LE CIRQUE DU DOCTEUR LAO (1964)

Le directeur d’un étrange cirque itinérant a le pouvoir de se transformer en diverses créatures fantastiques…

THE SEVEN FACES OF DOCTOR LAO

 

1964 – USA

 

Réalisé par George Pal

 

Avec Tony Randall, Barbara Eden, Arthur O’Connell, John Ericson, Noah Beery Jr, Minerva Urecal, Frank Kreig

 

THEMA CONTES

Fidèle à ses goûts artistiques, le réalisateur/producteur George Pal (Les Aventures de Tom Pouce, La Machine à explorer le temps, Les Amours enchantées) raconte ici une joyeuse histoire fantaisiste, adaptée du roman « The Circus of Dr Lao » de Charles G. Finney publié en 1935. Il est aidé dans sa tâche par une distribution fort judicieuse (même si Pal envisageait initialement Peter Sellers dans le rôle principal), une brillante partition musicale de Leigh Harline (Blanche-Neige et les sept nains, Pinocchio) et des effets spéciaux pleins de magie. L’oriental docteur Lao, accompagné de son cirque ambulant, veut rétablir la justice dans la petite ville d’Abalone où il débarque. A cet effet, il revêt les sept apparences qui justifient le titre du film : son aspect naturel, c’est-à-dire une espèce de paysan chinois excentrique ; un Merlin l’enchanteur vieillissant qui fera partager son goût de la magie au petit Mike (Kevin Tate) ; un Yéti au maquillage plutôt grotesque, très semblable aux Morlocks de La Machine à explorer le temps ; un Apollon aveugle qui prédit l’avenir ; un serpent parlant ; une méduse qui ressemble à La Gorgone de Terence Fisher ; et un dieu Pan qui éveille la sensualité de la jeune Angela (Barbara Eden).

La performance tient au fait que toutes ces facettes du docteur Lao – à l’exception du serpent, animé tour à tour mécaniquement ou image par image – sont interprétées par le même comédien, l’extraordinaire Tony Randall, par la grâce des maquillages de William Tuttle. La gorgone, notamment, est un beau morceau de bravoure, même si elle ne peut rivaliser avec celle que créera Ray Harryhausen seize ans plus tard dans Le Choc des Titans. On note que les serpents sur sa tête sont des marionnettes magnétiques créées par le vétéran des effets spéciaux Wah Chang. William Tuttle remportera pour son travail le tout premier Oscar décerné aux effets spéciaux de maquillage. Il sera suivi en 1968 par John Chambers pour La Planète des singes, avant que cette catégorie ne soit officialisée à partir de 1981 avec Rick Baker et Le Loup-garou de Londres. Pour l’anecdote, Tony Randell apparaît sans maquillage parmi les spectateurs du second spectacle que donne le docteur Lao dans le film.

Un talent monstre

Des monstres et merveilles du Cirque du docteur Lao, on retiendra également le gigantesque monstre du Loch Ness créé par Wah Chang et animé par Jim Danforth et Peter Kleinow, brouillon du plésiosaure qui attaquera le village préhistorique de Quand les dinosaures dominaient le Monde. « Globalement, c’est une assez belle séquence », reconnaît Danforth, « mais pour être franc elle est assez inutile dans le film. Le récit pouvait tout à fait se passer de ce monstre » (1). Peut-être, mais cette créature impressionnante nous offre un joli clou du spectacle. À la fin de ses bienfaits magiques, l’étrange docteur Lao s’en va vers d’autres contrées (sans doute un autre village où règne l’injustice), laissant se clore sur une note très morale un conte finalement plein de charmes. Même si Le Cirque du docteur Lao est aujourd’hui considéré comme un classique du cinéma fantastique, l’accueil qu’il reçut lors de sa sortie en salles fut très mitigé, au point que George Pal cessa là ses activités de réalisateur et mit quatre ans avant de pouvoir monter financièrement un nouveau long-métrage, La Guerre des cerveaux de Byron Haskin.

 

(1) Propos recueillis par votre serviteur en avril 1998

 

© Gilles Penso


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GALACTICA, LA BATAILLE DE L’ESPACE (1978)

Pour répondre au succès de Star Wars, Universal initie une série TV spatiale dont le premier épisode a droit à une sortie dans les salles de cinéma…

BATTLESTAR GALACTICA

 

1978 – USA

 

Réalisé par Richard A. Colla

 

Avec Richard Hatch, Dirk Benedict, Lorne Greene, Herb Jefferson Jr, Maren Jansen, Tony Swartz, Noah Hattaway, Terry Carter, Jane Seymour, Ray Milland, Laurette Spang

 

THEMA SPACE OPERA

Galactica est l’exemple type d’un retournage de veste magistral, comme il s’en pratique parfois au sein des grands studios hollywoodiens. Les cadres d’Universal s’étaient bien moqués de George Lucas et de son scénario « démodé » d’un projet baptisé La Guerre des étoiles qu’ils rejetèrent sans appel. Qui peut encore s’intéresser à une aventure intergalactique « old school » à la Flash Gordon ? Soyons sérieux ! Mais le premier volet de la saga Star Wars devient le triomphe que l’on sait et Universal, sans sourciller, décide de profiter de ce succès en lançant une série ambitieuse, Galactica, la bataille de l’espace, confiée au producteur Glen A. Larson (Opération vol, Le Virginien, Opération danger, Un Shérif à New York, Quincy). Le projet d’Universal consiste à mettre sur pied plusieurs téléfilms se succédant les uns aux autres avant de transformer Galactica en série TV plus classique si le succès est au rendez-vous. Le pilote, titré « Saga of a Star World », est conçu comme un show spectaculaire et coûte pas moins de 8 millions de dollars, un record à l’époque. Pour amortir ce coût spectaculaire, Universal décide d’exploiter ce téléfilm au cinéma, d’abord au Canada, puis aux Etats-Unis, au Japon et en Europe. C’est donc sous cette forme que Galactica parvient d’abord au public, avant la diffusion de la série sur les petits écrans du monde entier.

Si Star Wars demeure la source d’inspiration principale de Galactica, le scénario élaboré par Glen A. Larson tient à s’en éloigner autant que possible. Nous sommes dans le futur, à l’autre bout de l’univers. Après mille ans de guerre acharnée avec les Cylons, des robots guerriers impitoyables, il semble que l’humanité soit sur le point de signer un traité de paix. Mais c’est un leurre, et lorsque les Cylons repassent à l’attaque, c’est pour détruire toutes les colonies humaines qui passent à leur portée. Après ce massacre impitoyable, le grand vaisseau Battlestar Galactica et 220 autres véhicules spatiaux transportent les survivants à la recherche d’un nouveau foyer. La légende parle d’une treizième tribu de l’humanité installée sur une planète qu’on appelle Terre. Mais les Cylons sont toujours sur leurs traces… Pour mettre toutes les chances de son côté, le studio Universal débauche John Dykstra, le superviseur des effets visuels de La Guerre des étoiles, et le charge de toutes les séquences spatiales. Le travail effectué sur les maquettes de vaisseaux, sur la dynamique de leurs déplacements et sur les nombreuses scènes de poursuites et de batailles dans les étoiles est effectivement remarquable (ces plans sont photographiés par Dennis Muren et Richard Edlund, eux aussi transfuges de Star Wars).

L’autre guerre des étoiles

Les autres atouts indiscutables de Galactica sont le charisme impeccable de Lorne Greene dans le rôle du vénérable commandant Adama, le fort capital sympathie du valeureux capitane Apollo (Richard Hatch) et du lieutenant Starbuck (Dirk Benedict), un coureur de jupons qui semble calquer une partie de son personnage sur celui de Han Solo, et quelques guest stars appréciables comme Jane Seymour en adorable mère célibataire ou Ray Milland en détestable conseiller dégoulinant de duplicité. On note aussi la présence du tout jeune Noah Hattaway, futur Atreju de L’Histoire sans fin. Quelques créatures étranges égaient l’ensemble, comme les robotiques Cylons (à l’armure scintillante inspirée à la fois des costumes de Dark Vador et des stormtroopers), le chien mécanique Muffit, des hommes-insectes qui semblent échappés des Premiers hommes dans la Lune ou encore des chanteuses à quatre yeux et deux bouches du plus curieux effet. Porté par une bande originale épique de Stu Philipps et émaillé d’éléments scénaristiques pleins d’intérêt (le fossé social entre les pauvres et les nantis à bord du vaisseau, les manigances politiques et les luttes de pouvoir), ce premier Galactica permet au show de Glen A. Larson de démarrer en fanfare, malgré une mise en scène qui reste très télévisuelle. Deux autres longs-métrages issus de la série seront distribués en salle : Galactica : les Cylons attaquent en 1979 et La Conquête de la Terre en 1980.

 

© Gilles Penso


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LE DERNIER VOYAGE DU DEMETER (2023)

Que s’est-il réellement passé à bord du navire qui transportait Dracula depuis la Transylvanie jusqu’à Londres ?

THE LAST VOYAGE OF THE DEMETER

 

2023 – USA

 

Réalisé par André Øvredal

 

Avec Corey Hawkins, Aisling Franciosi, Liam Cunningham, David Dastmalchian, Javier Botet, Woody Norman, Jon Jon Briones, Stefan Kapicic, Nikolai Nikolaeff

 

THEMA DRACULA I VAMPIRES

Dans la mythologie grecque, Demeter est l’une des sœurs de Zeus, Hadès et Poséidon, déesse de l’agriculture et des moissons. Rien de bien inquiétant à priori. Mais Demeter est aussi le nom du navire qui, dans le « Dracula » de Bram Stoker, transporte le cercueil du comte vampire depuis sa Transylvanie natale jusqu’en Angleterre. Cet épisode maritime macabre fait l’objet d’un chapitre important du roman, « The Demeter Log », et apparaît de manière plus ou moins détaillée dans les diverses adaptations cinématographiques du livre. Mais pour le producteur et scénariste Bragi Schut Jr., cette mésaventure mérite un long-métrage à part entière. L’idée lui vient au début des années 1990, alors qu’un de ses collègues travaille sur les effets spéciaux du Dracula de Francis Ford Coppola. En découvrant la maquette du Demeter qui apparaîtra dans le film, son cerveau fait « tilt ». Schut effectue de nombreuses recherches sur le 19ème siècle afin d’assurer à son scénario un maximum d’authenticité historique. Mais son projet ne se concrétisera qu’au bout de deux décennies. Après qu’un nombre incalculable de réalisateurs aient été attachés au film, Le Dernier voyage du Demeter atterrit finalement entre les mains d’André Øvredal, dont la filmographie collectionne les films-concepts audacieux tels que Troll Hunter, The Jane Doe Identity, Scary Stories ou Mortal.

Le 6 août 1897, le navire marchand Demeter s’échoue en Angleterre. Parmi les débris retrouvés par la police figure le journal de bord du capitaine, dont la plume tourmentée décrit un voyage cauchemardesque. Quatre semaines plus tôt, le Demeter fait escale à Varna, en Bulgarie, où il prend en charge une cargaison destinée à Londres. Ce chargement énigmatique est constitué de plusieurs grandes caisses en bois au contenu inconnu et sur lesquelles apparaît un emblème en forme de dragon. L’équipage est constitué de cinq marins, d’un médecin de bord, de deux seconds, d’un cuisinier, du capitaine et de son petit-fils. Le voyage du Demeter commence bien, jusqu’à ce que les choses prennent une tournure plus inquiétante. Un soir, tout le bétail à bord s’affole sans raison. Puis le médecin découvre le corps d’une passagère clandestine visiblement frappée par une sérieuse infection. Lorsque tous les animaux du bateau sont retrouvés massacrés, la panique finit par se répandre comme une traînée de poudre. « Le mal est à bord » en conclut l’un des marins. Il ne croit pas si bien dire…

« Le mal est à bord »

Le Dernier voyage du Demeter nous séduit d’abord par sa mise en forme impeccable : une reconstitution historique minutieuse, la photographie somptueuse de Tom Stern (fidèle collaborateur de Clint Eastwood), la bande originale tourmentée de Bear McCreary (The Walking Dead, Outlander), les décors ultra-réalistes d’Edward Thomas (Doctor Who, Da Vinci’s Demons), un casting solide dominé par Corey Hawkins (Kong : Skull Island, Macbeth)… Une fois ce contexte mis en place, le surnaturel peut s’inviter. À bord du navire, le cartésianisme et la superstition se livrent bientôt à un bras de fer inévitable tandis que la menace s’intensifie. « Une femme et un Noir à bord, ça porte malheur ! » finissent par s’inquiéter les matelots bigots. Ce sont pourtant les seuls qui semblent capables de sauver la situation. Le Dracula du film n’est ni l’être romantique décrit par Francis Coppola et John Badham, ni le seigneur altier campé par Christopher Lee ou Bela Lugosi, ni même le non-mort blafard qu’incarnaient Max Schreck et Klaus Kinski. C’est une bête sauvage et affamée, un monstre livide qui se repaît du sang des autres comme le ferait un vulgaire parasite. Sa bestialité rampante s’immisce dans chaque recoin sombre du navire. D’où le choix de Javier Botet pour l’incarner, un acteur étonnant capable de distendre sa morphologie longiligne pour épouser les contorsions insectoïdes de la bête. Une telle approche est conforme avec le cahier des charges tel qu’il fut établi par Bragi Schut Jr. et André Øvredal : un Alien situé dans un bateau en 1897. Il n’était pas évident de parvenir à nous surprendre avec une histoire qu’il nous semblait connaître par cœur et qui fut déjà si souvent portée à l’écran, même de manière concise. Le Voyage de Demeter y parvient pourtant, nous offrant une variante passionnante qui n’aura hélas pas su attirer le public malgré ses nombreuses qualités.

 

© Gilles Penso


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EN EAUX TRÈS TROUBLES (2023)

Trois fois plus de monstres marins, trois fois plus de cascades et un Jason Statham déchaîné sont au programme de cette suite excessive…

MEG 2 : THE TRENCH

 

2023 – USA

 

Réalisé par Ben Wheatley

 

Avec Jason Statham, Wu Jing, Shuya Sophia Cai, Page Kennedy, Sergio Peris-Mencheta, Skyler Samuels, Cliff Curtis, Sienna Guillory, Melissanthi Mahut

 

THEMA MONSTRES MARINS I DINOSAURES

Attention : l’eau était trouble, maintenant elle est très trouble ! On sent bien l’embarras des distributeurs français face à la traduction du titre de ce Meg 2 et leur penchant vers un second degré salvateur. En eaux troubles aurait pu n’être qu’un cas isolé, mais face à son gros succès en salles, une suite s’imposait. Officiellement, ce second épisode s’inspire du roman de Steve Alten, qui lui-même succédait au premier « The Meg » et qui sortit en 1999 sous le titre « The Trench ». En réalité, le scénario de Jon Hoeber, Erich Hoeber et Dean Georgaris (déjà co-auteurs du premier film) cherche surtout à capitaliser sur le statut de star d’action de Jason Statham en ne reculant devant aucune surenchère. Succédant à Jon Turtlebaub, le réalisateur Ben Wheatley se retrouve aux commandes, ce qui peut surprendre dans la mesure où son registre semblait plutôt être jusqu’alors le film d’épouvante ou de science-fiction intimiste (Kill List, High-Rise, In the Earth). Mais Wheatley est un grand fan du premier En eaux troubles et s’embarque donc avec enthousiasme dans l’aventure, nanti d’un confortable budget de 130 millions de dollars. Si Statham s’investit à fond et tient à réaliser un maximum de cascades lui-même, le scénario joue la carte du collectif en donnant la vedette à ses co-équipiers, des scientifiques amenés eux aussi à jouer les casse-cous, notamment Jing Wu, Cliff Curtis, Page Kennedy et Skyler Samuels.

Un prologue situé en pleine préhistoire, plus précisément au Crétacé, illustre l’impitoyable loi du plus fort de manière récréative. Un moustique est avalé par une libellule, qui est mangée par un lézard, que croque un carnassier quadrupède, lui-même dévoré par un T-rex. Ce dernier semble être au sommet de la chaîne alimentaire, mais c’était compter sans le mégalodon qui n’en fait qu’une bouchée ! Nous voilà conditionnés. Place ensuite à notre héros, l’intrépide Jonas Taylor qui s’embarque clandestinement sur un navire en pleine mer des Philippines pour dénoncer le largage dans l’océan de déchets toxiques, ce qui lui vaut le surnom de « James Bond écolo ». Jonas travaille désormais dans un centre océanographique qui possède son propre Mégalodon femelle apprivoisé. Alors qu’il part explorer avec ses collègues une faille sous-marine, il découvre l’installation illégale de grands méchants qui veulent extraire un minerai rare et précieux et provoquent une immense explosion sous-marine, libérant plusieurs créatures préhistoriques affamées…

Les dents de la Meg

C’est sans conteste la grande séquence d’exploration sous-marine, occupant une bonne moitié du métrage, qui reste l’élément le plus novateur et le plus réjouissant de ce second Meg. Les images joliment surréalistes des petits submersibles évoluant dans cet univers abyssal étrange évoquent presque les visions microscopiques du Voyage fantastique ou de L’Aventure intérieure. Dans cette faille se mettent en place des séquences de suspense diablement efficaces qui ne sont pas sans évoquer Underwater. Revers de la médaille : les antagonistes d’En eaux très troubles étant avant tout humains (des terroristes appâtés par le gain qui semblent hérités de Die Hard), les requins géants et autres créatures sous-marines voraces ne font plus que de la figuration dans le film. Il faut attendre la dernière demi-heure pour que la faune antédiluvienne se déchaîne enfin vraiment, payant son tribut non seulement aux Dents de la mer mais aussi à Jurassic Park, puisque les monstres tapis jusqu’alors sous la « thermocline » peuvent désormais surgir au milieu des humains. Des tentacules, des ailerons et des mâchoires s’agitent en tous sens, dans un déferlement d’effets visuels spectaculaires et de séquences d’actions qui tentent un peu en vain de nous faire oublier que le scénario n’est pas beaucoup plus élaboré que celui d’un des films de monstres aux micro-budgets produits à la chaîne par des compagnies low-cost comme The Asylum. Paradoxalement, c’est donc ce climax riche en bébêtes géantes qui s’avère le passage le plus faible du film, accumulant les incohérences, les comportements absurdes et les gags faciles pour amuser un spectateur jugé visiblement peu regardant. Dommage, car la première partie du métrage laissait espérer autre chose qu’une version à gros budget de Mega Shark Versus Giant Octopus.

 

© Gilles Penso


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LE TRÉSOR DES QUATRE COURONNES (1983)

Inspirée par le succès des Aventuriers de l’arche perdue, cette improbable aventure en relief met ses héros sur la trace d’artefacts surnaturels…

EL TRESORO DE LAS CUATRO CORONAS / TREASURE OF THE FOUR CROWNS

 

1983 – ITALIE / USA / ESPAGNE

 

Réalisé par Ferdinando Baldi

 

Avec Tony Anthony, Ana Obregon, Gene Quintano, Jerry Lazarus, Francisco Rabal, Emiliano Redondo, Francisco Villena, Lewis Gordon

 

THEMA EXOTISME FANTASTIQUE

En 1981, le film Western (Comin’ at Ya!) crée un petit événement au moment de sa sortie au cinéma dans la mesure où il ravive un procédé de projection alors tombé en désuétude : le relief. Le succès inattendu de ce western spaghetti hispano-américano-italien relance la vogue de la 3D qui se décline alors à toutes les sauces (de Meurtres en trois dimensions à Amityville 3 en passant par Les Dents de la mer 3). Le réalisateur Ferdinando Baldi, le scénariste Lloyd Battista, l’auteur/comédien Gene Quintano et le co-scénariste/ producteur/acteur Tony Anthony ne peuvent pas s’arrêter en si bon chemin. Les voilà donc repartis tous ensemble pour une nouvelle aventure cinématographique en relief, cette fois-ci largement inspirée par le succès des Aventuriers de l’arche perdue. Cerise sur le gâteau : la musique du film est composée par l’immense Ennio Morricone. Alléchant n’est-ce pas ? Pourtant, Le Trésor des quatre couronnes est un nanar de compétition dont les choix artistiques laissent particulièrement perplexe. Tout commence par un texte qui défile sur fond spatial, comme dans La Guerre des étoiles. « Dans l’univers, il y a des choses que l’homme ne peut espérer comprendre, des pouvoirs qu’il ne peut espérer posséder, qu’il ne peut espérer contrôler », y apprend-on. « Les quatre couronnes font partie de ces choses. » Nous voilà prévenus.

Tony Anthony débarque alors, dans le rôle de l’intrépide aventurier J.T. Striker. Alors qu’il pénètre dans l’enceinte d’un château médiéval, il se retrouve enfermé dans un sous-sol plein de pièges : des trappes, des lances, des grilles, un gros serpent, des chiens méchants, des rapaces et même un petit ptérodactyle qui lui cherche des noises ! Arrivé au bout de son parcours du combattant, notre explorateur peu scrupuleux fait exploser le couvercle d’un vieux tombeau et poursuit ses dégâts à coups de hache afin de récupérer une clé ayant appartenu à un chevalier du moyen-âge. Aussitôt, un squelette et une armure s’animent, des hurlements lugubres retentissent, des fumigènes se déversent partout, des arbalètes se mettent à flotter dans les airs et à le bombarder de flèches acérées. Puis ce sont des espèces de mugissements de vache qui résonnent tout autour de lui tandis que de nouveaux pièges se déploient : une poutre hérissée de pointes, des boules de feu… Bref c’est un véritable festival de tout et n’importe quoi. Les éclats de rire involontaires des spectateurs résonnent déjà face à cette séquence impensable. Et nous n’en sommes encore qu’au début du film.

Les aventuriers du nanar perdu

Dès ce prologue, Tony Anthony nous abasourdit par son absence spectaculaire de charisme, grimaçant hideusement pour nous signifier les efforts physiques qu’il déploie lors de ses exploits. Mais la plupart du temps, bien malin sera celui qui comprendra quels sentiments sont censés exprimer ses mimiques étranges. Le premier dialogue du film ne s’entend qu’à partir de 22 minutes de film, le temps pour le scénario de nous expliquer la mission de J.T. Striker. La clé qu’il a ramenée est en lien avec quatre couronnes d’or aux pouvoirs magiques fabriquées par les Wisigoths au 6ème siècle. Il doit maintenant rassembler un groupe de voleurs professionnels afin de retrouver les autres couronnes, jalousement gardées dans une forteresse par le gourou maléfique d’une secte illuminée. L’équipe de bras cassés réunie par Striker est constituée d’un ancien poivrot, d’un hercule de foire vieillissant et d’une trapéziste de cirque. Le film mixe alors l’influence d’Indiana Jones avec celle de la série Mission impossible. Le relief est un gadget pratique pour envoyer à la figure des spectateurs des éclats de verre, des flèches, des épées, des flammes, toutes sortes de projectiles, sans compter les innombrables plans où les acteurs pointent un objet vers la caméra. Quant au climax du film, il semble vouloir décupler celui des Aventuriers de l’arche perdue en partant dans tous les sens. Le héros voit donc sa tête tourner comme une toupie puis son visage se liquéfier et ses mains se transformer en lance-flammes tandis que tous les méchants partent en fumée et que la peau du super-vilain s’émiette au ralenti ! Après ce film, Gene Quintano écrira deux autres imitations d’Indiana Jones, Alan Quatermain et les mines du roi Salomon et Alan Quatermain et la cité de l’or perdu, trois épisodes de la saga Police Academy et la parodie Alarme fatale dont il signera également la mise en scène.

 

© Gilles Penso


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NOTZILLA (2020)

Un œuf venu du Japon éclot dans l’Amérique des années 1960 et laisse émerger une créature qui grandit chaque fois qu’elle absorbe de la bière…

NOTZILLA

 

2020 – USA

 

Réalisé par Mitch Teemley

 

Avec Frederic Eng-Li, Tifani Ahren Davis, Tim Bensch, Samantha Russell, Michael Bath, Becca Kravitz, Spencer Lackey

 

THEMA DINOSAURES

« Notzilla » est le surnom que beaucoup de fans ont donné au Godzilla de Roland Emmerich pour signifier leur mécontentement et renier son appartenance au mythe créé par Inoshiro Honda. Pour le réalisateur et scénariste Mitch Teemley, c’est le titre d’un projet sur lequel il travaille pendant des dizaines d’années avec son ami Jeff Haberman. Les premiers jets du scénario s’écrivent alors qu’il est encore au lycée. Il aura donc fallu du temps et de l’opiniâtreté pour mettre sur pied cette parodie de Godzilla au sein de laquelle Teemely tient à injecter tout son amour pour les films de monstres japonais de la grande époque. Pour concevoir le costume de sa créature vedette, le réalisateur embauche Jacob Baker après avoir vu la panoplie en latex qu’il avait fabriquée pour une convention de fans. Non content de construire la tenue de ce « non-Godzilla », Baker est aussi chargé d’interpréter lui-même la créature. Tourné pendant dix-neuf jours en août 2018, avec un budget réduit à sa plus simple expression, Notzilla est un film d’époque puisqu’il se déroule en 1962, année de la crise des missiles de Cuba et de la sortie de King Kong contre Godzilla.

Incarné par Frederic Eng-Li, le héros de Notzilla s’appelle Itchihiro Honda, en hommage au père de Godzilla. Paléontologue passionné par son métier, il assiste à la destruction d’un grand monstre par les autorités japonaises et a tout juste le temps de sauver son œuf, qu’il emmène aux États-Unis. Mais l’œuf tombe accidentellement dans les toilettes de l’avion qui le transporte jusqu’en Amérique et atterrit au bord d’un fleuve de l’Ohio. Chef de la « Secret Nuclear Underground Government Installation » de Cincinnati, le scientifique Richard Blowheart (Tim Bensch) et son assistante Shirley Yujest (Tifani Ahren Davis) récupèrent cet étrange objet qui éclot bientôt et révèle une mignonne créature aux allures de reptile préhistorique. Honda a tout juste le temps de les retrouver pour leur expliquer que cette créature, un « Notzillasaurus Partiontildon », prend des proportions anormales si elle absorbe de l’alcool. Or le petit monstre vient de vider toutes les canettes de bière qui traînaient dans le bureau du docteur Blowheart. Notzilla atteint donc bientôt la taille d’une montagne…

Old school

L’un des aspects les plus réjouissants de Notzilla est sa volonté d’employer des techniques d’effets spéciaux à l’ancienne pour se conformer au style des films qu’il parodie. Le monstre vedette est donc une petite marionnette mécanique (lorsqu’il s’agit encore d’un bébé) puis un costume en caoutchouc (dont la fermeture éclair est volontairement apparente) et la grande majorité des incrustations n’est pas réalisée avec un fond bleu ou vert mais à l’aide d’écrans de rétroprojection. Mais c’est l’usage des maquettes qui est sans doute le plus drôle dans le film. Ne cherchant jamais à cacher leur nature de modèles réduits malgré le soin apporté à leur éclairage et leur mise en situation, elles remplacent les voitures, les avions, les navires, les ballons dirigeables, les trains, les tanks, les missiles, les bâtiments et même les soldats (via une irrésistible armée de fantassins en plastique qui semble échappée de Toy Story) en parodiant les trucages rétros d’Eiji Tsuburaya. Si le manque de moyens de Notzilla saute aux yeux, sa volonté de bien faire emporte l’adhésion, ses gags récurrents font mouche (la une d’un journal qui commente les points clés de l’intrigue, les sous-titres qui dialoguent avec les comédiens, les flash-backs dans les miroirs), ses clins d’œil référentiels nous égaient (« les docteurs Mothra et Rodan sont demandés à l’accueil ! », l’affiche d’un film qui s’appelle « Attack of the 60 Foot Woman With a College Degree ») et la satire du machisme patriotique cher à l’Amérique des années 1960 est bien sentie. Sans être la parodie du siècle, Notzilla a donc beaucoup d’atouts en poche et se déguste avec délectation.

 

© Gilles Penso


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TRANSMORPHERS (2007)

Relisez-bien le titre : il ne s’agit pas de Transformers mais d’une imitation low-cost mise en chantier par les joyeux dingues de la compagnie The Asylum…

TRANSMORPHERS

 

2007 – USA

 

Réalisé par Leigh Scott

 

Avec Matthew Wolf, Amy Weber, Shaley Scott, Eliza Swenson, Griff Furst, Michael Tower, Sarah Hall, Erin Evans, Noel Thurman, Troy Thomas, Dennis Kinard

 

THEMA ROBOTS I EXTRA-TERRESTRES

Transmorphers est un film qui prouve à quel point la société de production The Asylum n’a peur de rien : ni de se lancer dans une grande épopée de science-fiction avec un budget d’à peine 300 000 dollars, ni de risquer une action en justice pour plagiat. Car même si l’on n’est pas dyslexique, comment ne pas se laisser abuser par ce poster et par ce titre qui, à une inversion de lettres près, est identique à celui de Transformers ? La démarche est ici la même que celle de Roger Corman lorsqu’il initia Carnosaur à toute allure pour pouvoir sortir sa petite série B avant même que Jurassic Park soit distribué en salles. Dans un esprit voisin, Transmorphers alimente les bacs vidéo deux jours avant la sortie officielle de Transformers. Pour y parvenir, le scénariste/réalisateur Leigh Scott (Le Seigneur du monde perdu, Frankenstein Reborn) bricole en vitesse cette fable futuriste sans avoir la moindre idée de l’intrigue du blockbuster de Michael Bay qu’il est censé imiter. L’histoire de Transmorphers commence en 2009, lorsque des robots extra-terrestres géants attaquent notre planète, détruisent toutes les grandes cités et obligent les survivants à se réfugier sous terre. Alors qu’à la surface règnent une nuit et une tempête permanentes, l’humanité s’est déployée dans des bunkers pendant plusieurs générations. Plus de 300 ans après l’attaque, un petit groupe de rebelles humains projette de reprendre le monde aux envahisseurs mécaniques…

Conscient de ses limitations budgétaires, Leigh Scott concocte un film très bavard. La grande majorité des séquences est donc constituée de dialogues dans un décor de bunker futuriste emprunté à la série Firefly. On débat, on obéit aux ordres, on boit un coup, on se dispute, on se prépare au combat, on se re-dispute, on se réconcilie, on s’entraîne… La patience du spectateur est donc soumise à rude épreuve. Lorsque le petit commando sort enfin de son repaire pour aller « casser du robot », il devient évident que la source d’inspiration principale de Transmorphers est le cinéma de James Cameron, bien plus que celui de Michael Bay. On pense beaucoup à Terminator (les rebelles qui luttent contre l’oppresseur robotique dans des ruines futuristes) et à Aliens (le commando de durs à cuire armé jusqu’aux dents qui veut en découdre avec l’ennemi extra-terrestre). Un coup de théâtre à mi-parcours laisse affleurer une autre source d’inspiration : Blade Runner. Sur le papier, tout ceci peut sembler prometteur. À l’écran, c’est une autre histoire…

Rien ne se perd, tout se transmorphe

On ne peut certes pas reprocher aux séquences d’effets spéciaux leur manque d’ambition, mais le résultat est tellement maladroit qu’il en devient embarrassant. Les images de synthèse qui donnent corps aux Z-Bots (les androïdes bipèdes agressifs), aux Heavy Mechs (les robots géants qui se transforment en tanks ou en canons) et aux ARV (les engins volants) sont toutes plus laides les unes que les autres, tout comme les horribles incrustations des comédiens dans des décors numériques (le clou du spectacle en ce domaine étant la poursuite en scooters volants, un grand moment d’humour involontaire). Il y a certes un joli panorama large du monde souterrain futuriste, à mi-chemin entre Metropolis, Blade Runner et Matrix, mais le montage le réutilise tant de fois qu’il finit par lasser. Pour le reste, l’ennui s’installe rapidement. Même les scènes de bagarres entre humains sont ratées, malgré les mouvements de caméra accidentés, le montage nerveux et l’effet ralenti qui essaient de camoufler la chorégraphie très approximative des comédiens. Transmorphers est donc un film pataud et mal-fichu qu’on aurait aimé pourtant aimer, ne serait-ce que pour le culot de son titre. Les distributeurs français, plus prudents, ont préféré le rebaptiser Robot War pour sa sortie en DVD.

 

© Gilles Penso


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ALICE AU PAYS DES MERVEILLES (1933)

Un casting quatre étoiles tient la vedette dans cette adaptation de Lewis Carroll co-écrite par Joseph Mankiewicz et William Cameron Menzies…

ALICE IN WONDERLAND

 

1933 – USA

 

Réalisé par Norman Z. McLeod

 

Avec Charlotte Henry, Richard Arlen, Roscoe Ates, Gary Cooper, Leon Errol, Louise Fazenda, W.C. Fields, Skeets Gallagher, Cary Grant, Raymond Hatton

 

THEMA CONTES

Par son casting quatre étoiles, son ampleur et sa richesse visuelle, cette transcription sur grand écran des écrits de Lewis Carroll demeure probablement l’une des plus marquantes de toutes. Et pourtant l’histoire du cinéma n’en manque pas ! Le vétéran Norman Z. McLeod assure la mise en scène en s’appuyant sur un scénario co-écrit par Joseph L. Mankiewicz et William Cameron Menzies (respectivement futurs réalisateurs de Cléopâtre et des Envahisseurs de la planète rouge). Leur script adapte non seulement « Alice au Pays des Merveilles », paru en 1865, mais aussi « De l’autre côté du miroir », la suite que l’auteur écrivit six ans plus tard. Le film s’inspire aussi beaucoup de l’adaptation théâtrale conçue pour Broadway par Eva Le Gallienne et Florida Friebus, alors toute récente. Si le rôle principal est tenu par la débutante Charlotte Henry (choisie parmi des milliers de postulantes), tout un parterre de stars lui donne la réplique en incarnant à tour de rôle les créatures fantastiques disséminées sur son chemin. W.C. Fields (David Copperfield) joue Humpty Dumpty, Edna May Oliver (Les Quatre filles du docteur March) la reine rouge, Cary Grant (La Mort aux trousses) la tortue, Gary Cooper (Le Train sifflera trois fois) le valet blanc, Edward Everett Horton (Arsenic et vieilles dentelles) le chapelier fou, Charles Ruggles (L’Impossible Monsieur Bébé) le lièvre de mars et Richard Arlen (L’île du docteur Moreau) le chat du Cheshire.

Lorsque le film commence, la jeune Alice se languit dans une grande maison victorienne, tandis qu’au dehors la pluie s’abat sur les rues. Pour tromper son ennui, elle essaie d’imaginer à quoi le monde ressemble de l’autre côté du grand miroir qui orne le salon. Pour répondre à cette question, elle va devoir s’endormir dans son fauteuil et entrer dans l’univers des songes. Refrain connu, la jeune fille fait d’abord la rencontre du lapin blanc qu’elle suit jusque dans un terrier où elle tombe. Elle boit ensuite une potion et mange un gâteau qui la font grandir et rapetisser, nage dans une mer de larmes et croise la route de toute une faune excentrique. Au beau milieu d’une partie de croquet avec le roi et la reine de cœur, elle se retrouve inexplicablement condamnée à avoir la tête tranchée. C’est le moment idéal pour se réveiller…

Il faut sauver la Paramount !

L’image noir et blanc inhérente aux années 1930 se prête fort bien à un récit qu’on imagine pourtant généralement sous un aspect très coloré, car tout se passe ici comme si les célèbres illustrations d’époque de John Tenniel prenaient vie sous nos yeux. La naïveté des costumes donnant vie à l’incroyable bestiaire du film se combine à une grande quantité d’effets visuels de haute tenue pour offrir au public un spectacle hybride, à mi-chemin entre le luxe d’une superproduction et l’artisanat fait-main, très en accord avec le sens de l’absurde, de l’humour et de la poésie qu’affectionnait Lewis Carroll. Il est heureux que le studio Paramount, à la tête de cette production, ait damé le pion de Walt Disney qui prévoyait à la même époque de mettre en chantier sa propre adaptation en mêlant prises de vues réelles et dessin animé. Le Alice au pays des merveilles de Disney ne sortira finalement que deux décennies plus tard, intégralement animé. Après un premier montage d’une durée de 90 minutes, le film de Norman McLeod est distribué sous son format final de 77 minutes. Paramount, alors en pleines difficultés financières, espère que le casting prestigieux attirera les foules. Hélas, personne ne les reconnaît sous leurs costumes extravagants ! Alice au pays des merveilles ne sauvera donc pas de la banqueroute Paramount, qui ne s’en sortira que grâce aux succès surprise de deux comédies avec Mae West, Lady Lou et Je ne suis pas un ange.

 

© Gilles Penso


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LE GÉANT DE LA STEPPE (1956)

Une gigantesque épopée russe dans laquelle un chevalier légendaire rencontre des créatures fantastiques et des barbares assoiffés de sang…

ILYA MUROMETS

 

1956 – RUSSIE

 

Réalisé par Aleksandr Ptushko

 

Avec Boris Andreyev, Shukur Burkhanov, Andrei Abrikosov, Natalya Medvedeva, Ninel Myshkova, Sergey Martinson, Georgi Dyomin, Aleksandr Shvorin

 

THEMA HEROIC FANTASY I CONTES I DRAGONS

Le Géant de la steppe est un film monstre, une superproduction aux proportions colossales réalisée par le célèbre réalisateur russe Aleksandr Ptushko pour le compte de la compagnie Mosfilm, alors très fière de faire la démonstration de son système Cinémascope baptisé Sovscope. Cette grande aventure fantastique s’appuie sur une série de poèmes épiques ancrés depuis des siècles dans la culture populaire soviétique. Son héros est le légendaire guerrier Ilya Muromets. Pour donner corps à cette épopée sur grand écran, Mosfilm met le paquet : de très gros moyens (les chiffres effarants de 100 000 figurants et de 11 000 chevaux circulaient à l’époque), des effets spéciaux à grande échelle, des décors somptueux et des costumes majestueux inspirés du tableau « Bogatyrs » peint en 1898 par Viktos Vasnetsov. Le Géant de la steppe se déroule au cœur d’une terre enchanteresse où la nature est chatoyante et où scintillent les lacs dorés. Cette belle harmonie est menacée par le redoutable Kalin, à la tête d’une horde barbare qui pille et brûle tout sur son passage. Ce sont les terrifiants Kougars. « C’était l’époque des géants et des dragons » nous annonce la voix off, alors que l’action se transporte dans un petit village.

La séquence suivante, superbement surréaliste, montre un chevalier titanesque marcher au milieu des montagnes. Rejoint par des hommes minuscules qui réclament son aide, le géant plante son épée dans le sol, les enjoint à trouver un héros susceptible de les protéger, puis se fond dans le paysage. Notre héros fait alors son apparition. Jusqu’alors paralysé, Ilya Ivanovich Muromets (Boris Andreyev) retrouve sa force et récupère l’épée magique. Capable d’arracher des arbres à mains nues ou de soulever des rochers, Ilya voit son petit poulain se muer en grand destrier, se laisse guider par les oiseaux qui indiquent son chemin et voit son trajet semé de nombreuses embûches et d’un généreux bestiaire fantastique emprunté à la mythologie russe. Avant de devenir le sauveur que chanteront de nombreux poèmes, Ilya trouve une épouse à qui il donne un fils, affronte une première fois Kalin, se heurte au prince Vladimir (Andrei Abrikosov) qui le prend pour un traitre et le fait enfermer avant de comprendre sa méprise puis finit par lever une armée qui se prépare à la plus gigantesque des batailles…

L’ancêtre de Ghidrah

Ce récit folklorique est régulièrement ponctué par l’apparition de créatures imaginaires qui ne peuvent qu’égayer l’amateur de fantasmagories. Outre le chevalier géant des montagnes qui ouvre le bal, on note un démon aux allures d’homme de Neandertal qui souffle de redoutables rafales de vent (via des prothèses mécaniques étonnantes) ou encore un colosse grimaçant aux allures de Bouddha soutenu par une horde de serviteurs (une marionnette grandeur nature actionnée de l’intérieur). Il faut cependant attendre la bataille finale pour que surgisse le clou du spectacle, autrement dit un impressionnant dragon tricéphale qui vaut au film son titre international : The Sword and the Dragon. Cet ancêtre du Ghidrah japonais fend les airs en battant des ailes tandis que ses têtes crachent du feu. Le film abonde alors de visions surréalistes, comme celle de la gigantesque silhouette du monstre qui vole derrière les belligérants, plane au-dessus des décors enfumés ou enflamme champs et drakkars. Conçu tour à tour à l’aide d’une maquette miniature et d’une marionnette grandeur nature, ce monstre reptilien finira triplement décapité à l’issue d’un combat particulièrement mouvementé. Riche en sentiments patriotiques exacerbés (« c’est la terre que j’aime et que défendrai contre les envahisseurs » dit l’un des dialogues), ponctué d’humour et même de quelques chansons, Le Géant de la steppe est un spectacle unique en son genre qui se bonifie à chaque visionnage malgré son idéologie aujourd’hui datée.

 

© Gilles Penso


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METAL MAN (2008)

Une imitation fauchée d’Iron Man dans laquelle un justicier dans une armure en plastique lutte contre des gangsters et un robot…

METAL MAN

 

2008 – USA

 

Réalisé par Ron Karkoska

 

Avec Samuel Nathan Hoffmire, Reggie Bannister, P. David Miller, Jill Shackelford, Leah Grimsson, Katherine Pawlak, Shane Russeck, Jed Rowen, Anthony Antonucci

 

THEMA SUPER-HÉROS

Ron Karkosa fréquente les plateaux de cinéma depuis le début des années 2000. Maquilleur prosthétique sur Faust, 2001 Maniacs, Tamara, D-War, Evil Twins, créateur d’effets spéciaux pour Wishmaster 3, Reeker, Le Pacte et même A.I. Intelligence artificielle de Steven Spielberg (tout de même !), il décide de passer à la mise en scène en 2008. On aurait pu penser que son expérience acquise au fil des ans auprès de toutes sortes de réalisateurs aurait porté ses fruits. Or cette première « œuvre » nous abasourdit par son amateurisme. L’image est hideuse, la prise de son catastrophique, les acteurs mauvais comme des cochons, le montage aux fraises… Bref rien ne va ! Le concept du film lui-même laisse perplexe : une imitation dénuée du moindre scrupule d’Iron Man. Si encore le projet avait une vocation parodique, sa mise en chantier aurait pu faire sens. Or Metal Man se prend très au sérieux, ce qui renforce évidemment son énorme potentiel comique au douzième degré. Le héros de ce long-métrage improbable est Kyle Finn, un étudiant incarné sans la moindre conviction par un « acteur » trentenaire pataud. Kyle est secrètement amoureux de sa camarade Julie (Leah Grimson), mais il n’ose lui déclarer sa flamme. Ce qui nous donne droit à une palpitante séquence de discussion sur le chemin de l’école qui se résume à peu près à ça : « Ça va ? », « Oui ça va et toi ? », « Moi ça va », « Okay », (silence) « Tu y vas, là ? », « Oui, j’y vais », « Ah », (silence) « Bon ben je vais y aller alors », « D’accord », (silence) « Allez j’y vais », « Okay ».

Kyle travaille pour un scientifique excentrique, le docteur Arthur Blake (Reggie Bannister, acteur récurrent de la franchise Phantasm). Ce dernier a conçu une armure high-tech mais son ancien associé, le vil Sebastian (P. David Miller), veut utiliser son invention à des fins militaires. Comme il est très méchant, il brutalise Blake qui meurt aussitôt. Les parents de Kyle eux-mêmes sont sauvagement assassinés par les vilains. Les deux acteurs sont donc couverts de ketchup et essaient vaguement de rester immobiles pour sembler morts. Revêtu de sa belle combinaison en plastique imitation métal à mi-chemin entre Iron Man, Robocop et Bio-Man, Kyle va dès lors jouer les redresseurs de tort, guidé par une intelligence artificielle à l’effigie de Blake qui communique avec lui dans son casque (c’est-à-dire une image vidéo pixellisée qui aurait même semblé datée dans les années 1980).

super zéro

Le merveilleux scénario écrit par Carlos Perez, Ted Chalmers et Novin Shakiba (oui, ils s’y sont mis à trois !) nous offre des rebondissements parfaitement inutiles, comme la capacité du héros à changer de visage pour passer inaperçu, ainsi que de longues scènes de dialogue inintéressantes, filmées avec les pieds et quasiment inaudibles (il n’y a visiblement pas de budget pour payer un ingénieur du son). Des combats d’une mollesse impensable opposent le fier « homme métal » à des adeptes des arts martiaux, des petites frappes aux gros bras et un robot, le tout dans les décors les plus banals et les moins photogéniques du monde. En parfait décalage avec l’absurdité générale du film, l’actrice Jill Shackelford (dans le rôle de la fille du savant assassiné) joue ses séquences avec une intensité qui laisse imaginer qu’elle se croit dans une œuvre oscarisable. Elle récite ses répliques avec passion, crie, s’émeut, pleure, bref nous livre une bande-démo presque convaincante qui n’aidera pourtant pas sa carrière future. Qui voudrait d’un Metal Man dans son C.V. ? Fort heureusement, Ron Karkoska abandonnera la réalisation après ce galop d’essai pour revenir plus raisonnablement à ses activités dans les effets spéciaux.

 

© Gilles Penso


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