ELLE VOIT DES NAINS PARTOUT ! (1982)

Dans cette adaptation délirante d’une pièce de théâtre à succès, Blanche-Neige est une nymphomane délurée incarnée par Zabou…

ELLE VOIT DES NAINS PARTOUT !

1982 – FRANCE

Réalisé par Jean-Claude Sussfeld

Avec Zabou, Claire Magnin, Gaëlle Legrand, Roland Giraud, Martin Lamotte, Thierry Lhermitte, Josiane Lévêque, Marilyne Canto, Christian Clavier, Philippe Bruneau

THEMA CONTES

 

Après ses premiers pas au théâtre en 1959 avec Les Précieuses ridicules, sur la scène du théâtre de Chaillot, Philippe Bruneau plonge dans l’effervescence du café-théâtre, qui vit ses grandes heures dans les années 70. Il rejoint alors la troupe de la Veuve Pichard, aux côtés d’autres joyeux drilles comme Martin Lamotte, Roland Giraud et Gérard Lanvin. Mais Bruneau ne se contente pas d’interpréter : il écrit et met en scène. Son œuvre la plus mémorable est Elle voit des nains partout, une pièce en alexandrins qui revisite l’univers des contes de fées sous un jour parodique, grivois et irrévérencieux. Aux côtés de sa compagne Claire Nadeau, Bruneau porte ce spectacle iconoclaste pendant quatre ans à la Cour des Miracles. Les pièces comiques issues du café-théâtre donnant souvent des films à succès (comme le prouva l’équipe du Splendid avec Les Bronzés et Le Père Noël est une ordure), l’envie de porter à l’écran Elle voit des nains partout finit par s’imposer comme une évidence. Elle se concrétise avec l’aide de Jean-Claude Sussfeld, assistant de réalisateurs tels que André Hunebelle, Gérard Oury, Michel Audiard, Claude Sautet, Yves Boisset ou Jean-Luc Godard, qui effectue à l’occasion ses premiers pas de metteur en scène et co-écrit l’adaptation avec Bruneau.

Lorsque le film commence, tout le royaume est en effervescence : le roi de France (Jean-Paul Muel) s’apprête à avoir un fils. Mais contre toute attente, c’est une fille qui naît. Sa mère, morte en couches, était perse et souhaitait qu’on la prénomme Neige (pour faire un jeu de mot désopilant). En voyant la pâleur du teint du bébé, son père s’exclame : « Comme tu es blanche, Neige ! ».  Le ton d’Elle voit des nains partout ! est donc donné dès les premières minutes. Le roi ne voulant pas d’une fille, le connétable Albert (Philippe Bruneau) et la nounou anglaise Amelys (Valentine Monnier) s’enfuient avec l’enfant et fondent un foyer dans la forêt. Un an plus tard, ils donnent naissance à un fils si laid qu’ils essaient de l’abandonner dans les bois avant de le céder à un orphelinat. En grandissant, Blanche Neige devient une princesse joviale mais nymphomane campée par Zabou dans son premier rôle au cinéma. Alors que la princesse rêve de passer à la casserole à la moindre occasion, la nouvelle épouse du roi (Claire Magnin), agacée d’entendre dire par son miroir magique que Blanche-Neige est la plus belle, demande à une escouade de chevaliers de lui mettre la main dessus pour s’en débarrasser…

Les contes défaits

Elle voit des nains partout ! ne se contente pas de torpiller l’histoire de Blanche-Neige, puisque des dizaines de personnages issus de la littérature populaire, de la Bible ou des contes de fées s’emmêlent ici dans le désordre le plus total : Cosette, Jean Valjean, la fée Carabosse, Joseph et Marie de Nazareth, les Rois Mages, le Petit Chaperon Rouge, Charles Martel, Robin des Bois, Tarzan, les trois petits cochons, le Petit Poucet… Cette profusion inspirera aux dessinateurs Solé et Gotlib le fameux poster du film. Pour interpréter tout ce beau monde, un casting hétéroclite participe à l’aventure. La bande de la Veuve Pichard répond bien sûr à l’appel (Martin Lamotte et Roland Giraud donnent la réplique à Philippe Bruneau), mais aussi quelques membres de l’équipe du Splendid (Thierry Lhermitte et Christian Clavier) et du Café de la Gare (Coluche et Renaud). Ambitieux, le film sollicite de la figuration costumée et des décors médiévaux, jouant souvent le jeu de l’anachronisme (les allers-retours dans la salle de contrôle futuriste où se prennent les grandes décisions, l’apparition d’une troupe de scouts, le surgissement d’un car de touristes japonais, le passage impromptu d’un train). Il faut bien reconnaître qu’une grande partie des gags du film est sérieusement datée, notamment les numéros musicaux (moins efficaces que sur scène avec le public) et les références aux spots publicitaires de l’époque. Mais on se régale devant cette galerie de comédiens à la bonne humeur communicative (notamment Zabou dont le talent se révèle avec éclat) et l’on apprécie les quelques parenthèses poétiques inattendues qui donnent au Temps les traits d’un vieil homme chargé de lourds fardeaux et d’une grande horloge, et à la Mort ceux d’un cowboy tout de noir vêtu.

 

© Gilles Penso

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UN NOUVEAU DÉPART POUR LA COCCINELLE (1997)

La célèbre Volkswagen affronte son double maléfique dans cet opus délirant qui donne la vedette à Bruce Campbell…

THE LOVE BUG

 

1997 – USA

 

Réalisé par Peyton Reed

 

Avec Bruce Campbell, John Hannah, Alexandra Wentworth, Kevin J. O’Connor, Dana Gould, Harold Gould, Micky Dolenz, Burton Gilliam, Clarence Williams III

 

THEMA OBJETS VIVANTS I SAGA LA COCCINELLE

Après quatre longs-métrages (sortis en salle entre 1968 et 1980) et une série TV (diffusée en 1982), la célèbre Coccinelle fait son retour sous forme d’un téléfilm dirigé par Peyton Reed (futur réalisateur de Ant-Man et de plusieurs épisodes de The Mandalorian). Ce bon vieux Bruce Campbell en tient la vedette. Car après L’Armée des ténèbres, le héros de la saga Evil Dead s’est mis à multiplier les rôles pour le grand et le petit écran en ne s’interdisant aucun style : la comédie féerique (Le Grand saut), le western fantastique (Brisco County), le techno-thriller exotique (Congo), les séries super-héroïques (Loïs & Clark : les nouvelles aventures de Superman), les aventures post-apocalyptiques (Los Angeles 2013). Alors pourquoi pas un épisode de La Coccinelle ? Diffusé pour la première fois sur ABC dans le cadre du programme Le Monde merveilleux de Disney, ce téléfilm est à la fois un remake et une suite d’Un amour de Coccinelle. Son titre original reprend d’ailleurs celui du tout premier film de la série. Le prologue nous apprend que Herbie/Choupette, après avoir appartenu au pilote Jim Davis, s’est retrouvée entre les mains de Simon Moore III (John Hanna), un coureur arrogant et tricheur qui perd une course en la conduisant et l’envoie aussitôt à la casse.

Nous faisons alors connaissance de Hank Cooper (Bruce Campbell), un ex-pilote de Formule 1 devenu mécanicien dans un garage modeste avec son collègue fantasque Roddy (Kevin J. O’Connor). Leur patron Chuck (Clarence Williams III) les inscrit à un concours de mécanique où les participants sont chargés de réparer un tacot qu’ils devront faire courir. Hank et Roddy héritent de la vieille Coccinelle, la seule voiture restante. Contraints de relever le défi, ils parviennent à lui redonner vie juste avant qu’elle ne soit remorquée hors de la piste. Grâce à l’aide de cette voiture particulièrement capricieuse qui semble lui témoigner une confiance inattendue, Hank réussit à remporter la course, retrouvant ainsi la foi en ses capacités de pilote. Ce succès inattendu attire l’attention de son ex-petite amie Alex Davis (Alexandra Wentworth), journaliste sportive chez Auto Magazine, mais attise aussi l’esprit revanchard du vil Simon Moore III. Ici, Kevin Connor reprend à peu de chose près le rôle du mécano que jouais Buddy Hackett dans Un amour de Coccinelle, un hurluberlu sympathique qui est le seul à pouvoir comprendre Choupette et communiquer avec elle. John Hannah, lui, assure la fonction de méchant imbu de lui-même (comme David Tomlinson en son temps) tandis que Bruce Campbell et Alexandra Wentworth se tournent autour comme chien et chat, à la manière du couple qu’incarnaient Dean Jones et Michele Lee. Nous sommes donc en terrain connu.

Enfer mécanique

Mais Un nouveau départ pour la Coccinelle tient à aller plus loin en nous révélant ce qui n’avait jamais été raconté auparavant : les origines de cette voiture aux capacités hors du commun. Un flash-back en noir et blanc qui se frotte au mythe de Frankenstein nous apprend donc qu’après la deuxième guerre mondiale, à la demande du gouvernement américain, l’ingénieur allemand Gustav Stümpfel fut chargé de concevoir une voiture autonome aux fortes capacités. Alors qu’il effectuait des tests pour trouver le métal idéal (dans une grande cuve digne de celle d’un alchimiste), la photo de sa bien-aimée Elsa tomba dans la mixture en fusion. Et voilà comment Herbie/Choupette fut dotée d’une âme ! Mais le scénario n’arrête pas là ses audaces. Perclus de jalousie, Simon Moore III demande en effet à Stümpfel de fabriquer une autre voiture du même type. Pour l’ingrédient « magique », le pilote antipathique choisit la photo de la personne qu’il aime le plus… autrement dit lui-même ! Ainsi naît Horace, le double maléfique de Herbie bourré de gadgets mortels tels que des scies latérales, un lance grenades et des rayons laser. D’où un affrontement homérique qui tient lieu de climax à cette variante très distrayante au cours de laquelle Dean Jones fait une apparition en guest-star, reprenant le rôle d’un Jim Douglas vieillissant. Deux ans plus tard, John Hannah et Kevin J. O’Connor se retrouveront dans La Momie.

 

© Gilles Penso

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THE REFRIGERATOR (1991)

Dans ce petit film d’horreur parfaitement improbable, un jeune couple est menacé dans son appartement par un frigo démoniaque !

THE REFRIGERATOR

 

1991 – USA

 

Réalisé par Nicholas Jacobs

 

Avec Julia McNeal, Dave Sidmonds, Phyllis Sanz, Angel Caban, Nena Segal, Jaime Rojo, Alex Trisano, Peter Justinus, Karen Wexler, Michael Beltran, Jack Mason

 

THEMA OBJETS VIVANTS

Après avoir travaillé pour la télévision et avoir assuré le poste de second assistant réalisateur sur la chronique newyorkaise Clins d’œil sur un adieu de Bill Sherwood (avec un tout jeune Steve Buscemi), Nicholas Jacobs décide d’écrire et mettre en scène son premier long-métrage, un film d’horreur insolite consacré à un réfrigérateur démoniaque ! Le projet n’est pas simple à monter financièrement, on s’en doute, et si la première version du script est écrite en 1987, le film ne se concrétise que quatre ans plus tard. Jacobs le tourne à New York avec un budget anémique de 500 000 dollars. La production ayant décidé de ne pas soumettre The Refrigerator à la commission de la MPAA (Motion Pictures Association of America) qui est chargée de classifier les œuvres cinématographiques aux États-Unis, le réalisateur n’est bridé par aucune censure et peut se permettre tous les excès gore sans contrainte. Mais en contrepartie, le film sort directement en vidéo (après quelques projections isolées en festival), n’a qu’une exploitation très limitée et disparait rapidement de la circulation. Jacobs lui-même ne réalisera plus tard qu’un autre long-métrage, la satire militaire Weapons of Mass Destruction, et quelques épisodes de séries TV.

Steve et Eileen Bateman (Dave Sidmonds et Julia McNeal), deux jeunes mariés originaires de Chagrin Falls, Ohio, emménagent à New York dans un petit appartement meublé, attirés par son loyer étonnamment bas. Au cœur de leur nouvelle cuisine trône un immense réfrigérateur par lequel le malheur ne va pas tarder à arriver. Tandis que Steve débute un nouveau travail et qu’Eileen rêve d’une carrière d’actrice, d’étranges événements commencent à troubler leur quotidien. Un soir, après une virée arrosée, un couple anonyme pénètre ainsi dans l’appartement et fait l’amour devant la cuisine. Soudain, la femme est aspirée par le réfrigérateur et disparaît sans laisser de trace. Peu à peu, le frigo démoniaque hante les nuits de Steve et Eileen sous forme de cauchemars bizarres, l’atmosphère devient de plus en plus pesante, la relation du couple se détériore et Steve sombre lentement dans la folie. C’est alors que surgit Juan (Angel Caban), un plombier excentrique qui avertit Eileen : selon lui, ce réfrigérateur est un portail vers l’enfer, contrôlé par le diable lui-même…

Cauchemar en cuisine

The Refrigerator ne sait manifestement pas sur quel pied danser. Partagé entre l’envie d’être une comédie et un film d’horreur, il ne fait ni vraiment rire ni particulièrement peur. Certes, la vision impensable de ce frigo géant qui se déplace dans l’appartement pour attaquer les gens et engloutir ses victimes a quelque chose de joyeusement divertissant. Mais les séquences de mises à mort – qu’on aurait espéré excessives et originales – ne sont finalement que rares et frustrantes. On se rabat alors sur une poignée de séquences insolites, notamment les cauchemars du couple qui imagine toutes sortes de choses bizarres à l’intérieur du réfrigérateur (des gens minuscules au milieu des aliments, un bébé qui flotte dans du liquide amniotique). On se croirait presque chez David Lynch ! Dommage que ces écarts restent isolés, tout comme ce plongeon bref dans l’absurde au moment où le plombier bolivien incarné par Angel Caban (échappé de Troma’s War) se lance dans un flamenco endiablé. Le climax ne fait pas dans la demi-mesure, une fête organisée dans l’appartement virant au cauchemar lorsque le frigo se réveille et donne vie à tous les autres appareils de la cuisine (poubelle, ventilateur, mixeur) pour un joyeux carnage final. Bref, The Refrigerator n’exploite que très partiellement son potentiel mais ravira les amateurs de petites curiosités improbables.

 

© Gilles Penso

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THE ELECTRIC STATE (2025)

Millie Bobby Brown et Chris Pratt errent dans un monde alternatif où les humains et les robots ne sont plus autorisés à cohabiter…

THE ELECTRIC STATE

 

2025 – USA

 

Réalisé par Anthony et Joe Russo

 

Avec Millie Bobby Brown, Chris Pratt, Ke Huy Quan, Stanley Tuddi, Woody Norman, Giancarlo Esposito, Jason Alexander, Martin Klebba, Martin Hinkle, Michael Trucco

 

THEMA ROBOTS

Ce titanesque blockbuster de science-fiction, l’un des longs-métrages les plus coûteux de l’histoire du cinéma au moment de sa mise en production (320 millions de dollars de budget), s’inspire d’un roman graphique de Simon Stålenhag paru en 2018. Anthony et Joe Russo, les chouchous du studio Marvel depuis 2014 (Captain America : le soldat de l’hiver, Captain America : Civil War, Avengers : Infinity War, Avengers : Endgame), font l’acquisition des droits du livre un an avant sa publication et envisagent d’en produire l’adaptation en cédant la place du réalisateur à Andres Muschietti (Ça). Universal est alors positionné pour distribuer le film en salles. Mais la concrétisation de The Electric State prend plus de temps que prévu, poussant Muschietti à se retirer pour partir réaliser The Flash. C’est finalement Netflix qui récupère les droits du film en 2022. Les frères Russo prennent en charge eux-mêmes la mise en scène et truffent chaque séquence d’effets visuels et d’images de synthèse à très grande échelle conçus par une myriade de compagnies prestigieuses dont Digital Domain et Industrial Light & Magic. D’où une post-production à rallonge. Le but est manifestement d’en mettre plein la vue aux spectateurs, même si le film ne sera apprécié que sur les petits écrans.

The Electric State est une uchronie. Dans ce monde alternatif, les années 1990 ont été marquées par une guerre dévastatrice entre les humains et les robots, déclenchée lorsque les machines ont réclamé des droits et une autonomie. Les humains ont fini par triompher grâce à l’invention du neurotransmetteur, une technologie permettant aux combattants de piloter à distance des robots guerriers sans risquer eux-mêmes d’être blessés ou tués. Après cette victoire, la paix est revenue dans le monde. La technologie du neurotransmetteur offre désormais à chacun un don d’ubiquité, du moins la possibilité de faire agir à distance un double robotisé tout en restant tranquillement confiné. C’est dans ce contexte que Michelle (Millie Bobby Brown), une jeune fille rebelle ayant perdu son frère et ses parents dans un accident de voiture, vit désormais au sein d’une famille d’accueil. Un soir, sa vie prend un tournant inattendu lorsqu’elle reçoit la visite d’un étrange robot au look cartoonesque qui semble la connaître personnellement. Or les interactions entre les humains et les robots sont strictement interdites depuis la guerre…

Robots sauvages

L’ambition visuelle de The Electric State est indiscutable. Les séquences d’action rivalisent de générosité et d’hypertrophie, les frères Russo enchaînant les tableaux visuels dignes des couvertures de romans de SF pulp à l’ancienne : le robot géant qui traverse le désert en portant un van sur son épaule, les vastes paysages jonchés d’immenses carcasses mécaniques déchues, l’énorme machine bipède qui balance des voitures contre la façade d’un immeuble ou encore cette galerie marchante où grouillent des robots grotesques qui semblent inspirés par les personnages des comic strips des années 20 et 30. Mais l’effet de déjà-vu n’est pas exclu pour autant. Le film puise beaucoup chez Terminator (jusqu’à en reprendre certains effets sonores), A.I. (avec ses robots charognards faits de bric et de broc) et Ready Player One (les combattants commandés à distance par des employés derrière des casques virtuels). Cette dernière influence est renforcée par la bande originale d’Alan Silvestri. D’autre part, si le casting du film est attrayant, chacun semble rester sagement dans sa zone de confort. Millie Bobby Brown est fidèle à son image de jeune héroïne forçant l’adversité avec détermination et anticonformisme, Chris Pratt cabotine dans son registre habituel d’anti-héros sympathique sous influence d’Harrison Ford (il reprend même le look de Han Solo), Giancarlo Esposito joue comme toujours le salaud charismatique… Bref, rien de bien nouveau. The Electric State nous laisse en définitive une impression très mitigée, celle d’un spectacle grandiose qui se donne les moyens de ses ambitions mais peine à sortir du lot. C’est un refrain connu chez Netflix.

 

© Gilles Penso

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SOUDAIN DANS LA NUIT (1981)

Un couple coréen accueille une jeune femme de ménage qui porte pour tout bagage une étrange poupée en bois…

GIPEUN BAM GABJAGI

 

1981 – CORÉE

 

Réalisé par Young Nam Ko

 

Avec Kim Young-ae, Yoon Il-bong, Lee Ki-seon, Hyun Hye-ri, Kim Heun-hie, Kim Min-gyu, Kim Gi-jong, Lee Yae-sung, Gwak Geon, Yoo Myeong-sun

 

THEMA SORCELLERIE ET MAGIE I JOUETS

Young Nam Ko (dont le nom s’orthographie aussi Go Yeong-Nam ou Ko Young-Nam) est ce qu’on appelle un stakhanoviste. Entre 1964 et 2000, ce réalisateur infatigable aura mis en boîte plus de 105 longs-métrages, alternant les genres (drame, policier, romance, action) et tournant généralement quatre ou cinq films par an. Cette hyperactivité ne l’empêche pas de soigner son travail, de styliser sa mise en scène et de s’adonner à des expérimentations intéressantes. En ce domaine, Soudain dans la nuit est un véritable showcase de son savoir-faire, cette incursion dans l’horreur psychologique lui permettant de jouer sans cesse avec les perceptions des spectateurs et de son personnage principal. Le film entre en production à la fin du règne dictatorial de Park Chung-hee, assassiné en 1979. Avec l’arrivée d’un nouveau régime et l’assouplissement considérable de la censure, le cinéma érotique prend son essor. Young Nam Ko lui emprunte plusieurs de ses codes, même si Soudain dans la nuit échappe un peu aux étiquettes. S’il semble se conformer aux atmosphères des films de fantômes asiatiques et s’il se laisse influencer par le cinéma de genre international (on pense à Suspiria et à Shining, surtout au cours de son dernier acte), le film prend aussi les allures d’un drame psychologique inscrit dans un cadre social réaliste, celui d’une famille bourgeoise de Séoul dont l’équilibre est en train de se briser.

Seon-hee est la mère d’une charmante petite fille et l’épouse de Kang Yu-jin, un professeur de biologie spécialisé dans les insectes qui quitte régulièrement le foyer pour partir chasser les papillons rares. Un soir, après l’une de ses expéditions, notre homme convoque plusieurs de ses collègues pour leur montrer les diapositives de ses derniers trophées. Bizarrement, la photo d’une poupée en bois mystérieuse s’est glissée parmi ces clichés. Probablement une erreur du laboratoire. Toujours est-il que la vision de cette image incongrue trouble inexplicablement Seon-hee. De retour d’une autre excursion, le savant ramène Mi-ok, une jeune femme qui errait dans un village voisin après l’incendie qui causa la mort de sa mère. L’épouse regarde d’un mauvais œil cette jolie inconnue mais se ravise en découvrant qu’elle pourrait faire une très bonne femme de ménage (une denrée rare, visiblement). Or la mère de Mi-ok était chamane. Et dans ses bagages, la jeune fille transporte comme seul bagage une poupée identique à celle aperçue sur l’étrange cliché…

Sanglante paranoïa

Progressivement, par petites touches, Young Nam Ko instille le trouble qui saisit Seon-hee, femme au foyer docile dont les fêlures soudaines ne vont cesser de se creuser. Tout commence par une étrange obsession qu’elle développe autour du corps trop parfait de Mi-ok, puis par l’inquiétude croissante d’une possible infidélité de son époux. Le doute se mue en paranoïa, ce que le réalisateur traduit par de très gros plans sur des pas, sur une oreille soudain dressée, sur un regard. Tout finit par devenir suspect, la voix off de Seon-hee nous permettant d’appréhender ses pensées confuses. Très inspiré, Young Nam Ko se laisse aller à quelques envolées psychédéliques en sollicitant des effets kaléidoscopiques qui multiplient l’écran en de nombreuses facettes, des cercles vitreux qui altèrent l’image ou divers filtres déformants. Tandis que la confusion s’exacerbe, les migraines, les vertiges et les malaises frappent Seon-hee. Le film reste volontairement ambigu sur la nature véritable de la menace. Mi-ok cherche-t-elle à tuer sa maîtresse pour prendre sa place ? Est-ce un être diabolique qui se dissimule sous un masque de candeur et d’affabilité ? Sa poupée est-elle porteuse d’esprits démoniaques ? Tout se passe-t-il dans la tête de notre infortunée mère de famille ? Fascinant, le film s’achève sur un climax horrifique balayant toute approche réaliste pour traduire un sentiment de cauchemar éveillé, jusqu’à un final savoureux au cours duquel la folie et la possession diabolique fusionnent.

 

© Gilles Penso

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CÉRÉMONIE SANGLANTE (1973)

Le réalisateur du Massacre des morts-vivants réinvente la légende de la comtesse Bathory dans un village hongrois du 19ème siècle…

CEREMONIA SANGRIETA

 

1973 – ESPAGNE / ITALIE

 

Réalisé par Jorge Grau

 

Avec Lucia Bosé, Espartaco Santoni, Ewa Aulin, Ana Farra, Silvano Tranquilli, Lola Gaos, Enrique Vivo, Maria Vico, Angel Menendez, Adolfo Thous, Ismael Garcia-Romeu

 

THEMA VAMPIRES

Depuis la fin des années 60 et Les Vampire du docteur Dracula, le cinéma d’épouvante espagnol est en plein essor et se déploie tous azimuts, trop heureux d’étaler à l’écran du sang et du sexe en accord avec les codes des œuvres d’exploitation de l’époque. S’engouffrant dans cette mouvance, Jorge Grau se lance avec Cérémonie sanglante dans une interprétation très personnelle des célèbres crimes de la comtesse Erzebeth Bathory, dont les méfaits sanglants inspirèrent des cinéastes aussi variés que Peter Sasdy (Comtesse Dracula), Harry Kümel (Les Lèvres rouges) ou Luigi Batzella et Joe d’Amato (Les Vierges de la pleine lune). Malgré tout, l’approche de Grau reste surprenante et inhabituelle, dans la mesure où son film cherche à s’inscrire – avec une liberté artistique manifeste – dans le contexte historique de l’Europe de l’Est de la fin du 19ème siècle, soit deux cents ans après les faits dont fut présumée coupable la « comtesse sanglante ». Et si son film sacrifie aux séquences horrifiques ponctuées d’une pointe d’érotisme, là n’est visiblement pas son objectif premier. Futur réalisateur du remarquable Le Massacre des morts-vivants, Grau cherche avant tout à décrire une époque constellée de superstitions, de bigoterie, de folklores et de pratiques convoquant le surnaturel même lorsque celui-ci ne montre pas le bout de son nez.

« Cajlice, Europe centrale, 1807 » nous annonce un carton d’introduction. Une procession sinistre avance dans un cimetière nocturne, rythmée par une musique lugubre et par les hurlements lointains des loups. Brandissant des torches et des livres de prière, les villageois ouvrent le cercueil d’un présumé vampire et enfoncent un pieu dans son cœur, agrémentant leur rituel d’étranges pratiques comme la cavalcade à cheval d’un jeune homme vierge entièrement nu. Face aux croyances archaïques de cette population facilement influençable, le marquis Karl Ziemmer (Espartaco Santoni) et son épouse Erzebeth (Lucia Bosé) se démarquent fortement. Hautains, fiers, charismatiques, ils se mêlent peu à la population et subissent les affres d’un mariage de plus en plus fragilisé. Karl préfère en effet courir les bois pour chasser avec ses faucons plutôt qu’honorer son épouse, qui se sent délaissée et vieillissante. Telle la reine de Blanche Neige, Erzebeth ne cesse de contempler son reflet dans le miroir, guettant la moindre ride d’un œil suspect. Lorsqu’elle apprend par sa servante que son ancêtre utilisait le sang des vierges pour préserver sa jeunesse, la marquise ne tarde pas à vouloir suivre ce sinistre modèle…

Du sang neuf

Cérémonie sanglante convoque l’imagerie et les thèmes du vampirisme, n’hésitant pas à doter certains de ses personnages de noms rattachés au mythe (Bathory bien sûr, mais aussi Helsing ou Carmilla), mais Jorge Grau joue volontairement la carte de l’ambiguïté. Car si Erzebeth se lance effectivement dans un massacre en règle dans l’espoir de renouer avec la fontaine de jouvence de son aïeule (dont les effets ne sont d’ailleurs jamais confirmés) et si le sang coule à flot dans les rues du village, les suceurs de sang aux dents pointues brillent par leur absence. Dans l’Europe que décrit le cinéaste, rien ne semble pouvoir distinguer la superstition de la religion ou de la loi, en une époque où l’État et l’Église n’ont pas encore été séparés. D’où cette séquence délicieusement surréaliste au cours de laquelle le corps sans vie d’un supposé vampire gisant dans son cercueil est l’accusé principal d’un tribunal très sérieux ! Très doué pour créer le malaise (notamment lorsque la marquise couve d’un regard cupide la peau d’albâtre d’une fillette qui joue sur ses terres), Grau ne lésine pas sur les visions choc, de la tête décapitée qui se consume en gros plan aux mains ensanglantées du marquis qui martèle son clavecin en passant par cette vision cauchemardesque de corps de jeunes femmes en décomposition qui s’animent pour menacer Erzebeth. Nous nous serions bien passés des scènes pénibles de maltraitances animales (la colombe dévorée par les faucons, les chauve-souris brûlées par les enfants), mais à cette réserve près, Cérémonie sanglante est une œuvre très recommandable, à savourer conjointement au Massacre des morts-vivants, l’autre grand film d’horreur de Jorge Grau.

 

© Gilles Penso

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ANIMALS (2017)

Dans cette œuvre vertigineuse et hallucinatoire, un couple parti se retirer dans un chalet isolé perd toute notion de la réalité…

TIERE / BÊTES / ZWIERZETA

 

2017 – SUISSE / AUTRICHE / POLOGNE

 

Réalisé par Greg Zglinski

 

Avec Birgit Minichmayr, Philip Hochmair, Mona Petri, Mehdi Nebbou, Michael Ostrowski

 

THEMA MORT

C’est en 2007 que le réalisateur autrichien Jörg Kalt écrit le scénario de Animals, en s’inspirant de la célèbre peinture Relativité de M.C. Escher qui brise toutes les lois connues de l’architecture et de la gravité. Kalt entend bien réaliser le film lui-même, mais il se donne la mort juste après avoir écrit le script, à la grande surprise de son entourage. En découvrant ce script dans le cadre de son travail de commissaire à la Fondation du Film de Zurich, Greg Zglinski, ancien élève de Krzysztof Kieslowski, en tombe amoureux et décide de le porter à l’écran, en dédiant le film à la mémoire de son auteur. « Le tableau Relativité a une dynamique très particulière, c’est une image qui bouge », dit-il. « En le traduisant à l’écran, j’ai cherché à retrouver les mêmes sentiments. Le scénario de Jörg Kalt avait déjà cette forme. Je me suis senti très proche de cette histoire. Mes premiers courts métrages en super 8 ne racontaient pas d’histoires, plutôt des impressions, des rêves. Le rêve a toujours eu beaucoup d’importance dans ma vie. Avec Animals, je suis donc en territoire connu. » (1) Soutenu par l’Institut autrichien du cinéma, le Fonds du cinéma de Vienne et Film Location Austria, Animals (connu aussi sous les titres de Bêtes, Tiere ou Zwierzeta) est une coproduction européenne tournée en 2016 à Vienne, en Suisse en en Pologne.

Zglinski braque sa caméra sur deux bourgeois autrichiens dont le couple bat un peu de l’aile. Anna (Birgit Minichmayr), écrivain pour enfants, s’apprête à écrire son premier roman pour adultes. Son époux Nick (Philip Hochmair), chef cuisinier réputé, s’adonne régulièrement à l’adultère. Tous deux se retirent dans un chalet isolé dans les Alpes suisse pour se concentrer sur leurs créations respectives et tenter de sauver leur mariage fragilisé. Le temps de leur absence, ils louent leur appartement viennois à Mischa (Mona Petri), qui ressemble comme deux gouttes d’eau à Andrea, l’amante secrète de Nick, laquelle vit à l’étage du même immeuble. Sur la route, le couple heurte un mouton. Dès lors, la frontière entre la réalité et l’illusion s’estompe. Le temps, les lieux et même les personnages se confondent. Un parallèle bizarre s’établit bientôt entre le chalet et l’appartement, tous deux présentant la particularité de posséder une porte fermée qui donne sur une pièce mystérieuse.

Sens dessus dessous

Même si Roman Polanski, Alfred Hitchcock et David Lynch semblent influencer cette œuvre déroutante, Greg Zglinski affirme un style très personnel et parvient à embarquer ses spectateurs dans un voyage mental déstabilisant dans lequel les chats parlent, les oiseaux kamikazes se jettent contre les murs, les personnages se dédoublent et les situations finissent par former des boucles vertigineuses. Toutes les théories sont permises, y compris celles du rêve ou de la folie. Grâce à ses acteurs très convaincants, sa mise en scène extrêmement élégantes et son scénario aux circonvolutions hallucinatoires, le spectateur se laisse embarquer dans ce voyage mental perturbé, dans l’espoir qu’il y ait une clef derrière toute cette énigme. Il y en a effectivement une, un peu décevante dans la mesure où elle n’est pas d’une folle originalité, même si elle présente l’intérêt de rationnaliser cette intrigue de prime abord totalement incohérente. Toutes les pièces du puzzle finissent donc par s’assembler au cours d’un dénouement pragmatique, un peu comme si un filtre optique permettait de remettre de l’ordre dans les escaliers biscornus de la Relativité de M.C. Escher.

 

(1) Extrait d’une interview publiée dans Le Temps en juillet 2018

 

© Gilles Penso

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MANIAC (1963)

Interné après avoir brûlé vif l’agresseur de sa fille avec un chalumeau, un homme revient hanter les lieux du crime…

MANIAC

 

1963 – GB / FRANCE

 

Réalisé par Michael Carreras

 

Avec Kerwin Mathews, Nadia Gray, Donald Houston, Liliane Brousse, George Pastell, Arnold Diamond, Norman Bird, Justine Lord, Jerold Wells

 

THEMA TUEURS

À contre-courant des films d’épouvante gothiques avec lesquels la compagnie Hammer s’était forgée une solide réputation, Hurler de peur s’aventurait sur un terrain différent, préférant aux châteaux hantés, aux vampires et aux savants fous une horreur psychologique contemporaine héritée de Psychose et des Diaboliques. Le succès du long-métrage de Seth Holt surprit agréablement Michael Carreras, patron de la Hammer, qui décida de poursuivre dans la même voie en passant lui-même derrière la caméra à l’occasion de Maniac. Comme pour Hurler de peur, l’intrigue se situe dans le sud de la France, plus précisément en Camargue, une région qui séduisit le producteur et scénariste Jimmy Sangster pour sa photogénie et sa nature sauvage aux vastes étendues désertes. Les moyens mis à la disposition du film restent modestes – 300 000 dollars de budget, cinq semaines de tournage -, ce qui implique un certain nombre de restrictions qui ne seront pas toujours du goût de Sangster. Ce dernier espérait en effet un résultat de plus grande envergure. Le rôle masculin principal est attribué à Kerwin Mathews (Le 7ème voyage de Sinbad, Jack le tueur de géants, Les Voyages de Gulliver), alors sous contrat chez le studio Columbia qui participe au financement du film et à sa distribution en Amérique.

Un carton d’introduction nous donne le ton : « La Camargue… une région du sud de la France où vivent les chevaux sauvages, où sont élevés les taureaux de combat et où la violence n’est jamais loin… » Nous sommes dans la petite commune (imaginaire) de Sainte-Gironde. Alors qu’elle rentre à pied de l’école, l’adolescente Annette (Liliane Brousse) croise la route de Janiello (Arnold Diamond) qui propose de la raccompagner en voiture. Mais l’homme est un pervers qui entraîne la jeune fille dans un coin de nature et la viole, sous le regard d’un jeune témoin qui va chercher le père de la victime. Celui-ci arrive aussitôt, s’empare de l’agresseur, l’enferme dans son garage et le brûle vif avec son chalumeau. Maniac démarre donc assez fort. Quatre ans plus tard, Geoff Farrell (Kerwin Mathews), un peintre américain qui vient de se disputer avec sa petite amie, débarque dans le village. Il prend une chambre dans la modeste pension où travaille Annette et commence à lui faire du gringue, ce qui n’est pas du goût de sa belle-mère Eve (Nadia Gray). Le mari de cette dernière, surnommé « le tueur à l’acétylène », a été arrêté après son crime et enfermé dans un hôpital psychiatrique près d’Avignon. Mais l’assassin s’apprête à refaire parler de lui…

« Le tueur à l’acétylène »

Les premières minutes de Maniac savent saisir le spectateur et le secouer avec efficacité. La mise en scène inventive de Carreras joue sur les ruptures, les entrées dans le champ qui redéfinissent la composition des cadres ou les effets de montage inattendus, le tout aux accents d’une musique jazz mystérieuse de Stanley Black qui évoque certains travaux de Lalo Schifrin et John Barry. Après cette entrée en matière choc, le ton change et le rythme s’alanguit, comme ensommeillé par la chaleur provençale, tandis qu’une petite rivalité amoureuse se met en place autour du peintre nonchalant qu’incarne Mathews. L’intrigue devient policière à mi-parcours, puis retrouve son caractère horrifique lorsque le tueur entre à nouveau en scène. Maniac jongle ainsi avec plusieurs genres qu’il essaie d’harmoniser du mieux qu’il peut, les manigances, les complots et les retournements de situation s’enchaînant sous l’influence manifeste des Diaboliques. On sent bien que certains personnages cachent leur jeu, mentent, tirent les ficelles, sans que nous soyons capables de comprendre le fin mot de l’histoire jusqu’à un climax très hitchcockien situé dans les carrières vertigineuses des Beaux-de-Provence. Les extérieurs captés dans le sud de la France tranchent d’ailleurs spectaculairement avec l’atmosphère habituelle des films Hammer (cavalcades à cheval sur les plages camarguaises, promenades dans le marché et les arènes d’Arles, virées entre Avignon et Marseille). Ce n’est pas la moindre singularité de ce thriller horrifique imparfait mais très prenant.

 

© Gilles Penso

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FUTURE COP 6 (2002)

Dans cette suite improbable, le policier du futur se retrouve dans le corps de sa propre fille et doit lutter contre une secte de criminels…

TRANCERS 6

 

2002 – USA

 

Réalisé par Jaey Woelfel

 

Avec Zette Sullivan, Jennifer Capo, Robert Donavan, Timothy Prindle, Jere Jon, Jennifer Cantrell, Ben Bar, James R. Hilton, Kyle Ingleman, Gregory Lee Kenyon

 

THEMA VOYAGES DANS LE TEMPS I SAGA FUTURE COP I CHARLES BAND

Future Cop 4 et 5, qui transportaient le policier du futur Jack Deth dans un moyen-âge alternatif, semblaient avoir sonné le glas de la sympathique franchise initiée par Charles Band en 1985. Huit ans plus tard, pourtant, voilà que débarque ce sixième opus, à une époque où les productions de Band sont toutes plus fauchées les unes que les autres, filmées généralement en vidéo avec des budgets ridicules. Si Future Cop 6 est tourné en 16 mm pour se conformer à l’esthétique des épisodes précédents, les cordons de la bourse restent très serrés. Le réalisateur Jaey Woelfel (Iron Thunder, Demonicus) doit se débrouiller avec un budget de 60 000 dollars et un planning de tournage de 14 jours. Autre problème de taille : Tim Thomerson, l’acteur principal des cinq films précédents, commence à se faire vieux et réclame surtout un salaire que la compagnie Full Moon ne peut pas se permettre. Woelfel et le scénariste C. Courtney Joyner trouvent donc une idée amusante. Le flic inébranlable se réincarnera cette fois-ci dans le corps de sa propre fille, incarnée par Zette Sullivan, une actrice sympathique dont ce sera pourtant le seul titre de gloire. Thomerson acceptera malgré tout de rendre visite à l’équipe de tournage pour conseiller la jeune femme, lui suggérant de jouer le personnage en s’inspirant de Steve McQueen.

Thomerson est donc absent de Future Cop 6, si ce n’est par l’entremise d’une poignée d’images extraites des opus précédents. Pour incarner son corps allongé dans la salle de « transfert temporel », on fait appel à une doublure non créditée au générique, en l’occurrence Christopher Farrell. En voyageant dans le passé, notre héros se retrouve dans le Los Angeles de 2002, transféré dans le corps de sa propre fille Josephine « Jo » Forrest, employée à l’institut météorologique. Désorienté – on le serait à moins ! -, Jack/Jo doit apprendre à survivre sous cette nouvelle identité tout en affrontant une menace plus redoutable que jamais. Une secte de criminels transforme en effet de jeunes marginaux en « Trancers » grâce à une mystérieuse météorite récemment écrasée sur Terre (le scénariste s’étant vaguement laissé inspirer par La Couleur tombée du ciel d’H.P. Lovecraft). Armés d’une technologie futuriste, ces fanatiques bombardent leurs victimes de rayons étranges, les métamorphosant en zombies surpuissants et quasi-invincibles.

Dans la peau d’une brune

Le décalage sur lequel repose le scénario de Future Cop 6 (qui n’est pas sans évoquer le concept de Freaky Friday) permet au flic dur à cuire de se retrouver dans la peau de sa gentille fille adepte des boissons bio et conduisant une voiture pleine d’autocollants fleuris. Zette Sullivan parvient à nous dérider en incarnant ce type qui s’efforce maladroitement d’habiter le corps d’une femme, d’enfiler des bas ou de marcher sur des talons. Dans la peau d’une blonde de Blake Edwards nous revient alors en mémoire. Si le caractère comique du film fonctionne plutôt bien, on ne peut pas en dire autant du reste de l’intrigue. Les péripéties sont rapidement répétitives et incohérentes. Il est difficile de comprendre par exemple pourquoi les criminels s’obstinent à maintenir Jo en vie après l’avoir kidnappée alors qu’elle s’apprête sans cesse à leur faire faux bond. Le scénario tente bien de créer un suspense additionnel avec le corps de Jack qui, dans le futur, menace de disparaître si la mission de Jo n’est pas menée à terme. Mais tout ça n’est guère palpitant, et le manque de moyens se fait cruellement sentir. Pour raviver l’intérêt du spectateur, Jaey Woelfel se fend de quelques séquences horrifiques (le visage contrefait des cobayes d’expériences ratées, les Trancers qui dévorent une victime comme des zombies de chez Romero ou Fulci), ce qui n’empêche pas Future Cop 6 d’être l’épisode le plus anecdotique de cette petite franchise science-fictionnelle.

 

© Gilles Penso

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LA BELLE ET LA BÊTE (1978)

Dans cette version tchèque qui s’éloigne des codes du conte de fées, la Bête est une créature effrayante à tête de rapace…

PANNA A NETVOR

 

1978 – TCHECOSLOVAQUIE

 

Réalisé par Juraj Herz

 

Avec Zdena Studenkova, Vlastimil Harapes, Vaclav Voska, Jana Brejchova, Zuzana Kocurikova, Marta Hrachovinova, Vit Olmer, Jan Preucil, Frantisek Svacina

 

THEMA CONTES

À la fin des années 60, Juraj Herz fait beaucoup couler d’encre avec L’Incinérateur de cadavres, un film cynique et désenchanté qui reflète sa propre expérience de rescapé des camps de la mort nazi. Mais après l’occupation soviétique successive au Printemps de Prague, la censure veille au grain et il n’est plus possible d’aborder de manière si frontale des sujets aussi politiques au sein de la cinématographie tchèque. Herz décide alors de s’appuyer sur la métaphore pour poursuivre sa démarche artistique. Quoi de plus innocent que « La Belle et la Bête », récit pour enfants universel traduit dans toutes les langues du monde ? Si ce n’est que son approche du conte n’aura rien de féerique. Pour les besoins du film, Herz fait construire un très couteux décor de château gothique au sein des studios Barrandov. Cette édification n’est envisageable qu’à condition de l’amortir avec un autre long-métrage. Le cinéaste accepte le défi et y tourne deux films simultanément : La Belle et la Bête et Le Neuvième cœur. Sa relecture du célèbre conte popularisé par Madame Leprince de Beaumont reprend dans les grandes lignes la trame que nous connaissons. Nous avons donc affaire à un commerçant qui croule sous les dettes alors que ses deux filles aînées sont sur le point de se marier. Tandis que les huissiers vident sa maison, le pauvre homme décide de partir vers la ville la plus proche pour vendre son dernier bien : un portrait de sa défunte épouse.

La Belle et la Bête de Juraj Herz se distingue très tôt par son caractère effrayant et mélancolique, triste et singulier. Les décors naturels y apparaissent sales, lugubres, gris. La photographie est presque achrome, comme pour accentuer le spectacle désolant d’une forêt aux arbres calcinés, d’un ciel sans soleil, d’une nature à l’agonie. La musique elle-même est funèbre, rythmant un générique déstabilisant qui égrène des peintures macabres. Si, en comparaison, la place du marché dans laquelle démarre le film semble joyeuse, on y massacre du bétail et on y patauge dans la boue. On se croirait presque dans le moyen-âge crasseux de Jabberwocky. Bref, nous voilà bien loin de la poésie lumineuse de Jean Cocteau – et encore plus loin des variantes que proposera plus tard le studio Disney. On ne s’étonne donc pas de voir le voyage du commerçant emprunter les voies du cinéma d’épouvante. Après avoir traversé la forêt noire enchantée, il se retrouve dans un château sinistre au pied duquel bouillonne un étang brumeux. L’homme se réchauffe au coin du feu, se désaltère, se nourrit et y passe la nuit. Au matin, en échange du tableau, le mystérieux châtelain le couvre d’or et de bijoux. Mais le marchand a la mauvaise idée de cueillir une rose pour la ramener à sa fille cadette Julie. Il scelle ainsi son destin…

La Vierge et le Monstre

La Bête n’apparaît qu’en vue subjective au début du métrage. Seul le regard épouvanté du marchand permet d’imaginer son apparence repoussante. Quand elle débarque dans le château et qu’elle perd connaissance, Julie s’imagine en train de danser avec un beau prince au ralenti. Mais le réveil est plus rude, et la main griffue qui s’approche de sa gorge n’augure rien de bon. C’est au beau milieu du film que la Bête paraît enfin, révélant ses traits d’oiseau de proie humanoïde horriblement surréaliste, s’éloignant volontairement des représentations félines que nous connaissons. La vision de cette homme-rapace qui chevauche au milieu des arbres morts de la forêt crépusculaire a quelque chose de très perturbant, surtout lorsqu’il prend en chasse une biche pour satisfaire ses appétits. Tourmentée par une voix intérieure qui l’incite à oublier ses élans romantiques pour satisfaire ses besoins bestiaux primaires, cette créature est autant pathétique que terrifiante. Mais lorsqu’elle effleure ses griffes, Julie les transforme en mains humaines. La Belle est donc elle-même un élément magique. Aurait-elle le pouvoir de muer ce monstre en prince de ses rêves ? Et si cette Bête n’existait que dans sa tête, n’était qu’une projection de son inconscient ? Bardé de symboles psychanalytiques et ouvert à toutes les interprétations, ce film fascinant (dont le titre original peut se traduire par « La Vierge et le Monstre ») est une alternative très recommandable au chef d’œuvre de Jean Cocteau.

 

© Gilles Penso

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