L’EMPRISE DES TENEBRES (1987)

Le film le plus effrayant de Wes Craven prend ses racines à Haïti, terre des pratiques vaudou et source du mythe des zombies

THE SERPENT AND THE RAINBOW

1987 – USA

Réalisé par Wes Craven

Avec Bill Pullman, Cathy Tyson, Zakes Mokae, Paul Winfield, Brent Jennings, Conrad Roberts, Badja Djola, Theresa Merritt

THEMA ZOMBIES I SAGA WES CRAVEN

Suite au colossal succès des Griffes de la nuit, Wes Craven semblait un peu à cours d’inspiration, enchaînant les téléfilms sans saveur (Chiller), les séquelles superflues (La Colline a des yeux 2) et les contes de science-fiction sympathiques mais un tantinet anecdotiques (L’Amie mortelle). D’où un ressaisissement spectaculaire avec L’Emprise des ténèbres, qui revisite d’une manière inédite le thème du zombie. Le parti pris de Craven consiste à traiter la thématique sous l’angle le plus réaliste possible. Le film propose donc un retour aux sources de la pratique vaudou, un argument scientifique liée aux drogues hallucinogènes, et surtout l’implantation du récit au sein d’événements politiques véridiques, un fait plutôt rare en matière de cinéma fantastique. « Tout est parti d’une histoire vraie survenue à Haïti », nous raconte Wes Craven. « Un homme avait succombé d’un seul coup à une étrange maladie. Sept jours après ses funérailles, on le revit bien vivant, déambulant dans les rues comme un zombie ! Il semblait parfaitement conscient, mais incapable de parler, et son rythme cardiaque était très lent. Une grande compagnie pharmaceutique demanda alors Wade Davis, un jeune ethno-botaniste, de partir enquêter sur place. » (1) Davis tira un livre de son expérience, que Craven romança pour les besoins de L’Emprise des ténèbres.

Bill Pullman incarne ici le scientifique – rebaptisé Dennis Allan – envoyé à Haïti pour percer le secret de la poudre qui permet de ramener les morts à l’état de zombies. Il découvre bien vite que ce produit existe bel et bien, qu’il se monnaie cher, et qu’il sert à punir les indésirables, ralentissant le métabolisme humain jusqu’à une illusion parfaite de la mort, entraînant des funérailles prématurées, puis des résurrections surnaturelles. Au cours de ses investigations, Allen découvre également la puissance des « tontons macroutes ». Le chef de ceux-ci, Dargent Peytraud (Zakes Mokae), n’hésite pas à faire appel aux forces occultes pour parvenir à ses fins. Bien qu’imaginaire, ce détestable personnage s’inspire évidemment du dictateur François Duvalier qui régna sur Haïti pendant quinze ans.

Une épouvante crédible et palpable

Lorsque les enquêtes d’Allan commencent à le déranger sérieusement, Peytraud le fait arrêter par la police locale, le torture (au cours d’une séquence franchement éprouvante), puis le fait enterrer vivant en compagnie d’une énorme tarentule ! Échappant de justesse à une mort abominable, l’anthropologue rentre chez lui, sérieusement ébranlé dans ses croyances et ses certitudes. Bien vite, de terrifiantes hallucinations viennent le hanter, notamment lors d’une mémorable séquence de dîner mondain où une main de mort-vivant surgit de sa soupe pour l’attaquer avant que tous les convives ne soient soudain frappés de folie meurtrière. Nimbé d’une épouvante autant crédible que palpable, L’Emprise des ténèbres demeure à ce jour l’un des films les plus originaux et les plus marquants de son réalisateur, laissant dans son sillage des souvenirs macabres surréalistes, comme ce cercueil-prison s’emplissant de litres de sang, ou cette morte-vivante en robe de mariée aux bras démesurés surgissant régulièrement tout au long du récit.

(1) Propos recueillis par votre serviteur en octobre 2005

 

© Gilles Penso

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LOOPER (2012)

Rian Johnson révélait son talent au grand public avec cet ambitieux récit de voyage dans le temps mettant en scène Bruce Willis face à son alter-ego plus jeune

LOOPER

2012 – USA

Réalisé par Rian Johnson

Avec Joseph Gordon-Levitt, Bruce Willis, Emily Blunt, Jeff Daniels, Piper Perabo, Paul Dano

THEMA VOYAGES DANS LE TEMPS I FUTUR

La science-fiction ne réussit finalement pas si mal à Bruce Willis. Après tout de même Le Cinquième élémentArmageddonL’Armée des 12 singesIncassablePlanète terreur et Clones, juste avant le deuxième G.I. Joe, l’acteur récidive dans le genre avec Looper. Le terme « Looper » désigne en 2042 des tueurs, ou plutôt des exécuteurs, chargés de remplir des contrats bien particuliers. Ponctuels, ils se rendent sur un site strictement défini et attendent que leur victime tombe littéralement du ciel, bien ficelée, un sac sur la tête. Ne leur reste plus qu’à appuyer immédiatement sur la gâchette et ensuite jeter le cadavre dans un four crématoire. En réalité, les « paquets » arrivent non pas des cieux, mais du futur, de 2072. Si la pratique des voyages dans le temps est interdite en 2072, les mafias, toutes puissantes, n’en tiennent pas compte ; elles trouvent pratique d’envoyer dans le passé ceux qui étaient jadis coulés dans le béton, mitraillés, dissouts dans l’acide. Elles accompagnent les condamnés d’un petit chargement de lingotins d’or ou d’argent. Un business rentable pour les liquidateurs, tueurs prospères dans une Amérique décadente, rongée dans une deuxième Grande Dépression et gangrenée par une violence omniprésente.

L’effrayante et assez crédible toile de fond du film écrit et réalisé par Rian Johnson, auteur en 2008 de la comédie policière Une Arnaque presque parfaite. Rian Johnson possède-t-il la fibre science-fiction ? Suffisamment pour connaître ses classiques et reprendre habilement à son compte le paradoxe temporel des Terminator de James Cameron. Pas un hasard si le principal protagoniste féminin s’appelle Sara ! Une Sara (sans h) qui découvre que son fils adoptif est la cible d’un tueur en provenance du futur (Bruce Willis), version âgée, quoi qu’encore très alerte, d’un looper toujours en activité. Le premier s’étant mis dans le crâne d’éliminer celui qui deviendra un génocidaire et provoquera la femme de sa femme, le second (Joseph Gordon-Levitt, d’Inception et de The Dark Knight Rises) fait tout pour l’en empêcher. Surtout que, à ce stade, le gosse, doué de terrifiants pouvoirs paranormaux, peut encore rentrer dans le droit chemin…

Un individu face à lui-même

Pas évident, scénaristiquement, de rendre clair, limpide, un récit qui, pour l’essentiel, repose sur des contorsions narratives en confrontant un individu à lui-même, à son double plus vieux d’une trentaine d’années. Et, effectivement, Rian Johnson s’y perd parfois, particulièrement dans les dialogues, à expliquer le pourquoi et le comment des choses. Sans doute a-t-il trop misé sur la supposée ressemblance entre Bruce Willis et un Joseph Gordon-Levitt sensiblement maquillé pour l’occasion… Excessivement ambitieuses, leurs scènes communes ne sont certainement pas ce que Looper compte de meilleur. Elles devraient donner le vertige ; elles ne sont que platitude. Dommage car le personnage, à la base un salaud narcissique et accro à la came, se prêtait à une confrontation forte, à un vertigineux examen de conscience. Son film, le réalisateur scénariste le réussit cependant avec davantage de brio dans l’action et le tableau qu’il fait d’une civilisation au bord du chaos. Société où les voitures ne sont que des épaves alimentées par des panneaux solaires, où les flingues des Loopers sont des tromblons d’un autre âge, où tirer dans le dos d’un petit voleur ne suscite aucune émotion auprès des témoins… Non sans un certain humour (entre autres la méchante allusion faite à la déconfiture de la France !) et d’une violence débridée, Looper ne tient certes pas toutes ses promesses, mais celles qu’il tient, il les tient bien.

 

© Marc Toullec

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OFFSPRING (2009)

Le sulfureux écrivain Jack Ketchum adapte lui-même l'un de ses romans et dépeint la sauvagerie humaine la plus crue

OFFSPRING

2009 – CANADA / USA

Réalisé par Andrew van den Outen

Avec Art Hindle, Amy Hargreaves, Taylor Piedmonte, T.J. Graye, Erick Kastel, Kelly Carey, Jessica Butler

THEMA TUEURS I CANNIBALES

The LostThe Girl next doorThe Woman… Tous les films qui partent de romans de Jack Ketchum sentent le soufre et traitent de la violence sans détour. Offspring ne déroge pas à la règle, d’autant que c’est l’écrivain lui-même qui en signe un scénario non pas illustré par Lucky McKee, comme souvent, mais par Andrew van den Houten, auparavant producteur de The Girl next door et ensuite de The Woman. Des complices de la première heure donc, l’un et l’autre partageant la même volonté de taper fort. Et, à titre, Offspring n’y va effectivement pas avec le dos de la cuillère, dans le même registre que La Colline a des Yeux. Là où les sauvages de Wes Craven opèrent loin de tout, dans le désert, ceux de Jack Ketchum sévissent dans une zone plus accessible, le loin d’une côte habitée. Avec sur leurs traces l’ancien shérif du bourg qu’ils ont décimé et plusieurs flics, ils s’attaquent à une famille. Ils en enlèvent les femmes, éviscèrent le mari. Une scène parmi les plus dures d’un film qui multiplie les sévices, soucieux de montrer ce que les autres censurent généralement.

Ici, pas question de ménager les âmes sensibles. Ça commence par un bébé mort dans un sac plastique et ça s’achève par un gamin tué d’un coup de hache par un autre gosse. Car on tue beaucoup dans Offspring ; le sang gicle, les crânes explosent, les visages rotissent dans le feu, la chair humaine mijote dans les marmites, un bébé vorace tire sans ménagement sur le sein d’une nourrice malgré elle… Et pour cause ; ses sauvages sont des cannibales en chasse, tous membres d’une même tribu dont les mœurs paraissent remonter à la plus lointaine préhistoire. D’ailleurs, ne vivent-ils pas dans une grotte ? Regrettable que le scénario ne fasse que les esquisser, n’en révèle pas davantage à leur sujet. Volontairement avares d’informations, Andrew van den Houten et Jack Ketchum s’attachent à peine à la personnalité du chef, une féroce matriarche qui tient un homme en laisse…

Une auto-trahison

En adaptant lui-même son roman, le second l’allège pour beaucoup de son contenu, se concentrant sur les aspects les plus graphiques de la traque et de la chasse. Pas loin d’être de constituer un geste d’auto trahison selon beaucoup de lecteurs. Andrew van den Houten et Jack Ketchum auraient-ils gagné à lever à peu plus le coin du voile ? Certainement, de même qu’ils auraient bénéficié d’un développement plus substantiel de la personnalité des victimes. Notamment celle du mari veule, qui se range pratiquement du côté des agresseurs quand les sauvages entreprennent de charcuter sa femme, portant sur leurs dents un rattelier fabriqué à partir de cannettes ! Si, derrière la caméra, Lucky McKee ou le Gregory Wilson de The Girl next door se font regretter, Andrew van den Houten se montre assez capable dans l’ensemble, prenant le parti d’une réalisation d’abord neutre, effacée. Appelé en renfort, Douglas Buck (oui, celui du triste remake de Sœur de sang, mais surtout des Family Portaits) serre les boulons au montage. Mais pas trop, de manière à ce que les détails les plus crus fassent leur œuvre, dérangent. Ce qui était bien l’intention de départ, en même temps que d’épier l’explosion du vernis de la civilisation lorsque les circonstances mettent les bonnes manières à rude épreuve. Les instincts basiques, toujours eux.

© Marc Toullec

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CASE DEPART (2011)

Deux demi-frères que tout sépare se retrouvent propulsés dans les Antilles du 18ème siècle…

CASE DÉPART

2011 – FRANCE

Réalisé par Thomas Ngijol, Fabrice Eboué et Lionel Steketee

Avec Fabrice Eboué, Thomas Ngijol, Stefi Celma, Erig Ebouaney, Etienne Chicot, Catherine Hosmalin, David Salles

THEMA VOYAGES DANS LE TEMPS

Lorsque deux humoristes spécialisés dans le stand-up et révélés par le « Jamel Comedy Club » s’attaquent à un premier long-métrage en tant qu’auteurs/réalisateurs et acteurs principaux, leur capacité à maîtriser toutes les facettes d’un média aussi exigeant laisse a priori perplexe. Un sketch et un film ne requièrent évidemment pas le même savoir-faire, comme en témoignent les échecs artistiques de Coco, RRRrrr !!! ou Incontrôlable, pour n’en citer qu’une poignée. Mais les deux compères semblent savoir où ils mettent les pieds. Conscients des difficultés d’adaptation d’un mode d’expression – le spectacle live – à l’autre – le grand écran – ils s’adjoignent les services d’un troisième co-réalisateur aguerri (Lionel Steketee, assistant réalisateur du Pacte des loups et de Fatal) et peuvent ainsi cumuler un certain nombre de défis. Ainsi décident-ils d’aborder frontalement le thème du racisme par le biais d’une reconstitution historique située au cœur des Antilles du 18ème siècle. Pour couronner le tout, ils compliquent la donne en laissant leur scénario reposer sur les mécaniques du voyage dans le temps.

A l’écran, Thomas Ngijol et Fabrice Eboué incarnent Joël et Régis, deux demi-frères qui ne se fréquentent pas et qui ne connaissent quasiment pas leur père. Mais lorsque ce dernier s’apprête à rendre son dernier souffle, ils se rendent en Martinique et peuvent constater en chemin la grandeur du fossé qui les sépare. L’un est intégré dans la société française au point d’occuper un poste d’adjoint au maire et de renier totalement ses origines créoles. L’autre est un chômeur paresseux persuadé que la couleur de sa peau est la cause de tous ses malheurs. Au moment où leur géniteur volage passe l’arme à gauche, ils reçoivent en guise d’héritage un document d’un autre âge qui ne cesse de se transmettre au fil des générations : l’acte d’affranchissement qui a rendu la liberté à leurs ancêtres esclaves. Passablement déçus, ils le déchirent et l’éparpillent aux quatre vents. Ce geste n’est pas sans conséquence. Car ils s’assoupissent aussitôt dans les volutes de fumées soufflées par une étrange vieille tante qui les observe, et se réveillent dans un champ inconnu. Propulsés dans les Antilles de 1780, ils sont aussitôt capturés et vendus comme esclaves sur le marché.

Le racisme vu sous un angle inattendu

Certes, la légèreté avec laquelle est traité le prétexte à ce voyage dans le temps peut légitimement frustrer les fantasticophiles, malgré une manifeste allusion à La Planète des singes lorsque nos héros croisent un homme traqué comme une bête au milieu d’un champ par des cavaliers d’un autre âge. Mais le décalage entre les préoccupations quotidiennes de nos deux exilés et la condition du peuple noir dans les Antilles esclavagistes du 18ème siècle permet d’aborder le thème du racisme sous un angle inattendu, avec un recul et une faculté de relativisation que n’aurait pas permis une comédie urbaine plus traditionnelle. En ce sens, le projet Case départ est intéressant, même si l’humour y rase souvent les pâquerettes sans toujours éviter les gags graveleux et les écarts de vulgarité superflus. Le film reste anecdotique mais franchement plaisant, à l’image du jeu de mot plutôt malin qui en constitue le titre.

© Gilles Penso

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MEGA MONSTER BATTLE : ULTRA GALAXY (2009)

Une version cinématographique des aventures d'Ultraman, le célèbre super-héros japonais créé dans les années 60

DAIKAIJÛ BATORU : URUTORA GINGA DENSETSU – THE MOVIE

2009 – JAPON

Réalisé par Koichi Sakamoto

Avec Shota Minami, Susumu Kurobe, Kohji Moritsugu, Hiroyuki Konishi, Shunji Igarashi

THEMA SUPER-HEROS

Au milieu des années 60, Eiji Tsuburaya crée pour la télévision un personnage qui fera long feu : Ultraman, le premier (au Japon du moins) dans la catégorie des super héros masqués. Sur l’archipel, sa descendance sera pléthorique. Grâce à l’expérience acquise sur les effets spéciaux des films d’Inoshiro Honda (GodzillaRodanPrisonnières des Martiens…) dont il est le grand orchestrateur, Tsuburaya imagine une galerie absolument délirante de monstres extraterrestres et créatures diverses. Le succès est phénoménal, si important que les producteurs compilent deux ans plus tard des épisodes de la série originale pour en faire un supposé long-métrage de cinéma. Parallèlement à des nouvelles déclinaisons TV, de  vrais films, il y en aura, plus tard. Comme justement ce Mega Monster Battle : Ultra Galaxy dont le script se résume à une belle enfilade de titanesques bagarres.

Le scénario n’en reste pas moins confus pour qui ne connaît pas le cursus d’Ultraman. En résumé, originaires de la planète M-78, Ultraman et ses camarades sont des géants dévoués à la défense de l’univers contre des monstres belliqueux. Alliés à quelques humains, Hayata et l’équipage de son vaisseau spatial, ils affrontent dans Mega Monster Battle un certain Bélial, être maléfique qui, sur le modèle de Dark Vador, fut quelqu’un de bien avant que la facette obscure du Plasma Etincelant ne le fasse basculer dans le camp des méchants. Désormais à la tête d’une armée de craignos monsters (cent affirment les dialogues) et équipé du Giga Battle Nizer (un sceptre hautement énergisant), il entend bien mettre l’univers à ses pieds. Non sans être parvenu à congeler tout M-78, il se heurte à Ultraman et ses troupes, dont un monstre gentil qui, au premier S.O.S., se téléporte grâce au Rayonix sur le lieu des combats. Paroxysme du conflit : Bélial et ses cent créatures formant une entité organique aussi haute qu’une montagne…

Bagarre générale !

Transfuge des Power Rangers, le réalisateur Koichi Sakamoto n’affiche qu’une priorité dans cet Ultraman cinéma : la baston ! Usant à la fois d’effets spéciaux digitaux et de comédiens engoncés dans les bonnes vieilles combinaisons de caoutchouc, il frôle même à ce titre la saturation, l’overdose. Trois minutes de dialogue et c’est reparti pour dix de catch à l’échelle de l’univers. Grandiose pour les initiés, kitchissime pour les néophytes ! Nourri d’influences diverses (Star WarsLe Seigneur des Anneaux façon Peter Jackson, la mythologie gréco-romaine, la légende du Roi Arthur à l’énoncé du nom Pendagron…), Mega Monster Battle remplit donc, avec un certain brio et beaucoup de décibels, son contrat d’illustration à grand spectacle d’une franchise vieille de quarante-quatre ans. Le film ayant connu au Japon un gros succès, deux autres Ultraman ont suivi au cinéma. Nulle doute que l’archipel nippon célébrera bientôt son demi-siècle de longévité avec un énième avatar !

© Marc Toullec

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ESKALOFRIO (2007)

Un adolescent qui ne supporte pas la lumière du soleil s'isole dans un village reculé où les meurtres s'accumulent…

ESKALOFRIO

2007 – ESPAGNE

Réalisé par Isidro Ortiz

Avec Junio Valverde, Blanca Suarez, Francesc Orella, Jimmy Barnatan, Mar Sodupe, Roberto Enriquez

THEMA VAMPIRES

Tous les bons films fantastiques espagnols ne connaissent pas le fabuleux destin des [Rec] et autre L’Orphelinat, soit une belle diffusion internationale. En France, en dépit de sa sélection dans plusieurs festivals reconnus (Berlin dans la section Panorama, Gérardmer, Neuchâtel…) et des critiques généralement favorables, Eskalofrio file directement à la case TV (l’une des chaînes d’Orange), dans l’indifférence générale, sous un titre déjà utilisé (Frisson), traduction de l’original. Heureusement, une sortie DVD se profile début 2013, chez Antartic Vidéo. Petite séance de rattrapage. Bien, mais ce film-là aurait au moins mérité une petite sortie en salles. Dans un style qui sait ménager des moments de pure angoisse sans sombrer dans l’esbroufe, Isidro Ortiz (Fausto 5.0) y fait d’abord le portrait de Santi, un adolescent à priori comme les autres. Élevé par sa seule mère, une traductrice, Santi présente cependant une caractéristique : il ne peut supporter la lumière du soleil. Pas un enfant lune, mais presque…

Sachant que son état de santé se dégradera grandement dans l’environnement urbain surchauffé de Barcelone, il s’installe dans un village isolé du nord du pays. Encaissé, le bourg ne bénéficie effectivement que d’un ensoleillement minimal. L’occasion d’une existence presque normale pour l’adolescent. Naturellement, son arrivée y  coïncidence avec un premier meurtre sauvage, puis deux. Et tout l’accuse : sa présence sur les lieux, les rumeurs que suscite sa maladie, la peur de l’étranger… Alors que son père réapparaît, que la fille du policier qui enquête s’intéresse à lui, Santi tente de se disculper, de découvrir qui est vraiment le tueur. Une bête féroce ? Un serial killer champêtre ? Un monstre quelconque ? Pas vraiment…

Les ombres de la forêt

Habile, classique et bien charpenté le scénario d’Eskalofrio. Isidro Ortiz en exploite efficacement le meilleur : des personnages bien cernés, une montée graduelle de la tension, une révélation finale assez surprenante… Mais, s’il y a quelque chose que le réalisateur aime à filmer, cadrer et éclairer, c’est bien la forêt. Une forêt dense et ombragée de contes de fée, superbe et inquiétante dont le chef opérateur Josep Civit (Angoisse de Bigas Luna, déjà…) capte toutes les nuances de lumière, la profondeur, l’étendue et la topographie. Un travail remarquable au service d’une esthétique cependant sobre, jamais tentée par les grosses combines plastiques du fantastique ordinaire. Aucun halo de lumière bleue dans Eskalofrio ; les nuits y sont noires, profondes et seuls la lueur faible de la lune, les phares des voitures ainsi que le faisceau des lampes torches en percent l’obscurité impénétrable, propice à toutes les présences… Un choix pour beaucoup dans l’atmosphère de peur tangible, palpable qui se dégage des images. Certes modeste dans ses intentions, mais maîtrisé, réellement effrayant à l’occasion de deux ou trois scènes particulièrement réussies, Eskalofrio vaut largement de sortir de l’anonymat dans lequel il est enfermé depuis cinq ans.

 

© Marc Toullec

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DE LA TERRE A LA LUNE (1958)

Byron Haskin adapte l'un des premiers romans de science-fiction de l'histoire de la littérature, œuvre d'un Jules Verne visionnaire

FROM THE EARTH TO THE MOON

1958 – USA

Réalisé par Byron Haskin

Avec Joseph Cotten, George Sanders, Debra Paget, Don Dubbins, Patric Knowles, Carl Esmond, Henry Daniell, Melville Cooper 

THEMA SPACE OPERA

En 1865, Jules Verne donne à la science-fiction littéraire son véritable coup d’envoi avec « De la Terre à la Lune », imaginant le lancement d’une capsule spatiale depuis une base située en Floride… plus de cent ans avant l’envol de la mission Apollo 11 depuis Cap Canaveral ! Georges Méliès s’inspirera de l’aspect le plus loufoque de cette aventure pour Le Voyage dans la Lune, mais c’est à la fin des années 50 que le cinéma s’intéresse « sérieusement » à ce roman séminal, profitant du succès mondial d’une autre adaptation de Jules Verne, le somptueux 20 000 Lieues sous les mers de Richard Fleischer.Alors que la guerre de Sécession vient de s’achever, le fabricant d’armes Victor Barbicane (Joseph Cotten) réunit ses plus prestigieux confrères pour leur proposer une alternative à la période de vaches maigres qui s’annonce. Il s’agit de la puissance X, un redoutable explosif de son invention qui serait capable d’anéantir des cités entières. Sa théorie est la suivante : si chaque nation du monde acquiert une arme aussi redoutable, la menace d’une destruction planétaire évitera tout conflit. Farouche concurrent de Barbicane, Stuyvesant Nicholl (George Sanders) crie à qui veut l’entendre qu’un tel projet est l’œuvre du Diable en personne. Lorsque le Président des Etats-Unis lui-même s’interpose, Barbicane se voit contraint de changer ses plans. Il utilisera la puissance X non comme arme mais comme propulseur d’une capsule en partance vers la Lune.

De la Terre à la Lune est clairement scindé en deux parties. Celle qui précède le voyage est ancrée dans un réalisme historique non dénué d’images d’Epinal. La bande originale y joue volontiers la carte de la symbolique, avec une emphatique reprise de « Glory Alleluya » dès qu’il est fait allusion à la Maison Blanche, ou les accords enjouées de « Oh Suzannah » lorsque les plans larges nous révèlent une plaine de l’Ouest en pleine expansion. La seconde partie du film, quant à elle, bascule dans un délicieux univers de science-fiction steampunk avant la lettre. Les décors y sont bardés de rivets à la Gustave Eiffel, les trois astronautes s’équipent d’uniformes d’officiers de la Navy, et la bande son réutilise les célèbres bruitages de Planète interdite.

Plus important que les faits : l'imagination

Réalisateur de La Guerre des mondes, Byron Haskin exploite avec talent les possibilités visuelles du Technicolor et s’appuyant sur des effets visuels tantôt très convaincants (la foule massée au pied de la fusée), parfois plus maladroits (la maquette de la capsule qui crachote des étincelles devant un fond spatial rudimentaire). Selon un principe courant, le texte initial, jugé trop masculin, est remanié afin d’intégrer un joli minois, en l’occurrence celui de Debra Paget dans le rôle de Virginia, la fille de Nicholl qui tombe amoureuse de l’assistant de Barbicane. Cette romance n’apporte pas grand-chose à l’intrigue et en atténue même parfois l’impact. Mais De la Terre à la Lune reste un grand moment de SF à l’ancienne, qui s’achève sur l’apparition savoureuse de Jules Verne en personne (sous les traits de l’acteur Carl Esmond), qui conclue le récit en ces termes : « Je m’intéresse à quelque chose de bien plus important que les faits : l’imagination ».

© Gilles Penso

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LE JOUR DES MORTS (2009)

Malgré la présence de Steve Miner derrière la caméra, cette variante sur le mythe du zombie produite dans la foulée de L'Armée des Morts n'apporte rien de bienneuf

DAY OF THE DEAD

2009 – USA

Réalisé par Steve Miner

Avec Mena Suvari, Nick Cannon, Michael Welch, Anna Lynne McCord, Stark Sands, Matt Rippy, Pat Kilbane, Ving Rhames

THEMA ZOMBIES

Day of the Dead n’est ni le remake du film homonyme de George Romero, ni la suite de L’Armée des morts de Zack Snyder, mais plutôt une nouvelle variation sur le thème du zombie reprenant à son compte la thèse de la contamination des humains par un virus redoutable, très en vogue depuis 28 jours plus tard. Et si Ving Rhames, déjà à l’affiche de L’Armée des morts, est ici de retour, c’est dans un rôle très différent, celui d’un officier supérieur de l’armée américaine chargé de mettre une petite ville du Colorado en quarantaine suite à l’apparition d’une espèce de grippe très virulente et très contagieuse. L’origine de la pandémie est un agent biochimique créé par l’armée pour neutraliser les troupes ennemies en paralysant momentanément leur système nerveux. Evidemment, l’arme bactériologique a échappé au contrôle de ses créateurs irresponsables. Après 25 minutes de prologue, la panique s’empare donc de la ville et le massacre peut commencer. La mutation se déroule en trois phases. La victime est d’abord en proie à des saignements de nez et des toux insistantes, puis elle se fige brusquement tandis que son corps chute en température, avant de se muer en créature féroce au faciès subitement décomposé, laissant libre cours à l’imagination des maquilleurs spéciaux (en l’occurrence Brian Penikas et Yiana Stoyanova).

Des effets numériques basiques mais efficaces viennent compléter les maquillages, notamment pour donner plus d’ampleur à la destruction des zombies (par balles, par le feu, par toutes sortes d’armes tranchantes). Signe des temps, ces zombies-là ne traînent pas la patte mais piquent des sprints frénétiques en grommelant, effectuent des bonds dignes des plus grands athlètes ou grimpent carrément au plafond façon Spider-Man. Les « morts-vivants » sont donc devenus des « hystériques hurlants » et l’univers de George Romero nous semble bien lointain malgré le titre du film et les noms des personnages directement empruntés à ceux du Jour des Morts-Vivants (Sarah, Logan, Rhodes, Bud, Salazar). D’ailleurs, ici ce sont les militaires qui ont le beau rôle et les scientifiques qui assurent celui des sales types, à l’encontre de tout ce que Romero racontait dans son propre film.

Romero interprété de travers

Inutile, donc, de chercher le moindre propos social ou politique au sein de ce Day of the Dead qui limite ses ambitions à son caractère récréatif. Quelques motifs hérités du Jour des Morts-Vivants original sont malgré tout intégrés à l’intrigue, notamment le repli des survivants dans un bunker militaire et la présence d’un zombie « amical » qu’on tente de domestiquer. Derrière la caméra, Steve Miner, coutumier du genre (Le Tueur du vendredi, Halloween 20 ans après, Lake Placid) donne dans la routine, malgré quelques idées visuelles étonnantes (une plongée dans le cerveau d’un homme au moment précis où il se transforme en mort-vivant), une poignée de gags qui font mouche (le zombie cul-de-jatte qui mange son propre œil, les soldats zombies armés de fusils), et une ou deux scènes de suspense plutôt réussies (notamment la poursuite dans les conduits d’aération de l’hôpital). Rien de bien révolutionnaire malgré tout…

© Gilles Penso 

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STRIPPERS VS. WEREWOLVES (2011)

Des loups-garous, des strip-teaseuses et quelques guest stars sur le retour : un cahier des charges modeste et pleinement assumé

STRIPPERS VS. WEREWOLVES

2011 – GB

Réalisé par Jonathan Glendening

Avec Adele Silva, Billy Murray, Martin Compston, Barbara Nedeljakova, Sarah Douglas, Martin Kemp, Steven Berkoff, Robert Englund, Dominic Burns

THEMA LOUPS-GAROUS

En 2007, Robert Englund, anciennement Freddy Krueger d’Elm Street, mettait sa réputation d’horror star à contribution dans Zombie Strippers, une triviale zombie comedy. Quatre ans plus tard, il remet ça dans le britannique Strippers vs. Werewolves. Plutôt modestement d’ailleurs, sa présence n’y dépassant pas les trois ou quatre minutes dans le rôle d’un chef loup-garou incarcéré dans une geôle sinistre où lui rend visite l’actuel chef d’un clan de lycanthropes  gangsters.  Robert Englund n’est pas la seule guest-star de Strippers vs. Werewolves. S’y croisent aussi Sarah Douglas (la méchante Ursa des deux premiers Superman avec Christopher Reeve), Martin Kemp (l’un des Frères Krays), Lysette Anthony, Steven Berkoff, et même Billy Chainsaw, le rédacteur en chef du magazine Bizarre. Du beau monde donc, invités d’une farce pileuse qui lance ses hostilités dans le club de strip-tease Vixens. Là, au cours d’un effeuillage, une fille plante un stylo en argent dans l’œil d’un client qui s’avère être un loup-garou. Naturellement, les membres de sa meute hurlent vengeance, revanche qu’anticipe la propriétaire de l’établissement, celle-ci sachant à quel prédateur elle se frotte. Une complication dans le bon déroulement du différend : l’une des filles roucoule en compagnie de l’un des loups-garous ennemis. Comme un échantillon de « Roméo et Juliette »… 

Passablement idiot, bas du plafond ce script-là ? Certainement, mais le réalisateur semble l’assumer avec une absence totale de complexe, allant jusqu’au bout des scènes les plus exposées à une profonde débilité. Même pas peur du ridicule, surtout quand trois des strip-teaseuses, déguisées en chaperons rouges, tiennent en haleine un public d’une poignée de lycanthropes au moment de la pleine lune. L’occasion pour le réalisateur d’étaler des maquillages, davantage conçus pour le rire que pour le frémir, ceux-ci réduisant les créatures à truffes humides à leur plus élémentaire caricature. Amusant, ainsi que certaines tirades des dialogues. La plus savoureuse : « je te ferais si longtemps souffrir que ton permis de conduire aura le temps d’expirer ! »

Moyens réduits mais travail soigné

Tout conscient soit-il de la  portée limitée de son script, le réalisateur n’en porte pas moins une grande attention à la forme. Usage de l’écran divisé (jusqu’à trois cases !), inserts façon comics, éclairages étudiés, bande originale années 80 habilement compilée et intégrant opportunément le « Hungry like the wolf » de Duran Duran… En dépit de moyens réduits, la production soigne le travail dans ses moindres détails, réussissant à donner un certain lustre esthétique à un ensemble généralement voué au laxisme, surtout dans ce type d’exercice parodique. Le cinéphile sourcilleux aura, pour sa part, le loisir d’apprécier l’allusion à Lon Chaney (Le Loup-Garou d’Universal des années 40) par l’intermédiaire du nom du pénitencier où croupit Robert Englund. Le réalisateur et les deux scénaristes avouent aussi avoir semé moult références à Monster Squad et au Loup-Garou de Londres tout au long du récit et des répliques. Tout l’intérêt réside à les identifier !

© Marc Toullec

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AUX FRONTIERES DE L’AUBE (1987)

Kathryn Bigelow réinvente le mythe du vampirisme en puisant dans l'imagerie du western spaghetti

NEAR DARK

1987 – USA

Réalisé par Kathryn Bigelow

Avec Jenny Wright, Adrian Pasdar, Lance Henriksen, Bill Paxton, Jenette Golstein, Joshua Miller, Marcie Leads

THEMA VAMPIRES

Aux frontières de l’aube représente une étape importante dans la mesure où il propose un renouveau total du thème du vampirisme. Dès lors, les films abordant le mythe allaient se diviser en deux catégories : les « classiques » et les « modernes ». Certes, la démarche n’est pas inédite, et quelques œuvres phares comme Martin ou Soif de sang posaient déjà les jalons d’une approche hyper-réaliste des buveurs de sang, sans capes ni dents longues. Mais l’œuvre de Kathryn Bigelow a marqué les mémoires par son esthétisme magnifique et ses idées foisonnantes. Alors qu’il traîne en ville, Caleb Colton (Adran Pasdar), un jeune homme aux allures de cow-boy moderne, remarque une jeune fille qu’il tente d’aborder. Au fur et à mesure que la nuit s’étire, elle se fait de plus en plus mystérieuse. Son baiser se transforme en morsure. À l’aube, elle s’enfuit. Le jeune homme découvre alors son nouvel état… c’est un vampire ! Sauf que ce mot n’est jamais prononcé au cours du film, et que la trouvaille visuelle se passe de tout commentaire : tandis que le soleil se lève dans le ciel, le jeune homme faiblit, sa peau brunit et son corps exhale une fumée croissante…

Car ici, les vampires exposés au soleil sont victimes de douloureuses combustions spontanées, qui peuvent s’achever par de spectaculaires explosions incandescentes. John Carpenter s’en souviendra sans doute lorsqu’il réalisera son Vampires. Conscient qu’il vient d’être « converti » malgré lui au monde des non-morts, Caleb n’a plus qu’une alternative : rejoindre la jeune fille et le groupe de vampires auquel elle appartient, une bande de desperados crasseux et noctambules qui traversent les grands espaces de l’Oklahoma dans un van aux fenêtres soigneusement occultées pour éviter la lumière du soleil. Le film prend alors les allures de western sombre et violent, émaillé de séquences choc comme l’attaque sanglante du bar, et de véritables morceaux d’anthologie, notamment l’embuscade dans la chambre d’hôtel au cours de laquelle chaque impact de balle tirée par la police trace un rai de lumière qui menace de brûler la peau des hors-la loi vampires. 

Un air de famille avec James Cameron

Aux frontières de l’aube reflète aussi plus que tout autre film les similitudes entre les univers de Kathryn Bigelow et James Cameron, dont elle fut à l’époque l’égérie. Ce parallélisme s’affirme par le choix des comédiens, avec en tête un Lance Henriksen impérial et un Bill Paxton surexcité, par le choix d’une musique 100% synthétique, signée ici Tangerine Dream, et par certaines séquences clefs, notamment la poursuite en semi-remorque qui présente d’indéniables ressemblances avec celle de Terminator. Bref, Aux frontières de l’aube est une indiscutable réussite visuelle, narrative, dramatique et émotionnelle, qui se paye en plus le luxe d’offrir pour la première fois un remède imparable contre le vampirisme : une transfusion sanguine ! Il fallait y penser… Signe des temps, comme la plupart des œuvres « modernes » des années 80, le film de Bigelow est très marqué par l’époque à laquelle il fut réalisé, paré désormais d’une patine indélébile.

 


© Gilles Penso

 

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