PROJECT POWER (2020)

Jamie Foxx et Joseph Gordon-Levitt enquêtent sur une nouvelle drogue qui dote la population d’inquiétants super-pouvoirs

PROJECT POWER

 

2020 – USA

 

Réalisé par Ariel Schulman et Henry Joost

 

Avec Jamie Foxx, Joseph Gordon-Levitt, Dominique Fishback, Colson Baker, Rodrigo Santoro, Amy Landecker, Allen Maldonado

 

THEMA POUVOIRS PARANORMAUX

Crise sanitaire oblige, les plus gros blockbusters de l’été 2020 ne sortent pas en salles mais se déploient sur les petits écrans. C’est dans cette brèche grande ouverte que Netflix s’engouffre logiquement avec Project Power, qui obéit à tous les canons du genre : deux têtes d’affiche, un budget conséquent (85 millions de dollars), un concept attrayant propice à un large déploiement d’effets spéciaux spectaculaires, de scènes d’action, de cascades et de pyrotechnie à grande échelle… Le long-métrage des duettistes Ariel Schulman et Henry Joost entend ainsi combler un vide auprès des amateurs de grosses machineries hollywoodiennes bien huilées. Contrairement à ce qu’on a pu lire ici ou là, Project Power n’est pas à proprement parler un film de super-héros mais un thriller de science-fiction qui s’intéresse à des humains soudain dotés de capacités hors du commun – des dealers, des voleurs, des criminels mais bien peu de super-justiciers. L’esprit comic book est certes présent, mais il s’installe dans le cadre terre à terre d’une Nouvelle Orléans en proie à la violence.

Du jour au lendemain, une nouvelle drogue fait son apparition dans l’état de Louisiane, le « Power » : des pilules aussi fluorescentes que le sérum d’Herbert West dans Re-Animator. Déployées un peu partout dans la ville, elles ont des effets immédiats et pour le moins singuliers. Ceux qui les absorbent voient en effet leur morphologie changer radicalement pendant cinq minutes et possèdent soudain ce qui pourrait s’apparenter à des super-pouvoirs. Chaque individu étant différent, les effets du « Power » varient d’une personne à l’autre. Certains sont doués d’une force surhumaine, d’autres se transforment en torches humaines, deviennent invisibles, sont insensibles aux balles, se contorsionnent dans tous les sens, transforment leurs os en armes tranchantes ou encore se muent en colosses monstrueux… Mais c’est comme la boîte de chocolat de Forrest Gump, on ne sait jamais sur quoi l’on va tomber. De fait, les plus malchanceux ne deviennent pas des émules des X-Men ou des Quatre Fantastiques mais explosent de manière presque aussi dégoulinante que les clochards de Street Trash. Derrière ce trafic de pilules semble se dissimuler un projet militaire top secret. Un ancien soldat (Jamie Foxx), un policier (Joseph Gordon-Levitt) et une jeune dealeuse (Dominique Fishback) vont devoir s’allier à contrecœur pour mener l’enquête.

Une pilule difficile à avaler ?

Il serait malhonnête de dire que Project Power n’est pas rondement mené. Les effets visuels qui permettent de donner corps aux pouvoirs paranormaux dont sont soudain dotés les consommateurs du « Power » rivalisent d’ingéniosité (avec en prime quelques petits écarts gore inattendus), les séquences de poursuites et de combats qui en découlent surprennent par leur caractère quasi-surréaliste (le corps à corps avec l’homme-élastique ou la prise en chasse de l’homme-caméléon sont des morceaux de choix) et le trio d’acteurs vedette (Jamie Foxx, Joseph Gordon-Levitt et la toute jeune Dominique Fishback) s’implique avec conviction dans les rôles respectifs de l’ancien militaire dur à cuire masquant sous sa carapace une faille profonde, le flic borderline qui adopte les méthodes des voyous pour mieux les coincer et l’ado qui s’adonne au trafic de drogue pour payer les soins de sa mère. Mais il y avait dans ce film un fort potentiel que le scénario de Mattson Tomlin ne fait qu’esquisser, préférant multiplier les morceaux de bravoure au lieu de s’attarder sur les répercussions psychologiques d’une adoption soudaine de capacités hors du commun. Cette relative paresse narrative s’assortit des habituels tics dont les productions Netflix ont décidément du mal à se défaire : une bande son artificiellement garnie de chansons pop/soul, une mise en scène efficace mais anonyme, le sentiment diffus de ne pas visionner un long-métrage à part entière mais plutôt le pilote à gros budget d’une série TV… Bref, Project Power coche sagement toutes les cases de son cahier des charges sans parvenir à se doter d’une indispensable vision personnelle de metteur en scène.

 

© Gilles Penso

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UNDER THE SKIN (2013)

Scarlett Johansson incarne une extra-terrestre déguisée en Terrienne qui attire les hommes pour leur voler leur peau…

UNDER THE SKIN

 

2013 – GB / USA / SUISSE

 

Réalisé par Jonathan Glazer

 

Avec Scarlett Johansson, Lynsey Taylor MacKay, Paul Brannigan, Krystof Hádek, Robert J. Goodwin, Michael Moreland

 

THEMA EXTRA-TERRESTRES

Le moins qu’on puisse dire, c’est que Jonathan Glazer prend son temps pour mettre en scène ses longs-métrages. Près d’une décennie sépare Under the Skin de son film précédent, Birth, lui-même sorti quatre ans après Sexy Beast. Pas inactif pour autant, le réalisateur multiplie les clips et les spots publicitaires, mais ses films ne s’égrènent que tous les cinq ou dix ans. A vrai dire, Under the Skin est un projet qui mit beaucoup de temps à se concrétiser, presque dix longues années justement. Attiré par le roman « Sous la peau » de Michel Faber, Glazer eut toutes les peines du monde à réunir les deniers nécessaires à la concrétisation de ce projet résolument anti-commercial. Le scénario changea beaucoup en cours de route, le casting aussi. Eva Green, Gemma Arterton, Olivia Wilde, Abbie Cornish, January Jones étaient tour à tour envisagées dans le rôle principal. Lorsque finalement Scarlett Johansson fut attachée au projet vers 2009, les choses s’accélérèrent et le soutien du British Film Institute Fund permit de boucler le budget.

L’interprète de la Veuve Noire des Avengers incarne ici une entité extra-terrestre ayant « emprunté » le corps d’une jeune femme pour imiter l’apparence d’une Terrienne. Errant dans les rues écossaises au volant d’une camionnette, elle attire plusieurs hommes dans une maison sordide et les pousse à se dévêtir. Nus comme des vers, ils s’enfoncent soudain dans le sol mué en liquide noir et disparaissent dans cet étrange néant aquatique, leur peau servant dès-lors de matière première au « déguisement » d’autres aliens. D’abord impassible face au sort de ses infortunées victimes, notre « héroïne » semble changer imperceptiblement au fur et à mesure de sa mission, comme si son enveloppe charnelle d’emprunt commençait à influer sur son comportement et ses états d’âme… Résumée ainsi, l’intrigue d’Under the Skin a les atours d’un thriller de science-fiction efficace reprenant à son compte le motif de l’invasion extra-terrestre et des « body snatchers ». Mais Jonathan Glazer n’est pas un adepte du classicisme. Sur ce postulat de SF, il bâtit au contraire un film lent, austère, erratique et hermétique. Certains y verront une force et une originalité, d’autres un défaut majeur. Under the Skin divise forcément mais ne laisse pas insensible.

Dans la peau d'une autre

Dès les premières minutes, le film annonce la couleur : une faible lueur perce l’obscurité et grandit peu à peu, tandis que résonnent la musique atonale de Mica Levi et des voix indistinctes. La scène est longue, énigmatique, annonçant les partis pris d’une œuvre qui sollicitera la patience et un certain abandon de la part de ses spectateurs. La première réplique n’intervient qu’au bout d’un quart d’heure. Les dialogues sont d’ailleurs accessoires, anodins et banals pour la plupart. Glazer plante sa caméra dans les rues et la campagne écossaise, vole beaucoup d’images prises sur le vif, sollicite des acteurs non professionnels, bref laisse son film prendre son propre rythme au fil de l’eau. Cette approche naturaliste et accidentée d’un argument de science-fiction n’est pas sans évoquer L’Homme qui venait d’ailleurs de Nicolas Roeg. Scarlett Johansson elle-même s’implique beaucoup dans le film, acceptant une séquence de nudité frontale qui n’a pas vocation de séduire le public mais d’approfondir la relation complexe que son personnage entretient avec ce corps qui n’est pas le sien. A la toute fin du film, Glazer assume enfin pleinement sa thématique extraterrestre le temps d’une séquence graphiquement très forte, mais cette vision est sans doute trop tardive et les amateurs du genre pourront légitimement se sentir frustrés par cette narration élusive. Under the Skin a tout de même soulevé un enthousiasme hors-norme au moment de sa sortie. Classé parmi les dix meilleurs films de l’année 2010 par « Les Cahiers du Cinéma », listé dans les 1001 Films à voir avant de mourir, primé partout dans le monde, il a su séduire la critique et la profession par ses prises de risques et son approche anticonformiste.

 

© Gilles Penso

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LE DAIM (2019)

Jean Dujardin incarne un homme tellement obsédé par son blouson en daim qu’il va se transformer en tueur en série…

LE DAIM

 

2019 – FRANCE

 

Réalisé par Quentin Dupieux

 

Avec Jean Dujardin, Adèle Haenel, Youssef Hajdi, Albert Delpy, Julia Faure, Marie Bunel, Thomas Blanchard, Tom Hudson, Pierre Gommé

 

THEMA TUEURS I OBJETS VIVANTS

Un film de Quentin Dupieux est toujours une expérience déconcertante qui ne s’apparente à rien de connu, même si le cinéphile trouvera peut-être quelques furtives connexions entre l’univers de Monsieur Oizo (son nom de musicien) et celui de Bertrand Blier, ne serait-ce que parce que les deux hommes semblent éprouver une certaine attirance pour la banalité la plus triviale qu’ils pimentent d’ingrédients insolites et absurdes jusqu’à quasiment basculer dans le surréalisme. Le Daim ne déroge pas à la règle, oscillant bizarrement entre la comédie dramatique et le film d’horreur, offrant à Jean Dujardin un rôle pour le moins singulier et partant d’un postulat gentiment extravagant.

Entre une comédie populaire de Guillaume Canet (Nous finirons ensemble) et une chronique historique de Roman Polanski (J’accuse), Dujardin trouve donc le temps de se glisser dans la peau du « héros » imaginé par Dupieux, autrement dit Georges, un quadragénaire désabusé qui quitte sa banlieue pavillonnaire sur un coup de tête pour partir s’isoler dans un village de montagne. Sur la route, pris d’une étrange pulsion, il s’arrête dans une station-service et se débarrasse de sa vieille veste. Quelques kilomètres plus loin, il fait l’acquisition d’un blouson à franges en daim pour lequel il se soulage de ses dernières économies. Désormais sans le sou, rejeté par son ex-femme qui lui raccroche au nez et bloque son compte en banque, il s’installe dans un petit hôtel et sympathise avec la barmaid du coin, à qui il fait croire qu’il est cinéaste. Mais l’obsession qu’il développe pour son blouson en daim se transforme en aliénation. Bientôt, Georges imagine que son vêtement s’adresse à lui et lui fait part de son rêve : être le seul blouson au monde qui soit porté par un être humain. Pour concrétiser ce désir improbable, notre homme s’empare d’une pale de ventilateur qu’il mue en arme acérée et se transforme en tueur en série…

Faut-il chercher un sens ?

Erratique, biscornu, abracadabrant, le scénario du Daim donne presque l’impression de s’improviser au fur et à mesure de son déroulement. Il serait d’ailleurs tentant d’accuser Quentin Dupieux de fumisterie, comme s’il filmait ses comédiens de manière aléatoire en espérant avec cynisme que la « hype » surgisse de cet imbroglio de scènes cocasses. Mais sa démarche n’est sans doute pas aussi simple. Le personnage de Denise, incarné par Adèle Haenel, mérite par exemple qu’on s’y attarde. Monteuse amateur qui travaille dans un bar pour arrondir ses fins de mois, elle est la voix de la raison, en parfaite opposition aux élucubrations de Georges. Elle cherche du sens là où il n’y en a pas, s’amuse à remonter Pulp Fiction dans l’ordre chronologique, croit déceler dans les images arbitraires que Georges filme avec son caméscope le potentiel d’un grand film, interprète la fascination vestimentaires du pseudo-cinéaste comme une salve contre les apparences et une quête de la vraie nature humaine… Bref, elle rationnalise à outrance, comme pourraient le faire les spectateurs et les critiques en cherchant à comprendre le discours qui se cache derrière le film de Quentin Dupieux. « Ne cherchez pas à analyser un objet expérimental qui ne se prête pas à une approche intellectuelle », semble vouloir nous dire le réalisateur. Et comme pour confirmer cette idée selon laquelle la quête de sens peut nuire à l’œuvre, Denise résume sa réaction après avoir visionné son remontage chronologique de Pulp Fiction : « c’était nul ! » Le Daim est d’ailleurs d’autant plus insaisissable qu’il se joue des étiquettes, s’inscrivant dans une temporalité floue plus proche des années 80 que des années 2020 et confrontant deux acteurs aux univers à priori antithétiques : Jean Dujardin, symbole absolu du cinéma populaire, et Adèle Haenel, égérie maintes fois primée du cinéma d’auteur. Comme pour mieux brouiller les pistes, c’est cette même Adèle Haenel qui quitta avec fracas la 45ème cérémonie des Césars, scandalisée que l’on puisse primer Roman Polanski pour J’accuse, dont le rôle principal est justement tenu par… Jean Dujardin !

 

© Gilles Penso

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WONDER WOMAN (2017)

Après avoir joué les seconds rôles aux côtés de Superman et Batman, l’amazone de DC Comics a enfin droit à son propre long-métrage

WONDER WOMAN

 

2017 – USA

 

Réalisé par Patty Jenkins

 

Avec Gal Gadot, Chris Pine, Connie Nielsen, Robin Wright, David Thewlis, Danny Huston, Elena Anaya

 

THEMA SUPER-HÉROS I SAGA DC COMICS

Dans les années 80, avec « Watchmen », Alan Moore a sonné le glas des super-héros de papier en tant que symbole d’une Amérique unie et invincible contre une menace extérieure. Et c’est ce qui les a finalement sauvés en ouvrant la voie à une nouvelle approche artistique plus ambiguë, pour un public de moins en moins jeune et de plus en plus large. Sans plus d’ennemi machiavélique aussi clairement identifié comme pendant la seconde guerre mondiale, après des décennies de luttes intérieures contre la ségrégation et les inégalités, de guerres extérieures où le bien et le mal se sont confondus, le pays de la liberté s’est retrouvé confronté à ses propres démons, et ses super-héros, eux, tourmentés par le poids de décisions et de conflits intérieurs de plus en plus humains et de moins en moins héroïques. Avant les attentats de 2001, c’est en remontant à la source de la seconde guerre mondiale et de l’ennemi indiscutable du nazisme que Bryan Singer a secoué pour la première fois l’univers des super-héros et leur représentation sur le grand écran avec X-Men, en leur offrant une naissance cinématographique inédite, plus mature, plus réfléchie, plus réaliste, qui coïncidait aussi avec la révolution des VFX. Et c’est dans cette tradition du 21ème siècle que la nouvelle Wonder Woman fait quasiment l’unanimité sous les traits de la ravissante Gal Gadot (Miss Israël 2004 et candidate à Miss Univers la même année) dans un costume à peine revisité, mais avec la bonne idée de la projeter dans la période de la première guerre mondiale, et de lui permettre de saluer au passage la lutte des suffragettes qui permettra aux femmes d’obtenir le droit de vote après 1918 au Royaume-Uni, puis aux États-Unis en 1920 (en France il faudra encore attendre la fin de la seconde guerre mondiale).

Première adaptation à gros budget d’un comic book réalisée par une femme, Wonder Woman n’a pas été offert gracieusement à Patty Jenkins. Déterminée depuis 2005 à signer cette adaptation, malgré le succès de Monster, elle aura bataillé douze ans pour s’imposer derrière la caméra. Résultat : les scènes d’action, qui frôlent souvent l’ennui dans les films de super-héros à force de répétitions et d’un détachement avec la réalité, sont ici toujours portées par la personnalité et la détermination de l’héroïne. Née sur l’île des Amazones où règne sa mère la reine Hippolyte, incarnation charnelle d’une demi-déesse (Diane est le nom latin d’Artemis, fille de Zeus selon la mythologie grecque), la princesse Diana  apprend d’abord à se battre par jeu, bravant l’interdiction de sa mère qui ne souhaite que la préserver de la violence. Profondément bienveillante et altruiste, Diana ne prend les armes que pour défendre, secourir et lutter contre l’injustice. C’est d’abord pour rejoindre le combat de ses consœurs attaquées sur leur île, puis pour soutenir les hommes acculés dans les tranchées, et enfin pour sauver un village de civils qu’elle n’écoute qu’elle-même et brave tous les obstacles. Et sa détermination, sa volonté et sa personnalité se lisent sur son visage à chaque instant. Butée, obstinée, intuitive, avec un mélange de candeur et d’intelligence dénuée de malignité, elle part à l’assaut avec tous les courages. En cela, elle renoue avec le super-héros manichéen mais de façon extrêmement touchante. Comme avant elle le Surfer d’argent, elle est persuadée que le monde des hommes est victime d’un mal qui les dépasse. Ce n’est pas avec l’esprit vengeur ou agressif qu’elle prend part aux combats, mais avec empathie, pour aider ceux qui n’ont pas les moyens de se défendre. En revanche, elle change d’attitude face à celui qu’elle sait être responsable de ce qui pollue le cœur même des hommes. Lorsque l’ampleur du combat s’intensifie, nous comprenons progressivement que sa mission dépasse l’entendement des humains, puisqu’elle seule est à même de sauver le monde en affrontant Ares, dieu de la guerre qui – rien n’est simple au Panthéon – est également un enfant de Zeus, ce qui ferait potentiellement de lui le demi-frère de Diane !

Une amazone qui transcende le genre

De la part de la réalisatrice de Monster qui, dès son premier film, permit à son actrice principale Charlize Theron d’obtenir un Oscar, il était à prévoir que cette amazone serait incarnée avec une justesse qui atteindrait les sommets du genre, voire serait capable de le transcender. Et en effet, sa réalisation évoque plus la finesse des chorégraphies des films d’action hongkongais que la brutalité à laquelle le cinéma d’action américain nous a habitués. De plus, elle fait mouche avec un scénario qui sait être attendrissant et qui offre aux héros une belle histoire d’amour – mais aussi d’amitiés et de fidélité – les soutenant tout au long de leur aventure. Bien sûr, notre super-héroïne sera confrontée à la perte des êtres chers, à des émotions contradictoires, et son histoire d’amour finira mal (un pléonasme dans l’univers des super-héros). Mais elle aura le temps d’en ressentir toute la chaleur et la bonté, même si elle passe à côté de l’humour de son compagnon, comme lui-même a du mal à comprendre ses priorités. Ce décalage donne lieu à des situations comiques qui savent éviter le second degré et donc ne décrédibilisent pas les personnages. Car le film traite sa super-héroïne avec respect et sérieux et donne un nouveau souffle à son mythe. Finalement, elle sauvera vraiment le monde, nous laissant pantois devant une telle réussite, avec une pensée d’espoir en guise de remède et de possible victoire à long terme : la foi en la faculté de l’Homme d’être un héros, d’aimer (comme elle a aimé le capitaine Steve Trevor, alias Chris Pine), et de devenir un meilleur être humain par ses choix et ses actions.

 

© Quélou Parente

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DESTRUCTION PLANÈTE TERRE (1977)

Une invasion extra-terrestre parfaitement improbable avec Christopher Lee dans un double-rôle involontairement drôle

END OF THE WORLD

 

1977 – USA

 

Réalisé par John Hayes

 

Avec Christopher Lee, Sue Lyon, Kirk Scott, Dean Jagger, Lew Ayres, Macdonald Carey, Liz Ross, Jon Van Ness, Kathe Cunha

 

THEMA EXTRA-TERRESTRES I SAGA CHARLES BAND

Très prolifique à la fin des années 70 malgré son jeune âge, Charles Band a déjà produit (et parfois réalisé) le pastiche sexy Last Foxtrot in Burbank, le film d’horreur Massacre Mansion, le thriller paranormal Crash et le conte de fée érotico-musical Cinderella. Avec Destruction planète Terre, il s’attaque à la science-fiction. Mais suite à ses déconvenues avec le distributeur Brandon Chase (qui a récupéré l’argent du bénéfice de ses trois précédents films sans lui laisser la moindre part du gâteau), Band change de partenaire et se tourne vers Irwin Yablans, sous les conseils de John Carpenter en personne (qui fut le monteur de Last Foxtrot in Burbank sous le pseudonyme de John T. Casino). Yablans étant friand de têtes d’affiche, Band lui déniche Christopher Lee pour la modique somme de 50 000 dollars. Le cachet est modeste pour une star de cet acabit… mais le budget global du film est de 150 000 dollars ! Il faut donc se serrer la ceinture. L’expérience du tournage de Destruction planète Terre fut heureuse, mais il faut avouer que le résultat n’est qu’un nanar absurde bourré de défauts et de maladresses malgré quelques idées non dénuées d’intérêt. 

La scène pré-générique attise pourtant notre curiosité. Dans un bar, un curé qui a la tête de Christopher Lee (et pour cause) surgit en panique, soucieux d’appeler la police dans les plus brefs délais. Mais soudain, le téléphone explose, tout comme la machine à café qui ébouillante le cuisinier derrière son comptoir. Désemparé, notre homme d’église rebrousse chemin et se retrouve dans un couvent où son sosie semble l’attendre de pied ferme. Voilà qui est curieux, n’est-ce pas ? Le reste du film n’a pourtant rien de bien palpitant. Tout à fait insipide, Kirk Scott incarne le professeur Boran, un scientifique au brushing impeccable qui capte de mystérieux signaux en provenance de l’espace. Avec sa blonde épouse Sylvia (Sue Lyon), il décide de partir en quête de la source de ces messages. Leurs pérégrinations les mènent dans un bunker militaire où sont soigneusement écoutés les messages que les Russes transmettent à la Terre depuis l’espace (une scène parfaitement inutile qui s’efforce de relancer une intrigue en sérieuse perte de vitesse) puis dans un couvent aux atours très innocents. Mais ce n’est qu’une apparence, bien sûr, puisque six nonnes et le curé y ont été remplacés par des extra-terrestres ! Or ces derniers ont le mal du pays et retourneraient bien chez eux. Pour y parvenir, ils ont besoin d’un cristal que possède le laboratoire qui emploie Boran…

La machine qui téléporte les nonnes

Dans le double rôle de l’homme à la soutane et de son clone venu d’ailleurs, Christopher Lee délivre sans convictions quelques dialogues laconiques, mais passe surtout son temps à lancer des regards inquiétants dans un habit clérical qui ressemble à s’y méprendre à la cape sombre de Dracula. Trompé par Charles Band qui lui promit de donner la réplique à d’autres comédiens de sa trempe (comme John Carradine ou José Ferrer), il promène tristement sa silhouette altière dans ce long-métrage absurde, incohérent, languissant et particulièrement inintéressant, que n’améliorent ni sa photo hideuse, ni sa musique synthétique digne d’un film érotique des années 70. Pour se draper de respectabilité, les dialogues se surchargent de jargon technique nébuleux, mais dès que les effets spéciaux entrent en jeu, à travers la machine qui téléporte les nonnes, les zygomatiques se déclenchent sans tarder ! Vers la fin du film – et celle du monde en même temps, comme l’annonce sans détour le titre original – tout un tas de stock-shots de maquettes empruntés un peu partout montrent les catastrophes qui s’abattent soudain sur la Terre : volcans qui entrent en éruptions, barrages qui cèdent, inondations… Mais la plupart des spectateurs, eux, sont déjà tombés dans les bras de Morphée.

 

© Gilles Penso

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PINOCCHIO (2019)

Le réalisateur de Gomorra et Dogman revisite le célèbre conte de Collodi en confiant à Roberto Begnini le rôle du vénérable Gepetto

PINOCCHIO

 

2019 – ITALIE / FRANCE

 

Réalisé par Matteo Garrone

 

Avec Roberto Benigni, Federico Ielapi, Rocco Papaleo, Massimo Ceccherini, Marine Vacth, Gigi Proietti, Alida Baldari Calabria

 

THEMA JOUETS I CONTES

Voir Matteo Garrone aux commandes d’une nouvelle version du célèbre conte de Collodi peut à priori surprendre. Le réalisateur qui sut dépeindre avec autant de crudité le crime organisé napolitain (Gomorra) ou le quotidien des trafiquants de drogue (Dogman) était-il dans son élément avec cette fable pour enfants ? A vrai dire, Garrone est passionné par « Les Aventures de Pinocchio » depuis son plus jeune âge. A douze ans, il dessinait déjà des storyboards qui s’inspiraient de la prose de Collodi. Réaliser ce film était donc à ses yeux la concrétisation d’un vieux rêve, à condition bien sûr d’éliminer toute référence disneyenne pour revenir aux sources du texte original. De manière très symbolique, Gepetto est incarné par Roberto Benigni, qui avait réalisé sa propre version de Pinocchio en 2002 où il jouait lui-même le rôle du pantin en bois. Que l’enfant turbulent devienne son propre géniteur deux décennies plus tard ne manque pas d’ironie. La boucle est ainsi bouclée. Et si le réalisateur de La Vie est belle ne nous convainquait pas vraiment sous la défroque de Pinocchio, il nous émeut profondément sous le trait de ce vieil homme sans le sou peuplant sa solitude avec un fils artificiel qu’il construit à partir d’une bûche enchantée. Le grain de folie qui a toujours caractérisé le jeu de Benigni ne s’est pas évaporé, mais il est ici tempéré par une demi-mesure qui dote ce Gepetto d’une humanité très touchante. Drôle et triste à la fois, Benigni disparaît assez tôt de l’intrigue pour céder le pas aux mésaventures de sa marionnette, mais sa présence invisible continue de planer tout au long du film. Quoi de plus logique dans un récit qui s’articule autour de la quête du père ?

L’histoire est connue. Gepetto, pauvre charpentier toscan, grappille chaque jour de quoi grignoter chez les commerçants de son village. Un jour, il voit débarquer un théâtre de marionnettes en bois et décide d’en fabriquer une lui-même. Sa motivation première semble être de devenir un marionnettiste célèbre, de faire le tour du pays et de gagner de l’argent. Mais en réalité, il désire ardemment avoir un enfant. Or justement, l’un de ses voisins lui cède gratuitement une bûche qui semble animée d’une vie propre. Et c’est dans ce bois magique que Gepetto sculpte Pinocchio. Mais le fils modèle dont il rêvait doit d’abord faire l’apprentissage de la vie avant de devenir un enfant sage, quitte à rencontrer des voleurs, des assassins, des monstres et toutes sortes de créatures étranges… Car Pinocchio est avant tout un voyage initiatique, dont Matteo Garrone peuple chaque étape d’un bestiaire étonnant : le grillon moralisateur bien sûr, mais aussi une impressionnante femme-escargot, un renard et un chat criminels, un corbeau et une chouette médecins, un vieux chimpanzé juge, des lapins croque-morts, un cocher canin, un thon qui parle, une gigantesque baleine-requin… Si les effets numériques sont sollicités, ce n’est qu’en support d’un colossal travail de maquillage et de prothèses, le cinéaste préférant recourir aux effets spéciaux physiques réalisés en direct sur le plateau. Cette prouesse cosmétique est l’œuvre de Mark Coulier (déjà à l’œuvre sur Waxwork, Alien 3, World War Z ou encore la saga Harry Potter). Pinocchio lui-même est incarné par le jeune Federico Ielapi, huit ans, sous un incroyable maquillage nécessitant chaque jour trois heures de pose.

Entre réalisme et surréalisme

Finalement, le défaut principal de ce Pinocchio réside dans sa nature propre : tout le monde connaît déjà cette histoire, narrée maintes fois dans le passé, ce qui laisse peu de place à la surprise. Conscient de ce handicap, Matteo Garrone se distingue par une direction artistique très particulière, qui semble chercher le juste équilibre entre le réalisme (le village de Gepetto, la misère, la saleté y sont décrits avec un naturalisme palpable) et le surréalisme (notamment la folle sarabande des créatures qui jalonnent le parcours du jeune héros). En ce sens, cette version se rapproche de celle de Luigi Comencini, qui inscrivait elle aussi les éléments fantastiques dans un contexte crédible. On pourra reprocher à Garrone de na pas assez insister sur la critique sociale et le pamphlet satirique qui constituaient l’essence même du texte de Collodi, et que la plupart des autres adaptations ont éliminé. L’humour acerbe des séquences de l’instituteur ridicule aurait mérité de se déployer ailleurs dans le film. Mais ce Pinocchio demeure exceptionnel, porté par une mise en scène extrêmement soignée et un casting parfait, et se hissant sans conteste parmi les meilleures adaptations du conte.

 

© Gilles Penso

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DOCTOR SLEEP (2019)

Après l’adaptation réussie de Jessie, Mike Flanagan s’attaque à un autre défi de taille : réaliser une séquelle du Shining de Stanley Kubrick

DOCTOR SLEEP

 

2019 – USA

 

Réalisé par Mike Flanagan

 

Avec Ewan McGregor, Rebecca Ferguson, Kyliegh Curran, Cliff Curtis, Bruce Greenwood, Deadra Moore, Zahn McClarnon, Emily Alyn Lind

 

THEMA POUVOIRS PARANORMAUX I FANTÔMES I SAGA STEPHEN KING

En 2013, Stephen King donne une suite tardive à son roman culte « Shining » avec « Docteur Sleep », qui s’intéresse au petit Danny Torrance devenu adulte et à sa lutte contre des démons à la fois extérieurs et intérieurs. En toute logique, Hollywood se met en branle pour préparer une adaptation sur grand écran, mais au bout de trois ans de développement, le projet ne semble pas vouloir aboutir… Jusqu’à ce que Ça d’Andres Muschietti ne sorte sur les écrans en explosant tous les chiffres du box-office. Dès lors, Stephen King revient à la mode et Doctor Sleep se concrétise. La réalisation est confiée à Mike Flanagan, qui avait déjà adapté avec un succès un roman complexe de l’écrivain (« Jessie ») et le rôle principal échoit à Ewan McGregor. Un petit problème reste à résoudre. Comme chacun sait, King n’aime pas le Shining de Stanley Kubrick, qu’il considère comme une trahison, et préfère la mini-série de Mick Garris (Shining : les couloirs de la peur) dont il signa lui-même le scénario. Or pour Mike Flanagan, le Shining de 1980 est un chef d’œuvre, un classique que tout le monde ou presque adule, et c’est dans la foulée de ce film qu’il veut inscrire son Doctor Sleep. Le plus gros challenge de cette adaptation aura donc été de se positionner à la fois comme une séquelle du film de Kubrick et comme une transposition fidèle du roman de King, le but étant à terme de rassembler deux « clans » (les « kingiens » et les « kubrickiens ») qui ont généralement tendance à s’opposer.

Ewan Mc Gregor incarne ainsi un Danny Torrance adulte. Les événements survenus dans Shining ne l’ont pas laissé indemne. Osons le mot : c’est une épave, un traine-savate imbibé d’alcool qui aura fini par hériter du penchant pour la boisson de son père. Il boit donc plus que de raison, vole dans le sac à main de ses compagnes d’un soir et finit par s’enfuir lorsque le spectacle sinistre de ses derniers forfaits l’emplit de honte. C’est presque par hasard qu’il se retrouve dans une petite ville du New Hampshire où il décide de se reprendre en main en acceptant un travail d’aide-soignant auprès des patients en fin de vie. Là, il se retrouve affublé du surnom de « Doctor Sleep », autrement dit « docteur sommeil ». L’alcool n’influant plus sur son organisme, il retrouve le « shining », ce pouvoir paranormal qui le rend différent du commun des mortels. Et c’est ainsi qu’il entre en communication télépathique avec Abra Stone (Kyliegh Curran), une fille de 13 ans douée des mêmes capacités psychiques que lui. Or Abra découvre les méfaits d’une bande de criminels hors du commun. Vieux depuis des siècles, ces charognards nomades sont menés par la redoutable Rose O’Hara (Rebecca Fergusson). Ils survivent en traquant ceux qui possèdent le « shining », en les massacrant et en absorbant leur peur et leur douleur. Bientôt, Danny et Abra entrent dans leur ligne de mire…

Les fantômes du passé

Doctor Sleep est un film hybride. Si la partie centrale de l’intrigue s’éloigne volontairement de Shining pour construire de nouvelles péripéties, convoquer des démons inconnus et développer d’autres enjeux, l’ombre gigantesque de Stanley Kubrick revient hanter le dernier tiers du film avec une telle force que Mike Flanagan peut enfin rendre l’hommage dont il rêvait à son maître… jusqu’à reproduire à l’identique les décors de l’hôtel Overlook, imiter les mouvements de steadicam du cameraman Gareth Brown et demander à Henry Thomas de se faire la tête de Jack Nicholson et de mimer son langage corporel. Ironiquement, l’ancien Eliott de E.T. s’était livré à un exercice assez proche en incarnant une version jeune d’Anthony Perkins dans Psychose IV, sous la direction de Mick Garris (décidément, tout se recoupe !). Du coup, la démarche de Doctor Sleep s’éloigne par exemple de celle du 2010 de Peter Hyams, qui succédait à 2001 l’odyssée de l’espace sans jamais chercher à emboiter stylistiquement le pas de Kubrick. Et de fait, malgré ses nombreuses audaces et ses rebondissements efficaces, l’ultime chapitre de Doctor Sleep est probablement la partie la moins intéressante du film, justement parce qu’elle souffre de la comparaison avec son immense modèle. Nous aurions tendance à largement préférer ces séquences tour à tour émouvantes et terrifiantes où Danny, Abra et Rose entrent en connexion, ou ces passage spectaculaires et vertigineux où Mike Flanagan nous montre pour la première fois ce que ressentent physiquement les possesseurs du « shining » lorsqu’ils utilisent leur pouvoir.

 

© Gilles Penso

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DEMOLITION MAN (1993)

Sylvester Stallone et Wesley Snipes s’affrontent dans un monde futuriste aseptisé qui a banni toute forme de violence

DEMOLITION MAN

 

1993 – USA

 

Réalisé par Marco Brambilla

 

Avec Sylvester Stallone, Wesley Snipes, Sandra Bullock, Nigel Hawthorne, Benjamin Bratt, Bob Gunton, Bill Cobbs, André Gregory

 

THEMA FUTUR

En ce temps-là, le producteur Joel Silver était le roi incontesté du cinéma d’action. 48 heures, Commando, Predator, les franchises Die Hard et L’Arme Fatale lui permirent de conserver longtemps ce titre tant convoité. Il lui fallut se renouveler pour ne pas flancher, et jouer souvent la carte de la surenchère, quitte à se défier lui-même. Un immeuble entier explosait au début de L’Arme Fatale 3 ? Qu’à cela ne tienne : détruisons un bâtiment trois fois plus grand pendant le pré-générique de Demoliton Man ! A bien y réfléchir, le surnom de « démolisseur » va d’ailleurs comme un gant à Silver. Au départ, le scénario de ce film d’action futuriste était écrit pour Steven Seagal et Jean-Claude Van Damme, mais les deux stars refusèrent. Sylvester Stallone hérita finalement du rôle du héros et proposa à Jackie Chan d’endosser celui de son adversaire. Flatté, ce dernier déclina cependant la proposition, arguant que son statut l’empêchait de jouer les méchants. C’est donc Wesley Snipes, cinquième dan de karaté et future star de Blade, qui lui succéda. Ce jeu des chaises musicales s’étendit jusqu’au rôle féminin principal, confié dans un premier temps à Lori Petty (héroïne de Point Break et future Tank Girl) qui ne parvint pas à s’entendre avec la production et fut remplacée à la dernière minute par une Sandra Bullock alors inconnue du grand public. Pour diriger tout ce beau monde, Joel Silver se tourna vers un spécialiste des spots de pubs effectuant-là son baptême cinématographique : Marco Brambilla.

Dans le Los Angeles légèrement futuriste de 1996, Stallone incarne John Spartan, un policier aux méthodes musclées qui annonce avec plus de quinze ans d’avance le Barney Ross qu’il jouera dans la série The Expendables. Bien décidé à se débarrasser une bonne fois pour toutes du terroriste psychopathe Simon Phoenix (Wesley Snipes), il tente une intervention expéditive dans la planque de ce dernier, qui provoque une monstrueuse explosion causant la mort de trente otages. Accusés tous deux de ce massacre, Spartan et Phoenix sont condamnés à une longue peine d’hibernation et de rééducation dans le cryo-pénitentier de Californie. Un saut dans le temps nous amène en 2032, dans une société utopique où la violence n’existe plus, où les mots grossiers sont passibles d’amendes et où l’amour se fait virtuellement. « Le meilleur des mondes » d’Aldous Huxley n’est pas loin, la référence étant assumée à travers le nom de la femme-flic incarnée par Sandra Bullock : Lenina Huxley. Or Simon Phoenix parvient à s’évader de sa cryo-prison et recommence à semer la terreur. Mais les autorités de ce futur stoïque où le meurtre n’existe plus ne savent pas comment réagir. Une seule solution semble envisageable : réveiller Spartan de son hibernation et le lancer aux trousses de son ancien ennemi…

Deux brutes dans « le meilleur des mondes »

Comme on pouvait s’y attendre – et comme son titre l’indique assez clairement – Demolition Man est très généreux en séquences de combats et de destructions massives. Entre deux explosions, l’humour se taille une place de choix, non seulement à travers le jeu du décalage (deux ennemis brutaux plongés dans un monde trop lisse pour eux) mais aussi via plusieurs clins d’œil référentiels (l’affiche de L’Arme Fatale 3 qui trône dans le bureau de Lenina, une allusion au mandat présidentiel d’un certain Arnold Schwarzenegger). Mais le problème majeur du film est son manque de finesse et surtout son incapacité à nous faire croire à ses personnages et à leur comportement. Ce futur aseptisé façon L’Âge de cristal ressemble à un showroom factice, les policiers souriants au visage de mannequins en plastique ne sont pas du tout crédibles, pas plus que les rebuts de la société habillés comme dans un sous-Mad Max italien et vivant dans des égouts de studio. Et que dire de la performance de Wesley Snipes, embarrassant dans son rôle de psychopathe hystérique et décoloré dont chaque mouvement de karaté est accompagné d’effets sonores pseudo-hip-hop ? Pourtant, bizarrement, une chape de nostalgie enveloppe ce film depuis longtemps. Il faut reconnaître que le concept est amusant, que Stallone assure et que Sandra Bullock est une vraie révélation. Drôle, séduisante, pétillante, elle sauve beaucoup de séquences de Demolition Man, notamment la fameuse « scène d’amour ». Dès l’année suivante, elle se verra offrir un autre rôle de « femme d’action » dans Speed de Jan de Bont. Marco Brambilla n’aura pas autant de chance. Après un second long-métrage (Excess Bagage) et quelques épisodes pour la série Dinotopia, il sortira des radars hollywoodiens, se consacrant dès lors à des projets artistiques plus personnels.

 

© Gilles Penso

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THE JANE DOE IDENTITY (2016)

Deux médecins légistes sont chargés de l’autopsie du corps d’une jeune femme inconnue… et se préparent à vivre un cauchemar

THE AUTOPSY OF JANE DOE

 

2016 – USA / GB

 

Réalisé par André Øvredal

 

Avec Emile Hirsch, Brian Cox, Ophelia Lovibond, Michael McElhatton, Olwen Catherine Kelly

 

THEMA MORT

Le succès de The Troll Hunter ouvrit au réalisateur norvégien André Øvredal les portes d’Hollywood et le poussa à prouver qu’il n’était pas l’homme d’un seul film. C’est le visionnage de The Conjuring : les dossiers Warren qui le conforta dans l’idée de diriger un film d’épouvante à la narration plus « traditionnelle » que son found footage à base de Trolls géants. Restait à trouver le bon sujet. C’est le scénario The Autopsy of Jane Doe, co-écrit par Ian Goldberg et Richard Naing, qui lui tapa dans l’œil et lui permit de tourner son premier film en langue anglaise. Deux personnages principaux, une unité de lieu et de temps, une atmosphère pesante qui tourne progressivement au cauchemar : tels sont les ingrédients de The Jane Doe Identity, un « film concept » dont l’efficacité repose justement sur la simplicité de son argument.

Sur une scène de crime sanglante, le shérif d’une petite ville des États-Unis découvre en plus des victimes le corps intact d’une jeune femme non identifiée (Olwen Catherine Kelly). Tommy (Brian Cox) et son fils Austin (Emile Hirsch), médecins légistes, sont chargés d’identifier au plus vite les causes de la mort de cette « Jane Doe » (autrement dit « Madame tout le monde »). Austin décale donc son rendez-vous avec sa petite amie Emma (Ophelia Lovibond) et s’apprête à passer la nuit à décortiquer avec son père le cadavre de la belle inconnue. Or plus ils analysent ce corps, plus ils se perdent en conjectures, car l’organisme de « Jane Doe » semble désobéir aux lois anatomiques les plus élémentaires. Couche d’épiderme après couche d’épiderme, le mystère s’épaissit… C’est alors que surviennent les phénomènes inexpliqués, transformant peu à peu cette autopsie nocturne en descente aux enfers.

La mort lui va si bien

Il faut reconnaître qu’André Øvredal n’a pas son pareil pour établir une ambiance inquiétante, ponctuant le récit de petits éléments de plus en plus insolites, sous le regard désespérément vitreux de ce cadavre énigmatique, tout en s’attachant à une relation père-fils crédible parce que dessinée sobrement, en retenue. Mais après une première heure remarquable, inscrivant le récit dans un cadre ultra-réaliste pour mieux y disséminer l’étrangeté, l’angoisse et finalement l’horreur, le scénario cède à la facilité de rebondissements un peu gratuits et s’encombre d’explications à rallonge conçues pour dissiper artificiellement le mystère. Du coup, une grande partie de l’originalité du film s’étiole dans un dernier tiers cédant plus volontiers aux lieux communs. Malgré ce gros bémol, l’impact et les qualités intrinsèques de The Jane Doe Identity demeurent, incitant Stephen King à se fendre d’une dithyrambe qui sera reprise sur le matériel publicitaire du film : « Une horreur viscérale digne d’Alien et des premiers films de Cronenberg. Voyez-le, mais pas tout seul. » Il faut souligner le jeu tout en sobriété de Brian Cox (remplaçant au pied levé un Martin Sheen finalement indisponible) et d’Emile Hirsch, mais aussi la performance complexe d’Olwen Catherine Kelly. Sélectionnée pour son indiscutable photogénie mais aussi pour ses capacités à contrôler sa respiration et les moindres frémissements de son corps grâce à une pratique régulière du yoga, la comédienne nimbe tout le film de sa présence déconcertante, et ce sans bouger un seul orteil… ou presque !

© Gilles Penso

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A CURE FOR LIFE (2016)

Pour son dixième long-métrage, le réalisateur de Pirates des Caraïbes nous entraîne dans un cauchemar médical éprouvant

A CURE FOR WELLNESS

 

2016 – USA / ALLEMAGNE

 

Réalisé par Gore Verbinski

 

Avec Dane DeHaan, Mia Goth, Jason Isaacs, Celia Imrie, Harry Groener, Adrian Schiller, Ivo Nandi, David Bishins, Carl Lumbly, Lisa Banes, Magnus Krepper

 

THEMA MÉDECINE EN FOLIE

Éreinté par le flop monumental de Lone Ranger : Naissance d’un héros, Gore Verbinski attendit quelques années avant de se remettre en selle. Les grands studio tournant poliment le dos à celui qui sut pourtant faire accourir les foules avec Pirates des Caraïbes, son adaptation du jeu vidéo « BioShock » sombrant dans l’enfer du développement, le cinéaste avait une revanche à prendre. Cette revanche est A Cure for life (A Cure for Wellness en anglais, autrement dit « un remède pour le bien-être », un titre qui ne manque pas d’ironie). Difficile de ne pas lire dans cette peinture glaciale du monde de la finance une critique acerbe du système hollywoodien. Ces hommes et ces femmes ceints dans leurs costumes sur-mesure, surplombant le commun des mortels du haut de leurs buildings aux vitres immenses, brassant des milliards sans s’en émouvoir, plaçant l’intérêt humain loin derrière celui des affaires, ces gens-là ne sont-ils pas le reflet à peine déformé des décideurs des majors ? Et ce jeune protagoniste qui croyait nager dans ces eaux dangereuses en toute impunité et qui se retrouve du jour au lendemain mis au défi, quitte à abandonner peu à peu ce système rigide pour partir en quête de sa vraie nature, ne s’agirait-il pas d’un alter-ego de Verbinski lui-même ? Si l’on accepte cette lecture entre les lignes, on comprend mieux pourquoi A Cure for Life est un film si radical, si inconfortable, et en fin de compte si peu hollywoodien.

Dane DeHaan incarne Lockhart, un jeune cadre aux dents longues que ses associés chargent d’une mission délicate : ramener à New York son patron Roland Pembroke, qui ne donne plus de signe de vie depuis qu’il est parti en cure dans un mystérieux centre de soins au fin fond des Alpes suisses. D’importantes retombées financières sont en jeu. Lockhart s’embarque donc dans un voyage qu’il espère le plus bref possible. Depuis la gare, une voiture avec chauffeur lui fait traverser un village sinistre en direction du centre médical, installé dans un château séculaire juché sur une montagne. Les légendes peu engageantes que l’on chuchote autour de cet endroit étrange et la bâtisse elle-même, dont la silhouette gothique se découpe orgueilleusement sur le ciel helvète, nous rappellent le prologue de maintes productions Hammer jetant des héros innocents dans la gueule du loup. Verbinski connaît ses classiques. Car si le château n’abrite ni le comte Dracula ni le docteur Frankenstein, les secrets qu’il renferme n’ont rien de très rassurant. Et le film de jongler dès lors entre une épouvante à l’ancienne et des horreurs cliniques beaucoup plus contemporaines, à l’image de ce lieu hors du temps dont les méthodes curatives et la machinerie médicale semblent appartenir à d’autres siècles.

Traitement de choc

En co-écrivant et en réalisant A Cure for Life, Gore Verbinski entend bien se débarrasser des oripeaux de ses derniers blockbusters pour revenir à une forme plus pure de narration. A cet effet, deux influences fortes guident son récit : le jeu « BioShock », dont plusieurs éléments majeurs sont déclinés au fil de l’intrigue, et le roman « La Montagne magique » de Thomas Mann, qui apparaît d’ailleurs entre les mains d’un protagoniste pour officialiser la filiation. Le cauchemar vécu par le protagoniste du film est éprouvant, scandé par des séquences choc mémorables et baigné dans un permanent sentiment de paranoïa qui nous empêche longtemps de savoir si son calvaire est réellement vécu ou inventé de toutes pièces par son esprit tourmenté. Dale DeHaan endosse avec conviction le rôle de cet investigateur au cœur de la tourmente, aux côtés de Jason Isaacs, au charisme toujours inaltérable, et de Mia Goth, troublante dans le rôle d’une femme-enfant qui semble flotter au-dessus des événements. Certes, A Cure for Life est sans doute trop long, ses rebondissements trop répétitifs et son final trop grandiloquent… Mais le malaise que procure le film est durable et la maestria de son réalisateur reste intacte.

 

© Gilles Penso

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