SMALL SOLDIERS (1998)

Des petits soldats armés jusqu'aux dents et des monstres miniatures en plastique sèment le chaos dans une petite ville américaine

SMALL SOLDIERS

1998 – USA

Réalisé par Joe Dante

Avec David Cross, Jay Mohr, Alexandra Wilson, Denis Leary, Gregory Smith, Dick Miller, Kirsten Dunst, Jacob Smith

THEMA JOUETS

Mélangez Gremlins et Toy Story, et vous aurez une idée assez précise de ce qu’est Small Soldiers, une fable antimilitariste signée par Joe Dante sous la houlette de Steven Spielberg. Le duo se réunit ainsi une fois de plus, après leur travail commun sur La Quatrième dimensionGremlins et L’Aventure IntérieureSmall Soldiers raconte l’assaut d’une petite bourgade américaine par des jouets guerriers dans lesquels ont été implantées des puces informatiques provenant d’un stock militaire. L’affrontement entre le commando d’élite, sortes de Rambo en plastique, et les Gorgonites, des extra-terrestres pacifiques, sème bientôt une joyeuse panique… A cette occasion, les artistes d’ILM et de l’atelier Stan Winston (dont le travail conjoint avait donné naissance aux tours de magies inégalés de Terminator 2 et Jurassic Park) unissent une fois de plus leurs efforts. La scène la plus spectaculaire du film, où des centaines de mini-soldats attaquent une maison, fait intervenir pas moins de 350 personnages. Cette performance est d’autant plus étonnante que les images de synthèse relaient les marionnettes animatroniques de manière tout à fait imperceptible, leur intégration dans les prises de vues réelles atteignant une perfection quasi-absolue.

Toujours féru de références cinéphiliques, Dante confie la voix des jouets soldats à Ernest Borgnine, George Kennedy, Clint Walter et Jim Brown, qui incarnèrent en 1967 Les Douze salopards dont ils réinterprètent ici les plus célèbres répliques avec une énergie très communicative. Avec en prime quelques détournements d’autres dialogues célèbres, notamment cette déclaration exaltée du major Chip Hazard (Tommy Lee Jones) : « J’aime l’odeur du polyuréthane au petit matin ! » Autre clin d’œil savoureux : La Fiancée de Frankenstein, dont la partition de Franz Waxman est recyclée au moment où les soldats donnent vie aux poupées Gwendy (parodies évidentes des Barbies) et les transforment en redoutables guerrières.

La rançon de l'anticonformisme

Si l’industrie du jouet et la bêtise militaire sont évidemment en ligne de mire de l’impertinent scénario de Small Soldier, œuvre collective de Gavin Scott, Adam Rifkin, Ted Elliott et Terry Rossio, le film s’apprécie aussi comme une fable anti-raciste prônant le droit à la différence. Comment interpréter autrement l’attitude de ces fiers soldats 100% américains – le plastique n’est évidemment que métaphorique – prêts à en découdre avec leurs ennemis pour la simple raison qu’ils sont laids et contrefaits ? L’un des thèmes récurrents du cinéma fantastique, de Freaks à Edward aux Mains d’Argent, trouve donc ici un nouveau terrain d’expression. Comme chez Tod Browning et Tim Burton, le plus monstrueux n’est pas celui que l’on croit. Frank Langella, qui prête sa voix à Archer, chef des Gorgonites dont les traits félins ne sont pas sans évoquer le maquillage de Jean Marais dans La Belle et la Bête, cultive ce paradoxe à travers son interoprétation feutrée laissant saillir une humanité infinie et une sagesse profonde. Satirique, hilarant, bourré d’action et de surprises, Small Soldiers est un petit bijou qui méritait bien mieux que l’accueil tiédasse que lui réserva le public au moment de sa sortie, ne lui permettant de rembourser son budget de quarante millions de dollars que bien tardivement. Joe Dante serait-il décidément trop anticonformiste pour plaire au plus grand nombre ?

 

© Gilles Penso

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MAGIC (1978)

Anthony Hopkins incarne un ventriloque dont la personnalité fusionne peu à peu avec celle de sa marionnette

MAGIC

1978 – USA

Réalisé par Richard Attenborough

Avec Anthony Hopkins, Ann Margret, Burgess Meredith, Ed Lauter, E.J. André, Jerry Houser, David Ogden Stiers, Lilian Randolph

THEMA JOUETS

Pour son quatrième long-métrage, Richard Attenborough décide d’adapter le best-seller « Magic » de William Goldman, sous l’égide du producteur Joseph E. Levine (les trois hommes collaborèrent un an plus tôt sur Un pont trop loin). Anthony Hopkins y incarne Corky, un magicien se produisant sans grand succès dans un quartier minable de la ville. Lorsque l’idée lui vient d’adjoindre à son numéro une marionnette nommée Fats, il fait un tabac et commence à intéresser plusieurs chaînes de télévision locales. NBC lui fait même une offre très alléchante, mais Corky la refuse pour une raison à priori triviale : il ne veut pas se soumettre à une visite médicale, petite formalité nécessitée par la chaîne. Alors que son impresario Ben Greene (Burgess Meredith) s’interroge sur ses véritables motivations, Corky décide de se réfugier avec sa marionnette dans la petite ville où il a grandi. Là, il retrouve son amour de jeunesse Peggy (Ann Margret)… Dès les prémisses, on sent bien qu’il y a un problème dans la tête de Corky. La schizophrénie y est latente, comme le prouvent ses dialogues permanents avec Fats qui dépassent rapidement les répétitions de sketches ou les simples distractions. Aux yeux du ventriloque, la marionnette est un personnage autonome. Les thématiques d’Au cœur de la nuit ne sont pas loin.

Conçue comme une caricature d’Anthony Hopkins, une sorte de frère jumeau aux traits grotesques, la marionnette est une indéniable réussite. Souvent, l’homme et son pantin portent les mêmes habits, et le metteur en scène s’amuse à cadrer leurs deux visages symétriquement, chaque fois que l’occasion se présente, comme si Fats agissait sur Corky à la manière d’un miroir déformant. La musique de Jerry Goldsmith, quant à elle, enveloppe certaines séquences en jouant la carte du contrepoint, notamment lorsque les violons se déchaînent pendant la scène d’amour entre Corky et Peggy, tandis qu’une inquiétante mélodie à l’harmonica vient interrompre la partition sur les gros plans de Fats montés en parallèle. Lorsque Ben, s’inquiétant de la santé mentale de son poulain, vient le rejoindre à la campagne, Corky bascule et commet son premier meurtre, se servant de Fats comme instrument de mort (il frappe l’impressario avec la marionnette), comme pour mieux dissocier ses deux personnalités : Fats est donc l’assassin et Corky l’innocent.

Qui manipule qui ?

Puis débarque Duke (Ed Lauter), le mari de Peggy, qui soupçonne une relation entre eux. S’ensuit une excellente séquence de suspense dans une barque en pleine partie de pêche. Le sang ne tarde pas à couler de nouveau. Un moment, on jurerait presque que Fats agit seul, un couteau à la main, la bouche entrouverte, les yeux qui roulent. Mais c’est évidemment Corky qui le manipule. La mise en scène nous a berné, nous permettant furtivement d’entrer dans l’esprit dérangé du marionnettiste. A moins que la thèse surnaturelle ne nous semble plus supportable que celle de la psychopathie.  « Tu ne peux pas t’imaginer comme les gens ont envie de croire à la magie », déclarera d’ailleurs Fats à Peggy. Grâce à son petit succès, Magic servira de tremplin à Richard Attenborough pour la mise en chantier de son chef d’œuvre Gandhi.

 

© Gilles Penso

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LE FILS DE CHUCKY (2004)

Auteur du concept de Chucky, Don Mancini passe à la mise en scène pour ce quatrième opus un peu trop porté sur l'auto-citation

THE SEED OF CHUCKY

2004 – USA

Réalisé par Don Mancini

Avec Jennifer Tilly, Brad Dourif, Billy Boyd, Redman, Hannah Spearritt, John Waters, Keith-Lee Castle, Jason Flemyng

THEMA JOUETS I SAGA CHUCKY

Comme David S. Goyer sur Blade Trinity, Don Mancini, scénariste de Jeu d’Enfant et de ses trois séquelles, a décidé de passer lui-même à la mise en scène à l’occasion des cinquièmes aventures de la poupée Chucky. L’écart relativement long qui sépare cet épisode du précédent (six ans) s’explique par l’indécision d’Universal vis-à-vis du script de Mancini, ce qui se comprend aisément face au résultat final. Comme le laissait imaginer la fin de La Fiancée de Chucky, l’assassin en plastique et sa petite amie Tiffany ont engendré une hideuse progéniture, ce que nous rappelle un générique en 3D de bas étage révélant le fœtus en question. Après une scène prologue en caméra subjective qui rend un hommage manifeste à Halloween et Psychose, nous faisons donc connaissance avec le fameux fils de Chucky. Aussi disgracieux que ses parents (mais ne bénéficiant pas d’un design aussi réussi), il répond au doux nom de « Shit Face » et sévit chez un ventriloque minable, qui ne semble pas du tout étonné d’avoir sous la main une poupée vivante !

En proie à une grave crise d’identité, le poupon découvre un jour qu’Hollywood s’apprête à tourner un film sur les exploits de deux poupées tueuses, Chucky et Tiffany. Reconnaissant là ses parents, il échappe à son employeur-geôlier et met le cap sur la capitale du cinéma (via un dessin sur une carte et un avion en fondu enchaîné directement inspirés des Aventuriers de l’Arche Perdue). S’infiltrant sur le plateau de tournage, il réveille ses affreux géniteurs grâce à une amulette qu’il porte autour du cou, et s’aperçoit bien vite que sa famille est loin d’être aussi chaleureuse qu’il l’avait imaginé. Tandis que Chucky s’efforce de faire partager à son fils le goût du meurtre, Tiffany décide de se « désintoxiquer » et de rencontrer son idole, l’actrice Jennifer Tilly, afin d’intégrer son corps une bonne fois pour toutes. Le Fils de Chucky joue donc la carte de la mise en abyme, suivant le modèle de Wes Craven et de son Freddy sort de la Nuit. C’est l’occasion de quelques apparitions de guest stars (le réalisateur John Waters dans le rôle d’un paparazzi, le créateur d’effets spéciaux Tony Gardner s’interprétant lui-même, et même un sosie de Britney Spears), de clins d’œils variés à d’autres films (Glen or Glenda d’Ed Wood, Bound des frères Wachowski) et d’une série de gags à l’efficacité toute relative. Car là où  La Fiancée de Chucky réussissait le parfait équilibre entre l’horreur et la comédie, Le Fils de Chucky part dans tous les sens, gorgé d’autosatisfaction et de private jokes guère concluantes. 

Chucky sort de la nuit

Il faut dire que le scénario du film, absurde et totalement incohérent, ne facilite guère l’adhésion du spectateur. Restent les marionnettes, dont chaque apparition reste un grand moment de bonheur, et les meurtres spectaculaires, mixant très efficacement effets spéciaux de maquillage et trucages numériques, notamment une décapitation vertigineuse et un visage qui se décompose à la vitesse grand V au contact d’une bouteille d’acide. Non sollicité sur ce film malgré son travail remarquable sur les effets spéciaux des quatre premiers Chucky, le créateur des effets spéciaux Kevin Yagher en retire forcément une certaine amertume. « Universal a vendu les droits de la franchise à Focus Features, qui a voulu travailler avec d’autres personnes et surtout réduire les budgets de manière conséquente », explique-t-il. « Honnêtement, je ne suis pas certain que le postmodernisme excessif du Fils de Chucky ait été une bonne idée. En revanche il y a un élément très intéressant dans le film. A l’époque où il l’a réalisé, Don Mancini a fait son coming-out. C’était donc un tournant important dans sa vie. Or dans le film il y a une séquence où le fils de Chucky et Tiffany se pose des questions sur sa sexualité, en se demandant “suis-je un garçon ou une fille ?“. Je ne sais pas si c’était conscient ou non de la part de Don, mais c’est sans doute un film plus personnel que ce qu’on pourrait croire de prime abord. » (1) 

 

(1) Propos recueillis par votre serviteur en mai 2016

 

© Gilles Penso

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LA FIANCEE DE CHUCKY (1998)

En perte de vitesse, la franchise Chucky redémarre avec panache grâce au grain de folie que lui insuffle Ronny Yu

THE BRIDE OF CHUCKY

1998 – USA

Réalisé par Ronny Yu

Avec Jennifer Tilly, Katherine Heigl, Nick Stabile, Alexis Arquette, Gordon Michael Woolwett et la voix de Brad Dourif

THEMA JOUETS I SAGA CHUCKY

La saga « Chucky » avait démarré très fort avec Jeu d’enfant, mais après deux séquelles incapables de renouveler son concept fou, la poupée tueuse semblait définitivement partie pour la casse. L’annonce d’un quatrième opus tardif ressemblait donc presque à un canular, surtout sous le titre de La Fiancée de Chucky. Mais ce projet prit une tournure intéressante lorsque fut révélé le nom de son réalisateur : Ronny Yu, auteur du magnifique conte chinois Jiang-Hu et de la délectable fantaisie familiale Magic Warriors. On se perdit d’ailleurs en conjectures sur la présence du cinéaste sur un tel terrain. Comment un artiste aussi inventif allait-il s’épanouir au sein de l’énième séquelle d’une franchise étouffée dans l’œuf ? Réponse : en s’amusant. Yu et le scénariste Don Mancini eurent en effet l’intelligence de saisir tout le potentiel offert par le personnage de Chucky pour en tirer une comédie horrifique au second degré conçue comme un hommage aux grands classiques du genre. D’où le titre Bride of Chucky, qui lorgne ouvertement du côté des Frankenstein d’Universal.

En écho à cette référence, la poupée sanglante a désormais le visage couvert de cicatrices, suite aux travaux de couture énamourés de la sculpturale Tiffany (Jennifer Tilly), ex petite amie du serial killer Charles Lee Ray qui espère retomber dans les bras de son idole en ressuscitant le petit corps en plastique que le tueur hante depuis des années. Pour y parvenir, elle s’aide d’un ouvrage précieux, « Le Vaudou pour les Nuls » (!), mais le résultat escompté n’est pas vraiment celui obtenu. Non seulement Charles reste prisonnier de l’enveloppe raccommodée de Chucky, mais en plus Tiffany se retrouve elle aussi coincée dans le corps d’une poupée. Bras dessus bras dessous, les deux jouets maléfiques n’ont désormais qu’une seule idée en tête : s’échapper de leur prison en plastique pour habiter des corps humains. Au-delà de La Fiancée de Frankenstein (dont Tiffany regarde un extrait pendant qu’elle prend son bain dans une des séquences du film), les références cinéphiliques abondent dans La Fiancée de Chucky. La salle des pièces à conviction où se déroulent les premières minutes du film représente à elle seule un véritable festival du genre : la caisse de Creepshow, les masques de Michael Myers et Jason Voorhees, le gant de Freddy Krueger, la tronçonneuse de Leatherface, les poupées de la série Puppet Master

Références cinéphiliques en cascade

En optant pour la semi-parodie et en reprenant à son compte la mécanique du road movie, La Fiancée de Chucky s’avère extrêmement récréatif, ce qui ne l’empêche pas de continuer à positionner la franchise dans le registre horrifique en concoctant quelques meurtres bien saignants, lesquels bénéficient pour la première fois d’une combinaison de maquillages spéciaux et d’effets numériques. Point d’orgue de ce mixage : une mort violente sur la route qui sera imitée dans moult films d’horreur ultérieurs. « J’ai beaucoup aimé travailler sur cet épisode parce qu’il nous donnait l’occasion de faire interagir deux personnages animatroniques sur le même plateau », raconte le créateur des marionnette Kevin Yagher. « La tonalité du film est intéressante. Il commence sur une note effrayante puis devient de plus en plus humoristique. La mise en scène de Ronnie Yu est pleine d’idées géniales. » (1) Prix spécial du Jury lors du Festival du Film Fantastique de Gérardmer, La Fiancée de Chucky célébra en beauté le dixième anniversaire de la création du personnage et remporta un joli succès au box-office, doublant sa mise de départ de 25 millions de dollars.


(1) Propos recueillis par votre serviteur en mai 2016

 

© Gilles Penso

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CHUCKY 3 (1991)

La dégringolade continue avec ce troisième épisode routinier qui se déroule dans une école militaire

CHiLD’S PLAY 3

1991 – USA

Réalisé par Jack Bender

Avec Justin Whalin, Peerey Reeves, Jeremy Sylvers, Travis Fine, Dean Jacobson, Brad Dourif, Peter Haskell, Dakin Matthews

THEMA JOUETS I SAGA CHUCKY

Chucky 2 nous ayant un peu frustrés, Chucky 3 ne laissait rien augurer de bon, d’autant que le scénariste Don Mancini, sous la pression du studio Universal, fut contraint d’écrire en vitesse ce troisième épisode alors que le second n’était même pas encore sorti. D’où une évidente perte d’inspiration. Pourtant le prologue ravive une petite flamme d’espoir. Le générique se déroule dans un atelier de poupées désaffecté (et très photogénique) où le corps fondu de Chucky est agrippé par une grue. Aussitôt, un flot de sang s’écoule du plastique et la petite créature se reconstitue progressivement, comme une statue de cire qui fondrait à l’envers. Nous découvrons alors l’entreprise qui, jadis, commercialisa la poupée Brave Gars. Bien décidés à relancer sur le marché ce jouet extrêmement lucratif, malgré le scandale passé qu’ils attribuent aux élucubrations d’un enfant trop imaginatif, les dirigeants de la société ne laissent aucune ambiguïté sur leur éthique. « Peu importe ce qu’on a à vendre, que ce soient des voitures, des armes nucléaires ou bien même des jouets », affirme-t-on avec aplomb dans la grande salle de réunion. « Le problème essentiel est d’écouler la marchandise, et après tout que sont les enfants sinon des apprentis consommateurs ? »

La satire anti-consumériste qu’on sent poindre à l’horizon est alléchante (et traduit sans doute l’amertume de Don Mancini à l’époque), mais hélas elle n’ira pas plus loin. Et lorsque l’action se transporte dans l’académie militaire de Kent où Andy Barclay, alors âgé de 16 ans, séjourne en détention préventive après avoir changé maintes fois de familles d’accueil, tous les espoirs s’évaporent. Car à partir de là, tous les clichés post-Full Metal Jacket s’alignent pesamment au rythme des garde-à-vous matinaux, des exercices de tir et des marches forcées, tandis que Chucky parvient bizarrement à s’expédier lui-même dans un paquet à l’attention d’Andy, dont il espère toujours habiter le corps pour échapper à sa prison de plastique. Mais il se ravise en découvrant un garçon plus jeune, Tyler, qui lui conviendrait parfaitement comme nouvelle enveloppe charnelle. Andy va tout mettre en œuvre pour sauver son camarade et entraver les agissements du jouet maléfique.

Tous les clichés s'alignent pesamment

Comme s’il s’était rendu compte en cours de route du potentiel très limité de l’école militaire comme nouveau terrain de jeu pour sa poupée sanglante, Mancini écrit un climax excessif dans un train fantôme qui, malgré l’attrait visuel du lieu (quelque part à mi-chemin entre Indiana Jones et le Temple Maudit et Les Goonies), n’empêche ni la routine ni l’ennui. Quelques idées ne manquent pas d’intérêt, comme une partie de paint-ball qui se mue en fusillade sanglante suite à une machination sadique de Chucky, mais tout ça ne vole pas bien haut. Seul point véritablement positif : la technique s’est encore améliorée, Kevin Yagher utilisant pour la première fois l’asservissement informatique pour synchroniser les dialogues de ses marionnettes animatroniques avec les phrases enregistrées par Brad Dourif. De fait, les expressions de Chucky ont gagné en subtilité, et lorsque sa peau en plastique révèle un crâne mi mécanique mi organique, l’effet visuel s’avère saisissant. Chucky pouvant difficilement tomber plus bas, il renaîtra avec panache sept ans plus tard…


© Gilles Penso

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CHUCKY, LA POUPEE DE SANG (1990)

Le succès surprise de Jeu d'enfant laissait entrevoir le potentiel d'une nouvelle franchise. D'où ce second épisode un peu conventionnel…

CHILD’S PLAY 2

1990 – USA

Réalisé par John Lafia

Avec Alex Vincent, Jenny Agutter, Gerrit Graham, Christine Elise, Grace Zabriskie, Peter Haskell et la voix de Brad Dourif

THEMA JOUETS I SAGA CHUCKY

Le succès de Jeu d’enfant ne pouvait pas laisser indifférents les cadres d’Universal, et l’idée d’une suite s’imposa comme une évidence. Mais encore fallait-il la justifier par des idées un tant soit peu innovantes. Or tout semblait avoir été dit dans le premier épisode. Le scénario de Don Mancini récupère donc tout ce qu’il peut du récit précédent et tourne bientôt à vide, sombrant dans la répétition et n’évitant pas quelques incohérences. C’est le problème récurrent des séquelles prioritairement motivées par l’appât du gain. Ironiquement, les motivations à l’origine de ce Chucky 2 ressemblent beaucoup à celles de la compagnie de jouets mise en scène dans le film, « Play Pals Toys ». Mise en abîme inconsciente ou auto-critique lucide ? La nature basique de l’œuvre ici présente laisse pencher pour la première hypothèse. Pour redorer son blason et effacer la mauvaise publicité dont elle fut victime, l’entreprise qui lança les poupées « Brave Gars » décide ainsi d’en relancer la construction, prouvant par là même que les « incidents » survenus par le passé n’ont rien à voir avec la qualité de leurs produits. Il n’en faut pas plus pour que l’âme moribonde du tueur satanique Charles Lee Ray revienne à la vie et investisse à nouveau le corps ressuscité de Chucky (qui avait pourtant terminé son escapade en grillant comme un toast à la fin de Jeu d’Enfant).

Notre petit bonhomme en plastique se lance donc une fois de plus sur les traces du jeune Andy Barclay (Alex Vincent), installé depuis les événements précédents dans une famille d’accueil, afin de transférer au plus tôt son esprit maléfique dans le corps de l’innocent garçon. « Pourquoi lutter Andy ? », lui déclarera-t-il avec une certaine forme de tendresse lorsqu’il le retrouvera enfin. « Nous allons devenir très proches. Nous serons même inséparables, putain ! » Toute la poésie de Chucky résumée en une réplique… Inversement au scénario, la technique semble avoir été l’objet de soins supplémentaires dans ce second opus, et Chucky bénéficie d’une animation remarquable, œuvre de Kevin Yagher, en particulier du point de vue des expressions de son visage sournois.

Massacre à la photocopieuse

A la manière des méthodes employées sur les films d’animation, le comédien Brad Dourif enregistra toutes ses voix avant que le tournage ne commence, afin que les manipulateurs et les comédiens puissent s’y conformer au moment des prises de vues de la poupée et de son entourage immédiat. La qualité du « jeu » de la marionnette y gagna assurément. Quelques idées visuelles se détachent du lot, comme la femme qui meurt la tête contre une photocopieuse en marche (occasionnant une série de grimaces sur papier du plus bel effet), ou l’ouvrier qui chute sur le tapis roulant d’une chaîne de jouets et se fait greffer des yeux de poupée. Au cours d’un dénouement à rallonge, Chucky n’en finit plus de mourir, caricaturant sans inspiration le final de Jeu d’enfant. Avec 13 millions de dollars de budget et des recettes dépassant le double de leur mise, les studios Universal furent confortés dans le bien-fondé de cette séquelle, à laquelle ils donnèrent suite dans la foulée.

 

© Gilles Penso

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JEU D’ENFANT (1988)

Le scénariste Don Mancini et le réalisateur Tom Holland créent une nouvelle icône désormais incontournable : la sanglante poupée Chucky

CHILD’S PLAY

1988 – USA

Réalisé par Tom Holland

Avec Catherine Hicks, Chris Sarandon, Alex Vincent, Brad Dourif, Dinah Manoff, Tommy Swerdlow, Jack Colvin, Neil Giuntoli

THEMA JOUETS I SAGA CHUCKY

Tom Holland avait fait son entrée dans le genre fantastique de manière assez remarquée, écrivant le scénario de Psychose 2 puis réalisant Vampire vous avez dit Vampire ? Avec Jeu d’enfant, il s’empare d’une idée de Don Mancini et crée la fusion improbable entre le film de poupée possédée et le slasher, un peu comme si Magic rencontrait Halloween« Tel quel, le récit n’était pas suffisant, à mes yeux, pour donner lieu à un long-métrage », raconte Holland. « Il n’y avait pas d’antagoniste. C’était l’histoire d’un petit garçon dont la poupée prenait vie pour s’attaquer à ceux qui l’avaient contrarié, un peu comme s’il s’agissait d’un alter-ego maléfique de l’enfant. » (1) Après avoir longtemps cherché une solution susceptible de structurer correctement le récit, le cinéaste trouve enfin l’idée d’un tueur possédant une poupée via une cérémonie vaudou. La scène d’action qui ouvre le film, sous influence des films policiers de l’époque, montre la cavale du tueur en série Charles Lee Ray (Brad Dourif), pris en chasse par l’inspecteur Mike Norris (Chris Sarandon). La fusillade démarre dans la rue puis s’achève dans un magasin de jouets où l’assassin a trouvé refuge. Mortellement blessé, il pratique une cérémonie vaudou et parvient à transférer son âme dans le corps d’une poupée avant de trépasser. Mais pas n’importe quelle poupée : un exemplaire de la série « Braves Gars », la nouvelle coqueluche des enfants, qui parle, cligne des yeux, tourne la tête et mesure près d’un mètre de haut. Le jeune Andy (Alex Vincent) rêverait d’une telle poupée, mais sa mère (Catherine Hicks), vendeuse dans un grand magasin, n’a pas vraiment les moyens de s’en payer une. Jusqu’à ce qu’un vendeur à la sauvette ne lui en propose une contre un peu de liquide. Evidemment, cette poupée n’est autre que Charles Lee Ray réincarné. Désormais baptisé Chucky, le tueur miniature rêve de se venger du policier qui l’a abattu et du complice qui l’a trahi, avant d’atteindre un objectif encore plus terrifiant : quitter son corps en plastique pour prendre possession de celui d’Andy.

« A l’origine, le nom de la poupée était Buddy », raconte Tom Holland. « Le scénario original portait d’ailleurs le titre de Blood Buddy. J’ai changé le titre lorsque j’ai eu l’idée du personnage du serial killer, Charles Lee Ray. Pour son nom, j’ai mixé celui de trois des plus célèbres tueurs d’Amérique : Charles Manson, Lee Harvey Oswald et James Earl Ray. » (2) Le concept est assez dément et le film aurait pu facilement sombrer dans la parodie involontaire. Mais Tom Holland tient son sujet par les rênes, grâce à une mise en scène efficace et une direction d’acteurs exemplaire. A ce titre, la prestation du petit Alex Vincent, à peine âgé de sept ans, est étonnante. Chris Sarandon, qui incarne le héros policier, était le séduisant suceur de sang de Vampire vous avez dit Vampire ? Quant à Brad Dourif, à travers sa courte présence au cours du prologue et la voix qu’il prête au personnage de Chucky, il imprègne le film tout entier de son inimitable présence. On note également, dans le rôle d’un médecin, Jack Colvin, qui fut le journaliste harcelant Bruce Banner dans la série L’Incroyable Hulk.

Une machine à tuer invincible

Si les premiers meurtres de la poupée sont spectaculaires (une défenestration, une explosion gigantesque), elle n’agit d’abord que sous forme de caméras subjectives au ras du sol et de petites mains entrant dans le champ. Ce n’est qu’au milieu du métrage que Chucky se déchaîne vraiment face à la caméra, révélant le talent des marionnettistes donnant vie à la petite créature conçue par le surdoué Kevin Yagher (qui allait peu après épouser Catherine Hicks, l’actrice principale du film !). « La plupart du temps, sept marionnettistes étaient nécessaires pour animer Chucky sur le plateau », explique Yagher. « Chaque manipulateur s’occupait d’une partie spécifique du personnage. J’étais chargé de les superviser, à la manière d’un chef d’orchestre. Le réalisateur me donnait ses indications de jeu, un peu comme si j’étais un acteur, et je devais me débrouiller pour que le travail collectif de tous les marionnettistes correspondant à ces indications de mise en scène. » (3) Le climax, mouvementé à souhait, mue la poupée tueuse en machine invincible, à mi chemin entre le Yul Brynner de Mondwest et le Arnold Schwarzenegger de Terminator. Succès surprise de l’année 1988, Jeu d’enfant donna naissance à une franchise et inspira plusieurs autres films, notamment la série Puppet Master produite par Charles Band.

(1) et (2) Propos recueillis par votre serviteur en février 2017

(3) Propos recueillis par votre serviteur en mai 2016

 

© Gilles Penso

 

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LA MALEDICTION DE CHUCKY (2013)

Après l'indigestion d'auto-citations et de second degré du Fils de Chucky, Don Mancini opte pour une épouvante plus classique

THE CURSE OF CHUCKY

2013 – USA

Réalisé par Don Mancini

Avec Fiona Dourif, Danielle Bisutti, Brennan Elliott, Brad Dourif, Summer Howell, A. Martinez, Maitland McConnell

THEMA JOUETS I SAGA CHUCKY

Les excès du Fils de Chucky prouvaient que la voie de l’autocitation se soldait par une impasse pour la saga initiée en 1988 par Jeu d’enfant. Evitant lucidement la surenchère, l’auteur/réalisateur Don Mancini revient donc à une épouvante plus « old school » à l’occasion du sixième long-métrage de la série, quitte à convoquer quelques clichés du genre. La grande maison à étage, la nuit d’orage, le grenier empli de toiles d’araignées, la panne de courant, le téléphone coupé, les bruits derrière les rideaux sont autant de lieux communs au menu de La Malédiction de Chucky, dont le titre original – à l’instar de ceux des deux épisodes précédents – rend hommage à la saga Frankenstein (The Bride évoquait la période Universal, The Curse nous renvoie au temps de la Hammer). La musique de Jo Lo Duca se laisse inspirer par les classiques du genre, via son emploi des violons herrmanniens, des arpèges de piano lancinants et des boîtes à musique façon Goblin, tandis que Mancini calque certains de ses effets de style sur Alfred Hitchcock, en particulier à travers la mémorable séquence du dîner empoisonné.

Le film commence par la livraison mystérieuse d’une poupée « Brave Gars » chez la jeune Nica, clouée sur un fauteuil roulant, qui vit toujours dans la grande maison de sa mère. Or cette dernière meurt dans d’étranges circonstances le soir-même. Aussitôt débarquent la sœur de Nica, son beau-frère, sa nièce et une jeune baby-sitter. Au sein de cette famille dysfonctionnelle, les tensions et les rivalités affleurent bien vite à la surface. Le spectateur étant en terrain connu, la nature malfaisante de la poupée n’est jamais cachée, même si la mise en scène joue d’abord la carte de la discrétion : une main qui empoigne brièvement un objet, une silhouette qui court à l’arrière-plan, des pupilles qui se dilatent…

Dourif père et fille

Ce n’est qu’au milieu du métrage que Chucky fait son « coming out » véritable en reprenant la voix de Brad Dourif, toujours fidèle au poste. Le comédien semble d’ailleurs plus impliqué que jamais dans la saga. Il apparaît en effet à visage découvert (sous un maquillage rajeunissant) au cours d’un long flash-back révélant les événements survenus juste avant Jeu d’enfant, le design de la poupée semble même avoir été légèrement modifié pour lui ressembler davantage et sa propre fille Fiona Dourif joue ici le rôle principal. Construit sur une double unité de temps et de lieu, La Malédiction de Chucky ne recourt au gore que tardivement (un accident de voiture sanglant, des meurtres de plus en plus gratinés), s’appuie sur quelques scènes de suspense originales (la discussion vidéo via les ordinateurs portables), nous offre des plans très graphiques (le reflet du visage d’une victime de Chucky qui apparaît sur la lame de son couteau), complexifie en cours de route les relations entre ses protagonistes et exploite efficacement la vulnérabilité accrue de son personnage principal. Certes, le film ne sort pas totalement de la routine et retombe brièvement dans les excès autoparodiques au moment de son épilogue, mais après les outrances du Fils de Chucky, cette séquelle tardive nous réconcilie quelque peu avec la vilaine poupée aux yeux d’ange.

 

© Gilles Penso

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CARRIE LA VENGEANCE (2013)

Un remake du classique de Brian de Palma qui n'arrive pas à la cheville de son modèle et accumule les mauvais choix artistiques

CARRIE

2013 – USA

Réalisé par Kimberly Peirce 

Avec Chloë Grace Moretz, Julianne Moore, Judy Greer, Portia Doubleday, Alex Russell, Gabriella Wilde, Ansel Elgort, Zoë Belkin

THEMA POUVOIRS PARANORMAUXSAGA STEPHEN KING

Après la séquelle de Kate Shea et la version télévisée de David Carson, le Carrie, de Brian de Palma avait-il vraiment besoin d’un nouveau remake ? La réponse aurait pu être affirmative si un cinéaste au style marqué s’était emparé du roman de Stephen King pour le doter d’une vision nouvelle et inattendue. Hélas, il n’en est rien. La réalisatrice Kimberly Peirce et le scénariste Roberto Aguirre-Sacasa se contentent d’imiter le chef d’œuvre de De Palma sans chercher à le transcender ou à puiser d’autres éléments narratifs dans le texte original, livrant ainsi un remake scolaire qui n’arrive jamais à la cheville de son modèle. Carrie la Vengeance démarre par l’accouchement de Margaret White (Juliane Moore), seule dans son lit, hurlant et se tordant de douleur, hésitant à tuer son bébé, puis le gardant finalement. Après le générique, Carrie est devenue une lycéenne (Chloé Grace Moretz, ex-Hit Girl de Kick-Ass). Avec sa jolie petite frimousse, la jeune comédienne a bien du mal à passer derrière Sissi Spacek et Angela Bettis, malgré l’air ahuri qu’elle adopte pour signifier son asociabilité. Juliane Moore elle-même, d’habitude si talentueuse, surjoue le fanatisme religieux jusqu’à l’excès, perdant toute crédibilité en quelques secondes. Les automutilations régulières qu’elle s’inflige, au lieu de susciter l’empathie du spectateur, créent au contraire une distance dans la mesure où le réalisme du personnage ne cesse de s’émousser.

Et c’est bien là que réside le problème de Carrie la Vengeance : une absence totale de subtilité et de retenue. Quand il s’agit de montrer les pouvoirs de Carrie, par exemple, toute sa chambre s’agite comme dans L’Exorciste ou Poltergeist, le lit et des dizaines de livres voltigeant allègrement dans les airs. La jeune fille maîtrise d’ailleurs si vite ses pouvoirs qu’elle semble échappée d’un épisode de la saga X-Men. D’un simple geste de la main désinvolte, elle ouvre et ferme les portes, actionne une machine à coudre à distance ou allume la radio. Il est par ailleurs frappant de constater que les changements de mœurs interdisent désormais de montrer une nudité que Brian de Palma filmait avec ingénuité en 1976. Une telle liberté semble désormais interdite à Hollywood, miroir factice d’une réalité aseptisée où les filles font l’amour en soutien-gorge pour ne pas choquer le public.

Quand le spectaculaire se substitue à la dramaturgie

Au cours du climax tant attendu, la réalisatrice ne sait tellement pas comment filmer la chute du seau de sang qu’elle monte successivement la scène sous trois angles différents, comme s’il s’agissait d’une cascade de voiture au ralenti. Elle annihile du même coup le potentiel du passage le plus dramatique du film. Après cette séquence, les dernières bribes de crédibilité du récit se rompent. La vengeance de Carrie ne ressemble plus à un acte impulsif mais à une revanche délibérée. Elle sourit même en provoquant la catastrophe du lycée, puis prend tout son temps pour retourner comme une crêpe la voiture du jeune couple qui l’a trahie. Voilà donc un remake sans audace, sans point de vue, sans innovation, pour lequel même le talentueux compositeur Marco Beltrami assure le service minimum, pas plus convaincu que le reste de l’équipe de l’intérêt d’un tel film.

 

© Gilles Penso 

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VORACE (1999)

Antonia Bird aborde le thème du cannibalisme sous un angle inattendu en s'appuyant sur un contexte historique réel

RAVENOUS

1999 – USA / GB / MEXIQUE / REPUBLIQUE TCHEQUE

Réalisé par Antonia Bird

Avec Guy Pearce, Robert Carlyle, David Arquette, Jeremy Davies, Jeffrey Jones, John Spencer, Stephen Spinella

THEMA CANNIBALES

Vorace aborde le thème du cannibalisme sous un angle surprenant, en s’inspirant de la légende indienne du Wendigo, une créature anthropophage qui tire sa force de la chair humaine qu’elle dévore. Mais loin de toute atmosphère fantastique ou surnaturelle, le film d’Antonia Bird prend place dans un contexte historique réel : la guerre américano-mexicaine de 1847. Le capitaine John Boyd est parvenu à franchir les lignes ennemies et à renverser les troupes adverses. Mais on découvre bien vite que son acte était guidé par la lâcheté, puisqu’il s’est fait passer pour mort et s’est laissé entasser dans la fosse commune sans se manifester. En guise de promotion, le voilà donc relégué dans un placard, c’est-à-dire envoyé en mission dans le Fort Spencer, perdu au beau milieu des montagnes enneigées de la Sierra Nevada. Là, ses compagnons et lui recueillent un soir Colquhoun, un homme hagard et terrifié qui leur conte une effrayante histoire : lui et son groupe se sont égarés dans les bois et ont trouvé refuge dans une caverne aux alentours. Pour survivre, ils ont dû manger leurs animaux, puis se sont attaqués au corps de l’un des leurs, mort entre-temps. Mais Ives, le chef du groupe, décida d’accélérer le processus en tuant les autres pour les dévorer. Touchés par ce récit, John Boyd et ses compagnons partent en quête de cette fameuse caverne pour faire cesser les agissements de Ives… et l’expédition tourne au cauchemar.

Ici, le cannibalisme a des vertus toutes particulières : il guérit les blessures, ravive les mourants, rend plus fort, mais aussi plus avide et plus affamé. Ceux qui s’en sont rendus compte le pratiquent donc comme une thérapie, violente et agressive certes, mais justifiée par un instinct de survie transformé peu à peu en voracité insatiable. Le sang coule donc à flots dans Vorace, les chairs se déchirent et les armes blanches frappent plus que de raison, accompagnés des effets spéciaux de maquillage du trio KNB. Mais nous avons moins affaire ici à un film gore qu’à une satire acerbe sur le pouvoir et les vertiges qu’il procure. Le consumérisme pathologique de la société américaine est également en ligne de mire, métaphoriquement transposé ici en cannibalisme obsessionnel et maladif.

Consumérisme pathologique et anthropophagie

Habituée jusqu’alors aux drames intimistes et contemporains pour le petit et le grand écran, la réalisatrice Antonia Bird nous surprend dans un registre qui semblait lui être jusqu’alors étranger, à mi-chemin entre la reconstitution historique et le film d’horreur. Guy Pearce, futur amnésique de Memento, et Robert Carlyle, strip-teaser amateur de The Full Monty, nous offrent des prestations tout à fait étonnantes, et portent à eux deux toute l’intensité de cette inquiétante fable. Leur affrontement final, excessif et dantesque, voit sa violence compensée par le cynisme du ton. A leurs côtés, Jeffrey Jones (comédien calamiteux dans Ed Wood) et David Arquette (policier maladroit dans Scream) campent de fort pittoresques soldats. Les décors naturels magnifiques captés en République Tchèque, la mise en scène nerveuse à souhaits et une bande originale folklorique jouant volontiers les contrepoints achèvent de faire de Vorace une œuvre fort curieuse qui regorge d’idées et d’intérêt.


© Gilles Penso

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