DAREDEVIL (2003)

Le super-justicier aveugle imaginé par Stan Lee prend vie sous les traits de Ben Affleck dans une adaptation peu convaincante…

DAREDEVIL

 

2003 – USA

 

Réalisé par Mark Steven Johnson

 

Avec Ben Affleck, Jennifer Garner, Colin Farrell, Michael Clarke Duncan, Jon Favreau, Joe Pantoliano, Scott Terra, Ellen Pompeo, Leland Orser, Lennie Loftin

 

THEMA SUPER-HÉROS I SAGA MARVEL COMICS

Au début des années 2000, le X-Men de Bryan Singer et le Spider-Man de Sam Raimi ont ouvert la porte à toute une série d’adaptations des comics Marvel sur grand écran, ce qui, à priori, était extrêmement réjouissant. Hélas, scénaristes et réalisateurs, face au succès de ces deux œuvres d’exception, prirent leur rôle très à la légère, comme si la cause était désormais gagnée d’avance. Daredevil, le super-héros aveugle créé en 1964 par Stan Lee et Bill Everett, possédait pourtant le potentiel d’une passionnante adaptation à l’écran. Ses premiers pas en dehors des pages des comics s’étaient effectués dans le téléfilm Le Procès de l’incroyable Hulk en 1989. Si l’acteur Rex Harrison se révélait plutôt crédible sous les traits de l’avocat Matt Murdock, son alter-ego costumé peinait à nous convaincre, engoncé il est vrai dans une panoplie particulièrement disgracieuse. Il était donc temps qu’un film digne de ce nom lui rende justice. Fan inconditionnel du personnage, Mark Steven Johnson (à peine sorti du drame Simon Birch) propose à la Fox une adaptation sombre et urbaine, inspirée des albums noirs signés Frank Miller. Il décroche non seulement la réalisation, mais aussi l’écriture du scénario, qu’il imagine comme un mélange de thriller judiciaire, d’origin story torturée et de romance tragique. Pour incarner Matt Murdock, le choix se porte sur Ben Affleck, qui accepte sans hésiter. Passionné de comics, l’acteur avoue avoir grandi avec Daredevil et y voit une occasion unique de rendre hommage à son héros d’enfance.

Conformément à son modèle dessiné, le Matt Murdock du film est un avocat new-yorkais respecté, qui défend les innocents et les oubliés dans le quartier difficile de Hell’s Kitchen. Mais derrière sa carrière dans la justice se cache un lourd passé et une double vie. Enfant, Matt a perdu la vue dans un accident impliquant des produits chimiques. Si cet événement l’a privé de la vue, il a également décuplé ses autres sens, lui permettant de percevoir son environnement avec un « sens radar » proche de celui des chauves-souris. Devenu adulte, Matt mène une existence partagée entre la salle d’audience, où il lutte selon la loi, et les rues, où il agit en justicier masqué sous le nom de Daredevil. La nuit, il affronte les criminels que la justice ne parvient pas à condamner, guidé par un profond besoin de réparer les torts subis dans son enfance. L’intrigue s’amorce vraiment lorsqu’il rencontre Elektra Natchios, une jeune femme mystérieuse et combative, fille d’un riche homme d’affaires mêlé malgré lui aux affaires du Caïd, un puissant criminel qui règne sur les bas-fonds de la ville. Quand Elektra se retrouve au cœur d’un conflit violent, Matt est forcé de remettre en question ses certitudes et son rôle de justicier…

Fautes de goût en cascade

Malgré des intentions qui nous semblent fort louables, ce Daredevil est caviardé de fautes de goût et de choix extrêmement discutables, tant du point de vue artistique que narratif. Le casting en est un bon exemple. Si la sculpturale Jennifer Garner et l’éclectique Colin Farrell se tirent honorablement de leurs rôles respectifs d’Elektra et du Tireur, que dire de l’inexpressivité de Ben Afflek en Daredevil, des lourdeurs de Jon Favreau en Foggy Nelson ou des cabotinages de Michael Clarke Duncan en Caïd ? Voilà qui ne facilite guère l’identification aux personnages. D’autant que la caractérisation du super-héros vedette est carrément inexistante. Moment clef et moteur d’un récit de ce type, les origines des pouvoirs du jeune Matt Murdock sont expédiées dans un flash-back elliptique bâclé. Ses activités de vigilante costumé, ensuite, sont exposées de manière fort discutables, puisque le jeune homme, devenu avocat, se met à tuer sous son costume de Daredevil les criminels qu’il n’a pas pu faire condamner au tribunal ! Sa romance, enfin, est traitée à la manière d’une farce grotesque, comme en témoigne la première rencontre absurde entre Murdoch et Elektra. Restent quelques séquences de voltige à la Spider-Man, des survols nocturnes de la ville hérités de Batman, une bande originale tonitruante comme dans Blade… Et pas une once d’humour pour rattraper le désastre. Mark Steven Johnson fera pourtant pire en s’attaquant à Ghost Rider en 2007. Quant à Daredevil, il aura enfin droit à une adaptation digne de ce nom avec l’excellente série TV créée par Drew Goddard.

 

© Gilles Penso

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LA TOUR DES MONSTRES (1974)

Un petit groupe de vieux locataires sont prêts à tout pour ne pas être délogés de leur immeuble, même au pire…

HOMEBODIES

 

1974 – USA

 

Réalisé par Larry Yust

 

Avec Peter Brocco, Frances Fuller, William Hansen, Ruth McDevitt, Paula Trueman, Ian Wolfe, Linda Marsh, Douglas Fowley, Kenneth Tobey, Wesley Lau

 

THEMA TUEURS

Deuxième long-métrage de Larry Yust après le polar Trick Baby, Homebodies (une expression qu’on pourrait traduire par « les casaniers ») est un film d’horreur d’un genre très particulier. Les distributeurs français se perdent d’ailleurs en conjectures sur la manière de le promouvoir, le titrant une première fois Les Pousse-au-crime lors de sa sortie en mars 1976 (pour mettre en avant son caractère de comédie noire criminelle), avant de le rebaptiser La Tour des monstres pour sa réexploitation quelques mois plus tard (accentuant exagérément son caractère horrifique, poster démoniaque à l’appui). Tourné en cinq semaines dans deux villes différentes (dix jours à Cincinatti et quinze jours à Los Angeles), le film met en vedette une demi-douzaine d’acteurs vétérans qui, même s’ils n’ont jamais été des stars, cumulent à eux tous une présence active dans presque mille films ! Il faut dire que la moyenne d’âge de ce casting vénérable – 75 ans – force le respect. Yust construit le scénario qu’il co-écrit avec Howard Kaminsky et Bennett Sims autour de la négligence dont souffrent trop souvent les personnes âgées, poussant le concept jusque dans des retranchements très surprenants. La chanson malicieuse qui ouvre le film, « Sassafras Sundays », entonnée d’un ton guilleret par Billy Van et empreinte d’une douce nostalgie, nous laisse bien entendre dès l’entame que cette œuvre aux tonalités multiples ne sera pas comme les autres.

Dans un quartier en rénovation, où les petites habitations individuelles sont détruites pour faire place aux grands ensembles imaginés par le promoteur Crawford (Douglas Fowley), tous les habitants d’un vieil immeuble – majoritairement des gens âgés – sont sommés de quitter les lieux pour partir en banlieue dans de nouveaux logements anonymes, froids et onéreux. Certains acceptent à contrecœur, mais un petit groupe d’irréductibles refuse de quitter les lieux : un aveugle amateur de violon (Peter Brocco), un veuf qui est en train d’écrire ses mémoires (William Hansen), une agoraphobe timide qui ne sort jamais de chez elle et parle à son défunt père (Frances Fuller), le couple des gardiens des lieux (Ian Wolfe et Ruth McDevitt) et une vieille femme qui vit seule (Paula Trueman). Malgré les nombreuses intimidations de l’employée municipale venue leur distribuer des avis de relogement sans se soucier de leurs états d’âme (Linda Marsh), nos six locataires s’obstinent. Alors que le promoteur s’impatiente, plusieurs accidents mortels et inexplicables retardent soudain les travaux…

Vieilles canailles

Voir tous ces locataires âgés soudain désemparés face à la nécessité du déménagement, s’accrochant à leurs souvenirs et aux murs qui les renferment comme à des bouées de sauvetage, a quelque chose de touchant. « Je suis bien trop vieux pour tout réapprendre » dit l’un d’eux, parlant au nom de tous. Comment ne pas prendre fait et cause pour eux ? Face à la condescendance de leur entourage (l’arrogante agente immobilière, le propriétaire hargneux, les ouvriers moqueurs, les policiers indifférents), la colère monte lentement. Alors que le drame se noue sous un jour réaliste, le film entre soudain de plain-pied dans l’horreur (via une série de meurtres violents) tout en se réservant des passages ouvertement comiques (la séquence de la voiture conduite par une octogénaire maladroite) et des moments d’humour noir (la scène du fauteuil roulant sur lequel nos « héros » trimballent discrètement un cadavre). Larry Yust opère ainsi un mélange des genres audacieux qui rend souvent La Tour des monstres insaisissable. L’intrigue rebondit plusieurs fois de manière inattendue, muant les lieux les plus variés en supports de courses-poursuites boitillantes (un immeuble en chantier, l’étang d’un parc) et offrant à Paula Trueman le rôle d’une étonnante psychopathe du troisième âge. Un point de départ scénaristique voisin – évacuant tout élément horrifique pour pencher vers une approche de science-fiction féerique et familiale – sera décliné dans Miracle sur la huitième rue.

 

© Gilles Penso

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DRAGON FIGHTER (2003)

Un mixage à petit budget de Jurassic Park et Aliens qui donne la vedette à un dragon génétiquement modifié et au héros de Loïs & Clark

DRAGON FIGHTER

 

2003 – USA / BULGARIE

 

Réalisé par Philip J. Roth

 

Avec Dean Cain, Kristine Byers, Robert Zachar, Marcus Aurelius, Robert DiTillio, Vesela Dimitrova, Hristo Shopov, Chuck Eckert, Kelly Wilborn, Hector Kleist

 

THEMA DRAGONS

Dans le paysage foisonnant des productions télévisées à petit budget du début des années 2000, Dragon Fighter occupe une place singulière. Réalisé par Philip Roth (aucun lien avec l’écrivain), artisan régulier de la compagnie UFO (Unified Film Organization), ce film de science-fiction tente un étrange cocktail de manipulations génétiques, de huis clos militaire et de mythologie médiévale à travers une tentative audacieuse de transposer le mythe du dragon dans un contexte contemporain. Après un prologue médiéval, l’intrigue s’ouvre sur le capitaine David Carver, interprété par Dean Cain, ex-Superman de la série Loïs & Clark, reconverti ici en chef de la sécurité d’un centre de recherche ultraconfidentiel niché au sud de la Californie. Dans ce laboratoire, une équipe de scientifiques dirigée par le docteur Ian Drackovitch (Robert Zachar) s’efforce de ramener à la vie des espèces éteintes, notamment celles dont l’extinction est imputable à l’activité humaine. Lorsqu’un mystérieux fossile est ramené d’Angleterre, daté non pas de la préhistoire mais du XIIe siècle, Drackovitch voit l’occasion d’un exploit scientifique. Malgré les mises en garde de Carver, il décide de cloner l’organisme. L’expérience tourne rapidement à la catastrophe. Car la créature qui émerge est un véritable dragon, doté de la capacité de voler et de cracher le feu.

Sous la double influence manifeste de Jurassic Park et du Règne du feu, Dragon Fighter est tourné en Bulgarie, comme nombre de productions UFO, réutilisant des décors déjà vus dans d’autres films du studio comme Python II ou Shark Hunter. Ce qui frappe dès les premières minutes, ce sont les maniérismes de son montage. Pour dynamiser ses scènes de dialogues, Roth abuse d’écrans partagés façon 24 heures chrono, un tic visuel qui devient rapidement lassant. En outre, chaque personnage nouvellement introduit bénéficie d’un tableau de statistiques affiché à l’écran : nom, poids, capacités… à croire que les scientifiques et les militaires se collectionnent comme des cartes Pokémon ! Les effets visuels, réalisés entre la Bulgarie et la Californie, oscillent entre le convenable et le médiocre. Le dragon en images de synthèse qui course les protagonistes dans les corridors futuristes du laboratoire recycle de toute évidence les figures de style d’Alien. Le monstre adopte d’ailleurs une posture un peu humanoïde, perché sur ses pattes postérieures, les pattes antérieures en avant, les ailes repliées derrière lui, la gueule ouverte (aux allures de tête de tyrannosaure). Les héros ont beau être lourdement armés, c’est bien sûr inutile face au pouvoir incandescent du monstre.

Superman contre un dragon

Si Dean Cain (qui avait déjà joué sous la direction de Roth dans le sympathique Boa en 2002) s’en sort honorablement en militaire pragmatique, apportant au protagoniste qu’il incarne un certain charisme, les seconds rôles peinent à nous faire croire à leurs personnages, desservis par des dialogues souvent mécaniques (récités sans beaucoup de conviction) et une écriture trop fonctionnelle. Pourtant, malgré ses nombreux défauts et son budget anémique, Dragon Fighter conserve un certain charme et s’offre même des scènes de batailles aériennes entre le dragon, les avions militaires et les hélicoptères, le monstre menaçant de s’échapper pour gagner la ville la plus proche. Le film vaut d’ailleurs le détour principalement pour sa dernière demi-heure, au cours de laquelle les amateurs de fantastique et de science-fiction ont l’occasion d’assister à un spectacle inédit : ce n’est pas tous les jours qu’on assiste à un combat entre Superman et un dragon.

 

© Gilles Penso

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HURLEMENTS 5 : LA RE-NAISSANCE (1989)

Un petit groupe d’invités prestigieux vient assister à la réouverture d’un château abandonné depuis 500 ans où les attend une bête affamée…

THE HOWLING V – THE REBIRTH

 

1989 – USA

 

Réalisé par Neal Sundström

 

Avec Phil Davis, Victoria Catlin, Elizabeth Shé, Ben Cole, William Shockley, Mark Siversten, Stephanie Faulkner, Mary Stavin, Clive Turner, Nigel Triffitt

 

THEMA LOUPS-GAROUS I SAGA HURLEMENTS

Construit sur un scénario de Freddie Rowe et Clive Turner, ce cinquième volet de la saga initiée par Joe Dante n’a aucun lien avec ses prédécesseurs. De fait, même si le générique indique que le film est « inspiré des romans The Howling I, II et III de Gary Brandner  », il n’en adapte en réalité aucun et n’est relié aux précédents épisodes que par le titre. Le producteur Clive Turner en propose d’abord la réalisation à Cedric Sundstrom (American Warrior 3). Déjà engagé sur un autre projet, ce dernier décline l’offre et recommande son frère Neal, qui accepte avec l’espoir de mener enfin une production du début à la fin. Il avait en effet repris la réalisation de Space Mutiny en cours de route dans des conditions difficiles. Malheureusement, Hurlements 5 ne lui épargne pas les tensions, dans la mesure où des désaccords constants avec Turner viennent perturber le tournage. Pour réduire les coûts, la production s’installe en Europe de l’Est et engage une équipe technique locale. Résultat des courses : le directeur de la photographie, qui ne parle pas un mot d’anglais, est renvoyé dès le premier jour. Il est remplacé par Arledge Armenaki, qui, malgré une maîtrise encore hésitante de la langue, parvient à collaborer un peu plus efficacement avec Sundstrom. Autant dire que le film est enfanté dans la douleur.

Budapest, 1489. Dans un château battu par le vent et la neige, les corps ensanglantés s’empilent. Trois générations de nobles, domestiques compris, ont été anéanties. Les deux derniers survivants se sacrifient, persuadés d’avoir éradiqué le Mal. Mais un nourrisson a survécu au carnage. Cinq siècles plus tard, une poignée d’invités triés sur le volet se retrouvent dans un grand hôtel. Parmi eux : une star scandinave, un joueur de tennis, une actrice, un professeur, un photographe, un musicien célèbre, un médecin… Tous sont conviés par l’énigmatique comte Istvan Bezoli (Phil Davis) à la réouverture du fameux château abandonné depuis cinq cents ans. Construit au XIIe siècle, désert depuis le XVe, l’édifice semble intact, comme gelé dans le temps. Il se dresse au cœur d’une région marquée par les superstitions, la peur du diable et les récits de loups-garous. Tandis que les invités s’aventurent dans les lieux, quelqu’un – ou quelque chose – les attend dans l’obscurité en grognant…

Le loup-garou de l’ombre

Après une entrée en matière pataude où les personnages – tous très stéréotypés – se rencontrent et échangent de manière mécanique et artificielle, le film semble trouver son rythme de croisière en transportant ses protagonistes dans le château. Là, les discussions deviennent plus intéressantes, la mise en scène plus dynamique et fluide, les enjeux plus précis. Pour bâtir l’atmosphère de son film, Neal Sundström convoque tout l’arsenal gothique à sa disposition : bougies, passages secrets, armures, chandeliers… Ce classicisme déteint sur l’intrigue qui prend bien vite les allures d’un « whodunit » à mi-chemin entre un roman d’Agatha Christie et une partie de Cluedo. Le principe finit par beaucoup évoquer celui du Mystère de la bête humaine de Paul Annett, dans la mesure où le pitch est rigoureusement le même : lequel de ces convives réunis dans la vaste demeure est-il le loup-garou ? Conformément aux clichés d’usage, tout le monde passe son temps à chercher tout le monde dans les couloirs, chacun crie le prénom de l’autre pour le retrouver, tandis que les victimes s’accumulent sur un rythme régulier. Tout ça ne déborde donc pas de finesse, mais nous sommes tout de même très au-dessus des précédentes suites d’Hurlements, qui rivalisaient de bêtise, d’effets spéciaux grotesques et de retournements scénaristiques sans queue ni tête. Ici, l’intrigue se tient à peu près et le monstre reste sagement dans l’ombre. C’est d’ailleurs une frustration légitime, quand on se souvient des prodigieuses métamorphoses du film de Joe Dante. Mais Hurlements 5 évite au moins de sombrer dans le ridicule de ses prédécesseurs et nous offre une intéressante révélation finale.

 

© Gilles Penso

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YONGGARY (1999)

Cet ambitieux film de monstre sud-coréen sabote son concept prometteur à cause de ses effets spéciaux catastrophiques…

YONGGARY / REPTILIAN

 

1999 – CORÉE DU SUD

 

Réalisé par Hyung-rae Shim

 

Avec Dan Cashman, Bruce Cornwell, Donna Philipson, Dennis Howard, Matt Landers, Harrison Young, Richard Livingston, Eric Briant Wells, Brad Sergi

 

THEMA DINOSAURES I EXTRA-TERRESTRES

Connu dans son pays pour ses comédies burlesques et ses pastiches, le cinéaste sud-coréen Shim Hyung-Rae nourrit, à la fin des années 90, l’ambition de s’imposer sur la scène internationale avec son propre film de monstres géants. Le succès planétaire du Godzilla de Roland Emmerich – parallèlement à la relance des sagas Gojira et Gamera au Japon – lui donne l’idée d’offrir à la Corée son propre Kaiju. C’est ainsi qu’il exhume Yonggary, un monstre né en 1967 sous la direction de Kim Ki-duk (homonyme du réalisateur de L’Île et Locataires). Mais à vrai dire, le Yonggary de 1999 n’a rien à voir avec le Yongary, monstre des abysses de Ki-duk, si ce n’est une volonté partagée de rivaliser avec les mastodontes nippons. Pour donner corps à sa vision, Shim Hyung-Rae voit les choses en grand : un budget record (le plus gros de l’histoire du cinéma sud-coréen à l’époque), un casting international et des effets spéciaux de pointe. Les rôles principaux sont attribués à des comédiens américains et britanniques, tandis que les figurants sont recrutés sur place, souvent parmi des expatriés n’ayant jamais mis les pieds sur un plateau. L’anglais n’étant pas le fort du réalisateur, un interprète fait le lien entre lui et son équipe hétéroclite, dans un joyeux chaos de plateaux. Au-delà de l’influence directe de Godzilla, ce Yonggary cligne aussi directement de l’œil vers Independence Day et X-Files, toujours dans l’espoir de conquérir le marché international.

Au moment du prologue, un groupe de scientifiques s’aventure dans une vaste caverne jonchée de squelettes d’animaux préhistoriques. En tentant de dégager un corps humanoïde fossilisé qui émet d’étranges lueurs, ils déclenchent une gigantesque explosion. Seul rescapé de l’équipe, le professeur Campbell (Richard Livingston) survit, découvre une série de hiéroglyphes et éclate dans un rire dément en criant : « C’est à moi ! » Très vite, une nouvelle équipe débarque sur les lieux pour exhumer un spécimen colossal que Campbell estime cinquante fois plus grand qu’un T-Rex. Le journaliste Bud Black (Brad Sergi) arrive sur place pour couvrir ce qui s’annonce comme une découverte historique. Mais pendant ce temps, un immense vaisseau spatial pénètre dans l’atmosphère terrestre et pulvérise les satellites en orbite. Les extra-terrestres, aux allures de gargouilles en caoutchouc, parlent entre eux avec des voix de chipmunks et échangent des dialogues enfantins du genre « ils nous ont repérés », « nous devons commencer l’invasion maintenant », « d’ici peu la Terre sera vaincue ». Le site archéologique est alors réduit en cendres par une attaque à distance. Et soudain, le squelette géant se recouvre de chair (via un morphing assez hideux) et le redoutable Yonggary, vieux de 200 millions d’années, revient à la vie…

« Y’a plus de morts que dans un film de Tarantino ! »

Absurde, le concept de Yonggary est digne de celui d’un Kaiju enfantin des années 70. Si les scènes spatiales fonctionnent plutôt bien, le monstre, en revanche, est une création en image de synthèse particulièrement hideuse, une espèce de Godzilla numérique aux traits simiesques qui crache du feu et saute comme une grenouille. Le film aurait sans doute mieux fonctionné avec des acteurs costumés et des effets pratiques. Mais en misant sur le tout digital, Hyung-rae Shim affuble son long-métrage de trucages tous plus affreux les uns que les autres, du combat contre les hélicoptères à l’attaque de la ville (calquée très maladroitement sur celle du Monstre des temps perdus), en passant par l’assaut des avions, le commando volant en jet-pack ou la castagne finale contre un second monstre tout aussi raté (une espèce de dinosaure scorpion apathique). Les acteurs en roue libre, la disparition en cours de route de personnages jugés inutiles (le photographe) et les dialogues stupides (« Y’a plus de morts que dans un film de Tarantino ! ») n’arrangent rien. Les aliens, eux, s’amusent tout au long du film à dématérialiser puis rematérialiser Yonggary, pour une raison qui nous échappe. De toutes façons, le scénario n’a aucun sens, mêlant dans le désordre le plus total la prophétie ancestrale, les vestiges préhistoriques et l’invasion extra-terrestre. Certes, Yonggary reste supérieur aux calamiteux Kraa ! ou Zarkorr ! produits à peu près au même moment par Charles Band, ce qui ne l’empêche pas pour autant de s’affirmer comme un nanar de compétition. Le film sera d’ailleurs un flop monumental, y compris lors de sa ressortie sous un autre titre (Reptilian). La suite envisagée, avec un Yonggary robotique façon Mechagodzilla, ne verra donc jamais le jour.

 

© Gilles Penso

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LES 5000 DOIGTS DU DR. T (1953)

Dans cette comédie musicale absurde et féerique, un jeune garçon se retrouve prisonnier d’une dictature dirigée par un professeur de piano…

THE 5000 FINGERS OF DR. T

1953 – USA

Réalisé par Roy Rowland

Avec Mary Healy, Peter Lind Hayes, Hans Conried, Tommy Rettig, Jack Heasley, Robert Heasley, Noel Cravat, George Chakiris, Henry Kulky, Harry Wilson

THEMA CONTES

Produit par Stanley Kramer, Les 5 000 doigts du docteur T s’aventure en terrain surréaliste, quelque part entre Le Magicien d’Oz et Alice au pays des merveilles. Le film narre le long cauchemar d’un enfant imaginatif qui vire au conte de fée mâtiné de comédie musicale. Le scénario est signé par le célèbre auteur de romans pour enfants Docteur Seuss, alias Theodore Seuss Geisel (Horton, Le Grinch, Le Chat chapeauté, Le Lorax). Fort du succès du cartoon Gerald McBoing-Boing, Seuss propose dès 1951 un script extravagant, truffé de thèmes sombres hérités des traumatismes de la Seconde Guerre mondiale : domination, oppression et autoritarisme. Cette tonalité grinçante ressurgira dans les décors fantasques et les chorégraphies claudicantes du film. La production, elle, n’a rien d’un conte de fées. En coulisses, c’est la guerre ouverte entre le producteur Kramer et le tout-puissant Harry Cohn, patron de Columbia Pictures. Ce dernier interdit formellement à Kramer de réaliser le film et lui impose Roy Rowland, petit artisan maison à qui l’on doit, entre autres, la romance L’Ange perdu et le western Le Convoi du diable. Résultat : un tournage chaotique, constamment parasité par les interventions de Cohn, qui inonde l’équipe de notes et de directives. Cet accouchement douloureux finira par donner naissance à une œuvre unique.

Bart Collins (Tommy Rettig) est un jeune garçon qui vit avec sa mère veuve, Héloïse (Mary Healy). Il supporte difficilement ses leçons de piano imposées par le strict et autoritaire docteur Terwilliker (Hans Conried), qu’il perçoit comme une figure oppressive. Convaincu que sa mère est sous son influence, Bart tente de trouver du réconfort auprès d’August Zabladowski (Peter Lind Hayes), un plombier bienveillant. Dès l’entame, Bart brise le quatrième mur en s’adressant directement au spectateur pour exprimer ses états d’âmes. C’est alors qu’en pleine séance de piano, le gamin s’assoupit et bascule dans un rêve très bizarre. Dans cet univers onirique, il se retrouve prisonnier de l’Institut Terwilliker, une école imaginaire où le piano est l’unique instrument autorisé. Le docteur T, qui y règne en tyran, a conçu un gigantesque clavier nécessitant 5000 doigts pour être joué, soit 500 enfants contraints de s’exécuter. Dans ce monde fantasmé, sa mère est devenue l’assistante docile – et promise en mariage – du professeur. Pour échapper à cette dictature musicale et libérer sa mère, Bart doit déjouer les règles absurdes de l’Institut et affronter l’infinité d’obstacles dressés sur son chemin.

Sur la touche

Les 5000 doigts du docteur T se distingue par la folle ambition de sa direction artistique. Ses décors multicolores et fantasmagoriques, qui ne sont pas sans évoquer les travaux de William Cameron Menzies, sont signés Rudolph Sternad (Le Train sifflera trois fois, Ouragan sur le Caine, Un monde fou fou fou fou). Le film regorge ainsi d’idées visuelles insolites : un métronome géant qui remplace le tic-tac d’un réveil, de grandes mains sculptées servant de panneaux indicateurs, des murs tordus, un escalier vertigineux qui semble grimper jusqu’aux nuages, et bien sûr ce gigantesque piano qui ondule comme un serpent géant. À mi-chemin entre l’expressionnisme allemand et le cartoon d’avant-guerre, le monde fantasque du docteur T mêle les décors grandeur nature, les maquettes et les peintures. Tandis que l’extérieur de l’institut est une miniature biscornue entourée de fils barbelés électriques, les vues plongeantes sur ses ruelles sombres sont surplombées de gargouilles grotesques. Cette approche visuelle est indiscutablement le point fort du film. Car les numéros musicaux, les chansons et les chorégraphies n’ont rien de très mémorable, malgré quelques idées audacieuses, comme la sarabande des musiciens en haillons « non-pianistes » enfermés dans un cachot. Le casting lui-même est un peu fade, même si Hans Conried (interprète vocal du capitaine Crochet dans Peter Pan la même année) tire son épingle du jeu grâce à sa prestation haute en couleur. Une première version du film ayant été mal reçue lors des projections test, le studio ordonne une semaine de tournage additionnel, dont une nouvelle scène d’ouverture, et supprime neuf des vingt séquences musicales initialement tournées. À l’arrivée, Les 5000 doigts du docteur T est une œuvre bancale et imparfaite, mais pleine de fulgurances dignes de l’imagination sans borne de son auteur.

 

© Gilles Penso

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GINGERDEAD MAN 3 (2011)

Le biscuit démoniaque remonte le temps jusqu’en 1976 où il atterrit dans un concours de danse disco qui se transforme en remake de Carrie

GINGERDEAD MAN 3 : SATURDAY NIGHT CLEAVER

 

2011 – USA

 

Réalisé par William Butler

 

Avec Paris Wagner, Jackie Beat, Steve-Michael McLure, Kimberly Dawn Guerrero, Selene Luna, Jacqueline Fae, Jonny Jay, Laura Kachergus, Jean Louise O’Sullivan

 

THEMA SORCELLERIE ET MAGIE I SAGA GINGERDEAD MAN I CHARLES BAND

Gingerdead Man 2 ayant bravé pas mal de tabous, poussant le bouchon jusqu’aux gags homophobes et blasphématoires, le scénariste/réalisateur William Butler avait cru bon de le signer sous le pseudonyme de Sylvia St Croix pour éviter des levées de bouclier trop violentes. Mais le scandale n’éclata guère et le film fut même très bien accueilli par les fans des productions Full Moon. Butler utilise donc son vrai nom au générique de ce troisième opus sur lequel le producteur Charles Band lui laisse une fois de plus la bride sur le cou, à condition de respecter comme toujours un budget ridicule et un délai de cinq jours de prises de vues. « Vous ne pouvez avoir que cinq ou six lieux de tournage, et ils doivent tous être autonomes au sein d’un lieu plus grand », explique Butler quand on l’interroge sur les secrets de fabrication d’un film aussi fauché. « Il faut tourner rapidement pour que le public ne s’ennuie pas, et je pense qu’il faut aussi que les scènes soient courtes. Chaque fois que vous êtes dans la même pièce, vous devez choisir un angle différent pour ne pas filmer toujours près du même mur ou des mêmes accessoires. La caméra doit toujours être en mouvement. C’est une forme d’art en soi, et c’est particulièrement difficile lorsqu’il s’agit de mettre en scène des marionnettes. Surtout si ces marionnettes sont fabriquées pour moins de cinq cents dollars et ressemblent à de vulgaires gants de cuisine ! » (1)

Il semblait difficile de repousser les limites de l’autodérision de Gingerdead Man 2. Butler opte pour une autre voie, celle de la parodie cinéphilique, battant même sur leur propre terrain tous les Scary Movie qui le précédèrent. Tout commence à « l’institut de recherche scientifique pour l’étude des pâtisseries homicides ». Envoyée par le FBI, Clarissa Darling se présente à l’accueil, retire tous ses piercings (y compris les plus intimes) et avance prudemment dans un couloir où s’alignent les cellules des dangereux prisonniers : un croissant moustachu psychopathe, une tarte aux myrtille lubrique, un space cake enfumé, un choux à la crème dégoulinant… et bien sûr le Gingerdead Man, qui se la joue Anthony Hopkins avec sa voix suave et ses grandes manières – et se retrouve même affublé du même masque qu’Hannibal Lecter, pour ceux qui n’auraient pas encore compris l’allusion au Silence des agneaux. Soudain, des activistes débarquent et libèrent tous les prisonniers. Mais le délire n’en est qu’à ses prémices. Notre petit homme en pain d’épices saute en effet dans une machine à voyager dans le temps et se retrouve dans les années 70, en pleine période disco. D’où le sous-titre de ce troisième épisode : Saturday Night Cleaver !

Le silence des gâteaux

Nous voilà au cœur du « Roller Boogie Queen Contest », dans un club qui s’apprête à fermer ses portes faute de financement. Cet élément de l’intrigue n’a évidemment que peu d’intérêt et n’est qu’un prétexte pour que le biscuit tueur puisse se défouler. C’est aussi l’occasion pour Butler et sa co-scénariste Muffy Bolding de construire le scénario sous forme d’un remake loufoque de Carrie. Paris Wagner prend donc la relève de Sissy Spacek sous les traits d’une jeune femme introvertie douée de pouvoirs télékinétiques et promise à l’aspersion d’un seau empli de sang suspendu au-dessus de sa tête. Le look du petit monstre a été manifestement modifié depuis les opus précédents. Sa tête est désormais plus grosse et plus large. Si la marionnette qui lui donne vie est mieux animée que d’habitude, les images de synthèse qui prennent le relais pour le montrer en plan large ou pour visualiser les jets de sang, les incendies ou les arcs électriques sont affreuses. Fort heureusement, les effets spéciaux à l’ancienne sont toujours sollicités pour les mises à mort gore et cartoonesques, comme les filles qui se décomposent en pratiquant un « car wash » à base d’acide ou le massacre au hachoir dans les toilettes. Tandis que rien ne semble arrêter le psychopathe croustillant – il surgit hors d’une cuvette de WC comme s’il voulait rendre hommage à Ghoulies, sniffe de la coke, se transforme en DJ -, Butler s’amuse à imiter les effets de style de Brian de Palma lors d’un climax qui voit grand. Après cette troisième aventure solo, la pâtisserie diabolique se lancera dans un crossover improbable : Gingerdead Man vs. Evil Bong.

 

(1) Propos extraits du livre « It Came From the Video Aisle ! » (2017)

 

© Gilles Penso

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L’AUBE DES ZOMBIES (1981)

Une momie et des morts-vivants surgissent de leur tombe égyptienne ancestrale pour massacrer ceux qui ont profané leur sépulture…

DAWN OF THE MUMMY

 

1981 – USA / ÉGYPTE

 

Réalisé par Frank Agrama

 

Avec Brenda Siemer Scheider, Barry Sattels, George Peck, John Salvo, Ibrahim Khan, Joan Levy, Ellen Faison, Diane Beatty, Ali Gohar, Ahmed Rateb

 

THEMA MOMIES I ZOMBIES

Producteur, scénariste et réalisateur américano-égyptien, Frank Agrama met en scène une bonne dizaine de films en Iran avant de s’attaquer au marché international avec le polar L’Ordre et la violence en 1972 et la parodie Queen Kong en 1976 (qui parait-il agaça beaucoup Dino de Laurentiis, peu enclin à laisser cette concurrence potache entacher son coûteux King Kong). Son film suivant est L’Aube des zombies, qu’il tourne en Égypte avec une équipe majoritairement italienne. Le prologue se situe en plein désert du Caire, au quatrième millénaire avant J.-C. Des esclavagistes à cheval y enlèvent des villageois pour les contraindre à devenir des serviteurs lors de l’enterrement du pharaon Seferaman. Alors qu’ils se tiennent autour du sarcophage, les malheureux sont tués par un gaz toxique et l’entrée de sa tombe est scellée. Des milliers d’années plus tard, trois hommes, Rick (George Peck), Tariq (Ali Gohar) et Karib (Ibrahim Khan), découvrent l’entrée du tombeau et décident de le piller dans l’espoir d’y trouver un trésor. Une vieille femme surgit soudain pour leur annoncer que le tombeau est maudit, mais rien ne stoppe le trio appâté par le gain. Après avoir ouvert l’entrée à coup de dynamite, ils se mettent en quête d’un hypothétique butin.

Cette situation étant installée, voilà que débarque une équipe de photographes et de mannequins américains, venus en Égypte pour une séance de photo de mode avec la bénédiction du gouvernement local. Alors qu’ils découvrent eux aussi le tombeau, au grand dam des pilleurs, ils décident de faire des clichés à l’intérieur. Personne ne se rend compte que la chaleur des projecteurs provoque une réaction chimique sur la momie de Seferaman. Un liquide poisseux commence en effet à se propager sous ses bandelettes et à gargouiller sinistrement. Bien sûr, le pharaon ne va pas tarder à revenir d’entre les morts, prélude à un joyeux massacre que Frank Agrama filme manifestement sous haute influence du cinéma d’horreur italien de l’époque, dans le sillage du Zombie de George Romero. Car L’Aube des zombies est un film hybride. Si le redoutable Seferaman a les allures classiques d’une momie vengeresse (dont le look n’est pas sans évoquer celui de Christopher Lee dans La Malédiction des Pharaons), l’armée des morts qui l’accompagne n’aurait pas dépareillé dans un film de Lucio Fulci.

L’enfer des momies

La séquence de leur résurrection, au cours de laquelle ils émergent de la terre en gémissant, affublés de haillons déchiquetés et exhibant des visages putréfiés, semble presque échappée de L’Enfer des zombies. Ces cadavres ambulants se repaissent d’ailleurs de la chair et des entrailles des vivants. D’où un titre français qui oublie toute référence aux momies pour évoquer frontalement Dawn of the Dead. Pour se conformer à ses références horrifiques, L’Aube des zombies ne lésine pas sur le gore. Décapitations, têtes qui se décomposent, peau calcinée, coup de machette dans le crâne, gorge arrachée à coups de dents, énucléations, éviscérations à mains nues, c’est un carnage en bonne et due forme qui vaudra au film de nombreuses démêlées avec la censure anglaise, exigeant près de deux minutes de coupes pour pouvoir l’exploiter. Dans la lignée des sous-Zombie qui fleurirent sur les écrans à la fin des années 70, L’Aube des zombies ravira les amateurs d’horreur graphique mais aussi les fans de comique involontaire, car le jeu outré de la plupart des acteurs (notamment de George Peck, qui prononce chacune de ses répliques en hurlant, en écarquillant les yeux et en ouvrant grand la bouche) vaut son pesant de cacahuètes.

 

© Gilles Penso

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PRÉMONITIONS (2007)

Sandra Bullock interprète une femme perturbée par des rêves de plus en plus envahissants au cours desquels son époux meurt… puis renaît !

PREMONITION

 

2007 – USA

 

Réalisé par Mennan Yapo

 

Avec Sandra Bullock, Julian McMahon, Shyann McClure, Courtney Taylor Burness, Nia Long, Marc Macaulay, Kate Nelligan, Irene Ziegler, Philip DeVona

 

THEMA RÊVES

Prémonitions marque les débuts hollywoodiens de Mennan Yapo, un réalisateur germano-turc jusqu’alors méconnu du grand public. Après quelques courts-métrages et le thriller Soundless (2004) remarqué en Allemagne, Yapo attire l’attention des studios américains grâce à sa capacité à insuffler une tension sourde et une esthétique soignée à ses récits. C’est précisément ce que recherche le scénariste Bill Kelly, connu pour la comédie romantique Première sortie (1999), désireux ici de creuser un registre plus sombre et métaphysique. Le projet prend forme sous la houlette des producteurs de Hyde Park Entertainment, qui souhaitent surfer sur le succès de thrillers psychologiques comme Les Autres ou Sixième sens. Le rôle principal est confié à Sandra Bullock, alors en pleine reconquête critique après des années de comédies romantiques. Forte du succès de Collision (Oscar du meilleur film en 2006), l’actrice veut démontrer l’étendue de sa palette dramatique. Elle incarne ici une femme prise dans une boucle temporelle angoissante. À ses côtés, Julian McMahon, surtout connu pour son rôle dans la série Nip/Tuck, campe son époux. L’alchimie fonctionne d’autant plus que le film repose entièrement sur la confusion psychologique de l’héroïne.

Linda Hanson a tout pour être heureuse : un mari aimant, deux filles adorables, une maison de rêve… Mais un jour, tout s’effondre : Linda est avertie que son mari, Jim, est mort dans un accident de la circulation. Le lendemain matin, à son réveil, Linda constate que Jim est bien vivant. Ce n’était donc qu’un banal cauchemar… Mais voilà que ce mauvais rêve, loin de se dissiper, revient la hanter, jour après jour, sans cesse changeant, et toujours plus perturbant. Certains matins, Linda se retrouve veuve ; d’autres fois, c’est aux côtés d’un Jim en pleine forme qu’elle s’éveille. Quel sens donner à ces prémonitions ? Privée de ses repères habituels, ballottée entre des émotions contradictoires, et craignant de sombrer dans la folie, Linda résiste de toutes ses forces à une tragédie imminente. Un seul but désormais : arrêter la ronde infernale du temps pour tenter de sauver son mariage, son bonheur, son avenir…

Cauchemars en boucle

Au départ, Prémonitions ressemble donc à un mauvais rêve. Mais ce rêve se répète, se transforme, ajoute des inconnues, des faits étranges. Et au réveil, certains détails prennent un sens troublant. S’agit-il d’un enchaînement de cauchemars, de deux réalités parallèles alternatives, ou de visions prémonitoires comme semble l’indiquer le titre du film ? La mise en scène de Mennan Yapo est raffinée, tout en sobriété. Le cinéaste évite en effet les effets faciles pour installer une angoisse diffuse et constante. Cette atmosphère instable entre pleinement en résonance avec la prestation de Sandra Bullock, qui prouve une fois encore combien elle peut exceller dans le registre dramatique. Autour d’elle, les seconds rôles restent en retrait mais justes. La musique de Klaus Badelt sait éviter la trop forte influence de Hans Zimmer pour accompagner en finesse la montée en tension. Au-delà de sa structure fragmentée et de son ambiguïté temporelle, Prémonitions interroge aussi la foi et le libre arbitre. « Les gens qui ne croient en rien sont comme des vaisseaux vides, ils risquent davantage de se retrouver soumis à des forces qui les dépassent », dit ainsi à Linda le prêtre qu’elle rencontre en désespoir de cause, la visite chez le psychiatre n’ayant rien donné de concluant. Si le film culmine vers un excellent suspense final, il trébuche sur un épilogue en queue de poisson qui affaiblit son impact. Dommage. Reste une œuvre troublante, élégante, qui ose parler de deuil, de destin et de salut sans sombrer dans le mélodrame.

 

© Gilles Penso

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COUPLE MODÈLE (2014)

Une femme commence à soupçonner son époux d’être un redoutable tueur en série, coupable des pires exactions…

A GOOD MARRIAGE

2014 – USA

Réalisé par Peter Askin

Avec Joan Allen, Anthony LaPaglia, Stephen Lang, Cara Buono, Kristen Connolly, Mike O’Malley, Theo Stockman, Will Rogers, Pun Bandhu, Terra Mackintosh

THEMA TUEURS I SAGA STEPHEN KING

Dans le recueil Nuit noire, étoiles mortes, publié en 2010, Stephen King essaye de retrouver la hargne du jeune écrivain qu’il était à l’époque de son premier roman, Marche ou crève, signé du pseudonyme Richard Bachman. L’une des nouvelles de cette anthologie, Bon ménage, lui est inspirée par un tueur en série bien réel, Dennis Rader, qui perpétra ses crimes au Kansas entre 1974 et 1991, et dont l’épouse jura jusqu’au bout n’avoir jamais rien su de ses agissements. King jugeant que sa nouvelle possède suffisamment de potentiel pour devenir un film, il en tire un scénario qui sera mis en scène et produit par Peter Askin. En guise de clin d’œil, le film se déroule à Cleaves Mills, une ville fictive du Maine qui figurait dans le roman Dead Zone de King. Après la sortie du film, la propre fille du tueur Dennis Rader exprimera publiquement son mécontentement, à cause de trop fortes similitudes entre le scénario et l’histoire de son père. King ayant toujours été fasciné par l’horreur commise par les êtres humains faits de chair et de sang, plus encore que par celle attribuée à des êtres surnaturels, son attrait pour une telle affaire ne surprend pas.

Après vingt-cinq ans de mariage heureux, Darcy (Joan Allen, héroïne de Volte/Face et Pleasantville) se met à soupçonner son époux Bob (Anthony LaPaglia, acteur récurrent de FBI Portés disparus) d’être un tueur en série. Ses doutes sont-ils fondés ? S’agit-il de paranoïa ? A-t-elle vraiment pu épouser un assassin et un violeur sans jamais s’en rendre compte ? Au fil des pages de la nouvelle, sur laquelle plane l’ombre de Barbe Bleue, King traduit les tourments de l’épouse fidèle avec des mots justes et saisissants jouant la carte de la métaphore. « Toutes ces années, elle avait vécu avec un fou, mais comment aurait-elle pu le savoir ? », raconte-t-il. « Sa folie ressemblait à une mer souterraine. Il y avait une couche de roche par-dessus, et une couche de terre par-dessus la roche, dans laquelle poussaient des fleurs. Vous pouviez vous y promener sans vous douter de la présence de l’eau empoisonnée en dessous… mais elle était là. »

Pour le meilleur et surtout le pire

A l’écran, Couple modèle s’appuie sur un rythme lent et surtout sur la prestation très juste de ses comédiens principaux, dans un registre pourtant difficile qui aurait pu les entrainer vers l’archétype et la caricature. Aux côtés du couple déchiré, Stephen Lang joue le rôle d’un vieux policier malade à la retraite qui a tout deviné depuis le début. Sans doute le scénario insiste-t-il trop sur sa présence dès le début de l’intrigue. A cette réserve près, l’approche du film est subtile, presque anti-dramatique, ce qui renforce le réalisme du récit. L’horreur des agissements de Bob est évoquée et implicite, mais nous ne la voyons jamais, le réalisateur Peter Askin privilégiant le thriller psychologique à la violence graphique. Couple modèle questionne ses spectateurs sur la part d’ombre de chacun, qui peut rester secrète malgré l’intimité et les années de vie commune, mais aussi sur les sacrifices qu’on est capable de faire par amour. Sorti discrètement en salles aux États-Unis le 3 octobre 2014, Couple modèle sera directement exploité en vidéo en France.

© Gilles Penso

 

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