ENTER THE VOID (2009)

Gaspar Noé nous invite à une expérience sensorielle unique en transportant ses protagonistes au seuil de la mort

ENTER THE VOID

2009 – FRANCE / ALLEMAGNE / ITALIE

Réalisé par Gaspar Noé

Avec Nathaniel Brown, Paz de la Huerta, Cyril Roy,Emily Alyn Lind, Jesse Huhn, Olly Alexander, Masato Tanno

THEMA MORT

Un film de Gaspar Noé est toujours un choc. Provocateur, diviseur d’opinions, expérimentateur, le jeune réalisateur ne laisse jamais indifférent. Pourtant, Enter the Void marque une certaine rupture avec ses œuvres précédentes. Car si Carne, Seul contre Tous et Irréversible étaient des films « coup de poing » jouant avec le seuil de tolérance des spectateurs en exposant des séquences de violence crues parfois à la limite du supportable, Enter the Void se veut moins agressif. Pour autant, Noé n’adoucit pas son style, osant une poignée de scènes organiques que les films pornographiques les plus extrêmes n’ont jamais montré, et poussant le traitement visuel au point de faire de son long-métrage l’un des défis technologiques les plus fous jamais tentés à l’écran. « Nous savions, en lisant le scénario de Gaspar Noé, que la plupart des images de son film allaient passer par un traitement numérique », explique Geoffrey Niquet, superviseur des effets visuels pour la société Buf. « Et au final, toutes les images du film sont truquées, ce qui représente une masse de travail considérable par rapport à un budget de film d’auteur. Si Buf n’était pas entré en coproduction, le devis des effets spéciaux aurait été tellement énorme que le film n’aurait pas pu se monter. » (1) Dès le générique de début, le ton est donné : sur une musique électronique au tempo endiablé, les noms de tous les membres de l’équipe du film s’enchaînent à une vitesse supersonique, adoptant des typos, des polices et des couleurs radicalement différentes, une entrée en matière qui annonce une volonté manifeste de ne pas entrer dans le rang.

L’histoire de Enter the Void est celle d’Oscar et Linda, un frère et une sœur marqués par la mort tragique de leurs parents dans un accident de voiture. Expatriés au Japon, ils gagnent leur vie en errant dans les bas-fonds, lui comme dealer, elle comme strip-teaseuse. Mais un jour Oscar, traqué par la police, est touché par une balle. Entre la vie et la mort, il connaît une expérience extra-corporelle qui va le faire voyager entre le présent et le passé, la réalité et l’hallucination, à travers plusieurs niveaux de conscience… En perpétuelle élévation, flottant au-dessus des décors et des personnages, la caméra de Gaspar Noé nous invite à un trip hallucinogène inédit, mixage de prises de vues réelles, d’effets numériques complexes et d’images de synthèse photoréalistes.

Voyage métaphysique

Mais ce voyage métaphysique ne serait qu’une belle expérience picturale si les comédiens ne donnaient pas autant de leur personne. En ce sens, la prestation de Paz de la Huerta, dans le rôle de Linda, est impressionnante. A fleur de peau, n’hésitant jamais à prêter son corps aux séquences les plus extrêmes et les plus crues, elle porte une grosse partie de l’impact du film sur ses épaules, jusqu’à une séquence finale incroyable faisant écho au Livre des Morts tibétain cité dès les premiers dialogues de ce long-métrage décidément atypique. Sans doute manque-t-il à Enter the Void une dimension « affective ». Car en optant pour des angles de vue délibérément atypiques (100% subjectif, derrière la nuque d’Oscar, en plongée totale), Gaspar Noé nous incite à un recul permanent qui ne gêne certes pas l’expérience sensorielle mais empêche en revanche une pleine empathie avec les protagonistes. Incapables de croiser leurs regards, les spectateurs passent à côté de l’implication émotionnelle nécessaire à un phénomène d’identification. Nous suivons donc ce récit aérien avec intérêt mais sans passion, et au bout de 150 minutes, le temps finit par sembler long. Mais comment ne pas saluer le courage et le grain de folie d’un réalisateur s’efforçant de repousser sans cesse les limites des règles filmiques habituelles pour imposer un univers résolument personnel ?

 

(1) Propos recueillis par votre serviteur en avril 2010

 

© Gilles Penso 

Partagez cet article

IRON MAN 2 (2010)

Jon Favreau ne parvient pas à retrouver le juste équilibre du premier Iron Man et peine à construire un film cohérent

IRON MAN 2

2010 – USA

Réalisé par Jon Favreau

Avec Robert Downey Jr, Don Cheadle, Scarlett Johansson, Mickey Rourke, Gwyneth Paltrow, Sam Rockwell, Samuel L. Jackson

THEMA SUPER-HEROS I SAGA IRON MAN I AVENGERS I MARVEL

L’excellente surprise qu’avait suscitée le premier Iron Man s’était soldée par un score triomphal au box-office et un accueil enthousiaste des fans du comic book original. En toute logique, le super-héros en armure a donc droit à une seconde aventure réunissant le même casting (à l’exception de Terrence Howard, remplacé au pied levé par Don Cheadle après des désaccords avec la production) et intégrant de nouveaux visages. Parmi ces derniers, on retiendra notamment Mickey Rourke, fort impressionnant (mais très sous-exploité) dans le rôle du super-vilain de service, et Scarlett Johansson, joliment moulée dans la combinaison noire de l’agent secret Natasha Romanov (que les familiers de l’univers Marvel connaissent sous le nom de Veuve Noire). Tout ce petit monde s’anime dans un scénario un peu fourre-tout signé Justin Théroux (Tonnerre sous les Tropiques) qui puise beaucoup d’idées dans le film précédent (ainsi que dans Robocop 2) sans vraiment parvenir à renouveler les problématiques de ses protagonistes. Car en affirmant au monde entier qu’il était Iron Man, Tony Stark (Robert Downey Jr, toujours en très grande forme) perd l’un des atouts dramatiques inhérents au quotidien des justiciers masqués : la double identité.

Privé de cet enjeu, le personnage cultive le narcissisme, l’autodestruction et l’irresponsabilité, jusqu’à une tardive mais salutaire rédemption, mais ne parvient pas vraiment à s’attirer la sympathie de spectateurs finalement peu concernés par ses problèmes d’égo. Pour résumer l’intrigue, disons que Justin Hammer (Sam Rockwell en totale roue libre), un marchand d’armes concurrent de Stark, décide de le battre sur son propre terrain en engageant deux hommes de poids : le colonel Rhodes (Cheadle), fâché avec son ancien partenaire au point de lui avoir subtilisé une de ses armures, et Ivan Vanko (Rourke), un ancien ingénieur russe ayant juré la perte de Tony (à cause d’une sombre histoire de rivalités remontant à la génération de leurs parents respectifs). Îvre de vengeance, Vanko détourne à ses propres fins tout le matériel d’Hammer et lance à l’attaque d’Iron Man une nuée de robots armés jusqu’aux dents…

Parodie involontaire

Les personnages ne parvenant guère à nous captiver outre mesure (leurs motivations sont généralement floues, leurs revirements très artificiels, leurs évolutions modérément palpitantes), une grande partie de l’impact d’Iron Man 2 s’évapore. Même dans le domaine des scènes d’action, Jon Favreau fait preuve d’une certaine maladresse, comme si la grâce des combats du film précédent était le fruit d’un heureux hasard. Car à l’exception de la première attaque de Vanko en pleine course automobile monégasque, particulièrement réussie, rien de bien consistant n’attend le public. La frénésie des chorégraphies les rend bien souvent illisibles (voir le pugilat final contre l’armée de robots) quand leur déroulement ne frise pas la parodie involontaire (l’affrontement de l’agent Romanov contre les hommes de main de Hammer semble presque extrait d’un Hot Shots ou d’un Austin Powers !). Bref, ce second épisode déçoit, surtout au regard de son réjouissant modèle, même si l’amateur appréciera les nouvelles pièces du puzzle qui annoncent un futur film choral mêlant entre autres Iron Man, Hulk, Captain America et Thor…

 

© Gilles Penso

À découvrir dans le même genre…

 

Pour en savoir plus

Partagez cet article

HALLOWEEN 2 (2009)

Rob Zombie s'affranchit de l'influence de John Carpenter avec cette séquelle très surprenante

HALLOWEEN 2

2009 – USA

Réalisé par Rob Zombie

Avec Scout Taylor-Compton, Brad Dourif, Malcolm McDowell, Tyler Mane, Sheri Moon Zombie, Chase Wright Vanek, Caroline Williams

THEMA TUEURS I SAGA HALLOWEEN

Le premier Halloween de Rob Zombie nous avait laissé une impression mitigée, son extraordinaire première partie s’enchaînant avec une seconde moitié se démarquant sans invention du film originel de John Carpenter. Aux commandes de la séquelle, le réalisateur de The Devil’s Rejects ne se laisse plus brider par le moindre impératif commercial et signe une œuvre extrêmement personnelle, quitte à froisser les dirigeants du studio et le public qui espéraient un slasher plus traditionnel. Zombie joue d’ailleurs la carte du faux départ en faisant démarrer son Halloween 2 comme un remake du film homonyme réalisé en 1981 par Rick Rosenthal. Suite aux événements du film précédent, Laurie Strode est donc transportée d’urgence à l’hôpital, tandis que Michael Myers, que l’on croyait mort, prend la fuite en semant les cadavres sur son chemin puis revient harceler la jeune fille… Mais tout ça n’est qu’un cauchemar (très efficace en terme d’angoisse et d’épouvante, et tout à fait dans l’esprit de Carpenter), et le film redémarre réellement quelque vingt minutes plus tard. Là, nous découvrons quelles conséquences ont eu les événements du premier Halloween sur les personnages centraux du drame. Laurie Strode, la gentille et chaste baby-sitter, s’est muée en bad girl balafrée qui tapisse sa chambre de posters d’Alice Cooper, arbore des looks punk-rock et débite un « fuck » tous les trois mots.

Cette métamorphose physique et psychologique, avouons-le, est extrêmement caricaturale, et demeure l’un des seuls vrais points faibles du film, d’autant que Scout Taylor-Compton demeure une énorme erreur de casting (Jocelin Donahue, l’héroïne de The House of the Devil, eut été une parfaite Laurie Strode). Le docteur Loomis, quant à lui, s’est mué en véritable superstar. Auteur d’un best-seller sur le « cas » Michael Myers, conférencier, invité de plateaux télévisés, il a troqué sa bienveillance humaniste contre une arrogance égocentrique que Malcolm McDowell joue à la perfection, dotant chacune de ses apparitions d’une saveur indéniable. Quant à notre tueur masqué, il nage en plein œdipe, errant comme une âme en peine, accompagné de trois figures métaphoriques et éthérées : lui-même encore enfant, sa mère aux allures angéliques et un cheval blanc faussement apaisant.

Michael Myers retrouve un peu d'humanité

S’il continue à tuer avec une violence inouïe (Zombie n’a pas son pareil pour décrire les meurtres les plus dérangeants et les plus brutaux) et si sa force n’a rien à envier à celle de Hulk, Michael Myers retrouve ici l’humanité que la fin du précédent Halloween lui faisait perdre. Ce n’est plus une simple machine à tuer mais un homme au cerveau profondément dérangé. Rob Zombie opte pour une approche psychanalytique frontale, ose (ô sacrilège) montrer son tueur sans son masque et même lui délier furtivement la langue, le temps d’un « die ! » qu’il crie à l’attention de son ultime victime. Cette approche a certes de quoi désarçonner les familiers de la saga Halloween, mais une originalité rafraîchissante s’en dégage, hissant probablement cet opus parmi les meilleurs de toute la série. Les producteurs, eux, ne l’entendirent pas de cette oreille et s’empressèrent d’engager Patrick Lussier pour un Halloween 3D qui ne vit finalement jamais le jour.

 

© Gilles Penso

Partagez cet article

LA COMTESSE (2009)

Des deux côtés de la caméra, Julie Delpy réinvente la tristement célèbre comtesse Bathory adepte de toilettes sanglantes

THE COUNTESS

2009 – ALLEMAGNE / FRANCE

Réalisé par Julie Delpy

Avec Julie Delpy, Daniel Brühl, William Hurt, Anamaria Marinca, Sebastian Blomberg, Charly Hübner, Anna Maria Mühe

THEMA VAMPIRES

Les mœurs dépravées et les exactions sanglantes de la comtesse Bathory, figure prédominante de l’aristocratie hongroise du seizième siècle, ont alimenté moult débats et inspiré bien des œuvres littéraires et cinématographiques. Mais qui était réellement Erzsébet Bathory ? Un vampire se baignant dans le sang de centaines de vierges pour goûter aux joies de la jeunesse éternelle, ou une femme de pouvoir victime d’une machination visant à faire vaciller son règne et spolier sa fortune ? Nul ne le saura vraiment puisque, comme l’explique la voix off introduisant La Comtesse, « l’histoire est écrite par les vainqueurs ». Or la fière aristocrate perdit ses droits et sa vie à l’issue d’un procès historique, laissant à ses ennemis le loisir de la décrire sous des traits forcément désavantageux. C’est à ce personnage ambigu et passionnant que Julie Delpy a décidé de s’attacher pour son second long-métrage en tant que réalisatrice, trois ans après la comédie romantique Two Days in Paris. « S’attacher » est le terme approprié, car si la cruauté, la froideur et la folie d’Erzsébet Bathory nous sont ici exposées sans fard, le scénario laisse aussi une part belle à ses failles, ses faiblesses, ses frustrations et ses tourments.

La Comtesse est d’ailleurs une histoire d’amour tragique, l’aristocrate s’amourachant d’un homme beaucoup plus jeune qu’elle, Istvan Thurzo (Daniel Brühl). Or le père du jeune homme (William Hurt) brise cette union et provoque la lente descente aux enfers de la comtesse. Cette dernière est désormais obsédée par le rajeunissement. Après avoir battu une de ses servantes, elle se persuade que la projection du sang de la malheureuse sur son visage efface ses rides. Dès lors, elle fait saigner toutes les vierges qui sont à sa portée pour s’appliquer quotidiennement de macabres crèmes de soin… Le sang des vierges permet-il réellement à la comtesse de rajeunir ? Sur ce point, le film se prononce ouvertement : il s’agit d’une affabulation née d’une déception amoureuse ayant tourné à la folie. En ce qui concerne la véracité des méfaits sanglants d’Erzsébet, chacun sera libre d’y croire ou de préférer la théorie du complot, moins « romantique » mais probablement plus crédible.

La femme-orchestre

Véritable femme-orchestre, Julie Delpy porte son film à bout de bras, incarnant avec intensité le rôle-titre, assurant elle-même la mise en scène, l’écriture du scénario mais aussi la composition d’une bande originale tour à tour teintée d’inquiétude, de menace et de tristesse. Quelques faiblesses altèrent un peu l’impact de La Comtesse, notamment une voix-off souvent redondante et une narration un tantinet linéaire. Mais la facture impeccable du film, la crudité des séquences sanglantes, le réalisme de la reconstitution historique et la justesse des comédiens en font l’un des meilleurs « biopics » consacrés à Erzsébet Bathory. « J’apprécie autant les comédies que les films de Mario Bava et Georges Franju, les films dits “de genre“ mais aussi les drames », explique la réalisatrice. « Je n’avais pas envie de me cantonner à un seul style de film. La Comtesse tient autant du drame grec que du film d’horreur, avec quelques éléments épiques et romantiques. » (1)

 

(1) Propos recueillis par votre serviteur en mars 2010

 

© Gilles Penso

Partagez cet article

LE CHOC DES TITANS (2010)

Malgré toute la bonne volonté de Louis Leterrier, ce remake à grande échelle peine à retrouver la magie naïve de son modèle

CLASH OF THE TITANS

2010 – USA

Réalisé par Louis Leterrier

Avec Sam Worthington, Liam Neeson, Ralph Fiennes, Jason Flemyng, Gemma Arterton, Alexa Davalos, Mads Mikkelsen

THEMA MYTHOLOGIE

Fan du Choc des Titans original depuis son enfance et chouchou des grands studios grâce au succès de L’Incroyable Hulk, Louis Leterrier s’attaqua à ce remake après le désistement de Stephen Norrington (Blade). Rasé de près comme un G.I. anachronique, Sam Worthington incarne Persée, fils de Zeus et d’une mortelle dont la famille d’adoption fut massacrée à cause du dieu des enfers Hadès. Îvre de vengeance, il mène une troupe de soldats aux confins du monde pour trouver le moyen de détruire le Kraken, un monstre abominable créé par Hadès. Si Persée et ses hommes échouent, le Kraken ravagera la cité d’Argos, à moins que la belle princesse Andromède ne soit livrée à ses appétits.

La trame principale du premier Choc des Titans a donc été respectée, mais les motivations des protagonistes ont considérablement évolué. Car si le Persée de 1981, amoureux d’Andromède, acceptait sagement l’aide de Zeus pour sauver sa dulcinée, celui de 2010 est un homme en colère. La princesse en péril n’est qu’un prétexte, sa quête prenant la tournure d’une crise d’adolescence tardive. Persée refuse en effet l’autorité parentale pour pouvoir s’affirmer en tant qu’homme. Rejetant la part de divinité qui coule dans ses veines, il lutte contre les obstacles dressés sur sa route mais aussi contre sa propre dualité. Ce thème passionnant s’efface hélas sous les traits bruts d’un scénario qu’on eut aimé moins mécanique. A ce titre, les interventions artificielles de la demi-déesse Io (Gemma Arterton) et des exaspérants faire-valoir comiques incarnés par Ashraf Barhom et Mouloud Achour laissent perplexe.

Un Kraken très impressionnant

Ces réserves à part, il faut reconnaître à Louis Leterrier un indéniable savoir-faire dans le domaine du grand spectacle. La quasi-totalité du bestiaire imaginé en 1980 par Ray Harryhausen est de retour, relooké par le designer Aaron Sims (Je suis une légende). Les gigantesques scorpions bénéficient ici d’un hyperréalisme étourdissant, les sorcières du Styx et le nocher des enfers Charon arborent d’hideux faciès qui semblent empruntés à l’univers de Guillermo del Toro, le cheval Pégase s’élance dans les airs avec la même grâce que son aîné (même si ici, bizarrement, son pelage a viré au noir) et la femme serpent Méduse préside une belle scène de suspense, rampant à vive allure autour de ses victimes pour mieux les piéger. Certes, plusieurs maladresses entravent l’impact des monstres, notamment le montage épileptique du combat contre les scorpions qui rend la plupart des actions illisibles, ou la texture numérique peu réaliste de la Méduse, calquée sur le corps du top model Natalia Vodianova. Mais l’ampleur du spectacle n’en souffre pas outre-mesure. Le morceau de bravoure du film réside cependant dans son climax, l’intervention du Kraken coupant le souffle grâce au magnifique design de la créature mais aussi à la démesure de son anatomie tentaculaire n’en finissant plus d’émerger des flots. Perfectible mais très divertissant, ce Choc des Titans remplit donc son cahier des charges, nous offrant au passage quelques seconds rôles prestigieux tels que Liam Neeson, Ralph Fiennes, Pete Postlethwaite et Mads Mikkelsen.  

 

© Gilles Penso

Partagez cet article

DANS TON SOMMEIL (2009)

Anne Parillaud incarne une femme meurtrie confrontée à un tueur psychopathe au visage désespérément humain

DANS TON SOMMEIL

2009 – FRANCE

Réalisé par Caroline et Eric du Potet

Avec Anne Parillaud, Arthur Dupont, Thierry Frémont, Jean-Hugues Anglade

THEMA TUEURS

Dans ton sommeil commence par un clin d’œil que les cinéphiles apprécieront probablement. Anne Parillaud et Jean-Hugues Anglade reforment en effet le couple qu’ils interprétaient vingt ans plus tôt dans le mythique Nikita de Luc Besson. Mais cette fois-ci, le ton a changé. Oubliée l’idylle glamour entre une tueuse et un caissier sur fond de scènes d’action explosives. Les deux comédiens, en demi-mesure, incarnent ici deux époux tranquillement installés dans la campagne profonde, s’efforçant de renouer le dialogue avec un fils en pleine crise d’adolescence. Lorsque ce dernier meurt brutalement sous ses yeux, Sarah (Anne Parillaud) devient l’ombre d’elle-même. Leur couple n’y survit pas, et notre héroïne erre comme une âme en peine dans les couloirs de l’hôpital où elle travaille comme infirmière. Une nuit, sa voiture percute Arthur (Arthur Dupont), un adolescent qui a sensiblement le même âge que son défunt fils. Alors qu’elle l’emmène chez elle pour le soigner, ils sont pris en chasse par un mystérieux tueur (Thierry Frémont) qui semble prêt à tout pour les massacrer…

Il faut avouer que Dans ton sommeil part avec un sérieux handicap. La réalisation sans éclat et le jeu très approximatif des comédiens nous laissent en effet imaginer le pire, comme si les réalisateurs duettistes peinaient à mettre en forme leur sujet avec la rigueur et la maîtrise nécessaires. Peu convaincus par la teneur de l’intrigue à cause de ces sérieuses carences formelles, nous sommes brutalement secoués par une véritable claque narrative qui remet tout en question et dote aussitôt le film d’un vif intérêt que nous n’espérions plus. Car au bout d’un quart de métrage, un coup de théâtre imprévu fait rebondir l’intrigue avec l’effet d’un électrochoc. Ce que nous pensions comprendre n’est qu’apparence, et le manque de conviction et de cohérence de certains personnages s’explique soudain. Non content de bouleverser le fil du scénario, ce « twist » s’avère extrêmement violent, sur le fond comme sur la forme, et met nos nerfs à rude épreuve. Lorsque le film reprend son cours après cette sanglante parenthèse, le spectateur se prépare au pire et le film prend une tout autre dimension.

Une pulsion incontrôlable

« Il me semble très important de parrainer ce type de film, parce que c’est le cinéma de demain », affirme Anne Parillaud, dont l’implication dans le film a permis son montage financier. « Il faut absolument ouvrir l’éventail et laisser de la place à ces jeunes metteurs en scène qui ont des choses à dire et qui sont prometteurs. Si des acteurs confirmés ne participent pas à ces œuvres-là, nous risquons de passer à côté de quelque chose. Ce serait dommage. Accompagner les premiers pas de réalisateurs, partager leur innocence et leur virginité, ce sont des moments très forts. » (1) Certes, de nombreuses maladresses probablement imputables à la jeune expérience de Caroline et Eric du Potet continuent à amenuiser l’efficacité du récit, mais il faut reconnaître que Dans ton sommeil ne manque pas d’impact et sait osciller de façon troublante entre le drame intimiste, le thriller et le film d’horreur. La froideur des crimes évoque par moment le Michael Haneke de Funny Games, si ce n’est que le tueur n’appréhende jamais ici ses exactions comme un divertissement. Il s’agit d’une pulsion incontrôlable, motivée par de sérieuses carences émotionnelles qui nous renvoient – toutes proportions gardées bien sûr – au psychopathe du Sixième sens de Michael Mann. Dans ton sommeil est très largement perfectible et risque d’en agacer plus d’un à cause du manque de naturel de la plupart de ses dialogues, mais il présente le mérite d’évacuer toute facilité et de trotter longtemps dans la tête des spectateurs après son image finale, dont la poésie macabre n’est pas sans rappeler « Le dormeur du val » d’Arthur Rimbaud.


(1) Propos recueillis par votre serviteur en janvier 2009

 

© Gilles Penso

Partagez cet article

CHARLIE ET LA CHOCOLATERIE (2005)

Tim Burton retombe en enfance avec cette adaptation luxueuse du classique de Roald Dahl

CHARLIE AND THE CHOCOLATE FACTORY

2005 – USA

Réalisé par Tim Burton

Avec Johnny Depp, Freddie Highmore, David Kelly, Helena Bonham Carter, Noah Taylor, Deep Roy, Christopher Lee

THEMA CONTES I SAGA TIM BURTON

Si Big Fish annonçait un grisant retour aux sources pour Tim Burton, Charlie et la chocolaterie le confirme avec éclat. Osons le dithyrambe : cette relecture de l’œuvre de Roald Dahl est une merveille, exaltant tout ce qui fit le succès de BeetlejuiceEdward aux mains d’argent et L’Etrange Noël de monsieur Jack. On y trouve la poésie surréaliste de son auteur, son goût pour l’exubérance ultra-colorée, son rejet en bloc du réalisme moderne, son apologie des êtres originaux et différents et son permanent sens de l’ironie. Charlie Bucket (Freddie Highmore) est un enfant issu d’une famille pauvre entassée dans une petite bicoque tordue. Travaillant pour subvenir aux besoins des siens, il doit économiser chaque penny et ne peut s’offrir les friandises dont raffolent les enfants de son âge. Pour obtenir son comptant de sucreries, il participe à un concours organisé par le mystérieux Willy Wonka, propriétaire de l’imposante fabrique de chocolat qui surplombe la ville. Celui qui découvrira l’un des cinq tickets d’or que Wonka a caché dans les barres de chocolat de sa fabrication pourra visiter chaque recoin de l’usine, habitée par une peuplade de créatures étranges baptisées les Oompas Loompas…

Charlie et la chocolaterie nous émerveille sans cesse, nous fait rire souvent, nous émeut même parfois, car sans larmoyance ni démagogie, le film délivre au détour de ses outrances un plaidoyer pour la générosité et l’optimisme. On a beau apprécier à sa juste valeur la version de 1971, ce Charlie s’impose comme l’adaptation ultime du célèbre classique de la littérature enfantine. Le pari n’était guère aisé, même si toutes les thématiques du texte initial collent à merveille à l’univers de Tim Burton, comme si son mariage avec Dahl avait toujours été une évidence. Après tout, Spielberg ne s’était-il pas cassé les dents avec un Peter Pan qui semblait lui aussi taillé sur mesure ? Stimulés par l’inventivité foisonnante de Burton, ses collaborateurs se sont ici surpassés. « Ses films m’inspirent », dit à ce titre Johnny Depp. « Malgré la pression, il n’a pas changé, ne s’est pas laissé influencer. Les artistes de cette trempe sont rares aujourd’hui à Hollywood. » (1)

Johnny Depp doux-dingue

Le comédien nous livre ici une performance surprenante de doux-dingue hérité d’Ed Wood et Benny and June, Danny Elfman retrouve enfin toute sa verve musicale en mixant partition flamboyante et chansons parodiques, et le génial chef décorateur Alex McDowell (The CrowMinority Report) adapte son savoir-faire aux proportions colossales de l’entreprise. « Ce film est probablement le plus complexe de toute ma carrière », avoue-t-il. « Nous avons occupé l’intégralité des studios de Pinewood, y compris le fameux plateau 007, qui est le plus grand d’Europe. Le décor de la rivière en chocolat mesurait 60 mètres de long sur 35 de large, et nous avons dû utiliser un bon million de litres de faux chocolat, créé avec du colorant alimentaire et de l’additif épaississant. » (2) Bien entendu, ce régal cinématographique ne se déguste à belles dents qu’à condition de troquer son regard adulte contre des yeux d’enfant. C’est là toute la richesse des meilleures œuvres de Burton.

 

(1) Propos recueillis par votre serviteur en janvier 2008

(2) Propos recueillis par votre serviteur en juillet 2005

 

© Gilles Penso

Partagez cet article

BIG FISH (2003)

En entremêlant étroitement la fantaisie et la réalité, Tim Burton raconte de manière symbolique la relation conflictuelle qu'il vécut lui-même avec son père

BIG FISH

2003 – USA

Réalisé par Tim Burton

Avec Ewan McGregor, Albert Finney, Billy Crudup, Jessica Lange, Alison Lohman, Marion Cotillard, Helena Bonham Carter

THEMA CONTES I SAGA TIM BURTON

Après le cynique Mars Attacks !, le désabusé Sleepy Hollow et l’impersonnel Planète des singes, on croyait Tim Burton définitivement perdu dans les abîmes d’un cinéma hollywoodien anonyme. Mais ô joie, ce Big Fish nous réconcilie avec le poète qui osa porter à l’écran BeetlejuiceEdward aux mains d’argent et Ed Wood. Sans atteindre l’extravagante beauté de ces pures merveilles, Big Fish s’inscrit dans leur continuité, avec la même naïveté, le même sens de l’absurde et la même démesure. Oscillant en permanence entre le réalisme brut et le fantastique onirique, le scénario prend pour protagoniste Edward Bloom, un homme à l’article de la mort qui reçoit la visite de Will, son fils désormais adulte, marié et bientôt père de famille. Longtemps fâchés, les deux hommes tentent de renouer un ultime contact. Will en profite pour essayer de savoir enfin qui est réellement son père.

Car celui-ci a toujours raconté sa propre vie sous la forme d’un conte de fée extravagant, dans lequel il aurait côtoyé une sorcière borgne, un géant affamé, un bateleur loup-garou, deux sœurs siamoises chanteuses de cabaret, des sirènes, des araignées sauteuses et des poissons géants. Au fil des saynettes surréalistes qui narrent la vie romancée d’Edward Bloom, le film renoue avec l’une des thématiques récurrentes de Burton, le charme des êtres hors norme, et évoque les meilleures folies de Terry Gilliam, période Bandits BanditsBrazil et Les Aventures du Baron de Münchausen. Mais Big Fish ne serait qu’une belle prouesse artistique et visuelle s’il se contentait d’aligner les tableaux fantasmagoriques, exercice dans lequel Burton a prouvé à maintes reprises qu’il était passé maître, le fleuron en la matière étant probablement L’Etrange Noël de monsieur Jack.

Deux acteurs pour un seul rôle

Or la force du film réside surtout dans la relation entre Edward et son père, dans ce gigantesque fossé qui s’est peu à peu creusé entre eux et qu’il semble impossible de combler en si peu de temps, alors que l’heure tourne et que les jours sont comptés. La portion « réaliste » du film s’orne des interprétations pleines de grâce d’une Jessica Lange dans la force de l’âge qui n’a rien perdu de sa beauté et d’une Marion Cotillard surprenante en tel contexte, qui apporte une « french touch » exotique du plus bel effet. Il faut aussi saluer l’incroyable performance des deux hommes qui donnent leur visage à Edward Bloom : Ewan McGregor, jovial et sautillant dans les jeunes années fantasmées, et Albert Finney, malicieux et l’œil rieur dans les derniers jours. « Au lieu de dissocier la réalité et le rêve, j’ai toujours pensé qu’il était plus intéressant d’utiliser le monde de la fantaisie et de l’imagination pour mieux explorer le monde réel » (1), explique Tim Burton, résumant en quelques mots le propos de Big Fish et de la majeure partie de son œuvre. Seule ombre au tableau : une partition un peu fade de Danny Elfman, efficace, certes, mais sans saveur. Comme si ce descendant moderne de Tchaïkovski et Saint-Saëns avait fait le tour de ses expérimentations musicales, de ses violons tziganes, de ses chœurs aériens, de ses basses bancales et de ses boîtes à musique lancinantes, sans parvenir désormais à se renouveler. Fort heureusement, la suite de sa filmographie nous prouvera le contraire. Burton, quant à lui, trouvera là un nouveau souffle salvateur, redorant son blason et enchaînant avec un savoureux Charlie et la chocolaterie qui, lui aussi, utilisera le conte de fée pour narrer les aléas complexes d’une relation entre un père (symbolique celui-ci) et son fils.

 

(1) Propos recueillis par votre serviteur en mars 2010

 

© Gilles Penso

Partagez cet article

ALICE AU PAYS DES MERVEILLES (2010)

En s'attaquant au conte de Lewis Carroll, Tim Burton semble se perdre en chemin, malgré la flamboyance picturale dont il dote son film

ALICE IN WONDERLAND

2010 – USA

Réalisé par Tim Burton

Avec Mia Wasikowska, Johnny Depp, Helena Bonham Carter, Crispin Glover, Anne Hathaway, Matt Lucas

THEMA CONTES I DRAGONS I SAGA TIM BURTON

Tim Burton et Alice au pays des merveilles : l’équation semblait logique, mais était-elle souhaitable ? Quand on se souvient du désastre artistique de Hook, résultat de la rencontre de Steven Spielberg avec son héros d’enfance Peter Pan, il était permis d’en douter. Un point commun relie d’ailleurs ces deux projets. Dans les deux cas, un long-métrage Disney sert de référence, et le scénario du film pend la forme d’une séquelle nous présentant le personnage principal devenu adulte pour s’immerger malgré lui dans l’univers fantastique de son enfance. Qu’on se rassure, les ressemblances s’arrêtent là. Car s’il est loin d’être le film le plus novateur et le plus personnel de Tim Burton, Alice au pays des merveilles se situe au-dessus du niveau du triste Hook.

L’héroïne a aujourd’hui 19 ans, et la voilà promise à un jeune homme profondément ennuyeux mais dont le statut aristocratique semble tout à fait convenable pour une jeune londonienne de l’époque victorienne. Au cours de la garden party organisée pour que le futur fiancé fasse sa demande officielle, Alice croit apercevoir un lapin en gilet qui court dans les fourrés. En le suivant, elle tombe dans un terrier, et la voilà replongée dans le Pays des Merveilles, celui qu’elle croyait onirique mais qui semble être un univers parallèle bien tangible. Là, la cruelle Reine Rouge (Helena Bonham Carter), flanquée de son valet Stayne (Crispin Glover), fait régner la terreur. Or selon les présages, Alice est la seule capable de renverser son règne pour permettre le retour de la Reine Blanche (Anne Hathaway). Aidée par toute une ménagerie loufoque et par le Chapelier Fou (Johnny Depp), elle se prépare donc à affronter l’arme ultime de la Reine Rouge, le redoutable dragon Jabberwocky…

Une étrange glorification du conformisme

D’un point de vue purement artistique, Alice au pays des merveilles est un spectacle inédit, porté par les dernières technologies en matière d’effets numériques et d’images de synthèse. Les animaux fantaisistes qui peuplent le Pays des Merveilles sont donc de toute beauté (avec une mention spéciale pour le fauve Bandersnatch, la chenille Absolem qui parle avec la voix doucereuse d’Alan Rickman et le Jabberwocky auquel Christopher Lee prête son timbre inimitable), tout comme certaines innovations délirantes telles que la tête surdimensionnée de la Reine Rouge ou le corps démesuré de Stayne. Mais sans vouloir donner dans le « bon vieux temps », l’époque où Burton disposait de moins de technologie et de plus de liberté, celle de Beetlejuice et d’Edward aux mains d’argent, semblait résolument plus inventive. Débarrassé de tous ses atours esthétiques, Alice au pays des merveilles ne raconte en effet rien de bien palpitant, et véhicule même des thématiques qui semblent contredire tout ce que le réalisateur d’Ed Wood semblait défendre jusqu’alors. Oubliés les sympathiques « freaks » qui défendent bec et ongle leur singularité face à une société trop uniforme. Ici, on célèbre la défaite des monstres et la victoire d’une reine conformiste jusqu’à la caricature. Bizarre. Il nous restera toujours, pour nous consoler, la sublime partition de Danny Elfman, bien plus émouvante et enivrante que le film lui-même.

 

© Gilles Penso

Partagez cet article

BEETLEJUICE (1988)

Une fois n'est pas coutume, Tim Burton nous raconte une histoire de maison hantée en adoptant le point de vue des fantômes

BEETLEJUICE

1988 – USA

Réalisé par Tim Burton

Avec Alec Baldwin, Geena Davis, Michael Keaton, Jeffrey Jones, Winona Ryder, Catherine O’Hara, Glenn Shadix

THEMA FANTÔMES I SAGA TIM BURTON

Bien qu’il traite d’un sujet familier, celui de la maison hantée, Beetlejuice ne ressemble à rien de connu. Adam et Barbara Maitland (Alec Baldwin et Geena Davis, pas encore têtes d’affiche à l’époque), jeunes mariés qui habitent une pittoresque maison au cœur du Connecticut, meurent dès le début du film dans un accident de voiture, en évitant un chien sur la route. Devenus fantômes, ils voient avec horreur leur maison envahie par les Deetz, une riche et bruyante famille new-yorkaise. A l’instar du « Fantôme inexpérimenté » imaginé par H.G. Wells, qui ne sait pas comment hanter une maison, les Maitland tentent en vain de chasser leurs envahisseurs. Ils demandent conseil à une vieille femme bien placée dans la hiérarchie de l’au-delà. Mises en pratique, les recettes destinées à se débarrasser des intrus échouent lamentablement. Ultime recours : l’exorciste hystérique Betelgeuse, alias Michael Keaton rendu méconnaissable sous un savant maquillage de Robert Short.

Une fois n’est pas coutume, le point de vue adopté est ici celui des fantômes. Nous n’avons donc pas affaire à une chasse aux fantômes mais bel et bien à une chasse aux humains, qui représentent les véritables intrus du film. Tim Burton a une vision très personnelle de la mort. Pour lui, l’au-delà est une administration kafkaïenne et multicolore où les trépassés, dans l’état où ils ont quitté la vie (un plongeur avec un requin en train de le dévorer, un explorateur à la tête réduite, une femme coupée en deux, un homme brûlé des pieds à la tête), attendent leur tour, un ticket à la main. Quant à la tâche ingrate des fonctionnaires, elle échoit aux suicidés. A ces géniales trouvailles scénaristiques se greffe une multitude d’idées visuelles concrétisées par des effets spéciaux parfois maladroits mais inventifs et pleins de charme. Leur supervision fut confiée à Alan Munro, ancien dessinateur de storyboards qui tomba d’accord avec le réalisateur sur l’emploi de techniques le plus souvent artisanales. L’animation image par image y occupe une place de choix, ce qui semble logique étant donnés l’attrait de Tim Burton pour ce mode d’expression, comme en témoigne son premier court-métrage Vincent.

L'au-delà selon Burton

Les spectateurs ébahis découvrent ainsi une rampe d’escalier se muant en serpent géant, des vers des sables titanesques (émules de ceux de Dune) rampant autour de la maison des Maitland ou encore des sculptures hideuses qui prennent soudain vie. « Tim Burton a essayé de retrouver l’esprit d’un dessin animé en réalisant Beetlejuice, et on peut dire qu’il a réussi son coup ! » (1), déclare à ce propos Doug Beswick, responsable des séquences d’animation Le délire bat donc son plein tout au long du film (au cours d’une séquence mythique, les habitants, hantés par les fantômes, chantent soudain le « Day O » de Harry Belafonte en plein repas) et la musique de Danny Elfman rythme l’ensemble de manière trépidante, imposant les gimmicks incontournables qui feront sa réputation (violon galopant, piano en contrepoint, chœurs enjoués). Même si la dernière partie du film se laisse aller à une surenchère un peu excessive, Beetlejuice demeure l’une des œuvres maîtresses de Tim Burton, l’un de ses films les plus populaires et les plus appréciés.

 

(1) propos recueillis par votre serviteur en avril 1998

 

© Gilles Penso

Partagez cet article