LE CONTINENT DES HOMMES-POISSONS (1978)

Barbara Bach se retrouve au cœur d'une variante fantaisiste de L'Étrange Créature du Lac Noir

L’ISOLA DEGLI UOMINI PESCE

1978 – ITALIE

Réalisé par Sergio Martino

Avec Barbara Bach, Richard Johnson, Joseph Cotten, Claudio Cassinelli, Beryl Cunningham, Franco Iavarone, Roberto Posse

THEMA MONSTRES MARINS

Sergio Martino est l’un des grands spécialistes italiens de l’imitation des grands succès américains. Il se distingue généralement par l’inventivité qu’il injecte dans ses plagiats, muant presque certains d’entre eux en objets de culte indépendamment des œuvres dont ils s’inspirent (ce sera par exemple le cas d’Atomic Cyborg et 2019, après la Chute de New York, variantes sans le sou de Terminator et New York 1997). Avec Le Continent des Hommes-Poissons, notre homme s’attaque à une espèce de remake de L’Île du Docteur Moreau (dans le sillage de la version 1977) mixé avec L’Etrange Créature du Lac Noir, avec en prime un soupçon de cérémonies vaudou, une allusion au mythe de l’Atlantide et quelques idées additionnelles piochées au hasard chez Jules Verne, Edgar Rice Burroughs et Hergé ! Forcément, le résultat frôle un peu l’indigestion, s’efforçant d’imbriquer en un tout cohérent ces éléments d’inspiration disparates au sein d’un scénario rocambolesque.

En 1891, un bateau-prison transportant des forçats à Cayenne coule dans la mer des Antilles. Le médecin du bord, Claude Le Ross (Claudio Cassinelli), et quatre survivants parviennent à gagner une île où règne un paranoïaque dangereux, Edmond Rakham (Richard Johnson), maître absolu de la vie et de la mort des indigènes. Les quatre compagnons de Le Ross ne tardent pas à disparaître dans des conditions mystérieuses, apparemment victimes d’étranges créatures amphibies créées par un savant au pouvoir de Rakham… Tourné dans de magnifiques extérieurs naturels en Sardaigne et à Rome, Le Continent des Hommes-Poissons joue à fond la carte du dépaysement et de la distraction. A ce titre, le film fait mouche, multipliant les coups de théâtre improbables et les révélations impensables, et s’adjoignant en outre les charmes infinis de la sublime Barbara Bach, future épouse de Ringo Starr qui sacrifie ici à la figure imposée de la Belle et la Bête. D’où de nombreuses photos publicitaires de l’époque exhibant la comédienne fort peu vêtue (voire pas vêtue du tout) batifolant dans les eaux méditerranéennes en compagnie d’hommes-poissons hideux. 

La figure classique de la Belle et la Bête

Mais si l’étrange créature de Jack Arnold (pourtant antérieure de vingt-quatre ans) était une véritable réussite du point de vue du design et de la sculpture, ses homologues filmés par Sergio Martino (et conçus par le directeur artistique Massimo Antonello Gelleng) révèlent un faciès franchement grotesque et une texture de peau trop évidemment caoutchouteuse pour convaincre. D’autant que les malheureux poussent des espèces de barrissements bien plus comiques qu’effrayants ! Après une première sortie discrète sur les écrans américains (sous l’appellation Island of the Fishmen), Le Continent des Hommes-Poissons tenta une seconde fois sa chance en adoptant le titre Screamers, avec un montage différent, une musique de Sandy Berman remplaçant la partition originale de Luciano Michelini, et une poignée de nouvelles séquences avec Mel Ferrer et Cameron Mitchell orchestrées sous l’égide de New World Pictures.

 

© Gilles Penso

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SURVIVAL OF THE DEAD (2009)

L'ultime volet de la saga des zombies de George Romero mêle l'horreur, la comédie et le western pour continuer à brocarder les travers de l'espèce humaine

SURVIVAL OF THE DEAD

2009 – USA

Réalisé par George Romero

Avec Alan Van Sprang, Kenneth Welsh, Kathleen Munroe, Devon Bostick, Richard Fitzpatrick, Athena Karkanis, Stefano DiMatteo

THEMA ZOMBIES I SAGA LES ZOMBIES DE GEORGE ROMERO

Diary of the Dead coûta si peu cher qu’il se retrouva très rapidement amorti par les préventes en Europe. Une telle rentabilité donna les coudées franches à George Romero, qui s’offrit la possibilité de poursuivre ses variantes sur le thème des zombies avec Survival of the Dead. Même s’il abandonne la prise de vue subjective pour un retour à la narration classique, cet épisode est le seul de la saga des « of the Dead » qui puisse réellement être considéré comme une séquelle, dans la mesure où plusieurs personnages de Diary of the Dead prennent part à l’aventure. La majeure partie de l’intrigue se déroule sur l’île de Plum, au large du Delaware, où s’opposent depuis toujours deux familles pionnières, les O’Flynn et les Muldoon. Alors que les uns prônent l’éradication pure et simple de tous les zombies envahissant les lieux de manière alarmante, les autres préfèrent les maintenir en captivité dans l’attente d’un éventuel remède. Lorsqu’un détachement de l’armée dirigé par le sergent « Nicotine » Crocket (Alan Van Sprang) accoste sur l’île, en quête d’un refuge loin de la cité abandonnée aux morts-vivants, le conflit larvé se mue en guerre ouverte. Moins novateur que les cinq longs-métrages qui le précèdent, Survival of the Dead est sans doute l’opus le plus anecdotique de la saga, entravé de surcroît par la petitesse de ses moyens (un budget d’environ quatre millions de dollars, comme Diary of the Dead) et sa facture souvent maladroite.

Étrangement, Romero utilise ici les morts-vivants moins comme véhicules d’épouvante que comme ressorts comiques, au sein d’une œuvre hybride mêlant les codes du film d’horreur à ceux du western et du slapstick. Le cinéaste continue malgré tout à brocarder les travers de ses concitoyens, revenant ici aux fondements mêmes de la nation américaine tout en concoctant des séquences gore particulièrement imaginatives qui bénéficient d’un mixage audacieux de maquillages spéciaux à l’ancienne et d’effets numériques. « J’adore les effets spéciaux traditionnels, les maquillages et la pyrotechnie », avoue-t-il. « Mais leur mise en place prend un temps fou et c’est ce qui vous ralentit pendant un tournage. Quand vous avez besoin d’aller vite, les effets numériques vous font gagner un temps précieux. Évidemment, un impact de balle sur un acteur est toujours très efficace quand vous l’obtenez en direct sur le plateau. Mais ensuite, on n’en finit plus de nettoyer les murs et de réinstaller les charges explosives pour d’éventuelles prises supplémentaires ! » (1)

Un duel final savoureusement absurde

C’est donc à l’économie qu’est conçu Survival of the Dead, Romero s’intéressant visiblement plus à la haine séculaire qui oppose le capitaine Patrick O’Flynn (Kenneth Welsh) et le vétéran Seamus Muldoon (Richard Fitzpatrick) qu’aux monstres anthropophages qui errent aux alentours. Le spectateur a lui-même bien du mal à choisir un pôle d’indentification chez les deux cow-boys hors du temps aux méthodes expéditives et aux idées guère nuancées dont l’opposition structure l’ensemble du métrage. Fidèle à son sens inné du chaos, Romero achève son film sur un duel savoureusement absurde qui, en quelques plans, résume bien toute la thématique de son œuvre.

 

(1) Propos recueillis par votre serviteur en mars 2008

 

© Gilles Penso

 

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DINOCROC (2004)

Le spécialiste des effets spéciaux Kevin O'Neill à la réalisation, le malin Roger Corman à la production, et un monstre mi-dinosaure mi-crocodile devant la caméra

DINOCROC

2004 – USA

Réalisé par Kevin O’Neill

Avec Costas Mandylor, Charles Napier, Jane Longenecker, Matt Borlenghi, Bruce Weitz, Joanna Pacula, Jake Thomas 

THEMA DINOSAURES

Les trois Carnosaur n’ayant visiblement pas suffi à assouvir sa soif d’imitations de Jurassic Park, Roger Corman remet le couvert avec une nouvelle variante dont le titre laisse rêveur. La mise en scène de ce Dinocroc (rebaptisé Dinocrocodile, le Monstre du Lac pour sa diffusion sur les petits écrans français) a été confiée à Kevin O’Neill, un spécialiste des effets spéciaux qui œuvra notamment sur les séries Hercule et Xena au sein de sa société Flat Earth. D’où bon nombre d’images de synthèse bien plus dynamiques que les marionnettes pataudes conçues par Carl Buechler pour la « saga » Carnosaur. Fidèle à ses prédécesseurs, le monstre du film est le fruit de manipulations génétiques élaborées dans les laboratoires de la compagnie Gereco à partir du fossile d’un crocodile préhistorique. Evidemment, la charmante bestiole s’échappe, après avoir grignoté l’une des scientifiques, puis atteint la respectable taille de douze mètres de long avant d’aller batifoler dans le lac voisin, plein de touristes et de baigneurs qui s’apprêtent sans le savoir à jouer un remake reptilien des Dents de la Mer. Le scénario assure ainsi le service minimum, feignant de s’intéresser vaguement à ses protagonistes humains, autrement dit la jeune garde forestière Diane (Jane Longenecker), son amour de jeunesse Tom (Matt Borlenghi), l’arrogant chasseur de crocodiles Dick Sydney (Costas Mandylor) et un scientifique repenti s’efforçant de prévenir la population des dangers qui la menacent (Bruce Weitz).

La terrible fadeur des interprètes principaux est un peu relevée par deux guest stars sur le retour : Charles Napier en shérif aux méthodes expéditives et Joanna Pacula en impitoyable femme d’affaire peu émue par les dommages collatéraux créés par son dinocroco. A vrai dire, le film se concentre surtout sur une poignée de séquences d’action bien troussées, notamment la skieuse nautique qui se fait gober au vol par le saurien géant, la poursuite nocturne dans le tunnel, ou encore la traque dans la cabane. Sans atteindre les excès gore de CarnosaurDinocroc se permet malgré tout quelques grignotages gratinés, notamment lorsqu’une femme se fait avaler en plusieurs bouchées, ses jambes gigotant entre les mâchoires du carnassier comme dans Le Monstre des Temps Perdus, et surtout dans cette scène particulièrement osée au cours de laquelle un enfant finit décapité en gros plan !

Gobé en plein vol

Même si sa texture trahit immédiatement l’image de synthèse, amenuisant du coup son réalisme, le dinocrocodile bénéficie d’un design et d’une animation assez soignés, supervisés par le réalisateur lui-même ainsi que par quelques talentueux transfuges de la traditionnelle stop-motion, notamment Chris Endicott (Docteur Mordrid) et Don Waller (Robocop 2). Sa morphologie, plus proche du dinosaure que du crocodile, n’est pas sans nous rappeler le Godzilla de Roland Emmerich. L’originalité n’est donc pas l’atout premier de ce Dinocroc, à l’exception peut-être d’une partition de Damon Ebner qui, au lieu d’imiter servilement le John Williams des Dents de la Mer comme on aurait pu s’y attendre, s’efforce de concocter une bande originale à base de chœurs emphatiques plutôt inattendue.

 

© Gilles Penso

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OUTLAND (1981)

Le Train sifflera trois fois revisité dans l'espace, avec Sean Connery dans le rôle du cowboy solitaire

OUTLAND

1981 – USA

Réalisé par Peter Hyams

Avec Sean Connery, Frances Sternhagen, Peter Boyle, James B. Sikking, Kika Markham, Clarke Peters, Steven Berkoff

THEMA SPACE OPERA I FUTUR

En 1981, Peter Hyams, encore auréolé du succès surprise de son Capricorn One trois ans auparavant, a envie de tourner un western. Problème, le genre n’est plus en odeur de sainteté au box-office. Qu’à cela ne tienne : Outland, vendu comme un simple film de SF, sera un remake déguisé du mythique Train sifflera trois fois de Fred Zinnemann. Armé de son propre script, direct et efficace (une vague de suicides inexpliqués décime les ouvriers d’une station minière dans l’espace), il prend le temps de réécrire et d’humaniser le personnage du marshal O’Niel avec son interprète star, Sean Connery (tellement impliqué dans le film qu’il refusera même un caméo important dans Les Chariots de feu). Hyams se permet donc tranquillement d’inventer un genre à lui tout seul, le western spatial. Malgré ce désir de renouveau, le réalisateur n’oublie cependant pas de citer avec malice ses illustres aînés interstellaires : le lettrage du titre évoque immanquablement Alien, le bar où se réunissent les protagonistes fait du pied à la Cantina de La Guerre des étoiles, la serre sous verre est un rappel de celle de Silent Running

Première différence, l’univers imposé ici se veut plus réaliste, soutenu par des effets spéciaux novateurs, le film étant le premier à utiliser le procédé IntroVision, technique qui permet de manipuler la perspective d’une image fixe. Les acteurs pouvaient donc évoluer dans de gigantesques décors et des maquettes grandeur nature grâce à un système de projection sur miroirs. Mais Hyams confirme ici surtout les bases de ce qui fait la force de son style, et fera de lui l’un des plus grands metteurs en scène hollywoodiens des années 80 : une photographie léchée (il s’en chargera lui-même plusieurs fois dans sa carrière) qui joue sans cesse avec l’ombre et la lumière (l’homme a été peintre et ça se sent), un sens du cadre inné et presque maniaque, des personnages attachants et un solide sens du rythme. A ce titre, la poursuite centrale est un modèle de tempo et de montage (Stuart Baird a encore frappé), avec cette steadycam fluide et nerveuse collant au plus près des acteurs et faisant preuve d’une gestion de la topographie exemplaire. Le soin apporté à la psychologie du héros se ressent à chaque instant et provoque une forte empathie pour ce shérif obstiné qui se bat, armé d’une intégrité à toute épreuve (et d’un fusil à pompe), pour renverser le pouvoir corrompu (le personnage préfigure fortement le Stanley White qu’incarnera plus tard Mickey Rourke dans L’Année du Dragon). Ses joutes verbales jouissives avec la toujours excellente Frances Sternhagen (ici médecin et seule amitié véritable du loup solitaire) apportent une touche d’humour essentielle à un univers sombre, oppressant et inoubliable (le score surpuissant de Jerry Goldsmith y est pour beaucoup). Cerise sur le gâteau, Hyams n’oublie pas de donner une résonance politique à son divertissement : la critique du capitalisme sauvage est acerbe, et le méchant patron condescendant et paternaliste trouve un interprète de choix en la personne de Peter Boyle.

Seul contre tous

Mais ce qui frappe ici, ce sont les motivations premières du marshal, qui, parachuté au milieu d’une communauté hermétique où il n’est pas le bienvenu, met un point d’honneur à simplement faire son travail, et ce malgré une crise conjugale qui pourrait l’en détourner. L’homme cherche à se prouver sa valeur intrinsèque, pour pouvoir retrouver sereinement sa femme et son fils et soutenir leur regard avec fierté, le sens du devoir accompli. Cette thématique renvoie bien sûr directement aux figures héroïques des westerns de John Ford ou Howard Hawks. Et la filiation ne s’arrête pas là : l’arrêt de mort qui plane sur notre prévôt, les hommes qui descendent du train (ici d’une navette) pour le tuer dans l’indifférence totale des habitants de la ville/station minière, et ce décompte temporel inéluctable nous ramènent encore au Train sifflera trois fois. La séquence finale culte où O’Niel prend les armes et joue au chat et à la souris avec ses poursuivants (habillés et équipés comme pour un safari) donne lieu à d’électriques  moments de tension, entre la SF old school pure et dure et le film d’action moderne. L’attitude expéditive de Sean Connery, ses punchlines mémorables et son mauvais caractère ne sont d’ailleurs pas sans rappeler un certain Dirty Harry, la sensibilité et le doute en plus. Le supplément d’âme d’un grand film à la générosité indiscutable.

 

© Julien Cassarino

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FLESH GORDON (1974)

Une étrange parodie érotique de Flash Gordon truffée de monstres en stop-motion à la Ray Harryhausen

FLESH GORDON

1974 – USA

Réalisé par Howard Ziehm et Michael Benveniste

Avec Jason Williams, Cindy Hopkins, Joseph Hudgins, William Dennis Hunt, Candy Samples, Mycle Brandy, John Hoyt 

THEMA SPACE OPERA

Soucieux d’échapper un peu au ghetto du cinéma pornographique dans lequel il sévissait depuis plusieurs années, le producteur Mike Benveniste proposa un beau jour à son partenaire Howard Ziehm un scénario baptisé Flesh Gordon qui reposait sur un concept assez étrange : une parodie érotique de science-fiction suivant assez fidèlement la trame narrative des véritables aventures de Flash Gordon. L’histoire ? Un mystérieux rayon sexuel, signalé par le professeur Gordon et émis depuis la planète Porno, plonge la Terre dans le chaos. Pour sauver le genre humain des menaces de l’empereur Wang, Flesh Gordon et sa compagne Dale Ardor bravent donc les mille périls de l’espace interstellaire, à bord du vaisseau spatial du professeur E. Jakull. Cet étrange pastiche manie un humour très premier degré, situé évidemment au-dessous de la ceinture et au ras des pâquerettes, mais c’est finalement ce qui fait son charme.

Les effets spéciaux extrêmement kitsch évoquent la SF japonaise et les Thunderbirds, et le duo Jim Danforth/David Allen a concocté quelques séquences d’animation très réussies, hommages évidents à leur maître Ray Harryhausen. Il s’agit de l’apparition des pinosaures (!), sortes de phallus cyclopes qui attaquent nos héros, ainsi que du combat de Flesh contre un homme-insecte, calqué fidèlement sur celui de Sinbad contre le squelette dans Le 7ème Voyage de Sinbad, et de l’intervention finale du Grand Dieu Porno, un géant monstrueux qui emprunte sa morphologie à la fois au cyclope du même Sinbad et au Ymir de A des millons de kilomètres de la Terre. Ce monstre rend également un hommage évident à King Kong, en particulier à la scène de l’effeuillage de Fay Wray (qui va ici beaucoup plus loin que d’habitude, évidemment), à l’ascension de l’Empire State Building (remplacé par une tour phallique), à l’attaque des avions (ici un vaisseau de Wong piloté par Jakull et Flesh Gordon) et à la chute finale. « Nous avions inventé un surnom au Grand Dieu Porno pendant le tournage » avoue Jim Danforth, presque honteux. « C’était Nesuahyrrah, autrement dit Harryhausen à l’envers ! » (1) 

Le Grand Dieu Porno

L’érotisme omniprésent du film participe comme la science-fiction au délire général, orgies gigantesques à l’appui, l’héroïne passant le plus clair de son temps entièrement déshabillée. Notons aussi l’intervention des robots boîte de conserve au pénis en forme de vrille, de Pédalo, sorte de Robin des bois efféminé venant en aide aux héros, et des Amazones, dirigées par une pirate à l’œil bandé et à la jambe de métal. Au beau milieu du film, un interlude interrompt l’action alors que Flesh et ses amis sont en fort mauvaise posture, comme à la fin des épisodes des bons vieux serials. « Au départ, je ne voulais pas que mon nom apparaisse au générique, parce que je croyais que c’était un film porno pur et dur », raconte Danforth. « Finalement, il fut beaucoup plus inoffensif que prévu » (2). Au cours de ses premières semaines d’exploitation en juillet 74, Flesh Gordon se comporta plutôt bien au box-office, puis se tailla une réputation de film culte qui lui réserva plus tard un beau succès en vidéo.

 

(1) et (2) Propos recueillis par votre serviteur en avril 1998.

 

© Gilles Penso

 

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STAR CRASH, LE CHOC DES ETOILES (1979)

Luigi Cozzi s'inscrit dans la vague Star Wars en concoctant un sympathique space opera italien dont l'atout majeur est la sublime Caroline Munro

STAR CRASH / SCONTRI STELLARI OLTRE LA TERZA DIMENSIONE

1979 – ITALIE

Réalisé par Luigi Cozzi

Avec Caroline Munro, Christopher Plummer, Joe Spinnell, Judd Hamilton, Marjoe Gortner, Nadia Cassini, David Hasselhoff

THEMA SPACE OPERA

Délicieusement naïf, irrésistiblement kitsch, Star Crash est la plus fameuse des réponses italiennes au succès de La Guerre des Etoiles. On y retrouve donc pêle-mêle des robots, des batailles spatiales, des princes déchus… et même des sabres laser ! Le scénario se résume à peu de choses en réalité : la mercenaire Stella Star est engagée par l’empereur de la galaxie pour empêcher le maléfique comte Zarth Ann d’imposer sa sombre suprématie sur l’univers. La principale singularité de ce sous-Star Wars transalpin consiste à confier le rôle principal à une fille, interprétée par la sculpturale Caroline Munro qui, arborant des tenues bien plus sexy que fonctionnelles, nous ferait presque oublier l’iconique Jane Fonda de Barbarella. Si la belle Caroline – sorte de pendant féminin de Han Solo – demeure l’atout principal du film, on apprécie également l’enivrante partition de John Barry, alors en pleine période spatiale avec Le Trou Noir et Moonraker, et les effets spéciaux bricolés d’Armando Valcauda qui, à défaut de réalisme, ne manquent ni d’inventivité, ni de charme. 

A vrai dire, Valcauda s’inspire moins des créations d’ILM que de son maître à penser Ray Harryhausen, à qui il rend hommage dans deux scènes clefs du film : l’attaque d’une statue féminine de vingt mètres de haut, variante du titanesque Talos de Jason et les Argonautes, et une relecture du fameux combat contre les squelette dans laquelle les assaillants sont ici remplacés par des robots armés de sabres. Star Crash collectionne ainsi les visions surréalistes à base de trucages multicolores et artisanaux, comme le juge suprême qui ressemble à une tête dans un bocal ornée de tentacules frétillants (hommage apparent à l’entité extra-terrestre des Envahisseurs de la Planète Rouge), ou encore le vaisseau spatial de Zarth Ann qui s’ouvre et se ferme comme une griffe géante. Certes, tous les vaisseaux spatiaux ressemblent à des maquettes du commerce et les étoiles, trop grosses, évoquent plus un dancefloor disco qu’une voute céleste digne de ce nom. Mais qu’importe ! 

David Hasselhoff contre les robots

La générosité de Star Crash emporte l’adhésion, et les regards veloutés de Caroline Munro font tout passer, y compris la présence insipide d’un David Hasselhoff pré-K 2000 (et pas encore porté sur l’auto-dérision), la prestation désabusée de Christopher Plummer (qui semble regretter à chaque instant d’avoir accepté de jouer dans le film) ou le cabotinage excessif d’un Joe Spinell en roue libre dont le costume de super-vilain d’opérette semble échappé d’un magasin de farces et attrapes. Le film tout entier aura coûté un petit million de dollars et connaîtra un certain succès international, boostant un peu la carrière de Luigi Cozzi. Ce dernier poursuivra dans la voie de la SF/fantasy référentielle qui n’hésite pas à en faire trop avec son fameux Hercule bénéficiant une fois de plus des trucages d’Armando Valcauda. Quant à Caroline Munro et Joe Spinell, ils joueront à nouveau respectivement une héroïne et un être maléfique, mais cette fois-ci sous un jour hyperréaliste et très cru, à l’occasion du terrifiant Maniac réalisé l’année suivante par William Lustig.

 

© Gilles Penso

LE TROU NOIR (1979)

Deux ans après Star Wars, les studios Disney se lançaient dans un space opera rétro-futuriste sous l'influence de Jules Verne

THE BLACK HOLE

1979 – USA

Réalisé par Gary Nelson

Avec Maximilian Schell, Anthony Perkins, Robert Forster, Joseph Bottoms, Yvette Mimiuex, Ernest Borgnine, Tommy McLoughlin

THEMA SPACE OPERA I ROBOTS

Quel que soit le statut que l’on accorde au Trou Noir, kitscherie anachronique pour les uns, classique atemporel pour les autres, le film de Gary Nelson est au moins remarquable pour une chose : il donna le coup d’envoi d’une série de longs-métrages destinés à un public plus adulte que les productions Walt Disney habituelles. Sans Le Trou Noir, le studio aux grandes oreilles ne nous aurait sans doute jamais offert d(œuvres aussi atypiques que Le Dragon du Lac de FeuTron, La Foire des Ténèbres ou Les Yeux de la Forêt. Cette décision audacieuse est née suite au succès inespéré de La Guerre des Etoiles. Tout le monde cherchant à s’inscrire dans le sillage du blockbuster de George Lucas, les dirigeants de Disney ne firent pas exception, bien décidés à produire leur propre space opéra tout en capitalisant sur leur savoir-faire spécifique. Le Trou Noir est donc le fruit d’un cocktail étrange mixant les ingrédients de Star Wars avec ceux d’un des meilleurs films « live » jamais produits par la maison de Mickey : 20 000 Lieues sous les Mers de Richard Fleischer. Jules Verne imprègne ainsi l’œuvre de sa prestigieuse présence (le scénario puise aussi partiellement son inspiration chez « Robur le Conquérant » et « Le Maître du Monde ») et, corollaire, Gustave Eiffel s’invite par le biais d’une somptueuse direction artistique rétro-futuriste.

Nous sommes en 2130. Explorant l’espace, l’équipage du Palomino décèle le vaisseau fantôme Cygnus tout près d’un trou noir. Le capitaine Holland et son équipage accostent le vaisseau mystérieux, commandé par des robots partiellement anthropomorphes, et y découvrent l’étrange docteur Reinhardt, dont les intentions ne semblent pas particulièrement bienveillantes… Pressenti pour réaliser le film, John Hough, vétéran des productions Disney (L’île au Trésor, La Montagne Ensorcelée, Les Visiteurs d’un Autre Monde), se désista pour des raisons de planning et céda la place à Gary Nelson, téléaste chevronné depuis le début des années 60 et signataire en 1976 d’Un Vendredi Dingue Dingue Dingue pour Disney. De toute évidence, Nelson n’avait pas les épaules pour prendre en charge un film aussi ambitieux, et Le Trou Noir souffre en partie de l’académisme de sa mise en scène.

Un casting de prestige et des effets pleins de charme

Dommage, car le casting ne manque pas d’éclat, en particulier Maximilian Schell dans un rôle à mi-chemin entre le Capitaine Némo et Robur, Yvette Mimieux qui fut menacée par les abominables Morlocks de La Machine à explorer le Temps quelque 20 ans plus tôt, et Anthony Perkins pour une fois débarrassé des rôles de psychopathe dont il fut presque systématiquement affublé depuis le succès de Psychose. On peut aussi regretter que toutes les implications métaphysiques liées au thème du trou noir aient été évacuées pour n’en faire qu’un obstacle banal sur la route étoilée des protagonistes. Mais Le Trou Noir conserve un charme fou et se bonifie avec le temps. Ses effets spéciaux d’un autre âge sont une source d’émerveillement permanent, et la bande originale de John Barry, somptueuse, ample et lyrique, est l’une des plus belles musiques jamais composées pour un film de science-fiction.

 

© Gilles Penso

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LES ÉVADÉS DE L’ESPACE (1977)

Une imitation japonaise de La Guerre des Étoiles qui donnera naissance à la série TV San Ku Kaï

UCHU KARA NO MESSEJI / MESSAGE FROM SPACE

1977 – JAPON

Réalisé par Kinji Fukasaku

Avec Sonny Chiba, Jerry Ito, Peggy Lee Brennan, Vic Morrow, Philippe Kaznoff, Etsuko Shihomi, Tetsuro Tamba, Mikio Narita

THEMA SPACE OPERA

Très sensibilisée par le succès de La Guerre des Etoiles, la compagnie japonaise « Toei » s’est efforcée d’en produire une imitation dans la foulée, à l’aide d’un budget des plus conséquents. Le scénario reprend les motifs principaux du space-opéra de George Lucas. L’univers est menacé par un Empire galactique, les Gavanas, dirigé d’une poigne de fer par le cruel empereur Rockseia XII (Mikio Narita). Ce dernier a asservi la planète Gillucia, et l’a muée en véritable forteresse volante qui traverse l’espace. Les malheureux paysans qui vivent encore à la surface tentent de mettre en place une rébellion, en partant en quête de huit valeureux guerriers susceptibles de se rallier à leur cause, façon Les Sept Samouraïs. Leur méthode pour dénicher ces sauveteurs est pour le moins curieuse : ils lancent dans l’espace huit noix magiques et attendent patiemment le résultat ! Il faut croire que cette technique est efficace, car peu à peu se forme un commando hétéroclite, constitué de deux jeunes pilotes casse-cou, Shiro et Aaron (Hiroyuki Sanada et Philip Casnoff), de l’ancien général Garuda (cette bonne vieille trogne de Vic Morrow) ayant démissionné de l’armée, de Meia (Peggy Lee Brennan), une jeune aventurière avide d’action, de Jack (Masazumi Okabe), un vaurien assumant le rôle assez insupportable de faire-valoir comique, d’un petit robot à la R2D2 baptisé Bebe 2, de Jack (le vétéran du film d’action Sonny Chiba), un ancien Gavana en révolte contre les exactions de son peuple, et d’Urocco (Makoto Satô), un solide guerrier gillucien.

A ce beau monde s’ajoute la courageuse princesse Esmeralida (Etsuko Shihomi) qui tombe entre les griffes des Gavanas. Entre-temps, ces derniers projettent d’envahir notre bonne vieille Terre, et pour prouver aux humains qu’ils ne plaisantent pas, ils font sauter la lune, carrément ! Les similitudes avec La Guerre des Etoiles virent carrément au plagiat lorsque les deux pilotes, poursuivis par les vaisseaux Gavanas, s’infiltrent dans les tranchées de la base spatiale de l’Empire pour la détruire en visant précisément son point faible. Mais Les Evadés de l’Espace se distingue malgré tout par un univers visuel novateur et des plus réussis. Les costumes y sont étonnants, notamment la panoplie de samouraï des officiers Gavanas, les séquences spatiales superbement chorégraphiées, via des effets spéciaux inventifs signés Nobuo Yajima qui fut l’élève du grand Eiji Tsuburaya (Godzilla), et les vaisseaux spatiaux de toute beauté.

Les samouraïs de l'espace

On se souviendra notamment du superbe voilier volant de la princesse gillucienne, du monstrueux destroyer de Rockseia, ou encore des chasseurs Gavanas en forme d’araignées aux pattes rétractiles. Pour amortir toutes ces coûteuses maquettes, le film sera ensuite décliné sous forme d’une série TV réalisée par Minoru Yamada, reprenant les mêmes séquences spatiales mais modifiant l’intrigue et le casting (à l’exception d’Hiroyuki Sanada, toujours fidèle au poste). Cette série de 27 épisodes, Uchu kara no messeji: Ginga taisen, est devenue un véritable objet de culte en France dès sa première diffusion en 1979, sous le titre de San Ku Kaï.


© Gilles Penso

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ENEMY (1985)

Une parabole du racisme et de l'absurdité de la guerre dans laquelle un Terrien et un extra-terrestre apprennent à fraterniser

ENEMY MINE

1985 – USA

Réalisé par Wolfgang Petersen

Avec Dennis Quaid, Louis Gossett Jr, Brion James, Richard Marcus, Carolyn McCormick, Bumper Robinson

THEMA FUTUR I SPACE OPERA I EXTRA-TERRESTRES

Enemy faillit bien ne jamais voir le jour. Contacté pour réaliser le film, Terry Gilliam déclina l’offre pour s’attaquer à son chef d’œuvre Brazil. Le suivant sur la liste fut Richard Loncraine, qui tourna la quasi-intégralité du métrage en Islande, mais qui fut finalement débarqué après un différend avec la production. Le projet aurait pu en rester là, mais Wolfgang Petersen reprit finalement les choses en main et recommença le tournage depuis le début. « Enemy a été conçu comme une sorte de remake futuriste du Duel dans le Pacifique de John Boorman », explique le réalisateur. « Ce n’est pas tant la science-fiction que les relations conflictuelles entre les deux antagonistes qui m’intéressaient. Enemy est avant tout une parabole sur le racisme. » (1) D’où un slogan qui en dit long : « Ennemis parce que c’est ce qu’on leur a inculqué. Alliés parce qu’ils y sont contraints. Frères parce qu’ils ont osé l’être. » Davidge est pilote de guerre. En cette fin de 21ème siècle, les combats se livrent dans l’espace contre les impitoyables Dracs, ennemis irréductibles de la race humaine. Au cours d’une bataille, l’engin de Davidge est abattu, mais le pilote a lui aussi atteint son adversaire. Tous deux s’échouent du coup sur une planète peuplée de monstres et criblée de météorites. L’affrontement continue au sol. Mais, peu à peu, la haine disparaît.

Le Terrien et le Drac apprennent à collaborer pour survivre. Le scénario évoque du même coup la nouvelle « Cooperate or Else » d’A.E. Van Vogt, dans laquelle un humain et un alien étaient contraints de s’entraider sur une planète hostile au beau milieu d’un conflit galactique. A peine sorti de L’Histoire sans Fin, Wolfgang Petersen insuffle à Enemy un charme rétro du plus bel effet, les vaisseaux spatiaux semblant tout droit sortis d’un Flash Gordon. Après une saisissante bataille spatiale concoctée par l’équipe d’ILM, la majeure partie du film se déroule sur une planète inhospitalière, filmée tour à tour sur l’île de Lanzarote (la même que Un Million d’Années Avant JC) et en studio à Bavaria, avec force peintures sur verre. Le maquillage Drac, dû à Chris Walas, est une belle réussite (malgré le raccord autour de la bouche parfaitement visible) et les créatures habitant la planète (des limules géants et des espèces de plantes carnivores) s’avèrent répulsives à souhait.

S'entraider pour survivre

Dennis Quaid (le Blanc jouant un Terrien) et Lou Gosset Jr (le Noir incarnant un Drac) sont quant à eux extraordinaires, et si le scénario s’avère prévisible en ce qui concerne le développement de leurs relations et l’effacement de leur inimitié, il sait malgré tout éviter les clichés avec habileté. Une idée supplémentaire porte la parabole sur un autre niveau : les Dracs sont hermaphrodites, contrairement aux humains qui se sont séparés en deux sexes (c’est en tout cas la théorie développée dans la mythologie grecque). Cela nous vaut une séance d’accouchement autant insolite qu’émouvante, ainsi que la révélation d’un joli bébé Drac. Comme d’autres œuvres phare avant lui, Enemy prouve que la science-fiction n’est jamais plus efficace que lorsqu’elle transpose dans son univers, via la métaphore, les problématiques du présent.

(1) Propos recueillis par votre serviteur en avril 1995.

© Gilles Penso

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WOLF CREEK 2 (2013)

Greg McLean réalise lui-même la séquelle de son shocker / survival brutal en forçant volontairement le trait

WOLF CREEK 2

2013 – AUSTRALIE

Réalisé par Greg McLean

Avec John Jarratt, Ryan Corr, Shannon Ashlyn, Philippe Klaus, Shane Connor

THEMA TUEURS

En 2005, l’Australien Greg McLean avait bluffé son monde avec un survival au traitement très personnel, Wolf Creek. La réussite du film tenait dans une mise en scène à la fois naturaliste et soignée, une excellente direction d’acteurs (tous crédibles), une structure efficace en deux parties (longue immersion avec les protagonistes menant à une totale empathie / rupture de ton vers une traque haletante), et surtout, un mémorable boogeyman haut en couleurs, Mick Taylor, version sadique du Mick sympathique de Crocodile Dundee. Succès aidant, une suite paraissait inévitable. McLean a pris son temps et nous a d’abord donné le magistral Solitaire, grand film d’aventures à l’ancienne avec le plus beau crocodile géant jamais contemplé sur un écran, avant de revenir vers le personnage qui l’a rendu célèbre. Face à toute séquelle cinématographique, on est en droit d’en questionner la légitimité, rares étant celles qui apportent vraiment quelque chose au sujet et qui dépassent leur simple but mercantile. Ici, la note d’intention est limpide dès la séquence d’ouverture : Wolf Creek 2 est un véhicule à la gloire de son bad guy. Contrairement à l’opus précédent où il n’arrivait que sur le tard, il est ici le personnage principal, et le « héros », c’est lui (sentiment renforcé par le fait qu’il massacre d’emblée deux flics antipathiques qui lui cherchent des noises, et non l’inverse).

Le premier épisode puisait abondamment dans Massacre à la Tronçonneuse, la suite braconne donc logiquement sur les terres de la folie débridée et cartoonesque de Massacre à la Tronçonneuse 2. Le ton est plus ouvertement acide, l’humour noir exacerbé de Mick (John Jarratt est en feu) arrose ses effusions gore, flirtant dangereusement avec le slapstick à la sauce Tex Avery, au risque de désacraliser son méchant et de le « Freddy Kruger-iser ». En outre, le survival attendu se mue plutôt en film d’action avec cascades à l’ancienne, rappelant forcément le compatriote Mad Max 2, l’inoubliable Hitcher, et citant même le chef-d’œuvre halluciné de Ted Kotcheff, Réveil dans la terreur, au détour d’un massacre (ici burlesque) de kangourous. Vers la moitié du métrage, et ce malgré la mise en scène toujours efficace de McLean et sa superbe photographie, on commence donc à se demander si tout ceci est bien raisonnable… Heureusement, soudain le scénario bascule et un nouvel arrivant apporte une touche d’originalité bienvenue. Un anglais égaré (très juste Ryan Corr) croise la route d’une proie de Mick, contrariant les plans de ce dernier. Cette rencontre inopinée donne lieu à la meilleure séquence du film, où le grand méchant loup et sa victime se retrouvent face-à-face, dans une sorte de « Questions pour un champion » glauque, chaque mauvaise réponse se soldant par un doigt en moins.

« Question pour un champion » version gore

A ce moment, le torture porn ricanant à la Saw qui pourrait se profiler laisse place à l’analyse intéressante d’un certain cloisonnement de l’outback australien, connu pour son hospitalité toute personnelle (sujet récurrent dans les films provenant de l’île). Mick axe ses questions pièges sur le passé colonial de l’Angleterre sur son continent et fait preuve d’une xénophobie, d’une rancune et d’une mauvaise foi sans bornes. On comprend donc qu’une de ses motivations dans le massacre de touristes (son métier en quelque sorte) serait cette détestation aveugle de l’Etranger. Voir l’Anglais et l’Australien entonner de concert des chants patriotiques du cru entre deux sévices ne manque alors pas de saveur. Cette profondeur et ce décalage inespérés donnent un coup de fouet à l’ensemble et emportent l’adhésion in extremis, sortant Wolf Creek 2 des rails confortables où il s’était installé. Attention néanmoins à l’épisode de trop.

 

© Julien Cassarino

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