GHOST TOWN (1988)

À la recherche d’une jeune femme disparue, un policier se retrouve dans une ville de western peuplée par des fantômes…

GHOST TOWN

 

1988 – USA

 

Réalisé par Richard McCarthy

 

Avec Franc Luz, Catherine Hickland, Jimmie F. Skaggs, Penelope Windust, Bruce Glover, Zitto Kazann, Blake Conway, Laura Schaefer, Michael Alldredge

 

THEMA FANTÔMES I SAGA CHARLES BAND

Ghost Town est l’un des nombreux films qui furent victimes de l’effondrement de la compagnie de production Empire Pictures. Projet ambitieux et prometteur, ce western fantastique devait au départ être produit par Ron Underwood (Tremors), réalisé par David Schmoeller (Tourist Trap) et co-écrit par Duke Sandefur (auteur de quelques épisodes de La Petite maison dans la prairie et Mike Hammer). Mais pendant les préparatifs, la production s’enraye et la réalisation change de main. Jeff Burr (Massacre à la tronçonneuse 3) est envisagé, avant que finalement un certain Richard Governor ne prenne les rênes. Derrière ce pseudonyme se cache le réalisateur australien Richard McCarthy, grand spécialiste des spots publicitaires luxueux qui passe ici pour la première fois au format long et juge bon de revoir entièrement le scénario, quitte à improviser de nombreuses choses pendant le tournage. Ces conditions de travail, déjà hasardeuses, se gâtent lorsque le producteur Charles Band décide de sortir le film le plus vite possible avant la faillite de sa société, quitte à ce que le montage et la post-production soient inachevés. C’est cette version non finalisée qui sera projetée dans quelques salles de cinéma puis commercialisée en VHS. Quant à la bande originale de Harvey R. Cohen, elle sera presqu’entièrement remplacée par des morceaux empruntés à d’autres productions Empire.

Alors qu’elle traverse en voiture le désert de l’Arizona, Kate (Catherine Hickland, l’héroïne de Robowar) est engloutie par une tempête de sable et disparaît sans laisser de trace. Langley (Franc Luz, vu dans Voyage au bout de l’horreur), l’adjoint du shérif, découvre bientôt sa voiture accidentée, juste avant d’être pris pour cible par un mystérieux cavalier surgi de nulle part. Sa voiture explose, le laissant seul au milieu du désert. Errant à la recherche de Kate, il atteint Cruz del Diablo, une ville fantôme figée dans le temps, peuplée d’ombres et de squelettes poussiéreux. Très vite, Langley comprend qu’il a franchi les frontières du monde des vivants : les rues résonnent encore des cris des habitants massacrés par le hors-la-loi Devlin (Jimmie F. Skaggs, dealer de drogue dans L’Arme fatale) et sa bande. Selon la légende, leurs âmes maudites ne trouveront le repos que lorsqu’un homme de loi affrontera et vaincra Devlin, le même démon qui, jadis, crucifia le shérif Harper (Blake Conway, l’un des flics de Jason va en enfer) sur les ailes d’un moulin avant de l’enterrer vivant. Langley va donc devoir reprendre le duel là où l’ancien shérif l’avait arrêté…

Evil West

Dès les premières minutes, Ghost Town installe un climat inquiétant digne de Stephen King. Une route déserte, des corbeaux tournoyant dans le ciel, une tempête de sable mystérieuse… Voilà qui semble annoncer les atmosphère agoraphobes du Fléau ou de Désolation. La mise en scène joue alors habilement à faire apparaître et disparaître furtivement les visions macabres bizarres (un squelette pendu à un arbre, un spectre à cheval). Mais ces effets de style s’atténuent peu à peu pour céder la place à un registre plus horrifique et presque pulp, à la E.C. Comics, lorsqu’apparaît le cadavre décomposé de l’ancien shérif, surgissant de sa tombe pour remettre son étoile au héros. On pense aussi à Evil Dead, quand Langley, reclus momentanément dans une vieille bâtisse isolée, le fusil sur les genoux, tente de faire face aux phénomènes surnaturels qui l’assaillent. Mais là aussi, le film change de cap, témoin de son indécision quant à la bonne tonalité à adopter. Richard McCarthy pratique d’ailleurs le grand écart entre une violence plutôt crue (la mise à mort du shérif, les victimes de Devlin) et des péripéties beaucoup plus récréatives façon « Lucky Luke chez les fantômes ». De fait, malgré sa très belle photographie, ses effets spéciaux efficaces et la plastique des décors naturels d’Arizona, Ghost Town nous laisse sur notre faim, à l’image de ce climax qui oscille bizarrement entre l’épure et le Grand-Guignol. Sans doute échaudé par les problèmes innombrables rencontrés pendant la production, McCarthy ne transformera pas l’essai. Ce sera son seul long-métrage.

 

© Gilles Penso

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LE GRAND DÉPLACEMENT (2025)

La première expédition spatiale 100% africaine part aux confins de l’univers en quête d’une planète qui puisse remplacer la Terre…

LE GRAND DÉPLACEMENT

 

2025 – FRANCE / BELGIQUE

 

Réalisé par Jean-Pascal Zadi

 

Avec Jean-Pascal Zadi, Reda Kateb, Lous And The Yakuza, Fadily Camara, Fary, Déborah Lukumuena, Claudia Tagbo, Alassane Diong et la voix d’Eric Judor

 

THEMA SPACE OPERA

Si Jean-Pascal Zadi est souvent irrésistible face à la caméra (sa prestation d’ingénieur du son dépassé par les événements dans le faux film de zombies Coupez ! était hilarante), il nous convainc souvent moins dans le rôle du scénariste/réalisateur. Après deux polars en début de carrière (African Gangster et Sans pudeur ni morale), il créait pourtant un petit événement avec Tout simplement noir en 2020. Mais si le film se distinguait par son casting impressionnant et par ses envies louables de brocarder les clichés racistes et antiracistes, le résultat final se révélait maladroit et erratique. Savoir Zadi à la tête d’un space opera burlesque avait donc de quoi susciter la perplexité. Le titre est bien sûr un pied de nez à la théorie du « grand remplacement » selon laquelle il existerait un processus de substitution progressive de la population française et européenne par les peuples d’Afrique et du Maghreb. Toujours prompt à se moquer de la xénophobie mais aussi des travers inverses, Zadi se lance dans un film de science-fiction particulièrement audacieux, tourné en région parisienne, en Côte d’Ivoire et dans le désert marocain de Ouarzazate, avec à sa disposition un budget d’un peu plus de 17 millions d’euros.

Alors que la Terre traverse des crises environnementales, sociales et politiques de plus en plus graves, plusieurs pays d’Afrique décident de s’allier pour organiser la première expédition spatiale dirigée par le continent, convaincus que les autres puissances les délaisseront. L’équipage, composé de scientifiques et ingénieurs africains aux origines diverses, doit atteindre une exoplanète baptisée Nardal pour vérifier si elle peut accueillir leur peuple lorsque la Terre deviendra inhabitable. La technologie mise au point par l’organisation secrète UNIA possède une avance considérable : une plante longtemps considérée disparue, retrouvée au Burundi, qui permet la production d’ergol, carburant capable de propulser les vaisseaux à des vitesses supraluminiques. L’UNIA dispose également d’une station spatiale secrète, entretenue depuis des années par un membre d’équipage, garant de son bon fonctionnement. Après une formation accélérée, les volontaires s’embarquent à bord de la « Black Starline ». Mais, comme on peut l’imaginer, la mission ne va pas exactement se dérouler comme prévu…

Black Mic-Mac

Bardé de clichés, surjoué, truffé de gags qui trainent en longueur pour ne mener nulle part, Le Grand déplacement nous embarrasse dès ses premières minutes. On ne comprend d’ailleurs pas bien où veut en venir le film, au-delà de son pitch déjà très faible. Il est clair que Zadi vise comme toujours le racisme et le sexisme, mais avec tellement de lourdeur que chaque tentative d’humour tombe à plat. Quelques idées surnagent pourtant – comme l’idée d’une lutte tellement systématique contre la discrimination qu’elle devient ségrégationniste elle-même, ou la future appropriation de la planète qui finit par s’assimiler à une colonisation -, mais elles sont traitées par-dessus la jambe. Même le principe comique élémentaire qui consiste à mettre à la tête d’une mission très sérieuse un individu idiot et gaffeur (joué bien sûr par Zadi) peine à fonctionner, puisque les autres membres de l’expédition sont aussi des caricatures sans nuance. Y compris ce robot très laid à qui Eric Judor prête sa voix, mais qui constitue peut-être le seul élément vraiment drôle du film. C’est d’autant plus dommage que la mise en forme est très soignée, avec notamment une musique épique de Guillaume Roussel et des effets visuels de très haut niveau supervisés par Jean-François Michelas (Vidocq, Asterix et Obelix : Mission Cléopâtre) et Alain Carsoux (Seven Sisters, Santa & Cie, Big Bug). Mais ça ne suffit pas à rendre le film suffisamment attrayant. D’où un échec cuisant au box-office, regrettable certes mais très compréhensible.

 

© Gilles Penso

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LE COLLÈGE DU CIMETIÈRE (1988)

Pour se venger des mâles brutaux qui les ont agressées, quatre lycéennes décident d’assassiner tous les hommes qu’elles croisent…

CEMETERY HIGH

 

1988 – USA

 

Réalisé par Gorman Bechard

 

Avec Debi Thibeault, Karen Nielsen, Lisa Schmidt, Simone Reyes, Ruth Collins, Tony Kruk, David Coughlin, Frank Stewart, Kristine Waterman, Carmine Capobianco

 

THEMA TUEURS I SAGA CHARLES BAND

Homme d’affaire malicieux au sens du marketing affuté, le producteur Charles Band décide un jour de révéler au marché du film de Cannes, en 1987, la sortie imminente d’un film titré Assault of the Killer Bimbos (« L’Assaut des bimbos tueuses »). L’annonce fait son petit effet et le film se prévend étonnamment bien. Reste maintenant à le tourner. Band sollicite alors Gorman Bechard, signataire du sympathique Psychos in Love et du très mauvais Galactic Gigolo, dans l’espoir que cet homme habitué aux budgets riquiquis puisse accoucher d’une série B amusante pour un coût minime. Hélas, lorsqu’il voit une première version du montage, le producteur déchante et estime que le film est parfaitement inexploitable. Refusant pour autant de jeter à la poubelle tous ces rushes, Band demande à Kenneth J. Hall (Evil Spawn) de tenter de l’améliorer comme il peut en tournant quelques scènes additionnelles et en revoyant le montage. Ainsi naît Cemetery High, alias Le Collège du cimetière, qui n’a pas grand-chose à voir avec son nouveau titre et que Gorman Bechard reniera en bloc. Mais pas question pour autant d’abandonner un titre aussi raccoleur que Assault of the Killer Bimbos (d’autant que les investisseurs l’attendent de pied ferme). Band appelle donc à la rescousse son ami David De Coteau, qui embauche la réalisatrice Anita Rosenberg, laquelle tourne un autre film sous ce titre, sorte de Thelma & Louise cheap avant l’heure. 

Au début du Collège du cimetière, un texte annonce que le spectacle sera riche en violence et en nudité. Pour prévenir les âmes sensibles, deux alertes se déclencheront donc pendant le film : le « Gore Gong » pour le sang, et le « Hooter Honk » pour le sexe. Cette idée, apportée par Kenneth J. Hall, est honnêtement l’une des plus drôles du film. Moins raté que Galactic Gigolo mais moins abouti que Psychos in Love, Le Collège du cimetière raconte l’histoire de quatre lycéennes incarnées par Debi Thibeault, Karen Nielsen, Lisa Schmidt et Simone Reyes, au passage bien trop âgées pour jouer des adolescentes crédibles. Après avoir été agressées et violées par trois brutes, les membres de ce quatuor revanchard décident de s’armer jusqu’aux dents pour éliminer tous les hommes qui ont la mauvaise idée de croiser leur route. Après avoir occis le trio de lourdauds à coups de couteau, de hache et de pioche, elles poursuivent leur sanglante croisade. Dès lors, elles démastiquent à tour de bras, partout où leurs pas les mènent, en choisissant un nom pour leur gang : les « Scumbusters », ce qu’on pourrait librement traduire par « chasseuses de salopards ».

Les nettoyeuses

Le Collège du cimetière prend donc la forme d’une espèce de parodie des films de « rape and revenge », façon L’Ange de la vengeance, et développe en cours de route l’idée que le travail de « nettoyeuses » de nos lycéennes meurtrières fait des émules et se transforme en phénomène de société. Chaque fois qu’ils le peuvent, fidèles à leurs habitudes, Gorman Bechard et son ami co-scénariste Carmine Capobianco clignent de l’œil – souvent lourdement, hélas – vers les spectateurs : l’arrivée d’un narrateur qui s’immisce dans l’action pour commenter l’histoire, deux hommes qui annoncent l’arrivée d’un flashback et adoptent l’expression faciale de circonstance, une fille qui commente en voix off sa scène de douche au ralenti, la plupart des personnages qui s’adressent directement à la caméra, un spot de pub qui vante les mérites de coques « anti-castration »… A cette dissolution du quatrième mur, le film ajoute pas mal d’autocitations, comme la présence d’un poster de Disconnected (le premier long-métrage de Bechard) dans le bureau d’un producteur, l’intervention d’une des filles qui disserte autour de la cassette de Psychos in Love dans un vidéoclub, ou encore Debi Thiebault qui reprend son rôle de manucure psychopathe (dans Psychos in Love, toujours) le temps d’une scène où elle empoigne à nouveau une tronçonneuse. Toutes ces idées disparates ne masquent pas le jeu catastrophique des acteurs, la mise en scène maladroite, le scénario bancal et les innombrables défauts techniques (notamment une prise de son défectueuse) qui donnent à ce film les allures d’un court-métrage amateur artificiellement étiré jusqu’à 80 minutes.

© Gilles Penso

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GOOD BOY (2025)

Pour son premier long-métrage, Ben Leonberg se lance un défi singulier : tourner un film d’horreur entièrement du point de vue d’un chien…

GOOD BOY

 

2025 – USA

 

Réalisé par Ben Leonberg

 

Avec Indy, Shane Jensen, Arielle Friedman, Larry Fessenden, Stuart Rudin, Hnuter Goetz, Anya Krawcheck et Max

 

THEMA MAMMIFÈRES I FANTÔMES

Ce n’est pas la première fois qu’un film d’horreur adopte le regard d’un chien. Il suffit de se souvenir de Pleine Lune d’Eric Red, où un sympathique toutou s’opposait courageusement à un loup-garou, ou même de La Colline a des yeux 2 de Wes Craven, avec son flash-back bizarre vécu par un berger allemand. Mais pour son premier long-métrage, Ben Leonberg veut pousser le dispositif beaucoup plus loin. Good Boy ne lâchera jamais le point de vue de son héros canin, filmé par une caméra qui restera sans cesse à sa hauteur. Produit pour un budget d’un peu plus de deux millions de dollars – c’est-à-dire franchement pas grand-chose -, le film cumule donc les challenges. D’autant que Leonberg n’a ni les moyens, ni l’envie de recourir aux effets visuels pour remplacer son chien vedette, qui sera interprété par son propre retriever baptisé Indy. Face à la complexité du projet, le tournage s’étale sur trois ans et dure 400 jours. Aucun studio hollywoodien n’aurait pu s’embarquer dans une telle aventure. Good Boy est donc un film 100% indépendant, chapeauté par la compagnie de production du réalisateur et de Kari Fischer, « What’s Wrong With Your Dog ? ».

Indy (qui porte dans le film le même nom que son interprète réel) est un retriever de Nouvelle-Ecosse qui a toujours grandi et vécu avec Todd (Shane Jensen), un jeune homme souffrant d’une maladie pulmonaire chronique. Après une crise un peu plus violente que les autres, Todd décide de quitter New York pour s’installer au fin fond de la campagne, dans la vieille maison inhabitée de son grand-père. Sa sœur Vera (Arielle Friedman) n’est pas particulièrement emballée par cette idée. L’isolement de Todd la préoccupe, non seulement à cause de son état de santé, mais aussi parce que cette bicoque isolée dans les bois a selon elle contribué à le mort de leur grand-père. Elle la soupçonne même hantée. Todd écoute ces arguments avec amusement. Mais dès qu’il pénètre dans la maison, Indy ressent une présence inhabituelle et troublante. Problème : comment communiquer ses sentiments à son maître ?

Chienne de vie

Good Boy adopte le même principe d’échelle narrative inversée que les cartoons de Warner ou MGM, dans lesquels les animaux tiennent la vedette et laissent à l’arrière-plan les humains (dont on ne voit généralement que les jambes). Le chien étant notre pôle d’identification, les autres personnages ne sont que des silhouettes périphériques. C’est un choix esthétique osé, qui n’évite pas certaines répétitions mais se tient d’un bout à l’autre du métrage. L’élément le plus fascinant de Good Boy n’est pas tant sa manière de cadrer l’action que sa capacité à nous faire entrer dans la tête de son protagoniste quadrupède. Ses perceptions, ses instincts, sa sensibilité et son intelligence différent grandement de celles des hommes, et c’est précisément sa manière d’appréhender les événements que la mise en scène nous communique. Sans dialogue, Indy nous raconte sa rencontre avec un phénomène paranormal qui altère peu à peu le comportement de son maître et nous fait vivre son dilemme : doit-il rester fidèle coûte que coûte à Todd, malgré la métamorphose qui s’opère lentement, ou faut-il qu’il prenne ses pattes à son cou ? C’est une émotion inattendue qui finit par nous saisir en cours de métrage, alors que l’inquiétude s’intensifie. Difficile de ne pas craquer face à la bouille incroyablement expressive d’Indy. Ce film concept accuse certes quelques longueurs, malgré sa courte durée, mais comment ne pas saluer la folle audace d’un tel exercice de style ?

 

© Gilles Penso

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SUNDOWN (1989)

Une communauté de vampires s’installe dans une petite ville de l’Ouest américain dans l’espoir de pouvoir cohabiter avec les humains…

SUNDOWN : THE VAMPIRE IN RETREAT

 

1989 – USA

 

Réalisé par Anthony Hickox

 

Avec David Carradine, Morgan Brittany, Bruce Campbell, Jim Metzler, Maxwell Caulfield, Deborah Foreman, M. Emmet Walsh, John Ireland, Dana Ashbrook

 

THEMA VAMPIRES

À la fin des années 1980, Anthony Hickox s’impose peu à peu comme un réalisateur capable de jongler habilement entre l’horreur classique et l’humour décalé. Après Waxwork, il signe ainsi avec Sundown un film décomplexé qui transpose l’univers vampirique dans un décor de désert américain. L’idée de départ est plutôt drôle : une communauté de vampires tente de vivre en paix avec les humains grâce à la production de sang artificiel. L’intrigue suit David Harrison (Jim Metzler), ingénieur chargé de superviser le bon fonctionnement d’une usine de sang synthétique dans la ville isolée de Purgatory. Pensant passer des vacances tranquilles avec sa femme et ses deux filles, il découvre rapidement que tous les habitants de la ville sont des vampires. La communauté, dirigée par le comte Jozek Mardulak (David Carradine), aspire à coexister pacifiquement avec les humains, utilisant des lunettes anti-UV et de la crème solaire pour pouvoir sortir le jour. Mais cet équilibre fragile vacille lorsque le vampire rebelle Ethan Jefferson (John Ireland) cherche à rétablir l’ancien régime prédateur et que Robert Van Helsing (Bruce Campbell), héritier d’une longue lignée de chasseurs de monstres, débarque pour éliminer Mardulak…

Le film joue constamment sur l’alternance entre sérieux et burlesque. Hickox semble par exemple s’interroger sur la manière dont des vampires pourraient s’adapter au monde moderne. Mais cette réflexion pas inintéressante se trouve souvent court-circuitée par des scènes volontairement absurdes. Par conséquent, Sundown nous donne le sentiment de ne pas trop savoir sur quel pied danser, comme s’il hésitait sans cesse, faute de trouver la juste tonalité. Le film possède pourtant d’indiscutables qualités formelles : les décors très photogéniques captés dans l’Utah, la musique ample de Richard Stone, les maquillages spéciaux spectaculaires de Tony Gardner et Larry Hamlin. On note aussi cette idée séduisante de recourir à la stop-motion pour certaines des scènes les plus folles du métrage. Une quinzaine de plans mettent ainsi en scène des chauves-souris ouvertement comiques. Le premier de ces plans est un étonnant travelling dans les branchages qui révèle la présence de deux chéiroptères accrochés la tête à l’envers, qui discutent entre eux puis déploient leurs ailes pour s’envoler. Dans une autre séquence, l’une d’entre elle attaque une femme dans sa chambre et révèle une morphologie de gargouille du plus curieux effet. Ces passages – animés par Anthony Doublin – dotent Sundown d’un sympathique « supplément d’âme ».

Campbell, Carradine et les autres…

Le casting est un autre point de curiosité. David Carradine (La Course à la mort de l’an 2000) et Bruce Campbell (Evil Dead) sont des têtes d’affiche particulièrement attractives pour les amateurs de cinéma d’action, d’horreur et de comédie. Hélas, leur potentiel reste largement inexploité, tout comme celui des autres visages familiers qui partagent l’affiche à leurs côtés, comme Deborah Foreman (Week-end de terreur), Dana Ashbrook (Twin Peaks) ou M. Emmet Walsh (Blade Runner). Le film joue plus la carte de l’accumulation que celle de la cohésion, y compris dans son mélange des genres (humour, horreur, western, action). Sundown aurait pu gentiment sombrer dans l’oubli, mais il a bizarrement fini par générer un petit culte, comme de nombreuses curiosités issues du généreux catalogue fantastique des années 80. Sa diffusion limitée en festival (à Seattle et Palm Spring), sa sortie tardive en VHS (en 1991) et son exhumation en DVD (en 2008) ont contribué à sa réputation d’objet rare pour les amateurs de bizarreries vampiriques. Hickox poursuivra dans une veine similaire avec plus de succès, notamment en signant Waxwork 2, Hellraiser 3, Warlock 2 et Full Eclipse, avant de quitter progressivement l’horreur au profit du thriller et du film d’action à petit budget à partir des années 2000.

 

© Gilles Penso

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THE EXOTIC TIME MACHINE 2 (2000)

Dans un monde futuriste, trois étudiants voyagent dans le passé afin d’empêcher des espions de voler leur machine temporelle…

THE EXOTIC TIME MACHINE II : FORBIDDEN ENCOUNTERS

 

2000 – USA

 

Réalisé par Cybil Richards

 

Avec Jason Schnuit, Holly Sampson, Shyra Deland, Leah York, Brad Bartram, Gabriella Hall, David Christensen, Carol Ann Burke, Jarod Carey, David Usher

 

THEMA VOYAGES DANS LE TEMPS I SAGA CHARLES BAND

Les films du catalogue Surrender, brodant de minces intrigues fantastiques ou de science-fiction conçues principalement pour intégrer un maximum de séquences érotiques soft, s’enchaînent à bon rythme depuis la création du label au milieu des années 90. Lorsqu’un titre se distingue en attirant un peu plus de public que les autres dans les vidéoclubs, les producteurs Charles Band et Pat Siciliano s’empressent d’en initier une suite. Quoique « suite » soit un bien grand mot. Car rien ne relie The Exotic Time Machine 2 à son prédécesseur, si ce n’est le thème du voyage temporel. Ni continuité narrative, ni clin d’œil appuyé. Même l’unique comédienne à rempiler, Gabriella Hall, y incarne un personnage totalement différent. Une étrangeté scénaristique qui laisse songeur : il aurait suffi de lui donner le même nom pour créer un fil ténu entre les deux épisodes. Au lieu de cela, le spectateur peut tranquillement visionner ce numéro deux sans avoir vu le premier. Pour donner un cachet visuel à ce projet fauché, la production recycle sans vergogne. Les costumes utilisés dans les séquences futuristes proviennent en grande partie de la mythique série télévisée V, tandis que plusieurs effets visuels, notamment le panorama d’une cité digne de Metropolis survolée par un vaisseau, sont tout bonnement empruntés à Dollman, autre production signée Charles Band.

Darlene (Holly Sampson), Chuck (Jason Schnuit) et Melissa (Shyra Deland) sont les étudiants d’une université privée, dans un futur indéterminé où leur professeur, Rachel Conrad (Gabriella Hall), a inventé une machine à voyager dans le temps. Un beau jour, tous trois reçoivent un message holographique de Conrad, façon appel de détresse de la princesse Leïa dans La Guerre des étoiles. Ils découvrent ainsi qu’une nouvelle agence gouvernementale tente de s’emparer de leur invention. Rachel leur confie alors une mission de la plus haute importance : retourner à des moments précis du passé pour y installer des dispositifs censés protéger la machine et préserver le cours du temps. Mais voilà que surgit un agent secret menaçant (Brad Bartram) qui veut prendre le contrôle de la situation. Or Melissa complote secrètement avec lui. A vrai dire, ce twist ne mène nulle part, puisque le récit n’est qu’un prétexte pour multiplier les parties de jambes en l’air à travers le temps.

La machine à remonter le gland

Si le premier volet transportait ses héros chez Marie-Antoinette et au beau milieu des mille et une nuits, celui-ci choisit deux époques différentes afin de varier les plaisirs : Camelot, avec un roi Arthur encore vierge en quête désespérée d’une épouse, et les années 1960, avec deux jeunes femmes adeptes de space cakes, de naturisme et de protestations contre la guerre du Vietnam. Voilà de quoi permettre à nos héros de faire quelques galipettes en série, dans une ambiance tour à tour médiévale ou psychédélique. Parmi les personnages secondaires qui surgissent au détour du film, on note le Merlin l’enchanteur le moins crédible de l’histoire du cinéma, avec sa perruque et sa fausse barbe aux allures de barbe à papa, ainsi qu’un Leonard de Vinci pas beaucoup plus convaincant. Car cette seconde Exotic Time Machine nous offre aussi une incursion dans l’Italie de la Renaissance. L’aspect le plus intéressant du scénario est sans conteste le bouleversement du continuum espace-temps dû à la présence de nos voyageurs dans des époques auxquelles ils n’appartiennent pas. Nous apprenons ainsi enfin la véritable identité de Mona Lisa. Au passage, ce second opus aussi amusant qu’anecdotique continue à disséminer des « Oh Boy » dans ses dialogues pour cligner de l’œil vers Code Quantum.

 

© Gilles Penso

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CATACOMBS (1988)

Venue visiter une vieille abbaye italienne, une enseignante américaine se heurte à une malédiction ancestrale sur le point de s’éveiller…

CATACOMBS

 

1988 – USA

 

Réalisé par David Schmoeller

 

Avec Timothy Van Patten, Laura Schaefer, Jeremy West, Vernon Dobtcheff, Feodor Chapliaplin, Ian Abercrombie, Mapi Galán

 

THEMA DIABLE ET DÉMONS I SAGA CHARLES BAND

Coécrit par R. Barker Price (transfuge de la série Arabesque) et par le réalisateur David Schmoeller (Tourist Trap), Catacombs est intégralement tourné en Italie : dix jours sur les plateaux de la société de production Empire, à Rome, et dix autres jours dans un monastère de Terni, au cœur de la région d’Ombrie. L’intrigue démarre en 1506 dans la vieille abbaye de San Pietro en Valle. Là, des moines gardent enchaîné un homme visiblement possédé par le démon. Les yeux révulsés, le sourire diabolique, ce dernier transforme les crucifix en serpent, inflige des blessures à distance et pousse des hurlements inhumains. Le prêtre qui tentait de l’exorciser a tout juste le temps de sceller la porte de sa geôle avant de se retrouver affublé d’une terrible griffure. La suite du film se déroule à notre époque. Le Frère Orsini, responsable des lieux, accueille une nouvelle venue, l’Américaine Elizabeth Magrino, enseignante d’art et d’histoire dans un établissement catholique. Cette arrivée est très mal vue par le fanatique frère Marinus, qui n’a que « Satan » à la bouche et semble nostalgique du bon vieux temps de l’inquisition. Bientôt, d’étranges phénomènes commencent à frapper les lieux, comme si la bête enfouie au fin fond des catacombes s’apprêtait à refaire surface…

Dès l’entame, la musique lyrique de Pino Donaggio déploie des psalmodies religieuses et des mélodies atonales dignes de la bande originale de La Malédiction de Jerry Goldsmith, avant de retrouver l’énergie dévastatrice de la partition qu’il écrivit pour Carrie lorsque le Mal prend corps et se déchaîne. Cette plus-value artistique, dont David Schmoeller avait déjà pu bénéficier à l’occasion de Tourist Trap et Fou à tuer, apporte beaucoup à l’atmosphère de Catacombs. Plastiquement, le film tire habilement parti de ses beaux extérieurs naturels italiens mais aussi de ses impressionnants décors souterrains qui, s’ils sentent la reconstitution en studio à plein nez, contribuent beaucoup à sa photogénie globale. L’ambiance de Catacombs est finalement beaucoup plus proche de celle d’un film européen que d’une série B d’épouvante américaine. La photographie signée par Sergio Salvati, collaborateur régulier de Lucio Fulci (L’Au-delà, Frayeurs) n’y est sans doute pas étrangère. Fulci, Argento ou Michele Soavi semblent d’ailleurs figurer parmi les sources d’inspiration du réalisateur.

Dans les limbes de l’oubli

Au détour de son intrigue purement fantastique, le film interroge la foi, la peur de la mort, les regrets d’abstinence chez les prêtres, bref creuse beaucoup plus profond qu’on aurait pu l’imaginer. Aux chocs visuels, Catacombs préfère les moments d’angoisse insidieux : des crânes qui semblent ricaner, une main griffue qui apparaît parmi les ossements ou cette scène surréaliste dans laquelle un Christ grandeur nature descend lentement de sa croix – un moment troublant ajouté par David Schmoeller dans l’histoire, malgré les protestations peu convaincues de la coscénariste R. Barker Price. Ceux qui s’attendent à un film d’horreur pur et dur seront donc déçus, d’autant que le réalisateur semble beaucoup moins s’intéresser aux scènes de meurtres et de possessions qu’aux tensions psychologiques entre les personnages. Mais n’est-ce pas justement par sa singularité et sa manière de contourner les attentes que le film est intéressant et se distingue du tout-venant ? En optant pour cet angle audacieux et en s’appuyant sur des acteurs solides et convaincants, Schmoeller prouve une fois de plus qu’il fut sans conteste l’un des plus talentueux réalisateurs ayant œuvré pour les productions Charles Band. Son film sera hélas sabordé par la faillite de la compagnie Empire. Trans World Entertainment, repreneur du catalogue, annoncera une sortie vidéo en 1989, fera même paraître des publicités dans la presse spécialisée… puis plus rien. Catacombs disparaît pendant des années dans les limbes, avant de ressurgir en 1993, retitré Curse IV: The Ultimate Sacrifice par Columbia-Tristar – un choix marketing absurde laissant imaginer qu’il s’agit d’une séquelle de La Malédiction céleste.

 

© Gilles Penso

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LE VISITEUR (1987)

Un homme et une femme qui ne se connaissent pas entament un troublant jeu du chat et de la souris dans une maison isolée au milieu des bois…

THE CALLER

 

1987 – USA

 

Réalisé par Arthur Allan Seidelman

 

Avec Madolyn Smith Osborne et Malcolm McDowell

 

THEMA MONDES VIRTUELS ET MONDES PARALLÈLES I SAGA CHARLES BAND

Le Visiteur détonne au sein de la filmographie de la compagnie Empire, plutôt portée sur les zombies (Re-Animator), les androïdes (Eliminators), les mutants (Transmutations), les extraterrestres (Zone Troopers) ou les petits monstres teigneux (Troll). S’il flirte ouvertement avec le fantastique, l’horreur et la science-fiction, Le Visiteur se distingue en adoptant les codes d’un huis clos à suspense, plus proche de l’adaptation d’une pièce d’Anthony Shaffer (Le Limier) ou d’Ira Levin (Piège mortel) que d’un film de genre pur et dur. Le dispositif est minimaliste : deux acteurs, un décor quasi unique et une tension qui repose majoritairement sur la psychologie. Le scénario est signé Michael Sloan, vétéran de la télévision américaine (Equalizer, Columbo, Galactica, Alfred Hitchcock présente), et porté à l’écran par Arthur Allan Seidelman, qui fit ses débuts avec le nanardesque Hercule à New York, tremplin hollywoodien d’un certain Arnold Schwarzenegger. Tourné pour un budget modeste de 4,5 millions de dollars, le film résulte d’une collaboration atypique entre Charles Band et Frank Yablans, alors président de Paramount Pictures. Le tournage se déroule dans les studios italiens autrefois détenus par Dino De Laurentiis, en parallèle de la comédie Bourse, bagne & business de Robert Boris. Malcolm McDowell, présent sur les deux plateaux, admet s’être livré à ce grand écart pour des raisons purement alimentaires, mais confie que Le Visiteur fut pour lui une expérience plutôt stimulante.

En pleine nuit, un homme mystérieux (McDowell) frappe à la porte d’une jeune femme (Madolyn Smith Osborne), recluse dans une cabane perdue au cœur de la forêt. Il prétend que sa voiture est tombée en panne et qu’il a besoin d’utiliser son téléphone. Mais dit-il la vérité ? Troublée par cette présence inattendue – alors qu’elle attend la visite de son petit ami et vient tout juste d’appeler sa fille – la jeune femme préfère d’abord le laisser patienter dehors, sur la terrasse. Puis, saisie d’un étrange revirement, elle l’invite finalement à rester à l’intérieur, comme si cette proximité la rassurait. Au fil de la conversation, l’inconnu semble en savoir plus qu’il ne veut bien le dire sur son hôtesse. Il semblerait même qu’il ne soit pas là par hasard, qu’il l’ait même épiée et suivie avant la soirée. Mais elle-même ne cache-t-elle pas son jeu ? Pourquoi l’homme qu’elle attend tarde-t-il tant à venir ? Que fait-elle toute seule dans cette maison isolée ? Où sa fille se trouve-t-elle ? Son récit, comme celui de l’homme s’étant imposé chez elle, semble bardé d’incohérences. Or plus le film avance, plus le mystère s’épaissit…

Animosité latente

Le scénario de Michael Sloan semble nourri de multiples références à Night Must Fall, une pièce d’Emlyn Williams de 1935 où le suspense psychologique s’installe dans un cadre restreint et pesant. Ici aussi, la tension repose sur les dialogues, les silences et les non-dits. Les rares incursions à l’extérieur (sur la route ou dans un sentier forestier) paraissent d’ailleurs greffées a posteriori, comme pour « aérer » artificiellement un huis clos qui se suffit à lui-même. La mise en scène de Seidelman, précise et discrète, soutient efficacement le duel d’acteurs. Malcolm McDowell et Madolyn Smith Osborne livrent là des performances solides, portées par un malaise palpable – peut-être nourri, ironie du sort, par leur mésentente réelle sur le plateau. Cette animosité latente contribue probablement à l’atmosphère trouble du film, où il devient impossible de distinguer clairement la proie du prédateur. Pourtant, si le mystère fascine d’abord, il finit par se retourner contre le film lui-même. À force d’entretenir l’ambiguïté, le récit perd en cohérence et la psychologie des personnages se délite dans une succession d’énigmes sans réponse. Le spectateur, d’abord captivé, finit par se détacher, avant qu’un final en rupture totale, plogeant fontalement dans le grand-guignol et la science-fiction, ne vienne pulvériser la sobriété initiale. Les maquillages outranciers de John Buechler parachèvent ce virage déroutant. Reste un exercice de style singulier, parfois maladroit mais toujours intrigant, porté par la musique atmosphérique de Richard Band. Destiné à une sortie en salles, Le Visiteur ne connaîtra qu’une carrière confidentielle : une projection au Marché du Film de Cannes et au MystiFest italien en 1987, avant de finir directement en cassette vidéo aux États-Unis puis dans le reste du monde.

 

© Gilles Penso

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HIDDEN BEAUTIES (1999)

Trois jeunes femmes victimes d’un sortilège sont plongées dans un sommeil qui dure un siècle… puis reviennent à la vie

HIDDEN BEAUTIES : THE AWAKENING

 

1999 – USA

 

Réalisé par Dan Golden

 

Avec Michelle von Flotow, Jon-Damon Charles, Catalina Larranaga, Kirk Enochs, Stacey DeSimone, Jennifer Bergeron, Janet Tracy Keijser, Nikki Fritz, David Usher

 

THEMA CONTES I SORCELLERIE ET MAGIE I SAGA CHARLES BAND

Délaissant pour un temps les ressorts de science-fiction qui nourrissent habituellement le catalogue Surrender Cinema (Virtual Encounters, Femalien, The Exotic Time Machine, Lolita 2000), le producteur Charles Band et ses collaborateurs ne renoncent pas pour autant au fantastique. Cette filiale de la compagnie Full Moon a en effet pour vocation de multiplier de petits films érotiques aux prémisses originaux. Ici, c’est le registre du conte de fées qui est sollicité, plus précisément La Belle au bois dormant. Pour revisiter le récit popularisé par Charles Perrault et les frères Grimm sous un angle à la fois moderne et salace, Band fait appel à l’un de ses scénaristes fétiches, C. Courtney Joyner (Prison, Puppet Master 3, Doctor Mordrid, Future Cop 3, Mandroid). Celui-ci se prêtera d’ailleurs à l’exercice à plusieurs reprises (avec des titres tels que Veronica 2030 ou Shandra, fille de la jungle), en signant sous le pseudonyme d’Earl Kenton, clin d’œil au réalisateur de L’Île du docteur Moreau et La Maison de Dracula. Si quelques extérieurs naturels de Hidden Beauties sont captés en Hongrie, le plus gros du tournage se déroule en Californie, notamment dans le Hollywood Castle de Los Angeles, aux allures d’imposante bâtisse antique.

Portée par des voix féminines aux accents celtiques, la musique lyrique qui alimente le générique d’ouverture installe d’emblée une atmosphère enchanteresse… aussitôt désamorcée par les scènes libertines qui saturent soudain l’écran. Le vénérable Lord Isherwood (Robert Donovan) s’en donne en effet à cœur joie, lutinant à fesses rabattues trois jeunes femmes à qui il promet à tour de rôle de devenir la future châtelaine à ses côtés : Gwen (Stacey DeSimone), Serena (Jennifer Bergeron) et Abigail (Janet Tracy Keijser). Réalisant que le malicieux seigneur s’est joué d’elles, toutes trois décident de se venger en lui offrant une ultime extase. Elles se dévêtent et se jettent donc dans son lit pour une partie de jambes en l’air épique qui se termine de manière funeste : malade du cœur, Isherwood finit par succomber. C’est alors qu’entre en scène la mystérieuse Natalya (Nikki Fritz), une sorcière qui espérait régner aux côtés du Lord et qui les drogue toutes les trois. Elles s’effondrent alors, sombrant dans un sommeil catatonique que rien ne semble pouvoir interrompre…

Il était trois fois

La suite de l’action nous transporte à Hollywood à la fin des années 90. Descendants de la famille Isherwood, Judy (Michelle von Flotow) et son frère Eddie (Kirk Enochs) sont frappés par la même vision : un château médiéval qu’ils ont été capables de dessiner dans ses moindres détails. Pour comprendre, ils décident de partir en Europe avec Francine (Catalina Larranaga), une amie d’Eddie, et Chip (Jon-Damon Charles), le fiancé de Judy. Arrivés sur place, ils sont accueillis par Natalya, qui n’a pas pris une ride. Après une bonne dose de séquences de coucheries et de douches, Eddie et Chip découvrent un passage secret et tombent sur le corps inanimé, mais en parfait état, des trois belles endormies depuis un siècle. Comme dans le conte, il suffit d’un baiser pour les réveiller. Mais la suite sera beaucoup moins prude que chez Perrault ou Grimm. Quelques idées visuelles séduisantes ponctuent Hidden Beauties, comme cette image des trois héroïnes, drapées de nuisettes blanches, endormies côte à côte dans une torpeur surnaturelle – un tableau digne d’un Dracula de la Hammer. Ou encore cette malédiction qui les condamne à ne jamais franchir les murs du château, sous peine de vieillir en accéléré et d’en mourir. Mais le scénario n’exploite jamais ces trouvailles, préférant meubler ses 75 minutes par une succession de batifolages. C. Courtney Joyner sait bien que le public friand des productions Surrender n’est pas très regardant sur la rigueur du récit et s’intéresse surtout à la contemplation de l’anatomie impudique du casting féminin. En ce domaine, rien à dire : le contrat est allègrement rempli.

 

© Gilles Penso

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LA NUIT DES REVENANTS (1959)

Dans cette suite bizarre de La Fiancée du monstre, un policier enquête sur des apparitions de fantômes signalées près d’une maison sinistre…

NIGHT OF THE GHOULS

 

1959 – USA

 

Réalisé par Edward D. Wood Jr.

 

Avec Kenne Duncan, Duke Moore, Tor Johnson, Valda Hansen, Johnny Carpenter, Paul Marco, Don Nagel, Bud Osborne, Jeannie Stevens, Harvey B. Dunn

 

THEMA FANTÔMES

Ce film d’Ed Wood étant le troisième à mettre en scène un policier maladroit nommé Kelton et interprété par Paul Marco (après La Fiancée du monstre et Plan 9 From Outer Space), les amateurs du réalisateur ont tendance à considérer La Nuit des revenants comme l’ultime volet de ce qu’ils ont baptisé « la trilogie Kelton ». Il existe donc, dans la galaxie du cinéma de série B improbable des années 50, une sorte de « Ed Wood Cinematic Universe ». La Nuit des revenants se réfère d’ailleurs à plusieurs reprises aux événements survenus dans La Fiancée du monstre (la maison sinistre dans les marais, les expériences du savant incarné par Bela Lugosi) et remet même en scène le colosse Lobo, toujours incarné par le catcheur Tor Johnson (et ici affublé d’un maquillage défigurant justifié par l’incendie auquel le personnage réchappa de justesse). Habitué aux budgets ridicules, Wood bricole son film comme il peut, termine le tournage et le premier jet du montage fin 1957, mais n’a pas les moyens de financer le reste de la post-production. Le laboratoire cinématographique décide donc de conserver les négatifs jusqu’à ce que la facture puisse être payée, et La Nuit des revenants reste longtemps inachevé. Ce n’est qu’en 1982, quatre ans après la mort du cinéaste, que le distributeur Wade Williams – qui vient d’acquérir les droits de Plan 9 From Outer Space – entend parler de ce film quasi-terminé, finance sa finalisation et le sort enfin.

Le film s’ouvre sur l’apparition de Criswell, médium et acteur extravagant qu’Ed Wood aime bien faire tourner dans ses films. Surgissant d’un cercueil, notre homme annonce la couleur : le ton du film sera macabre et extravagant. S’ensuit un montage un peu confus montrant les excès de la délinquance juvénile, des bagarres de rue et de la conduite en état d’ivresse. Des images qui n’ont par ailleurs rien à voir avec le reste du film. L’intrigue démarre vraiment avec un couple d’adolescents en pleine idylle dans une décapotable. Lorsque le garçon insiste un peu trop, la fille le gifle, s’enfuit et se retrouve face au Fantôme Noir, une créature morte-vivante tapie dans les bois qui les tue tous les deux. Dans un commissariat de l’est de Los Angeles, l’inspecteur Bradford se voit alors confier une mission délicate : rouvrir le dossier de la vieille maison du lac Willows, jadis détruite par la foudre et désormais reconstruite. Un flashback nous apprend qu’un couple de retraités, les Edwards, y a déjà rencontré un autre spectre terrifiant, le Fantôme Blanc. Accompagné du fébrile Kelton, le policier se rend sur place. Il est accueilli par le nouveau propriétaire des lieux, un certain Dr Acula (!), figure théâtrale coiffée d’un turban qui lui lance cette phrase énigmatique : « Il y a déjà beaucoup de monde ici, parmi les vivants comme parmi les morts. » Feignant d’être un client, Bradford entre et découvre une galerie de personnages étranges, dont le brutal Lobo, marqué par les flammes ayant jadis ravagé la demeure… 

Bienvenue chez le Dr. Acula !

Ed Wood parvient parfois à nimber son film d’une atmosphère sépulcrale intéressante, à travers les surgissements de ses fantômes féminins au teint blafard et au regard fixe, évoluant lentement dans un halo de fumée et drapées dans des voiles flottants. Ces visions évoquent un imaginaire presque romantique, comme si le réalisateur anticipait sur le cinéma gothique de Mario Bava ou de Roger Corman. Mais ces belles intentions sont sabordées par le système D qui irrigue l’ensemble du tournage. Dans plusieurs plans, par exemple, c’est Wood lui-même qui incarne le Fantôme Noir, dissimulé sous un voile sombre. Jeannie Stevens, l’interprète originale de la créature, n’étant plus disponible pour certaines scènes, le cinéaste se glisse dans le costume pour la remplacer. Les raccords en deviennent hasardeux : d’un plan à l’autre, le visage du spectre apparaît, disparaît, puis change subtilement de proportions. Tout, dans La Nuit des Revenants, est à l’avenant. Les tirades pseudo-philosophiques de Criswell viennent combler les trous béants du scénario, reliant tant bien que mal des séquences tournées à des époques différentes. C’est d’ailleurs ainsi que Wood recycle de larges portions de son court métrage Final Curtain (1957), initialement conçu comme pilote d’une série télé d’horreur jamais diffusée. Pour justifier l’intégration de ces scènes, il affuble son héros, le lieutenant Bradford, d’un improbable smoking, sous prétexte qu’il se rendait à l’opéra avant son enquête. La séance de spiritisme du Dr. Acula constitue l’un des sommets du film : les vivants sont assis face à des squelettes, une trompette flotte et joue seule, un drap s’agite en sifflant, un visage casqué surgit en hurlant au ralenti… Bref, c’est du grand n’importe quoi. L’aspect le plus intriguant de La Nuit des revenants est l’ambiguïté qu’il entretient entre la supercherie et le surnaturel. Les faux fantômes côtoient les vrais esprits, les trucages s’entremêlent à la hantise authentique et le final, ironique, voit le charlatan pris à son propre piège. Dommage que ces idées indépendamment intéressantes soient noyées dans ce fatras maladroit et mal-fichu. Mais finalement, n’est-ce pas ce qui fait le charme des œuvres d’Ed Wood ?

 

© Gilles Penso

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