MADHOUSE (1974)

Vincent Price et Peter Cushing partagent la vedette de ce film rocambolesque où un acteur spécialisé dans l’horreur est accusé de meurtres sanglants…

MADHOUSE

1974 – GB / USA

Réalisé par Jim Clark

Avec Vincent Price, Peter Cushing, Robert Quarry, Adrienne Corri, Natasha Pyne, Linda Hayden, Barry Dennen, Ellis Dale, Catherine Willmer, Michael Parkinson

THEMA TUEURS I CINÉMA ET TÉLÉVISION

 

Relativement peu connu malgré la présence en tête d’affiche de deux des plus grandes stars du cinéma d’épouvante des années 60/70, Madhouse n’est jamais sorti en salles en France. Le film s’inspire du roman Devilday d’Angus Hall dont Samuel Z. Arkoff, patron de la compagnie AIP, achète les droits en confiant le rôle principal à Vincent Price. En s’associant à la firme Amicus, Arkoff met sur pied une coproduction anglo-américaine et envisage dans un premier temps de confier la réalisation à Robert Fuest (L’Abominable docteur Phibes). Mais Fuest se désiste et laisse son poste vacant à Jim Clark, monteur très respectable (Les Innocents, Macadam Cowboy, Marathon Man) dont les travaux de mise en scène se limitaient jusqu’alors à quelques comédies polissonnes très anecdotiques. Pour donner la réplique à Price, les producteurs engagent Peter Cushing. C’est un événement, dans la mesure où les deux stars ne s’étaient encore jamais directement confrontées à l’écran. Tout semble donc bien engagé. Hélas, le scénario de Greg Morrison est jugé catastrophique et donc réécrit au fur et à mesure pendant le tournage par Ken Levison. Le fait que Price s’entende très mal avec le troisième rôle masculin principal, Robert Quarry (Comte Yorga), n’arrange pas non plus les choses.

Dans un rôle savoureusement autobiographique, Vincent Price incarne Paul Toombes, acteur spécialisé dans les films d’horreur qui doit sa popularité à une série de longs-métrages consacrés au maléfique « Doctor Death », un personnage imaginé par son ami scénariste Herbert Fley (Peter Cushing). Le film démarre à « Hollywood, quelques années auparavant », comme nous l’indique un carton introductif. Nous sommes le soir du nouvel an, et une petite sauterie mondaine organisée entre gens du cinéma permet de visionner le dernier opus de la saga « Doctor Death ». Toombes profite de cette soirée pour présenter publiquement sa nouvelle épouse. Mais il déchante en apprenant qu’elle a démarré sa carrière en jouant dans des films pornographiques. Soudain, le docteur Death pénètre dans le monde réel et commence à massacrer ceux qui tombent sous son couteau. S’agit-il de Toombes, devenu fou ? Ou de quelqu’un cherchant à le faire accuser ? Tandis que le mystère s’épaissit et que l’intrigue nous transporte en Angleterre, la liste des victimes s’allonge, chaque meurtre s’inspirant d’une scène de la série des « Docteur Death »…

Horror star

Ayant fait de la mise en abîme son maître-mot, Madhouse semble avoir été conçu comme un hommage à la carrière de Vincent Price, presque un film-testament. En puisant dans le patrimoine des productions AIP, Samuel Arkoff met à disposition de Jim Clark des extraits de L’Empire de la terreur, Le Corbeau, La Chambre des tortures, La Chute de la maison Usher ou La Malédiction d’Arkham. Dans le scénario, ces images sont censées provenir des films de la série « Doctor Death ». Boris Karloff et Basil Rathbone y apparaissent, ce qui nous vaut une étrange mention au générique les annonçant comme guest stars (alors que les deux comédiens sont décédés quelques années plus tôt). On sent aussi l’influence de L’Homme au masque de cire (la silhouette de Doctor Death y fait beaucoup penser) tandis que quelques autres clins d’œil ponctuent le métrage (lors d’une soirée costumée, Peter Cushing est habillé en Dracula et Robert Quarry en comte Yorga). Le problème majeur de Madhouse est son caractère anachronique. À l’heure où L’Exorciste et Massacre à la tronçonneuse sont en train de redéfinir les contours du cinéma d’horreur, ce « whodunit » à l’ancienne qui cultive une ambiance macabro-poétique héritée du cycle Poe/Corman et des films gothiques italiens (chandeliers, toiles d’araignée, vieilles voutes, brume sépulcrale) semble daté dès sa sortie. Les rebondissements improbables du dernier acte et les traits forcés des personnages (Price en fait des tonnes comme s’il rejouait le Lioneheart de Théâtre de sang) jouent aussi en défaveur de Madhouse, qui précipitera le double déclin d’AIP et d’Amicus. Pour autant, le film n’est pas dénué de charme et s’apprécie comme une petite bulle insolite et hors du temps.

 

© Gilles Penso

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CRYPTZ (2002)

Trois aspirants rappeurs se retrouvent une nuit dans un club privé où les danseuses sont en réalité de redoutables vampires…

CRYPTZ

 

2002 – USA

 

Réalisé par Danny Draven

 

Avec Choice Skinner, Rick Irvin, Dennis Waller, Lunden De’Leon, Andre McCoy, Ty Badger, Olimpia Fernandez, Archie Howard, Chocolate, Lemar Knight, Fylicia Renee King

 

THEMA VAMPIRES I SAGA CHARLES BAND

Charles Band et Mel Johnson Jr. avaient inauguré en 1999 une série de films d’horreur « urbains » (autrement dit mettant en scène un casting 100% afro-américain sur fond de musique rap et RnB) pour tenter de surfer sur une sorte de seconde vague de la Blaxploitation. Ainsi étaient nés Ragdoll, The Horrible Doctor Bones, Killjoy et The Vault sous le label « Big City ». Mais l’entreprise ne s’était pas révélée aussi juteuse que prévu, n’attirant guère les foules dans les vidéoclubs. Johnson Jr. décida donc de tirer sa révérence, ce qui n’empêcha pas Band de tenter d’exploiter encore un peu le filon en produisant Killjoy 2 et Cryptz, qui sera le tout dernier de la série. La mise en scène est assurée par Dany Draven, un habitué des budgets microscopiques et du système D qui signe là son troisième long-métrage après Horrovision et Hell Asylum. Confié à Scott Phillips (The Boy with the X-Ray Eyes), le scénario est écrit en cinq jours à peine et tente de recycler un sujet déjà abordé dans des films comme Vamp ou Une nuit en enfer, autrement dit le club de strip-tease qui abrite les activités nocturnes d’une horde de vampires. Avec 30 000 dollars à sa disposition, Draven a pour mission de tenter d’en tirer un film à peu près regardable.

Comme dans Ragdoll et The Horrible Doctor Bones, les héros de Cryptz sont des aspirants rappeurs, mais Danny Draven a le bon goût de nous épargner les morceaux de RnB médiocres qui encombraient les bandes originales des films précédents. Tymez Skwair (Choice Skinner), Fuzzy Down (Rick Irvin) et Likrish (Dennis Waller) sont des trainards qui veulent faire carrière dans la musique mais ne semblent déployer aucun effort pour y parvenir. Un jour, ils croisent dans la rue une séduisante inconnue, Stesha (Lunden De’Leon), qui cache un terrible secret derrière son sourire enjôleur. D’un simple pincement sur la joue de Tymez, elle le « marque » sans qu’il comprenne l’ampleur de ce geste. Mais, à peine la nuit tombée, une douleur fulgurante le réveille en sursaut. Paniqué, il sent une force mystérieuse l’attirer vers un club de strip-tease énigmatique, « Cryptz », entraînant avec lui ses deux amis. Là-bas, le trio découvre que les danseuses ne sont autres que des vampires assoiffés de sang. Et pour couronner le tout, la redoutable cheffe des suceuses de sang, Kulada (Ty Badger), découvre que Tymez détient sans le savoir la clé du règne absolu des créatures de la nuit…

Strip tease, gore et arts martiaux

Le générique en images de synthèses bas de gamme ne laisse rien augurer de bon. Et effectivement, dès que Cryptz commence, l’exaspération nous saisit. De tous les films labellisés « Big City », il s’agit sans doute du plus stéréotypé et du plus caricatural. Ni drôles, ni charismatiques, les trois héros marchent, bougent et s’expriment comme des pantins simplistes et réducteurs. Le club de strip-tease lui-même, qu’on imagine décrit comme un lieu envoûtant et sophistiqué dans le script, ressemble à une pièce minuscule aménagée rapidement avec les moyens du bord. Le film tente alors d’égayer ses spectateurs en jouant la carte de l’érotisme soft, via ses actrices peu pudiques, et de l’horreur graphique. En sollicitant Mark Bautista, le même maquilleur spécial que sur Hell Asylum, Danny Draven s’autorise ainsi quelques fulgurances gore furtives mais efficaces. Au passage, le réalisateur affiche sa cinéphilie en accrochant un poster de La Planète des singes dans un des décors et fait de l’autocitation en montrant des extraits de Ragdoll et Horrorvision. Au cours d’un climax parfaitement improbable, un chasseur de vampires spécialiste des arts martiaux incarné par Andre McCoy (sous le pseudonyme de Chyna) vient prêter main forte à nos héros. La fin du film est très ouverte, mais Cryptz restera sans suite. Ce n’est sans doute pas plus mal.

© Gilles Penso

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LA LAMPE (1987)

Un génie malfaisant s’échappe d’une lampe magique pour massacrer un groupe d’amis venus festoyer dans un musée d’histoires naturelles…

THE OUTING / THE LAMP

1987 – USA

Réalisé par Tom Daley

Avec Deborah Winters, James Huston, Andra St. Ivanyi, Scott Bankston, Red Mitchell, André Chimène, Damon Merrill

THEMA MILLE ET UNE NUITS I DIABLE ET DÉMONS

La Lampe est né d’un souvenir d’enfance du producteur Warren Chaney. « Je me rappelle d’un vieux livre de la collection McGuffey Reader que me lisait ma mère quand j’avais quatre ou cinq ans », raconte-t-il. « On y trouvait l’histoire d’Aladin et de sa lampe. Le dessin qui représentait le génie n’avait rien à voir avec l’image habituellement amicale avec laquelle nous sommes familiers. C’était une créature effrayante mi-humaine mi-animale. Tout est parti de là. » (1) Au milieu des années 80, Chaney tire de ce souvenir un scénario de long-métrage qu’il décide de produire. Son épouse Deborah Winters, non contente d’être productrice associée, jouera trois rôles dans le film : l’héroïne principale, une jeune femme arabe dans le prologue et une vieille femme recouverte de prothèses. Voilà qui démontre une belle implication. Il faut dire que La Lampe est produit de manière indépendante avec des moyens modestes. Tom Daley, réalisateur de clips et de spots publicitaires dont ce sera le premier et unique long-métrage, doit en effet se débrouiller avec un planning de moins de six semaines de tournage et un budget dépassant à peine les deux millions de dollars. Les prises de vues sont principalement réalisées au Texas, en particulier dans le musée des sciences naturelles de Houston mis à disposition de l’équipe ainsi qu’en studio pour certaines séquences.

En 1893, une jeune fille et sa mère embarquent clandestinement sur un navire en provenance du Moyen-Orient et à destination de Gavelston, Texas. Mais à bord, un mal ancestral sommeille. La mère, porteuse d’un mystérieux bracelet, se retrouve impuissante lorsqu’un djinn malveillant se déchaîne, massacrant l’équipage à tour de bras. Dans le chaos, sa fille parvient à s’enfuir, emportant avec elle le bracelet et une lampe en cuivre. Des décennies plus tard, un manoir isolé devient la cible de trois criminels. Leur victime, une femme âgée, tente de leur résister, mais elle est assassinée par l’un des intrus armé d’une hachette. Dans un coffre, ce dernier découvre une lampe ancienne, ignorant qu’en la touchant, il vient de libérer une force tapie depuis des siècles. Le djinn s’empare alors du cadavre de la vieille femme et élimine un à un les trois cambrioleurs. Lorsque la police découvre la scène du crime, les objets retrouvés – la lampe et le bracelet – sont envoyés au Musée des sciences naturelles de Houston pour être étudiés. Or un soir, la fille de l’archéologue du musée pénètre clandestinement dans les lieux avec ses amis, profitant de l’obscurité pour explorer les galeries désertes et y passer du bon temps. Entre squelettes de dinosaures et artefacts millénaires, l’excitation est à son comble. Mais leur insouciance va leur coûter cher : sans le savoir, ils viennent de réveiller le djinn…

Le génie du mal

Passé relativement inaperçu, à cause de sa production modeste et de son réseau de distribution limité, La Lampe est une surprise plutôt agréable. S’il n’évite pas quelques clichés visuels (fumigènes, caméras subjectives, yeux lumineux) et un certain nombre de maladresses, le film de Tom Daley est solidement mis en scène et parvient à jouer la carte de l’originalité. La première idée savoureuse est celle du génie malfaisant dans la lampe hérité des contes des mille et une nuits, qui nous surprend non seulement par son caractère monstrueux (en décalage avec l’imagerie traditionnelle) mais aussi par son intégration dans un contexte moderne. La seconde trouvaille est le lieu du drame dans lequel se déchaîneront les forces maléfiques : le fameux muséum d’histoire naturelle. Non seulement il constitue un décor pittoresque, mais en outre il permet une série de meurtres particulièrement surprenants. On retiendra en particulier les deux cobras qui sortent de leur bocal de formol pour attaquer une fille dans son bain ou encore le corps momifié qui se met à dévorer une malheureuse victime qui a le malheur de croiser son chemin. Le clou du spectacle est bien sûr le génie lui-même, monstre démoniaque très convaincant servi, comme le reste, par de remarquables effets spéciaux supervisés par Gabe Bartalos (Frère de Sang) et Jim Gill (Jason le mort-vivant). Sorti d’abord en salles en Grande-Bretagne sous le titre The Lamp, puis quelques mois plus tard sur le territoire américain avec une autre appellation (The Outing), le film existe dans deux versions légèrement différentes, celle distribuée aux États-Unis étant raccourcie de deux minutes.

 

(1) Extrait d’une interview publiée dans Fangoria (n°67)

 

© Gilles Penso

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HELL ASYLUM (2002)

Cinq jeunes femmes acceptent de passer la nuit dans un vieil immeuble hanté pour pouvoir remporter une récompense d’un million de dollars…

HELL ASYLUM

2002 – USA

Réalisé par Danny Draven

Avec Debra Mayer, Tanya Dempsey, Sunny Lombardo, Stacey Scowley, Olimpia Fernandez, Timothy Muskatell, Joe Estevez, Brinke Stevens, Paul Darrigo

THEMA FANTÔMES I CINEMA ET TÉLÉVISION SAGA CHARLES BAND

Hell Asylum est le second long-métrage de Danny Draven, après le très brouillon Horrorvision déjà produit par Charles Band. D’abord titré Prison of the Dead 2 (même s’il n’entretient aucun lien avec le premier), ce petit film d’horreur fauché connaît plusieurs appellations fantaisistes (Brides of the Dead, Hotel Hell) avant de trouver son nom définitif (que l’on peut traduire par « l’asile de l’enfer »). Trent Haaga et Tammi Sutoon (respectivement acteur principal et réalisatrice de Killjoy 2) participent à Hell Asylum, l’un en tant que scénariste, l’autre comme chef décoratrice et co-productrice. Draven, lui, joue une fois de plus les couteaux suisses en assurant la réalisation, la lumière, les prises de vues et le montage. Tourné en huit jours pour un budget anémique de 35 000 dollars, Hell Asylum reprend le concept de La Nuit de tous les mystères de William Castle en le remettant au goût du jour. Son scénario tire parti du phénomène alors en plein essor de la télé-réalité et de la diffusion à succès d’émissions telles que Fear Factor, qui fit les beaux jours de NBC à partir de 2001 et fut rapidement déclinée sur plusieurs continents.

« Chill Challenge » est un programme de télé-réalité dont l’idée est simple : cinq jeunes candidates doivent passer la nuit dans un vieil immeuble hanté, la Mason House. Celle d’entre elles qui remportera les épreuves sans être éliminée raflera une récompense d’un million de dollars. Selon la légende, ce bâtiment aurait appartenu au 19ème siècle à un homme bien peu recommandable, Phineas Mason, coupable de nombreuses atrocités, véritable Barbe Bleue ayant séquestré et assassiné chacune de ses femmes. Plus tard, l’immeuble aurait été reconverti en institut psychiatrique à la sinistre réputation. Pour inaugurer cette nouvelle émission, Stacey (Stacey Scowley), Rainbow (Sunny Lombardo), Amber (Tanya Dempsey), Marti (Olimpia Fernandez) et Paige (Debra Mayer) se portent volontaires. Filmées par une centaine de caméras disposées un peu partout dans le bâtiment, elles s’apprêtent à braver leurs phobies, tandis que Max (Tim Muskatell), le producteur, tire les ficelles dans sa petite salle de contrôle et observe tout tel un émule de Big Brother. Mais un danger imprévu hante les murs de la Mason House…

Gore Factor

L’entame de Hell Asylum nous offre un effet de mise en abyme amusant. Le producteur qui vante les mérites de son concept au décideur d’une chaine de télévision (des frissons, des jeunes femmes en tenues sexy, des caméras partout) ressemble à une sorte de Charles Band qui essaierait de promouvoir son film auprès d’un financier ou d’un distributeur. Le film s’appréhende d’ailleurs souvent au second degré, l’humour noir qui le nimbe aidant partiellement les spectateurs à passer outre son image hideuse, ses effets vidéo cheap, sa mise en scène approximative et le jeu modérément convaincant des cinq actrices principales. Régulièrement au cours de cette télé-réalité improbable, des silhouettes encapuchonnées surgissent pour massacrer méthodiquement ceux (et surtout celles) qui passent à leur portée. Là, Draven se montre très généreux en effets gore, multipliant les séquences de têtes arrachées, de crânes transpercés, de visages déchiquetés ou de corps éviscérés avec une étonnante générosité. Certes, les effets sont visiblement bricolés à la va-vite par un Mark Bautista coutumier du genre (Witchouse 3, Killjoy 2, Dead & Rotting), les intestins ressemblent à des spaghettis et le montage épileptique de ces scènes sert visiblement de cache misère. Mais ces excès jouent en faveur de Hell Asylum, le réalisateur ayant visiblement fait quelques progrès depuis Horrorvision. Il enchaînera avec Cryptz, toujours pour Charles Band.

 

© Gilles Penso

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LES DÉMONS DU MAÏS (2020)

Le réalisateur d’Equilibrium et Ultraviolet s’empare de la nouvelle de Stephen King - déjà adaptée dix fois - pour en livrer sa propre version…

CHILDREN OF THE CORN

2020 – USA

Réalisé par Kurt Wimmer

Avec Elena Kampouris, Kate Moyer, Callan Mulvey, Bruce Spence, Stephen Hunter, Jayden McGinlay, Ashlee Juergens, Sisi Stringer, Joe Klocek, Orlando Schwerdt

THEMA ENFANTS I DIABLE ET DÉMONS I SAGA LES DÉMONS DU MAÏS I STEPHEN KING

 

Réalisateur du thriller dystopique Equilibrium, Kurt Wimmer avait un peu disparu des radars après Ultraviolet, cette dernière expérience lui ayant laissé un goût très amer vis-à-vis de la politique des studios hollywoodiens. Absent derrière les caméras depuis ce blockbuster frustrant, il prêta entretemps sa plume aux scénarios d’une poignée de remakes fort dispensables comme Total Recall : mémoire programmée ou Point Break. Le voir repasser à la mise en scène était une bonne nouvelle, mais pourquoi avoir choisi de diriger un énième opus de l’interminable saga des Démons du maïs ? Était-il encore possible d’apporter une quelconque pierre artistique à cet édifice disparate de dix longs-métrages vaguement inspirés d’une courte nouvelle de Stephen King ? Pour calmer la perplexité ambiante, le producteur Lucas Foster se fend à l’époque d’une déclaration officielle affirmant que cette nouvelle adaptation du texte original n’a aucun lien avec les épisodes précédents, ni même avec le tout premier Démons du maïs de Fritz Kiersch qui inaugurait en 1984 la franchise. « Notre film n’a presque rien à voir, même si nous nous appuyons sur la même nouvelle », déclare-t-il. « Nous avons repris l’histoire et l’avons très librement réinterprétée. » (1) Tourné en Australie au beau milieu du confinement imposé en 2020 par la crise du Covid-19, Les Démons du maïs de Wimmer aura nécessité des précautions sanitaires drastiques et le recours à de multiples polices d’assurance.

L’histoire se déroule dans la petite ville de Rylstone, au fin fond du Nebraska. Après avoir erré dans un grand champ de maïs, un adolescent en sort enfin, le regard halluciné. Armé d’un couteau, il massacre tous les adultes d’un foyer pour enfants. Pour tenter de l’arrêter, les autorités décident d’utiliser un gaz anesthésiant. Résultat : quinze enfants morts. La petite Eden survit à cette hécatombe en se cachant pendant quatre jours consécutifs dans le champ de maïs, avant d’être recueillie par le pasteur local qui l’adopte. Encore marquée par cette tragédie, la bourgade dépérit peu à peu. Les vastes cultures de maïs qui faisaient sa fierté sont en train de se dessécher inexorablement. Sans doute les OGM que les habitants ont accepté d’utiliser n’y sont pas pour rien. La population décide alors de raser l’intégralité des champs pour toucher les subventions de l’état et repartir à zéro. Mais les enfants de Rylstone en ont décidé autrement…

« Celui qui marche »

Lorsque le film commence, il nous semble entrevoir ce qui a séduit Kurt Wimmer. Cette onzième adaptation s’éloigne en effet du tout-venant en prenant les atours de la chronique sociale désenchantée d’une petite ville agricole affrontant une crise qui semble insurmontable. Les enjeux sont bien définis, servis par des acteurs très convaincants, et tout s’amorce de manière prometteuse. Lorsque l’intrigue bascule dans le fantastique et dans l’horreur, le parti pris du cinéaste est une approche brutale, à la fois visuellement et psychologiquement, ne rechignant pas devant un recours au gore pour décrire des mises à mort souvent gratinées. Personnage central du drame, Bo (Elena Kampouris) se situe à mi-chemin entre les enfants et les adultes, ce qui lui confère un statut complexe. « C’est eux contre nous », lui dit Eden (Kate Myer, adorablement détestable). « Dans quel camp es-tu ? » Malheureusement, plus le récit avance, plus les incohérences s’installent. Le fameux démon du maïs, que les gamins diaboliques surnomment « celui qui marche », prend corps de manière tangible au cours du dernier acte. Mais au lieu de la créature lovecraftienne qu’évoquait Stephen King, nous sommes en présence d’une sorte d’arbre géant rugissant qui se comporte comme un dinosaure de Jurassic Park. Digital Domain, qui a assuré la production exécutive, prend en charge les effets visuels du film, lesquels sont parfois convaincants, d’autres fois beaucoup moins, preuve que le budget et le temps alloués à leur confection se réduisirent sans doute comme peau de chagrin. Parti sous de bons augures, Les Démons du maïs cru 2020 s’achève de manière très décevante, nouvelle preuve que cette franchise bancale n’a que trop duré.

(1) Extrait d’une interview publiée dans Variety en juin 2020

© Gilles Penso

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SCANNER COP 2 (1995)

Le cinquième opus de la saga initiée par David Cronenberg s’attache aux méfaits ultra-gore d’un Scanner psychopathe…

SCANNER COP 2 : VOLKIN’S REVENGE / SCANNERS : THE SHOWDOWN

 

1995 – CANADA

 

Réalisé par Steve Barnett

 

Avec Daniel Quinn, Patrick Kilpatrick, Khrystyne Haje, Stephen Mendel, Robert Forster, Brenda Swanson, Jerry Potter, Jewel Shepard, Tony Fasce, Terrie Snell

 

THEMA POUVOIRS PARANORMAUX I SAGA SCANNERS

Contrairement à tous les épisodes précédents de la franchise Scanners, qui s’appréhendent comme des films autonomes ne partageant qu’un thème commun, cet ultime opus reprend des personnages que nous connaissons déjà, puisqu’il se positionne comme une suite directe de Scanner Cop. Sam Staziak, le policier aux pouvoir parapsychiques incarné par Daniel Quinn (avec ses faux airs de Brad Dourif), est donc de retour, tandis qu’un échange de dialogues se réfère directement aux événements survenus dans le premier Scanners. Pierre David continue de produire, mais il cède cette fois-ci la mise en scène à Steve Barnett. Ce dernier s’était distingué en supervisant la version américaine du Déclic et en réalisant le film de science-fiction Mindwarp avec Bruce Campbell. Il allait plus tard se spécialiser dans la production exécutive, la direction de production et la post-production de gros films de studios tels que Spy Kids, Avatar, Miss Peregrine ou Alita Battle Angel. Pour offrir à notre héros un adversaire de poids, Patrick Kilpatrick (l’un des redoutables enseignants robots de Class of 1999) entre dans la peau de Karl Volkin, un Scanner surpuissant qui vide les autres Scanners de leur énergie vitale, accroissant sans cesse sa puissance et laissant derrière lui des cadavres desséchés. Nous voici donc face à la même mécanique narrative que Highlander et ses suites.

Le scénario nous apprend que Volkin s’est évadé d’un institut psychiatrique avec la ferme intention de se venger de Staziak, qui l’a arrêté par le passé au cours d’une opération ayant provoqué la mort de son frère. Bien décidé à mettre la main sur ce psychopathe redoutable, notre « super flic » est aidé par Carrie Goodart (Khrystyne Haje), qui travaille au Trans-Neural Center de Los Angeles, un centre d’aide pour les Scanners. En début de métrage, Staziak se révèle plus puissant que Volkin, mais ce dernier gagne en capacités au fur et à mesure qu’il « siphonne » ses congénères et finit par devenir quasiment invincible. L’enquête s’annonce donc complexe et particulièrement dangereuse, le supérieur de Staziak (incarné par le toujours très charismatique Robert Forster) lui laissant la bride sur le cou pour mener cette mission comme il l’entend… Scanner Cop 2 est le film de tous les excès. Ses nombreuses péripéties nous permettent ainsi de découvrir les nouveaux pouvoirs surprenants du policier télépathe, comme manipuler des malfrats à travers leurs écouteurs (ce qui provoque la décomposition de leurs oreilles), désamorcer une bombe à distance, faire dessiner un portrait-robot à une femme dans le coma, localiser un appel téléphonique ou même ranimer des cadavres !

Le vampire télépathe

Mais ce cinquième opus se distingue surtout par ses débordements gore dépassant en outrance tous ceux des films précédents. Le ton est donné lorsque Volkin s’en prend à sa première cible dans une ruelle. Le corps du malheureux se boursoufle puis se déchire et dégouline en fumant avant de se décharner en se recouvrant d’horribles brûlures. D’autres scènes du même acabit ponctuent régulièrement le film, Volkin variant parfois les plaisirs en aspirant la vie des autres Scanners via un baiser mortel, comme Matilda May dans Lifeforce. D’où cette phrase de Sam résumant la situation lors d’un échange avec Carrie : « Volkin détourne l’énergie vitale de ses victimes dans le but de se ressourcer, comme un vampire. » On note aussi cette vision horriblement surréaliste de deux corps fondus qui fusionnent en fumant, ou ce visage qui se déchire en deux (repris sur certains posters du film). Sollicité pour les maquillages du film, John Carl Buechler (Re-Animator, From Beyond) s’en donne à cœur joie. De fait, même si l’histoire de Scanner Cop 2 n’a rien de très captivant, ses débordements horrifiques combleront tous les amateurs d’effets spéciaux cosmétiques à l’ancienne.

 

© Gilles Penso

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LE TRÉSOR DE LA MONTAGNE SACRÉE (1979)

Christopher Lee incarne un calife maléfique dans cette aventure des Mille et une nuits sous influence du Voleur de Bagdad

ARABIAN ADVENTURE

 1979 – GB

 

Réalisé par Kevin Connor

 

Avec Christopher Lee, Milo O’Shea, Oliver Tobias, Emma Samms, Puneet Sira, John Wyman, John Ratzenberger, Capucine, Mickey Rooney, Peter Cushing

 

THEMA MILLE ET UNE NUITS

La collaboration entre le réalisateur Kevin Connor et le producteur John Dark aura été particulièrement fructueuse dans les années 70, permettant au grand public de découvrir toute une série de films d’aventures fantastiques gorgés de créatures gigantesques et de personnages pittoresques. Ainsi, après Le Sixième continent, Centre Terre : septième continent et Le Continent oublié, conçus pour la compagnie Amicus, Connor et Dark poursuivent ce cycle riche en monstres et merveilles avec Les Sept cités d’Atlantis et Le Trésor de la montagne sacrée pour le compte de EMI Films. Écrit par Brian Hayles, qui fut un auteur régulier de la série Doctor Who entre 1966 et 1974, le scénario du Trésor de la montagne sacrée cherche à retrouver la magie des films des 1001 nuits tels qu’ils furent popularisés dans les longs-métrages des frères Korda et de Ray Harryhausen. Contacté pour y jouer le grand méchant, Christopher Lee accepte sans hésitation. « Je n’ai pas pu résister », avoue-t-il. « C’est un très bon scénario de Brian Hayles, qui s’inscrit dans le genre du véritable conte de fées, où la romance et la beauté côtoient le genre de méchanceté et de violence qui, depuis des temps immémoriaux, fait délicieusement frissonner les enfants de tous les pays. » (1)

Lee entre donc avec enthousiasme dans la peau du tyrannique calife Al-Quazar, qui a emprisonné son âme dans un miroir et ne rêve que de puissance absolue, comme tout bon vilain qui se respecte. Mais pour obtenir les pleins pouvoirs qu’il convoite, il lui faut s’emparer d’une rose magique cachée dans l’île enchantée d’El-Il et uniquement accessible à un être au cœur pur. Il enrôle donc l’intrépide Hasan (Oliver Tobias) – un imposteur qui se fait passer pour un prince – et lui promet la main de Zuleira (Emma Samms), sa propre fille, en échange de la précieuse relique. Accompagné du jeune voleur Majeed (Puneet Sira) et de son singe de compagnie, Hasan part aussitôt à l’aventure. Après avoir bravé un génie maléfique jailli d’une bouteille, des dragons mécaniques crachant des torrents de feu et des monstres tapis dans les marécages, la Rose d’El-Il est enfin à leur portée. Mais Hasan découvre que son commanditaire n’a jamais eu l’intention de tenir sa promesse…

Star Wars à la sauce orientale

Très fortement inspiré par Le Voleur de Bagdad des frères Korda, Le Trésor de la montagne sacrée en reprend les personnages principaux dont il conserve les attributs et les apparences (finalement, seuls les noms changent). Le vil Al-Quazar remplace donc Jaffar, Hasan et Zuleira se substituent au prince Ahmad et à sa princesse, et le jeune voleur Majeed s’érige en émule (plutôt sympathique et convainquant) du Abu que campait Sabu en 1940. Le scénario ne réserve donc que peu de surprises, dans la mesure où nous sommes en terrain connu. La nouveauté est à chercher du côté d’une certaine autodérision (Mickey Rooney qui astique un faux dragon en bougonnant, le génie de la lampe qui n’a rien de particulièrement serviable) et de la forte influence de La Guerre des étoiles. Car le succès du space opera de George Lucas n’a pas laissé indifférent Kevin Connor, qui s’appuie sur des effets visuels audacieux (à défaut d’être toujours très réussis) pour concocter une poursuite de tapis volants filmée à la manière d’une bataille de vaisseaux spatiaux, aux accents d’une musique pleine d’emphase composée par Ken Thorne. Certes, Le Trésor de la montagne sacré n’arrive pas à la cheville de son modèle Le Voleur de Bagdad ou du 7ème voyage de Sinbad, mais le jeune public de l’époque y trouva maintes sources de réjouissances. Aujourd’hui, bien sûr, le film de Connor a pris un inévitable coup de vieux.

 

(1) Extrait d’une interview parue dans Starbust en janvier 1979

 

© Gilles Penso

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CREATION OF THE GODS 2 : DEMON FORCE (2025)

Un second volet encore plus spectaculaire que le premier, gorgé de rythme, d’action, de batailles grandioses et de créatures monstrueuses…

FENG CHEN 2: ZHAN HUO XI QI

2025 – CHINE

Réalisé par Wuershan

Avec Huang Bo, Yosh Yu, Nashi, Chen Muchi, Xuejian Li, Kris Philips, Naran, Hsing-Kuo Wu, Swanson Han, Yafan Wu, Yu Xia, Kun Chen

THEMA HEROIC FANTASY I SORCELLERIE ET MAGIE

 

Après Creation of the Gods I : Kingdom of the Storms, le second volet de la trilogie fantastique de Wuershan s’avère encore plus maîtrisé et fluide que le premier opus au niveau du rythme et de l’action ! La narration est entraînée par la dynamique de la réalisation, tandis que nous sommes déjà familiarisés avec l’univers et les personnages. Les crimes du prince tyrannique King Yin Shou (Fei Xiang), responsable de la déchéance du royaume des Shang, vont engendrer la chute des déités qui protégeaient la dynastie ancestrale. Sa concubine, possédée par l’envoutante femme renard Su Daji (Naran), prête à sauver la vie de son protégé au péril de la sienne, continue de répondre aux désirs de puissance de son royal complice. Creation of the Gods 2 : Demon Force affirme son statut de grande fresque d’heroic-fantasy et d’épopée fantastique pour marquer résolument l’Histoire du cinéma asiatique et s’exporter à l’international sur le marché des blockbusters américains.

On y retrouve tous les codes classiques qui font le merveilleux et le romantisme de films comme Excalibur de John Boorman ou Ladyhawke de Richard Donner, les intrigues par-delà la vie et la mort de Conan, ou celles des Histoires de fantômes chinois produites par Tsui Hark : magie, mythologie, légendes, sur fond de véracités historiques concernant la succession des dynasties, des royaumes et des empires. La philosophie confucéenne n’est pas exclue avec l’importance de la loyauté familiale et du respect hiérarchique, ainsi que toutes les références inspirantes et éblouissantes aux films de sabre de l’âge d’or, et à des œuvres plus personnelles comme Les Cendres du temps de Wong Kar Waï, ou encore Tigre et Dragon d’Ang Lee. On assiste donc à un florilège de citations bien choisies qui enchanteront les amateurs du genre, ainsi qu’à des scènes de batailles grandioses, et à un art de la démesure destiné à nous éblouir, et qui fait mouche, à grands renforts de créatures géantes et monstrueuses.

Une des plus grandes fresques du cinéma fantastique

Ce spectacle, qui existe également en 4DX, et que l’on compare à la trilogie du Seigneur des anneaux de Peter Jackson, bénéficie d’un succès phénoménal au box-office. S’il est vrai que la représentation d’un des héros du film, ressuscité sous la forme d’un personnage tricéphale (bleu), n’est pas la trouvaille la plus enthousiasmante de l’histoire, on ne boudera pas notre plaisir pour autant, et on retiendra plutôt avec bonheur les performances physiques et les ballets chorégraphiques dignes des plus grandes scènes de kung fu du cinéma hongkongais. Notons en particulier la prestation, la beauté et le talent des acteurs Yosh Yu et Nashi (originaire de Mongolie intérieure comme Wuershan), qui forcent l’admiration dans les rôles respectifs de Ji Fa, et de Deng Chanyu, la farouche guerrière Shang. Peut-on apprécier le film sans avoir vu le premier volet ? Assurément. Autant il était difficile de suivre tous les enjeux du premier film avec son nombre toujours croissant de personnages, autant ici il est plus facile de s’immerger dans cette bataille à mort pour la reconquête par les humains d’un paradis perdu. Ce film-événement réunit tout ce que l’on peut aimer dans le wu xia pian, le merveilleux et la fantasy. Il réjouira les amateurs du genre, mais aussi le grand public et les familles en quête d’un divertissement spectaculaire de qualité.  

© Quélou Parente

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PRESENCE (2024)

Une famille dysfonctionnelle s’installe dans une nouvelle maison en espérant soigner ses fêlures. Mais quelque chose les observe…

PRESENCE

2024 – USA

Réalisé par Steven Soderbergh

Avec Lucy Liu, Chris Sullivan, Callina Liang, Eddy Maday, West Mulholland, Julia Fox, Benny Elledge, Daniel Danielson, Jared Wiseman, Robert M. Jimenez

THEMA FANTÔMES

 

De longs plans-séquence dans une maison hantée ? Voilà qui nous rappelle The Silent House de Gustavo Hernandez. Si ce n’est que la caméra en mouvement adopte ici le point de vue subjectif d’un fantôme observant les habitants en silence, ce qui semble rapprocher le postulat de Presence de celui de A Ghost Story, voire de Here (même si chez Zemeckis ce « spectre spectateur » n’était suggéré que de manière abstraite). L’idée de Presence est née dans l’esprit de Steven Soderbergh après avoir appris que la maison qu’il avait acquise avec son épouse était présumée hantée par l’esprit de la précédente locataire. Dans le traitement de dix pages qu’il écrit, le principe du regard du fantôme matérialisé par les mouvements de la caméra est déjà établi. Lorsqu’il soumet le fruit de ses réflexions au scénariste David Koepp (avec qui il avait collaboré sur le thriller Kimi), ce dernier est immédiatement emballé. Après tout, n’avait-il pas déjà brillamment abordé un thème voisin dans Hypnose ? Presence étant un projet très personnel, Soderbergh assure lui-même le montage et les prises de vues, obtenues avec une caméra numérique légère montée sur un petit stabilisateur. Le film est mis en boîte en trois semaines seulement, dans un décor unique, avec un budget de deux millions de dollars, afin d’en limiter les risques et de garder un contrôle total sur le résultat final.

La présence qui donne son nom au film nous accompagne entre les murs d’une grande maison de banlieue avant même que les protagonistes entrent en scène, histoire de nous familiariser avec le langage filmique que va adopter Soderbergh mais aussi de nous rendre nous-même témoins des événements. Comme le spectre, nous sommes des spectateurs/voyeurs, nous apprêtant à nous immiscer dans l’intimité des nouveaux arrivants en gardant nos distances. Bientôt débarque l’agent immobilier, suivi de près par la famille Payne : la mère Rebecca (Lucy Liu), le père Chris (Chris Sullivan), le frère aîné Tyler (Eddy Maday) et la sœur cadette Chloe (Callina Liang). Après quelques hésitations, ils décident de prendre possession des lieux. Mais tout n’est pas au beau fixe chez les Payne. Rebecca est obsédée par son travail et a commis des fraudes financières qui entament profondément la confiance de son époux. Tyler est un champion de natation arrogant qui fait l’admiration de sa mère. Quant à Chloe, elle pleure encore la mort de sa meilleure amie Nadia. Un peu délaissée, ultrasensible, Chloe sera la première à sentir cette présence surnaturelle qui glisse entre les murs…

Esprit voyeur

Soderbergh opte pour une mise en forme très primaire, collant de très près à son concept sans s’embarrasser de fioritures. La caméra reste donc la plupart du temps lointaine, en captant les actions au grand-angle, tandis que chaque plan-séquence s’interrompt par un écran noir silencieux avant d’enchaîner sur le suivant, comme si la première version brute du film sortie de la salle de montage était celle finalement choisie pour le résultat définitif. L’idée est intéressante, même si les mouvements de cette présence nous semblent bien trop humains pour être attribués à un être de l’au-delà. La vue subjective monte et descend les escaliers, se cache derrière les portes ou les placards, évite les meubles pour se frayer un chemin, bref ressemble à ce qu’elle est vraiment : le fruit du travail minutieux d’un réalisateur/cameraman chargé de tout filmer dans le décor en évitant de se casser la figure ! En effet, rien ne justifie que ce fantôme s’embarrasse des contraintes physiques et matérielles de ce bas-monde… à moins qu’il ne s’agisse des réflexes hérités de son ancienne vie ? La relative froideur du dispositif s’atténue progressivement, en grande partie grâce au naturel des quatre acteurs principaux et au lyrisme de la très belle musique de Zack Ryan qui casse un peu l’austérité du film. Au moment climax, lorsque la caméra décide de se rapprocher drastiquement des acteurs tandis que la situation est en train de basculer, un malaise soudain nous étreint. Car nous voilà impuissants face au drame qui se noue, tellement identifiés à cet esprit muet que nous aimerions qu’il agisse pour nous, qu’il prenne les choses en main, qu’il se comporte enfin en poltergeist digne de ce nom. La sensation est loin d’être inintéressante, même si Presence – pour audacieux et original qu’il soit – ne nous aura finalement convaincus qu’à moitié.

© Gilles Penso

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HURLEMENTS 4 (1988)

Réalisé par le vétéran John Hough puis entièrement modifié par son producteur, ce quatrième opus ne vaut que pour son dernier quart d’heure…

THE HOWLING IV – THE ORIGINAL NIGHTMARE

 

1988 – USA

 

Réalisé par John Hough et Clive Turner

 

Avec Romy Windsor, Michael T. Weiss, Antony Hamilton, Susanne Severeid, Lamya Derval, Norman Anstey, Kate Edwards, Dennis Folbigge, Anthony James

 

THEMA LOUPS-GAROUS I SAGA HURLEMENTS

Cette troisième suite du classique de Joe Dante a été enfantée dans la douleur. Initialement, c’est le scénariste et producteur Clive Turner qui envisage de réaliser le film, en cherchant à revenir aux sources du roman de Gary Brandner qui inspirait le premier Hurlements. Mais les investisseurs préfèrent solliciter un metteur en scène plus aguerri et optent pour John Hough (Les Sévices de Dracula, La Maison des damnés, Les Yeux de la forêt, Incubus). Dès lors, une tension palpable s’installe pendant la mise en chantier du film et ira crescendo. Hough commence son tournage sans scénario définitif. Turner tarde en effet à rendre sa copie, n’en finissant plus de changer le script alors que les prises de vues sont très avancées. Le réalisateur fait donc ce qu’il peut, entravé par un budget tellement ridicule qu’il n’a même pas de quoi se payer une prise de son en direct. Tous les dialogues seront donc post-synchronisés, ce qui explique pourquoi de nombreux plans montrent les personnages parler de dos ou hors-champ. Tant bien que mal, Hough termine son film mais n’est pas au bout des déconvenues. Turner décide en effet de tout changer, de tourner de nouvelles séquences et de revoir le montage de A à Z. Voilà qui explique pourquoi le film semble si décousu.

Il semblait certes impossible de tomber plus bas que Hurlement 2 et Hurlements 3, qui atteignaient bien souvent les plus hauts sommets du grotesque. John Hough redresse donc la barre, avec des acteurs plus convaincants, une mise en scène plus solide et un rendu plus « professionnel » que les improbables deux épisodes précédents. Romy Windsor incarne Mary, une romancière à succès en proie à d’effrayantes hallucinations qui provoquent chez elle des crises de panique. Son médecin préconise qu’elle se mette au calme quelques temps. Elle se réfugie donc avec son époux Richard (Michael T. Weiss) dans un cottage au beau milieu de la campagne. Là, ils découvrent la petite population de Drago, la minuscule bourgade du coin, notamment un shérif particulièrement bourru. Les hallucinations semblent s’être calmées, mais Mary est maintenant assaillie la nuit par des rêves étranges où elle entend hurler des loups et où elle se voit courir dans les bois, aux trousses d’une mystérieuse silhouette encapuchonnée. Est-elle en train de développer une paranoïa délirante, ou une véritable menace pèse-t-elle sur elle et son mari ? Un jour, elle reçoit la visite de Janice (Susanne Severeid), une femme à la recherche d’une religieuse qui fut sa consœur, et que Mary voit dans ses rêves éveillés. Toutes deux décident de mener l’enquête…

La métamorphose gluante

Pas foncièrement palpitante, l’histoire de Hurlements 4 tente maladroitement de créer un double triangle amoureux (Mary semble courtisée par son agent littéraire, Richard est attiré par une charmante vendeuse d’artisanat local) dans l’espoir un peu vain de réveiller les spectateurs de leur torpeur. Il faudra attendre près de 70 minutes pour que le premier loup-garou montre le bout de son museau. En charge des effets spéciaux de maquillage, le très doué Steve Johnson joue la carte de l’inédit. La séquence de transformation qui intervient à dix minutes de la fin du métrage prend donc une tournure hallucinante. La victime expulse d’abord des litres de liquide visqueux qui recouvrent tout son corps, puis arbore une grimace bestiale. Muée bientôt en squelette gluant à l’issu de ce phénomène de décomposition avancée, elle baigne dans son propre jus et s’agite frénétiquement, tandis que des chœurs sinistres scandent « Satan t’appelle ! ». Puis du magma émerge un lycanthrope pantelant à la mâchoire qui s’allonge. Hélas, l’impact de la scène est sérieusement amenuisé par la maladresse du montage. Incapable de se décider sur le look des loups-garous, le film part d’ailleurs dans toutes les directions : des chiens aux yeux luisants, des hommes velus aux dents acérées, des gargouilles hirsutes aux oreilles pointues, voire des trolls au visage boursouflé et à la bouche qui se déchire pour révéler des crocs lupins. Le dernier quart d’heure d’Hurlements 4 a au moins le mérite de nous distraire par ses excès et ses effets outranciers. Mais le reste du film ne suscite qu’un ennui profond.

 

© Gilles Penso

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