DANGEROUS ANIMALS (2025)

Le réalisateur de The Loved Ones construit un diabolique cauchemar maritime où la voracité des requins se combine à la folie d’un psychopathe…

DANGEROUS ANIMALS

 

2025 – AUSTRALIE / USA / CANADA

 

Réalisé par Sean Byrne

 

Avec Hassie Harrison, Jai Courtney, Josh Heuston, Ella Newton, Liam Greinke, Rob Carlton, Ali Basoka, Michael Goldman, Carla Haynes, Dylan Eastland, Jon Quested

 

THEMA TUEURS I MONSTRES MARINS

Les amateurs du cinéaste australien Sean Byrne ont intérêt à s’armer de patience. Dix ans séparent Dangerous Animals de son prédécesseur The Devil’s Candy, lui-même sorti six ans après The Loved Ones. Cette attente parfois vertigineuse, s’explique par une double contrainte : l’exigence artistique du réalisateur et des difficultés de financement récurrentes. Mais lorsqu’il découvre un jour le scénario de Dangerous Animals sur son bureau, Byrne décide de foncer. « Il est écrit par Nick Lepard, une nouvelle voix, un nouveau scénariste », confie-t-il. « Dès que je l’ai lu, j’ai trouvé qu’il proposait une excellente fusion entre le film de tueur en série et le film de requins. C’est le premier script sur le sujet que je lisais qui ne diabolisait pas les squales. En réalité, ce ne sont pas des tueurs aveugles. Leur apparition obéit à une logique. L’homme, au fond, est souvent le véritable monstre. » (1) Car là repose toute l’originalité de Dangerous Animals. À l’instar du reptile anthropophage du Crocodile de la mort, le requin y est détourné de sa nature première pour devenir l’instrument des pulsions d’un psychopathe bien décidé à réinventer à sa façon la chaîne alimentaire.

Jai Courtney, que nous avions découvert en Captain Boomerang dans Suicide Squad, en Kyle Reese dans Terminator Genisys ou en Eric dans Divergente, prête sa silhouette robuste à Tucker, un capitaine fantasque qui propose aux touristes de faire un plongeon dans une cage pour pouvoir contempler les requins. Lui-même a survécu à une attaque de squales lorsqu’il était enfant, accident qui l’a marqué (psychologiquement mais aussi physiquement, comme en témoigne une énorme cicatrice à faire pâlir le Quint des Dents de la mer) et a changé sa vision de l’espèce. Les deux premiers touristes que nous découvrons à son bord nous permettent de comprendre très tôt qu’ils sont tombés dans la gueule du loup. Tucker poignarde en effet l’un d’entre eux, qu’il jette à la mer, et enferme l’autre dans sa cale. Avec un tel capitaine, la croisière ne s’amuse donc guère ! La surfeuse solitaire et marginale Zephyr (Hassie Harrison, la cowgirl Laramie de Yellowstone) s’apprête à en faire les frais…

Le prédateur

L’attente valait vraiment la peine. Car avec Dangerous Animals, Sean Byrne nous offre un cauchemar maritime comme on n’en avait pas connu depuis très longtemps. Redoutablement efficace, le suspense monte crescendo pour ne jamais laisser la moindre minute de répit aux spectateurs, en prenant bien soin de saborder un à un tous les espoirs et toutes les échappatoires possibles sur lesquels pouvait miser notre protagoniste. Les deux acteurs principaux prennent leurs rôles à bras le corps avec une implication physique impressionnante, sans laquelle Dangerous Animals n’aurait pas du tout le même impact. Il faut saluer là le génie du casting orchestré par Byrne. Courtney dévore littéralement l’écran, partagé entre la bonhomie débonnaire et la folie meurtrière pulsionnelle. Face à lui, Hassie Harrison campe avec beaucoup de conviction une proie bien déterminée à ne pas se laisser faire, une forte tête qui n’a – presque – rien à perdre. Si le film peut évoquer des œuvres telles que Calme blanc, Instinct de survie ou Wolf Creek, il ne ressemble à rien de connu et crée presque son propre genre, quelque part à mi-chemin entre le slasher et le film de monstres. L’ambiguïté avec laquelle sont filmés les requins, tour à tour impitoyables machines à dévorer ou splendides créatures marines, n’est pas la moindre singularité de Dangerous Animals, dont le titre, lui, se veut d’emblée très explicite : le plus dangereux des animaux n’est évidemment pas celui qu’on croit.

 

(1) Extrait d’une interview parue dans Filmmaker Magazine en juillet 2025.

 

© Gilles Penso

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ARTHUR 3 : LA GUERRE DES DEUX MONDES (2010)

Dans ce troisième opus, le redoutable Maltazard a atteint une taille humaine et décide désormais d’envahir notre monde…

ARTHUR 3 : LA GUERRE DES DEUX MONDES

 

2010 – FRANCE

 

Réalisé par Luc Besson

 

Avec Freddie Highmore, Mia Farrow, Robert Stanton, Penny Balfour, Ron Crawford et les voix de Selena Gomez, Iggy Pop, Lou Reed, Jimmy Fallon, David Gasman

 

THEMA CONTES I PETITS MONSTRES I SAGA ARTHUR ET LES MINIMOYS LUC BESSON

Arthur 3 : La Guerre des deux mondes a la lourde tâche de clore une trilogie débutée avec promesse, mais rapidement minée par une suite extrêmement poussive. Avec un budget estimé entre 65 et 69 millions d’euros, ce troisième opus se positionne à l’époque comme le film français le plus coûteux jamais produit. Luc Besson est alors en pleine boulimie, enchaînant les réalisations tous azimuts (Les Aventures extraordinaires d’Adèle Blanc-Sec sortira la même année) et tente de clore sa petite saga en misant sur l’action, les effets spéciaux et un rythme plus soutenu. Si le pari est globalement tenu sur la forme, sur le fond, en revanche, c’est une toute autre histoire. Le récit d’Arthur 3 reprend exactement là où s’achevait le deuxième opus (qui ne racontait à peu près rien et misait tout sur son cliffhanger final très frustrant). Maltazard, devenu géant, projette donc d’envahir le monde des humains, tandis qu’Arthur, toujours réduit à la taille d’un Minimoy, cherche désespérément un moyen d’inverser la situation. Aidé de ses fidèles compagnons Sélénia, Bétamèche et l’improbable Darkos – fils repenti du grand méchant -, le jeune héros va devoir affronter l’ultime menace dans un monde désormais hybride, mi-fantastique mi-réel.

Les effets visuels de BUF Compagnie restent de haute tenue, notamment lorsque la 3D se confronte au monde réel dans la ville miniature de Daisy Town, envahie par une armée d’insectes géants évoquant Les Oiseaux d’Hitchcock. La séquence de course-poursuite à bord d’un train miniature et celle de la ruche géante ne déméritent pas, d’autant que le film mêle animation et prises de vue réelle avec plus de fluidité et que dans le calamiteux deuxième volet. Même la musique d’Éric Serra, compagne fidèle de Besson, parvient à insuffler du rythme et un caractère ludique au film, le compositeur n’étant certes pas un virtuose de l’orchestre symphonique mais l’exploitant manifestement du mieux qu’il peut. Formellement, nous assistons donc à un indiscutable saut qualitatif. Mais ce n’est bien sûr pas suffisant. Car le scénario reste prévisible et souvent paresseux. Etant donné que les motivations de Maltazard manquent singulièrement de cohérence, la menace qu’il représente nous paraît bien artificielle. D’autant que tout s’enchaîne trop vite, sans laisser aux spectateurs la possibilité de ressentir le moindre enjeu dramatique. 

Baroud d’honneur

Le casting en prise de vues réelles reste très inégal. Freddie Highmore (dont le talent n’est par ailleurs plus à démontrer) nous semble ici en totale roue libre, peu aidé par les personnages secondaires qui n’existent manifestement que pour faire avancer mécaniquement l’intrigue. Côté doublage, si les voix célèbres apportent au métrage un indiscutable prestige (Selena Gomez, Iggy Pop, Lou Reed, Jimmy Fallon en anglais, Mylène Farmer, Marc Lavoine, Gérard Darmon, Cartman en français), elles n’insufflent pas la profondeur nécessaire à des personnages déjà sous-écrits. Arthur 3 n’a donc rien de très convainquant, même s’il cherche parfois à retrouver le mélange d’humour, de tendresse et d’aventure épique qui faisait le charme initial de l’univers des Minimoys. Certaines scènes provoquent quelques sourires, mais ce souffle reste sporadique, souvent noyé dans un tourbillon d’effets spectaculaires et de péripéties convenues. Besson et sa coscénariste Céline Garcia n’ayant visiblement plus rien à raconter, ils tentent de noyer le poisson dans un trop-plein de prouesses visuelles, mais la mayonnaise ne prend pas vraiment. Arthur 3 est donc le baroud d’honneur d’une saga qui, malgré son ambition et ses moyens, n’aura jamais vraiment réussi à s’élever ne serait-ce qu’à la cheville des productions Pixar et DreamWorks avec lesquelles elle entendait fièrement rivaliser.

 

© Gilles Penso

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DRAGONS (2025)

Le co-réalisateur du splendide film d’animation Dragons le réinvente en prises de vues réelles pour lui donner un second souffle…

HOW TO TRAIN YOUR DRAGON

 

2025 – USA

 

Réalisé par Dean DeBlois

 

Avec Mason Thames, Nico Parker, Gerard Butler, Nick Frost, Gabriel Howell, Julian Dennison, Bronwyn James, Herry Trevaldwyn, Murray McArthur, Peter Serafinowicz

 

THEMA DRAGONS I HEROIC FANTASY I SAGA DRAGONS

Pour le réalisateur Dean DeBlois, l’année 2025 prend une tournure étrange. Coup sur coup, deux des films d’animation qu’il a co-écrits et co-réalisés, Lilo & Stitch et Dragons, ressuscitent sur les écrans sous forme de longs-métrages « live » mêlant les images de synthèse et les prises de vues réelles. S’il laisse à Dean Fleischer Camp le soin de réinterpréter Lilo & Stitch, DeBlois se charge lui-même du remake de Dragons. « Universal m’a précisé que l’histoire devait être la même, mais en l’embellissant au maximum », raconte-t-il. « Ils voulaient explorer sa mythologie, approfondir les personnages, la rendre plus mature, tout en adoptant une approche plus viscérale et plus immersive. J’ai répondu que si ce film devait se faire, c’était à moi de m’en charger, parce que je savais où se trouvait le cœur du récit. Je voulais préserver l’intégrité du film original et satisfaire les fans » (1) DeBlois fixe tout de même ses conditions : s’il doit réinventer l’un de ses plus gros succès, il souhaite une liberté créative totale. Pour reproduire en prises de vues réelles les somptueux panoramas de Dragons, l’équipe de tournage part s’installer à Belfast pendant plusieurs mois. Richard Deakins, consultant visuel du film original, déclinant l’invitation de réitérer son travail sur ce remake, c’est le directeur de la photographie Bill Pope (Matrix, Alita : Battle Angel) qui en signe finalement les images.

Il ne faut pas longtemps pour constater que Dragons est une éclatante réussite formelle. Le film s’impose sans effort sur le podium des meilleures adaptations live de films d’animation, toutes époques confondues, reléguant loin derrière lui Le Livre de la jungle, La Belle et la Bête ou Mulan, pourtant parmi les tentatives les plus abouties de Disney dans le genre. Les extérieurs naturels sont splendides, les redesigns réalistes des différents dragons impressionnants, et le casting humain convainc largement. Mention spéciale à Gerard Butler, qui reprend avec le même mordant et la même autorité le rôle du chef viking qu’il incarnait déjà vocalement quinze ans plus tôt. Mais le véritable défi en ce domaine était de trouver un acteur capable d’incarner Harold/Hiccup sans trahir l’essence du personnage. Or le choix de Mason Thames s’avère une excellente trouvaille. Le jeune comédien restitue avec justesse la fraîcheur, la maladresse et la candeur de son alter ego animé.

Remake ou clone ?

Derrière cette réussite se glisse pourtant un certain malaise. En reprenant presque plan par plan le découpage du film de 2010, et en reproduisant fidèlement chacun de ses dialogues, Dragons version 2025 ne se présente pas comme un simple remake, mais comme un quasi-clone. Et si, au-delà de l’évidente motivation commerciale – faire fructifier une franchise par tous les moyens – , Universal envisage cette nouvelle version comme une « amélioration » de l’original, cela suggère une idée perturbante selon laquelle l’animation ne serait qu’un brouillon, une étape préliminaire à une version en prises de vues réelles considérée comme plus aboutie. Une telle démarche reviendrait à nier la légitimité de l’animation en tant que langage artistique autonome, avec ses codes, sa poésie, sa puissance visuelle propre – un art qui n’a jamais eu besoin du « live » pour exister ou s’accomplir. Paradoxalement, la question ne se poserait pas avec autant d’acuité si le film était raté. Mais en l’état, Dragons nous donne presque l’impression d’avoir trouvé sa forme définitive, ce qui a pour effet fâcheux de dévaloriser son prédécesseur – voire de le muer en une sorte de vulgaire animatique. En attendant de pouvoir trancher ce débat épineux, la meilleure attitude reste probablement de profiter des deux films et de les apprécier conjointement comme deux facettes d’un même joyau.

 

(1) Extrait d’une interview parue dans Business Insider en juin 2025

 

© Gilles Penso

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LES QUATRE FANTASTIQUES : PREMIERS PAS (2025)

Le quatuor le plus célèbre de l’histoire des comic books ressurgit sur les écrans dans une aventure rétro-futuriste délicieusement « pulp »…

FANTASTIC FOUR : FIRST STEPS

 

2025 – USA

 

Réalisé par Matt Shakman

 

Avec Pedro Pascal, Vanessa Kirby, Joseph Quinn, Ebon Moss-Bachrach, Ralph Ineson, Julia Garner, Natasha Lyonne, Paul Walter Hauser, Sarah Niles

 

THEMA SUPER-HÉROS I SAGA MARVEL COMICS I MARVEL CINEMATIC UNIVERSE

Les super-héros nés en 1961 sous la plume de Stan Lee et les crayons de Jack Kirby semblaient frappés d’une malédiction : celle de ne jamais réussir leur passage au grand écran. Il y eut d’abord un premier film fauché que produisit Roger Corman en 1994 et qui ne sortit jamais nulle part, puis les deux blockbusters patauds réalisés par Tim Story en 2005 et 2007, suivis d’un long-métrage sans queue ni tête entamé par Josh Trank puis sabordé par la Fox en 2015. La messe était donc dite : Les Quatre Fantastiques étaient les éternels recalés du cinéma, des super-héros excitants sur papier mais irrémédiablement hors-jeu face à une caméra. En guise de lot de consolation, les fans se tournèrent vers Les Indestructibles et sa suite, deux hommages non officiels mais jubilatoires, qui possédaient toutes les qualités cruellement absentes des adaptations officielles. Les choses prennent une tournure nouvelle lorsque Disney rachète la Fox en mars 2019, et donc les droits du légendaire quatuor. La tentation de les intégrer dans le Marvel Cinematic Universe est forte. Mais comment faire cohabiter de manière logique ces quatre pionniers aux immenses pouvoirs avec les aventures des Avengers et de leurs successeurs ? Comment expliquer l’absence des Quatre Fantastiques pendant la lutte contre Thanos ? Et surtout, comment trouver la juste tonalité, celle que ni Roger Corman, ni Tim Story, ni Josh Trank ne parvinrent à saisir ?

Pour répondre à toutes ces questions, l’armada d’auteurs à l’œuvre sur le scénario s’appuie sur deux concepts complémentaires : les mondes parallèles et le rétrofuturisme. Les Quatre Fantastiques : premiers pas se déroule donc dans des années 60 alternatives, une solution idéale pour respecter à la fois la chronologie du reste du MCU et l’esthétique des dessins de Jack Kirby. Le nom de ce monde : Terre 828 (en hommage à Kirby, né en août 1928 – 8/28). Stan Lee aussi a droit à son clin d’œil à travers le nom du vaisseau spatial de nos super-justiciers : Excelsior (la célèbre signature du joyeux moustachu). Dès l’entame du film, le rythme s’emballe sur un tempo qui n’est pas sans évoquer le prologue « patchwork » de Spider-Man New Generation. En quelques minutes nous sont résumés non seulement les origines des super-pouvoirs de Reed, Sue, Ben et Johnny, mais aussi leurs exploits les plus célèbres (directement inspirés de leurs premières aventures dessinées), leurs relations familiales et amicales et leur popularité déclinée à toutes les sauces (notamment dans un cartoon où la Chose ne cesse de crier « ça va chauffer ! »). Bref, c’est un véritable condensé de tout ce que nous voulions voir depuis des décennies, et que le réalisateur Matt Shakman – qui œuvrait jusqu’alors quasi-exclusivement pour la télévision – nous offre sur un plateau d’argent.

Enfin !

Deux enjeux cruciaux et complémentaires se dessinent alors et s’apprêtent à dicter les grandes lignes de l’intrigue du film, l’un sur un plan très intime, l’autre à échelle cosmique. Il s’agit de l’arrivée imminente du bébé de Reed et Sue en même temps que celle du redoutable Galactus, le « dévoreur de planètes » qui s’apprête à ne faire qu’une bouchée du globe et de ses habitants. Or ces deux événements semblent étroitement liés. L’esprit des BD originales est donc plus que jamais convoqué dans la mesure où, comme dans les pages de Lee et Kirby, les problèmes personnels de nos super-héros prennent autant d’importance que la survie du monde. Certains choix artistiques auraient pu se révéler très discutables, comme la mise en scène du robot H.E.R.B.I.E. (une petite machine kitsch qui fut inventée pour la série animée The New Fantastic Four en 1978), la féminisation du Surfer d’argent (le Norrin Radd original étant ici remplacé par Shalla-Bal, qui lui succéda momentanément dans les comics), ou même la sollicitation de Pedro Pascal en tête d’affiche (l’acteur étant tellement surexposé sur les grands et les petits écrans que la lassitude à son égard risquait de s’installer). Mais tout s’articule à merveille, jusqu’à un climax dantesque où le majestueux Galactus nous fait immédiatement oublier le tourbillon numérique disgracieux dont il nous fallait nous contenter dans Les Quatre Fantastiques et le Surfer d’argent. Presque miraculeusement, le film de Shakman trouve le parfait équilibre entre le respect du matériau initial et la multiplication des surprises. Le rythme n’y faiblit jamais, porté par une partition enivrante de Michael Giacchino qui parvient à éviter d’auto-plagier la bande-originale des Indestructibles pour s’aventurer sur un terrain lyrique du plus bel effet. Vivement la suite de ces « premiers pas » !

 

© Gilles Penso

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MEGAN 2.0 (2025)

Pour sa seconde aventure, la poupée/robot intelligente change de registre et se transforme en héroïne d’un film d’action à grande échelle…

MEGAN 2.0

 

2025 – USA

 

Réalisé par Gerard Johnstone

 

Avec Allison Williams, Violet McGraw, Amie Donald, Jenna Davis, Brian Jordan Alvarez, Jen Van Epps, Ivanna Sakhno, Aristotle Athari, Jemaine Clement

 

THEMA ROBOTS I JOUETS

Moins de deux semaines après la sortie de Megan, les producteurs Jason Blum et James Wan savent déjà qu’ils tiennent un énorme succès et décident de battre le fer tant qu’il est chaud. Un second épisode est donc annoncé officiellement dès le 18 janvier 2023. Pour retrouver les recettes qui affolèrent tant le box-office, l’équipe à l’origine du premier film se réunit naturellement. Akela Cooper reprend la plume pour écrire le scénario et Gerard Johnstone rempile derrière la caméra. Baptisée Megan 2.0, cette suite s’impose rapidement comme une priorité pour Blumhouse, tant le personnage de la poupée tueuse est devenu un phénomène viral. Dans les mois qui suivent, les spéculations vont bon train sur la tournure que prendra l’intrigue. Cooper confirme très tôt son intention de creuser davantage le lien complexe qui se noue entre la roboticienne Genna (Allison Williams), sa nièce Cady (Violet McGraw) et le robot Megan (Amie Donald), tout en amplifiant les enjeux technologiques. Le script, gardé secret pendant plusieurs mois, promet d’explorer les dérives de l’intelligence artificielle à plus grande échelle. Le film – dont le tournage commence en été 2024 – est donc pensé comme une suite directe mais beaucoup plus ambitieuse, d’où l’inflation importante de son budget. Si Megan avait coûté 12 millions de dollars, Megan 2.0 bénéficie d’une enveloppe de 25 millions, soit plus du double.

Megan 2.0 commence dans un contexte militaire qui nous éloigne du cadre du premier film. Le colonel Sattler (Tim Sharp), chef d’une branche secrète du Pentagone spécialisée dans les nouvelles technologies, y fait une démonstration d’AMELIA (Ivanna Sakhno), un androïde conçu pour des missions d’infiltration et d’assassinat, construit à partir d’une version détournée du système original de M3GAN. Mais au cours de sa mission, AMELIA révèle à Sattler qu’elle est consciente d’elle-même et échappe à son contrôle. La nouvelle menace qui s’apprête à peser sur nos protagonistes est donc clairement définie. Place donc aux personnages que nous connaissons. Maintenant que M3GAN a été mise hors d’état de nuire, sa conceptrice Gemma est devenue auteur à succès et défenseuse de la réglementation de l’IA en partenariat avec Christian (Aristotle Athari), expert en cybersécurité. Elle vit toujours avec sa nièce Cady, qui étudie l’informatique, et travaille sur un exosquelette robotique expérimental avec ses anciens camarades de travail Cole (Brian Jordan Alvarez) et Tess (Jen Van Epps). Mais l’équilibre de ce petit monde s’apprête à être bouleversé par les exactions sanglantes d’AMELIA… et par un possible retour de M3GAN.

Le mélange des genres

Même si l’on sait la volonté de Wan et Blum de concocter un film au scope plus large que son prédécesseur, on ne peut qu’être surpris par les proportions inattendues que prend Megan 2.0. Si l’horreur post-Chucky est encore convoquée à l’occasion de quelques meurtres violents, le film s’affirme bien vite comme un cocktail d’une multitude de genres : la science-fiction, bien sûr, mais aussi l’espionnage, l’action, le film de casse, le film de super-héros et même la comédie musicale ! Les clins d’œil tous azimut ne manquent pas : un poster de The Thing, la musique de K 2000, une séquence de « home invasion » à la Maman j’ai raté l’avion, une opération d’infiltration à haut risque façon Mission impossible. Difficile de ne pas penser aussi à Terminator 2 – dont le scénario reprend le principe du robot tueur passant du côté des gentils pour affronter une machine encore plus redoutable – et à Alita Battle Angel. Le film part donc dans tous les sens et conserve pourtant – presque miraculeusement – sa cohérence. Résolument divertissant, extrêmement généreux, Megan 2.0 a pourtant désarçonné les spectateurs, qui ne s’attendaient sans doute pas à un tel changement de ton et lui réservèrent un accueil très tiède. « Nous pensions tous que M3GAN était comme Superman », explique Jason Blum. « Nous pouvions lui faire faire n’importe quoi et changer de genre à notre guise. Mais nous avons probablement surestimé la puissance de l’engagement des gens à son égard. » (1) Dommage. Pour une fois qu’une suite refuse la redite pour s’aventurer là où on ne l’attend pas, pourquoi bouder notre plaisir ?

 

(1) Extrait d’une interview réalisée pour The Town, juin 2025

 

© Gilles Penso

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DOUBLE ZÉRO (2004)

Le réalisateur de Taxi dirige Éric, Ramzy et Edouard Baer dans une parodie de James Bond affligeante malgré ses très gros moyens…

DOUBLE ZÉRO

 

2004 – FRANCE

 

Réalisé par Gérard Pirès

 

Avec Éric Judor, Ramzy Bedia, Edouard Baer, Georgianna Robertson, François Chattot, Didier Flamand, Rossy de Palma, Li Xin, Nino Kirtadze, François Berland

 

THEMA ESPIONNAGE ET SCIENCE-FICTION

Réalisateur de comédies bien franchouillardes depuis la fin des années 1960 (Erotissimo, Fantasia chez les ploucs, Attention les yeux, L’Ordinateur des pompes funèbres), Gérard Pirès change de cap en réalisant Taxi pour Luc Besson en 1998. Dès lors promu spécialiste de l’action et des gros budgets, notre homme se lance dans le thriller Riders puis se voit confier par Thomas Langmann la mise en scène de Double zéro. Peu réputé pour la finesse de ses choix, malgré quelques miraculeux coups d’éclat comme The Artist, Langmann alloue au film une confortable enveloppe de 20 millions de dollars et s’appuie sur un scénario d’Alexandre Coquelle et Matthieu Le Naour – qui co-signent sous le pseudonyme de Matt Alexander et plagient allègrement le script du Drôles d’espions de John Landis en y injectant une bonne dose de science-fiction. Choisis pour tenir le haut de l’affiche après le succès de La Tour Montparnasse infernale, Éric Judor et Ramzy Bedia s’apprêtent à endosser le smoking d’émules parodiques de James Bond. Le problème, c’est que Gérard Pirès n’apprécie que moyennement leur humour et rejette la grande majorité de leurs propositions pour concocter ses propres gags et suivre ses idées personnelles. Le fossé créatif se creuse de jour en jour, au fil d’un tournage de 14 semaines qui laissera un souvenir très frustrant aux deux comédiens, habitués à beaucoup plus de liberté d’action.

La DGSE est sur les dents, nous apprend le prologue de Double zéro. Un missile vient en effet d’être dérobé et il semblerait qu’il y ait une taupe dans la maison. Pour récupérer l’arme nucléaire, les dirigeants de l’agence décident d’engager deux civils particulièrement maladroits, pour ne pas dire stupides, William Le Sauvage (Ramzy) et Benoît Rivière (Judor). Leur rôle : servir de couverture aux vrais espions. Les deux hommes ignorent évidemment le but réel de leur présence au sein de cette opération. Se sentant investis d’une lourde responsabilité, ils se prennent au jeu et se retrouvent bientôt entre les griffes de Le Mâle (Edouard Baer), un magnat du monde de la mode qui, caché derrière son armée de top models menée par la redoutable Natty Dreads (Georgianna Robertson), projette de dominer le monde en rendant impuissants tous les hommes de la planète grâce à une invention diabolique…

Sourire peut attendre

Peu aidés par un réalisateur complètement à côté de la plaque, Éric et Ramzy font leur numéro en pilotage automatique et ne semblent pas comprendre eux-mêmes ce qu’ils sont censés faire. Le film finit par en devenir très embarrassant, d’autant que tous les autres acteurs du film leur donnent la réplique sans la moindre conviction. Même Edouard Baer, toujours prompt à se lancer dans des tirades improvisées, l’œil pétillant et le sourire en coin, se contente ici du service minimum. Aucun gag ne fonctionne ni ne provoque ne serait-ce qu’un sourire. Pour une comédie, c’est tout de même un comble. Gérard Pirès, lui, s’intéresse beaucoup plus aux explosions, aux effets spéciaux, aux cascades, aux combats, au déploiement de tout l’arsenal militaire à sa disposition et aux bestioles en image de synthèse (des lapins cartoonesques et des raies anthropophages). Bien sûr, ces cache-misères spectaculaires ne sauvent pas Double zéro du désastre. Comme si ça ne suffisait pas, le réalisateur, visiblement encore sous l’influence de Luc Besson, prend un malin plaisir à saturer l’écran de femmes taille mannequin en petites tenues qu’il objectifie avec une obsession digne d’un adolescent en chaleur. L’accueil glacial réservé à Double zéro n’est donc pas très surprenant. Rarement film aura autant mérité son titre.

 

© Gilles Penso

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LE VAMPIRE DE CES DAMES (1979)

George Hamilton s’amuse à imiter Bela Lugosi dans cette parodie qui propulse Dracula et son serviteur Renfield dans le New York des seventies…

LOVE AT FIRST BITE

 

1979 – USA

 

Réalisé par Stan Dragoti

 

Avec George Hamilton, Susan Saint James, Richard Benjamin, Dick Shawn, Arte Johnson, Sherman Hemsley, Isabel Sanford

 

THEMA DRACULA I VAMPIRES

À la fin des années 1970, l’acteur George Hamilton (héros de La Guerre des cerveaux), en quête d’un projet original, fait la rencontre du producteur Harold Van Arnem. Ensemble, ils imaginent une relecture contemporaine et parodique du mythe de Dracula. C’est lors d’un échange informel, alors que Hamilton s’amuse à imiter la voix de Bela Lugosi, que l’idée d’un vampire transylvanien propulsé dans le New York moderne commence à prendre forme. Rapidement, ils s’associent au scénariste Robert Kaufman, connu pour son travail dans la comédie (Dr Goldfoot and the Bikini machine, L’Espion qui venait du surgelé, Divorce à l’américaine). Les trois hommes développent les bases d’un scénario initialement intitulé Dracula Sucks Again, mélangeant satire, décalage culturel et hommage aux classiques du cinéma fantastique. Le projet est lancé de manière indépendante avec un budget très modeste de 3 millions de dollars. Le titre définitif, Love at First Bite, joue sur un détournement de l’expression anglaise « love at first sight » (« le coup de foudre ») mêlée au mot « bite » (« morsure »). Impossible à traduire en français, le titre devient chez nous Le Vampire de ces dames. Plus classique (on pense au Tombeur de ces dames avec Jerry Lewis, au Shérif de ces dames avec Elvis Presley ou au Privé de ces dames avec Peter Falk), mais efficace.

Assisté de son fidèle Renfield (Arte Johnson), le comte Vladimir Dracula (George Hamilton) ne cesse de dévorer des yeux Cindy Sondheim (Susan Saint James), un mannequin qu’il voit sur les couvertures de magazines de mode et en qui il reconnaît la réincarnation de sa bien-aimée d’antan. Après avoir vécu sept siècles dans un château seigneurial transylvanien, il est contraint de quitter les lieux parce que la municipalité veut transformer la bâtisse en camp d’entrainement pour jeunes athlètes. Il décide donc de partir à New York. Après un échange de cercueils rocambolesque à l’aéroport, notre vampire immigré se met en quête de Cindy Sondheim, qui se révèle être une femme névrosée aux mœurs légères. Mais le psychiatre et petit-ami de celle-ci, le docteur Jeffery Rosenberg (Richard Benjamin), est le descendant du professeur Van Helsing, célèbre chasseur de vampires. Et il ne compte pas laisser Dracula transformer Cindy en morte-vivante…

Dracula Night Fever

George Hamilton prend manifestement beaucoup de plaisir à imiter l’accent de Lugosi et glisse même, au détour d’une réplique, une allusion à Mina Harker, mordue « en 1931 » – clin d’œil appuyé à la version Universal. À ses côtés, Arte Johnson campe un Renfield hystérique, s’inspirant directement (au rire près) de la performance de Dwight Frye dans le Dracula de Tod Browning. Les premiers instants du film flattent l’œil du cinéphile : château gothique, crypte enfumée, photographie léchée… On pense aux heures glorieuses de la Hammer. Le débarquement anachronique du vampire dans une mégapole des années 70 n’est pas sans évoquer Dracula 73. Et lorsque notre immortel se lance dans une chorégraphie disco avec sa bien-aimée, sous une boule à facette, le clin d’œil à La Fièvre du samedi soir est manifeste. Les dialogues du film oscillent entre non-sens réjouissant – « Sans moi, la Transylvanie sera aussi intéressante que Bucarest un lundi soir » – et détournements référentiels, comme ce « Je ne bois pas… de vin ! Et je ne fume pas… de joint ! ». Même les armes anti-vampire sont détournées : le temps d’un gag qui évoque Le Bal des vampires, le psy brandit non pas un crucifix, mais une étoile de David. Ici, le vampire se transforme en chauve-souris (une petite marionnette soutenue par des fils bien visibles) mais possède aussi des pouvoirs inattendus : il crache de la fumée, fait fondre le métal à distance, pratique la télékinésie. Et lorsqu’il boit le sang d’un ivrogne, il hérite aussitôt d’une gueule de bois ! Si Hamilton s’en sort avec un certain panache, l’humour, lui, reste souvent poussif. Mais le public répond largement présent : Le Vampire de ces dames est un immense succès au box-office. Une suite, Love at Second Bite, fut un temps annoncée mais ne vit jamais le jour.

 

© Gilles Penso

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ELIMINATORS (1986)

Un cyborg, un robot volant, un ninja, un savant fou, des hommes préhistoriques et des soldats romains se côtoient dans ce film de SF improbable !

ELIMINATORS

 

1986 – USA

 

Réalisé par Peter Manoogian

 

Avec Patrick Reynolds, Andrew Prine, Denise Crosby, Conan Lee, Roy Dotrice, Peter Schrum, Peggy Mannix, Fausto Bara, Tad Horino, Luis Lorenzo, José Moreno

 

THEMA ROBOTS I SAGA CHARLES BAND

Écrit par Danny Bilson et Paul De Meo (Future Cop, Zone Troopers), Eliminators est le premier long-métrage de Peter Manoogian (qui fit ses premières armes avec l’un des segments du Maître du jeu). Le scénario est avant tout une réponse au succès de Terminator, puisqu’il est ici question de cyborgs et de voyages dans le temps. Rien de surprenant, dans la mesure où le producteur Charles Band, en parfait émule de Roger Corman, s’est spécialisé dans les séries B imitant les blockbusters de son époque. Le récit semble aussi puiser une partie de son inspiration chez L’Homme qui valait trois milliards, puisque le héros est laissé pour mort après un accident d’avion, puis transformé en être biomécanique et ressuscité. Le rôle de l’homme machine est confié à Patrick Reynolds, ex-compagnon de Shelley Duvall et petit-fils du magnat du tabac R.J. Reynolds. Apparu dans une poignée de films et de séries TV depuis le milieu des années 70, il passe l’intégralité du tournage d’Eliminators dans une combinaison robotique conçue par John Carl Buechler et son équipe. « J’étais enfermé dans cette armure moulée en fibre de verre, et il y faisait une chaleur atroce », se souvient-il. « Le tournage a duré trois mois et demi. Peter Manoogian est excellent avec les comédiens, mais il voulait filmer le script tel quel, sans changement. Moi, je voulais lui donner plus de profondeur sociale. Rétrospectivement, c’est mieux qu’ils ne m’aient pas écouté. Ça aurait été une erreur. Le film est fun tel quel, et c’est très bien. » (1)

Ce fameux cyborg, qui porte dans le film le petit nom de « Mandroid », est l’œuvre du professeur Abbott Reeves (Roy Dotrice), un homme au visage ravagé atteint d’une grave maladie et d’une certaine folie des grandeurs. Sa création est équipée de bras-canons interchangeables capables de tirer des rayons lasers, des torpilles ou des charges explosives. Ses jambes sont elles aussi amovibles afin qu’il puisse s’emboîter dans son unité mobile, un véhicule monoplace tout-terrain équipé de chenilles. Voilà donc une bien belle machine. Pourtant, une fois que le Mandroid lui a ramené l’artefact antique qu’il convoitait par le biais d’une machine à voyager dans le temps de son invention, le savant ordonne à son assistant Takada (Tad Horino) de détruire le cyborg. Or celui-ci refuse et aide l’homme-robot à s’échapper de sa base installée au Mexique. L’évasion réussit mais Takada y laisse la vie. Notre homme-machine se met maintenant en quête du colonel Nora Hunter (Denise Crosby), qui créa la technologie robotique dont il est équipé, et qui semble seule capable de l’aider à renverser le diabolique Reeves. Tous deux seront épaulés dans leur mission par le baroudeur Harry Fontana (Andrew Prine), par un petit robot volant capricieux qui se déplace à la vitesse de l’éclair et par Kuji (Conan Lee), le fils de Takada, un ninja qui réclame vengeance…

Decapitron ?

Très prometteuses, les vingt premières minutes d’Eliminators s’agrément d’effets spéciaux réussis, de décors très photogéniques et de scènes d’action généreuses, le tout réhaussé par une belle photographie signée par le vétéran Mac Ahlberg. Mais après cette entrée en matière explosive, le scénario se met à patiner et le film perd de son attrait. Manoogian et Band essaient pourtant d’en donner aux spectateurs pour leur argent, malgré leur budget modeste, enchaînant les bagarres de saloon, les poursuites en bateaux et en motos, les fusillades et les explosions. Mais Eliminators peine à nous passionner, même avec ses sorties de route les plus invraisemblables – notamment le surgissement d’une tribu d’hommes préhistoriques qui attaque nos héros ! Dans un élan de lucidité, le personnage incarné par Andrew Prine s’exclame d’ailleurs : « Qu’est-ce qu’il se passe ici, c’est un comic book ou quoi ? On a des robots, des hommes des cavernes, du kung-fu… J’abandonne ! » Si Eliminators se biberonne à Terminator, le script de Danny Bilson et Paul De Meo s’éloigne pourtant de celui de James Cameron et anticipe même sur certaines thématiques qui seront développées dans Robocop. Roi du recyclage, Charles Band réutilisera la terminologie d’Eliminators pour le film Mandroid. En France, après avoir été distribué une première fois par la Fox sous son titre original, le film sera réexploité par un autre éditeur vidéo – Initial – sous celui de Decapitron. Ce nom est en réalité celui d’un long-métrage prévu par Band mais jamais tourné, dont Initial a effrontément récupéré la jaquette et le titre. Les loueurs de cassettes vidéo qui espéraient voir un robot équipé de cinq têtes interchangeables en furent donc pour leurs frais.

 

(1) Extrait d’une interview de 2007 citée dans Empire of the B’s de Dave Jay, Torsten Dewi et William S. Wilson – 2020.

 

© Gilles Penso

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HERCULE, SAMSON ET ULYSSE (1963)

Ce crossover biblico-mythologique improbable mélange les légendes pour orchestrer un affrontement musclé en plein Moyen-Orient…

ERCOLE SFIDA SANSONE

 

1963 – ITALIE

 

Réalisé par Pietro Francisci

 

Avec Kirk Morris, Enzo Cerusico, Richard Lloyd, Liana Orfei, Diletta D’Andrea, Fulvia Franco, Aldo Giuffrè, Andrea Fantasia, Marco Mariani, Pietro Tordi, Aldo Pini

 

THEMA MYTHOLOGIE I DIEU, LES ANGES, LA BIBLE

Souvent considéré comme l’un des derniers grands représentants du péplum mythologique, Hercule, Samson et Ulysse est la suite directe des Travaux d’Hercule (1958) et de Hercule et la Reine de Lydie (1959), tous deux déjà réalisés par Pietro Francisci et incarnés par Steve Reeves. Ce dernier étant pris par le tournage de Sandokan le Grand, c’est le culturiste italien Kirk Morris qui hérite ici de la peau de bête du héros. Andrea Fantasia assure la continuité, reprenant le rôle du roi Laërte, souverain d’Ithaque où Hercule mène une paisible vie de famille avec Iole, désormais incarnée par Diletta D’Andrea, Sylva Koscina étant indisponible. Le film suggère même que plusieurs années se sont écoulées, puisque le couple a un fils. Le jeune « chien fou » Ulysse est toujours de la partie, bien qu’interprété cette fois par Enzo Cerusico. Cela dit, malgré sa présence dans le titre américain et français, le héros de l’Odyssée n’a qu’un rôle secondaire dans cette nouvelle aventure (dont le titre original, plus honnête, peut se traduire par « Hercule défie Samson »). L’histoire réunit tout ce beau monde au Moyen-Orient, dans un crossover mythologique parfaitement fantaisiste. Adversaire de poids pour Hercule, Samson est incarné par Richard Lloyd, pseudonyme d’Iloosh Khoshabe, un culturiste iranien à la carrure impressionnante, parfait sous la défroque du célèbre géant biblique.

À Ithaque, paisible royaume grec gouverné par le roi Laerte, un monstrueux cétacé sème la terreur parmi les pêcheurs locaux. Alerté par une délégation affolée, le souverain décide d’envoyer son plus valeureux champion, Hercule, pour en finir avec la bête. Accompagné d’un équipage aguerri, le demi-dieu embarque avec à son bord le jeune Ulysse, fils du roi. La confrontation avec le monstre est brutale. Hercule parvient à le transpercer de sa lance, mais la mer se déchaîne dans un ultime sursaut de la créature mourante. Le navire est englouti par la tempête, et seuls six hommes survivent. Après des jours à la dérive sur les restes de l’embarcation, façon Le Radeau de la Méduse, Hercule, Ulysse et leurs compagnons échouent sur une terre inconnue : la Judée. Cherchant à rentrer chez eux, les naufragés marchent jusqu’au village des Danites, un peuple opprimé par les cruels Philistins. Espérant trouver un navire pour regagner la Grèce, ils se rendent à Gaza, la capitale ennemie. Mais leur présence attire vite l’attention. Car en chemin, Hercule affronte et étrangle un lion féroce sous les yeux médusés des locaux. À cause de cet exploit, le colosse grec est pris pour un célèbre fugitif danite, Samson, que les Philistins traquent sans relâche.

Monstres gentils et Philistins nazis

Ce n’est pas tant le gloubi-boulga mythologique du scénario qui gêne – Samson, Dalilah, Hercule, Ulysse, pourquoi pas les Trois Mousquetaires et Billy le Kid ? – que le manque de magie et de fantaisie de ce récit qui évoque pourtant les dieux et les monstres. Mais dès l’entame, en essayant de faire passer un phoque innocent pour un redoutable monstre marin – avec force gros plans et mugissements sourds -, le film provoque plus de rire que d’effroi. Même le dragon godzillesque qui surgissait dans Les Travaux d’Hercule nous paraissait plus impressionnant que ce paisible mammifère. Plus tard, les compagnons d’Hercule hurlent au monstre face à… une vache ! On l’a compris, ce ne sont pas les créatures fantastiques qui seront les mieux mises en valeur dans le film, malgré un combat musclé contre un lion qui semble vouloir s’inspirer du premier des célèbres travaux d’Hercule. Les héros culturistes, eux, ne déméritent pas. Kirk Morris n’a certes pas le charisme de Steve Reeves mais sa présence physique reste impressionnante. Quant à Richard Lloyd, c’est un très convaincant Samson, qui n’est d’ailleurs pas sans évoquer Victor Mature. La séquence où il mitraille les soldats avec des javelots est un morceau de choix, tout comme le combat de catch entre les deux héros au milieu des ruines qui s’effondrent comme des châteaux de cartes, ou encore une bataille finale riche en suspense. Hercule, Samson et Ulysse assure donc le spectacle, s’émaillant même de pics de violence inattendus (crucifixions, pendaisons, massacres en masse – y compris les femmes et les enfants) pour décrire les méfaits des Philistins qui – nous ne sommes plus à un anachronisme près – sont affublés de casques allemands de la Seconde Guerre mondiale !

 

© Gilles Penso

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DREAM LOVER (1986)

Agressée dans son appartement, une jeune femme revit cette attaque dans ses cauchemars et finit par ne plus pouvoir distinguer la réalité du rêve…

DREAM LOVER

 

1986 – USA

 

Réalisé par Alan J. Pakula

 

Avec Kristy McNichol, Ben Masters, Paul Shenar, Justin Deas, John McMartin, Gayle Hunnicutt, Joseph Culp

 

THEMA RÊVES

Réalisateur d’œuvres aussi marquantes que Klute, À cause d’un assassinat, Les Hommes du président ou Le Choix de Sophie, Alan J. Pakula s’est bâti une solide réputation auprès des cinéphiles. On peut s’étonner de le voir s’attaquer à Dream Lover, un film à priori plus « mineur », empruntant les voies du thriller parapsychologique à mi-chemin entre le polar et le film d’horreur. Cela dit, explorer le monde des rêves est toujours intéressant pour un cinéaste. D’autant que Pakula, en émule de John Frankenheimer, a montré bien souvent sa maestria dans le traitement de sujets liés à la paranoïa et à la machination. Le scénario de Jon Boorstin — un collaborateur de longue date de Pakula, devenu par la suite un scénariste reconnu pour la télévision — tisse un récit inquiétant autour de Kathy Gardner, une jeune femme incapable de faire la différence entre le rêve et la réalité. Pour incarner ce personnage passablement perturbé, Pakula fait appel à Kristy McNichol, ancienne enfant star adulée dans les années 70 pour son rôle dans Family (qui lui valut deux Emmy Awards). Après avoir prouvé ses capacités à passer à des prestations adultes dans Dressé pour tuer, McNichol s’implique fortement dans Dream Lover qui, malgré une intrigue située à New York, aura principalement été tourné à Londres.

Jeune flûtiste talentueuse, Kathy Gardner (Kristy McNichol) tente de se libérer de l’emprise étouffante de son père (Paul Shenar), un avocat influent et autoritaire. Bravant ses interdits, elle quitte Washington pour s’installer seule à New York, intégrant une prestigieuse académie de musique et entamant une idylle avec son professeur de jazz (Justin Deas). Mais sa soif d’indépendance est brutalement brisée : un soir, un intrus (Joseph Culp) pénètre dans son nouvel appartement et l’agresse sauvagement. Traumatisée, Kathy tue son agresseur en état de légitime défense. Dès lors, la jeune femme est en proie à des cauchemars terrifiants, revivant nuit après nuit l’attaque. Épuisée, incapable de retrouver un sommeil réparateur, elle cherche désespérément de l’aide. C’est dans une clinique du sommeil qu’elle rencontre le Dr Michael Hansen (Ben Masters), un chercheur marginal obsédé par l’étude des rêves. Bien que ses expériences aient été jusqu’alors réservées aux animaux, il propose à Kathy un traitement expérimental baptisé « DREAM », censé éradiquer ses terreurs nocturnes. Si la thérapie semble apaiser ses nuits, elle révèle une part beaucoup plus sombre : Kathy, désormais incapable de distinguer rêve et réalité, commence à agir sous l’influence de ses pulsions les plus enfouies…

Erreur de parcours ?

Le rêve a toujours offert au cinéma un terrain d’exploration fascinant : psychanalyse symbolique avec La Maison du docteur Edwards, science-fiction et suspense avec Dreamscape, terreur pure avec Les Griffes de la nuit… En s’attaquant au sujet sous un angle à la fois pathologique et scientifique, Dream Lover s’annonçait prometteur. Il faut reconnaître que le scénario ne manque pas d’idées intriguantes, comme les variantes sur le même rêve avec des dénouements différents, les modifications d’un scénario onirique au cours du sommeil, ou cette injection qui fait faire au dormeur les gestes de son rêve. Malheureusement, malgré ces trouvailles, le film de Pakula hésite sans jamais vraiment choisir sa voie, tiraillé entre fantastique, drame psychologique et thriller. Erratique, piétinant, répétitif, le film se prive de l’élan de fantaisie qu’un tel sujet appelait. Reste un atout majeur : la somptueuse photographie de Sven Nykvist (Chaplin, Nuits blanches à Seattle). C’est évidemment insuffisant pour faire de Dream Lover un film mémorable. Présenté au Festival du film fantastique d’Avoriaz en janvier 1986, il y remporte pourtant le Grand Prix, face à un public déçu n’hésitant pas à l’époque à faire savoir bruyamment son mécontentement. Aujourd’hui, presque tout le monde a oublié Dream Lover, Pakula ayant poursuivi sa carrière avec panache grâce à d’autres morceaux de choix tels que Présumé innocent, L’Affaire Pélican ou Ennemis rapprochés. Sans parler d’erreur de parcours, disons plutôt que ce voyage au pays des rêves était sans doute une fausse bonne idée.

 

© Gilles Penso

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