YONGGARY (1999)

Cet ambitieux film de monstre sud-coréen sabote son concept prometteur à cause de ses effets spéciaux catastrophiques…

YONGGARY / REPTILIAN

 

1999 – CORÉE DU SUD

 

Réalisé par Hyung-rae Shim

 

Avec Dan Cashman, Bruce Cornwell, Donna Philipson, Dennis Howard, Matt Landers, Harrison Young, Richard Livingston, Eric Briant Wells, Brad Sergi

 

THEMA DINOSAURES I EXTRA-TERRESTRES

Connu dans son pays pour ses comédies burlesques et ses pastiches, le cinéaste sud-coréen Shim Hyung-Rae nourrit, à la fin des années 90, l’ambition de s’imposer sur la scène internationale avec son propre film de monstres géants. Le succès planétaire du Godzilla de Roland Emmerich – parallèlement à la relance des sagas Gojira et Gamera au Japon – lui donne l’idée d’offrir à la Corée son propre Kaiju. C’est ainsi qu’il exhume Yonggary, un monstre né en 1967 sous la direction de Kim Ki-duk (homonyme du réalisateur de L’Île et Locataires). Mais à vrai dire, le Yonggary de 1999 n’a rien à voir avec le Yongary, monstre des abysses de Ki-duk, si ce n’est une volonté partagée de rivaliser avec les mastodontes nippons. Pour donner corps à sa vision, Shim Hyung-Rae voit les choses en grand : un budget record (le plus gros de l’histoire du cinéma sud-coréen à l’époque), un casting international et des effets spéciaux de pointe. Les rôles principaux sont attribués à des comédiens américains et britanniques, tandis que les figurants sont recrutés sur place, souvent parmi des expatriés n’ayant jamais mis les pieds sur un plateau. L’anglais n’étant pas le fort du réalisateur, un interprète fait le lien entre lui et son équipe hétéroclite, dans un joyeux chaos de plateaux. Au-delà de l’influence directe de Godzilla, ce Yonggary cligne aussi directement de l’œil vers Independence Day et X-Files, toujours dans l’espoir de conquérir le marché international.

Au moment du prologue, un groupe de scientifiques s’aventure dans une vaste caverne jonchée de squelettes d’animaux préhistoriques. En tentant de dégager un corps humanoïde fossilisé qui émet d’étranges lueurs, ils déclenchent une gigantesque explosion. Seul rescapé de l’équipe, le professeur Campbell (Richard Livingston) survit, découvre une série de hiéroglyphes et éclate dans un rire dément en criant : « C’est à moi ! » Très vite, une nouvelle équipe débarque sur les lieux pour exhumer un spécimen colossal que Campbell estime cinquante fois plus grand qu’un T-Rex. Le journaliste Bud Black (Brad Sergi) arrive sur place pour couvrir ce qui s’annonce comme une découverte historique. Mais pendant ce temps, un immense vaisseau spatial pénètre dans l’atmosphère terrestre et pulvérise les satellites en orbite. Les extra-terrestres, aux allures de gargouilles en caoutchouc, parlent entre eux avec des voix de chipmunks et échangent des dialogues enfantins du genre « ils nous ont repérés », « nous devons commencer l’invasion maintenant », « d’ici peu la Terre sera vaincue ». Le site archéologique est alors réduit en cendres par une attaque à distance. Et soudain, le squelette géant se recouvre de chair (via un morphing assez hideux) et le redoutable Yonggary, vieux de 200 millions d’années, revient à la vie…

« Y’a plus de morts que dans un film de Tarantino ! »

Absurde, le concept de Yonggary est digne de celui d’un Kaiju enfantin des années 70. Si les scènes spatiales fonctionnent plutôt bien, le monstre, en revanche, est une création en image de synthèse particulièrement hideuse, une espèce de Godzilla numérique aux traits simiesques qui crache du feu et saute comme une grenouille. Le film aurait sans doute mieux fonctionné avec des acteurs costumés et des effets pratiques. Mais en misant sur le tout digital, Hyung-rae Shim affuble son long-métrage de trucages tous plus affreux les uns que les autres, du combat contre les hélicoptères à l’attaque de la ville (calquée très maladroitement sur celle du Monstre des temps perdus), en passant par l’assaut des avions, le commando volant en jet-pack ou la castagne finale contre un second monstre tout aussi raté (une espèce de dinosaure scorpion apathique). Les acteurs en roue libre, la disparition en cours de route de personnages jugés inutiles (le photographe) et les dialogues stupides (« Y’a plus de morts que dans un film de Tarantino ! ») n’arrangent rien. Les aliens, eux, s’amusent tout au long du film à dématérialiser puis rematérialiser Yonggary, pour une raison qui nous échappe. De toutes façons, le scénario n’a aucun sens, mêlant dans le désordre le plus total la prophétie ancestrale, les vestiges préhistoriques et l’invasion extra-terrestre. Certes, Yonggary reste supérieur aux calamiteux Kraa ! ou Zarkorr ! produits à peu près au même moment par Charles Band, ce qui ne l’empêche pas pour autant de s’affirmer comme un nanar de compétition. Le film sera d’ailleurs un flop monumental, y compris lors de sa ressortie sous un autre titre (Reptilian). La suite envisagée, avec un Yonggary robotique façon Mechagodzilla, ne verra donc jamais le jour.

 

© Gilles Penso

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LES 5000 DOIGTS DU DR. T (1953)

Dans cette comédie musicale absurde et féerique, un jeune garçon se retrouve prisonnier d’une dictature dirigée par un professeur de piano…

THE 5000 FINGERS OF DR. T

1953 – USA

Réalisé par Roy Rowland

Avec Mary Healy, Peter Lind Hayes, Hans Conried, Tommy Rettig, Jack Heasley, Robert Heasley, Noel Cravat, George Chakiris, Henry Kulky, Harry Wilson

THEMA CONTES

Produit par Stanley Kramer, Les 5 000 doigts du docteur T s’aventure en terrain surréaliste, quelque part entre Le Magicien d’Oz et Alice au pays des merveilles. Le film narre le long cauchemar d’un enfant imaginatif qui vire au conte de fée mâtiné de comédie musicale. Le scénario est signé par le célèbre auteur de romans pour enfants Docteur Seuss, alias Theodore Seuss Geisel (Horton, Le Grinch, Le Chat chapeauté, Le Lorax). Fort du succès du cartoon Gerald McBoing-Boing, Seuss propose dès 1951 un script extravagant, truffé de thèmes sombres hérités des traumatismes de la Seconde Guerre mondiale : domination, oppression et autoritarisme. Cette tonalité grinçante ressurgira dans les décors fantasques et les chorégraphies claudicantes du film. La production, elle, n’a rien d’un conte de fées. En coulisses, c’est la guerre ouverte entre le producteur Kramer et le tout-puissant Harry Cohn, patron de Columbia Pictures. Ce dernier interdit formellement à Kramer de réaliser le film et lui impose Roy Rowland, petit artisan maison à qui l’on doit, entre autres, la romance L’Ange perdu et le western Le Convoi du diable. Résultat : un tournage chaotique, constamment parasité par les interventions de Cohn, qui inonde l’équipe de notes et de directives. Cet accouchement douloureux finira par donner naissance à une œuvre unique.

Bart Collins (Tommy Rettig) est un jeune garçon qui vit avec sa mère veuve, Héloïse (Mary Healy). Il supporte difficilement ses leçons de piano imposées par le strict et autoritaire docteur Terwilliker (Hans Conried), qu’il perçoit comme une figure oppressive. Convaincu que sa mère est sous son influence, Bart tente de trouver du réconfort auprès d’August Zabladowski (Peter Lind Hayes), un plombier bienveillant. Dès l’entame, Bart brise le quatrième mur en s’adressant directement au spectateur pour exprimer ses états d’âmes. C’est alors qu’en pleine séance de piano, le gamin s’assoupit et bascule dans un rêve très bizarre. Dans cet univers onirique, il se retrouve prisonnier de l’Institut Terwilliker, une école imaginaire où le piano est l’unique instrument autorisé. Le docteur T, qui y règne en tyran, a conçu un gigantesque clavier nécessitant 5000 doigts pour être joué, soit 500 enfants contraints de s’exécuter. Dans ce monde fantasmé, sa mère est devenue l’assistante docile – et promise en mariage – du professeur. Pour échapper à cette dictature musicale et libérer sa mère, Bart doit déjouer les règles absurdes de l’Institut et affronter l’infinité d’obstacles dressés sur son chemin.

Sur la touche

Les 5000 doigts du docteur T se distingue par la folle ambition de sa direction artistique. Ses décors multicolores et fantasmagoriques, qui ne sont pas sans évoquer les travaux de William Cameron Menzies, sont signés Rudolph Sternad (Le Train sifflera trois fois, Ouragan sur le Caine, Un monde fou fou fou fou). Le film regorge ainsi d’idées visuelles insolites : un métronome géant qui remplace le tic-tac d’un réveil, de grandes mains sculptées servant de panneaux indicateurs, des murs tordus, un escalier vertigineux qui semble grimper jusqu’aux nuages, et bien sûr ce gigantesque piano qui ondule comme un serpent géant. À mi-chemin entre l’expressionnisme allemand et le cartoon d’avant-guerre, le monde fantasque du docteur T mêle les décors grandeur nature, les maquettes et les peintures. Tandis que l’extérieur de l’institut est une miniature biscornue entourée de fils barbelés électriques, les vues plongeantes sur ses ruelles sombres sont surplombées de gargouilles grotesques. Cette approche visuelle est indiscutablement le point fort du film. Car les numéros musicaux, les chansons et les chorégraphies n’ont rien de très mémorable, malgré quelques idées audacieuses, comme la sarabande des musiciens en haillons « non-pianistes » enfermés dans un cachot. Le casting lui-même est un peu fade, même si Hans Conried (interprète vocal du capitaine Crochet dans Peter Pan la même année) tire son épingle du jeu grâce à sa prestation haute en couleur. Une première version du film ayant été mal reçue lors des projections test, le studio ordonne une semaine de tournage additionnel, dont une nouvelle scène d’ouverture, et supprime neuf des vingt séquences musicales initialement tournées. À l’arrivée, Les 5000 doigts du docteur T est une œuvre bancale et imparfaite, mais pleine de fulgurances dignes de l’imagination sans borne de son auteur.

 

© Gilles Penso

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GINGERDEAD MAN 3 (2011)

Le biscuit démoniaque remonte le temps jusqu’en 1976 où il atterrit dans un concours de danse disco qui se transforme en remake de Carrie

GINGERDEAD MAN 3 : SATURDAY NIGHT CLEAVER

 

2011 – USA

 

Réalisé par William Butler

 

Avec Paris Wagner, Jackie Beat, Steve-Michael McLure, Kimberly Dawn Guerrero, Selene Luna, Jacqueline Fae, Jonny Jay, Laura Kachergus, Jean Louise O’Sullivan

 

THEMA SORCELLERIE ET MAGIE I SAGA GINGERDEAD MAN I CHARLES BAND

Gingerdead Man 2 ayant bravé pas mal de tabous, poussant le bouchon jusqu’aux gags homophobes et blasphématoires, le scénariste/réalisateur William Butler avait cru bon de le signer sous le pseudonyme de Sylvia St Croix pour éviter des levées de bouclier trop violentes. Mais le scandale n’éclata guère et le film fut même très bien accueilli par les fans des productions Full Moon. Butler utilise donc son vrai nom au générique de ce troisième opus sur lequel le producteur Charles Band lui laisse une fois de plus la bride sur le cou, à condition de respecter comme toujours un budget ridicule et un délai de cinq jours de prises de vues. « Vous ne pouvez avoir que cinq ou six lieux de tournage, et ils doivent tous être autonomes au sein d’un lieu plus grand », explique Butler quand on l’interroge sur les secrets de fabrication d’un film aussi fauché. « Il faut tourner rapidement pour que le public ne s’ennuie pas, et je pense qu’il faut aussi que les scènes soient courtes. Chaque fois que vous êtes dans la même pièce, vous devez choisir un angle différent pour ne pas filmer toujours près du même mur ou des mêmes accessoires. La caméra doit toujours être en mouvement. C’est une forme d’art en soi, et c’est particulièrement difficile lorsqu’il s’agit de mettre en scène des marionnettes. Surtout si ces marionnettes sont fabriquées pour moins de cinq cents dollars et ressemblent à de vulgaires gants de cuisine ! » (1)

Il semblait difficile de repousser les limites de l’autodérision de Gingerdead Man 2. Butler opte pour une autre voie, celle de la parodie cinéphilique, battant même sur leur propre terrain tous les Scary Movie qui le précédèrent. Tout commence à « l’institut de recherche scientifique pour l’étude des pâtisseries homicides ». Envoyée par le FBI, Clarissa Darling se présente à l’accueil, retire tous ses piercings (y compris les plus intimes) et avance prudemment dans un couloir où s’alignent les cellules des dangereux prisonniers : un croissant moustachu psychopathe, une tarte aux myrtille lubrique, un space cake enfumé, un choux à la crème dégoulinant… et bien sûr le Gingerdead Man, qui se la joue Anthony Hopkins avec sa voix suave et ses grandes manières – et se retrouve même affublé du même masque qu’Hannibal Lecter, pour ceux qui n’auraient pas encore compris l’allusion au Silence des agneaux. Soudain, des activistes débarquent et libèrent tous les prisonniers. Mais le délire n’en est qu’à ses prémices. Notre petit homme en pain d’épices saute en effet dans une machine à voyager dans le temps et se retrouve dans les années 70, en pleine période disco. D’où le sous-titre de ce troisième épisode : Saturday Night Cleaver !

Le silence des gâteaux

Nous voilà au cœur du « Roller Boogie Queen Contest », dans un club qui s’apprête à fermer ses portes faute de financement. Cet élément de l’intrigue n’a évidemment que peu d’intérêt et n’est qu’un prétexte pour que le biscuit tueur puisse se défouler. C’est aussi l’occasion pour Butler et sa co-scénariste Muffy Bolding de construire le scénario sous forme d’un remake loufoque de Carrie. Paris Wagner prend donc la relève de Sissy Spacek sous les traits d’une jeune femme introvertie douée de pouvoirs télékinétiques et promise à l’aspersion d’un seau empli de sang suspendu au-dessus de sa tête. Le look du petit monstre a été manifestement modifié depuis les opus précédents. Sa tête est désormais plus grosse et plus large. Si la marionnette qui lui donne vie est mieux animée que d’habitude, les images de synthèse qui prennent le relais pour le montrer en plan large ou pour visualiser les jets de sang, les incendies ou les arcs électriques sont affreuses. Fort heureusement, les effets spéciaux à l’ancienne sont toujours sollicités pour les mises à mort gore et cartoonesques, comme les filles qui se décomposent en pratiquant un « car wash » à base d’acide ou le massacre au hachoir dans les toilettes. Tandis que rien ne semble arrêter le psychopathe croustillant – il surgit hors d’une cuvette de WC comme s’il voulait rendre hommage à Ghoulies, sniffe de la coke, se transforme en DJ -, Butler s’amuse à imiter les effets de style de Brian de Palma lors d’un climax qui voit grand. Après cette troisième aventure solo, la pâtisserie diabolique se lancera dans un crossover improbable : Gingerdead Man vs. Evil Bong.

 

(1) Propos extraits du livre « It Came From the Video Aisle ! » (2017)

 

© Gilles Penso

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L’AUBE DES ZOMBIES (1981)

Une momie et des morts-vivants surgissent de leur tombe égyptienne ancestrale pour massacrer ceux qui ont profané leur sépulture…

DAWN OF THE MUMMY

 

1981 – USA / ÉGYPTE

 

Réalisé par Frank Agrama

 

Avec Brenda Siemer Scheider, Barry Sattels, George Peck, John Salvo, Ibrahim Khan, Joan Levy, Ellen Faison, Diane Beatty, Ali Gohar, Ahmed Rateb

 

THEMA MOMIES I ZOMBIES

Producteur, scénariste et réalisateur américano-égyptien, Frank Agrama met en scène une bonne dizaine de films en Iran avant de s’attaquer au marché international avec le polar L’Ordre et la violence en 1972 et la parodie Queen Kong en 1976 (qui parait-il agaça beaucoup Dino de Laurentiis, peu enclin à laisser cette concurrence potache entacher son coûteux King Kong). Son film suivant est L’Aube des zombies, qu’il tourne en Égypte avec une équipe majoritairement italienne. Le prologue se situe en plein désert du Caire, au quatrième millénaire avant J.-C. Des esclavagistes à cheval y enlèvent des villageois pour les contraindre à devenir des serviteurs lors de l’enterrement du pharaon Seferaman. Alors qu’ils se tiennent autour du sarcophage, les malheureux sont tués par un gaz toxique et l’entrée de sa tombe est scellée. Des milliers d’années plus tard, trois hommes, Rick (George Peck), Tariq (Ali Gohar) et Karib (Ibrahim Khan), découvrent l’entrée du tombeau et décident de le piller dans l’espoir d’y trouver un trésor. Une vieille femme surgit soudain pour leur annoncer que le tombeau est maudit, mais rien ne stoppe le trio appâté par le gain. Après avoir ouvert l’entrée à coup de dynamite, ils se mettent en quête d’un hypothétique butin.

Cette situation étant installée, voilà que débarque une équipe de photographes et de mannequins américains, venus en Égypte pour une séance de photo de mode avec la bénédiction du gouvernement local. Alors qu’ils découvrent eux aussi le tombeau, au grand dam des pilleurs, ils décident de faire des clichés à l’intérieur. Personne ne se rend compte que la chaleur des projecteurs provoque une réaction chimique sur la momie de Seferaman. Un liquide poisseux commence en effet à se propager sous ses bandelettes et à gargouiller sinistrement. Bien sûr, le pharaon ne va pas tarder à revenir d’entre les morts, prélude à un joyeux massacre que Frank Agrama filme manifestement sous haute influence du cinéma d’horreur italien de l’époque, dans le sillage du Zombie de George Romero. Car L’Aube des zombies est un film hybride. Si le redoutable Seferaman a les allures classiques d’une momie vengeresse (dont le look n’est pas sans évoquer celui de Christopher Lee dans La Malédiction des Pharaons), l’armée des morts qui l’accompagne n’aurait pas dépareillé dans un film de Lucio Fulci.

L’enfer des momies

La séquence de leur résurrection, au cours de laquelle ils émergent de la terre en gémissant, affublés de haillons déchiquetés et exhibant des visages putréfiés, semble presque échappée de L’Enfer des zombies. Ces cadavres ambulants se repaissent d’ailleurs de la chair et des entrailles des vivants. D’où un titre français qui oublie toute référence aux momies pour évoquer frontalement Dawn of the Dead. Pour se conformer à ses références horrifiques, L’Aube des zombies ne lésine pas sur le gore. Décapitations, têtes qui se décomposent, peau calcinée, coup de machette dans le crâne, gorge arrachée à coups de dents, énucléations, éviscérations à mains nues, c’est un carnage en bonne et due forme qui vaudra au film de nombreuses démêlées avec la censure anglaise, exigeant près de deux minutes de coupes pour pouvoir l’exploiter. Dans la lignée des sous-Zombie qui fleurirent sur les écrans à la fin des années 70, L’Aube des zombies ravira les amateurs d’horreur graphique mais aussi les fans de comique involontaire, car le jeu outré de la plupart des acteurs (notamment de George Peck, qui prononce chacune de ses répliques en hurlant, en écarquillant les yeux et en ouvrant grand la bouche) vaut son pesant de cacahuètes.

 

© Gilles Penso

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PRÉMONITIONS (2007)

Sandra Bullock interprète une femme perturbée par des rêves de plus en plus envahissants au cours desquels son époux meurt… puis renaît !

PREMONITION

 

2007 – USA

 

Réalisé par Mennan Yapo

 

Avec Sandra Bullock, Julian McMahon, Shyann McClure, Courtney Taylor Burness, Nia Long, Marc Macaulay, Kate Nelligan, Irene Ziegler, Philip DeVona

 

THEMA RÊVES

Prémonitions marque les débuts hollywoodiens de Mennan Yapo, un réalisateur germano-turc jusqu’alors méconnu du grand public. Après quelques courts-métrages et le thriller Soundless (2004) remarqué en Allemagne, Yapo attire l’attention des studios américains grâce à sa capacité à insuffler une tension sourde et une esthétique soignée à ses récits. C’est précisément ce que recherche le scénariste Bill Kelly, connu pour la comédie romantique Première sortie (1999), désireux ici de creuser un registre plus sombre et métaphysique. Le projet prend forme sous la houlette des producteurs de Hyde Park Entertainment, qui souhaitent surfer sur le succès de thrillers psychologiques comme Les Autres ou Sixième sens. Le rôle principal est confié à Sandra Bullock, alors en pleine reconquête critique après des années de comédies romantiques. Forte du succès de Collision (Oscar du meilleur film en 2006), l’actrice veut démontrer l’étendue de sa palette dramatique. Elle incarne ici une femme prise dans une boucle temporelle angoissante. À ses côtés, Julian McMahon, surtout connu pour son rôle dans la série Nip/Tuck, campe son époux. L’alchimie fonctionne d’autant plus que le film repose entièrement sur la confusion psychologique de l’héroïne.

Linda Hanson a tout pour être heureuse : un mari aimant, deux filles adorables, une maison de rêve… Mais un jour, tout s’effondre : Linda est avertie que son mari, Jim, est mort dans un accident de la circulation. Le lendemain matin, à son réveil, Linda constate que Jim est bien vivant. Ce n’était donc qu’un banal cauchemar… Mais voilà que ce mauvais rêve, loin de se dissiper, revient la hanter, jour après jour, sans cesse changeant, et toujours plus perturbant. Certains matins, Linda se retrouve veuve ; d’autres fois, c’est aux côtés d’un Jim en pleine forme qu’elle s’éveille. Quel sens donner à ces prémonitions ? Privée de ses repères habituels, ballottée entre des émotions contradictoires, et craignant de sombrer dans la folie, Linda résiste de toutes ses forces à une tragédie imminente. Un seul but désormais : arrêter la ronde infernale du temps pour tenter de sauver son mariage, son bonheur, son avenir…

Cauchemars en boucle

Au départ, Prémonitions ressemble donc à un mauvais rêve. Mais ce rêve se répète, se transforme, ajoute des inconnues, des faits étranges. Et au réveil, certains détails prennent un sens troublant. S’agit-il d’un enchaînement de cauchemars, de deux réalités parallèles alternatives, ou de visions prémonitoires comme semble l’indiquer le titre du film ? La mise en scène de Mennan Yapo est raffinée, tout en sobriété. Le cinéaste évite en effet les effets faciles pour installer une angoisse diffuse et constante. Cette atmosphère instable entre pleinement en résonance avec la prestation de Sandra Bullock, qui prouve une fois encore combien elle peut exceller dans le registre dramatique. Autour d’elle, les seconds rôles restent en retrait mais justes. La musique de Klaus Badelt sait éviter la trop forte influence de Hans Zimmer pour accompagner en finesse la montée en tension. Au-delà de sa structure fragmentée et de son ambiguïté temporelle, Prémonitions interroge aussi la foi et le libre arbitre. « Les gens qui ne croient en rien sont comme des vaisseaux vides, ils risquent davantage de se retrouver soumis à des forces qui les dépassent », dit ainsi à Linda le prêtre qu’elle rencontre en désespoir de cause, la visite chez le psychiatre n’ayant rien donné de concluant. Si le film culmine vers un excellent suspense final, il trébuche sur un épilogue en queue de poisson qui affaiblit son impact. Dommage. Reste une œuvre troublante, élégante, qui ose parler de deuil, de destin et de salut sans sombrer dans le mélodrame.

 

© Gilles Penso

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COUPLE MODÈLE (2014)

Une femme commence à soupçonner son époux d’être un redoutable tueur en série, coupable des pires exactions…

A GOOD MARRIAGE

2014 – USA

Réalisé par Peter Askin

Avec Joan Allen, Anthony LaPaglia, Stephen Lang, Cara Buono, Kristen Connolly, Mike O’Malley, Theo Stockman, Will Rogers, Pun Bandhu, Terra Mackintosh

THEMA TUEURS I SAGA STEPHEN KING

Dans le recueil Nuit noire, étoiles mortes, publié en 2010, Stephen King essaye de retrouver la hargne du jeune écrivain qu’il était à l’époque de son premier roman, Marche ou crève, signé du pseudonyme Richard Bachman. L’une des nouvelles de cette anthologie, Bon ménage, lui est inspirée par un tueur en série bien réel, Dennis Rader, qui perpétra ses crimes au Kansas entre 1974 et 1991, et dont l’épouse jura jusqu’au bout n’avoir jamais rien su de ses agissements. King jugeant que sa nouvelle possède suffisamment de potentiel pour devenir un film, il en tire un scénario qui sera mis en scène et produit par Peter Askin. En guise de clin d’œil, le film se déroule à Cleaves Mills, une ville fictive du Maine qui figurait dans le roman Dead Zone de King. Après la sortie du film, la propre fille du tueur Dennis Rader exprimera publiquement son mécontentement, à cause de trop fortes similitudes entre le scénario et l’histoire de son père. King ayant toujours été fasciné par l’horreur commise par les êtres humains faits de chair et de sang, plus encore que par celle attribuée à des êtres surnaturels, son attrait pour une telle affaire ne surprend pas.

Après vingt-cinq ans de mariage heureux, Darcy (Joan Allen, héroïne de Volte/Face et Pleasantville) se met à soupçonner son époux Bob (Anthony LaPaglia, acteur récurrent de FBI Portés disparus) d’être un tueur en série. Ses doutes sont-ils fondés ? S’agit-il de paranoïa ? A-t-elle vraiment pu épouser un assassin et un violeur sans jamais s’en rendre compte ? Au fil des pages de la nouvelle, sur laquelle plane l’ombre de Barbe Bleue, King traduit les tourments de l’épouse fidèle avec des mots justes et saisissants jouant la carte de la métaphore. « Toutes ces années, elle avait vécu avec un fou, mais comment aurait-elle pu le savoir ? », raconte-t-il. « Sa folie ressemblait à une mer souterraine. Il y avait une couche de roche par-dessus, et une couche de terre par-dessus la roche, dans laquelle poussaient des fleurs. Vous pouviez vous y promener sans vous douter de la présence de l’eau empoisonnée en dessous… mais elle était là. »

Pour le meilleur et surtout le pire

A l’écran, Couple modèle s’appuie sur un rythme lent et surtout sur la prestation très juste de ses comédiens principaux, dans un registre pourtant difficile qui aurait pu les entrainer vers l’archétype et la caricature. Aux côtés du couple déchiré, Stephen Lang joue le rôle d’un vieux policier malade à la retraite qui a tout deviné depuis le début. Sans doute le scénario insiste-t-il trop sur sa présence dès le début de l’intrigue. A cette réserve près, l’approche du film est subtile, presque anti-dramatique, ce qui renforce le réalisme du récit. L’horreur des agissements de Bob est évoquée et implicite, mais nous ne la voyons jamais, le réalisateur Peter Askin privilégiant le thriller psychologique à la violence graphique. Couple modèle questionne ses spectateurs sur la part d’ombre de chacun, qui peut rester secrète malgré l’intimité et les années de vie commune, mais aussi sur les sacrifices qu’on est capable de faire par amour. Sorti discrètement en salles aux États-Unis le 3 octobre 2014, Couple modèle sera directement exploité en vidéo en France.

© Gilles Penso

 

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HERCULE CONTRE MOLOCH (1963)

Un prince à la force surhumaine décide de renverser la tyrannie d’une dictatrice en affrontant son fils monstrueux, avide de sacrifices humains…

ERCOLE CONTRO MOLOCH

1963 – ITALIE / FRANCE

Réalisé par Giorgio Ferroni

Avec Gordon Scott, Rosalba Neri, Alessandra Panaro, Jany Clair, Michel Lemoine, Arturo Dominici, Nerio Bernardi, Nello Pazzafini, Gaetano Scala, Geneviève Grad

THEMA MYTHOLOGIE

 

Quand Les Travaux d’Hercule de Pietro Francisci débarque en 1959, porté par un Steve Reeves sculptural, il déclenche une véritable déferlante dans les salles obscures du monde entier. Ce succès planétaire propulse le péplum italien – cocktail flamboyant de mythologie, de testostérone et de décors en carton-pâte – au sommet du box-office. Pendant quelques années, Rome devient l’épicentre d’un genre aussi musclé qu’exubérant, à la croisée de l’épique et du kitsch. C’est dans cette ambiance survoltée que Giorgio Ferroni, artisan chevronné du cinéma populaire transalpin, se lance dans Hercule contre Moloch. Déjà passé par le néo-réalisme et les fresques antiques, Ferroni suit la trajectoire caméléon typique des cinéastes italiens de l’époque. Mais ici, son Hercule n’en est pas vraiment un : point de demi-dieu grec à l’horizon, mais un prince doté d’une force hors du commun, qui endosse l’identité du héros légendaire pour mieux dissimuler la sienne. George Scott, qui incarne ce faux Hercule, est alors un visage familier du genre. Cinq fois Tarzan à l’écran, il a également endossé le rôle-titre dans Maciste contre le fantôme. Le film flirte tout de même avec le fantastique grâce au personnage de Moloch, une créature monstrueuse et sanguinaire, dont le nom évoque un démon biblique amateur de sacrifices humains.

Le film s’ouvre sur un grand incendie qui ravage la cité de Mycène et l’effondrement spectaculaire de la statue du sanguinaire dieu Moloch. Pour respecter la volonté du roi, qui a laissé la vie dans le cataclysme, les survivants se lancent dans un exode à la recherche d’une terre plus accueillante. Le peuple finit par rebâtir la nouvelle Mycène, et Demeter (Rosalba Neri), l’épouse du souverain défunt, donne naissance à un enfant qui – selon la prophétie – est la réincarnation de Moloch. La cité devient rapidement l’une des plus puissantes de la région, et toutes les provinces environnantes sont contraintes d’offrir des tributs en argent et en otages à Moloch, redoutant sa colère. Les villes qui tentent de se rebeller contre ce régime sont détruites. Hideux, Moloch dissimule son visage sous un masque de chacal et fait souffrir – avant de les assassiner – les jeunes filles de la cité qui lui sont sacrifiées. Car il est allergique à la beauté, qui lui rappelle sa propre monstruosité. Glaucos (Gordon Scott), prince de Tyrinthe, décide un jour de mettre fin à cette violence et d’affronter Moloch. « Moloch est le symbole d’un régime cruel, ce n’est pas un dieu ! », s’écrie-t-il. Notre homme se fait donc passer pour un simple paysan et entre au service de la reine tyrannique, sous le nom d’Hercule…

Moi, Moloch et méchant

Ici, le spectacle visuel règne en maître : très grosse figuration en costume, centaines de chevaux, décors grandioses, cascades, combats et effets spéciaux ambitieux. Pour économiser sur le budget tout en s’offrant le scope d’une superproduction, Giorgio Ferroni emprunte la plupart des scènes militaires à La Guerre de Troie, son film précédent. Si l’emploi des maquettes est facilement repérable – la cité incendiée trahissant notamment ses proportions miniatures -, elles contribuent à l’esthétique d’un cinéma artisanal qui mise sur l’ingéniosité plus que sur le réalisme. Le film assume son goût du studio et en tire même une certaine poésie visuelle. Le décor souterrain de Moloch, véritable temple païen, est d’ailleurs l’un des points d’orgue du film : ambiance tribale, jeunes femmes en pagne, victimes suppliciées, pièges et couloirs sinueux évoquant le labyrinthe du Minotaure. On glisse alors dans le versant le plus fascinant du genre, où le fantastique, l’onirisme et l’épouvante s’immiscent. Tout en réinventant à sa sauce quelques grandes figures mythologiques, le récit déploie des thématiques universelles : la lutte contre l’oppression, la quête de justice et l’éveil d’une conscience collective. Glaucus/Hercule, n’est pas seulement un lutteur émérite, c’est un libérateur, l’incarnation physique d’une force morale. Gordon Scott, mâchoire sculptée et port altier, incarne avec autorité cette figure de justicier. À ses côtés, Rosalba Neri est une envoûtante émule de Cléopâtre, tandis que notre Michel Lemoine national assure le rôle du soldat lassé par la dictature du régime qu’il sert. L’intrigue emprunte donc les voies classiques du péplum tout en offrant aux spectateurs son lot de rebondissements, de trahisons, de batailles épiques, de combats au corps à corps ou à l’épée et de moments de suspense savamment orchestrés.

© Gilles Penso

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EVIL BONG 3 (2011)

Un bong extra-terrestre atterrit sur Terre et commence à capturer tous ceux qui ont le malheur d’aspirer sa fumée…

EVIL BONG 3 : THE WRATH OF BONG / EVIL BONG 3 : REEFER MADNESS

 

2011 – USA

 

Réalisé par Charles Band

 

Avec John Patrick Jordan, Brian Lloyd, Mitch Eakins, Peter Stickles, Sonny Carl Davis, Jacob Witkin, Robin Sydney, Christina DeRosa, Amy Paffrath

 

THEMA DIABLE ET DÉMONS I EXTRA-TERRESTRES I SAGA EVIL BONG I CHARLES BAND

Le scénario d’Evil Bong 3 est né d’un malentendu. Patrick Klepek, critique de jeux vidéo, a proposé l’intrigue du film après avoir mal interprété les règles d’un concours en ligne organisé autour du troisième volet de la saga. Pensant qu’il fallait soumettre une histoire complète plutôt qu’un simple titre, il envoie un pitch détaillé. Surprise : son idée séduit Charles Band et son équipe, qui décident d’utiliser non seulement son titre (The Wrath of Bong, clin d’œil à Star Trek 2) mais aussi son histoire originale, celle d’un bong extraterrestre maléfique qui s’écrase sur Terre. L’objet venu d’ailleurs est recueilli par un type patibulaire (Irwin Keyes) qui vient d’enterrer sa femme. Le personnage d’Allistair McDowell, intello à lunettes récurrent de la série, change une nouvelle fois de visage. Après David Weidoff et Brent Chukerman, c’est Peter Stickles qui hérite du rôle. Employé de l’institut spatial, il se rend sur le lieu du crash pour l’étudier, bientôt rejoint par son ancien colocataire Larnell (John Patrick Jordan), habillé désormais comme un émule de Karaté Kid. Bientôt, tous deux découvrent que le bong venu de l’espace cherche à dominer le monde. Pour atteindre ses ambitions hégémoniques, l’engin grimaçant capture les humains et les transporte dans un monde parallèle où ils sont la proie de tentatrices extraterrestres à moitié nues qui les traient comme des vaches pour extraire leur semence ! Leur seul espoir de s’échapper et de sauver la planète Terre : retrouver Eebee, le bong maléfique original.

Les effets spéciaux de ce troisième Evil Bong sont signés Tom Devlin, fidèle artisan du bis (Poultrygeist, Zombies of Mass Destruction, Mega Piranha). « J’ai reçu un appel de Charlie Band, qui ne m’avait toujours pas payé pour Killjoy 3, sur lequel j’avais travaillé un an plus tôt », raconte-t-il. « Je ne sais pas pourquoi il m’a contacté, je crois qu’il n’avait plus personne d’autre sous la main. Jeff Farley (à l’œuvre sur les deux précédents Evil Bong) avait sans doute décliné. » Malgré ce passif, Devlin accepte avec enthousiasme : « J’adore Full Moon et j’ai toujours voulu faire partie de cette famille. Je ne lui ai jamais tenu rigueur de ne pas m’avoir payé intégralement, parce qu’en échange, j’ai eu droit à un voyage gratuit en Chine – ce qui était plutôt cool. » Déterminé à offrir quelque chose de marquant pour ce troisième volet, Devlin s’applique tout particulièrement sur les bouches des bongs. Il conçoit un système radiocommandé pour Eebee et le Bong Alien, leur permettant enfin de bouger les lèvres en synchronisation avec leurs répliques. Une avancée par rapport aux précédents films, où l’animation des bouches se faisait par câbles. « J’ai travaillé chaque mot, chaque syllabe, mais le montage final ne rend pas justice à mes efforts », déplore-t-il. (1) Si les effets spéciaux physiques se sont améliorés, on ne peut pas en dire autant des trucages numériques, toujours aussi fauchés et tape-à-l’œil. Cette esthétique cheap est certes en accord avec la tonalité du film, mais on peut regretter que le travail en ce domaine ne soit pas plus soigné. Pour être honnête, c’est le film tout entier qui sent le bâclage à plein nez.

Rencontres du troisième spliff

Car à trop vouloir prolonger une formule déjà épuisée, Evil Bong 3 finit par s’étouffer dans ses propres volutes de fumée. Le film multiplie les tunnels de dialogues inutiles – pas spécialement drôles – et peine à retrouver la fraîcheur absurde du premier volet. Si une tentative d’autodérision surnage – les personnages se moquant eux-mêmes du bong spatial, qualifié d’accessoire de cinéma bon marché -, elle ne suffit pas à masquer la paresse du scénario. Charles Band profite tout de même du film pour renouer avec une vieille passion : la 3D. Nostalgique du relief récréatif qu’il avait jadis expérimenté dans Parasite et Metalstorm, il profite du « 3 » du titre pour lui coller un « D », comme à l’époque de Amityville 3D et Jaws 3D. Par chance, le directeur de la photographie Terrance Ryker vient alors de travailler sur un autre projet en 3D doté d’un budget plus confortable, ce qui lui permet de louer du matériel adapté. Le film est donc miraculeusement tourné en 8 jours avec un système stéréoscopique modeste mais efficace. Mais Evil Bong 3 ne sera exploité en relief que lors de sa brève sortie en salles en 2011, à l’occasion de laquelle le public aura même droit à des cartes à gratter inspirées des films en odorama de John Waters. Si le générique de fin nous promet un Evil Bong vs. The Killa Crack Pipe, cet épisode imaginaire ne verra jamais le jour. L’opus suivant sera en effet un crossover avec la « saga » Gingerdead Man.

 

(1) Propos extraits du livre « It Came From the Video Aisle ! » (2017)

 

© Gilles Penso

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À MINUIT JE PRENDRAI TON ÂME (1964)

Le diabolique « Zé du cercueil » imaginé par le cinéaste brésilien Jose Mojica Marins fait ses débuts dans ce film d’horreur excessif et surréaliste…

A MEIA NOITE LEVAREI SUA ALMA

 

1963 – BRÉSIL

 

Réalisé par Jose Mojica Marins

 

Avec Jose Mojica Marins, Magda Mei, Nivaldo Lima, Valéria Vasquez, Ilidio Martins, Eucaris Moraes, Robinson Aielo

 

THEMA SUPER-VILAINS I SAGA ZÉ DU CERCUEIL

Cinquième long-métrage du très controversé cinéaste brésilien José Mojica Marins, A minuit je prendrai ton âme met en scène un personnage démoniaque que le réalisateur joue lui-même, et qui répond au doux nom de « Zé do Caixao », autrement dit « Zé du cercueil ». Tout de noir vêtu, capé comme un vampire, coiffé d’un haut de forme, les ongles crochus et la barbe touffue, Zé sera le personnage récurrent de Mojica Marins, et reviendra régulièrement hanter ses films. Il aurait d’ailleurs été inspiré au cinéaste au cours d’une nuit de cauchemars et de fièvre intense. « J’ai rêvé d’un homme vêtu de noir, avec un chapeau haut-de-forme, qui me fixait intensément », raconte-t-il. « À mon réveil, j’ai su que ce personnage devait exister à l’écran. » (1) À l’encontre des méthodes de travail traditionnelles, Mojica Marins commence le tournage sans idée précise du scénario, qu’il élabore au fur et à mesure. Zé est à la fois le fossoyeur du village et son tyran. Il terrorise les habitants, blasphème au cimetière, défie la foi et la morale. On le croit possédé par le diable, mais lui se proclame humaniste. Il ne croit ni en Dieu, ni aux esprits, seulement en la supériorité de l’homme et en son pouvoir de se perpétuer.

Son obsession : engendrer un fils parfait qui dominera le monde. Pour cela, il cherche la femme idéale et l’agresse violemment. Une fois son forfait accompli, la jeune femme se suicide, et Zé bascule dans la folie. Mais avant d’être puni, Zé est d’abord une machine de violence. Il tranche les doigts d’un joueur de cartes avec un tesson de bouteille, fouette un homme jusqu’au sang, endort sa propre femme avec de l’éther pour laisser une énorme tarentule ramper sur son visage, puis la tue. Il noie un rival dans sa baignoire, bat sa compagne Maria, la viole, assassine le médecin qui découvre la vérité en lui crevant les yeux avec ses griffes avant de le brûler. Au bar, il enlève la couronne d’épines d’une sculpture de Jésus pour la planter dans la joue d’un fiancé. Bref, c’est un véritable festival d’ignominies, de sacrilèges et d’hérésies…

Les « tests de courage »

L’ensemble est filmé avec des moyens dérisoires, dans un studio exigu de São Paulo, avec des comédiens amateurs et un scénario souvent réduit à de longs dialogues en plan-séquence. Mais À minuit je prendrai ton âme est riche en séquences horrifico-poétiques inventives : des apparitions spectrales aux contours flous, des images en négatif, des visages en décomposition sur lesquels rampent des araignées ou grouillent des asticots. Le cinéaste n’hésite pas à tester la bravoure de ses comédiens en employant des moyens souvent extrêmes. « Je soumettais mes acteurs à des “tests de courage“, comme les couvrir d’araignées ou de serpents vivants, les enterrer vivants ou brandir une arme non chargée devant eux, juste pour voir s’ils étaient assez courageux pour faire partie de mon film », confesse-t-il (2). Le film vire parfois à la transe macabre, où le grotesque flirte avec le surréalisme. Certains critiques n’ont d’ailleurs pas hésité à comparer Mojica Marins à Luis Buñuel. Le point culminant survient dans la forêt, lorsque Zé, averti par une gitane, se retrouve hanté par les spectres de ses victimes. Il est alors lui-même transporté dans un cercueil, entouré de morts. Les douze coups de minuit résonnent tandis que son corps, les yeux révulsés, gît dans la crypte. Aux États-Unis, Zé do Caixao deviendra une icône culte sous le nom de Coffin Joe.

 

(1) Extrait d’une interview publiée sur Offscreen en juin 2005

(2) Extrait d’une interview publiée sur Vice en 2008

 

© Gilles Penso

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LA CRÉATURE DE LA MER HANTÉE (1961)

Des gangsters volent le trésor national cubain et s’enfuient en mer où ils se heurtent à un invraisemblable monstre visqueux…

CREATURE FROM THE HAUNTED SEA

 

1961 – USA

 

Réalisé par Roger Corman

 

Avec Anthony Carbone, Edward Wain, Betsy Jones-Moreland, Beech Dickerson, Robert Bean, Elisio Lopez, Sonia Noemi Gonzalez, Esther Sandoval

 

THEMA MONSTRES MARINS I SAGA ROGER CORMAN

Roger Corman n’est pas du genre à laisser passer l’occasion de tourner un film à petit budget. Coup sur coup, pendant trois semaines consécutives, notre homme met donc en boîte le film de guerre Battle of Blood Island, la fable d’anticipation La Dernière femme sur Terre et cet improbable Créature de la mer hantée. Un jour de préparation et six jours de tournage, pas un de plus, telle est la discipline à laquelle Corman et son équipe s’astreignent. Tourné à Porto Rico comme les deux films précédents, La Créature de la mer hantée doit mettre en vedette un monstre marin, mais Beach Dickerson, en charge de sa conception, n’a que 150 dollars pour le fabriquer. « Avec Roger, quand les dés sont jetés, il ne vous reste plus qu’à faire ce que vous avez à faire », raconte ce dernier. « Ils venaient tout juste de terminer leur film de guerre, j’ai donc décidé de réutiliser cinq casques et de fabriquer cette tête géante. Puis on a récupéré une combinaison de plongée, de la mousse et des tonnes de grattoirs d’éponge. Ensuite, on a pris des balles de tennis pour faire les yeux, des balles de ping-pong pour faire les pupilles et des cure-pipes pour faire les griffes. On a recouvert le tout de toile cirée noire pour le rendre visqueux. Le résultat était tout à fait somptueux ! Et je dois reconnaître que ce salaud a marché sur la terre ferme et a nagé sous l’eau pendant toute la durée du tournage et qu’à la fin, il a rejoint le paradis. » (1)

La révolution gronde à La Havane. Tandis que la voix off nous annonce une « histoire de vol, de trahison et de meurtre », l’intrigue se met en place : un groupe d’exilés cubains engage le gangster Renzo Capetto (Antony Carbone, qui joue façon Humphrey Bogart) pour faire passer clandestinement un coffre rempli d’or, destiné à financer la contre-révolution et renverser Castro. Capetto, flanqué de sa « poule » Mary Belle Monahan (Betsy Jones-Moreland) et de son jeune frère Jack (Robert Bean), embarque à bord d’un yacht en compagnie de militaires cubains, du cambrioleur Pete Peterson Junior (Beach Dickerson)… et d’un intrus : l’agent américain XK150 (Robert Towne, oui le futur scénariste oscarisé de Chinatown !), infiltré sous l’identité du mafieux Sparks Moran. Mais Capetto a d’autres projets. Il prévoit de s’emparer de l’or pour son propre compte et commence à éliminer les passagers indésirables. Pour couvrir ses crimes, il invente la présence d’un monstre marin légendaire, censé attaquer l’équipage. Tout semble fonctionner… jusqu’à ce qu’un véritable monstre fasse son apparition et sème la panique à bord…

Caoutchouc Monster

Lorsque le film commence, avec cet agent secret qui se cache derrière une fausse moustache et raconte ses états d’âme en voix off (« J’aurais pu me noyer dans ces yeux magnifiques »), Roger Corman s’amuse à détourner les codes du polar et du film d’espionnage, pour mieux les tourner en dérision. Le ton se précise au moment du générique avec une animation déjantée façon Hanna-Barbera, signée par le célèbre dessinateur de Mad Magazine, Sergio Aragonés. Le film bascule alors rapidement dans l’absurde, notamment lorsque le personnage de Pete se met à imiter tous les animaux possibles, grimaces à l’appui. Corman semble s’amuser comme un petit fou, mais cette approche burlesque empêche de s’intéresser aux personnages et à ce qui leur arrive, d’autant que les gags et les traits d’humour ne sont pas particulièrement désopilants et que les péripéties semblent s’improviser au fur et à mesure. La Créature de la mer hantée reste donc très anecdotique. Le film est pourtant entré dans la légende grâce à sa créature aquatique sublimement grotesque. Bizarrement, la promotion du film, et notamment son poster, jouaient à l’époque la carte du film de monstre au premier degré. On imagine la surprise des spectateurs face à cette parodie sans queue ni tête !

 

(1) Extrait de la biographie Comment j’ai fait 100 films sans jamais perdre un centime par Roger Corman et Jim Jerome, publiée en 1990

 

© Gilles Penso

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