TROPHY HEADS (2014)

Désespéré de voir vieillir les « scream queens » qu’il adore, un homme solitaire décide de les décapiter et de transformer leurs têtes en trophées !

TROPHY HEADS

 

2014 – USA

 

Réalisé par Charles Band

 

Avec Adam Roberts, Maria Olsen, Brinke Stevens, Darcy DeMoss, Jacqueline Lovell, Linnea Quigley, Michelle Bauer, Denice Duff, Irena Murphy, Stuart Gordon

 

THEMA TUEURS I CINÉMA ET TÉLÉVISION I SAGA CHARLES BAND

Pour s’adapter au développement de plus en plus important de plateformes de streaming partout dans le monde, le producteur/réalisateur Charles Band, patron de Full Moon Entertainment, décide de prendre le train en marche. Puisqu’il faut désormais en passer par là, il crée son propre service de streaming en 2013 et commence à l’alimenter avec les films de son catalogue, des compilations d’extraits de ses titres les plus connus et des programmes originaux. La prochaine étape s’impose d’elle-même : la création d’une web série. C’est une publicité improbable dans un magazine (vantant la possibilité d’acheter des fausses têtes de femmes grandeur nature pour les exposer chez soi comme des trophées !) qui lui donne l’idée première de ce qui s’apprête à devenir Trophy Heads. Fidèle collaborateur de Full Moon, Roger Barron (alias Neal Marshall Stevens) écrit en deux semaines à peine les cinq épisodes de vingt minutes de cette première série. En proposant à plusieurs « scream queens » de jouer leur propre rôle (Brinke Stevens, Darcy DeMoss, Jacqueline Lovell, Linnea Quigley, Michelle Bauer et Denice Duff), Trophy Heads propose une réflexion drôle et désenchantée sur le caractère éphémère des stars hollywoodienne, surtout celles qui brillent dans les films d’horreur de série B. Après sa diffusion, la série sera remontée sous forme d’un long-métrage autonome et peut désormais s’apprécier sous ce format.

Au cours du prologue, l’actrice Darcy DeMoss (que les amateurs du genre ont pu voir dans Jason le mort-vivant, Return to Horror High ou Zombie Academy) est poursuivie en pleine nuit par un tueur déguisé en extra-terrestre qui la décapite brutalement d’un coup de faucille. Voilà une entrée en matière diablement efficace ! Trophy Heads s’intéresse à Max (Adam Noble Roberts), un homme oisif qui vit seul avec sa mère et se repasse en boucle des VHS de séries B qu’il adore (de préférence celles de Full Moon, bien sûr). Désabusé, il se rend compte que ses films préférés vieillissent, tout comme leurs stars. Son seul souhait est de les préserver pour toujours. Pour y parvenir, il décide de recréer les scènes de mort de ces starlettes dans leurs films les plus fameux, de leur couper la tête et d’en faire des trophées pour son sous-sol. Avec l’aide de sa mère (Maria Olsen, qu’on retrouvera en psychopathe dans I Spit on Your Grave : déjà vu), il met son plan à exécution…

Tête à tête

Gingerdead Man 2 jouait déjà fortement la carte de la mise en abyme et de l’autodérision, mais sur un ton ouvertement burlesque et parodique. Si l’humour noir et les gags visuels ne sont pas absents de Trophy Heads, l’hommage se veut ici plus sincère. Entrant pleinement dans le jeu, nos « stars » écornent volontairement leur image. Ici, Brinke Stevens (Sideshow) est devenue masseuse spécialisée dans la chiropractie, Linnea Quigley (Le Retour des morts-vivants) fait du porte-à-porte pour diffuser la parole de Dieu, Michelle Bauer (Hollywood Chainsaw Hookers) vend des jus de fruit et des photos dédicacées sur la plage… L’un des moments humoristiques les plus réussis du film oppose Jacqueline Lowell (Hideous) et Denice Duff (Subspecies) qui jugent non sans mépris leurs carrières respectives. Charles Band accepte lui-même de passer à la moulinette, ses films étant résumés le temps d’une réplique à « du sang, des seins et des petits monstres ». Dans le même esprit, le connaisseur s’amusera de cette séquence de casting dans laquelle tout le monde joue son propre rôle. Stuart Gordon incarne donc le réalisateur d’un film qui s’appelle Re-Possessed et pour lequel postulent plusieurs actrices, parmi lesquelles Robin Sydney (Gingerdead Man), Amy Paffrath (Evil Bong 2) et Jessica Morris (Les Geôles du diable). À travers les reconstitutions des scènes clés de plusieurs de ses films fétiches avec les moyens du bord (Alien Abduction, Slave Girls, Creepozoids, Sorority Babes, Subspecies 2, Le Cerveau de la famille), notre fanboy psychopathe se lance presque dans une version trash de Soyez sympa rembobinez. Ce n’est pas l’un des moindres atouts de ce film bourré de clins d’œil, sur lequel plane aussi l’ombre de Psychose et Maniac lorsque les victimes décapitées et empaillées commencent à tourmenter le jeune homme en s’adressant directement à lui. Bref, voilà une « traversée du miroir » certes modeste mais très recommandable.

 

© Gilles Penso

À découvrir dans le même genre…

 

Partagez cet article

LES DIABLES (1971)

Ken Russell s’empare de l’histoire vraie d’un prêtre accusé de sorcellerie pour bâtir une œuvre baroque, macabre et toujours aussi dérangeante…

THE DEVILS

 

1971 – GB

 

Réalisé par Ken Russell

 

Avec Oliver Reed, Vanessa Redgrave, Dudley Sutton, Max Adrian, Gemma Jones, Murray Melvin, Michael Gothard

 

THEMA DIABLE ET DÉMONS

En s’inspirant de la pièce Les Diables de John Whiting et du roman Les Diables de Loudun d’Aldous Huxley, Ken Russell transpose à l’écran une histoire vraie survenue au XVIIᵉ siècle, en France. À Loudun, petite ville provinciale rongée par les tensions religieuses et politiques, le père Grandier, prêtre séduisant et anticonformiste, devient malgré lui le catalyseur d’une flambée de délire collectif. Respecté par certains, haï par d’autres, Grandier attise les désirs et les rancunes. Il est notamment l’objet de la convoitise trouble de nombreuses jeunes femmes, en particulier celles du couvent local. Mais lorsqu’il décide de prendre une épouse, brisant ainsi son vœu de célibat, c’est toute une mécanique de vengeance, de frustration et d’oppression religieuse qui se met en place. La mère supérieure, sœur Jeanne des Anges, bossue et névrosée, sombre dans une forme de démence que son entourage interprète aussitôt comme une possession démoniaque. Son confesseur, le père Mignon, fait alors appel au père Barre pour procéder à un exorcisme. Très vite, c’est le couvent entier qui semble basculer dans une hystérie collective où se mêlent hurlements, convulsions, nudité et visions impies.

Désigné comme responsable de ces possessions, Grandier devient le bouc émissaire d’une société rongée par l’intolérance, où les alliances entre Église et pouvoir royal n’ont pour but que d’éliminer les voix dissidentes. Sous couvert de justice divine, on le traîne donc dans une parodie de procès et on le condamne pour sorcellerie. Ken Russell filme ce basculement dans l’absurde et l’horreur avec une audace visuelle rare. Avec ses décors monumentaux d’un blanc spectral, ses éclairages expressionnistes et ses costumes stylisés, le film adopte une esthétique théâtrale, baroque et délibérément excessive. Saisissante dans la peau de Sœur Jeanne, Vanessa Redgrave incarne une religieuse contrefaite et refoulée dont les visions érotiques prennent des allures de cauchemars christiques : elle fantasme Grandier crucifié, muant le désir en transgression mystique. Oliver Reed, imposant et magnétique, campe quant à lui un être tiraillé entre sa foi sincère et ses faiblesses très humaines. Face à la tempête qui s’abat sur lui, il reste digne, presque christique à son tour.

Sur l’autel de l’intolérance

Le film glisse vers la démesure lors de l’exorcisme central. Les sœurs se muent alors en possédées déchaînées, dans une séquence de pure déflagration visuelle et sonore, où les corps s’agitent, se dévoilent, hurlent, vomissent. À travers cette débauche incontrôlable, Russell dénonce la théâtralisation du pouvoir religieux, son goût pour la mise en scène, le spectacle et l’humiliation. Le cinéaste excelle aussi dans son usage du montage parallèle : le mariage secret de Grandier est entremêlé avec les hallucinations de Jeanne, le sermon du père Barre est juxtaposé aux divertissements décadents du roi Louis XIII. La dernière partie du film, qui décrit la torture et l’exécution publique de Grandier, est d’une intensité rare. Sans jamais verser dans le gore ou la complaisance, Russell filme le sacrifice d’un homme sur l’autel de l’intolérance. Car derrière ses excès apparents, Les Diables est avant tout un plaidoyer contre les dérives de la religion, la censure et le fanatisme d’État. Rattaché au Fantastique par son traitement et son climat (Russell n’hésitant pas à emplir l’écran de visions dantesques, comme ces squelettes de suppliciés grouillant de vers, ou cette fosse commune aux proportions affolantes), ce film longtemps censuré, banni et mutilé, est donc un réquisitoire contre l’injustice et l’intolérance, exacerbées en ces temps obscurs où tortures et jugements expéditifs étaient monnaie courante.

 

© Gilles Penso

À découvrir dans le même genre…

 

Partagez cet article

GINGERDEAD MAN VS. EVIL BONG (2013)

Ne reculant devant aucun délire, le producteur Charles Band orchestre le crossover de deux de ses franchises les plus improbables…

GINGERDEAD MAN VS. EVIL BONG

 

2013 – USA

 

Réalisé par Charles Band

 

Avec John Patrick Jordan, Robin Sydney, Sonny Carl Davis, Peter Badalamenti, Amy Paffrath, Charles A. Rearden, Ryan Curry, Victoria Levine, Timothy A. Bennett

 

THEMA DIABLE ET DÉMONS I MAGIE ET SORCELLERIE I PETITS MONSTRES I SAGA GINGERDEAD MAN I EVIL BONG I CHARLES BAND

Après un premier film au concept délirant et deux suites ultra-parodiques bourrées d’autodérision (l’une située sur un plateau de tournage de film d’horreur, l’autre dans une patinoire disco des années 70), comment faire encore évoluer la « saga » Gingerdead Man en repoussant les limites de ce que les spectateurs sont en droit d’attendre ? En toute logique, Charles Band demande à William Butler, auteur des trois opus précédents, de lui proposer des idées pour un quatrième épisode. « Lorsque Charlie est venu me voir et m’a dit : “Tu veux bien en faire un autre ?“, je lui ai répondu, comme toujours : “Je ne ferai une suite que si je peux faire ce que je veux.“ », raconte Butler. « Or je voulais que le Gingerdead Man aille au pôle Nord pour assassiner le Père Noël. Et que le film soit tourné à la manière de JFK ! Mais Charlie m’a simplement répondu : “Pas question, tu vas trop loin !“ » (1) Persuadé qu’un tel film risque de coûter trop cher et que les fans ne seront peut-être pas prêts à suivre un concept aussi loufoque, Band préfère se rabattre sur un principe qu’il adore depuis les Universal Monsters des années 40 : le crossover. Coutumier du fait (il produisit notamment Dollman vs. Demonic Toys et Puppet Masters vs. Demonic Toys), le producteur assure lui-même la réalisation de Gingerdead Man vs. Evil Bong dont il confie le scénario à Kent Roudebush.

Trois filles aux seins hypertrophiés, incrustées devant un décor de plage, s’agitent lascivement devant le Gingerdead Man, qui se prélasse sur un transat. Voilà comment le film commence, annonçant d’emblée à quel niveau le spectateur doit placer ses exigences. Le biscuit psychopathe nous apprend qu’il cherche à se venger de Sarah Leigh (Robin Sydney), la pâtissière qui, jadis, le condamna à errer dans ce petit corps croustillant. Or la boutique dans laquelle elle travaille se trouve de l’autre côté de la rue du magasin de Larnell (John Patrick Jordan), le héros de la franchise Evil Bong. Pour nous remettre les idées en place (et gagner du temps sur une intrigue qui n’avance qu’à la vitesse d’un escargot), Charles Band nous impose alors un long flash-back de 8 minutes résumant les péripéties des trois premiers Evil Bong. Larnell est désormais en couple avec Velicity (Amy Paffrath) et cache aux yeux de tous le bong maléfique qui lui causa tant de soucis par le passé, et dont il rêve de percer le secret. Lorsque l’objet est libéré par le représentant de commerce Rabbit (Sonny Carl Davis) et que le Gingerdead Man surgit pour assouvir sa vengeance, l’improbable crossover peut commencer…

Le Charles Band Cinematic Universe

Décevant pour ceux qui apprécièrent les délires de Gingerdead Man 2 et Gingerdead Man 3 (autrement plus inventifs et culottés), ce quatrième opus offre cependant de quoi redynamiser la franchise Evil Bong qui, elle, commençait à tourner en rond. Charles Band tient d’ailleurs à muer ce film en véritable medley de l’univers Full Moon. Les clins d’œil et les « guest stars » abondent donc. King Bong et les gâteaux psychopathes de Gingerdead Man 3 pointent le bout de leur nez, une poupée d’Ooga Booga et la Leech Woman de Puppet Master font de la figuration, Hambo (le fermier au nez de cochon vu dans Zombies vs. Strippers et Ooga Booga) passe lui-même une tête, tout comme la bimbo siliconée Masuimi Max et le clownesque Peter Badalamenti (qui jouaient tous deux dans Unlucky Charms). Robin Sydney elle-même, qui interprète deux rôles bien différents dans les franchises Evil Bong (la délurée Luann) et Gingerdead Man (la très sage Sarah), pousse le délire un cran au-dessus en interprétant ici les deux personnages simultanément, le temps d’une scène de dispute savoureuse. Cette véritable foire d’empoigne se fend en outre de gags référentiels à Shining (le biscuit tueur qui défonce une porte à la hache et passe sa tête dans le trou en criant « Here’s Ginny ! ») et Superman (la reprise du tribunal kryptonien). Ce grain de folie permanent masque bien mal l’absence d’une intrigue digne de ce nom, mais les fans – pas trop exigeants – du « Charles Band Cinematic Universe » ont largement de quoi se sustenter.

 

(1) Propos extraits du livre « It Came From the Video Aisle ! » (2017)

 

© Gilles Penso

À découvrir dans le même genre…

 

Partagez cet article

L’HUMANOÏDE (1979)

Une imitation ultra-maladroite et délicieusement kitsch de Star Wars, conçue par les rois du cinéma bis italien des années 70…

L’UMANOIDE

 

1979 – ITALIE

 

Réalisé par Aldo Lado

 

Avec Richard Kiel, Corinne Clery, Leonard Mann, Barbara Bach, Arthur Kennedy, Ivan Rassimov, Marco Yeh, Massimo Serato

 

THEMA SPACE OPERA

Sorti dans le sillage de La Guerre des étoiles, L’Humanoïde est caractéristique d’une époque où les producteurs italiens se ruaient sur la moindre franchise à succès pour en livrer des copies low-cost. Dès l’ouverture, le ton est donné : un méchant masqué, habillé de noir, répondant au nom de Graal (aucun lien avec les Chevaliers de la Table Ronde), incarné par Ivan Rassimov, s’échappe d’un satellite-prison pour renverser son « Grand Frère » (Massimo Serato), souverain pacifique de la planète Metropolis (aucun lien avec Superman ou Fritz Lang), version futuriste et utopique de la Terre (aux allures de la cité aseptisée de L’Âge de cristal). Avec son armure noire, son casque intégral et son vaisseau inspiré des destroyers de l’Empire, Graal est un clone évident de Dark Vador. Il s’associe au docteur Kraspin (Arthur Kennedy), scientifique fou récemment libéré par Lady Agatha (Barbara Bach). Leur plan consiste à créer une armée d’humanoïdes invincibles grâce au « Kappatron », une substance chimique transformant tout être humain en soldat invincible. Kraspin en profite pour reprendre ses expérimentations dignes du docteur Fu Manchu, alimentant le sérum de jeunesse d’Agatha avec des fluides extraits de jeunes femmes capturées, dénudées et torturées dans une boîte hérissée de seringues aspirant leur fluide vital.

Bach campe ici une sorte de comtesse Bathory futuriste au look disco-gothique : crinière permanentée, robe noire échancrée et décolleté vertigineux. Elle finira le film en squelette grimaçant, résultat d’une décrépitude accélérée digne des meilleures trouvailles artisanales d’Antonio Margheriti (Du Sang pour Dracula), ici responsable des effets spéciaux aux côtés d’Armando Valcauda (Star Crash, Contamination). La victime principale du « Kappatron » est Golob, un colosse barbu joué par Richard Kiel (le célèbre Requin de L’Espion qui m’aimait, où il partageait déjà l’affiche avec Barbara Bach). Détourné par Kraspin, son vaisseau se crashe dans un lac – clin d’œil manifeste à La Planète des singes. Kiel émerge alors des eaux, transformé en humanoïde sans barbe (effet secondaire épilatoire non annoncé), balafré, mutique et grognon. Ce proto-Terminator invulnérable marche à travers des murs en polystyrène, insensible aux lasers et grimé comme le monstre de Frankenstein. C’est Tom Tom, un jeune garçon asiatique, qui le ramènera sur le droit chemin. Cette scène est accompagnée d’un joli morceau pour violons composé par Ennio Morricone, seul coup d’éclat d’une bande originale par ailleurs particulièrement terne. Et dire que la même année, le maestro écrivait la sublime musique d’Il était une fois en Amérique !

« Ça ne tourne pas rond dans ta galaxie ! »

Les héros de ce récit chaotique sont Barbara Gibson (Corinne Cléry), scientifique en combinaison moulante qui se déplace dans un aéroglisseur inspiré de celui de Luke Skywalker, et Nick (Leonard Mann), pilote romantique fadasse, tous deux accompagnant l’humanoïde dans sa quête pour libérer Metropolis. Le film culmine vers un interminable gunfight à coups de pistolets lasers dans les couloirs de la base ennemie. Le scénario se ponctue de jurons intergalactiques pittoresques (« Par Saturne ! », « Au nom d’Hélios ! », « Ça ne tourne pas rond dans ta galaxie ! »), et le petit robot-chien Kit, sorte de sous-R2D2, piaille sans cesse aux côtés de Golob, qui joue les émules de Han Solo quand il ne se mue pas en androïde grimaçant. Tourné partiellement à Cinecittà en seulement trois mois, L’Humanoïde est la démonstration éclatante de l’énergie déployée par le bis italien pour tenter d’exister dans l’ombre des blockbusters américains. Mais les maquettes d’Emilio Ruiz, les maquillages de Giannetto de Rossi et les effets visuels de Valcauda peinent à cacher son budget ridicule. Malgré ses fausses allures de film américain (Aldo Lado signe la mise en scène sous le pseudonyme de George B. Lewis), L’Humanoïde ne sera jamais distribué au cinéma aux États-Unis, ce qui l’enfermera dans un ghetto de série B obscure et incunable.

 

© Gilles Penso

À découvrir dans le même genre…

 

Partagez cet article

UNLUCKY CHARMS (2013)

Au cours d’une émission de télé-réalité visant à sélectionner l’égérie d’une marque de lingerie, d’étranges créatures légendaires surgissent…

UNLUCKY CHARMS

 

2013 – USA

 

Réalisé par Charles Band

 

Avec Tiffany Thornton, Seth Peterson, Charlie O’Connell, Jeryl Prescott, Nathan Philips, Nikki Leigh, Alex Rose Wiesel, Masuimi Max, Peter Badalamenti, Ben Woolf

 

THEMA SORCELLERIE ET MAGIE I SAGA CHARLES BAND

Visiblement motivé par le succès de la saga Leprechaun, avec Warwick Davis dans la peau d’un lutin serial-killer, Charles Band commence à développer en 2011 le projet du long-métrage Unlucky Charms. Son concept consiste à mélanger deux idées qui, à priori, n’ont rien à voir ensemble : les exactions de créatures issues du folklore féerique irlandais d’un côté, et un pastiche des émissions de télé-réalité de l’autre (notamment le show America’s Next Top Model). Le fruit de ce cocktail étrange est un scénario écrit par August White puis retravaillé par Kent Roudebush. Le prologue d’Unlucky Charms, empreint d’une étrange poésie, tranche radicalement avec ce que nous connaissons de l’univers habituel des productions Full Moon. Des petites filles jouent à la balançoire, au ralenti, dans une atmosphère feutrée onirique, nimbée d’une musique envoûtante aux accents folkloriques celtes. Un lutin observe la scène avec mélancolie, dissertant intérieurement sur l’innocence perdue, tandis qu’une fillette solitaire, assise seule sur un banc, lui adresse un sourire triste. Voilà qui est intriguant. Mais la suite du métrage change brutalement de ton pour retrouver tous les ingrédients favoris du cinéma de série B façon Charles Band : des jolies filles en sous-vêtements, de la sorcellerie et des petits monstres.

Nous sommes à Los Angeles, dans le décor certes très photogénique d’un grand château gothique, mais face à une situation d’une grande trivialité. Cinq jeunes femmes s’y disputent la chance de devenir l’égérie d’une nouvelle ligne de lingerie haut de gamme. Il y a là Darla (Alex Rose Wiesel), Sheila (Nikki Leigh), Mika (Masuimi Max), Erin (Anna Sophia Berglund) et Audrey (Tiffany Thornton). Dans le cadre de cette émission de télé-réalité orchestrée par la diva de la mode DeeDee DeVille (Jeryl Prescott), aux côtés du juge Pirl (Seth Peterson) et du producteur Baxter Randolph (Charlie O’Connell), la compétition devient féroce et chacune sort ses griffes. Mais lorsqu’elles commencent à disparaître une à une, les concurrentes se rendent vite compte qu’elles se battent pour leur vie. En effet, quatre créatures mythiques ont été invoquées par le biais d’un maléfice ancestral et surgissent dans le château à tour de rôle pour aspirer leur fluide vital…

Lutin mélancolique et cyclope lubrique

Sélectionnées moins pour leurs capacités d’actrices que pour leur côte de popularité sur les réseaux sociaux (et pour l’impudeur de certaines d’entre elles, disposées à jouer certaines séquences topless), celles qui jouent les cinq candidates de cette fausse télé-réalité s’en sortent plutôt bien dans leurs rôles de farouches concurrentes. Face à elles, Seth Peterson excelle en juge pédant et hautain (avec ses faux airs de Jim Carrey), tout comme Jeryl Prescott en diva de la mode sophistiquée et tirée à quatre épingles. Charlie O’Connell s’avère beaucoup moins convainquant en producteur playboy, comme s’il visitait le plateau de tournage en dilettante. L’acteur – héros récurrent de la série Sliders aux côtés de son frère Jerry – est pourtant familier du monde de la téléréalité, puisqu’il présenta The Bachelor en 2007. Les petites créatures censées égayer ce scénario bancal peinent aussi à nous convaincre. Le lutin rouge philosophe Farr Darrig (Nathan Phillips), le cyclope lubrique Bloody Bones (Peter Badalamenti), le goblin au nez crochu Pookah (Ben Woolf) et la Banshee hurlante aux crocs proéminents (Katrina Kemp) souffrent de designs discutables, de maquillages évasifs (aux allures de masques de carnaval pour la plupart) et de rôles mal définis. Car le film ne cesse de zapper d’une idée à l’autre sans les exploiter correctement. La parodie des émissions de télé-réalité, le pacte diabolique à la Dorian Gray et les petits monstres légendaires s’entrechoquent donc mollement au fil d’une intrigue bien peu palpitante.

 

© Gilles Penso

À découvrir dans le même genre…

 

Partagez cet article

LE HOBBIT : LA BATAILLE DES CINQ ARMÉES (2014)

Peter Jackson clôt sa trilogie avec panache, refermant avec soin tous les arcs narratifs pour assurer le lien avec Le Seigneur des Anneaux

THE HOBBIT : THE BATTLE OF THE FIVE ARMIES

 

2014 – USA / NOUVELLE-ZÉLANDE

 

Réalisé par Peter Jackson

 

Avec Martin Freeman, Ian McKellen, Richard Armitage, Evangeline Lily, Lee Pace, Orlando Bloom, Ken Stott, Graham McTavish, William Kirchner, James Nesbitt, Luke Evans

 

THEMA HEROIC FANTASY I DRAGONS I SAGA LE SEIGNEUR DES ANNEAUX

Le cliffhanger de La Désolation de Smaug avait laissé ses spectateurs en haleine. Le monstrueux dragon, déchaîné, quittait son repère doré pour aller incendier les habitations humaines les plus proches. La première partie de La Bataille des cinq armées conte ainsi l’attaque du monstre et la bataille qui, finalement, mettra fin à ses jours. Les visions apocalyptiques de Smaug muant le village de pêcheurs en enfer incandescent sont particulièrement impressionnantes. Juché sur sa tour, seul l’archer Bard (Luke Evans) semble capable de le vaincre, mais son abri est précaire et menace à tout moment de s’effondrer dans les flammes. Son fils, qu’on croyait enfui, vient lui prêter main forte. Le suspense est à son comble, alors que les flèches rebondissent sur la peau cuirassée de la créature. Non content de tout détruire, Smaug nargue ses ennemis. Posant sa gigantesque silhouette sur les restes en feu de la cité, il menace l’homme et son fils : « Tu ne pourras pas le sauver des flammes » dit-il en se pourléchant les babines, tandis que ses pupilles se rétrécissent et que ses yeux s’illuminent. Mais Bard ne cille pas et propulse une lance providentielle sous son cou, seule partie de son corps non cuirassée. C’est le coup de grâce. Smaug se tortille alors horriblement dans les airs, pousse un ultime râle, puis s’effondre définitivement dans les flots. Quelle entrée en matière !

La disparition de Smaug ouvre un nouveau chapitre. La montagne d’Erebor attire désormais toutes les convoitises. Tandis que les habitants de Lacville cherchent un refuge, Thorin (Richard Armitage), devenu roi sous la montagne, sombre dans une obsession fiévreuse pour l’Arkenstone. Cette « maladie du dragon » est brillamment incarnée par Armitage, livrant une performance intense, son personnage se révélant déchiré entre devoir et tentation. À mesure que convergent les armées des hommes, des elfes, des nains et des orques, la tension monte. Les enjeux se multiplient, et chaque camp revendique sa part du trésor. L’escalade mène à l’inévitable : une bataille monumentale, orchestrée avec maestria. Spécialiste des batailles titanesques, Peter Jackson prouve une nouvelle fois sa maîtrise du genre. Les lignes de soldats s’élancent sur les flancs de la montagne avec ampleur, tandis que plusieurs plans vertigineux surplombent le champ de guerre et qu’un bestiaire fantasmagorique s’affronte. Chaque faction a son moment de gloire, et chaque recoin du champ de bataille se mue en une scène dramatique à part entière. On retiendra notamment l’entrée en scène des béliers géants brisant les portes de la cité, l’arrivée impromptue des aigles, ou encore les trolls difformes armés de catapultes dorsales. La violence, plus frontale que dans les épisodes précédents, évoque par moments les débuts gore du cinéaste (Braindead, Bad Taste). La version longue enfonce le clou avec une séquence aussi fun qu’excessive : une course-poursuite en char sur un lac gelé, où têtes coupées et membres arrachés s’invitent sans complexe dans la bagarre générale.

Une page se tourne

Mais La Bataille des cinq armées ne se résume pas à ses combats. Le final, qui assume son caractère mélancolique, voit plusieurs figures centrales tomber, et laisse Bilbo (Martin Freeman) regagner la Comté, fatigué et transformé, tandis qu’à l’arrière-plan, Legolas (Orlando Bloom) s’embarque dans une romance imprévue avec Tauriel (Evangeline Lilly), personnage inventé pour les besoins de ce triptyque. Il faut l’admettre : Le Hobbit n’était pas conçu pour être une trilogie. Là où Le Seigneur des Anneaux adaptait une œuvre monumentale, Le Hobbit multiplie les ajouts, les détours, les liens un peu forcés avec la saga suivante. Il n’en reste pas moins que La Bataille des cinq armées offre une conclusion visuellement puissante et émotionnellement cohérente. Les décors, les costumes, les effets spéciaux et la musique de Howard Shore maintiennent un très haut niveau de qualité, assurant la continuité esthétique avec Le Seigneur des Anneaux. La dernière image du film, celle de Bilbo refermant sa porte, boucle le cycle avec simplicité, renvoyant le spectateur à la toute première page du conte. Le film réaffirme ainsi la puissance de l’imaginaire tolkienien et la démesure d’un cinéaste qui, envers et contre tout, aura tenu sa promesse, celle de nous faire croire, encore une fois, à la magie des légendes.

 

© Gilles Penso

À découvrir dans le même genre…

 

Partagez cet article

REEL EVIL (2012)

Une petite équipe de documentaristes vient filmer le tournage d’un film d’horreur dans un ancien hôpital psychiatrique abandonné…

REEL EVIL

 

2012 – USA

 

Réalisé par Danny Draven

 

Avec Jessica Morris, Kaiwi Lyman, Jeff Adler, Jamie Bernadette, Marc-Andrew Chicoine, Michael Cline, Sandra Hinojosa, Galen Howard, Kimberly Jürgen

 

THEMA CINÉMA ET TÉLÉVISION I FANTÔMES I SAGA CHARLES BAND

En 2000, les productions Full Moon jouaient déjà le jeu du « found footage » en s’appuyant sur le succès du Projet Blair Witch pour truffer Witchouse 2 de plans subjectifs filmés avec une caméra vidéo, et en concoctant la même année The St. Franciscville Experiment. Entretemps, la discipline des images d’archives à la première personne est devenue un véritable sous-genre du cinéma d’horreur, porté par des films tels que [Rec], Diary of the Dead ou Paranormal Activity. Les scénaristes Shane Bitterling et Danny Draven décident alors de s’engouffrer dans la brèche. Le producteur Charles Band s’implique peu dans le projet, accaparé par les franchises Killjoy et Puppet Master, mais fait confiance aux deux hommes. « Nous savions que nous détestions les films en found footage où l’utilisation des caméras n’avait aucun sens ou semblait forcée », raconte Bitterling. « Alors nous avons eu l’idée d’une équipe de tournage documentaire filmant les coulisses d’un plateau de cinéma. Cela réglait une bonne fois pour toutes la question du placement des caméras. » (1) Draven prend en charge la réalisation de Reel Evil, dont le tournage se déroule pendant six nuits dans l’ancien hôpital de Linda Vista. « Comme d’habitude, le budget frôlait le néant », ajoute Bitterling. « Il était tellement bas que notre équipe des effets spéciaux a dû voler un mannequin à une autre boîte pour la scène finale, puis le remettre en place avant que les employés n’arrivent au bureau le lendemain matin ! » (2)

Pour arrondir ses fins de mois en attendant de pouvoir produire son propre documentaire, une petite équipe vidéo accepte d’être engagée sur le tournage d’un film d’horreur pour y filmer le making of. La réalisatrice Kennedy (Jessica Morris), le cameraman James (Jeff Adler) et l’ingénieur du son Cory (Kaiwi Lyman) font donc la rencontre du producteur Dirk Bailey (Michael Cline), qui les considère avec un certain mépris pas vraiment engageant. Cet accueil glacial est un avant-goût de ce qui les attend. Car dans l’ancien institut psychiatrique désaffecté où se déroule le tournage, personne sur le plateau n’est vraiment coopératif. Le réalisateur et l’actrice principale jouent les divas, les techniciens ne sont pas très bavards, bref récupérer des images ou des interviews exploitables n’est pas une tâche si facile. Entre deux prises de vues, le trio s’aventure dans les couloirs déserts du site, sans se douter des terribles secrets qui s’y cachent et n’attendent qu’une occasion de ressurgir…

L’enfer du décor

Reel Evil parvient à nous séduire quasi-immédiatement grâce au naturel décomplexé de ses comédiens, dominé par Jessica Morris qu’on avait déjà pu apprécier dans Les Geôles du diable. Beaucoup de répliques ou de réactions semblent improvisées, et les portraits de ce producteur désagréable, de ce réalisateur imbu de lui-même et de cette actrice insupportable sont franchement délectables. À ce naturalisme s’ajoute la photogénie du décor, une véritable trouvaille qui dote le film d’une atmosphère visuelle unique. Très inventive, la mise en scène de Draven intègre des éléments insolites dans les plans de manière furtive – un visage monstrueux, une apparition spectrale. Le réalisateur parvient ainsi à créer un climat de tension très efficace, avec une remarquable économie de moyens. Malheureusement, tout ça ne marche qu’un temps. Les passages qui recyclent les codes de Paranormal Activity – la caméra de surveillance immobile braquée sur un couloir vide – fonctionnent beaucoup moins bien. Les effets y sont trop appuyés, avec en outre un abus de parasites artificielles pas franchement crédible. Autre travers, qu’on sentait venir assez tôt : les situations finissent par se répéter, et lorsque tout le monde hurle en courant pendant que la caméra s’agite dans tous les sens, notre patience arrive à ses limites. S’il ne parvient pas à exploiter son concept jusqu’au bout, Reel Evil aura au moins eu le mérite de combattre audacieusement et sans rougir dans la même catégorie que les grands studios.

 

(1) et (2) Propos extraits du livre « It Came From the Video Aisle ! » (2017)

 

© Gilles Penso

À découvrir dans le même genre…

 

Partagez cet article

LES MONSTRES DE L’APOCALYPSE (1966)

Dragons, grenouilles géantes, araignées monstrueuses et oiseaux immenses se côtoient dans ce conte magique très imaginatif…

KAIRYU DAIKESSEN

 

1960 – JAPON

 

Réalisé par Tetsuya Yamauchi

 

Avec Hiroki Matsukata, Tomoha Ogawa, Ryutaro Otomo, Bin Amatsu, Nobuo Kaneko, Izumi Hara, Kensaku Hara, Masataka Iwao, Seizo Fukumoto

 

THEMA SORCELLERIE ET MAGIE I DRAGONS I REPTILES ET VOLATILES I ARAIGNÉES

Œuvre inclassable, ce film singulier propose un étrange mélange entre le kaiju eiga (film de monstres japonais) et le wu xia pian (film de sabre mythologique), deux courants alors très en vogue du cinéma de genre asiatique. Porté par un imaginaire foisonnant et une mise en scène inventive, Les Monstres de l’apocalypse conjugue affrontements épiques, magie surnaturelle et combats de créatures géantes dans un récit aux allures de conte fantastique. L’histoire prend place dans un Japon ancien et indéfini. Le château d’un prince est pris d’assaut par un traître, Yuki Daijo, épaulé par le sinistre sorcier Oroki-maru. Le souverain et son épouse sont tués, mais leur jeune fils, Ikazuki-maru, est sauvé par un groupe de fidèles qui s’enfuient en mer. Alors que les flammes consument la forteresse, les flots s’agitent, et un dragon surgit des eaux : reptilien, sans ailes, le front orné de cornes, la langue pendante et le corps hérissé d’écailles, il évoque une version plus menaçante et bestiale des dragons chinois traditionnels. L’apparition, accompagnée du cri caractéristique de Godzilla (du moins dans la version américaine), se solde par une attaque sur l’embarcation des fugitifs. Le jeune prince n’échappe à la mort que grâce à l’intervention d’un oiseau géant, envoyé par un mage bienveillant, figure tutélaire évoquant un Gandalf à la japonaise.

Dix années passent. Ikazuki-maru, devenu adulte, a été formé aux arts magiques. Il possède désormais des capacités extraordinaires : il peut sauter à des hauteurs prodigieuses, manipuler des cercles d’énergie, survivre même à une décapitation et recoller sa tête à son corps comme si de rien n’était ! Déterminé à venger la mort de ses parents, il entreprend un périple au cours duquel il fait la rencontre de Tsunaka, une jeune femme dont la grand-mère, liée à son ancien maître, lui remet une épingle à cheveux magique ornée d’une araignée. Ce détail anodin prend toute son importance lorsque l’on découvre que Tsunaka est en réalité la fille du redoutable Oroki-maru (le sorcier qui provoqua le chaos initial, pour ceux qui suivent). Le film se distingue par plusieurs séquences de combat inventives (celle opposant le héros à des portes volantes vaut le détour), ainsi que par un travail visuel audacieux. Les angles de prise de vue sont extrêmes, les jeux de perspectives rappellent même par moment le cinéma muet d’Hitchcock, et une séquence musicale inattendue intervient même sans préavis dans le château.

Un climax délirant

Le point culminant du film survient lorsque le héros convoque une grenouille cornue géante, couverte d’écailles et de pointes, qui surgit derrière le château et se lance dans une destruction méthodique des lieux. Tandis qu’il terrasse Yuki Daijo au cours d’un duel au sabre, le sorcier Oroki-maru fait son entrée, chevauchant une flamme stylisée dessinée dans le ciel. Il invoque alors le dragon du prologue, déclenchant une bataille de titans. Le crapaud crache du feu, le dragon riposte avec de puissants jets d’eau, et les deux créatures s’affrontent violemment, projetées contre de jolies maquettes. Alors que le dragon semble prendre le dessus, Tsunaka jette son épingle dans le ciel, invoquant une araignée géante qui déverse sur le monstre un liquide visqueux et mousseux. Le crapaud en profite pour ajouter quelques gerbes de flammes, et le dragon finit par exploser dans un final spectaculaire. Le film s’achève par un dernier combat à l’épée, ramenant l’intrigue sur un terrain plus humain. Par sa capacité à fusionner les codes de genres très distincts, Les Monstres de l’apocalypse surprend autant qu’il fascine. Malgré des effets spéciaux souvent datés et une narration parfois chaotique, l’ensemble dégage une inventivité rare. Bref, voilà une expérience aussi insolite qu’envoûtante qui séduira les amateurs de cinéma de genre à la recherche d’objets filmiques atypiques.

 

© Gilles Penso

À découvrir dans le même genre…

 

Partagez cet article

LES GEÔLES DU DIABLE (2008)

Une jeune mère, emprisonnée à cause d’un braquage, se voit confier par sa fille des poupées minuscules aux pouvoirs inattendus…

DANGEROUS WORRY DOLLS

 

2008 – USA

 

Réalisé par Charles Band

 

Avec Jessica Morris, Deb Snyder, Anthony Dilio, Meredith McClain, Cheri Themer, Susan Ortiz, Ker’in Hayden, Renata Green-Gaber, Paul Boukadakis, Rebekah Crane

 

THEMA JOUETS I SAGA CHARLES BAND

Le producteur/réalisateur Charles Band attaque l’année 2008 avec un long-métrage éloigné de ses habitudes, puisqu’il s’agit à priori de l’archétype du « film de prisons de femmes », plus proche des obsessions d’un Jess Franco que des productions Full Moon. Band se lance pourtant sur ce terrain inédit, en s’appuyant sur un scénario d’August White qui coche à priori toutes les cases : bagarres entre détenues, gardiens sadiques, scènes de douches… Mais chassez le naturel et il revient au galop. Le cinéaste ne peut s’empêcher d’intégrer dans le film un motif qui est devenu sa marque de fabrique, autrement dit des petites poupées monstrueuses. Ce cocktail surprenant, à priori antithétique, donne un résultat singulier mais bizarrement cohérent, auquel Band, son directeur de la photographie Terrance Ryker, son créateur d’effets spéciaux Christopher Bergschneider et son casting (Jessica Morris en tête) apportent un maximum de soin. Le thème principal de Richard Band, s’il est composé de manière minimaliste (avec des sons synthétiques basiques et une mélodie répétitive), contient encore quelques beaux restes hérités de ses travaux les plus célèbres, autrement dit les bandes originales de Re-Animator et Puppet Master.

L’entrée en matière des Geôles du diable est inhabituellement brutale et réaliste, loin des canons habituels des films Full Moon. Trois détenues en molestent une quatrième dans la cuisine d’une prison, menaçant de lui broyer la main si elle refuse de transporter de la drogue pour elles. Mais la « victime », Eva (Jessica Morris), n’entend pas se laisser faire, ni céder aux avances de Carl (Anthony Dilio), l’un des gardiens libidineux de cette prison pour femmes, ou aux menaces de la directrice de l’établissement, Madame Ivar (Deb Snyder), adepte de la torture punitive. Mère d’une fillette, Eva a multiplié les mauvais choix jusqu’à finir entre ces quatre murs. Mais sa peine de six mois risque de se prolonger si les ennuis continuent à lui tourner autour. Un jour, alors qu’elle lui rend visite avec sa tante, sa fille lui offre cinq poupées minuscules. Chacune fait la taille d’un doigt. « Ce sont les poupées anti-soucis », lui dit-elle. « Elles sont supposées faire disparaître les problèmes ».

Les poupées anti-soucis

Le moment de bascule du film, autant singulier dans l’idée qui le sous-tend que dans sa mise en œuvre, voit l’une des poupées minuscules entrer en pleine nuit dans l’oreille d’Eva, pénétrer dans son cerveau et ressortir par une boursouflure de son front en ricanant ! « Cet effet a été inspiré par celui utilisé dans Star Trek II avec l’oreille de Chekhov », explique Christopher Bergschneider. « Notre oreille en silicone mesurait environ 45 cm de haut. J’ai fabriqué une marionnette à tiges représentant la petite poupée et j’ai réalisé plusieurs plans d’insertion avec le très talentueux John Lechago. Nous étions seuls tous les deux sur le plateau, car Band savait déjà que nous savions ce qu’il fallait faire. Et John a utilisé les effets numériques pour supprimer les tiges et lisser le plan. » (1) Le résultat à l’écran est remarquablement fluide. D’autant que les gros plans de la petite créature surgissant du front, avec son faciès squelettique et ses yeux lumineux, offre un spectacle joyeusement surréaliste. La transformation physique et psychologique d’Eva s’apparente dès lors à une possession démoniaque, et il faut saluer la prestation de Jessica Morris, dans le rôle de cette détenue maltraitée qui se mue en monstre assoiffé de sang. Malgré ses moyens précaires et ses ambitions somme toute limitées, Les Geôles du diable est donc l’un des opus les plus intéressants qu’ait pu signer Charles Band à l’époque. Il resta pourtant sans suite, malgré la propension de Full Moon à ré-exploiter habituellement ses idées pour en tirer des franchises.

 

(1) Propos extraits du livre « It Came From the Video Aisle ! » (2017)

 

© Gilles Penso

À découvrir dans le même genre…

 

Partagez cet article

TOGETHER (2025)

Après avoir goûté à une source d’eau souterraine au fin fond de la forêt, un couple en crise subit une étrange mutation…

TOGETHER

 

2025 – USA

 

Réalisé par Michael Shanks

 

Avec Dave Franco, Alison Brie, Damon Herriman, Mia Morrissey, Karl Richmond, Jack Kenny, Francesca Waters, Aljin Abella, Sarah Lang, Rob Brown, Ellora Iris

 

THEMA MUTATIONS

« Sommes-nous toujours ensemble parce que nous nous aimons ou parce que nous nous sommes habitués l’un à l’autre ? » Cette ligne de dialogue, qu’on entend vers le début de Together, expose frontalement la problématique majeure que vit le couple mis en scène dans le film. Sur quoi l’équilibre devenu fragile de leur vie commune repose-t-il ? Sont-ils encore des êtres autonomes ? Cette interaction permanente ne finit-elle pas par devenir étouffante ? Michael Shanks lui-même, dont c’est le premier long-métrage après plusieurs courts très remarqués (dont Rebooted, qui rend hommage aux squelettes des films de Ray Harryhausen), y plaque ses propres interrogations et ses propres inquiétudes. « J’ai décidé d’explorer le potentiel horrifique qui peut découler d’une relation à long-terme, les peurs liées à l’engagement, à la codépendance, la monogamie et les ressentiments », explique-t-il (1). Et pour pousser encore plus loin sa démarche, le jeune réalisateur sollicite un véritable couple face à sa caméra : Dave Franco et Allison Brie. Emballés par le projet, les deux acteurs/époux s’investissent à fond – mentalement et physiquement – dans cette romance contrariée qui vire au body horror.

Les prémices de Together nous évoquent The Thing ou La Couleur tombée du ciel. Pendant une battue dans la forêt organisée pour retrouver un couple de randonneurs disparus, deux chiens s’égarent dans les recoins sombres d’une grotte souterraine et s’abreuvent au point d’eau qu’ils y trouvent. Quelques heures plus tard, une étrange mutation les frappe… Cela étant posé, le film nous familiarise avec nos protagonistes Tim (Dave Franco) et Millie (Alison Brie). Ils s’aiment de toute évidence et leur histoire dure depuis un bon moment, mais même leurs amis sentent que quelque chose cloche. Sont-ils vraiment épanouis ? Alors que Millie fait bouillir la marmite en tant qu’institutrice, Tim vivote en rêvant encore – à 35 ans – de percer en tant que musicien. Il n’a même pas son permis de conduire, obligeant sa petite amie à faire office de chauffeur. Cette relation d’interdépendance prend une tournure nouvelle lorsque le jeune couple décide de quitter la grande ville au profit d’une vie campagnarde. Après leur emménagement, ils partent en randonnée pour tenter de resserrer les liens qui se distendent inexorablement. Mais tous deux se perdent dans une grotte souterraine et étanchent leur soif grâce à l’étang qu’ils y trouvent. Le point de non-retour s’amorce alors…

L’amour fusionnel

Together puise d’abord sa force dans la crédibilité de ses personnages. Toutes les petites piques, les reproches sous-jacents ou les regards discrets sonnent juste parce qu’ils sentent le vécu. Michael Shanks intègre même dans son scénario un traumatisme d’enfance très personnel. « J’ai écrit le personnage de Tim comme une version sombre de moi-même », confie-t-il (2). C’est sur cette base solide que s’invite l’élément fantastique, non comme un ajout artificiel mais comme une métaphore directe de la crise que connaît le couple. « La plupart des mariages n’additionnent pas deux personnes : ils en retranchent une de l’autre », disait Ian Fleming avec sa verve volontiers misogyne. Il n’empêche que l’angoisse de cet effacement de personnalité hante tout le métrage. Et lorsque soudain le couple devient plus fusionnel que jamais, frappé par une attraction physique qui dépasse l’entendement, une autre citation – de Victor Hugo celle-là – nous vient à l’esprit : « Le mariage est une greffe : ça prend bien ou mal. » Plus le film avance, plus les questionnements élargissent leur scope, jusqu’à aborder frontalement le sujet de l’identité de genre et à convoquer le mythe grec d’Hermaphrodite. Pour autant, Together ne cherche jamais à intellectualiser son sujet ou à se placer au-dessus du genre. Au contraire, lorsqu’il s’agit de visualiser les conséquences les plus extrêmes de cette situation anormale, Michael Shanks n’y va pas par quatre chemins et repousse les limites corporelles avec une totale absence de retenue. David Cronenberg n’a qu’à bien se tenir : ce jeune émule se révèle particulièrement prometteur.

 

(1) et (2) Extraits d’une interview publiée sur Creative Screenwriting en juillet 2025

 

© Gilles Penso

À découvrir dans le même genre…

 

Partagez cet article