FRIGHT NIGHT (2011)

Un remake de Vampire vous avez dit vampire ? qui n'a pas la saveur de son modèle mais n'est pas exempt de qualités

FRIGHT NIGHT

2011 – USA

Réalisé par Craig Gillespie

Avec Colin Farrell, Anton Yelchin, Toni Collette, David Tennant, Imogen Poots, Christopher Mintz-Plasse, Dave Franco, Reid Ewing 

THEMA VAMPIRES I SAGA VAMPIRE, VOUS AVEZ DIT VAMPIRE ?

Succès surprise de l’année 1985, Vampire vous avez dit vampire ? de Tom Holland avait été suivi d’une sympathique séquelle en 1988. La pertinence d’en tirer un remake tardif ne semblait pas évidente, tant le film original s’ancrait dans l’imagerie des années 80, surfant sur un ton mi-comique mi-horrifique alors très en vogue (Creepshow, Le Retour des Morts-Vivants) et ne reculant devant aucun excès du côté des maquillages spéciaux (lesquels connurent à l’époque un véritable âge d’or). Le réalisateur Craig Gillespie n’ayant signé auparavant que deux comédies et quelques épisodes de séries télévisées, sa légitimité à la tête d’un nouveau Fright Night ne sautait pas non plus aux yeux. Bref, le projet partait sur des bases bancales. Pourtant, dès les premières minutes, les doutes s’envolent aux accents d’une partition de Ramin Djawadi bien au-dessus de ce que le compositeur nous avait habitué à entendre. Anton Yelchin nous convainc sous la défroque du sympathique adolescent Charlie Brewster, ancien geek ayant tourné le dos à ses premiers amis pour devenir populaire et sortir avec l’une des plus jolies filles du lycée (Imogen Poots, l’une des révélations de 28 semaines plus tard). Toni Collette emporte l’adhésion en incarnant sa mère célibataire, visiblement très à l’aise sous la direction de Gillespie qu’elle a côtoyé sur les plateaux de la série United States of Tara.

Quant à Colin Farrell, il constitue l’une des meilleures surprises du film. Laissant de côté tout le background de sa filmographie précédente, l’ex-star du Nouveau monde et de Miami Vice entre dans la peau de Jerry, le voisin séduisant qui révèle bien vite sa nature de prédateur buveur de sang. Le regard noir, le muscle saillant, la truffe en alerte, il campe un vampire bestial aux antipodes des androgynes romantiques de la saga Twilight. Assez audacieusement, le scénario de Marti Noxon (Buffy contre les Vampires) recycle et modernise toute la mythologie héritée des écrits de Bram Stoker : la créature, non contente de ne pas se refléter dans les miroirs, est également invisible aux yeux des caméras vidéo ; la décomposition des monstres face à la lumière du soleil prend la forme d’une gerbe d’explosion liquide écarlate peu ragoûtante ; les vampires ne peuvent pénétrer chez autrui sans y être invités, ce qui occasionne d’excellentes séquences de suspense.

L'équilibre entre l'horreur et la comédie

Les moments d’action sont parfois handicapés par une mise en forme maladroite, comme cette poursuite de voiture nocturne conçue sous forme d’un plan séquence plagiant de toute évidence le travail d’Alfonso Cuaron sur Les Fils de l’homme et souffrant d’incrustations approximatives. Mais la tension générée par ces péripéties gorgées d’adrénaline fonctionne malgré tout. Tout comme le difficile exercice d’équilibre entre l’horreur et la comédie, qui faisait tout le sel du film original, et que ce remake restitue adroitement. Visiblement libres de leurs mouvements, les talentueux maquilleurs Greg Nicotero et Howard Berger s’en donnent à cœur joie, ornant la mâchoire des vampires d’une dentition de requin inspirée des travaux de Randy Cook sur le premier Vampire vous avez dit vampire ? et alimentant généreusement les excès graphiques de ce remake finalement très recommandable.

© Gilles Penso

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REAL STEEL (2011)

L'adaptation très divertissante d'une nouvelle de Richard Matheson où les combats de robots remplacent les match de boxe

REAL STEEL

2011 – USA

Réalisé par Shawn Levy

Avec Hugh Jackman, Dakota Goyo, Evangeline Lilly, Anthony Mackie, Kevin Durand, Hope Davis, James Rebhorn, Karl Yune 

THEMA FUTUR I ROBOTS

Publiée en mai 1956 dans la revue « Fantasy & Science Fiction », la nouvelle « Steel » se déroule dans un futur proche où la pratique de la boxe n’est plus autorisée aux humains, ce qui propulse désormais sur le ring des combattants robotiques. Son génial auteur Richard Matheson l’adapta lui-même pour en tirer un épisode de La Quatrième dimension en 1963. Près de cinquante ans plus tard, Shawn Levy en réalise la première version cinématographique, sous l’égide de Steven Spielberg. Il n’est pas difficile d’imaginer la recette infaillible à l’origine du projet : Transformers rencontre Rocky ! Real Steel utilise en effet des techniques de pointe pour donner corps à ses impressionnants robots (mélange d’animatroniques grandeur nature et d’images de synthèse ultra-réalistes) tout en appuyant sa narration sur la mécanique éprouvée du succès planétaire de Sylvester Stallone et John Avildsen. Dans l’optique de créer un divertissement familial, le futur froid et déshumanisé du récit initial a été transposé dans un cadre appauvri en haute technologie.

C’est dans une ambiance de western urbain que s’amorce ainsi Real Steel, au son d’une ritournelle country qui accompagne les pérégrinations de Charlie Kenton (Hugh Jackman), ancien boxeur devenu manager à la petite semaine équipé de robots bas de gamme. De combats minables en paris ratés, Kenton accroît le volume de ses dettes et apprend un jour que son ex-compagne est décédé. Il va falloir assurer l’avenir de son fils Max, âgé de onze ans. La tante de Max est prête à tout pour s’en occuper. Dénué du moindre scrupule, Kenton négocie alors une semaine avec Max en échange d’une coquette somme d’argent. En découvrant l’épave d’un vieux robot d’entraînement, le père et son fils ignorent qu’ils possèdent la graine d’un futur champion… On le sait, le double thème du fils perdu et du père absent irradie la majeure partie de l’œuvre de Steven Spielberg. On comprend aisément que cet élément scénaristique clef – absent du texte de Matheson – ait séduit le puissant producteur. 

Un combat à distance

Lorsque Hugh Jackman, au cours du match final, boxe dans le vide pour que son alter ego robotique puisse se défendre sur le ring, l’impact de la scène est d’autant plus fort qu’il touche trois niveaux de lecture. Cette séquence exprime visuellement l’idée qui sous-tend le film tout entier : celle d’un père qui se bat – au sens propre – pour son fils. Elle illustre également l’adéquation entre l’action à l’écran et la technologie utilisée pour lui donner corps, autrement dit la motion capture (de vrais boxeurs équipés de capteurs ont assuré la chorégraphie des robots en synthèse). Elle revient enfin aux fondements mêmes de la nouvelle de Matheson en nous questionnant sur la pertinence des sports de combat. Pourquoi ne pas imaginer dans un futur proche que la boxe devienne un sport enfin digne de ce nom (au lieu de la boucherie bestiale actuellement en vigueur) où de vrais athlètes effectueraient d’étonnantes performances physiques tandis que des machines prendraient les coups à leur place ? Du coup, malgré son avalanche de bons sentiments et ses facilités scénaristiques, Real Steel fait souvent mouche et se laisse apprécier avec beaucoup d’enthousiasme.

© Gilles Penso

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CHRONICLE (2012)

Un film de super-héros ultra-réaliste filmé par une caméra amateur : tel est le défi que se lancent le scénariste Max Landis et le réalisateur Josh Trank

CHRONICLE

2012 – USA

Réalisé par Josh Trank

Avec Dale Dehaan, Alex Russell, Michael B. Jordan, Michael Kelly, Ashley Hinshaw, Bo Peterson, Anna Wood, Rudi Malcom

THEMA SUPER-HEROS

Non content d’être le fils du réalisateur du Loup-Garou de Londres et des Blues Brothers, Max Landis est un scénariste extrêmement inventif. Lorsqu’il s’attaque au script de Chronicle, aux côtés du jeune réalisateur Josh Trank, c’est pour mieux dynamiter deux sous-genres alors en pleine expansion depuis le début des années 2000 : le film de super-héros et le « found footage » (ces fameuses fausses images d’archives soi-disant tournées avec des caméras amateur, dans la lignée de Blair WitchCloverfield et Diary of the Dead). A priori, les exploits de justiciers dotés de pouvoirs surhumains et les prises de vues agitées en vidéo HD ne vont pas de pair. Le pari de Chronicle est justement de les marier pour obtenir un résultat unique. La chronique qui donne au film son titre est celle d’Andrew (Dale Dehaan), un lycéen introverti et instable coincé entre un père alcoolique et une mère malade. Pour prendre du recul sur cette situation oppressante, il décide de filmer son quotidien avec une caméra fraîchement acquise. Le long-métrage est donc vu à travers le prisme de cet objectif.

Les premières séquences nous offrent le constat désenchanté d’une existence frustrante. La situation évolue le soir où Andrew, son cousin Matt (Alex Russell) et son ami Steve (Michael B . Jordan) découvrent une profonde crevasse dans la forêt. En évoluant à tâtons dans l’excavation, éclairés par la torche de la caméra, ils entrent en contact avec une mystérieuse substance. Dès lors, les trois amis se découvrent des dons télékinétiques. Capables de déplacer de petits objets à distance, ils constatent que leurs pouvoirs s’accroissent au fil des jours. Ils parviennent ainsi à soulever des masses colossales, à s’envoler et à détruire ce que bon leur semble. «De grands pouvoirs entrainent de grandes responsabilités», disait ce bon vieux Spider-Man. Dans la foulée du célèbre adage, Matt et Steve, un peu effrayés par ces capacités qui les dépassent, décident de s’imposer des limites et des règles. Ce n’est pas l’avis d’Andrew, qui s’avère être le plus puissant membre du trio, et qui semble vouloir utiliser ses pouvoirs pour réparer les frustrations dont il est victime.

Pouvoirs et responsabilités

C’est donc la notion de la responsabilité qui est au cœur de Chronicle, avec en filigrane une question passionnante : si un individu moyen se trouve soudain doté d’une force surhumaine, y’a-t-il plus de probabilité qu’il se mue en terrifiant criminel ou en super-héros ? Chronicle cherche sans cesse à préserver une approche réaliste, approche renforcée par son parti pris de mise en scène. A part quelques jeux de montage qui altèrent un peu la crédibilité de la caméra subjective (inserts de plans filmés par d’autres caméras, « jump-cuts » au sein de prises de vues filmées en continuité), le sentiment de vérisme demeure extrêmement fort. Et lorsque les effets spéciaux versent dans le spectaculaire (envolées à la Superman, destructions à grande échelle), l’impression de regarder les images d’actualités d’un journal télévisé s’avère troublante. Produit pour un budget de 12 millions de dollars, Chronicle en a remporté quasiment le double dès son premier week-end d’exploitation aux Etats-Unis, preuve manifeste de l’universalité des problématiques qu’il aborde.

© Gilles Penso

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JOHN CARTER (2012)

Une adaptation très ambitieuse du cycle de Mars écrit par Edgar Rice Burroughs, qui ne trouva pas son public et resta donc sans suite

JOHN CARTER ON MARS

2012 – USA

Réalisé par Andrew Stanton

Avec Taylor Kitsch, Lynn Collins, Samantha Morton, Willem Dafoe, Dominic West, Mark Strong, Thomas Haden Church, Ciaran Hinds

THEMA SPACE OPERA I EXTRA-TERRESTRES

Les univers fantastiques d’Edgar Rice Burroughs sont d’une richesse exemplaire dépassant largement la prolifique littérature qu’il consacra à Tarzan pour s’étendre sur maints territoires inexplorés. Le cycle de Pellucidar fut généreusement porté à l’écran par Kevin Connor au milieu des années 70 (Le Sixième continent, Centre terre : 7ème continent), mais celui de Mars était encore vierge d’une grande adaptation cinématographique. C’est chose faite avec John Carter, inspiré par « La Princesse de Mars » que Burroughs écrivit en 1912. Andrew Stanton, transfuge des studios Pixar pour lesquels il réalisa 1001 Pattes, Le Monde de Némo et Wall-E, s’attaque ici à son premier long-métrage live et nous offre une gigantesque épopée baignée d’un délicieux parfum de nostalgie, comme si les Buck Rogers et Flash Gordon d’antan s’offraient les moyens techniques des superproductions d’aujourd’hui. Le film oppose deux univers qui, à priori, ne peuvent guère cohabiter : un far west concret et réaliste, au cours duquel le hors la loi John Carter fuit les autorités lancées à ses trousses ; et une planète Mars de space opéra, baptisée Barsoom par ses habitants, secouée par une guerre intestine et peuplée de civilisations bariolées.

Ce sont les Héliumites (qui ressemblent aux humains et portent des tatouages écarlates justifiant leur surnom d’ « hommes rouges »), les Zodangiens (ou « hommes blancs ») qui s’opposent à eux, les Therns aux pouvoirs immenses et aux intentions énigmatiques, et les Tharks qui se rassemblent en peuplades primitives et se distinguent par une anatomie singulière (un corps vert filiforme de deux mètre cinquante de haut, quatre bras et une bouche ornée de défenses). Par leur représentation visuelle et les drames qui s’y nouent, les cités de Barsoom sont ici très proches des tragédies gréco-romaines. La présence de Ciaran Hinds, ex-Jules César de la serie Rome, dans le rôle de l’empereur Tardos Mors, renforce ce sentiment. Tout comme les tenues d’inspiration antique qui se portent à la cour, ainsi que les bâtiments en ruine jonchant les panoramas désertiques de la planète.

Un péplum intergalactique

Et dans ce « péplum intergalactique », John Carter agit quasiment comme un Maciste ou un Hercule, autrement dit un redresseur de torts neutre doté d’une force exceptionnelle (grâce à la différence de gravité entre la Terre et Mars) qui déambule volontiers torse nu pour renverser les régimes dictatoriaux et rétablir sur le trône la belle princesse déchue. Gorgé d’effets visuels magnifiques, John Carter se pare d’un bestiaire particulièrement imaginatif : les Tharks, bien sûr, mais aussi un gros chien à la gueule démesurée qui court à la vitesse de l’éclair, des montures pachydermiques juchées sur huit pattes massives, et deux titanesques simiens albinos qui surgissent dans un combat d’arène époustouflant à côté duquel celui de L’Attaque des clones fait bien pâle figure. Dans la foulée d’AvatarJohn Carter marque donc le retour d’une science-fiction à l’ancienne et, malgré un accueil tiède au box-office, s’amorce comme le starting block d’une nouvelle saga. Le film est dédié à Steve Jobs, « une inspiration pour nous tous », comme l’affirme le générique de fin. 

 

© Gilles Penso

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THE DARK KNIGHT RISES (2012)

Christopher Nolan clôt sa trilogie Batman avec emphase, offrant le rôle du super-vilain Bane au monumental Tom Hardy

THE DARK KNIGHT RISES

2012 – USA

Réalisé par Christopher Nolan

Avec Christian Bale, Tom Hardy, Anne Hataway, Gary Oldman, Morgan Freeman, Marion Cotillard, Michael Caine 

THEMA SUPER-HEROS I SAGA BATMAN I DC COMICS

Huit ans se sont écoulés depuis les événements marquants survenus dans The Dark Knight. La criminalité étant retombée au sein de Gotham City, Bruce Wayne a raccroché depuis longtemps la cape de Batman et vis reclus dans son manoir, loin des mondanités qui se perpétuent sous les bons auspices du fidèle Alfred. Mais lorsque Bane, un redoutable mercenaire au visage masqué, décide de semer le chaos dans la ville, l’homme chauve-souris doit reprendre du service. Hélas, on ne redevient pas un héros aussi facilement, surtout face à un adversaire de cette trempe… La trilogie consacrée à Batman, telle que Christopher Nolan l’a conçue, frappe à la fois par le minutieux travail de cohérence qui assure la continuité de chacun de ses épisodes, mais aussi par la volonté d’en élargir progressivement la portée au fur et à mesure que se développe la saga. Si Batman Begins narrait avant tout une quête personnelle,  The Dark Knight était un thriller de grande envergure. The Dark Knight Rises, pour sa part, prend une dimension épique qui le transforme sans crier gare en fresque guerrière digne des plus grands chefs d’œuvres du genre, tel que ce dernier fut redéfini par des cinéastes comme Ridley Scott, Mel Gibson ou Steven Spielberg.

Depuis le début des années 2000, les superproductions consacrées aux super-héros avaient généralement un travers commun : quand une cité entière était menacée, quelques dizaines de figurants à peine représentaient l’humanité en danger (les climax d’Iron Man,  L’Incroyable HulkThor ou même d’Avengers en témoignent). Rien de tel ici. Chaque quartier de Gotham City (relecture à peine altérée d’un New York contemporain) exhale l’âme des citoyens qui l’habitent. Chaque rue, chaque bâtiment grouille de vie. Et lorsque la ville s’embrase, coupée soudain du monde comme le Manhattan futuriste de New York 1997, la panique qui en découle n’a rien d’une abstraction. Le miracle de The Dark Knight Rises réside justement dans cette capacité de bâtir une tragédie à grande échelle tout en laissant s’exprimer le drame personnel de chacun de ses acteurs majeurs.

Adieu au Chevalier Noir

C’est dans un climat de guerre civile que Batman tente maladroitement de retrouver son aura, écrasé par un super-vilain dont le look impressionnant nous ramène à l’imagerie fétichiste de Mad Max 2. Entre les alliés et les ennemis du héros meurtri, un personnage ambigu fait son apparition, sous les traits félins d’Anne Hataway qui, sans parvenir à nous faire oublier la présence magnétique de Michelle Pfeiffer dans Batman le défi, nous offre une Catwoman délectable. Emotions exacerbées, suspense ébouriffant, action à couper le souffle sont au menu de cet ultime opus dont les 2h45 semblent passer en un éclair. Avec un style et un regard qui n’appartiennent qu’à lui, Christopher Nolan prouve une fois de plus que le cahier des charges contraignant d’un blockbuster de studio peut parfois s’accorder avec la vision personnelle et sans concession d’un auteur. Nolan fait ici de magnifiques adieux au Chevalier Noir, même si les portes narratives qui s’ouvrent à la fin de The Dark Knight Rises laissent imaginer tout un réseau de séquelles possibles.

© Gilles Penso

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LA DAME EN NOIR (2012)

Le studio Hammer renoue avec ses premières amours en plongeant l'ex-Harry Potter dans un récit d'épouvante gothique

THE WOMAN IN BLACK

2012 – GB

Réalisé par James Watkins

Avec Daniel Radcliffe, Ciaran Hinds, Janet McTeer, Liz White, Shaun Dooley, Roger Allam, Sophie Stuckey, David Burke 

THEMA FANTÔMES

Dans l’atmosphère feutrée d’un grenier coquet, trois fillettes jouent gaiement à la dînette. Soudain, mues par une force invisible, elles abandonnent leurs jeux, se dirigent vers la fenêtre comme des somnambules et se jettent dans le vide. Ainsi commence La Dame en noir, adaptation du roman homonyme écrit par l’auteur anglais Susan Hill en 1983. Le légendaire studio britannique Hammer avait timidement amorcé sa résurrection à travers Laisse-moi entrerLa Locataire et Wake Wood. Avec La Dame en noir, cette renaissance s’affirme pleinement, par le biais d’une élégance, d’un stylisme et d’une atemporalité dignes des joyaux qui firent la réputation de cette compagnie jadis florissante. 

Véritable révélation du film, Daniel Radcliffe nous prouve qu’il y a une vie après Harry Potter. Délaissant les oripeaux encombrants du sorcier à lunettes, il campe avec une sensibilité à fleur de peau le notaire Arthur Kipps, jeune veuf inconsolable missionné dans le village lointain de Crythin Gifford pour régler la succession d’une cliente récemment décédée. Les villageois semblent hostiles à la présence de cet étranger, et l’auberge qui lui sert de refuge n’a plus de chambre à lui proposer. Aussi s’installe-t-il dans le grenier de l’établissement… celui qui fut le témoin du drame pré-générique. La mort semble s’immiscer dans tous les recoins de ce village brumeux, jonché d’endeuillés à la dérive, et les apparitions inquiétantes de la mystérieuse « femme en noir » du titre scandent la vie des autochtones comme autant de mauvais présages. Les pièces du puzzle s’assemblent patiemment, tandis qu’Arthur découvre l’impressionnant manoir de la défunte, perdu au milieu d’un champ désert que recouvre régulièrement la marée. Là, les sombres secrets s’apprêtent à émerger… 

Une réintreprétation moderne des codes du genre

La Dame en noir ne cherche jamais à imiter la flamboyance des œuvres de Terence Fisher, chef de file des artisans de l’âge d’or la Hammer. Aux forêts de studio, James Watkins préfère les décors naturels ; aux couleurs saturées, il oppose une lumière naturaliste. C’est même sur un format Cinémascope, inhabituel en pareil contexte, qu’il choisit de raconter son récit torturé. Pourtant, via cette réinterprétation moderne des codes visuels du genre, il parvient à revenir aux sources d’une épouvante séminale, plus portée sur l’atmosphère oppressante que sur les effets choc. C’est par touches subtiles que la présence d’une entité fantômatique nous est suggérée dans la maison du marais où Arthur Kipps mène l’enquête : reports de point révélateurs, lents mouvements de caméras qu’on devine subjectifs, jeux d’ombres furtifs et menaçants, sons suspects à tous les étages… On pense parfois aux Innocents, à La Maison du Diable, bref aux joyaux éternels de la ghost-story victorienne. Le cinéaste s’éloigne ainsi de l’horreur brute et moderne d’Eden Lake, son premier long-métrage, pour s’enfoncer dans les tourments d’un récit surnaturel teinté de mélancolie et d’effroi larvé.  Très belle réussite formelle, sertie dans une photographie somptueuse, des décors superbes et une bande originale envoûtante, La Dame en noir sait ménager des moments de pure terreur et hante ses spectateurs longtemps après son épilogue.

© Gilles Penso

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ROBOT MONSTER (1953)

Tous aux abris : la Terre est menacée par Ro-Man, un extra-terrestre aux allures d'homme costumé en gorille avec un aquarium sur la tête !

ROBOT MONSTER

1953 – USA

Réalisé par Phil Tucker

Avec George Nader, Claudia Barrett, Selena Royle, John Mylong, Gregory Moffett, Pamela Paulson, George Barrows, John Brown

THEMA EXTRA-TERRESTRES

Tous les amateurs d’humour au second degré, de nanars indécrottables et de curiosités sur pellicule se doivent de visionner cet hallucinant Robot Monster, considéré par toute la communauté cinéphile comme l’un des films les plus nuls de l’histoire du cinéma. Il faut dire que le réalisateur Phil Tucker n’y va pas avec le dos de la cuillère. Son film conte l’arrivée sur Terre de Ro-Man, un alien interprété par un comédien dans un costume de gorille avec un casque de scaphandrier surmonté de deux antennes de télévision ! Ça commence donc assez fort. Cet étrange envahisseur s’installe à l’entrée d’une grotte avec son redoutable appareillage de destruction, c’est-à-dire trois vieilles radios posées sur une table et une machine à bulles ! Son but : provoquer une catastrophe planétaire, réveiller des monstres préhistoriques, et surtout annihiler toute la population humaine, que les habitants de sa planète considèrent comme une menace en raison de l’essor qu’ils ont pris dans le domaine de la bombe atomique et des voyages dans l’espace. Le message semble donc être le même que celui du Jour où la Terre s’arrêta, sauf que le velu Ro-Man s’avère plus expéditif que le pacifiste Klaatu.

Hélas, on a rarement vu un tel décalage entre les intentions d’un film et les moyens mis en œuvre. Ici, les décors se résument à la fameuse grotte et un champ avoisinant, l’invasion extra-terrestre se limite à ce ridicule Ro-Man et son chef (le même acteur dans le même costume) avec qui il communique via un écran, et le reste des comédiens ne dépasse pas le nombre de six. Ça tombe bien, c’est le nombre de personnes qui a survécu à la catastrophe. Quant au cataclysme lui-même, ce ne sont que des flashs lumineux et des extraits de combats de dinosaures empruntés à Tumak fils de la jungle et Le Continent perdu. Ces stock shots tombent tellement comme des cheveux dans la soupe qu’on en vient à ce demander pendant quelques secondes s’il n’y a pas eu erreur dans le montage. Le jeu des comédiens s’avère de surcroît catastrophique, avec une palme spéciale pour l’inénarrable « professeur » (George Nader), et l’ensemble du métrage est extrêmement bavard.

En relief !

Car en guise d’action, à part les déambulations du Ro-Man dans la campagne et aux alentours de sa grotte, il ne se passe pas grand-chose dans ce Robot Monster. Les sommets du ridicule sont sans doute atteints lorsque notre Ro-Man est en proie à des états d’âme. « Être comme un humain ! Rire ! Sentir ! Vouloir ! Pourquoi ces choses n’étaient-elles pas prévues ? » se plaint-il à son supérieur. Au final, tout s’avère n’être qu’un rêve du petit Johnny (Gregory Moffett), comme dans Les Envahisseurs de la planète rouge sorti la même année. Pour sacrifier à la mode, Phil Tucker réalisa son film en relief, un cache-misère qui n’apporte strictement rien au film, lequel se pare tout de même d’une partition d’Elmer Bernstein, futur compositeur des Sept Mercenaires. On raconte que les critiques à l’encontre de Robot Monster furent tellement virulentes à l’époque que Tucker tenta de se suicider. Fort heureusement, le réalisateur a raté son coup, d’autant qu’entre-temps son film s’est mué en véritable objet de culte. 

© Gilles Penso

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THE AMAZING SPIDER-MAN (2012)

Au lieu de prendre la suite de la trilogie de Sam Raimi, le studio Sony fait le choix étrange d'un reboot qui souffre fatalement de la comparaison avec les opus précédents

THE AMAZING SPIDER-MAN

2012 – USA

Réalisé par Marc Webb

Avec Andrew Garfield, Emma Stone, Rhys Ifans, Denis Leary, Martin Sheen, Sally Field, Irfan Khan, Campbell Scott 

THEMA SUPER-HÉROS I ARAIGNÉES I REPTILES SAGA SPIDER-MAN I MARVEL

Après le semi-échec artistique de Spider-Man 3, Sam Raimi n’avait pu mettre sur pied un quatrième épisode suffisamment convaincant. Son départ de la saga entraîna celui de son casting et le désarroi bien compréhensible des dirigeants de Marvel et Sony. Evidemment, il n’était pas question de tuer la poule aux œufs d’or. Les deux studios optèrent donc pour une remise des compteurs à zéro : un nouveau réalisateur, de nouveaux comédiens et une nouvelle histoire racontant sous un angle différent les origines du super-héros. Dix ans à peine après le premier Spider-Man, l’idée d’un « reboot » pouvait sembler incongrue. Et force est de reconnaître que face au résultat à l’écran, l’incongruité demeure. Première bizarrerie : choisir comme point de départ narratif le mystère de la disparition des parents de Peter Parker. Quand on sait que ces deux personnages n’apparaissaient que tardivement dans la bande dessinée, à l’occasion d’un épisode spécial très anecdotique où ils étaient dépeints comme des espions fort peu crédibles, on s’interroge sur la pertinence d’un tel choix. Soucieux de se démarquer du travail de Sam Raimi et de ses scénaristes, The Amazing Spider-Man s’efforce de tisser artificiellement des liens entre chaque protagoniste du drame, comme si tous les destins étaient déjà écrits à l’avance. Figure centrale de cette intrigue à tiroirs, le professeur Curt Connors est à la fois l’ancien collègue des parents Parker, le mentor de la petite amie de Peter, le co-créateur des araignées génétiquement modifiées qui donneront naissance à Spider-Man et le grand méchant du film, sous forme d’un redoutable homme-lézard.

Le hasard n’a plus cours dans ce récit déterministe qui semble contradictoire avec l’axiome cher au héros : « De grands pouvoirs entraînent de grandes responsabilités ». La question du choix – moteur des conflits internes du personnage tel qu’il fut imaginé par Stan Lee et Steve Ditko – ne se pose plus vraiment, au grand dam de la dramaturgie. D’un point de vue strictement artistique, les parti pris de Marc Webb et son équipe sont tout aussi discutables. Le superbe costume conçu en 2002 par James Acheson cède ici le pas à une sorte de combinaison de surfer en spandex couverte d’écailles, le lézard crocodilien du comics original prend les allures d’un mutant au faciès aplati du plus curieux effet, et la bande originale paresseuse de James Horner fait office de remplissage sonore sans jamais nous offrir une once de lyrisme, d’émotion ou d’énergie.

Tout est-il écrit à l'avance ?

Certes, The Amazing Spider-Man comporte de nombreux atouts qui le rendent souvent attachant. Ses comédiens débordent de fraîcheur et de naturel (mention spéciale à Andrew Garfield et Martin Sheen), ses séquences de voltige jouent la carte du vertige et de l’effort physique (avec des vues subjectives très immersives), son usage de la 3D s’avère joyeusement récréatif (la toile fuse en tous sens) et quelques idées de mise en scène emportent instantanément l’adhésion (la brève intervention de Stan Lee est hilarante). Mais  cette réinitialisation du mythe pâlit sans cesse de la comparaison avec la trilogie de Sam Raimi, dont la personnalité, le style et le grain de folie font ici cruellement défaut.

© Gilles Penso

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DYLAN DOG (2011)

L'ancien Clark Kent de Superman Returns incarne un privé spécialisé dans la chasse aux zombies, aux démons, aux vampires et aux loups-garous

DYLAN DOG – DEAD OF NIGHT

2011 – USA

Réalisé par Kevin Munroe

Avec Brandon Routh, Anita Briem, Sam Huntington, Taye Diggs, Kurt Angle, Peter Stormare 

THEMA LOUPS-GAROUS I VAMPIRES I ZOMBIES I DIABLE ET DEMONS

Dylan Dog est le héros d’une bande dessinée mythique créée en 1986 par Tiziano Sclavi. Source d’inspiration majeure du cultissime Dellamorte Dellamore de Michele Soavi, ce comic book italien n’avait encore connu aucune adaptation cinématographique officielle, jusqu’à ce que Kevin Munroe ne s’en empare. Et c’est Brandon Routh, ex-justicier en collants bleus de Superman Returns, qui endosse le costume sombre et la chemise rouge de ce gardien des forces obscures. L’intrigue se situe au cœur de la Nouvelle Orléans. La population ignore qu’elle côtoie quotidiennement des vampires, des loups-garous, des goules et des zombies. Jadis, le mortel Dylan Dog s’efforçait de maintenir l’équilibre entre les communautés, évitant tout incident susceptible de provoquer une guerre des clans. Le trépas soudain de sa fiancée marqua la fin de ses activités occultes. Le voilà reconverti en détective privé classique spécialisé dans la chasse aux maris infidèles. Mais lorsque son meilleur ami est sauvagement assassiné par un loup-garou, notre héros décide de reprendre du service.

Impeccable dans le rôle-titre, Brandon Routh s’efforce d’amorcer en douceur sa reconversion post-Superman, au sein d’un film troquant la noirceur de son propos contre un second degré quasi-permanent. Les chefs de clans des lycanthropes et des vampires sont respectivement incarnés par Peter Stormare et Taye Diggs. Si la rivalité séculaire qui oppose les deux races obéit à un principe classique, la réinsertion de ces créatures dans un cadre urbain participe de l’originalité de Dylan Dog. Ainsi les loups-garous s’apparentent-ils à une famille mafieuse reconvertie dans la boucherie en gros, tandis que les suceurs de sang fonctionnent selon la hiérarchie d’un gang moderne. Assumant son statut semi-parodique, le long-métrage de Kevin Munroe regorge d’idées folles, comme le cercle des zombies anonymes qui se réunit pour échanger sur les problèmes quotidiens engendrés par la difficile condition de cadavre ambulant, ou encore le magasin de pièces détachées qui propose aux morts-vivants des membres de rechange en provenance des morgues voisines.

Le cœur de Bélial

Bientôt, toutes les convoitises convergent vers « le cœur de Bélial », un artefact antique en forme de croix qui contiendrait du sang ayant appartenu au vénérable démon. D’où l’apparition en fin de métrage d’une superbe bête possédant tous les attributs démoniaques : un faciès hideux et grimaçant, un front cornu, des griffes acérées et de gigantesques ailes membraneuses. Le film regorge d’ailleurs de créatures héritées du patrimoine classique du genre : vampires, loups-garous, goules, zombies. Le plus marquant d’entre eux est probablement ce mort-vivant massif comme un catcheur et arborant une abominable figure bestiale aux dents proéminentes. Ce festival de monstres ne bénéficie malheureusement pas d’un scénario très passionnant, d’autant que le héros s’y promène avec une désinvolture qu’il finit par communiquer au spectateur. Dylan Dog ne marquera donc pas durablement les mémoires, mais le spectacle y est rafraîchissant et l’on ne s’y ennuie pas l’ombre d’une seconde.

© Gilles Penso

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THE DIVIDE (2011)

Xavier Gens concocte outre-Atlantique un huis-clos post-apocalyptique particulièrement oppressant

THE DIVIDE

2011 – USA

Réalisé par Xavier Gens

Avec Lauren German, Michael Biehn, Milo Ventimiglia, Courntney B. Vance, Ashton Holmes, Rosanna Arquette, Ivan Gonzalez 

THEMA FUTUR I CATASTROPHES

Xavier Gens s’est fait connaître avec Frontière(s), un survival gore sous l’influence de Tobe Hooper et John Boorman, et Hitman, un thriller musclé qui lui ouvrit les portes hollywoodiennes. Avec The Divide, il s’attaque à un sous-genre populaire du cinéma de science-fiction : le film post-apocalyptique. Le prologue, spectaculaire et très graphique, est soutenu par des effets visuels remarquables. On y découvre rien moins que la destruction de New York par une série de déflagrations cataclysmiques. Sans explications, le monde s’effondre en un immense brasier, les cieux s’empourprent d’une nuée d’averses radioactives, et la population, terrifiée, se disperse en hurlant. Au milieu du chaos, huit habitants d’un immeuble de Manhattan trouvent refuge dans l’abri anti-atomique de leur gardien, se calfeutrent pour éviter les retombées toxiques, se rationnent comme ils peuvent et prennent leur mal en patience…

Le huis-clos induit par cette situation de crise ménage de beaux moments de tension, chacun se jaugeant avec une certaine méfiance. Visiblement très impliquée, la petite troupe de comédiens que dirige Gens est dominée par un Michael Biehn en grande forme. Un cigare vissé à la bouche, les cheveux en bataille, le regard un peu fou, l’ex-acteur fétiche de James Cameron s’érige ici en meneur de troupes autoritaire et paranoïaque. A fleur de peau, Rosanna Arquette incarne quant à elle une mère de famille qui perd progressivement pied avec la réalité et régresse quasiment à l’état bestial. A leurs côtés, Milo Ventimiglia casse l’image de jeune premier valeureux qu’il véhiculait dans la série Heroes pour entrer dans la peau d’un personnage aux facettes multiples. Rapidement, un rebondissement inattendu ouvre une piste nouvelle et nous laisse entrevoir le monde extérieur. Intrigante, cette péripétie survient sans doute trop tôt, car Xavier Gens use une à une toutes ses cartouches et se retrouve, comme ses protagonistes, coincé dans une situation aux possibilités de plus en plus limitées.

L'enfer, c'est les autres

Faute de parvenir à explorer toutes les voies scénaristiques offertes par son postulat claustrophobique, le film trouve refuge dans le glauque, le violent, le sordide… Gens n’en est pas à son coup d’essai en ce domaine (Frontière(s) en témoigne), mais l’on finit par se demander si cette accumulation d’hystérie, de tortures, de sang, de viols et de déviances en tout genre n’est pas une espèce de signature du cinéaste, masquant une manifeste incapacité à transcender une situation d’enfermement forcée. En pareille circonstance, Vincenzo Natali avait su nous éblouir avec les trouvailles de Cube. Certes, l’axiome cher à Jean-Paul Sartres, selon lequel « l’enfer, c’est les autres », s’illustre dans toute sa trivialité dans The Divide. Mais l’exercice finit par sembler vain, et les personnages auxquels on souhaitait s’attacher finissent par nous indifférer, y compris la belle héroïne incarnée avec charisme par Lauren German. Ce constat est d’autant plus regrettable que Xavier Gens démontre un indéniable talent dans le registre de la poésie visuelle désenchantée et surréaliste, comme en attestent les dernières images du métrage.

© Gilles Penso

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