EDGE OF TOMORROW (2014)

Prisonniers d'une boucle temporelle, Tom Cruise et Emily Blunt luttent inlassablement contre une race extra-terrestre insaisissable

EDGE OF TOMORROW

2014 – USA

Réalisé par Doug Liman

Avec Tom Cruise, Emily Blunt, Brendan Gleeson, Bill Paxton, Jonas Armstrong, Tony Way, Kick Gurry, Franz Drameh 

 

THEMA FUTUR I EXTRA-TERRESTRES I VOYAGES DANS LE TEMPS

Vendu comme un croisement surréaliste entre Un Jour sans fin et Starship TroopersEdge of Tomorrow avait de quoi laisser perplexe. D’autant que la bande-annonce affichait d’autres sources d’inspiration tout aussi disparates : District 9, Il faut sauver le soldat RyanSource Code, Aliens… Ce blockbuster porté par la superstar Tom Cruise ne serait-il qu’un patchwork conçu pour capitaliser sur plusieurs succès passés ? Que nenni ! Mû par une énergie et un savoir-faire qui semblaient s’être évaporés depuis La Mémoire dans la peau, Doug Liman met en scène une superbe épopée de science-fiction aux rebondissements vertigineux. Le scénario de Christopher McQuarrie (collaborateur régulier de Bryan Singer) adapte « All You Need is Kill », un roman japonais de Hiroshi Sakurazaka illustré par Yoshitoshi Abe puis transformé en manga quelques années plus tard. Les personnages ont été américanisés mais le récit reste identique. Nous sommes sur la Terre du futur, frappée par une guerre sanglante opposant les humains à une race extra-terrestre insaisissable et extrêmement puissante, les Mimics.

Plongé malgré lui au cœur du conflit, le colonel Bill Cage (Tom Cruise) est tué dès son premier jour de bataille. Mais aussitôt, coincé dans une boucle temporelle, il revient à lui la veille et revit inlassablement la même journée de préparatifs puis de combat. Pour sortir de ce cycle et donner une chance à l’humanité de remporter cette guerre sans espoir, Cage va devoir s’associer à la combattante Rita Vrataski (Emily Blunt) et trouver la seule faille susceptible de défaire l’ennemi. Ne cherchez pas dans Edge of Tomorrow la charge antimilitariste et la cinglante satire politique d’un Paul Verhoeven. Le propos du film de Liman est ailleurs. Divertissement pur porté par une mise en forme extrêmement soignée, une photographie âpre de Dion Beebe (Collatéral, Miami Vice), une musique efficace de Christophe Beck (on aurait préféré John Powell, mais bon…) et d’hallucinants effets visuels donnant corps aux hideux Mimics, Edge of Tomorrow embrasse sans complexe son statut de fable de SF pure et dure sans chercher ailleurs que dans la folie de son concept une quelconque légitimité aux yeux du public.

Vivre, mourir, recommencer…

Parfaitement en phase avec la tonalité mi-légère mi-sombre du film (un exercice d’équilibre délicat auquel s’astreint Liman sans fausse note), Tom Cruise s’investit totalement dans son rôle, avec un charisme et une conviction toujours intacts. Chacun est libre de penser ce qu’il veut de l’homme, de ses frasques, de ses sympathies et de ses déclarations parfois embarrassantes. Mais l’acteur, lui, reste impeccable, ses accointances avec la science-fiction (Minority ReportLa Guerre des Mondes, Oblivion) lui permettant d’élargir son registre sans se départir de cette implication physique inconditionnelle qui fait défaut à bien de ses collègues. A ses côtés, Emily Blunt ne démérite pas, parfaitement crédible en émule futuriste des guerrières de Robert Howard, tandis que Bill Paxton et Brendan Gleeson nous offrent des seconds rôles savoureux. Bref, voilà un spectacle de haut niveau qui s’assume et parvient à échapper à ses influences premières pour définir un style finalement très personnel.

 

© Gilles Penso

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LES NAUFRAGÉS DE L’ESPACE (1969)

Une course contre la montre s'engage pour sauver trois astronautes incarnés par Richard Crenna, James Franciscus et Gene Hackman

MAROONED

1969 – USA

Réalisé par John Sturges

Avec Gregory Peck, Richard Crenna, David Janssen, James Franciscus, Gene Hackman

THEMA SPACE OPERA

Plus connu pour ses réalisations comme Règlement de compte à OK Corral, La Grande évasion ou Les Sept mercenaires, John Sturges s’embarque pour l’espace à la fin de l’année 1969 en adaptant le roman Marooned de Martin Caidin. Cela donne Les Naufragés de l’espace. Une curiosité à redécouvrir. Après plusieurs mois passés en orbite terrestre, les astronautes de la mission Ironman 1 Jim Pruett (Richard Crenna), Buzz Lloyd (Gene Hackman) et Clayton Stone (James Franciscus) se préparent à rentrer sur Terre. Cependant, un dysfonctionnement impromptu des rétrofusées de leur vaisseau exclut toute rentrée atmosphérique. La NASA ne dispose que de quarante-huit heures pour lancer une opération de sauvetage en direction de la capsule Apollo dont les réserves d’oxygène s’amenuisent inexorablement.

De discussion en discussion, l’agence spatiale finit par monter ladite opération de sauvetage à l’aide d’un avion spatial expérimental. Ce dernier doit être lancé au sommet d’une fusée Titan III-C avec à son bord Ted Dougherty (David Jansen). Il rejoint finalement in extremis les hommes d’Ironman 1 et profite du soutien d’un vaisseau Voskhod russe venu en renfort pour sauver ces Naufragés de l’espace dont le casting est irréprochable. Gregory Peck donne tout le charisme nécessaire à son personnage du directeur des vols habités de la NASA. Idem pour David Jansen, qui semble encore vêtu des habits du Docteur Richard Kimble de la série Le Fugitif et dont le physique évoque curieusement le patron du bureau des astronautes de l’époque, en l’occurrence Deke Slayton. Pour leur part, le regretté Richard Crenna et son équipage, James Franciscus (disparu en 1991) et Gene Hackmann, s’acquittent fort bien de leur mission.

Un superbe catalogue du matériel de la NASA

Bon soyons franc, scénarisitiquement parlant ce très bon divertissement, aujourd’hui un poil daté, est quand même un peu léger. Néanmoins, il nous offre tout de même de beaux moments de bravoure et un superbe catalogue du matériel de la NASA de l’ère Apollo (lorsque le film sort, le programme lunaire est à son zénith). On notera en effet que la station « SIV-B », dans laquelle séjournent les astronautes du film, n’est autre que la future station Skylab, légèrement modifiée pour les besoins du film, et qui sera lancée autour de la Terre en 1973. Pour sa part, le petit avion spatial X-RV n’existait pas, bien sûr. Toutefois, son lien de parenté avec feu le CRV est évident. Sorti le 10 novembre 1969, soit quelques jours avant le départ de la mission Apollo 12 – et surtout quatre mois après l’alunissage historique d’Apollo 11-, le film annonce également la collaboration dans l’espace puisque un vaisseau russe et un américain effectuent un rendez-vous spatial. Ce film a également un caractère prémonitoire, la réalité rattrappant la fiction puisque seulement six mois plus tard, ce sont les astronautes de la mission Apollo 13 qui se retrouvent en danger de mort dans l’espace. Mission qui heureusement se terminera bien grace au sang-froid des ingénieurs de la NASA. Mais ceci est une autre histoire, portée à l’écran vingt-cinq ans plus tard…

 

© Antoine Meunier

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LEVIATHAN (1989)

La mode étant aux fonds marins à la fin des années 80, George Pan Cosmatos tente une variante aquatique d'Alien

LEVIATHAN

1989 – USA

Réalisé par George Pan Cosmatos

Avec Peter Weller, Richard Crenna, Amanda Pays, Daniel Stern, Ernie Hudson, Michael Carmine 

THEMA MONSTRES MARINS

Voilà un film bien huilé, rondement mené, qui s’acquitte proprement des conventions sans ajouter quoi que ce soit de fondamental au genre qu’il explore. C’est d’autant plus flagrant que ce Leviathan recopie ouvertement et quasi littéralement l’incontournable Alien, pourtant suffisamment encombré de plagiats et de suites depuis la fin des années 70. Les deux scénaristes ne sont pourtant pas nés de la dernière pluie, puisqu’il s’agit de David Webb Peoples (Blade Runner et Ladyhawke tout de même) et Jeb Stuart (48 heures et Piège de Cristal, ça n’est pas rien !). Ici, nos deux hommes se contentent paresseusement de déplacer sous l’eau le récit du classique de Ridley Scott, les fonds marins ayant subitement attiré les cinéastes du genre en cette belle année 1989, comme le prouvent notamment Abyss de James Cameron et M.A.L. de Sean Cunningham.

Nous sommes au large de la Floride. Une station de forage sous-marine (substitut du vaisseau Nostromo de Ridley Scott), installée par trois mille cinq cents mètres de fond, abrite une équipe d’ouvriers chargés d’extraire un précieux minerai. Bientôt, ils mettent à jour l’épave d’un navire scientifique russe (équivalent du vaisseau fantôme d’Alien) qui gît dans les abysses depuis la guerre froide et porte le nom de « Leviathan ». Dans la Bible, ce mot sert à désigner un gigantesque serpent de mer dont Gustave Doré tira une magnifique gravure, mais est également l’un des nombreux noms attribués à Satan. Le terme s’avère ici prophétique, dans la mesure où l’épave abrite une immonde créature métamorphe, fruit d’une expérience ratée, qui s’éveille et commence à semer la terreur parmi les mineurs. 

Des abominations héritées de Lovecraft

A partir de là, d’autres influences viennent se greffer au scénario, notamment The Thing de John Carpenter et La Mouche de David Cronenberg. Car les deux premiers ouvriers à découvrir la substance à l’origine de tous les maux connaissent une rapide dégénérescence cellulaire avant que leurs deux corps ne fusionnent tout bonnement. Dès lors, les cadavres vont tranquillement s’enchaîner, chacun se mélangeant ou se divisant pour donner naissance à autant de créatures innommables empruntant leur morphologie à diverses créatures marines et s’inspirant partiellement des abominations décrites par H.P. Lovecraft. Conçus par Stan Winston, ces monstres surprenants sont les principales attractions du film, surgissant régulièrement pour relancer l’action et éclaboussant de temps à autre l’écran de quelques effets gore efficaces (avec notamment une espèce de sangsue qui vide ses victimes de leurs entrailles). Pour le reste, Leviathan laisse froid et ne marquera guère durablement les mémoires. Et ce malgré le savoir-faire du réalisateur George Pan Cosmatos (Rambo 2), la belle photographie du vétéran Alex Thomson (Legend) et la présence en tête d’affiche de quelques trognes savoureuses comme Peter Weller (Robocop), Ernie Hudson (S.O.S. Fantômes) ou encore Richard Crenna (la trilogie Rambo). Quant au designer Ron Cobb et au compositeur Jerry Goldsmith, la production leur a prudemment demandé de réitérer le travail qu’ils avaient effectué sur Alien.

 

© Gilles Penso

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SATURN 3 (1980)

Le réalisateur de Chantons sous la pluie transporte dans l'espace Kirk Douglas, Farrah Fawcett , Harvey Keitel et un robot très agressif

SATURN 3

1980 – USA

Réalisé par Stanley Donen

Avec Kirk Douglas, Farrah Fawcett, Harvey Keitel, Ed Bishop, Douglas Lambert, Christopher Muncke

THEMA FUTUR I SPACE OPERA I ROBOTS

Saturn 3 aurait dû être la première réalisation de John Barry, brillant chef décorateur d’Orange MécaniqueLa Guerre des étoiles et des deux premiers Superman (à ne pas confondre avec son homonyme, le légendaire compositeur des James Bond). Barry avait écrit ce récit de science-fiction, dont le scénario fut finalisé par Martin Amis, et en commença le tournage. Mais peu à peu, le producteur Stanley Donen commença à émettre des doutes sur sa capacité à mener à bien le film, Barry passant plus de temps à préparer les séquences qu’à les tourner. Donen, à qui nous devons le fabuleux Chantons sous la pluie, vint donc l’épauler sur le tournage, suscitant des tensions qu’aggrava quelque peu le comportement des acteurs du film, persuadés eux aussi que Barry n’était pas l’homme de la situation. Ce dernier décida donc de quitter le navire, laissant Donen achever le film sans lui. Ce départ alimenta la presse de l’époque, désignant aussitôt Saturn 3 comme un « film à problème ». Ce statut peu enviable se confirma lorsque la compagnie de production ITC réduisit son budget à cause des dépassements financiers d’une autre production maison, La Guerre des abîmes de Jerry Jameson.

Et pourtant, Saturn 3 possède un charme indéniable que ni ses difficultés de production, ni sa réputation de « nanar de l’espace » (comme le définirent à l’époque de nombreuses critiques totalement injustifiées) ne parvinrent à entacher. Nous sommes dans un lointain futur. Deux savants misanthropes, Adams (Kirk Douglas) et sa compagne Axelle (Farrah Fawcett), se sont réfugiés sur Saturn 3, une station orbitale installée sur une des lunes de Saturne, afin de travailler sur un programme de nutrition. Un jour, ils reçoivent la visite d’un navire terrien. A son bord se trouvent Benson (Harvey Keitel), un tueur psychopathe qui se fait passer pour le capitaine James, et Hector, un robot d’un nouveau type. Bientôt Hector, programmé par son créateur, ne tarde pas à dérailler. Ses instincts meurtriers et son attirance pour Axelle, directement dictés par l’esprit de Benson, obligeront le couple à organiser une défense draconienne.

Une inspiration qui vient des comics des années 50

A la fois space opéra ambitieux et thriller éprouvant, Saturn 3 s’efforce d’évacuer les influences esthétiques de La Guerre des étoiles et Alien en s’appuyant sur une direction artistique originale. « L’idée qui sous-tendait les designs de Saturn 3 était de s’inspirer de la bande dessinée “Dan Dare in the Eagle“, créée dans les années 50 par Frank Hampson », nous explique le chef décorateur Stuart Craig. « Nous nous sommes donc efforcés d’imaginer des décors brillants et plutôt glamour, en opposition avec les univers grumeleux, graisseux et high-tech que proposaient généralement les films d’anticipation de l’époque, notamment Alien de Ridley Scott. » (1) Construire un huis-clos tendu dans un tel environnement était un pari osé, dont Stanley Donen se tire avec les honneurs, s’appuyant sur les effets spéciaux inventifs de Colin Chilvers et sur son trio d’acteurs charismatiques, Harvey Keitel volant vite la vedette au héros dur à cuire et à sa jolie poupée Barbie incarnés respectivement par Kirk Douglas et Farrah Fawcett.

 

(1) Propos recueillis par votre serviteur en décembre 2005

 

© Gilles Penso

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LES SORCIERES DE ZUGARRAMURDI (2013)

Deux gangsters en fuite se retrouvent sans le savoir dans un village où un groupe de sorcières s'apprête à se livrer à un rituel très inquiétant

LAS BRUJAS DE ZUGARRAMURDI

2013 – ESPAGNE

Réalisé par Alex de la Iglesia

Avec Javier Botet, Mario Casas, Carmen Maura, Hugo Silva, Carolina Bang, Macarena Gomez, Carlos Areces, Maria Barranco

THEMA SORCELLERIE ET MAGIE

Pour son onzième long-métrage, le réalisateur le plus déjanté du cinéma espagnol a décidé de plonger en plein sabbat des sorcières au fin fond d’un lieu étrange couvant de terrifiants secrets : le village de Zugarramurdi. Contrairement à ce qu’on pourrait imaginer, ce nom barbare n’a pas été inventé par Alex de la Iglesia puisqu’il s’agit d’un site emblématique bien réel. « D’après de nombreux historiens, c’est dans ce village que sont nées la sorcellerie et la pratique du Salem, non seulement en Espagne mais probablement sur tout le continent européen », nous raconte le cinéaste. « Dans la grotte de Zugarramurdi se déroulaient des assemblées nocturnes de sorcières et de véritables orgies. J’ai toujours trouvé ça fascinant, et l’idée d’en tirer un film me trottait dans la tête depuis longtemps. » (1)

Les Sorcières de Zugarramurdi commence sur des chapeaux de roue en empruntant les atours d’un thriller au second degré. Deux hommes respectivement déguisés en Jesus Christ et en soldat profitent de l’affluence d’une place touristique de Madrid pour braquer un magasin d’or. Les choses tournent mal et les gangsters amateurs prennent la fuite avec la complicité involontaire d’un chauffeur de taxi. Ils comptent atteindre la France pour échapper à la police espagnole. Mais à l’approche de la frontière, ils se retrouvent dans le village de Zugarramurdi, repaire d’une famille de redoutables sorcières. Le basculement abrupt de l’intrigue pseudo-policière vers le pastiche débridé de cinéma d’horreur évoque la structure atypique d’Une Nuit en enfer, mais la comparaison s’arrête là. Car là où Robert Rodriguez se livrait à un simple défouloir gore et burlesque marchant allègrement sur les traces de Zombie et Braindead, Alex de la Iglesia laisse émerger derrière la fantaisie et le grain de folie de profondes réflexions sur la condition humaine et sur les relations complexes liant les deux sexes.

Misogyne ou féministe ?

De prime abord, Les Sorcières de Zugarramurdi semble être une œuvre résolument misogyne, dans la mesure où tous les personnages féminins y sont infréquentables : possessives, dominatrices, manipulatrices, voire psychopathes, satanistes et anthropophages ! Mais ce n’est qu’une façade trompeuse qui, paradoxalement, laisse au contraire s’exprimer une forme inattendue de féminisme. « Quand on y réfléchit, il est assez ridicule de taxer Les Sorcières de Zugarramurdi de misogynie », confirme le cinéaste. « En revanche, je peux y reconnaître une certaine forme de misanthropie. Je pense en réalité que les femmes sont supérieures aux hommes à tous points de vue et en sont conscientes. La femme se suffit à elle-même, alors que l’homme a besoin d’elle pour pouvoir exister. Les femmes vivent dans le présent, alors que les hommes sont terrorisés par les erreurs du passé et ont peur de les répéter dans le futur. L’égalité des sexes est donc un mensonge pur et dur. » (2) Pour donner corps à ces arguments de poids, Alex de la Iglesia convoque en fin de métrage une créature femelle monstrueuse qui nous offre un climax totalement délirant et clôt cette œuvre singulière sur un hommage aux films de monstres qui bercèrent l’enfance du réalisateur.

(1) et (2) Propos recueillis par votre serviteur en novembre 2013.

 

© Gilles Penso

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X-MEN : DAYS OF FUTURE PAST (2014)

L'ancienne et la nouvelle génération des X-Men cohabitent dans cet épisode mouvementé au scénario vertigineux

X-MEN DAYS OF FUTURE PAST

2014 – USA

Réalisé par Bryan Singer

Avec Hugh Jackman, James McAvoy, Michael Fassbender, Jennifer Lawrence, Peter Dinklage, Patrick Stewart, Ian McKellen

THEMA SUPER-HEROS I MUTATIONS I SAGA X-MEN I MARVEL

Au sein de la saga protéiforme des X-Men, il est généralement admis que les épisodes les plus aboutis sont ceux réalisés par Bryan Singer (X-MenX-Men 2) et Matthew Vaughn (X-Men : le commencement). Savoir ces deux hommes impliqués ensemble dans X-Men Days of Future Past attisait logiquement tous les espoirs. Pressenti comme réalisateur du film, Vaughn céda finalement la place à Synger tout en conservant ses postes de co-scénariste et co-producteur.  X-Men Days of Future Past serait-il donc l’opus idéal, combinant les composantes des meilleurs chapitres qui le précédèrent ? C’est en tout cas le plus ambitieux de tous, multipliant jusqu’à l’étourdissement les enjeux dramatiques et entremêlant des séquences de suspense haletantes dans deux espaces temporels différents. Le concept, inspiré des comics de la série « Days of Future Past » conçue par Chris Claremont et John Byrne, repose en effet sur un voyage dans le temps aux répercussions planétaires.

Tout commence dans un futur apocalyptique où s’ébattent les derniers survivants d’une guerre n’ayant laissé aucun vainqueur. Humains et mutants s’y sont entredéchirés, tandis que les Sentinelles, de redoutables robots indestructibles, parachevaient le massacre. Réfugiés dans les cendres fumantes de ce que fut la civilisation, une dizaine d’X-Men va tenter une manœuvre désespérée pour sauver le monde : renvoyer l’un d’entre eux dans le passé pour empêcher Mystique d’assassiner un scientifique et enrayer ainsi la folle course à l’armement anti-mutant qui provoqua l’apocalypse. Wolverine se porte volontaire et se retrouve en 1973, avec comme mission délicate de réunir deux ennemis jurés : le professeur Xavier et Magneto. Si le postulat évoque Terminator, ce n’est pas un hasard. Bryan Singer s’est en effet longuement entretenu avec James Cameron avant d’attaquer le tournage pour échanger sur le thème des paradoxes temporels. Et l’on retrouve d’ailleurs plusieurs composantes du diptyque robotique de Cameron dans le prologue du film, notamment les montagnes de squelettes humains et les machines humanoïdes aux morphologies changeantes.

Réinventer le passé pour sauver le futur

Empruntant tour à tour les effets de style de l’épopée post-apocalyptique, du récit d’espionnage, du thriller politique, du « caper movie » et finalement très peu du film de super-héros traditionnel, X-Men Days of the Future Past collectionne les morceaux d’anthologie, le plus incroyable d’entre eux mettant en scène le mutant Quicksilver, tellement rapide dans ses déplacements que le monde autour de lui semble bouger mille fois plus lentement. Merveille de mise en scène, d’effets visuels et de chorégraphie, la séquence en question redéfinit radicalement le « bullet time » popularisé par Matrix (et employé avec tant de balourdise dans The Amazing Spider-Man 2). Mais les forces dramatiques ne se voilent jamais derrière la virtuosité technique. A ce titre, la première confrontation des jeunes Xavier et Magneto, toute en tensions exacerbées, constitue l’un des points culminants de cet exercice narratif vertigineux, à la fois séquelle de Wolverine : le Combat de l’Immortel et de X-Men : le commencement et préquelle du premier X-Men.

 

© Gilles Penso

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GODZILLA (2014)

Le jeune réalisateur britannique Gareth Edwards réinvente le Roi des Monstres avec une flamboyance qu'on n'espérait plus

GODZILLA

2014 – USA

Réalisé par Gareth Edwards

Avec Aaron Taylor-Johnson, Ken Watanabe, Elizabeth Olsen, Bryan Cranston, Juliette Binoche, Sally Hawkins, David Strathairn 

THEMA DINOSAURES I SAGA GODZILLA I MONSTERVERSE

Malgré l’échec cuisant du Godzilla hollywoodien réalisé par Roland Emmrich, la Toho confia à nouveau à un studio américain son monstre vedette pour célébrer ses 60 années de bons et loyaux services. Mais le projet partait cette fois avec deux atouts de taille : un producteur amoureux du genre, Thomas Tull (la trilogie Dark KnightMan of SteelPacific Rim), et surtout un réalisateur surdoué dont le premier long-métrage, Monsters, nous avait conquis par sa finesse et son intelligence. Verdict ? Affirmons-le sans entrave : Godzilla cru 2014 est une réussite exemplaire qui s’affirme haut la main comme l’un des meilleurs opus d’une saga qui compte pourtant une bonne trentaine d’épisodes. En dépit du budget colossal mis à sa disposition (200 fois plus important que celui de Monsters !), Gareth Edwards conserve intacts sa personnalité et surtout sa sensibilité. Ainsi ne se livre-t-il pas à la surexposition immédiate d’effets spéciaux spectaculaires. Ses monstres restent longtemps dans l’ombre, nimbés de mystère, pour mieux laisser l’imagination du spectateur vagabonder, et le récompenser enfin lorsqu’ils paraissent dans toute leur monstrueuse splendeur.

Maître dans l’art de la retenue, Edwards cultive le hors-champ avec une virtuosité d’autant plus grande qu’il s’agissait d’une démarche nécessaire sur son premier film, la faiblesse de ses moyens l’empêchant alors de trop montrer ses créatures. Ici, la nécessité est devenue parti pris, et l’on sent bien que le jeune cinéaste se laisse porter ouvertement par l’influence de Steven Spielberg. En ne montrant de Godzilla que ses crêtes dorsales surgissant des eaux, Edwards s’inspire évidemment de l’aileron du Grand Blanc des Dents de la mer. En optant pour le point de vue d’enfants coincés dans un bus scolaire sous la pluie battante, il revisite l’un des moments les plus forts de Jurassic Park. En nous livrant l’image surréaliste d’un navire échoué en pleine jungle, il évoque le bateau dans le désert de Rencontres du troisième type. En choisissant de placer sa caméra à hauteur humaine, quitte à ce que les belligérants géants soient difficiles à percevoir dans leur intégralité, il s’inscrit dans le sillage de La Guerre des mondes. Mais s’il reprend à son compte les figures de style de Spielberg (son personnage principal s’appelle même Brody, comme Roy Scheider dans Les Dents de la mer), c’est pour mieux les transcender à travers un style très personnel.

L'art de la retenue et du hors-champ

Les monstres eux-mêmes sont sublimes. Godzilla respecte la morphologie originelle de 1954 et se déchaîne dans des séquences délicieusement iconiques. Gareth Edwards respecte même l’idée de l’homme costumé inhérente à toutes les versions japonaises en anthropomorphisant la créature et en s’appuyant sur l’expertise du comédien Andy Serkis, expert en performance capture. Face à Godzilla, les terrifiants Mutos, mi-insectes mi-dinosaures, se livrent à des actes de destruction extrêmement spectaculaires, au sein de séquences d’action à couper le souffle. Certes, tout n’est pas parfait dans ce nouveau Godzilla. Les incohérences et les clichés s’y glissent par endroits. Mais ce ne sont que des détails, tant le film nous procure de plaisir et de sensations fortes. Cerise sur le gâteau : Alexandre Desplat nous offre une partition flamboyante et emphatique, ses cuivres vigoureux accompagnant pas à pas la plus belle échauffourée de monstres qu’on ait vue depuis bien longtemps.

 

© Gilles Penso

 

Pour en savoir plus

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MONSTERS (2010)

Un jeune couple à fleur de peau et des monstres titanesques se rencontrent dans ce premier long-métrage magistral

MONSTERS

2010 – GB

Réalisé par Gareth Edwards

Avec Scoot McNairy, Whitney Able, Mario Zuniga Benavides, Annalee Jeffries, Justin Hall, Ricky Catter, Paul Archer 

THEMA EXTRA-TERRESTRES

Monsters est une merveille, un film en état de grâce qui prit tout le monde par surprise, d’autant que son réalisateur, Gareth Edwards, était alors totalement inconnu du public. Sa maîtrise précoce des trucages numériques lui permit de faire ses premières armes à la télévision britannique, où ses talents profitèrent à une demi-douzaine de téléfilms, documentaires et séries. En 2009, Edwards décida de passer à la vitesse supérieure en se lançant dans un projet totalement insensé : mettre en chantier un long-métrage de science-fiction avec un budget de 800 000 dollars, une équipe réduite à sa plus simple expression et des décors naturels, et occuper lui-même tous les postes clefs : écriture, réalisation, direction artistique, photographie et effets spéciaux. Monsters aurait pu n’être qu’une bande démo de technicien surdoué ou un fan-film malin et opportuniste. Il n’en est rien. Son savoir-faire, le jeune cinéaste britannique le met tout entier au service de son récit initiatique et de ses personnages à fleur de peau. Filmé avec la sensibilité et le supplément d’âme des meilleurs longs-métrages indépendants de la nouvelle vague anglo-saxonne, Monsters porte un titre volontairement trompeur. Ici, les monstres ne sont que des figurants. C’est surtout l’homme qui nous intéresse. Et pour renforcer le naturalisme de son premier long-métrage, le cinéaste choisit comme acteurs principaux un véritable couple (Scoot McNairy et Whitney Able). L’audace du film repose donc principalement sur le décalage surprenant qui s’opère entre sa mise en forme minimaliste et son postulat de science-fiction pure et dure.

Un texte introductif nous annonce qu’après la chute en Amérique du Sud d’une sonde de la NASA contenant une forme de vie extraterrestre, des créatures gigantesques se sont multipliées dans un périmètre mis en quarantaine au sud de la frontière entre les Etats-Unis et le Mexique. Six ans plus tard, la menace n’a pas été éradiquée, et le photographe Andrew Kaulder est envoyé au cœur de cette zone hostile pour récupérer Samantha Wynden, la fille de son patron. Les moyens de rapatriement les moins dangereux n’étant plus disponibles, ils vont devoir s’enfoncer dans une jungle effrayante, tandis que partout rodent les créatures monstrueuses… 

Le monstre révèle l'homme

En constituant à lui seul le plus gros de son équipe technique, Gareth Edwards peut non seulement réduire les frais de son film mais aussi en garder le contrôle artistique total. Sans la pression d’un studio, il peaufine ainsi pendant un an ses effets visuels jusqu’à obtenir un résultat de très haute qualité. Extrêmement spectaculaires, les monstres du film restent pourtant très discrets à l’écran. Edwards pallie ainsi son maque de moyens par une gestion intelligente du hors champ, héritée du cinéma de Steven Spielberg (notamment des Dents de la merJurassic Park et La Guerre des Mondes). Tout en retenue, Monsters ménage ses effets pour mieux nous surprendre, porté par une bande originale envoûtante de Jon Hopkins. On sent bien, au fil de son découpage millimétré, que le filme marque les débuts d’un cinéaste extrêmement prometteur. La suite de la carrière d’Edwards confirmera tous les espoirs suscités par Monsters.

 

© Gilles Penso

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GODZILLA CONTRE BIOLLANTE (1989)

Quelques années après sa résurrection, Godzilla affronte un monstre végétal qui abrite l'âme d'une jeune défunte

GOJIRA TAï BEOLANTE

1989 – JAPON

Réalisé par Kazuri Omori

Avec Kuniko Mitamura, Yoshiko Tanaka, Masanobu Takashima, Megumi Odaka, Toru Minegishi, Koji Takahashi

THEMA DINOSAURES I VEGETAUX I SAGA GODZILLA

Godzilla contre Biollante commence exactement là où Le Retour de Godzilla s’arrêtait. Tandis que le corps du grand saurien radioactif gît au fond d’un volcan, de nombreuses équipes s’activent au milieu des ruines encore fumantes de Tokyo. La découverte de cellules encore actives de Godzilla suscite bien des convoitises dans le milieu des « bio-majors », en particulier celles qui envisagent de créer des armes bactériologiques. Ces cellules échouent dans les mains du docteur Shiragami, un savant japonais installé dans un pays arabe imaginaire baptisé Saradia. Un attentat détruit bientôt son laboratoire et tue sa fille Erika. Effondré, Shiragami décide de mener jusqu’au bout ses étranges recherches. En mixant les cellules de Godzilla, celles d’une rose et celles de sa défunte fille, il crée un hybride monstrueux qu’il nomme Biollante, d’après l’âme spirituelle de la mythologie nordique. En mutation permanente, la créature atteint des proportions gigantesques et prend les allures d’un arbre anthropomorphe affublé d’une tête en forme de rose et de tentacules se terminant par des gueules reptiliennes. Mise en scène dans de très beaux cadrages surréalistes, Biollante pousse des cris de baleine du plus curieux effet. Entre-temps, des terroristes bombardent le volcan où repose Godzilla, et ce dernier ne tarde pas à faire sa réapparition. S’ensuit une extraordinaire séquence de bataille navale dans laquelle Godzilla est bombardé par des navires de guerre et des hélicoptères en pleine mer.

La qualité des maquettes, des effets pyrotechniques et du montage font de cet affrontement l’un des moments forts du film. Mais le morceau de bravoure est bien évidemment le combat annoncé dans le titre. Godzilla se lance donc dans une violente échauffourée avec Biollante. Au stade ultime de sa mutation, cette dernière prend les allures d’un monstre colossal, peut-être l’un des plus impressionnants de toute la série. Croisement contre-nature entre un dinosaure aux dents acérées et une plante carnivore bardée de tentacules mouvants, cette créature n’aurait pas dépareillé dans un récit de Lovecraft, et son combat avec Godzilla vaut son pesant de brutalité, le sang verdâtre y giclant sans retenue. 

Quelques salves anti-américaines

Godzilla contre Biollante s’inscrit donc dans la continuité du renouveau du mythe amorcé en 1984, ajoutant au palmarès du dinosaure radioactif un nouvel adversaire mémorable. L’inventivité des séquences d’action nous fait facilement oublier l’incongruité du scénario et la banalité des séquences entre humains. Dommage tout de même que les éléments d’espionnage industriel soient terriblement sous-exploités, le scénario se contentant d’aligner des clichés grotesques (fusillades cartoonesques, cascades automobiles de kermesse, méchant aux grosses lunettes noires) au lieu de traiter ouvertement la thématique de la course à l’armement. On sent poindre aux détours du récit quelques salves anti-américaines qui prendront toute leur ampleur au cours de l’épisode suivant, le délirant Godzilla contre King Ghidorah.

 

© Gilles Penso

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GODZILLA (1998)

Roland Emmerich américanise l'icône la plus populaire du cinéma japonais… et fait hurler tous les fans du Roi des Monstres !

GODZILLA

1998 – USA

Réalisé par Roland Emmerich

Avec Matthew Broderick, Jean Reno, Maria Pitillo, Hank Azaria, Kevin Dunn, Michael Lerner, Harry Shearer 

THEMA DINOSAURES I SAGA GODZILLA

C’est au début des années 90 que commence à circuler à Hollywood l’idée d’une version américaine de Godzilla, idée qui prit tout son sens suite au succès de Jurassic Park. Après tout, la Toho avait réalisé sa propre version de King Kong dans les années 60. Cet échange des stars locales était donc de bonne guerre. Le projet fut d’abord développé par le réalisateur Jan de Bont (Speed, Twister), épaulé par de splendides croquis issus du studio de Stan Winston. Mais son approche, jugée trop onéreuse, effraya le studio. C’est finalement Roland Emmerich, fort du succès d’Independence Day, qui lui succéda. Tous les Godzilla réalisés jusqu’à présent utilisaient invariablement un acteur dans un costume en latex dans le rôle du reptile géant. Il était évident que la version américaine allait plutôt opter pour les techniques portées aux nues dans Jurassic Park. Emmerich a donc mis sur pied sa propre société d’effets spéciaux, Centropolis Effects, à qui il a confié la majeure partie des images de synthèse du film. Comme toujours, le réalisateur de Stargate réussit à faire démarrer son film sur des chapeaux de roues, puisant d’abord son inspiration dans Les Dents de la mer. Mais ce n’est qu’un des nombreux emprunts à son maître à penser Steven Spielberg. Ainsi fait-il intervenir son monstre la nuit et sous la pluie, comme le T-Rex de Jurassic Park. Le dinosaure lâché dans la ville rappelle énormément celui qui attaque San Diego dans Le Monde Perdu, et les bébés de Godzilla sont les portraits crachés des vélociraptors des deux Jurassic Park. Quant au pétrolier échoué en pleine plage panamienne, il évoque bien sûr le navire perdu dans le désert de Rencontres du Troisième Type.

Mais cette collection d’emprunts serait presque touchante si la linéarité du scénario ne venait pas tout gâcher. Emmerich s’efforce certes d’accumuler les séquences fortes (l’attaque de New-York en plein jour, l’assaut des hélicoptères, l’affrontement sur le pont…), mais celles-ci s’enchaînent en dépit du bon sens, voire confinent au ridicule dans la mesure où le spectaculaire l’emporte systématiquement sur la logique la plus élémentaire, notamment au cours de la poursuite finale entre le monstre et un taxi. Les effets du film sont supervisés par le Français Patrick Tatopoulos, dont Emmerich apprécie tant le travail qu’il donne son nom au personnage principal incarné par Matthew Broderick. Il faut reconnaître que le talentueux designer effectue un travail impressionnant, même si on reste un peu circonspect sur l’aspect général du monstre vedette. Parfois, on jurerait voir un homme en costume reconstitué en 3D, avec une tête démesurée et des proportions hasardeuses. 

« Godzilla In Name Only »

Comme en outre les personnages humains sont des stéréotypes caricaturaux, on ne s’étonnera pas outre mesure que l’accueil réservé à ce Godzilla ait été des plus mitigés. Les deux séquelles envisagées par Columbia furent donc abandonnées au profit d’une série animée baptisée Godzilla the Series. Fort déçus par cette version, les fans de Godzilla rebaptisèrent ironiquement la créature de Roland Emmerich « Zilla », ou encore « GINO », acronyme signifiant « Godzilla In Name Only » (« Godzilla uniquement par le nom »). Tomoyuki Tanaka, producteur de tous les Godzilla japonais, étant décédé un mois avant l’entrée en production de la version d’Emmerich, le film lui est dédié.

 

© Gilles Penso

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