WEDDING NIGHTMARE (2019)

La nuit de noces de Grace se transforme en cauchemar lorsqu’elle découvre les rituels ancestraux de sa belle-famille…

READY OR NOT

 

2019 – USA

 

Réalisé par Matt Bettinelli-Olpin et Tyler Gillett

 

Avec Samara Weaving, Adam Brody, Mark O’Brien, Henry Czerny, Andie MacDowell, Melanie Scrofano, Kristan Bruun, Elyse Levesque, Nicky Guadagni

 

THEMA TUEURS I DIABLE ET DÉMONS

Fondé en 2011 par Matt Bettinelli-Olpin, Tyler Gillett, Justin Martinez et Chad Villella, le collectif « Radio Silence » est une entité destinée dès sa création à la production de programmes cinématographiques et télévisuels (avec un fort penchant pour le fantastique et l’horreur). Après avoir signé un segment pour l’anthologie V/H/S, le film d’épouvante The Baby et un sketch de 666 Road, l’équipe se réunit pour un nouveau long-métrage très prometteur baptisé Ready or Not (« Prêt ou non »), un titre ambigu que les distributeurs français décident de « traduire » par Wedding Nightmare (« Le cauchemar du mariage »). Le duo Matt Bettinelli-Olpin et Tyler Gillett assure la mise en scène (comme pour The Baby) tandis que Chad Villella officie en tant que producteur exécutif. Cette fois-ci, Justin Martinez n’est pas de l’aventure, même si le nom de « Radio Silence » est toujours crédité au générique. La production s’amorce fin 2017, pour un tournage organisé au Canada, principalement à Toronto et dans les alentours. Le scénario, qu’écrivent à quatre mains Guy Busick et R. Christopher Murphy, s’efforce d’équilibrer la comédie noire, le suspense et l’horreur, dans un contexte qui n’est pas sans évoquer certains romans d’Agatha Christie ou même le jeu Cluedo. Pour autant, il ne s’agit pas ici de deviner qui est l’assassin mais plutôt de savoir comment la victime présumée va s’en sortir.

Grace (Samara Weaving), ancienne enfant placée en famille d’accueil, est sur le point d’épouser Alex (Adam Brody), membre de la riche famille Le Domas qui a fait fortune grâce aux jeux de société Domas Family Games. La cérémonie se déroule dans la somptueuse propriété des parents d’Alex, où Grace fait la connaissance de sa belle-famille. Après le mariage, la jeune épouse aimerait bien profiter comme il se doit d’une nuit de noces digne de ce nom, mais il lui faut d’abord se plier à une tradition singulière. Elle apprend que l’ancêtre de la famille, Victor le Domas, a passé un marché avec un mystérieux homme nommé Le Bail lors d’un voyage en bateau. Ce pacte, qui a permis aux Le Domas de bâtir leur empire, impose une obligation : chaque nouvelle personne rejoignant la famille doit tirer une carte d’une boîte énigmatique laissée par Le Bail. Le jeu indiqué sur la carte doit alors être joué par tous les membres de la famille. À minuit, Grace tire une carte et découvre qu’elle doit participer à une partie de cache-cache. Mi perplexe mi amusée, elle n’imagine pas la tournure que s’apprête à prendre la nuit…

Tuer n’est pas jouer

Original, drôle, surprenant, satirique, ponctué de moments de suspense très réussis, Wedding Nightmare est une excellente surprise dont le scénario ne cesse de rebondir. De fait, même si le film convoque deux motifs classiques du cinéma de genre – le pacte diabolique et la chasse à l’homme – le résultat final ne ressemble à rien de connu. Et si l’ombre des Chasses du comte Zaroff plane inévitablement sur ce récit rocambolesque, Matt Bettinelli-Olpin et Tyler Gillett parviennent à nous emmener là où on ne les attend pas, avec en prime quelques savoureux gags sanglants à répétition. En filigrane, le scénario pousse très loin la métaphore du poids des traditions familiales, auxquelles il semble impossible de se soustraire même lorsqu’elles se révèlent absurdes, aberrantes ou amorales. « J’ai réalisé qu’on était capable de faire n’importe quoi si c’était approuvé par la famille », dira à ce propos Alex. Au beau milieu de cette galerie de personnages tous plus détestables et grotesques les uns que les autres, le seul vecteur d’identification possible est la « nouvelle venue », autrement dit Grace. « Tu m’as dit que ta famille était dingue, mais tu ne m’as pas dit que c’étaient des tueurs psychopathes ! » s’exclamera-t-elle à mi-chemin de son éprouvant parcours du combattant au cours duquel le relookage de sa tenue de mariée nous rappellera celui de Leticia Dolera dans [Rec]3. Dommage que les réalisateurs se soient ensuite laissés embarquer dans deux épisodes de Scream conventionnels, avant de retrouver un peu de leur mordant avec Abigail.

 

© Gilles Penso


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LES ENSORCELEUSES (1998)

Deux sœurs sorcières interprétées par Sandra Bullock et Nicole Kidman découvrent le côté incontrôlable de leurs pouvoirs magiques…

PRACTICAL MAGIC

 

1998 – USA

 

Réalisé par Griffin Dunne

 

Avec Sandra Bullock, Nicole Kidman, Aidan Quinn, Stockard Channing, Dianne Wiest, Goran Visnjic, Evan Rachel Wood, Alexandra Artrip, Mark Feuerstein

 

THEMA SORCELLERIE ET MAGIE

Les Ensorceleuses est le second long-métrage de Griffin Dunne. L’acteur irrésistible d’After Hours et du Loup-garou de Londres passa en effet à la mise en scène au milieu des années 90, d’abord avec le téléfilm Duck of Groove et l’un des sketches de Four Tales of Two Cities, puis avec la comédie romantique Addicted to Love qui mettait en scène Matthew Broderick, Meg Ryan et Kelly Preston. Pour Les Ensorceleuses, il s’inspire très librement du roman Practical Magic d’Alice Hoffman, une écrivaine spécialisée dans la littérature destinée aux adolescents et aux jeunes adultes. Face à sa caméra, deux stars alors extrêmement populaires (Sandra Bullock et Nicole Kidman) nous jouent ici une variante soft et romantique des Sorcières d’Eastwick saupoudrée d’un peu de Ma sorcière bien aimée et d’une pincée de Ma femme est une sorcière. Au cours du prologue, nous apprenons que Maria Owens (Caprice Benedetti), accusée de sorcellerie par des villageois superstitieux et colériques du 17ème siècle, lance un sort pour se protéger. Mais ce geste déclenche une terrible malédiction. Désormais, tous les hommes qui épouseront les femmes de sa descendance seront condamnés à trouver une mort prématurée.

La suite nous propulse à la fin des années 90. Sally (Sandra Bullock) et Gillian (Nicole Kidman), lointaines filleules de Maria Owens, sont deux sœurs que tout oppose. La première est une femme sage et réservée, mère de deux enfants et vendeuse de plantes médicinales qui fait tout pour mener une vie normale. La seconde est impulsive, délurée et très extravertie, multipliant les conquêtes et profitant de la vie avec légèreté. Le lien qui les unit reste fort malgré la distance qui les sépare, mais un imprévu va les réunir à nouveau et réveiller leurs dons. Gillian s’est en effet embarquée dans une relation passionnée avec un homme toxique, Jimmy Angelo (Goran Visnjic), qui devient violent et la retient contre son gré. Les deux sœurs recourent alors à la magie pour résoudre la situation, mais leur manque d’expérience tourne à la catastrophe. C’est là qu’intervient l’inspecteur Gary Hallett (Aidan Quinn), venu enquêter sur Jimmy…

Entre drame et guimauve

La présence de Sandra Bullock est toujours réjouissante, et la prestation à contre-emploi de Nicole Kidman s’avère délectable, l’ex-Madame Tom Cruise s’amusant visiblement dans son rôle pétillant et exubérant, loin des personnages froids et distants auxquels elle nous avait habitués. L’alchimie entre les deux actrices fonctionne très bien, même si le réalisateur aura toutes les peines du monde à synchroniser leurs deux prestations. Bullock est en effet adepte d’un nombre de prises minimal pour conserver sa spontanéité, alors que Kidman a tendance à les multiplier sans cesse, sans doute influencée par son travail avec Stanley Kubrick sur Eyes Wide Shut. Ce décalage n’est pourtant pas visible à l’écran. Le problème des Ensorceleuses est ailleurs. L’intrigue met en effet énormément de temps à s’installer, Griffin Dunne s’avérant incapable de rendre justice au texte pétillant du roman original, enchaînant les saynètes anecdotiques sans parvenir à captiver ses spectateurs. Lorsque le récit rebondit enfin à mi-parcours, c’est pour mettre à jour un autre travers du film : son incapacité à trouver le ton juste. Alors que Dunne et ses scénaristes ont en tête une histoire relativement sombre, les cadres de Warner Bros veulent beaucoup plus de légèreté. Résultat : Les Ensorceleuses oscille sans cesse entre le drame et la guimauve et ne nous convainc finalement qu’à moitié. C’est d’autant plus dommage que le potentiel du film – agrémenté d’un casting franchement attrayant – était très prometteur.

 

© Gilles Penso


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LES DENTS DE LA NUIT (2008)

Trois fêtards invétérés parviennent à s’incruster dans une soirée VIP extrêmement élitiste… que tiennent des vampires assoiffés de sang !

LES DENTS DE LA NUIT

 

2008 – FRANCE / BELGIQUE / LUXEMBOURG

 

Réalisé par Vincent Lobelle et Stephen Cafiero

 

Avec Patrick Mille, Julie Fournier, Frédérique Bel, Vincent Desagnat, Hélène de Fougerolles, Sam Karmann, Tchéky Karyo

 

THEMA VAMPIRES

Après avoir réalisé des centaines de spots publicitaires, Vincent Lobelle et Stephen Cafiero décident de s’attaquer à leur premier long-métrage. Motivés par le succès de Shaun of the Dead, les duettistes se mettent en tête de dépoussiérer le vieux mythe des vampires en l’abordant sous l’angle parodique, dans une sorte de relecture modernisée du Bal des vampires. Mais si le classique de Polanski vient naturellement à l’esprit à la lecture du synopsis des Dents de la nuit, Lobelle et Cafiero puisent plutôt leur inspiration dans le cinéma horrifique « classique », leurs films de chevet dans le genre étant de la trempe de Zombie, L’Exorciste, Halloween ou Alien. Rien de très comique, donc, à priori. Lorsqu’ils s’attaquent aux Dents de la nuit, une première version du scénario existe déjà, et les producteurs peinent depuis cinq ans pour essayer de monter le financement du film. Ce sont eux qui finissent par trouver la juste tonalité, celle qui va permettre de débloquer les choses. La réunion d’un casting populaire et la pugnacité des producteurs fait le reste. Le titre lui-même est une habile trouvaille. Au lieu de La Nuit Médicis (qui est le nom original du film), on opte pour un mixage des Dents de la mer et des Griffes de la nuit qui – inconsciemment ou pas – parlera forcément aux amateurs du genre.

Sam (Patrick Mille), Prune (Julie Fournier) et Alice (Frédérique Bel), trois amis inséparables et grands spécialistes du squat dans les soirées, pensent décrocher le jackpot lorsqu’ils obtiennent des invitations pour la légendaire « Nuit des Médicis », une fête VIP mystérieuse qui se tient chaque année dans un château isolé. Mais leur excitation tourne court lorsqu’ils découvrent que leurs hôtes sont des vampires assoiffés de sang et que les invités ne sont là que pour servir de buffet. S’il a été difficile de pénétrer dans cette fête, il va s’avérer quasiment impossible d’en sortir ! Tandis que tous les invités se font tuer les uns après les autres, nos trois larrons vont devoir tout tenter pour s’échapper, armés de pieux improvisés et d’une bonne dose de débrouillardise. Sur leur chemin, ils entraînent dans leur fuite Édouard (Vincent Desagnat), un indécrottable boulet, Serge (Sam Karmann), un dentiste pour stars, et Jessica (Hélène de Fougerolles), une femme de mafieux au QI désastreux.

« Ce soir, évitez de vous faire sucer ! »

Rien de bien subtil n’émerge de ces Dents de la nuit, comme on peut s’y attendre, et ceux qui ne jurent que par Le Bal des vampires en termes de parodies aux dents longues risquent fort de soupirer d’exaspération face à cette comédie potache qui cherche à ratisser large et ne fait jamais dans la dentelle (« Ce soir, évitez de vous faire sucer » annonce d’emblée l’affiche du film !). Pourtant, Les Dents de la nuit ne manque pas d’attraits. Sa petite troupe de comédiens joue le jeu de l’autodérision avec une bonne humeur franchement communicative. Voir Tcheky Karyo cabotiner en comte vampire désabusé, Hélène de Fougerolles jouer la blonde désespérément décérébrée ou Sam Karman entrer dans la peau d’un chirurgien-dentiste imbu de lui-même (qui avoue « prendre du plaisir dans la bouche des autres » !) s’avère très jouissif. D’autre part, l’aspect purement fantastique du film est assumé à 100%, par l’entremise d’effets spéciaux de maquillage extrêmement efficace conçus par le maquilleur Pierre-Olivier Persin (The Substance) et réalisés par une équipe intégrant jusqu’à soixante artistes lorsque des vingtaines de vampires nécessitent leurs bons soins cosmétiques à base de silicone et de latex. Certes, le scénario des Dents de la nuit n’a rien de transcendantal et ses rebondissements ne marqueront guère les mémoires. Mais l’initiative demeure sympathique et le résultat tout à fait divertissant. Bref, voilà un petit plaisir coupable à partager de préférence entre copains.

 

© Gilles Penso

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DANGER DIABOLIK (1968)

Un super criminel, équipé de multiples gadgets et d’un repaire souterrain imprenable, multiplie les forfaits face à une police impuissante…

DANGER DIABOLIK

 

1968 – ITALIE / FRANCE

 

Réalisé par Mario Bava

 

Avec John Philip Law, Marisa Mell, Michel Piccoli, Adolfo Celi, Claudio Gora, Mario Donen, Renzo Palmer, Terry-Thomas

 

THEMA SUPER-VILAINS

Juste après le tournage de Barbarella, le producteur Dino de Laurentiis décide de poursuivre dans la voie de la bande dessinée pop en adaptant un « fumetti » (comics italien) très populaire baptisé Diabolik, œuvre des sœurs Angela et Luciana Giussani. Le premier réalisateur envisagé est Seth Holt (Hurler de peur, Confession à un cadavre), mais De Laurentiis n’est guère satisfait par son approche et c’est finalement Mario Bava qui hérite du bébé. Après avoir incarné l’ange aveugle de Barbarella, John Philip Law entre dans la peau du super criminel Diabolik. Sous les conseils de Roger Vadim, le rôle d’Eva, sa petite-amie, est d’abord confié à Catherine Deneuve, avant que tout le monde n’admette que c’est une erreur de casting. C’est finalement Marisa Mell qui la remplace. Insaisissable, tout de noir vêtu, équipé de gadgets futuristes et caché dans un spectaculaire repaire souterrain, Diabolik ne cesse de déjouer les plans de l’inspecteur de police Ginko (Michel Piccoli). Il dérobe ainsi la coquette somme de dix millions de dollars dans un convoi sur le point de s’embarquer, puis subtilise un collier d’émeraudes dans la tour d’un château pourtant sévèrement gardé. Le chef d’une bande de gangsters (Adolfo Celi), qui souffre de cette concurrence déloyale, décide de faire un pacte avec Ginko afin de se débarrasser une fois pour toutes de Diabolik…

Danger Diabolik est d’abord un régal pour les yeux. Extrêmement stylisé, serti dans une somptueuse photographie Technicolor, le film cligne ouvertement de l’œil vers James Bond dont la popularité est alors en plein essor. La caverne dans laquelle se réfugient Diabolik et sa belle, par exemple, se réfère ouvertement aux repaires des super-vilains les plus exubérants de la saga 007. Si ce n’est que cette fois-ci, ironiquement, le héros du film est le méchant. Adolfo Celi lui-même, interprète du redoutable mafieux qui tente de passer un accord avec la police pour éliminer Diabolik, était le Largo d’Opération tonnerre. Michel Piccoli joue ici un inspecteur dindon de la farce, variante « sérieuse » du Juve incarné par Louis de Funès dans les Fantomas de Hunebelle. À ses côtés, Terry-Thomas est délectable en ministre de l’intérieur dépassé par les événements. Bava s’amuse d’ailleurs à opposer le bavardage incessant des autorités et le mutisme de Diabolik et d’Eva, qui s’expriment plus volontiers par le regard et le langage corporel que par les mots. On note au passage que Mario Bava détourne le fétichisme du cuir noir, qu’il associait jusqu’à présent aux assassins adeptes de l’arme blanche, pour le muer en vecteur de mystère et de séduction.

J’veux du cuir !

Nanti d’un budget de trois millions de dollars – le plus confortable de toute sa carrière de cinéaste -, Mario Bava peut aller jusqu’au bout de ses idées, concoctant quelques séquences d’action mémorables comme la poursuite entre la jaguar et l’hélicoptère à flanc de montagne, l’escalade vertigineuse de la tour par un Diabolik tout de blanc vêtu, le double saut en parachute ou encore le déraillement explosif d’un train sur un pont suspendu. Roi du bricolage et du système D, le réalisateur met à contribution son savoir-faire dans le domaine des maquettes et des perspectives forcées pour minimiser les coûts de certaines séquences et obtenir des résultats frôlant le surréalisme. Décidément très inspiré, le roi du giallo enchaîne les scènes folles, du portrait-robot d’Eva qui se constitue sous forme d’un dessin animé aux ébats amoureux du couple sous des milliers de billets de banque, en passant par le gaz hilarant qui sabote une conférence de presse très sérieuse ou le final baroque qui semble presque cligner de l’œil vers Goldfinger. Bava nous donne vraiment le sentiment de voir une BD s’animer en prises de vues réelles, ce qui n’est pas si fréquent malgré l’infinité de comics qui ont été adaptés à l’écran. Sa vision, son inventivité et ses dons d’esthète font toute la différence. Danger Diabolik ne connaîtra pourtant qu’un succès modéré, annulant l’idée de la suite que De Laurentiis espérait produire dans la foulée. Depuis, le film a largement été réévalué, hissé désormais au rang d’objet de culte, voire de classique d’une époque où le psychédélisme et l’art pop étaient rois.

 

© Gilles Penso


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LA VIE DE BRIAN (1979)

Après avoir revu et corrigé le mythe du roi Arthur, les Monty Pythons nous proposent leur version du Nouveau Testament…

LIFE OF BRIAN

 

1979 – GB

 

Réalisé par Terry Jones

 

Avec Graham Chapman, John Cleese, Michael Palin, Terry Gilliam, Eric Idle, Terry Jones, Terence Bayler, Carol Cleveland, Kenneth Colley, Neil Innes, John Young

 

THEMA DIEU, LES ANGES, LA BIBLE

Sacré Graal avait été un galop d’essai cinématographique extrêmement concluant pour les Monty Pythons, même si sa mise en scène ne fut pas un long fleuve tranquille. Tiraillé entre les envies souvent contradictoires de ses deux réalisateurs, ce pastiche médiéval eut toutes les peines du monde à trouver sa forme définitive. Et c’est presque par miracle que les Pythons parvinrent non seulement à le terminer mais surtout à conquérir le grand public. D’un commun accord, Terry Gilliam et Terry Jones décident de ne pas coréaliser leur prochain film choral. Jones sera donc seul en charge de la mise en scène de La Vie de Brian, tandis que Gilliam (qui a déjà fait ses premières armes en tant que réalisateur solo avec Jabberwocky) assurera la direction artistique. L’idée de s’attaquer cette fois-ci au Nouveau Testament titille assez rapidement les six trublions qui se délectent déjà à l’idée de revisiter la Bible à leur sauce. Mais la société EMI, qui s’était engagé à financer le film, se retire du projet à cause d’un scénario jugé blasphématoire. Après un procès qui se règle à l’amiable, c’est finalement George Harrison qui réunit les quatre millions de livres sterling nécessaires à la mise en chantier de La Vie de Brian via sa toute nouvelle compagnie de production Handmade Films. L’ex-Beatle n’hésite pas à hypothéquer sa maison londonienne et son immeuble de bureaux, trop heureux à l’idée de voir un nouveau film des Monty Pythons sur grand écran.

Le générique en animation qui ouvre La Vie de Brian, conçu par Gilliam avec son style surréaliste inimitable, est rythmé par une chanson interprétée par une émule de Shirley Bassey qui semble vouloir parodier les « James Bond songs ». Nous découvrons alors les Rois Mages, pressés de découvrir l’enfant Jésus et de le couvrir de cadeaux. Mais ils se trompent de maison et débarquent chez les Cohen, reçus par une femme acariâtre qui vient d’accoucher du jeune Brian. Devenu adulte, celui-ci prend les traits de Graham Chapman et va connaître bien malgré lui un destin proche de celui du Christ. Victime des circonstances extérieures qui jouent souvent en sa défaveur, Brian gagne sa vie en vendant des friandises improbables dans une arène (« larmes de vierges », « otaries marinées », « langues de lézards »), adhère au Front populaire judéen, lutte contre les Romains, est compromis dans l’enlèvement de l’épouse de Ponce Pilate et devient soudain sans le vouloir un gourou adulé par une foule de partisans l’ayant proclamé prophète.

Prophète de fin d’année

Tourné en Tunisie, où il recycle à la fois les décors et les figurants de la mini-série Jésus de Nazareth de Franco Zeffirelli, La Vie de Brian témoigne d’une augmentation sensible de moyens et de scope depuis Sacré Graal . Les Monty Pythons (qui interprètent à eux six une quarantaine de personnages différents) ont les moyens de leurs folles idées et ne se réfrènent pas. Sans bien sûr renoncer au goût de l’absurde dont ils ont fait une véritable marque de fabrique, ils bâtissent une intrigue à la structure plus classique et plus fluide que dans leur film précédent. Le scénario n’est donc pas constitué d’un collage de vignettes comiques et s’efforce de suivre pas à pas le destin de Brian. Pour autant, le délire bat toujours son plein. Les lapidations, les luttes entre romains et résistants, les guerres intestines entre les différentes factions révolutionnaires, tout prend ici une tournure joyeusement ridicule. Le summum du délire est sans doute atteint avec le surgissement d’un vaisseau spatial habité par deux extra-terrestres improbables qui embarquent momentanément Brian dans le cosmos. « Nous ne savions pas quoi faire de Brian » confesse Terry Gilliam, en charge de cette séquence spécifique. « Il se retrouvait au sommet d’une tour et nous devions le sauver d’une manière ou d’une autre, alors j’ai dit : “OK, utilisons un vaisseau spatial !“ Star Wars était sorti peu de temps auparavant, et c’était l’occasion de lui adresser un clin d’œil. » (1) Mais derrière le délire ambiant, La Vie de Brian est aussi un pamphlet redoutablement efficace contre la foi aveugle, le fanatisme religieux, la quête désespérée des messies et des sauveurs. Et lorsqu’en guise d’épilogue tous les crucifiés chantent en chœur « Regardons toujours le bon côté de la vie », le rire franc se mêle à une ironie grinçante trahissant une nature humaine décidément indécrottable.

 

(1) Extrait d’une interview parue sur Yahoo ! Entertainment en avril 2019

 

© Gilles Penso


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NIMITZ, RETOUR VERS L’ENFER (1980)

Kirk Douglas incarne le commandant d’un porte-avion des années 80 qui se retrouve propulsé en 1941, juste avant l’attaque de Pearl Harbor…

THE FINAL COUNTDOWN

 

1980 – USA

 

Réalisé par Don Taylor

 

Avec Kirk Douglas, Martin Sheen, Katharine Ross, James Farentino, Ron O’Neal, Charles Durning, Victor Mohica

 

THEMA VOYAGES DANS LE TEMPS

C’est Peter Douglas, fils de Kirk et frère de Michael, qui est à l’origine de Nimitz, retour vers l’enfer. Après un prometteur début de carrière dans le domaine de la photographie de presse, Douglas décide de se lancer dans la production. En attendant de pouvoir concrétiser l’adaptation du roman de Ray Bradbury Something WIcked This Way Comes – qui deviendra La Foire des ténèbres en 1983 -, il se lance dans une histoire de voyage dans le temps dont il propose le rôle principal à son père et la réalisation à Don Taylor (un solide artisan ayant déjà emballé quelques films fantastiques efficaces comme Les Évadés de la planète des singes, L’Île du docteur Moreau ou Damien : La Malédiction 2). Pour les besoins de Nimitz, le jeune producteur obtient la pleine collaboration du ministère de la Défense américain. L’U.S. Navy met ainsi à sa disposition le porte-avion du titre, un grand nombre d’avions militaires et une cinquantaine de soldats assurant la figuration. Pour autant, le budget du film est raisonnable et la production reste indépendante. Pour donner la réplique à Kirk, Peter aimerait solliciter son frère Michael, mais ce dernier est alors très occupé par la post-production du Syndrome chinois – dont il est producteur – et doit donc décliner l’offre. C’est finalement Martin Sheen, tout droit sorti de d’Apocalypse Now, qui le remplace, aux côtés de Katharine Ross (Les Femmes de Stepford) et James Farentino (Réincarnations).

En début de métrage, le commandant du porte-avions Nimitz (Kirk Douglas) reçoit bien malgré lui la visite de Lasky (Martin Sheen), envoyé par le Ministère de la Défense pour vérifier les méthodes de fonctionnement à bord et proposer le cas échéant des améliorations. Alors que la météo annonçait une journée ensoleillée, le climat commence à faire des siennes, et bientôt un gigantesque cyclone fait son apparition dans le ciel avant d’engloutir purement et simplement le navire. Lorsque le calme revient, tout semble redevenu normal. Mais l’équipage capte bizarrement des émissions de radio des années 40. Quant aux photographies de reconnaissance d’un des avions, elles montrent la baie de Pearl Harbor telle qu’elle était en 1941. Bientôt, les hommes à bord du Nimitz voient toute la flotte japonaise approcher de Pearl Harbor. Ils comprennent alors l’invraisemblable vérité : ils ont remonté le temps jusqu’au 7 décembre 1941. Un terrible dilemme se présente à eux : doivent-ils les envoyer par le fond (ce que leur permet leur puissance de feu moderne) ou refuser d’intervenir pour ne pas bouleverser le cours de l’histoire ?

Le dilemme

Les conséquences d’une modification du continuum espace-temps et les paradoxes temporels qui pourraient en découler sont les aspects les plus fascinants du scénario. Même si le récit nous semble ne pas exploiter pleinement les complexités morales liées au choix que doivent faire nos protagonistes, chacun est amené à se positionner. « Une fois que l’événement a eu lieu, il ne faut pas qu’on le manipule » affirme ainsi le commandant Owens campé par James Farentino. Dommage que le fier capitaine qu’incarne Kirk Douglas semble prendre tout ça avec beaucoup de détachement, suscitant une distanciation pénalisante vis-à-vis de la gravité de la situation. Une écriture plus rigoureuse du personnage aurait permis de resserrer les enjeux et d’accroitre l’efficacité globale du film. Il n’en demeure pas moins que Nimitz est un exercice de style fascinant, ses séquences d’action anachroniques – comme celle des deux supersoniques prenant en chasse des Zéro japonais – n’étant pas sans évoquer celles des Guerriers de l’apocalypse sorti sur les écrans un an plus tôt et reposant sur un principe voisin. Pour économiser sur le budget tout en ménageant des moments spectaculaires, Nimitz emprunte plusieurs séquences de l’attaque de Pearl Harbor à Tora ! Tora ! Tora ! de Richard Fleischer et Kinji Fukasaku. Les effets visuels de la tempête magnétique, eux, sont l’œuvre de Maurice Binder, célèbre designer des génériques de nombreux James Bond. Le film de Don Taylor multiplie les moments de suspense et de surprise jusqu’à un habile retournement final de situation. Succès modéré au moment de sa sortie, Nimitz, retour vers l’enfer finira par générer un certain culte au fil des ans.

 

© Gilles Penso


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LES VISITEURS 2 : LES COULOIRS DU TEMPS (1998)

On prend – presque - les mêmes et on recommence, mais la formule miracle du premier film s’est éventée, hélas…

LES VISITEURS 2 : LES COULOIRS DU TEMPS

 

1998 – FRANCE

 

Réalisé par Jean-Marie Poiré

 

Avec Christian Clavier, Jean Reno, Muriel Robin, Marie-Anne Chazel, Christian Bujeau, Claire Nadeau, Jean-Luc Caron, Philippe Nahon, Patrick Burgel

 

THEMA VOYAGES DANS LE TEMPS I SORCELLERIE ET MAGIE I SAGA LES VISITEURS

Le succès sans précédent des Visiteurs ne pouvait évidemment pas rester sans suite. Après le navrant Les Anges gardiens, Jean-Marie Poiré et Christian Clavier s’attellent donc à ce nouvel opus en respectant des règles très hollywoodiennes : plus de budget, plus d’effets spéciaux, plus d’actions, plus de rebondissements… et un scénario quasi-similaire, pour ne pas trop dépayser le spectateur. Clavier, Jean Réno, Marie-Anne Chazel et Christian Bujeau reprennent donc leurs personnages là où Les Visiteurs les avaient laissés. Petite différence tout de même : Valérie Lemercier refuse de réendosser le double rôle de Béatrice/Frénégonde. « Le scénario me plaisait moins que le premier », avoue l’actrice. « Alors, pourquoi refaire la même chose en moins bien ? Vous savez, on accepte parfois de faire un film sans trop savoir ce qu’il peut donner. Mais là, franchement, je ne le sentais pas… La suite ne m’a pas donné tort. » (1) C’est finalement Muriel Robin qui prend le relais. L’idée est pour le moins incongrue, car on a beau apprécier les talents de la comédienne rompue à l’art du one woman show, comment ne pas être embarrassé par son affligeant numéro qui consiste à singer sans l’once d’une finesse la prestation de Lemercier dans l’opus précédent ? Pourquoi diable Poiré n’a-t-il pas offert à Muriel Robin un autre rôle, ce qui eut été mille fois plus logique ? Hélas, ce choix est loin d’être la seule faute de goût de cette séquelle.

Le comte Godefroy de Montmirail (Jean Reno) est enfin parvenu à retourner dans son époque, convaincu d’avoir ramené avec lui son fidèle écuyer, Jacquouille la Fripouille (Christian Clavier). Il croit également avoir évité le meurtre de son futur beau-père, le duc Fulbert de Pouille (Philippe Nahon). En réalité, Jacquouille, séduit par les plaisirs de la vie au vingtième siècle, a échangé sa place avec son descendant, Jacques-Henri Jacquart, qu’il a envoyé au Moyen Âge. De son côté, Godefroy célèbre son mariage avec Frénégonde (Muriel Robin). Mais les festivités sont brutalement interrompues par l’arrivée furieuse du duc Fulbert, qui dénonce la disparition soudaine de ses bijoux, dont une précieuse relique : « La dentelette de Sainte Rolande ». Le responsable du vol n’est autre que Jacquouille, qui avait dissimulé ces bijoux dans une cachette lors des funérailles du duc avant son voyage dans le temps, afin de les récupérer plus tard au 20ème siècle. Pour pouvoir épouser Frénégonde, Godefroy se voit contraint de mener l’enquête et de retrouver les bijoux et la relique disparus…

Le charme est rompu

Plus que jamais, le Jean-Marie Poiré qui sut nous offrir le désopilant Père Noël est une ordure et l’irrésistible Mes meilleurs copains nous manque cruellement. L’homme se repose ici sur ses acquis, jugeant bon de jouer la carte de l’accumulation en espérant ainsi annihiler les sens du public. Puisque les spectateurs semblent avoir aimé les ingrédients des Visiteurs, le cinéaste multiplie les gros plans déformés par le grand angle, les faux raccords, les effets de montage hystériques, les effets spéciaux numériques voyants, les cris et les hurlements, comme s’il suffisait de tripler la dose d’un bon cocktail pour en retrouver la saveur. Même si la pauvre Muriel Robin n’avait pas été contrainte de singer sans conviction le jeu de Lemercier, Les Visiteurs 2 se serait tout de même noyé dans ses propres excès. Dès les premières minutes, le constat est hélas sans appel : le charme est rompu. Quelques gags surnagent certes ici et là, Clavier continue à nous arracher un ou deux sourires (ajoutant à son double rôle de Jacquouille et Jacquart deux autres trublions, Prosper le purineur et Jacquouillet), mais le cœur n’y est plus. Le succès est certes au rendez-vous dans les salles de cinéma mais le concept a de toute évidence atteint ses limites. Poiré reviendra pourtant à la charge à deux autres reprises, avec le remake américain Les Visiteurs en Amérique en 2001 et la suite tardive Les Visiteurs : la révolution en 2016.

 

© Gilles Penso


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BIGGLES (1986)

Un homme d’affaires des années 80 se retrouve inexplicablement propulsé en pleine première guerre mondiale pour secourir un pilote anglais…

BIGGLES

 

1986 – GB / USA

 

Réalisé par John Hough

 

Avec Neil Dickson, Peter Cushing, Alex Hyde-White, Fiona Hutchison, Marcus Gilbert, William Hootkins, Alan Polonsky, Francesca Gonshaw, Michael Siberry

 

THEMA VOYAGES DANS LE TEMPS

Le film de guerre Le Crépuscule des aigles de John Guillermin avait rameuté les foules et renfloué les caisses de la 20th Century Fox en 1966. Le studio concurrent Universal décide alors de s’engouffrer dans la brèche en proposant son propre film militaire aérien en s’inspirant de la série de romans à succès que l’écrivain W.E. Johns a consacré à l’aviateur de la première guerre mondiale James Bigglesworth, alias Biggles. Le scénario est écrit par Chris Bryant, les repérages s’effectuent en Algérie, plusieurs répliques d’avions d’époque sont construites, James Fox (The Servant, La Poursuite impitoyable) est pressenti pour le rôle principal, bref les choses semblent bien parties. Mais le budget grimpe et le projet est annulé malgré les dépenses déjà engagées. Dès lors, Biggles va jouer l’Arlésienne. En 1979, Dudley Moore est devenu bankable grâce à Elle de Blake Edwards et se verrait bien dans la peau de Biggles. Un film le mettant en vedette est donc sérieusement envisagé, mais il ne se concrétise pas.  Trois ans plus tard, c’est Jeremy Irons qui est annoncé dans l’uniforme du pilote. Il faut finalement attendre 1984 pour que Biggles démarre vraiment, avec un réalisateur expérimenté derrière la caméra, John Hough (La Maison des damnés, Les Yeux de la forêt), et une étoile montante dans l’uniforme de Biggles, Neil Dickson (repéré dans la série biblique A.D.).

Au départ, Biggles est censé être un film d’aventures sur fond de première guerre mondiale surfant sur le triomphe des Aventuriers de l’arche perdue et d’Indiana Jones et le temple maudit. Mais entretemps, un nouveau phénomène débarque sur les écrans : Retour vers le futur. L’aventure rétro ne suffit pas, il faut désormais y ajouter de la science-fiction et si possible des voyages dans le temps. Tant pis pour les puristes des romans originaux. Le scénario est donc entièrement remanié par John Groves et Kent Walwin pour s’efforcer de cocher toutes les cases. Le film commence au milieu des années 80. Jim Ferguson (Alex Hyde-White), un businessman vivant à New York, est inexplicablement transporté en 1917, où il sauve la vie du fringant pilote du Royal Flying Corps James « Biggles » Bigglesworth (Neil Dickson) qui vient de se faire abattre lors d’une mission de reconnaissance photographique. Avant qu’il ne puisse comprendre ce qui s’est passé, Jim est renvoyé en 1986. Il reçoit alors la visite de l’ancien commandant de Biggles, William Raymond (Peter Cushing), qui vit désormais dans le Tower Bridge à Londres. Raymond lui expose sa théorie selon laquelle Ferguson et Biggles sont des « jumeaux temporels », transportés spontanément dans le temps lorsque l’autre est en danger de mort…

Les jumeaux temporels

Sa conception ayant été un peu chaotique, Biggles est un film hybride qui semble hésiter entre plusieurs genres sans vraiment parvenir à se décider. L’influence de Retour vers le futur est très visible, tout comme celle de Philadelphia Experiment avec lequel il présente plusieurs points communs. Mais contrairement aux films de Robert Zemeckis et Stewart Raffill, il ne s’embarrasse ni de rigueur, ni de logique, ni même d’explication claire. Seule nous est livrée la vaseuse théorie énoncée par un Peter Cushing qu’on a toujours plaisir à revoir, même si son rôle reste ici relativement anecdotique et s’il nous paraît très maigre et affaibli. Ce sera du reste sa dernière apparition à l’écran. Le reste du casting est sans éclat, malgré le capital sympathie de Neil Dickson. Biggles capitalise beaucoup sur ses séquences d’acrobaties aériennes qui, pour spectaculaires qu’elles soient, évoquent plus volontiers des numéros de cascadeurs forains que de véritables batailles dans les cieux de 14-18. Supervisées par le réalisateur de seconde équipe Terry Coles, qui avait effectué un travail similaire sur La Bataille d’Angleterre de Guy Hamilton, elles ne manquent certes pas d’audace. La séquence de l’hélicoptère qui atterrit et redécolle sur le wagon d’un train qui roule à près de 70 kilomètres/heure, par exemple, est une grande première. Pas foncièrement mémorable, Biggles rachète les facilités de son scénario par un traitement humoristique pleinement assumé et un second degré omniprésent, comme en témoigne son excentrique épilogue.

 

© Gilles Penso


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30 JOURS DE NUIT (2007)

Coincés dans une petite ville d’Alaska pendant un mois complet sans soleil, un shérif et une poignée de survivants affrontent de monstrueux vampires…

30 DAYS OF NIGHT

 

2007 – USA

 

Réalisé par David Slade

 

Avec Josh Hartnett, Melissa George, Danny Huston, Ben Foster, Mark Boone Junior, Mark Rendall, Amber Sainsbury, Manu Bennett, Megan Franich, Joel Tobeck

 

THEMA VAMPIRES

Lorsque Steve Niles imagine l’histoire de 30 jours de nuit, c’est avec l’intention d’en tirer un scénario pour le cinéma. Mais tous les studios auxquels il présente le projet tournent des talons, peu intéressés par le concept. En désespoir de cause, Niles change son fusil d’épaule et opte pour un autre médium : une série de comic books, dont il confie les dessins à Ben Templesmith. Par une de ces ironies du sort dont Hollywood a le secret, les albums ont suffisamment de succès pour attirer Columbia Pictures, qui avait pourtant rejeté initialement la proposition de Niles. Une adaptation sur grand écran se met donc en route, sous les bons auspices de deux producteurs spécialisés dans l’épouvante : Sam Raimi et Robert Tapert. Raimi envisage un temps de réaliser lui-même le film, mais choisit finalement de laisser quelqu’un d’autre passer derrière la caméra. Ce sera David Slade, dont le premier long-métrage Hard Candy avait fait grand bruit deux ans plus tôt. Slade s’installe avec son équipe en Nouvelle-Zélande pour un tournage de trois mois au cours duquel la plupart des séquences de nuit sont reconstituées en plein jour. Pleinement investis dans leurs rôles, Josh Hartnett et Melissa George donnent le meilleur d’eux-mêmes, effectuant chaque fois que possible leurs propres cascades, combats et séquences d’action.

L’histoire de 30 jours de nuit se déroule dans la ville de Barrow, située au cœur de l’Alaska. Tandis que les habitants se préparent à affronter l’hiver, marqué par un mois complet de nuit polaire, un mystérieux étranger (Ben Foster) débarque d’un grand navire et commence à saboter les moyens de communication ainsi que les transports, plongeant la ville dans le chaos. Le shérif de Barrow, Eben Oleson (Josh Hartnett), mène l’enquête et découvre que son épouse Stella (Melissa George) a raté le dernier vol pour quitter la ville et se voit contrainte d’y rester pour les trente prochains jours. Cette nuit-là, l’horreur frappe. Grâce à l’aide de « l’étranger », un groupe de vampires, mené par le sanguinaire Marlow (Danny Huston), envahit la ville et massacre une grande partie de la population. Les quelques survivants, dont la famille d’Eben, trouvent refuge dans une maison barricadée, munie d’un grenier secret, où ils tentent désespérément de se protéger des créatures assoiffées de sang qui rôdent autour d’eux.

Vive le sang d’hiver

Le froid hivernal est un support d’épouvante souvent très efficace, ce que prouvait magistralement The Thing de John Carpenter. David Slade le confirme en nous offrant une vision surprenante d’un mythe qu’on pensait pourtant connaître par cœur. Oubliez les dandys élégants et raffinés d’Entretien avec un vampire. Ici, les suceurs de sang sont des bêtes sauvages, des créatures primitives s’exprimant par rugissements et autres cris gutturaux, tout en exhibant des mâchoires de requins ensanglantées. Nous sommes finalement plus proches du zombie que du comte Dracula (auquel le personnage de « l’étranger » semble malgré tout faire allusion, calquant ses agissements sur celui de Renfield). D’ailleurs, plusieurs séquences du film évoquent La Nuit des morts-vivants, tandis que la séquence de la petite fille fait écho à celle de L’Armée des morts. 30 jours de nuit est une prodigieuse réussite, se distinguant par sa photographie somptueuse, son montage et son découpage au cordeau, ses maquillages spéciaux particulièrement efficaces, son suspense implacable, sa brutalité sans concession, son interprétation solide (Hartnett en tête). Bref, voilà une variante rafraîchissante (dans tous les sens du terme) qui confirme tout le bien que nous pensions de David Slade. Deux mini-séries (Blood Trails, Dust to Dust) et une suite (30 Jours de nuit 2 : Jours sombres) seront produites dans la foulée.

 

© Gilles Penso

 

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PRISON OF THE DEAD (2000)

Cinq amis se retrouvent dans une geôle abandonnée depuis des siècles et réveillent involontairement trois bourreaux zombies…

PRISON OF THE DEAD

 

2000 – USA

 

Réalisé par David DeCoteau

 

Avec Patrick Flood, Jeff Peterson, Sam Page, Kim Ryan, Alicia Arden, Michael Guerin, Debra Mayer, Claudiu Trandafir, Constantin Barbulescu, Mac Fyfe

 

THEMA ZOMBIES I SAGA CHARLES BAND

Pour Charles Band, Prison of the Dead marque la fin d’une époque, puisque c’est le dernier film tourné sur les plateaux de Castel Film Romania de Bucarest, où le fructueux producteur a pris ses habitudes depuis près d’une décennie. Le décor de prison désaffectée dans lequel se déroule cette minuscule série B d’épouvante présente la particularité d’avoir accueilli quelques semaines plus tôt les prises de vues d’un long-métrage beaucoup plus argenté, en l’occurrence Highlander Endgame de Doug Aarniokoski. L’idée originale de Prison of the Dead est développée par le réalisateur David DeCoteau et le scénariste Matthew Jason Walsh sous le titre de travail Creepies. Au départ, c’est Dave Parker (Les Morts haïssent les vivants) qui est envisagé pour le scénario et la mise en scène. Mais Charles Band ne lui laisse qu’un petit mois pour écrire et préparer, ce qui lui semble beaucoup trop court. DeCoteau, habitué aux préparatifs et aux tournages express, le remplace donc au pied levé en se cachant derrière l’un de ses nombreux pseudonymes, en l’occurrence Victoria Sloan. Le budget de Prison of the Dead est tellement serré qu’aucun compositeur n’est engagé pour signer la bande originale, DeCoteau se débrouillant avec des bouts de musique écrits par David Bryan pour La Main des ténèbres.

Kristof St. Pierce (Patrick Flood), un jeune homme riche et excentrique, invite ses anciens amis de lycée — Allie (Kim Ryan), Bill (Jeff Peterson) et Michele (Debra Mayer) — à se réunir sous le prétexte de l’enterrement de leur ami Calvin (Sam Page). Le groupe, passionné par les phénomènes paranormaux, se retrouve dans un funérarium construit sur les ruines d’une ancienne prison utilisée pour torturer et exécuter des sorcières au 17e siècle. Les trois invités apprennent qu’ils sont en réalité là pour un concours organisé par le père de Kristof, lequel offre une prime d’un million de dollars à ceux qui prouveraient l’existence de la mythique « Tallon Key », une clé légendaire ouvrant une porte abritant des secrets anciens. Pour compliquer un peu les choses, trois autres anciens camarades de lycée, Rory (Michael Guerin), Jeff (Mac Fyfe) et Kat (Alicia Arden), viennent en cachette pour leur jouer un mauvais tour en réponse aux frasques de Kristof. Les choses prennent une tournure affolante lorsqu’une séance de Ouija réveille accidentellement les cadavres de trois bourreaux animés soudain par une envie furieuse de massacrer tous ceux qui croiseront leur chemin…

"Eurotrash"

Hélas, comme souvent chez David DeCoteau, les personnages n’ont pas une once de crédibilité. Leur comportement, leurs dialogues, leurs relations, rien ne sonne juste. Et même si les jeunes acteurs s’efforcent de réciter leurs répliques avec un maximum de conviction, bien malin sera celui qui comprendra de quoi le scénario de Matthew Jason Walsh veut nous parler. De possessions diaboliques ? De fantômes ? De zombies ? Prison of the Dead a tout de même un atout parfaitement assumé par le réalisateur : son envie d’émuler les films d’horreur espagnols. « J’apprécie beaucoup les films d’exploitation étrangers, comme La Révolte des morts-vivants et ses suites, qui ont cette fameuse qualité “Eurotrash“ », avoue DeCoteau. « Chaque fois que je le peux, notamment dans les films que je réalise en Roumanie, j’essaie d’incorporer cette atmosphère. » (1) Effectivement, il est difficile de ne pas penser aux zombies de la saga des Templiers d’Amando de Ossorio lorsque ces bourreaux enterrés depuis des siècles émergent au ralenti de la terre qui les ensevelissait. Le visage squelettique, le corps recouvert d’une bure élimée, les mains armées d’armes blanches, ils errent dans les ruines très photogéniques du Castel Studio que DeCoteau ponctue d’éclairs, fidèle à son habitude de « cacher la misère » et de combler les vides avec une ambiance orageuse (comme dans Witchouse ou Totem). C’est sans conteste l’aspect le plus intéressant du film. Pour le reste, Prison of the Dead est vite vu/vite oublié, comme la grande majorité des films Full Moon de l’époque.

 

(1) Extrait d’une interview publiée dans Bright Lights Film Journal en août 1999.

 

© Gilles Penso


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