DEATHSTALKER 3 (1988)

Rien ne va plus dans ce troisième épisode mal fichu qui ravira les amateurs de nanars mais exaspèrera les fans d’heroic-fantasy…

DEATHSTALKER AND THE WARRIORS FROM HELL

1988 – USA / MEXIQUE

Réalisé par Alfonso Corona

Avec John Allen Nelson, Carla Herd, Terri Treas, Thom Christopher, Aaron Hernan, Roger Cudney, Agustin Salvat, Claudia Inchaurregui, Mario Ivan Martinez

THEMA HEROIC FANTASY I SAGA DEATHSTALKER

Deathstalker 2 se révélait supérieur à son modèle sur bien des points, mais avec Deathstalker 3, c’est hélas la dégringolade à tous les niveaux. Le budget semble encore avoir été raboté, au point que Roger Corman – non crédité au générique – recycle tout ce qu’il peut dans ses productions précédentes pour essayer de muscler un peu le résultat final. La musique du générique de début est donc la même que celle des Mercenaires de l’espace (une très belle composition de James Horner qui avait déjà servi pour Space Raiders et Sorceress), des plans entiers sont empruntés au Corbeau, à L’Halluciné et à Deathstalker 2 pour enrichir les séquences de châteaux, mais rien n’y fait : Deathstalker 3 est un film extrêmement cheap qui, contrairement aux deux opus précédents, est tourné au Mexique et non en Argentine. L’acteur principal a encore changé de visage, se conformant de moins en moins au physique du barbare musclé façon Arnold Schwarzenegger que vantent de manière mensongère les très beaux posters de Boris Vallejo. Après le sculptural Rick Hill et le dynamique John Terlesky, place à John Allen Nelson, un acteur à l’indiscutable capital sympathie (vu notamment dans Les Clowns tueurs venus d’alleurs) mais qui nous semble bien trop frêle pour endosser le rôle du redoutable Deathstalker.

Au cours d’une petite fête médiévale reconstituée avec les moyens du bord, nous découvrons ce nouveau Deathstalker, occupé à affronter quelques amis à la lutte, ainsi que son complice le sorcier Nicias (Aaron Hernan), qui gagne quelques sous en jouant les devins. Soudain, une mystérieuse femme encapuchonnée (Carla Herd) vient à la rencontre du magicien. Il s’agit de la princesse Carissa, qui transporte une pierre enchantée et espère que Nicias possède la seconde. Réunies, elles pourront en effet permettre de découvrir la cité magique d’Arandor et de donner à son peuple accès à ses innombrables richesses. Or la pierre manquante se trouve à Southland, entre les mains du maléfique sorcier Troxartes (Thom Christopher). Ce dernier envoie ses hommes sur les traces de Carissa, que Deathstalker va s’efforcer de protéger tout en se préparant à partir à l’assaut du château de Troxartes…

Pathetic-Fantasy

Dès les premières minutes, on sent bien que quelque chose cloche. La médiocre bande originale pour synthétiseurs qui fait office de remplissage sonore, les combats mous et extrêmement mal chorégraphiés, les scènes d’action postsynchronisées n’importe comment (avec de jolis « gling gling » pour les bruits d’épée), tout ça ne présage rien de bon. Et effectivement, la suite du film confirme nos craintes. Tout est mal fichu et approximatif dans ce Deathstalker 3 aussi transparent que ses personnages. En guise de grand sorcier, nous avons droit à un vieil homme barbu dont le pouvoir le plus grand semble être de tourner sur lui-même à toute vitesse et de disparaître dans une explosion digne de X-Or ou Spectreman. Le méchant, lui, ne nous effraie pas beaucoup avec son look d’expert-comptable et ses ricanements excessifs. Restent les éléments féminins. Si Carla Herd reste très effacée dans un double-rôle visiblement inspiré par les deux personnages que jouait Monique Gabrielle dans Deathstalker 2, Claudia Inchaurregui campe une intéressante sauvageonne experte du tir à l’arc. Le meilleur rôle revient cependant à Teri Treas qui, dans la peau de la maîtresse de Troxartes, nous offre les scènes les plus savoureuses (notamment ses crises de jalousie face à l’arrivée de la future femme de son amant et les séances de torture qu’elle promet au héros retenu captif dans un donjon). À part ça et quelques éléments surnaturels improbables – le vil sorcier qui invoque des spectres volants et une armée de morts-vivants -, il n’y a rien de bien mémorable dans ce Deathstalker 3, qui fut un temps exploité en France sous le titre de Wilfried le chasseur.

 

© Gilles Penso

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THE ST. FRANCISVILLE EXPERIMENT (2000)

Dans ce faux documentaire motivé par le succès du Projet Blair Witch, quatre jeunes gens mènent l’enquête dans une maison hantée de Louisiane…

THE ST. FRANCISVILLE EXPERIMENT

 

2000 – USA

 

Réalisé par Ted Nicolaou

 

Avec Paul Salamoff, Troy Taylor, P.J. Palmer, Madison Charap, Ryan Larson, Tim Baldini, Ava Jones, Katherine Smith, Sarah Clifford

 

THEMA FANTÔMES I SAGA CHARLES BAND

Pas besoin d’être un grand clerc pour comprendre que le succès invraisemblable du Projet Blair Witch (10 000 dollars de budget, 248 millions de dollars au box-office mondial) motiva la mise en chantier de The St. Franciscville Experiment. Si le producteur Charles Band n’est pas très familier avec les codes du « found footage », il s’en remet à l’expertise de Paul Salamoff, qui vient d’écrire pour lui l’histoire du sympathique Les Morts haïssent les vivants. Salamoff décide alors de sortir le grand jeu en plongeant quatre jeunes acteurs dans une « vraie » maison hantée et de tourner cette expérience comme un authentique documentaire. C’est du moins de cette manière qu’il présente le projet au spécialiste du surnaturel Troy Taylor, engagé comme consultant et expert. La première partie du tournage, qui se déroule entre le 15 et le 18 septembre 1999 dans une maison de Louisiane à la sinistre réputation, respecte l’idée d’un reportage pris sur le vif, avec des comédiens ne sachant pas du tout à quoi s’attendre. Si ce n’est que le réalisateur Ted Nicolaou, habitué des productions Charles Band, veille tout de même au grain. Mais à mi-parcours, le film change de mains, passant des compagnies Tana 9 et Full Moon à Kushner-Locke, puis à Trimark et à LionsGate. Déçus par les rushes qu’ils voient, les acquéreurs successifs de The St. Francisville Experiment décident de tourner des rushes additionnels, d’ajouter quelques effets spéciaux basiques et deux ou trois rebondissements. Peine perdue : le film reste aussi monotone qu’un encéphalogramme plat.

Le scénario nous apprend que la maison de St Franciscville fut le théâtre d’horribles exactions perpétrées par l’esclavagiste qui occupait les lieux au 18ème siècle. Un garçon y aurait été retrouvé enchaîné dans la cuisine, le visage à moitié déchiqueté et recouvert de plaies infectées, aux côtés d’une femme enfermée dans une cage tellement étroite que ses os s’en trouvèrent irrémédiablement déformés. Voilà pour la mise en place du contexte, macabre à souhait. Les quatre jeunes gens qui se portent volontaires pour partir enquêter sur place sont le cameraman Paul James, l’étudiante en histoire Ryan Larson, l’étudiant en cinéma Tim Baldini et la médium Madison Charap. Tous sont chapeautés par le producteur Paul J. Salamoff, et chacun joue donc son propre rôle dans ce « fauxcumentaire » qui s’annonce comme une sorte de mixage entre Le Projet Blair Witch et La Maison du diable. Nous avons d’abord droit à une série d’interviews d’« experts » : une voyante, une prêtresse vaudou ou encore le descendant d’une famille qui vécut sur place. Passé ce prologue, le quatuor commence son investigation…

Paranormal Inactivity

À partir de là, autant l’avouer sans détour : nous nous ennuyons ferme et réprimons un nombre incalculable de bâillements. Car il ne se passe strictement rien qui soit susceptible d’attiser notre intérêt. Les protagonistes déambulent dans cette maison somme toute très ordinaire et échangent des banalités, s’efforçant de créer de la tension à partir de rien. « Oh mon Dieu, qu’est-ce que c’est que ça ? » dit l’un d’eux en ouvrant un placard vide. « Cette pièce est très étrange » lance un autre en pénétrant dans une chambre à coucher quelconque. Tout le reste est à l’avenant. Au bout de 40 minutes, une chaise bouge. Quinze minutes plus tard, une planche de Ouija tremblote. A 1h10, une bougie s’éteint. Voilà pour le gros des phénomènes paranormaux. Les nouveaux producteurs rajoutent certes quelques artifices dans l’espoir de pimenter la sauce (un chat, un cafard, un fantôme), mais rien ne parvient réellement à nous sortir de notre torpeur. Le seul véritable point positif du film est l’authenticité des jeunes acteurs, qui semblent très spontanés et dont les réactions sonnent souvent juste. Mais sans enjeux à défendre, sans histoire à raconter, la spontanéité finit par tourner à vide. Et 75 minutes de métrage peuvent donner le sentiment d’en durer trois fois plus.

 

© Gilles Penso

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FREAKY FRIDAY 2 (2025)

Jamie Lee Curtis et Lindsay Lohan sont à nouveau victimes d’une inversion de corps, mais cette fois-ci les choses se compliquent sérieusement…

FREAKIER FRIDAY

 

2025 – USA

 

Réalisé par Nisha Ganatra

 

Avec Jamie Lee Curtis, Lindsay Lohan, Julia Butters, Sophia Hammons, Mark Harmon, Manny Jacinto, Maitrey Ramakrishnan, Christina Vidal, Haley Hudson

 

THEMA SORCELLERIE ET MAGIE I SAGA FREAKY FRIDAY

Pour Jamie Lee Curtis, l’expérience du tournage de Freaky Friday en 2003 est un souvenir heureux. Cette comédie délirante, remake d’Un vendredi dingue, dingue, dingue avec Jodie Foster, lui-même tiré du roman de Mary Rodgers, fut un gigantesque hit à l’époque. Alors pourquoi ne pas remettre le couvert ? C’est la vénérable actrice elle-même qui convainc à la fois Disney et son ex-partenaire Lindsay Lohan de se lancer dans l’aventure. Les stars respectives de Halloween et de Lolita malgré moi ayant désormais l’âge de jouer l’une les grands-mères, l’autre les mères, le scénario doit bien sûr en tenir compte. Pour s’assurer que le film soit écrit d’un point de vue féminin et évite au maximum les stéréotypes – Freaky Friday fut jadis accusé par quelques esprits chagrins de véhiculer une image caricaturale de la communauté asiatique – Disney confie les rênes du projet à la réalisatrice Nisha Ganatra. Signataire de plusieurs comédies romantiques et d’un grand nombre d’épisodes de séries TV, cette dernière a toujours milité pour la représentativité de toutes les communautés et de toutes les minorités à l’écran. Pour autant – et fort heureusement -, Freaky Friday 2 n’a rien du pamphlet politiquement correct et conserve d’un bout à l’autre la légèreté qu’induit son sujet sans jamais jouer la carte du militantisme.

Vingt-deux ans après les événements racontés dans Freaky Friday, Anna Coleman (Lindsay Lohan), désormais adulte, travaille comme productrice musicale et élève seule sa fille adolescente Harper (Julia Butters), avec l’aide de sa mère Tess (Jamie Lee Curtis). À l’école, Harper est constamment exaspérée par sa nouvelle camarade de classe londonienne, Lily Reyes (Sophia Hammons), en raison de son snobisme excessif. Après que toutes deux aient provoqué un incident en cours de chimie, Anna est convoquée dans le bureau du directeur. Lorsqu’elle rencontre Eric (Manny Jacinto), le père veuf de Lily, les deux tombent amoureux et se fiancent six mois plus tard. Mais les futures demi-sœurs regardent cette situation d’un très mauvais œil. Harper craint que sa mère ne les déménage à Londres, tandis que Lily tient absolument à y retourner afin de pouvoir fréquenter une école de mode. La situation bascule le soir de l’enterrement de vie de jeune fille d’Anna. Une prétendue voyante, Madame Jen (Vanessa Bayer), lit les lignes de la main de Anna et Tess, puis de Harper et Lily, et leur prédit un avenir tourmenté. Aussitôt, toutes les quatre ressentent un étrange tremblement de terre. Le lendemain matin, elles découvrent avec effroi qu’elles ont échangé leurs corps : Anna avec Harper, et Tess avec Lily.

Double inversion

Comme il s’agit d’une suite, les scénaristes ont jugé bon d’en donner deux fois plus aux spectateurs. Mais en l’occurrence, la multiplication des enjeux devient un handicap. Car la force du premier film reposait sur la simplicité de son concept et sur l’infinité de quiproquos qui pouvaient en découler. En complexifiant les choses, Freaky Friday 2 réduit paradoxalement son potentiel comique plutôt que de l’amplifier. La confusion s’installe même au point que le spectateur se surprend à se demander à plusieurs reprises : « qui est devenu qui, déjà ? ». Si la recette continue de fonctionner, c’est moins grâce aux péripéties (déjà vues pour la plupart, ou du moins attendues) que par le biais des quatre actrices principales, toutes excellentes dans leurs doubles registres respectifs. Voir Jamie Lee Curtis continuer à se moquer de son âge (notamment dans la scène de la pharmacie) a quelque chose de toujours réjouissant. Au passage, visiblement bercée par le cinéma de John Hugues, la réalisatrice se fend de clins d’œil à La Folle journée de Ferris Bueller (la virée en voiture) et à Breakfast Club (les élèves en retenue). Comme dans le premier Freaky Friday, tout converge vers une répétition de mariage et un concert qui sont censés se dérouler simultanément. Évidemment, rien ne se passera comme prévu, jusqu’à un final prenant une teinte initiatique, où chacune aura appris à comprendre et à apprécier l’autre. L’effet de surprise n’a donc plus vraiment cours… et pourtant le miracle opère encore. Les rires sont francs, la corde sensible est titillée, preuve que la formule marche toujours aussi bien, surtout lorsqu’elle est portée par un casting aussi impeccable.

 

© Gilles Penso

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PROMPT (2025)

Une jeune spécialiste de la génération de vidéos par intelligence artificielle se retrouve hantée par un visage inconnu qui apparaît sur ses écrans…

PROMPT

 

2025 – USA

 

Réalisé par Charles Band

 

Avec Lilly Bell, Elliott Woods, Jax Cody, Ian S. Peterson, Llana Barron, Rib Hillis, Jessica Morris, Felix Merback

 

THEMA MONDES VIRTUELS ET PARALLÈLES I SAGA CHARLES BAND

L’intelligence artificielle alimentant toutes les conversations de manière de plus en plus enflammée, surtout depuis le lancement de Chat GPT en novembre 2022, Charles Band décide d’aborder le sujet assez tôt en réalisant AIMEE : The Visitor, qui mue une sympathique assistante virtuelle en redoutable serial killer. Dans la foulée, il sollicite l’IA générative pour créer les visions cauchemardesques de Quadrant. Évidemment, il y a encore mille histoires à raconter autour d’un thème si complexe. D’où la mise en chantier de Prompt, que Band tourne à Los Angeles pendant quelques jours avec une poignée de comédiens, fidèle à son légendaire sens de l’économie. De prime abord, ce film minimaliste semble n’utiliser son argument de science-fiction que comme prétexte à une succession de séquences érotiques destinées à titiller un public majoritairement masculin, dans la droite lignée des innombrables titres du catalogue Surrender Cinema. Mais le scénario de J.P. Talbot ne se limite pas à un assemblage de vignettes grivoises : il interroge notre rapport aux vidéos générées artificiellement et le regard biaisé qu’elles peuvent nous amener à porter sur le monde et sur nous-mêmes. Certes, la réflexion philosophique demeure sommaire, mais Prompt n’en soulève pas moins plusieurs questions passionnantes.

Conscient de devoir engager une actrice peu freinée par des soucis pudeur, Charles Band confie le rôle principal à Lilly Bell, véritable stakhanoviste du film X – plus de 130 titres en six ans – qui s’est déjà offert quelques détours plus « traditionnels », comme le slasher Scissors. Ici, la jolie blonde ne doit pas se contenter de donner de sa personne physiquement, puisqu’elle déploie aussi une tessiture de jeu subtile qui permet aux spectateurs d’entrer en empathie avec elle et d’adhérer plus facilement à cette histoire étrange. Bell incarne Taylor, une talentueuse conseillère en communication digitale qu’une cliente contacte pour l’aider à promouvoir leur dernier produit : une application diseuse de bonne aventure, « TheFortuneTeller.com » (le site web existe vraiment, essayez et vous verrez !). Taylor propose de générer en IA une influenceuse qui défend les vertus du produit, à la grande joie de ses commanditaires qui adorent l’idée. Les délais sont très courts, mais Taylor a déjà tout créé la veille. Il lui reste donc du temps pour elle. Esseulée, elle génère en IA quelques films érotiques afin de tromper son ennui. L’effet se révèle très efficace sur sa libido, mais le visage d’un homme mystérieux apparaît furtivement dans ses vidéos. De plus en plus troublée, elle commence à développer une obsession pour cet inconnu qui surgit systématiquement dans ses prompts et semble la dévorer des yeux…

Qui regarde qui?

Le budget riquiqui de Prompt n’empêche pas Band de soigner sa mise en forme, sollicitant Jonathan Walker (Bring Her to Me, Quadrant, Death Streamer) pour composer une bande originale envoûtante à base de synthétiseurs et de chœurs échantillonnés, tout en confiant à Terrance Ryker (Skull Heads, The Dead Want Women, Reel Evil) la photographie élégante du film. Quelques clins d’œil pour connaisseurs ponctuent discrètement le métrage, notamment la sollicitation de deux habitués des séries B fantastiques, l’actrice Jessica Morris (Les Geôles du diable) et son époux Rib Hillis (Killbots) dans le rôle des clients, ou encore la réutilisation du prénom Aimee. Mais Prompt reste un film sérieux qui s’appréhende au premier degré, loin des délires potaches d’un Evil Bong. Le scénario finit d’ailleurs par construire un vertigineux jeu de mise en abîme. L’héroïne est en effet observée par un homme virtuel qui s’invite dans ses créations et se met à influer sur son comportement, alors que c’est logiquement le contraire qui devrait se produire. Et lorsque, toute émoustillée, elle s’apprête à se déshabiller devant lui en lui demandant s’il aime ce qu’il est en train de voir, elle regarde la caméra… et donc les spectateurs. Ce triple croisement de points de vue débouche sur la question au cœur de tous les enjeux du film : qui regarde qui ? Certes, le twist final est prévisible, mais il reste savoureux et n’aurait pas dépareillé dans un épisode de La Quatrième dimension… ou plutôt de Black Mirror.

 

© Gilles Penso

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SPRING (2014)

Après un deuil, un jeune Américain décide de séjourner en Italie et y tombe amoureux d’une femme qui n’est pas ce qu’elle semble être…

SPRING

 

2014 – USA

 

Réalisé par Justin Benson et Aaron Moorhead

 

Avec Lou Taylor Pucci, Nadia Hilker, Francesco Carnelutti, Nick Nevern, Chris Palko, Jonathan Silvestri, Jeremy Gardner, Vinny Curran, Holly Hawkins

 

THEMA MUTATIONS

Après le succès critique de Resolution en 2012, Justin Benson et Aaron Moorhead signent avec Spring un second long-métrage radicalement différent en apparence, mais profondément lié à leurs obsessions thématiques, notamment le rapport entre l’humain et l’inconnu et l’incursion des mythes dans le monde quotidien. Tourné sur les côtes ensoleillées du sud de l’Italie, Spring se présente comme une romance mélancolique avant de se muer, lentement, en quelque chose de beaucoup plus insolite. Lorsque le film commence, nous apprenons qu’Evan (Lou Taylor Pucci), jeune Américain à la dérive, vient de perdre sa mère et son emploi. Fuyant la violence de sa vie stagnante, il s’envole sur un coup de tête vers l’Europe et atterrit dans un petit village côtier des Pouilles, Polignano a Mare, où le bleu éclatant de la mer contraste avec le vide intérieur qu’il ressent. Là, il fait la connaissance de Louise (Nadia Hilker), une étudiante en génétique aussi séduisante qu’énigmatique. Leur rencontre, d’abord banale, prend vite des allures de conte sensuel et étrange. Louise se montre tour à tour passionnée et distante, spontanée et fuyante. Derrière son charme, quelque chose cloche.

Benson et Moorhead prennent le temps d’installer leur récit. La première moitié du film fonctionne comme un drame initiatique, porté par le réalisme du jeu des acteurs et par la douceur presque documentaire des images. La caméra suit Evan dans son deuil, ses errances, ses conversations maladroites et ses émerveillements face à l’Italie. Rien, ou presque, ne laisse deviner la tournure que va prendre l’histoire. Ce refus du spectaculaire immédiat inscrit Spring à contre-courant du cinéma fantastique de son époque, préférant la lente maturation émotionnelle à l’effet de surprise. Lorsque l’étrangeté s’immisce enfin, elle le fait avec une élégance dérangeante. Louise se transforme, littéralement. Par crises successives, son corps échappe au contrôle : sa peau se couvre d’écailles, des excroissances surgissent, des tentacules s’agitent dans l’ombre. Ces métamorphoses nous renvoient à la prose de Lovecraft, jusqu’à ce que la jeune femme finisse par révéler sa nature. Il s’agit d’une créature immortelle qui se régénère tous les vingt ans en s’accouplant avec un homme et en absorbant les cellules de l’embryon conçu, donnant naissance à une nouvelle version d’elle-même.

L’amour ou l’immortalité ?

Là où les récits lovecraftiens invoquent souvent des puissances cosmiques indicibles, les deux cinéastes choisissent la voie de l’intime. L’incommensurable se loge dans la chair, dans la peur de mourir. Mais au-delà de son concept vertigineux, Spring est avant tout une histoire d’amour d’une sincérité désarmante. Evan, paumé et vulnérable, retrouve dans sa relation avec Louise une raison d’exister. Face à cette femme qui défie la mort, il choisit la vie. À travers cette relation impossible, Benson et Moorhead interrogent la notion même de passion amoureuse. La dernière partie du film entre dans une dimension presque métaphysique. Alors que Louise doit choisir entre perpétuer son cycle ou mourir, Spring se transforme ainsi en parabole sur le temps et la transformation. Récompensé dans de nombreux festivals (Sitges, Austin, Palm Springs), Spring confirme Benson et Moorhead comme des auteurs à part dans le paysage du fantastique contemporain. La suite de leur filmographie, fascinante, ne fera que confirmer les promesses de leurs deux premiers longs-métrages, d’une audace rare malgré des moyens dérisoires.

 

© Gilles Penso

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LE GARÇON AUX RAYONS X (1999)

Un adolescent hérite d’une paire de lunettes expérimentales et possède désormais une vision aux rayons X…

THE BOY WITH THE X-RAY EYES / X-TREME TEENS

 

1999 – USA

 

Réalisé par Jeff Burr

 

Avec Bryan Neal, Dara Hollingsworth, Dennis Haskins, Eric Jungmann, Dan Zukovic, Andrew Prine, Timothy Bottoms, Julian Swan, Alex Shiglie, Jeff Burr, Dan Fintescu

 

THEMA ESPIONNAGE ET SCIENCE-FICTION I MONDES PARALLÈLES ET VIRTUELS I SAGA CHARLES BAND

Si Le Garçon aux rayons X est une minuscule production aux ambitions modestes et au budget squelettique, l’homme à l’origine de son scénario, Christopher Mollo, est un habitué des blockbusters de très gros calibre, puisqu’il fut notamment assistant de production sur 58 minutes pour vivre, Predator 2, Rocketeer et Waterworld. En œuvrant pour le producteur Charles Band, notre homme se doute qu’il entre dans une toute autre catégorie, et adapte donc son écriture aux moyens à sa disposition. Le réalisateur sollicité pour mettre en boîte le film est Jeff Burr, qui se fit découvrir des amateurs d’horreur avec Leatherface avant de signer une demi-douzaine de séries B pour Band : Puppet Master 4 et 5, La Légende de Johnny Mysto, The Werewolf Reborn et Phantom Town. Des films pas foncièrement mémorables mais plutôt sympathiques. Comme son titre l’indique, Le Garçon aux rayons X est presque un remake « tout public » de L’Horrible cas du docteur X de Roger Corman, dont il reprend le principe et plusieurs idées. Simultanément à son tournage – en 1999 -, Fred Olen Ray réalisait un film au concept et au titre très proche, The Kid with X-Ray Eyes, mais tous deux n’ont aucun lien officiel. Suite à des complications liées à sa distribution, Le Garçon aux rayons X ne sortira d’ailleurs en vidéo sur le marché américain qu’en 2005, soit six ans plus tard, sous un autre titre (X-Treme Teens) cherchant manifestement à surfer sur le succès des X-Men.

Après un prologue énigmatique montrant trois adolescents qui jouent dans les bois puis sont aspirés dans une dimension parallèle, nous faisons connaissance avec Andy (Bryan Neal), un lycéen pas très bien dans ses baskets. Non content de devoir s’adapter à une nouvelle ville suite à un déménagement que lui a imposé sa mère (refrain connu, décliné maintes fois dans les productions pour enfants et ados de Charles Band), il s’entend fort mal avec son beau-père John (Timothy Bottoms), un homme pourtant bien intentionné mais avec lequel il refuse de se lier. Lorsque John organise une sortie scolaire dans son entreprise Vectrocomp, un centre de recherche spécialisé dans une technologie expérimentale de lunettes à rayons X, la situation bascule. Andy s’aventure en effet dans les zones interdites de la compagnie, avec deux de ses camarades, et y découvre les fameuses lunettes. Après quelques manipulations sur un ordinateur, il parvient à les faire fonctionner parfaitement. Mais il y a un traitre dans l’entreprise qui veut les revendre à une force militaire et qui les glisse discrètement dans le sac d’Andy afin de pouvoir les récupérer plus tard…

« Je vois l’œil de Dieu ! »

L’idée qui sous-tend le film aurait pu nous offrir quelques gags potaches dans l’environnement lycéen du jeune héros. Après tout, quel ado n’a jamais rêvé de pouvoir voir à travers les murs ou les vêtements ? Mais la vision au rayon X prend à l’écran la forme d’un effet de solarisation particulièrement hideux, où les silhouettes sont déformées et les lumières surexposées. Non seulement le rendu est très disgracieux, mais en outre il ôte à l’aventure une grande partie de son potentiel. On sent bien l’envie de jongler de manière originale avec cette idée (les lunettes deviennent invisibles et fusionnent avec Andy, sa nouvelle perception du monde le fait quasiment basculer dans la folie jusqu’à reprendre l’une des répliques de Ray Milland dans L’Horrible cas du docteur X  – « Je vois l’œil de Dieu ! »), mais le scénario semble presque l’oublier en cours de route pour se concentrer sur un complot flou fomenté par des militaires réfugiés dans une base secrète souterraine. Il faut dire que le film n’est guère aidé par les deux ados caricaturaux qui font office d’amis de notre héros. Visiblement conscient des faiblesses du matériau, Jeff Burr essaie de dynamiser l’ensemble comme il peut, utilisant de manière appuyée les prises de vues au fish-eye pour accentuer les moments d’étrangeté, divisant ses écrans pour dynamiser l’action, éclairant les forêts nocturnes brumeuses avec des spots bleutés comme dans les productions Amblin… Ça ne cache pas tout à fait la misère mais l’effort est à souligner. Il n’en demeure pas moins que ce film tourné à la va-vite – et sorti trop tard – est passé totalement inaperçu.

 

© Gilles Penso

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DINOSAUR BABES (1996)

Une horde de monstres préhistoriques en stop-motion affrontent des playmates en peaux de bêtes dans cette série B fauchée mais distrayante…

DINOSAUR BABES

 

1996 – USA

 

Réalisé par Brett Piper

 

Avec Jeff Cornello, Rick Bureau, Mike Whitehead, Melissa Ann, Kathi Trotter, Iris Lynne Sherman, Kelly Lynn, Christina Morales, Wayne Calahan, Robert Peterson

 

THEMA DINOSAURES I EXOTISME FANTASTIQUE I EXTRA-TERRESTRES

Pour Brett Piper, auteur, réalisateur et créateur d’effets spéciaux spécialisé dans les films à tout petit budgets (Mystérieuse planète, Battle for the Lost Planet, Mutant War), Dinosaur Babes ressemblait à un projet de rêve, conçu sur mesure pour lui permettre de rendre hommage à ses idoles Willis O’Brien (King Kong) et Ray Harryhausen (Un million d’années avant JC) tout en surfant sur le succès de Jurassic Park. Mais le rêve s’est rapidement mué en cauchemar. Piper propose d’abord le film à Troma, qui avait déjà distribué son A Nymphoid Barbarian in Dinosaur Hell, mais qui n’a pas le budget nécessaire pour le financer avant son tournage. « J’ai alors trouvé d’autres producteurs, et le film m’a été littéralement volé », raconte Piper. « J’ai écrit le script, j’ai tourné les prises de vues réelles, j’ai réalisé les effets spéciaux et l’animation. Et dès que tous les plans ont été mis en boîte, les producteurs m’ont écarté du projet pour le finir eux-mêmes. Ils ont fait faire un montage qui n’a plus rien à voir avec l’idée initiale. Ils ont placé le dénouement à la place du prologue, c’est bourré de faux raccords et ils ont même conservé des prises ratées dans le montage. Il y a des peintures sur verre dans lesquelles vous voyez des gens qui se reflètent sur la vitre ! C’est la pire chose que j’ai vue de ma vie toute entière. » (1) En voyant le résultat final, les maladresses sautent effectivement aux yeux, mais le film reste très distrayant grâce à la qualité du travail de Piper.

« L’histoire que vous allez découvrir est vraie », nous annonce un carton d’introduction qui ne recule devant rien. « Elle s’appuie sur une série de peintures rupestres découvertes dans le sud de la France, récemment mises à jour par des scientifiques. De crainte des représailles de plusieurs communautés religieuses et scientifiques bien établies, cette histoire a été tenue secrète… jusqu’à aujourd’hui. » Une voix off exagérément grave poursuit le récit dans cette voie pseudo-documentaire absurde, nous apprenant qu’il y a un million d’années, les premiers hommes et les derniers dinosaures coexistèrent brièvement. Ce film est donc fortement déconseillé aux paléontologues férus de rigueur (pré)historique ! Dans cette terre sauvage, une violente tribu de femmes masquées enlève les femelles d’une communauté paisible pour les sacrifier au « roi lézard », autrement dit un grand tyrannosaure. Dès le prologue, nous voyons donc une jeune femme attachée à deux poteaux qui semblent échappés de King Kong, entièrement dévêtue puis livrée à la bête. Trois hommes appartenant à la tribu des captives décident alors de traverser la forêt et de braver mille dangers pour les délivrer…

« D’après une histoire vraie ! »

Les femmes préhistoriques du film étant toutes des pin-ups en maillot de bain, les mâles ressemblant à des beach boys californiens et tout ce beau monde s’exprimant en anglais, on se doute bien qu’il va falloir s’armer de beaucoup d’indulgence pour pouvoir apprécier Dinosaur Babes. D’autant que cette voix off omniprésente n’arrange rien. Mais fort heureusement, les tours de magie de Piper saturent généreusement l’écran. Tour à tour marionnettes animées à la main et figurines en stop-motion, les nombreux dinosaures qui cherchent des noises à nos héros sont de très belles créations, même si les textures et les sculptures manquent un peu de finition. Les scènes audacieuses s’enchaînent alors sans interruption : les hommes préhistoriques qui chassent un brontosaure, la traversée d’une vallée où se dressent de gigantesques statues de dinosaures, le surgissement d’un cératopsien furieux qui détruit tout sur son passage, l’attaque d’un carnotaure… Entre deux scènes d’action, Piper nous offre de très beaux panoramas antédiluviens dignes des peintures de Zdenek Burian, avec des sauropodes qui passent au loin, des ptérosaures qui traversent les cieux, un hadrosaure coincé dans un marécage ou un stégosaure qui s’abreuve. Comme il y a « babes » dans le titre, le film n’est pas non plus avare en scènes de nudité (avec en bonus la scène d’une prisonnière abandonnée aux crocs de mille-pattes aquatiques géants fort peu ragoûtants). Et pour couronner le tout, le scénario intègre un élément de science-fiction qui permet au climax de s’orner d’une fusillade au pistolet laser. Mal monté, affublé d’une musique électronique médiocre, Dinosaur Babes est loin d’être un grand film. Mais si Piper avait pu garder la main, nul doute que le résultat aurait été beaucoup plus cohérent. En l’état, le film s’apprécie tout de même pour ce qu’il est : une série B modeste truffée de grosses bêtes et de jolies filles.

 

© Gilles Penso

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TEEN SORCERY (1999)

Une lycéenne dotée d’une amulette magique tyrannise tous ses camarades, jusqu’à ce qu’une nouvelle venue décide de s’opposer à elle…

TEEN SORCERY

 

1999 – CANADA / ROUMANIE

 

Réalisé par Victoria Muspratt

 

Avec A.J. Cook, Craig Olejnik, Lexa Doig, Aimée Castle, Nadia Litz, Anne Anglin, Ioana Cristecu, Tomi Cristin, Constantin Barbulescu, Lia Brugnar, Silviu Geamanu

 

THEMA SORCELLERIE ET MAGIE I SAGA CHARLES BAND

Le film Dangereuse alliance et la série Charmed cartonnent auprès du public adolescent ? Qu’à cela ne tienne : produisons notre propre histoire de lycéennes s’adonnant à la sorcellerie ! Telle fut sans doute la réflexion qui motiva Charles Band lorsqu’il mit en chantier Teen Sorcery. Réalisée par Victoria Muspratt (Inhumanoid, Macon County Jail) et écrite par Alon Kaplan (Timeslingers), cette comédie fantastique s’adresse à une frange du public située exactement entre celui du catalogue Moonbeam (les films pour enfants) et celui de Full Moon (qui vise en priorité les jeunes adultes). Ce sont donc les teenagers que vise Teen Sorcery, comme l’indique sans détour son titre. Charles Band ayant depuis plusieurs années pris ses habitudes en Roumanie, le film est tourné à Bucarest et ses environs, même s’il s’efforce de nous faire croire que l’intrigue se situe en plein Massachussetts. Les fausses maisons américaines construites dans les studios de Castel Films – et utilisées pour une infinité de films Moonbeam – sont naturellement sollicitées, tout comme un grand château médiéval, le temps d’une séquence spécialement conçue pour profiter de la photogénie de ce décor historique.

Tout commence par un cauchemar filmé au fish-eye dans lequel une adolescente essaie de libérer une fille qui lui ressemble comme deux gouttes d’eau, puis croise une vieille sorcière qui se transforme en araignée géante. Lorsqu’elle s’éveille en sursaut, Dawn (A.J. Cook) est dans la voiture de ses parents. Tous trois quittent Los Angeles pour emménager dans la petite ville de Pilgrimtown. Lors de sa première journée dans le lycée local, elle découvre qu’un quatuor de filles fait la loi dans l’établissement, menées par l’arrogante Mercedes (Lexa Doig). Il se trouve que cette dernière possède des pouvoirs magiques, grâce à une amulette qu’elle porte autour du cou. Ces dons surnaturels lui servent principalement à tyranniser les autres élèves (des cafards sur un plateau repas, des habits qui rétrécissent, une grenouille qui se met à parler). Elle les utilise aussi pour que ses devoirs s’écrivent tous seuls. En rencontrant trois camarades un peu laissées pour compte, Flo (Nadia Litz), Franny (Aiméee Castle) et Mary (Ioana Cristecu), Dawn décide d’en faire ses amies, et toutes quatre vont s’unir pour tenter de renverser le pouvoir de Mercedes.

High School Magical

S’il se contente donc à priori d’emprunter prudemment la voie des succès récents qui l’inspirent, Teen Sorcery finit par bifurquer vers des péripéties plus originales à mi-parcours de son récit, se muant même en une sorte de remake de La Belle au bois dormant (avec en guise de prince un lycéen qui s’appelle Michael Charming). Mais tout ça reste très léger, tournant finalement autour d’enjeux anecdotiques, qu’on pourrait résumer à : qui sera la fille la plus populaire du lycée ? La réalisation est propre mais sans éclat, adoptant la mise en forme d’un téléfilm anonyme, et les trucages numériques sollicités pour visualiser les effets de la magie sont extrêmement sommaires : des rayons d’énergie, des téléportations, des métamorphoses et même un dragon cracheur de feu pas beaucoup plus convaincant que celui de Medieval Park. Cela dit, il faut reconnaître que les comédiens tiennent la route, que le rythme reste soutenu et que le scénario a le bon goût de ne jamais se prendre trop au sérieux. D’où une série d’idées amusantes et originales, comme Dawn qui s’entraîne à la magie en modifiant la taille d’un prof lancé dans un discours assommant, ce portail temporel qui ramène provisoirement les personnages dans les années hippies, ou cette séquence étrange tournée entièrement à l’envers – quelque part à mi-chemin entre Twin Peaks et Top Secret.

 

© Gilles Penso

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TROLL 2 (2025)

Un nouveau troll géant vient d’être capturé par une équipe de savants, mais il se libère et déchaîne aussitôt sa folie destructrice…

TROLL 2

 

2025 – NORVÈGE

 

Réalisé par Roar Uthaug

 

Avec Ine Marie Wilmann, Kim Falck, Mads Sjøgård Pettersen, Sara Khorami, Ágota Dunai, Molly Feeley, Karoline Viktoria Sletteng Garvang, Pål Richard Lunderby

 

THEMA CONTES

Pour tous les grands amateurs de kaiju eiga qui furent légitimement frustrés par Godzilla x Kong, la séquelle du déjà très simpliste Godzilla vs. Kong, Roar Uthaug remet les monstres à l’heure avec cette suite de Troll aussi impressionnante que son modèle. Le réalisateur norvégien met même les bouchées doubles puisque – suite oblige – le titan rocailleux du premier film n’est désormais plus seul à faire trembler la terre sous ses pas. En conséquence, le budget semble avoir doublé – même si aucun chiffre officiel n’a été annoncé – pour avoisiner manifestement les 114 millions de couronnes norvégiennes, soit environ 11,2 millions de dollars. Il s’agirait même de la production cinématographique la plus coûteuse jamais mise en chantier dans les pays nordiques. Cela surprend peu lorsqu’on constate l’ambition visuelle du film. Côté scénario, en revanche, il faut bien admettre que Uthaug et son co-auteur Espen Aukan (déjà à l’œuvre sur le premier Troll) ne sont pas allés chercher trop loin. Exilée dans une espèce de cabane austère après les événements du premier film, la scientifique Nora Tidemann (Ine Marie Wilmann) reçoit la visite d’Andreas Isaksen (Kim Falck), qui lui offre une nouvelle occasion d’étudier les trolls. Une opération clandestine a en effet découvert un nouveau spécimen et le maintient sous sédatifs afin d’en tirer tous les enseignements possibles.

L’image de ce géant endormi, debout dans un immense centre de recherche, n’est pas sans rappeler King Kong 2. Mais fort heureusement, les ressemblances avec le calamiteux nanar de John Guillermin s’arrêtent là. Comme on pouvait s’y attendre, le barbu rocailleux de quinze mètres de haut ne reste pas longtemps en hibernation et se libère bientôt avec perte et fracas. La quête vengeresse et destructrice dans laquelle il se lance semble être directement liée à l’histoire de Saint Olaf qui, pour christianiser la Norvège, fit jadis exterminer tous les trolls. Furieux, le monstre gigantesque semble aujourd’hui en vouloir à la civilisation tout entière. Pour le contrer, une seule solution semble possible : trouver un autre troll et le rallier à la cause de l’humanité. Le concept reste donc assez basique, pour ne pas dire tiré par les cheveux, et reprend finalement le même principe que celui du King Kong contre Godzilla original d’Inoshiro Honda : pour vaincre un monstre géant, il en faut un autre.

Maximonstres

Les références visuelles, musicales et scéniques à King Kong, Godzilla et Jurassic Park abondent, Uthaug connaissant ses classiques et assumant sans détour leur influence sur son travail. La bande originale de Johannes Ringen évoque donc tour à tour les travaux d’Akira Ifukube et Max Steiner, les verres tremblent à l’approche des géants, et lorsque l’héroïne caresse le bout du nez du « gentil Troll » pour l’amadouer, on croirait revivre la scène des brachiosaures du classique de Spielberg. Le mugissement de la bête et la musique s’y réfèrent d’ailleurs ouvertement. Les dialogues ne s’interdisent aucune autodérision, notamment lorsqu’un personnage affirme « les suites sont moins bonnes que les originaux » et qu’il s’entend répondre « mais non, tout le monde adore les suites ! ». Dans Troll 2, comme dans son modèle, les images vertigineuses jouant sur les rapports d’échelle abondent, servies par des effets visuels magistraux : Nora minuscule sur un échafaudage aux côtés du Troll endormi, l’attaque de la boîte de nuit, le surgissement du « fils du roi de la montagne » dans la grotte, le premier face à face des deux monstres dans la neige, le climax au pied de la cathédrale… Bien sûr, il faut beaucoup de suspension d’incrédulité pour adhérer à cette histoire invraisemblable qui, à mi-parcours, se laisse aussi influencer par la saga Indiana Jones. Mais si l’on garde l’esprit ouvert et que l’on ne réfrène pas son envie primaire de voir des bestioles hautes comme des buildings se taper dessus, le spectacle vaut le détour. Comme on pouvait s’y attendre, une courte séquence post-générique annonce une suite possible. L’accueil des « Netflixophiles » décidera de l’existence ou non d’un potentiel Troll 3.

 

© Gilles Penso

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DEATHSTALKER 2 (1987)

Dans cette fausse suite parodique de Deathstalker, un intrépide voleur s’associe à une princesse en fuite pour affronter un redoutable sorcier…

DEATHSTALKER 2 : DUEL OF THE TITANS

 

1987 – USA

 

Réalisé par Jim Wynorski

 

Avec John Terlesky, Monique Gabrielle, John Lazar, Toni Naples, Maria Socas, Marcos Woinsky, Dee Booher, Jacques Arndt, Carina Davi, Jim Wynorski

 

THEMA HEROIC FANTASY I SORCELLERIE ET MAGIE I ZOMBIES I SAGA DEATHSTALKER

Alors que Jim Wynorski vient tout juste de terminer Shopping pour le producteur Roger Corman, ce dernier lui propose d’enchaîner avec Deathstalker 2, suite d’un film d’heroic-fantasy bricolé en 1983 dans la foulée de Conan le barbare. Wynorski accepte, même si cela nécessite un déménagement provisoire à Buenos Aires, où Corman a signé un contrat pour la mise en chantier d’un certain nombre de productions locales. Pour ne pas être trop dépaysé, le réalisateur embarque dans l’aventure trois acteurs parmi ses proches amis : John Terlesky (Shopping), Monique Gabrielle (Le Retour de la créature du lagon) et Toni Naples (Dinosaur Island). Mais lorsqu’il arrive sur place, Wynorski déchante face au scénario, qu’il trouve d’une banalité désespérante. Il décide donc de tout réécrire avec John Terlesky en adoptant une tonalité comique. Le premier degré inhérent au début de la vogue des films d’épée et de sorcellerie lui semble en effet dépassé. Nous sommes désormais en 1987, à une époque où le genre s’essouffle et ne doit ses derniers soubresauts qu’à une approche moins sérieuse, ce que prouvera la même année Les Barbarians de Ruggero Deodato. La nouvelle histoire se construit comme une variante loufoque autour du New York – Miami de Frank Capra. Très investi, Terlesky réécrit le script tous les soirs avec Wynorski, joue le premier rôle, passe des semaines à répéter les scènes de combat et effectue lui-même la grande majorité de ses cascades.

Le ton parodique est assumé dès l’entame. Ce nouveau Deathstalker campé par Terlesky, qui n’a rien à voir avec le colosse qu’interprétait Rick Hill en 1983, est cette fois-ci beaucoup plus proche d’Indiana Jones que de Conan. Il ne quitte jamais son sourire ravageur, même en plein combat, bondit dans des décors caverneux pour voler des artefacts précieux et imite Harrison Ford lorsqu’il est coursé par une meute de guerriers enturbannés, le tout aux accents d’une musique électro-pop joyeusement anachronique de Chuck Cirino. Nous voici donc face à un anti-héros impertinent, bagarreur et séducteur. Son dernier larcin ayant attiré le courroux de la guerrière Sultana (Toni Naples), il est en fuite. En portant secours à une jeune femme qui se fait appeler Reena la voyante (Monique Gabrielle), il ignore que celle-ci est en réalité une princesse dont le redoutable sorcier escrimeur Jarek (John Lazar) a fabriqué un clone. Pour éviter que ce super-vilain place sur le trône la copie et élimine l’originale, Deathstalker va devoir se lancer dans une aventure particulièrement périlleuse…

Sorciers, zombies, amazones et cannibales

On sent bien que tout le monde s’amuse sur ce film, peu avare en dialogues volontairement outranciers (« D’ordinaire, je ne rechigne pas à voir une femme prendre une bonne raclée si elle l’a mérité ») ou conçus comme des clins d’œil référentiels. On y fait allusion à Conan le barbare, à la célèbre tirade de Goldfinger (« I expect you to die ») ou à une célèbre citation de Mae West (« Est-ce ton épée, ou est-ce que tu es heureux de me voir ? »). John Terlesky et John Lazar sont comme des poissons dans l’eau, l’un en héros sautillant et cynique, l’autre en méchant suave pétri de duplicité. Quant à Monique Gabrielle, elle nous réjouit dans le double rôle de la sauvageonne un peu nunuche et de la princesse capricieuse anthropophage. Ce Deathstalker 2 se révèle donc bien supérieur à son modèle, multipliant les gags absurdes (la présentation des hommes de main du faux borgne, digne de Top Secret) et les idées délirantes : le sorcier qui parle à travers un chaudron bouillonnant, les zombies qui surgissent de la terre pour attaquer nos héros, la princesse qui dévore ses victimes et fabrique un ornement sur sa tête de lit avec leur visage pétrifié, le combat de catch contre la championne des Amazones… Généreux, décomplexé, irrévérencieux, ce second opus est un petit régal pour les amateurs de séries B sans prétention. Deux autres séquelles seront réalisées dans la foulée, respectivement en 1988 et 1991.

 

© Gilles Penso

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