, c’est à peu près tout. Le film dure à peine un peu plus de 90 minutes, c’est une qualité indiscutable à mettre à son compte. L’une des seules, hélas.

« Nous ne sommes pas les méchants »

Kelly Marcel et Tom Hardy ne prenant même plus la peine de bâtir un semblant d’histoire, Venom : The Last Dance prend les allures d’un road movie erratique aux péripéties sans intérêt et aux enjeux inexistants. Certaines idées sont à peine explorées (un drame survenu dans le passé de la scientifique incarnée par Juno Temple) puis abandonnées aussitôt. Pour ne pas réclamer trop d’efforts de la part des spectateurs, on prône la simplicité : les militaires et les Xenophages sont vilains, les savants et Venom sont gentils. Et pour ceux qui seraient un peu distraits, l’un des symbiotes juge utile de dire au soldat belliqueux incarné par Ejiofor : « nous ne sommes pas les méchants ». Le principal objectif de ce scénario anémique semble être de multiplier les situations les plus ridicules possibles dans l’espoir de faire rire un public décidément jugé peu exigeant : Venom/Brock qui prépare un cocktail, s’accroche au fuselage d’un avion en plein vol, chante en chœur avec une famille de hippies, dépense tout son argent dans une machine à sous, fait des chorégraphies sur « Dancing Queen »… Nous avons aussi droit à des clins d’œil à Thelma et Louise et Rain Man, à un cheval-Venom, un piranha-Venom, une grenouille-Venom et tout un tas d’autres variantes pour le grand final pétaradant. Le succès de ce troisième opus ayant été très modéré, la formule semble enfin s’être épuisée…

 

© Gilles Penso


Partagez cet article

SHAPESHIFTER (1999)

Après le kidnapping de ses parents agents secrets, un jeune homme découvre qu’il possède de très étranges pouvoirs…

SHAPESHIFTER / SHIFTER

 

1999 – USA

 

Réalisé par Philippe Browning

 

Avec Paul Nolan, Bill MacDonald, Catherine Blythe, Emmanuelle Vaugier, Theodor Danetti, Serban Celea, George Illie, Andrei Finti, Marioara Sterian

 

THEMA POUVOIRS PARANORMAUX I MAGIE ET SORCELLERIE I NAINS ET GÉANTS I SAGA CHARLES BAND

Au départ, le concept de Shapeshifter est déjà assez curieux, sorte de mixage improbable entre la série Manimal et la saga Spy Kids, puisqu’il s’agit de l’histoire d’un étudiant, fils de deux agents secrets, qui se découvre la capacité de se transformer en animal. Mais visiblement, ce postulat ne suffit pas au scénariste Louis DeLoach (inconnu au bataillon, s’agirait-il d’un pseudonyme ?) qui décide d’injecter un nombre incalculable de bizarreries dans son récit, faisant fi du budget ridicule que la production met à la disposition du film. Shapeshifter fait en effet partie de la collection des « direct-to-video » pour jeune public produits par Charles Band, le roi de l’oursin dans le portefeuille. Pour faire des économies, le film est tourné en Roumanie – plus précisément sur les plateaux de Castel Film où Band a ses habitudes – et confié à Philippe Browning. Ce dernier fut réalisateur de deuxième équipe sur Sanglante paranoïa et écrira plus tard plusieurs épisodes de séries TV, mais Shapeshifter est son seul long-métrage. Le prologue se situe quelques siècles dans le passé, dans une forêt où un groupe de tziganes festoie autour d’un feu de camp. Soudain, une météorite traverse les cieux et tombe dans les bois. Un jeune garçon la récupère aussitôt…

Le temps d’une ellipse, nous voilà à la fin des années 90, dans un avion en plein vol. Contraint de changer régulièrement de pays et d’identité, à cause de parents agents secrets qui sont sans cesse affectés à de nouvelles missions par la CIA, Alex Brown s’installe cette fois-ci à Glenville et apprend qu’il s’agit de leur dernier déménagement. Ses parents se sont en effet retirés du business. Or avant de démissionner, Monsieur et Madame Brown enquêtaient sur un trafic de plutonium et d’uranium fomenté par le redoutable général Petrov. Et voilà qu’ils sont kidnappés en pleine nuit et emprisonnés à Bucarest. Bien décidé à retrouver leur trace, Alex se rend sur place. À partir de là, il se met à improviser… et le scénariste semble en faire autant. En effet, notre jeune héros assiste à un concert de rock, puis erre dans les rues en pleine nuit, et se retrouve sans raison particulière dans la maison d’un alchimiste en haillons vieux de 363 ans qui doit sa longévité à la « pierre de vie » qui est tombée du ciel. Car le petit garçon du prologue, c’était lui.

Sans queue ni tête

Dès lors, il ne faut plus chercher à se raccrocher à la moindre logique. Le vieil homme joue en effet avec un instrument de musique étrange – l’harmonica de verre – et annonce à Alex qu’il peut changer de forme s’il le souhaite. Et hop ! Le temps d’un morphing, notre jeune homme devient un chien, part espionner le repaire de Petrov, reprend forme humaine et prend la fuite en scooter grâce à une jeune femme qui passait par là. Rien n’a donc de sens dans cette histoire sans queue ni tête. Plus tard, Alex se transformera en oiseau ou carrément en griffon (une créature en images de synthèse absolument hideuses), discutera avec un avatar digital venu du futur, s’associera à un résistant tzigane nain, découvrira qu’il peut changer les gens en cafard et se métamorphosera en flux digital pour entrer dans un ordinateur… Bref du grand n’importe quoi ! Le vil général Petrov, lui, utilise un pistolet laser qui réduit ses victimes en poussière et se fait aider par une sorcière aux allures de Cruella qui joue aux jeux vidéo dans des catacombes, peut se téléporter ou miniaturiser les êtres humains ! Certes, Shapeshifter semble un peu moins fauché que les productions pour enfants habituelles de Charles Band. Les décors sont relativement nombreux, tout comme la figuration et les scènes d’action, et l’approche esthétique n’est pas très éloignée de celle de la saga Subspecies. Mais comment s’intéresser à ce scénario absurde qui semble avoir été rédigé sous l’influence de puissants psychotropes ? La fin laisse la porte ouverte sur une suite qui – on ne s’en étonnera guère – ne se concrétisa jamais.

 

© Gilles Penso


Partagez cet article

DON’T MOVE (2024)

Une jeune femme, dévastée par la mort de son fils, devient la proie d’un tueur en série qui lui injecte un puissant paralysant…

DON’T MOVE

 

2024 – USA

 

Réalisé par Adam Schindler et Brian Netto

 

Avec Kelsey Asbille, Finn Wintrock, Daniel Francis, Moray Treadwell, Denis Kostadinov, Kate Nichols, Skye Little Wing Dimov Saw

 

THEMA : TUEURS

Principalement produit par le légendaire réalisateur Sam Raimi, à qui l’on doit les trilogies Evil Dead et Spider-man, et distribué par Netflix, Don’t Move aligne au casting un solide duo avec Kelsey Asbille, repérée dans la série Yellostone, et Finn Wintrock, acteur récurrent de American Horror Story. Sur le papier, avec un concept fort de survival couplé à l’idée d’une héroïne prisonnière de son propre corps, le long métrage promettait un suspense serré, et la caution Raimi, lourdement appuyée, pouvait en effet allécher le chaland et susciter au minimum la curiosité. Le nom du réalisateur de Darkman, mis très en avant par le géant du streaming, était de fait devenu un argument marketing. Car la marque mise de plus en plus sur des noms célèbres pour enrichir son catalogue qui, sporadiquement, peut révéler quelques pépites comme Rebel Ridge de Jeremy Saulnier, mais qui malheureusement, dans la grande majorité des cas, se cantonne à enchaîner des séries B frileuses et sans grand intérêt. Si les deux acteurs principaux arrivent à sortir leur épingle du jeu dans des rôles sans grande consistance, la réalisation confiée à Adam Schindler et Brian Netto ne brille pas par son originalité. Pourtant habitués aux films d’horreur avec Intruders (2016) et la série anthologique 50 States of Fright, les deux hommes livrent un métrage plutôt plat et académique, surtout si l’on pense à leur fougueux producteur et à ses expérimentations filmiques.

Don’t Move nous plonge donc au cœur d’une forêt dans laquelle Iris (Kelsey Asbille), traumatisée par la mort de son fils, décide de mettre fin à sa vie en se jetant d’une falaise. Elle est interrompue par Richard (Finn Witrock), un homme charmant qui la dissuade de commettre l’irréparable, tout en évoquant la perte de sa petite amie, Chloé, dans un accident de voiture. Une fois revenus à leurs véhicules respectifs, Richard dévoile son vrai visage en agressant et tentant d’enlever Iris. La jeune femme parvient à s’enfuir mais le tueur lui fait une révélation effrayante : il lui a administré une drogue paralysante qui la rendra totalement inerte et impuissante dans les prochaines vingt minutes. Le concept même du film contient ses propres limites : la drogue paralysante, qui aurait pu être un ressort essentiel du récit, représente certes une contrainte pour l’héroïne, mais son utilisation et ses effets à géométrie variable évacuent inévitablement toute idée de tension. Iris perd rapidement l’usage de son corps et se retrouve à la merci du hasard. Des rencontres fortuites au moment le plus propice sauvent donc notre héroïne avant que les effets du paralysant ne se dissipent, là aussi au moment idéal. Si on ajoute à cela les poncifs inhérents au genre, comme les personnages qui ont une vision plus qu’étroite, ne voyant pas à plus d’un mètre d’eux, et des décisions incohérentes et fatales, ce thriller horrifique estampillé Raimi se prend rapidement les pieds dans le tapis. L’issue de chaque séquence est terriblement prévisible et la réalisation, bien trop sage, déçoit.

Don’t move, don’t see and don’t think

Alors que l’idée de départ aurait pu donner lieu à une course-poursuite toute en tension, le scénario se perd dans des péripéties inutiles, rallongeant juste un peu la sauce d’un film qui ne dure pourtant que 90 minutes. Autre point négatif, les personnages souffrent d’une écriture superficielle, les réduisant à des rôles-fonctions. Iris, mère endeuillée au bord du suicide, retrouve soudainement goût à la vie en luttant contre Richard, tueur en série dont on ne saura pas grand-chose au final. Le reste du casting ne servant qu’à rentabiliser le budget maquillage et faux sang, il est bien compliqué de s’impliquer dans cette histoire. Restent de beaux décors naturels, des acteurs convaincants comme Kelsey Asbille, qui arrive à insuffler un peu de vie dans ce rôle relativement mutique, jouant avec l’intensité de son regard, et Finn Wintrock, à l’aise en tueur manipulateur et chevronné, même si certaines de ses décisions relèvent de l’amateurisme ou de la stupidité. Malgré tout son potentiel, Don’t Move ne sera donc pas encore la grande révélation horrifique de Netflix. Peut-être devraient-ils investir dans des scénaristes…

 

© Christophe Descouzères


Partagez cet article

31 (2016)

Rob Zombie recycle les recettes qui firent son succès en jetant une troupe de forains dans les griffes d’une horde de tueurs psychopathes…

31

 

2016 – USA

 

Réalisé par Rob Zombie

 

Avec Sheri Moon Zombie, Meg Foster, Lawrence Hilton-Jacobs, Jeff Daniel Philips, Malcolm McDowell, Torsten Voges, Richard Brake

 

THEMA TUEURS

Après l’accueil glacial réservé à The Lords of Salem, Rob Zombie prend une décision radicale : il arrête sa carrière de cinéaste. Cette annonce suscite beaucoup d’émoi auprès de ses fans qui ne l’entendent pas de cette oreille et le lui font savoir, notamment à travers les réseaux sociaux. Zombie se ravise alors – mais n’était-ce pas là une manœuvre calculée ? – et décide de lancer un financement participatif pour son prochain long-métrage. Ce sera 31, budgété à deux millions de dollars grâce à une efficace campagne de crowdfunding très médiatisée. Dans l’espoir de retrouver les faveurs de son public, le cinéaste décide de recycler les recettes de ses premiers succès. L’atmosphère et l’approche visuelle de 31 seront donc très proches de La Maison des 1000 morts et The Devil’s Rejects. Pour étayer son scénario, Zombie s’appuie sur une statistique selon laquelle le jour au cours duquel les États-Unis recensent le plus grand nombre de personnes disparues est celui d’Halloween. Son sixième long-métrage se déroulera donc pendant la nuit du 31 octobre. D’où son titre. Tourné en 20 jours à Los Angeles, 31 sollicite une fois de plus les talents du maquilleur spécial Wayne Toth (un habitué des effusions de sang chères à Zombie) et réunit une petite poignée de visages familiers comme Malcolm McDowell (qui fut le docteur Loomis de son Halloween) et Meg Foster (la Margaret Morgan de The Lords of Salem). De toute évidence, l’ami Rob aime travailler « en famille ».

C’est sur une citation de Franz Kafka que s’ouvre le film : « Un premier signe du début de la compréhension est le désir de mourir ». Cet aphorisme lugubre installe une ambiance glauque que ne dément pas le prologue en noir et blanc, au cours duquel un tueur incarné par Richard Brake se lance dans un long monologue avant d’assassiner un révérend à la hache. Nous sommes le 31 octobre 1976 et nos protagonistes sont une troupe de forains qui traversent l’Amérique profonde. Au milieu du désert, ils tombent dans un piège et se retrouvent enfermés dans une prison labyrinthique. Les voilà soudain livrés à un jeu de massacre que mènent de riches psychopathes emperruqués et poudrés comme des aristocrates du 18ème siècle. Les malheureux ont douze heures pour survivre à l’assaut d’une série de tueurs plus redoutables et excentriques les uns que les autres, du nain nazi aux clowns armés de tronçonneuse en passant par le colosse teuton travesti et l’assassin maquillé comme le Joker…

La course à la mort

Le concept n’est pas d’une folle originalité – depuis Les Chasses du comte Zaroff jusqu’à Running Man en passant par Les Traqués de l’an 2000 et Manhunt, les chasses à l’homme spectaculaires ne manquent pas à l’écran – mais Rob Zombie aurait pu le détourner pour y injecter sa propre personnalité. Or le cinéaste semble se contenter de nous donner exactement ce qu’on attend de lui : des tueurs dégénérés, des meurtres brutaux, de la torture, mais finalement rien de bien neuf ni de vraiment subversif malgré les apparences. Zombie continue inlassablement à puiser son inspiration dans Massacre à la tronçonneuse (l’action se situe comme par hasard au milieu des années 70 et s’intéresse à un groupe de jeunes gens qui se perdent dans la cambrousse) et semble tourner en pilote automatique. De fait, les personnages caricaturaux, les situations grotesques et la vulgarité omniprésente jouent sérieusement en défaveur de ce film qu’on aurait aimé plus audacieux et moins simpliste. Dommage d’avoir réuni un financement participatif et une cohorte de fans très motivés pour n’accoucher finalement que d’une sorte d’auto-parodie sans âme. Dans le registre voisin du gibier humain traqué par des tueurs exubérants, nous aurions tendance à largement préférer le méconnu Slashers.

 

© Gilles Penso


Partagez cet article

WITCHOUSE (1999)

Une sorcière revenue de l’au-delà massacre un à un les descendants de ceux qui, jadis, la mirent sur le bûcher…

WITCHOUSE

 

1999 – USA

 

Réalisé par David DeCoteau

 

Avec Matt Raftery, Monica Snow, Brooke Mueller, Ashley McKinney, Dave Oren Ward, Ryan Scott Greene, Marissa Tait, Dane Nothcutt, Kimberly Pullis

 

THEMA SORCELLERIE ET MAGIE I SAGA CHARLES BAND I WITCHOUSE

Tourné en Roumanie pendant huit jours pour un budget ô combien raisonnable de 250 000 dollars, Witchouse est d’abord censé s’appuyer sur un scénario de Benjamin Carr racontant les méfaits d’un démon déguisé en vieille femme qui s’installe dans une pension de famille dans le but de récolter les âmes des occupants. Mais David DeCoteau, engagé pour réaliser le film, aimerait cibler un public jeune et surtout s’inspirer de Night of the Demons dont il rêve de tourner une sorte de suite officieuse. À sa demande, le producteur Charles Band jette donc à la poubelle le scénario de Carr (qui sera recyclé pour le film Stitches) et engage un autre auteur, Matt Walsh. « Je ne savais même pas qu’il y avait un précédent scénario pour Witchouse avant celui que j’ai été engagé à écrire, et je pense que la version de Benjamin Carr aurait probablement été meilleure que le résultat final », avoue ce dernier (1). Le script de Walsh est en effet très ambitieux, riche en reconstitutions historiques de chasses aux sorcières, en effets sanglants, en scènes de foules dans des décors variés. Mais rien de tout ça n’est conservé pour respecter le budget minuscule prévu, et Witchouse se transforme en petit huis-clos bon marché. « La plupart des scènes que j’avais écrites ont été remplacées par des dialogues », reprend Walsh. « Bon, tant pis. Mon chèque a été encaissé ! »

Six jeunes gens se réunissent dans une grande maison sinistre à l’occasion d’une fête organisée par leur amie Elizabeth. La jeune femme, un peu gothique sur les bords, cache sous son tapis un pentagramme et décide d’organiser une sorte de séance de spiritisme avec ses invités qui se prêtent distraitement au jeu. Dans une ambiance mystérieuse, elle leur raconte comment sa grand-tante Lilith a été brûlée sur le bûcher par des chasseurs de sorcières. Un flash-back accompagne ce récit et s’agrémente de séquences infernales dignes de Dante ou de Gustave Doré avec force figurants, maquillages spéciaux et effets pyrotechniques. Le spectateur habitué aux productions de Charles Band n’est pas dupe : ces images n’ont pas été tournées pour Witchouse mais sont des extraits empruntés à Dark Angel : The Ascent de Linda Hassani. Nous apprenons au détour de ce long monologue que les invités de la fête d’Elizabeth sont des descendants des chasseurs de sorcières qui ont brûlé Lilith. Or cette dernière s’apprête à surgir d’outre-tombe pour massacrer tout ce beau monde…

Ma sorcière mal aimée

Il ne faut pas longtemps aux spectateurs pour comprendre que le niveau qualitatif de Witchouse sera très bas. Les acteurs rivalisent de médiocrité, échangeant d’interminables dialogues insipides et se lançant dans des tirades sans fin (notamment le fameux discours d’Elizabeth). Certes, il y a bien dans le film une poignée de répliques amusantes témoignant de la stupidité de certains personnages, comme lorsqu’une des filles confond Stephen Hawkins et Stephen King, mais ce genre de tentative reste très isolé. Les coups de tonnerre que David DeCoteau fait éclater toutes les cinq minutes dans son décor de maison vaguement hantée, les maquillages outranciers de la sorcière et de ceux qu’elle possède, le livre démoniaque par lequel le malheur arrive (bizarrement orthographié « Necrunimucun », l’accessoiriste roumain en charge de sa couverture était visiblement distrait), tout dans Witchouse concourt à une ambiance de train fantôme sympathique mais mal fagoté. Le succès sera pourtant au rendez-vous, le film étant l’un des plus rentables de la compagnie Full Moon depuis sa séparation avec le distributeur Paramount. D’où le lancement dans la foulée de Witchouse 2 et Witchouse 3.

 

(1) Propos extraits du livre « It Came From the Video Aisle ! » (2017)

 

© Gilles Penso


Partagez cet article

CARVED (2024)

Pendant les préparatifs d’Halloween dans une petite ville américaine, une citrouille mutante se met à massacrer la population…

CARVED

 

2024 – USA

 

Réalisé par Justin Harding

 

Avec Peyton Elizabeth Lee, Corey Fogelmanis, Carla Jimenez, Elvis Nolasco, Jonah Less, Wyatt Lindner, Sasha Mason, Marc Sully Saint-Fleur, Jackson Kelly

 

THEMA VÉGÉTAUX

Et si les citrouilles en avaient assez d’être défigurées pour les festivités d’Halloween et décidaient de se venger des humains ? Tel est le point de départ absurde duquel est parti Justin Harding pour mettre sur pied Carved, version longue d’un court-métrage qu’il avait réalisé en 2018. Après La Petite boutique des horreurs et L’Attaque des tomates tueuses, autant dire que les spectateurs ne s’étonnent plus de rien, question végétaux agressifs. Nous étions tout de même curieux de savoir si le réalisateur, dont il s’agit du second long-métrage après Making Monsters, allait pouvoir tenir les 90 minutes règlementaires sur un pitch aussi délirant. Après tout, le Carved original ne durait que 5 minutes, ce qui semblait amplement suffisant pour pousser jusqu’au bout son concept. Pour revisiter son propre travail, Harding imagine toute une galerie de nouveaux personnages qu’il réunit dans la petite ville de Cedar Creeks, dans le Maine, en pleins préparatifs des festivités d’Halloween, à la fin du mois d’octobre de 1993. Alors que l’ambiance est à la reconstitution historique, avec au programme une pièce de théâtre en costumes, des décorations dans toutes les rues et un concours de sculptures de citrouilles, un vieux drame que tout le monde voudrait oublier refait surface.

Quelques années plus tôt, en effet, un train a déraillé dans la ville, provoquant plusieurs morts et le déversement de déchets toxiques dans les terres voisines. Un reporter d’investigation envoyé par la chaîne UP24 tient absolument à rappeler la catastrophe et à susciter le scandale, s’entêtant à aborder les sujets sensibles et déplaisants alors que les habitants préfèreraient se concentrer sur la fête à la citrouille. Un marchand ambulant de maïs grillé, déguisé en épi géant et accroc aux space cakes, découvre justement dans un champ une bien étrange citrouille, surdimensionnée, boursouflée et presque grimaçante. C’est selon lui une candidate idéale au concours de sculpture dont le vainqueur remportera un prix de cinquante dollars. Mais cette citrouille n’est pas comme les autres. Ayant muté à la suite de la catastrophe ferroviaire, elle a développé des sentiments et une rancœur tenace contre tous ceux qui tailladent ses congénères. Le soir venu, elle décide de se venger des humains de la manière la plus sanglante possible…

Où cours-je ?

Cette citrouille vengeresse est sans conteste le personnage le plus intéressant du film. Conçue principalement à l’aide d’effets spéciaux physique, même si l’image de synthèse vient en renfort dès que ses mutations prennent des proportions trop complexes, elle se déplace sur ses racines comme une araignée et les balance vers ses victimes à la manière de tentacules. Malheureusement, les situations finissent par se répéter et le scénario se met rapidement à piétiner. D’autant que les protagonistes que Justin Harding met en scène se contentent d’obéir à des archétypes caricaturaux. Un soupçon de caractérisation supplémentaire aurait grandement aidé les spectateurs à entrer en empathie avec cette poignée de survivants. Leurs petites intrigues amicales ou sentimentales nous semblent trop superficielles pour fonctionner, preuve que Carved ne sait pas trop sur quel pied danser. Trop conformiste pour être le nanar éléphantesque que son concept laisse imaginer, trop exubérant pour être pris au sérieux, il navigue entre deux eaux et reste désespérément « tiède ». Pourtant, en quelques moments inspirés, Harding fait des étincelles, notamment lorsqu’il se laisse aller à des écarts gore réjouissants ou lorsqu’il place dans la bouche de ses acteurs des répliques joyeusement ridicules (le couple qui se parle avec des phrases empruntées aux chansons de Bryan Adams). Dommage que le potentiel fou du film n’ait pas été exploité de manière plus concluante.

 

© Gilles Penso


Partagez cet article