GAMERA CONTRE GUIRON (1969)

Pour sa cinquième aventure, la tortue Géante Gamera affronte un monstre extra-terrestre mi-requin mi-dinosaure

GAMERA TAI DAIJAKUJU GIRON

1969 – JAPON

Réalisé par Noriaki Yuasa

Avec Noburhiro Najima, Miyuki Akiyama, Christopher Murphy, Yuko Hamada, Eiji Funakoshi, Kon Ômura

THEMA REPTILES ET VOLATILES I EXTRA-TERRESTRES I SAGA GAMERA

Monstre redoutable et indestructible conçu pour concurrencer Godzilla, la tortue géante antédiluvienne Gamera s’est vite muée, au fil de ses aventures, en gentil protecteur de la Terre. Le quatrième film de la saga, Gamera contre Viras, semblait d’ailleurs marquer les limites du concept en frôlant dangereusement la puérilité et l’absurdité. Sa séquelle, Gamera contre Guiron, exploite hélas les mêmes ingrédients : deux garnements surdoués en guise de héros (un Japonais et un Américain pour pouvoir toucher le public le plus large), une menace extraterrestre grotesque, l’utilisation d’extraits des films précédents pour pouvoir économiser de coûteux effets spéciaux, et un nouveau monstre abracadabrant à jeter dans les pattes de Gamera. Le scénario ? Un vaisseau spatial kidnappe deux enfants de la Terre (qui crient « Banzaï » ! » toutes les cinq minutes) et les transporte sur Teato, une planète lointaine symétrique à la Terre par rapport à l’axe du soleil, et peuplée de monstres géants.

Là sévissent deux femmes extra-terrestres qui rêvent d’asservir la Terre. Les garçons, qui découvrent les plans machiavéliques de leurs geôlières, réveillent Gamera pour prendre part à une bataille finale mortelle contre le monstre de l’espace… Autant l’avouer tout de suite : la mayonnaise ne prend guère, même pour les jeunes téléspectateurs, et seuls les friands de kitsch et d’humour au second degré trouveront leur compte dans ce cinquième Gamera. Le Guiron du titre, qui joue le rôle de chien de chasse des deux jolies aliennes, est une créature étrange, qu’on pourrait décrire comme une sorte de dinosaure mixé avec un requin. Réfugié sous terre, il surgit de temps en temps pour chasser les ptérodactyles du coin (les Gyaos, échappés du troisième film de la saga) et bien sûr pour affronter Gamera. Son museau, aussi tranchant qu’un couteau, est son arme la plus redoutable. Plusieurs Gyaos en font d’ailleurs les frais, mutilés et découpés sans pitié au début du film ! Guiron dispose aussi d’espèces d’étoiles ninja qu’il cache dans ses narines et qu’il projette à tout va ! 

Barre fixe et pas de danse

Quant aux extraterrestres, il s’agit de deux jolies Japonaises engoncées dans des combinaisons bariolées et répondant aux noms de Barbella et Flobella. Derrière leur comportement affable se cachent en réalité deux prédatrices qui envisagent de manger le cerveau de leurs otages terriens pour acquérir leurs connaissances et se protéger des bactéries de la Terre ! Ajoutez à ce cocktail des trucages très approximatifs (maquettes bon marché, décors en carton-pâte, rétroprojections approximatives sur des écrans sales et tachés), des dialogues confondant de naïveté (« Donnons à la Terre la paix ! ») et un humour très particulier (Gamera fait de la barre fixe pour impressionner son adversaire puis entame quelques pas de danse !) et vous obtenez un opus assez dispensable, qui s’achève comme il se doit par la chanson « Go Gamera ! ».

 

© Gilles Penso

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DEADPOOL (2016)

Ryan Reynolds et Tim Miller s'amusent à parodier les films de super-héros mais finissent par tomber dans les clichés qu'ils pastichent

DEADPOOL

2016 – USA

Réalisé par Tim Miller

Avec Ryan Reynolds, Morenna Baccarin, Ed Skrein, Stefan Kapicic, Brianna Hildebrand, T.J. Miller, Gina Carano

THEMA SUPER-HEROS I SAGA MARVEL

Généralement, le public décide si un film est culte ou non. C’est l’ordre naturel des choses, et parfois il faut laisser le temps apposer sa patine. A l’époque de leur conception, qui aurait bien pu prévoir que des œuvres aussi disparates qu’Orange Mécanique, The Rocky Horror Picture Show ou Phantom of the Paradise acquerraient un tel statut ? Mais dans le cas de Deadpool, c’est le studio a qui a décidé de choisir à la place des spectateurs. Humour décalé, clins d’œil incessants, références à la culture pop, usage abondant du sexe, de la violence et de la vulgarité… Tous les ingrédients semblent réunis pour que ce film de super-héros déjanté défraye la chronique, accompagné d’un doux parfum de scandale, et occupe une place particulière dans le cœur des fans du genre. Sauf que les choses ne fonctionnent pas comme ça : une œuvre culte ne se fabrique pas de toutes pièces, elle le devient naturellement.

Derrière chaque écart « subversif » du film, on sent le calcul des auteurs et des producteurs. A travers chaque gag graveleux, on imagine le cahier des charges qui se remplit. Deadpool déborde tant d’autosuffisance qu’il ne se contente pas d’essayer de faire rire, il ne cesse de prendre le spectateur à parti pour lui faire confirmer sa drôlerie. Au lieu de simplement « briser le quatrième mur » de la narration en s’adressant directement au public, Ryan Reynolds se sent obligé de dire : « Vous avez vu les gars ? Je brise le quatrième mur ! » Au lieu de nous surprendre en basculant soudain dans la violence gratuite, la voix off juge bon d’ajouter : « Vous pensiez voir un film de super-héros classique ? Et bien non, je viens d’embrocher un gars avec mes épées ! » Tout le film est à l’avenant, surlignant ses effets comiques pour s’assurer que chacun a bien entendu toutes les blagues. Il ne manque plus que le panneaux « rire » et les éclats de rire enregistrés !

Une subversion savamment calculée

D’autant que lorsqu’on le met à plat, le scénario de Deadpool est formaté comme celui de tous les films de super-héros dont il se moque allègrement : le protagoniste à la dérive, ancien membre des forces spéciales, qui tombe amoureux d’une jolie fille et accepte qu’on pratique sur lui une expérience scientifique pour le guérir de sa maladie incurable ; le méchant très très méchant qui se complaît dans sa vilénie ; le faire-valoir qui distribue les bons mots ; une poignée de scènes d’action spectaculaires à base de cascades de voitures, de fusillades et d’acrobaties en varispeed ; un climax explosif qui permet la destruction massive du repaire du vilain. C’est même probablement, de tous les films adaptant l’univers Marvel, celui qui se conforme le plus servilement au scénario codifié qu’il entend dynamiter. Pour mettre un peu d’eau dans notre vin, admettons que Deadpool sait nous dérider et qu’un grand nombre de traits d’humour font mouche (les allusions à Taken ou aux autres films de la série X-Men sont assez délectables). Regrettons simplement le manque de spontanéité de cette vaste entreprise qui, sous ses allures de « vilain petit canard », est un film de franchise aux composants savamment dosés. Dans un registre plus « sage » mais beaucoup plus sincère, on préfèrera largement le grain de folie des Gardiens de la Galaxie de James Gunn.

 

© Gilles Penso

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WAXWORK (1988)

Les tableaux macabres d'un musée de cire prennent vie et permettent un hommage généreux aux grandes figures du cinéma d'épouvante

WAXWORK

1988 – USA

Réalisé par Anthony Hickox

Avec Zach Galligan, Deborah Foreman, Michelle Johnson, Dana Ashbrook, Miles o’Keeffe, David Warner, Patrick Macnee

THEMA LOUPS-GAROUS I ZOMBIES I VAMPIRES I MOMIES I DRACULA

Ephémère coqueluche du cinéma fantastique des années 80 depuis sa prestation dans Gremlins, Zach Galligan tient la vedette de ce curieux Waxwork, écrit et réalisé par Anthony Hickox. Puisant son idée de base chez L’Homme au Masque de CireWaxwork est un film patchwork qui rend un hommage apparemment sincère aux grands mythes du cinéma d’épouvante. Hélas, ces bonnes intentions sont gâchées par un regrettable laxisme scénaristique et par une direction artistique franchement déficiente. Galligan interprète Mark Loftmore, un étudiant paresseux issu d’une famille aristocratique et richissime, qui se retrouve invité à minuit, en compagnie de trois de ses amis, pour inaugurer un musée de cire situé à deux pas du campus. A l’intérieur, des tableaux macabres mettent en scène les dix-huit êtres les plus maléfiques que la Terre ait jamais porté. Les personnages sont d’un saisissant réalisme (et pour cause, ils sont joués par de véritables comédiens comme dans le Masques de Cire de Michael Curtiz), mais il y a bien plus étrange : lorsqu’un des visiteurs franchit par mégarde le cordon de sécurité, il pénètre dans une dimension parallèle et se retrouve face à la créature du tableau. Waxwork prend dès lors les allures d’un film à sketches, chaque incursion dans l’un des tableaux fonctionnant comme un court-métrage quasi-autonome.

Tout commence avec la mésaventure de Tony (Dana Ashbrook), soudain propulsé dans une forêt étrange une nuit de pleine lune, et confronté à un loup-garou interprété par John Rhys-Davies. Seconde victime, la belle China (Michelle Johnson) participe à un repas de vampires ordonnancé par le comte Dracula en personne (Miles O’Keefe). Enquêtant sur la disparition des deux lycéens, un policier se trouve à son tour confronté au maléfice, en l’occurrence à une momie particulièrement virulente. Quant à notre héros Mark, il se retrouve dans un remake de La Nuit des Morts-Vivants, l’image virant carrément au noir et blanc, même si les zombies qui l’attaquent évoquent plus ceux du clip Thriller de Michael Jackson que les cadavres ambulants de George Romero. Dernière victime, Sarah (Deborah Foreman) tombe entre les griffes du Marquis de Sade (J. Kenneth Campbell). La cavalerie intervient finalement, dirigée par un Patrick McNee  jovial, et vient contrecarrer les plans maléfiques du directeur de ce musée vivant, interprété par le délicieusement sinistre David Warner.

Les effets spéciaux inventifs de Bob Keen

Tout s’achève donc par une bataille mettant en scène tous les monstres pré-cités en compagnie de quelques autres, notamment un monstre de Frankenstein, un Fantôme de l’Opéra, un homme invisible et un extra-terrestre. Incapable de créer une atmosphère d’épouvante gothique digne de ce nom, Hickox compense en sacrifiant au gore, ses créatures s’avérant bien plus sanglantes que leurs classiques modèles. Le loup-garou déchire en deux ses victimes humaines, les vampires rongent la jambe d’un infortuné humain jusqu’à l’os, la momie écrase sous son pied la tête d’un importun, le tout avec force gerbes de sang… Le film vaut donc principalement pour son indiscutable potentiel distractif et pour les effets spéciaux inventifs de Bob Keen, car côté scénario et mise en scène, le spectateur reste quelque peu sur sa faim.

 

© Gilles Penso

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L’HOMME DES CAVERNES (1981)

Ringo Starr et Barbara Bach affrontent des dinosaures burlesques dans cette parodie des films préhistoriques de la Hammer

CAVEMAN

1981 – USA

Réalisé par Carl Gottlieb 

Avec Ringo Starr, Barbara Bach, Jack Gilford, Avery Schreiber, Dennis Quaid, Shelley Long, John Matuszak, Jack Scalici

THEMA DINOSAURES I EXOTISME FANTASTIQUE

Amusé par la prestation télévisuelle du comédien Buddy Hackett en tenue d’homme préhistorique dans le « Tonight Show », le producteur Lawrence Turman proposa à son partenaire David Foster l’idée d’une version parodique de Tumak Fils de la Jungle. Tous deux confièrent le scénario à Carl Gottlieb, auteur du script des Dents de la Mer et de plusieurs sketches comiques, et celui-ci se lança dans une satire sociale sans monstres préhistoriques dans laquelle tous les hommes des cavernes parlent un anglais moderne. Mais Turner et Foster voulaient des dinosaures, et un univers proche de Un Million d’Années Avant JC ou Quand les Dinosaures Dominaient le Monde. Le scénario définitif, retravaillé par Randy De Luca, ne fait guère dans la subtilité, et ses gags ne sont qu’épisodiquement réussis. Atuk (Ringo Starr) est amoureux de Lona (Barbara Bach), la compagne de Tonda (John Matuszak), chef de sa tribu. Sans cesse rejeté par la belle, il quitte son peuple et crée une tribu nomade avec son ami Laar (Dennis Quaid), le vieil aveugle Gog (Jack Gilford) et sa fille Tala (Shelley Long). 

Leur chemin est semé de monstres préhistoriques, notamment un tyrannosaure obèse et un grand lézard cornu. Au cours de leur périple, ils découvrent le feu et inventent la musique. Atuk sauve Lona de la noyade. Elle décide alors de passer dans son camp. Mais Tonda riposte en récupérant Lona et en faisant enlever toutes les femmes de la tribu rivale avec l’aide de Tala, amoureuse de Tumak et jalouse. Atuk prépare alors sa revanche… On se souvient des impayables mimiques de Ringo Starr dans Help ! Le voilà qui remet ça, sans ses trois comparses mais avec son épouse, la sculpturale Barbara Bach qui fut James Bond girl dans L’Espion qui m’aimait quatre ans plus tôt. L’humour du film de Gottlieb rase les pâquerettes et se situe volontiers au-dessous de la ceinture. 

Un dinosaure caméléon et un T-rex obèse

En fait, ce sont surtout les dinosaures qui méritent un coup de chapeau et qui constituent les véritables éléments comiques du film : un reptile quadrupède, juché au sommet d’une falaise, qui pousse le cri du hibou à la tombée de la nuit et chante comme un coq au matin ; un ptéranodon qui attaque les voleurs de son œuf géant ; un saurien cornu à la gueule énorme et aux yeux de caméléon ; et un tyrannosaure obèse hilarant qui déploie un vaste registre d’expressions. « Je souhaitais vraiment briser l’image traditionnelle et effrayante que l’on a du tyrannosaure », nous raconte le superviseur des effets spéciaux Jim Danforth. « Celui-ci était maladroit, endormi et exagérément corpulent. » (1). A cette ménagerie hétéroclite s’ajoute un homme-morse boudeur conçu par le maquilleur Chris Walas. La brillante partition de Lalo Schifrin (Mission impossible) multiplie les clins d’œil, et  l’ex-batteur des Beatles s’offre même une veillée préhistorique autour du feu à coups de percussions improvisées. Guère couvert médiatiquement, L’Homme des Cavernes connaît tout de même un petit succès, grâce à la popularité de Ringo Starr, au charme exotique de son épouse en peaux de bête et au fort potentiel comique des dinosaures qui leur donnent la réplique.

(1) Propos recueillis par votre serviteur en avril 1998

 

© Gilles Penso

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UN CRI DANS L’OCEAN (1998)

Un commando de pirates des mers se retrouve confronté à un monstre marin tentaculaire digne des écrits de Lovecraft

DEEP RISING

1889 – USA

Réalisé par Stephen Sommers

Avec Treat Williams, Famke Janssen, Anthony Heald, Kevin J. O’Connor, Una Damon, Wes Studi, Derrick O’Connor

THEMA MONSTRES MARINS

Un Cri dans l’Océan est une toute petite série B dotée des moyens d’une superproduction, affublée d’un scénario basique, de personnages taillés à la serpe et de dialogues ineptes… Et pourtant, il est difficile de ne pas éprouver de la sympathie pour ce film de monstre, tant Stephen Sommers semble y avoir injecté son amour sincère pour le genre. Encore faut-il passer outre cette première partie, accompagnée d’une partition martiale et lourdingue indigne du grand Jerry Goldsmith. On y fait la connaissance de Finnegan, interprété par un Treat Williams trop souvent cantonné dans les séries Z conçues directement pour la vidéo (un comble pour ce comédien génial découvert dans Hair et 1941). Ce capitaine sans scrupule, appâté par le gain, a tendance à embarquer n’importe qui et n’importe quoi à bord de sa vedette, en compagnie de son mécanicien Joey (Kevin J. O’Connor, acteur fétiche de Sommers) et de sa co-pilote Leila (la mignonnette Una Damon). Du coup, alors qu’il sillonne la mer de Chine, il se retrouve aux mains d’un commando de pirates sévèrement burnés, armés jusqu’aux dents, qui se sont mis en tête de dévaliser le luxueux paquebot Argonautica, avec la complicité de son véreux propriétaire Simon Canton (Anthony Heald, qui ressemble ici comme deux gouttes d’eau à Nick Nolte). Petit problème : le navire a été assailli par un gigantesque céphalopode avide de chair humaine dont les innombrables tentacules circulent via les canalisations et les coursives.

Même si elle n’apparaît qu’au bout d’une cinquantaine de minutes, cette abominable créature est la grande attraction du film, et restera dans les mémoires comme l’un des plus beaux  monstres marins de l’histoire du cinéma. Il faut dire qu’il n’a pas été confié à des manchots : son design est l’œuvre de Rob Bottin (The Thing tout de même) et sa réalisation le fruit du labeur des artistes d’ILM, alors frais émoulus des deux premiers Jurassic Park. Très proche visuellement du démon Chthulhu qui hante les pages du romancier H.P. Lovecraft, ce monumental bestiau crève l’écran à chacune de ses apparitions. D’autant que Sommers ne recule devant aucun excès gore, notamment avec le charnier de centaines de squelettes ensanglantés amassés dans le navire, ou la régurgitation d’un homme à moitié dévoré qui continue de gémir alors que sa tête est en partie rongée !

L'homme à la tête rongée

L’action non plus ne faiblit pas, jusqu’au climax au cours duquel Treat Williams et Famke Janssen (alors connue du grand public pour sa participation à Goldeneye) fuient le monstre à l’aide d’un jet ski, tandis que le paquebot est en train de céder sous l’impact d’explosions multiples. Bref, voilà du bon spectacle habilement mené, qu’on ne peut cependant apprécier à sa juste valeur qu’à condition de passer sous silence son absence totale de finesse, de caractérisation et de psychologie. On note qu’à l’origine, le rôle de Finnegan fut proposé à Harrison Ford, ce qui aurait considérablement augmenté le budget du film (l’interprète d’Indiana Jones coûtant plus cher que n’importe quel monstre en 3D). Le dénouement d’Un Cri dans l’Océan laisse la porte ouverte à une séquelle qui n’a jamais vu le jour.

 

© Gilles Penso

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LE SECRET DU LAC SALÉ (1957)

Des expériences atomiques réveillent un monstre géant, mi-escargot mi-mille pattes, qui s'en va semer la panique autour d'un lac

THE MONSTER THAT CHALLENGED THE WORLD

1957 – USA

Réalisé par Arnold Laven

Avec Tim Holt, Audrey Dalton, Hans Conried, Barbara Darrow, Max Showalter, Harlan Wade, Gordon Jones, Mimi Gibson 

THEMA INSECTES ET INVERTEBRES

Sous son titre français anonyme et fadasse, Le Secret du Lac Salé abrite l’un de ces monstres improbables dont raffolait la science-fiction des années 50. Ici, il s’agit d’un gigantesque invertébré à mi-chemin entre l’escargot et le mille-pattes, que des scientifiques lyriques surnomment « Kraken », en hommage aux monstres marins des légendes nordiques. D’habitude rompu au petit écran, le réalisateur Arnold Laven s’en sort plutôt bien, exploitant jusqu’au dernier centime les quelque 250 000 dollars qui lui sont alloués pour le film. L’intrigue se situe aux abords du lac Salton, au beau milieu d’un désert du Sud de la Californie, où le gouvernement américain a installé une base de recherche navale. Une série d’expériences atomiques ultra-secrètes et un tremblement de terre : il n’en faut pas plus pour réveiller ce fameux monstre d’origine préhistorique, affamé et très vindicatif, comme Godzilla et Le Monstre des Temps Perdus.

Les morts mystérieuses s’accumulent donc autour du lac, chaque victime étant retrouvée dans un affreux état : livide, figée, les yeux écarquillés et la peau séchée. Les premières attaques évoquent avec vingt ans d’avance celles des Dents de la Mer, notamment cette séquence nocturne où une jeune fille, nageant à la suite de son petit ami, est soudain happée sous les flots par la bête qui demeure invisible. Le périmètre est bientôt bouclé, et militaires et scientifiques se serrent les coudes pour enrayer la menace. D’autant que le monstre semble ne pas être seul. En effet, toute une horde de ces horribles bestioles carnivores et amphibies s’apprête à gagner la terre ferme pour défier le monde, comme le dit si bien le titre original. Le docteur Jess Rogers (Hans Conried) délivre alors un avis scientifique sans appel : « depuis qu’ils sont nés, ils ont faim ! » Entre deux scènes de monstre, le scénario s’attache comme il peut aux humains, donnant dans la romance gentillette, et s’amusant à brosser des personnages secondaires pittoresques. Notamment un archiviste particulièrement déjanté et une standardiste qui ne cesse de téléphoner à sa mère.

« Vous allez pouvoir nager à nouveau ! »

La bête, quant à elle, est plutôt réussie. Œuvre d’Augie Lohman, elle bénéficie d’un design des plus intéressants et est animée sous forme d’une marionnette grandeur nature habilement sculptée et mécanisée, ce qui permet des séquences d’interaction directes avec les comédiens. La plus efficace d’entre elles est l’affrontement final, au cours duquel le commandant de l’US Navy John Twillinger (Tim Holt, échappé du Trésor de la Sierra Madre) tente de repousser le dernier monstre vivant à l’aide d’un extincteur, avant que des soldats ne viennent lui prêter main-forte et abattent la créature sous une rafale de balles. Le dialogue final, précédant le « The End » fatidique, ne fait pas tout à fait dans la dentelle : « devinez quoi, Sandy », déclare jovialement Twillinger à la jolie secrétaire du savant incarnée par Mimi Gibson, « vous allez pouvoir nager à nouveau ! », ce à quoi elle rétorque en gloussant : « je peux ? » Bref, rien de bien transcendant, ni de très mémorable, mais un bon vieux film de monstre géant comme on les aime : naïf, excessif, et esquivant le ridicule avec une belle témérité.

 

© Gilles Penso

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TRULY, MADLY, DEEPLY (1991)

Une femme endeuillée par la mort de son bien aimé le voit un jour revenir sous forme de fantôme…

TRULY, MADLY, DEEPLY

1991 – GB

Réalisé par Anthony Minghella

Avec Juliet Stevenson, Alan Rickman, Michael Maloney, Bill Paterson, Christopher Rozycki, Stella Maris, David Ryall

THEMA FANTÔMES

Pour son premier long-métrage, Anthony Minghella (futur réalisateur du Patient Anglais et de Cold Mountain) semble avoir voulu répondre à Always et Ghost en racontant une histoire s’appuyant sur les mêmes prémisses. Mais si le point de départ semble en tout point similaires, le traitement diffère, puisque le cinéaste a décidé de l’aborder sous le jour le plus crédible et le plus minimaliste possible, loin de la romance épique de Steven Spielberg ou de l’histoire d’amour manichéenne de Jerry Zucker. L’héroïne de Truly Madly Deeply, Nina, ne s’est pas remise de la mort de Jamie, l’amour de sa vie. Elle erre donc sans enthousiasme dans son appartement en décrépitude, envahi par les rats et les ouvriers, et mène avec monotonie ses activités de traductrice. Un soir, alors qu’elle s’abandonne à son désespoir en laissant vagabonder ses doigts sur le clavier de son piano à queue, un violoncelle se met soudain à l’accompagner… C’est Jamie, revenu d’entre les morts pour lui rendre visite (ce duo musical fusionnant l’univers des vivants et des défunts est de toute évidence l’idée la plus belle et la plus poétique du film). Passée la surprise, le jeune couple retrouve ses marques et tente un semblant de vie commune, comme autrefois. Mais peu à peu, Nina comprend que la vie avec un fantôme n’est pas décemment possible, d’autant que Jamie ramène avec lui des amis immatériels qui envahissent peu à peu l’appartement. 

Contrairement aux très hollywoodiens Patrick Swayze et Demi Moore de Ghost, pas réalistes pour un sou, Minghella a tenu à construire des personnages résolument humains. Cette approche est des plus louables, et les peines de cœur de Nina n’en sont que plus touchantes. Mais à force d’évacuer systématiquement tout glamour, le film finit par s’enferrer dans une inévitable austérité, jusqu’à susciter l’ennui et la morosité. D’autant que Juliet Stevenson ne dégage pas beaucoup de charme dans le rôle de Nina. Au fil du récit, son personnage connaît une série d’états psychologiques contraires : la tristesse successive à la perte de l’être cher, la surprise de son retour, le bonheur d’une nouvelle vie à deux, le désenchantement progressif face à la nature irréelle de cette seconde chance, l’espoir devant l’amour possible d’un nouvel homme en chair et en os…

Alan Rickman casse son image de méchant

Hélas, cette progression comportementale est traitée avec une légèreté assez déstabilisante, comme si le réalisateur tournait à l’aveuglette et laissait improviser ses comédiens. La comédienne elle-même (qui joue ici un rôle écrit sur mesure) semble ne pas savoir clairement comment appréhender son personnage. « Mon expérience personnelle m’a appris que le deuil n’est pas quelque chose de glamour », dira-t-elle plus tard à propos du film. En fin de compte, Truly Madly Deeply vaut surtout pour la présence d’Alan Rickman, à mille lieues des méchants archétypiques de Piège de Cristal et Robin des Bois. Sensible, drôle, terriblement humain, son personnage de revenant fascine, et cette prestation irrésistible (« vraie, folle et profonde », comme le suggère le titre) est un véritable enchantement, même si elle ne suffit pas à combler les trop nombreux vides du scénario de Minghella.

 

© Gilles Penso

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THE LAST WILL AND TESTAMENT OF ROSALIND LEIGH (2012)

Un seul comédien, un seul décor, il n'en faut pas plus au réalisateur Rodrigo Gudiño pour créer une atmosphère particulièrement pesante…

THE LAST WILL AND TESTAMENT OF ROSALIND LEIGH

2012 – CANADA

Réalisé par Rodrigo Gudiño

Avec Aaron Poole, Vanessa Redgrave, Julian Richings, Stephen Eric McIntyre, Charlotte Sullivan, Mitch Markowitz

THEMA DIABLE ET DEMONS

Sur le motif connu de la maison hantée, The Last Will and Testament of Rosalind Leigh parvient à prendre ses spectateurs par surprise en leur offrant un spectacle inattendu et résolument original. Féru de partis pris artistiques radicaux, le réalisateur Rodrigo Gudiño, fondateur du fameux magazine « Rue Morgue », décide de ne mettre en scène qu’un seul comédien dans un décor unique. Pour le moins osé, ce choix aurait pu donner lieu à film extrêmement statique et théâtral. Or il n’en est rien. Rosalind Leigh puise au contraire toute sa force dans sa compréhension et son exploitation du langage cinématographique pur. Le personnage central de ce récit pesant est Leon (Aaron Poole), qui retourne dans la maison de son enfance après avoir appris la mort de sa mère (Vanessa Redgrave), une femme bigote dont il s’était peu à peu éloigné jusqu’à couper les liens avec elle. Digne d’un de ces cabinets de curiosités dont raffole Guillermo del Toro, la vaste demeure est à la fois belle et hideuse, emplie de reliques propres à semer le trouble : marionnettes, statues, animaux empaillés, costumes, armes, poupées, accessoires appartenant à toutes les époques, et surtout une infinité d’objets religieux liés à un christianisme excessif aux allures de culte païen et folklorique.

Gudiño filme cette étrange maison avec une délectation communicative, laissant durer indéfiniment des travellings qui ignorent superbement le rythme traditionnel des films d’horreur modernes et soignant à l’extrême la photogénie de son film, à contre-courant de la mode envahissante du « found footage » qui privilégie le sursaut immédiat aux dépends de l’angoisse insidieuse et progressive. Ce sens de l’élégance et de la photogénie apparaît dès le générique du film, qui révèle progressivement un embryon en train de flotter. L’inquiétude s’immisce donc en douceur, amorcée par la présence d’inscriptions insolites sur les murs (« Si tu fais tomber un couteau par terre, un homme te rendra visite. Si c’est une cuiller ce sera une femme. Si c’est une fourchette, ce ne sera ni un homme ni une femme »). La Maison du Diable de Robert Wise, modèle ultime d’épouvante suggestive et non démonstrative, semble être l’une des sources d’inspiration majeures de Rosalind Leigh, à travers ses jeux habiles sur la bande son et le hors-champ.

La frayeur monte d'un cran…

Gudiño parvient à nous effrayer avec une statuette de vierge qui semble se déplacer, un grognement dans l’ombre, un escalier en colimaçon qui mène vers une pièce mystérieuse, un enregistrement vidéo troublant… Lorsque quelqu’un – ou quelque chose – pénètre finalement dans la maison vénérable, la frayeur monte soudain d’un cran. Mais le cinéaste a l’intelligence de garder la demi-mesure, de ne pas franchir le pas qui ferait basculer son huis clos anxiogène dans le grand guignol. En conservant le voile de mystère nécessaire au bon fonctionnement de son intrigue, en laissant la monstruosité roder sur le pas de la porte sans l’exposer totalement – sauf le temps d’une séquence brève et éprouvante – Rodrigo Gudiño tutoie la terreur viscérale en lui donnant les allures d’un cauchemar envoûtant et durable.

 

© Gilles Penso

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MONKEYBONE (2001)

Le réalisateur de L'Étrange Noël de Monsieur Jack mêle animation et prises de vues réelles dans un étrange trip avec Brendan Fraser et Bridget Fonda

MONKEYBONE

2001 – USA

Réalisé par Henry Selick

Avec Brendan Fraser, Bridget Fonda, Chris Kattan, Giancarlo Esposito, John Turturro, Whoopi Goldberg, Rose McGowan

THEMA RÊVES I MORT

Sous la tutelle de Tim Burton, Henry Selick avait réalisé deux longs-métrages d’animation mémorables : l’extraordinaire Etrange Noël de Monsieur Jack et le fort sympathique James et la Pêche Géante. Il était temps, pour le talentueux cinéaste, de voler de ses propres ailes. Renouant avec son goût pour la fantaisie débridée, les univers  ultra-graphiques et les effets spéciaux à l’ancienne, Selick se lança ainsi dans Monkeybone, d’après une bande dessinée de Kaja Blackley, et passa cinq longues années à financer ce projet fou. Rendu célèbre par ses prestations dans George de la Jungle et La Momie, Brendan Fraser incarne ici Stu Miley, un créateur de dessins animés dont le personnage de Monkeybone, un singe facétieux et survolté, remporte un immense succès. Malgré les royalties, les paillettes et les produits dérivés, il n’a d’yeux que pour sa petite amie Julie McElroy (Bridget Fonda) qu’il projette de demander en mariage.

Or un accident de voiture stupide le plonge soudain dans le coma. Julie, qui fut autrefois son médecin lorsqu’il souffrait de graves troubles du sommeil, va tout mettre en œuvre pour le réveiller. Pendant ce temps, Stu erre dans une cité onirique, Downtown, peuplée de créatures étranges et excentriques, parmi lesquelles figure Monkeybone lui-même, plus déchaîné que jamais. Dans cet univers alimenté par l’énergie des cauchemars, Henry Selick s’en donne à cœur joie, peuplant ses décors multicolores de monstres tous plus originaux les uns que les autres (cyclopes, méduses, guêpes géantes, démons tricéphales, crustacés à têtes humaines, yétis, serpents, éléphants pianistes), tout en mixant toutes les techniques de trucages possibles et imaginables : acteurs costumés, marionnettes, animatroniques, compositings numériques, et surtout animation image par image. Par cette bonne vieille technique qui fut le moteur créatif de ses deux précédents longs-métrages, le réalisateur donne vie au fameux Monkeybone, à qui John Turturo prête sa voix.

Un singe survolté

D’autres guest stars se bousculent dans Downtown, la moindre n’étant pas Whoopi Goldberg dans le rôle de la Mort. Stephen King lui-même aurait dû faire une petite apparition dans son propre rôle, mais son planning l’en empêcha. C’est donc un sosie, Jon Bruno, qui prend sa place. Le scénario de Monkeybone, bien plus « familial » que la sombre BD dont il s’inspire, entretient de nombreux points communs avec Cool World de Ralph Bakshi, d’autant qu’ici aussi la créature imaginée par le dessinateur s’échappe de son univers pour s’immiscer dans le nôtre et y semer une belle pagaïe. S’il excelle dans les scènes fantasmagoriques, Selick prouve aussi ses capacités de directeur d’acteur et ses dons pour la comédie, notamment dans cette séquence démente où Stu se réincarne dans le cadavre d’un gymnaste désarticulé interprété par l’étonnant Chris Kattan, transfuge du Saturday Night Live. Monkeybone est donc un excellent divertissement, bourré d’idées folles et de scènes surprenantes, qui passa pourtant inaperçu au moment de sa sortie, remboursant difficilement son budget de 75 millions de dollars, et n’eut droit qu’à une discrète distribution vidéo en nos contrées.

 

© Gilles Penso

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MADISON COUNTY (2011)

Un tueur au visage masqué par une tête de cochon surgit dans une forêt montagneuse de l'Amérique profonde…

MADISON COUNTY

2011 – USA

Réalisé par Eric England

Avec Colley Bailey, Matt Mercer, Ace Marrero, Joanna Sotomura, Natalie Scheetz, Nick Principe, Dayton Knoll, Adrienne Harrell

THEMA TUEURS

Depuis ses premiers balbutiements au milieu des années 70, le slasher, sous-genre majeur du cinéma d’horreur, a tellement été galvaudé au fil des ans qu’il est quasiment impossible de l’aborder aujourd’hui sous un angle original. Alors peine âgé de 22 ans, le réalisateur Eric England a tenu malgré tout à apposer son empreinte sur Madison County en choisissant une mise en forme brute et réaliste débarrassée de la stylisation extrême des « classiques » des années 80 (la génération Halloween et Vendredi 13) et du recul post-moderniste de ceux des années 90 (dans la foulée de Scream). Sa mise en scène épurée et efficace, aux cadres simples et à la photographie naturaliste, valorise le jeu de ses comédiens, bien moins caricaturaux qu’on aurait pu le craindre. Pourtant, chacun obéit a priori à un rôle stéréotypé et balisé : le jeune photographe sympathique (Matt Mercer) et sa jolie fiancée Brooke (Joanna Sotomura), le frère patibulaire de cette dernière (Ace Marrero) ainsi que la bonne copine blonde (Natalie Scheetz) qui en pince un peu pour un troisième larron (Colley Bailey). Le postulat lui-même semble emprunter la voie facile du cliché, puisque les cinq amis partent en voiture passer un week-end dans la forêt de l’Amérique profonde et croisent des autochtones qui les regardent d’un œil torve, tandis que quelqu’un semble rôder près d’eux. 

Mais une fois de plus, contre toute attente, Madison County s’écarte des sentiers battus. Sans recours aux effets faciles, aux « jump scares » et à l’humour potache, Eric England laisse l’inquiétude s’immiscer lentement, subtilement, par petites touches, laissant la caméra portée évoquer une menace qu’on ne voit pas encore. Le prétexte qui pousse le petit groupe à explorer cette région montagneuse reculée est une interview qu’a accepté de leur accorder David Randall, auteur d’un livre détaillant les méfaits sanglants d’un tueur en série ayant sévi dans les parages. Or l’écrivain semble avoir disparu et le serial killer ressemble de plus en plus à une légende urbaine… Jusqu’à ce qu’un tueur colossal et muet, le visage camouflé par une tête de cochon, ne surgisse soudain pour trucider tout ce qui passe à sa portée.

Pulsions sanguinaires

Même si l’allure de l’assassin masqué évoque celle du tueur cannibale de Nuits de Cauchemar et du Jigsaw du premier Saw, notre croquemitaine ne cherche pas forcément à marcher sur la trace de ses prédécesseurs, drapant sa présence de mystère sans pour autant s’ériger en une sorte d’icône toute-puissante et quasi-surnaturelle. De toute évidence, il ne s’agit de rien d’autre qu’un désaxé incapable de contrôler ses pulsions sanguinaires. La brutalité de ses meurtres a d’autant plus d’impact qu’elle est traitée crument mais sans recours aux effets gore appuyés. Lorsque Madison County approche de son dénouement, Eric England prend le parti audacieux de ne pratiquement rien nous expliquer et de laisser toutes les portes ouvertes. La frustration gagnera sans doute une partie des spectateurs, tandis que d’autres se féliciteront de ce refus du twist final traditionnel. Décidément, Madison County aura su contourner tous les lieux communs pour nous surprendre jusqu’au bout…

 

© Gilles Penso

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