UGLIES (2024)

Dans le futur, tous les adolescents qui atteignent l’âge de 16 ans se voient offrir une opération chirurgicale qui les rend parfaits…

UGLIES

 

2024 – USA

 

Réalisé par McG

 

Avec Joey King, Brianne Tju, Keith Powers, Chase Stokes, Laverne Cox, Charmin Lee, Jay DeVon Johnson, Jan Luis Castellanos, Sarah Vattano, Ashton Essex Bright

 

THEMA FUTUR

Au départ, « Uglies » est une série de romans pour ados en cinq tomes lancée en 2005 par l’écrivain Scott Westerfeld. Situé dans une société dystopique, le récit évoque beaucoup celui de la nouvelle « The Beautiful People » de Charles Beaumont, publiée en 1952 et adaptée dans l’un des épisodes de La Quatrième dimension (« Portrait d’une jeune femme amoureuse » d’Abner Biberman). On y découvrait un monde futuriste dans lequel tous les gens, une fois arrivés à l’âge adulte, voyaient leur corps modifié de manière chirurgicale afin d’atteindre la perfection physique. « Uglies » part du même principe et séduit une frange importante du lectorat adolescent, notamment la jeune Joey King qui s’apprête alors à faire ses premiers pas à l’écran. Devenue une actrice reconnue puis une productrice exécutive (notamment grâce aux séries TV The Act, We Were the Lucky Ones et Hamster et Gretel), elle décide de faire porter le premier roman à l’écran et d’en interpréter le rôle principal (même si elle a alors 25 ans, soit dix ans de plus que l’héroïne Tally Youngblood). Ce rêve d’adolescence se concrétisera grâce à Netflix et au réalisateur McG, devenu un habitué de la plateforme de streaming depuis son diptyque The Babysitter et The Babysitter : Killer Queen.

Nous sommes donc dans le futur. Après avoir épuisé toutes ses ressources naturelles, le monde a sombré dans le chaos. Pour maintenir l’humanité en vie, les scientifiques créent des orchidées génétiquement modifiées qui constituent une nouvelle source d’énergie, puis mettent en place une procédure chirurgicale pour que chaque jeune citoyen, arrivé à l’âge de 16 ans, atteigne la perfection physique. Ceux qu’on surnomme les « Uglies » (« les moches ») deviennent donc des « Pretties » (« beaux »). Si les premiers vivent dans des cités universitaires où la plupart des enseignements visent à les préparer à cette opération qui les fait tous rêver, les seconds semblent passer leur temps à festoyer de l’autre côté de la mer, dans la baie idyllique de Garbo. Une fois ce postulat posé, le scénario s’intéresse plus particulièrement à Tally (Joey King) et Peris (Chase Stokes), deux amis inséparables qui se préparent pour le grand changement. Mais une fois que Peris (plus âgé de trois mois que Tally) se fait opérer, son comportement change radicalement. Notre jeune héroïne commence alors à se méfier. Et si la beauté parfaite promise à tous ses semblables cachait quelque chose ?

Moi, moche et méfiant

Il n’est pas simple d’adhérer au concept un peu absurde du film, qui laisse légitimement perplexe dans la mesure où il est énoncé en ces termes : pour résoudre les conflits dans le monde, tout le monde doit être beau. Cette idée bizarre, beaucoup plus subtilement amenée dans la nouvelle de Charles Beaumont, freine d’emblée les capacités du spectateur à entrer dans le film. Pour autant, ce pourrait être l’occasion de discourir sur la dictature de la beauté et sur les vertus de la marginalité face à l’uniformisation de la jeunesse qui est formatée pour juger sur les apparences. Mais ici encore, la subtilité n’est pas de mise et les dialogues se contentent d’enfoncer des portes ouvertes : « Je ne veux pas être libre, je veux être jolie ! » crie l’héroïne, tandis que le dictatorial docteur Cable (Laverne Cox) déclare que « la liberté de penser est un cancer ». La satire sociale n’ira pas plus loin, le scénario servant surtout de prétexte à enchaîner des séquences d’action dignes d’un parc d’attraction (principalement des courses en skateboard volant). Certes, le travail des effets visuels reste admirable (les cités futuristes, les panoramas post-apocalyptiques, les nuées de vaisseaux volants), mais sans intrigue suffisamment solide ni de mise en scène un tant soit peu inspirée, comment se laisser porter par le film ? L’approche minimaliste de La Quatrième dimension avait finalement beaucoup plus d’impact. À la réflexion, McG n’aura connu que deux véritables coups d’éclat dans sa carrière cinématographique : Charlie’s Angels et Terminator Renaissance. Le reste n’est hélas que poudre aux yeux trop vide de sens pour convaincre. La fin ouverte de Uglies nous prépare malgré tout à une suite qu’on imagine tirée du second volume de la saga littéraire de Scott Westerfeld.

 

© Gilles Penso


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THE CROW (2024)

Trente ans après la romance noire fantastico-mélancolique concoctée par Alex Proyas, ce remake tente en vain d’en retrouver la formule miracle…

THE CROW

 

2024 – USA

 

Réalisé par Rupert Sanders

 

Avec Bill Skarsgård, FKA twigs, Danny Huston, Josette Simon, Laura Birn, Sami Bouajila, Karel Dobry, Jordan Bolger, Sebastian Orozco, David Bowles

 

THEMA FANTÔMES I SAGA THE CROW

Voilà un projet qui avait tout de la fausse bonne idée. Tenter de refaire l’un des films les plus culte des années 90, un joyau gothique mué en œuvre maudite suite à la mort de son acteur principal, c’était forcément risquer de se casser les dents. Mais à Hollywood, rien n’arrête la machine à remakes, et rares sont les classiques du genre ayant échappé à cette manie du recyclage. L’idée d’un nouveau The Crow ne date d’ailleurs pas d’hier. Dès 2008, la bande dessinée de James O’Barr prépare son retour sur grand écran à l’initiative du réalisateur Stephen Norrington. Mais les choses n’avancent pas. Au cours des années suivantes, un nombre incalculable de metteurs en scène est attaché un temps au projet, de Juan Carlos Fresnadillo, à F. Javier Gutiérrez en passant par Corin Hardy, tandis que les noms de Bradley Cooper, Luke Evans, Jack Huston ou Jason Momoa sont évoqués pour incarner le héros tragique. C’est finalement Rupert Sanders, le réalisateur de Blanche Neige et le chasseur et de la version live de Ghost in the Shell, qui hérite du bébé. Charge à lui de nous faire oublier les trois séquelles du film d’Alex Proyas (avec respectivement Vincent Pezez, Eric Mabius et Edward Furlong), tout comme la série TV avec Marc Dacascos, et de tenter un retour aux sources.

James O’Barr lui-même redouble d’efforts pour justifier la naissance de ce nouveau The Crow. « Nous ne refaisons pas le film », affirme-t-il. « Nous réadaptons le livre. Ma métaphore est qu’il y a un Dracula de Bela Lugosi et un Dracula de Francis Ford Coppola. Ils utilisent le même matériel, mais on obtient deux films totalement différents. Celui-ci sera plus proche de Taxi Driver ou d’un film de John Woo, et je pense qu’il y a de la place pour les deux. » (1) Force est de constater que l’auteur du comic book original se laisse un peu trop emporter. Malgré la volonté manifeste qu’a Rupert Sanders de bien faire, nous ne voyons pas bien ce que Martin Scorsese et John Woo viennent faire là-dedans. D’ailleurs, bien malin sera celui qui comprendra les véritables intentions artistiques de ce The Crow cru 2024 qui semble hésiter entre plusieurs tonalités sans vraiment savoir quel public viser. Misérabiliste jusqu’à la dépression (son couple de héros végète dans un établissement pour toxicomanes, hanté par des cauchemars sinistres et des souvenirs traumatisants), le film se prend très au sérieux, abordant cette histoire fantastique avec un premier degré frontal et désarmant, jusqu’à se lâcher plus tard au cours d’une séquence de combat extrêmement gore, quelque part à mi-chemin entre le Quentin Tarantino de Kill Bill et le Peter Jackson de Braindead, qui semble presque échouée là par erreur…

Crow c'est Crow !

Bill Skarsgård fait ce qu’il peut pour remplacer Brandon Lee, promenant sa grande silhouette dégingandée couverte de tatouages, son regard de chien battu et ses allures de clown triste, mais il a tendance à nous indifférer. Son visage ne manque certes pas d’expressivité, mais l’acteur n’a malheureusement pas grand-chose à défendre, pas plus que la chanteuse FKA twigs dans le rôle d’une petite amie désespérément fade. Le rôle du grand méchant échoit à Danny Huston, certes délectable dans des films comme Aviator, Les Fils de l’homme ou Horizon : une saga américaine, mais complètement à côté de la plaque sous la défroque de ce chef de gang dandy ayant pactisé avec le diable. Mais le plus gros défaut de ce The Crow est son absence cruelle de poésie. Montrer l’héroïne lire un recueil d’Arthur Rimbaud n’y change évidemment rien ! La somptueuse mélancolie du film d’Alex Proyas n’est plus qu’un lointain souvenir auquel se substitue une brutalité balourde exempte de finesse et d’élégance. Le public et la presse bouderont de concert ce remake mal-aimé, lui réservant un accueil glacial et incitant tout un chacun à redécouvrir la beauté plastique du film original. Oui, c’était définitivement une fausse bonne idée.

 

(1) Extrait d’une interview publiée publié dans « Digital Spy » en octobre 2014

 

© Gilles Penso


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LES MORTS HAÏSSENT LES VIVANTS (2000)

La petite équipe de tournage d’un film d’horreur s’installe dans un hôpital abandonné et tombe sur de véritables zombies…

THE DEAD HATE THE LIVING

 

2000 – USA

 

Réalisé par Dave Parker

 

Avec Eric Clawson, Jamie Donahue, Brett Beardslee, Wendy Speake, Benjamin P. Morris, Rick Irwin, David Douglas, Matt Stephens, Kimberly Pullis

 

THEMA ZOMBIES I SAGA CHARLES BAND

Homme à tout faire pour la compagnie Full Moon depuis 1992, Dave Parker avait participé à l’écriture de projets divers (dont la plupart n’aboutirent pas, notamment la trilogie Puppet Wars) et fait office de réalisateur de deuxième équipe sur des films comme Kraa ! The Sea Monster. Mais son désir le plus ardent était de réaliser son propre long-métrage au sein de la compagnie. Ce rêve se concrétisa avec Les Morts haïssent les vivants. Au départ, ce film n’existe que sous la forme d’un titre et d’un poster (un zombie en décomposition qui attaque une jeune femme court-vêtue, comme sur une couverture de EC Comics). Le scénariste Benjamin Carr et le réalisateur David DeCoteau sont chargés de concrétiser ce projet à la demande du producteur Charles Band. « Dans un geste que je n’ai jamais vu se reproduire nulle part, David est allé voir Charles Band et lui a dit qu’il devait me laisser réaliser ce film », raconte Parker. « Heureusement pour moi, Charlie s’est mis d’accord avec David et a accepté que j’en sois le metteur en scène. » (1) Ce baptême du feu est une bénédiction pour le réalisateur novice, même si se retrouver seul aux commandes d’un film aussi ambitieux avec un budget ridicule et seulement dix jours de tournage pourrait ressembler à un cadeau empoisonné.

Les morts haïssent les vivants s’intéresse à une petite équipe de tournage venue réaliser un film d’horreur indépendant dans une sorte d’hôpital/laboratoire visiblement abandonné depuis de nombreuses années. Le décor est idéal mais le réalisateur David (Eric Clawson) doit composer avec les états d’âmes de ses deux sœurs, Shelly (Wendy Speake) et Nina (Kimberly Pullis), qui veulent toutes deux être la star du film. Les jeunes artistes en charge des effets spéciaux, Paul (Brett Beardslee) et Marcus (Rick Irwin), sont pleinement acquis à la cause du film, tout comme l’apprenti acteur Eric (Benjamin P. Morris), qui espère s’en servir de tremplin pour une carrière plus sérieuse, le chef opérateur excentrique Chas (David Douglas) et la régisseuse Topaz (Jamie Donahue) qui ne laisse pas indifférent le metteur en scène. Malgré certaines tensions, le tournage se déroule bien, jusqu’à la découverte sur place d’une sorte de grand cercueil orné d’une étrange sculpture. David décide d’en tirer parti pour son film, mais ce qui se trouve à l’intérieur va sérieusement faire dégénérer la situation…

Ça tourne à Zombieland

Chaque séquence du film laisse transpirer l’amour que Dave Parker a pour le cinéma d’horreur, quitte à multiplier les clins d’œil au fil des dialogues de ses protagonistes (à George Romero, Tom Savini, Sam Raimi, David Warbeck, Dick Miller, Gianetto de Rossi) ou à les saupoudrer au fil de l’action (un autocollant « Lucio Fulci Lives ! », une reprise du trucage de la machette de Zombie). Cette surcharge de références n’entrave pas le cours du récit, bien au contraire, puisque les personnages sont eux-mêmes des amateurs du genre désireux de percer dans le milieu. D’où un intéressant effet de mise en abyme qui n’est pas sans annoncer certains éléments du futur Ne coupez pas ! et de son remake Coupez ! Parker a d’ailleurs l’intelligence de tirer parti de ses faibles moyens pour circonscrire son intrigue, ses personnages et ses situations à une échelle modeste, en s’appuyant sur une petite troupe de comédiens très sympathiques. Avec cette actrice capricieuse, ce chef opérateur qui fume de l’herbe pour aiguiser ses sens, ce créateur d’effets spéciaux amoureux d’une des sœurs du réalisateur, puis soudain ce surgissement de zombies bien réels, il nous semble presque assister au croisement improbable entre Ça tourne à Manhattan et Le Retour des morts-vivants. Les zombies sortent d’ailleurs du cadre habituel, tant dans leur look que dans leur design, et nous acheminent vers un épilogue surprenant qui semble vouloir payer son tribut à L’Au-delà. Parker signera plus tard The Hills Run Red, Puppet Master : Doktor Death et You Shouldn’t Have Let Me In.

 

(1) Propos extraits du livre « It Came From the Video Aisle ! » (2017)

 

© Gilles Penso


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MA PROF EST UNE EXTRATERRESTRE (1989)

Le nouveau professeur de biologie du lycée Corman est une blonde sexy qui affole tous les élèves mais cache bien son jeu…

DR. ALIEN

 

1989 – USA

 

Réalisé par David DeCoteau

 

Avec Billy Jayne, Judy Landers, Olivia Barash, Stuart Fratkin, Raymond O’Connor, Arlene Golonka, Jim Hacknett, Bobby Jacoby, Julie Gray, Scott Morris

 

THEMA EXTRA-TERRESTRES I SAGA CHARLES BAND

Dans les années 80, les comédies adolescentes de John Hugues cartonnent (Breakfast Club, Une créature de rêve, La Folle journée de Ferris Bueller) et les lycéens semblent faire bon ménage avec la science-fiction (Retour vers le futur, Les Aventuriers de la quatrième dimension). Le producteur Charles Band et le réalisateur David DeCoteau tentent donc de s’engouffrer un peu tardivement dans la brèche en s’appuyant sur un scénario de Kenneth J. Hall (Evil Spawn, Puppet Master). Conçu sous le titre I Was a Teenage Sex Mutant (qui résume relativement bien son concept), le film est plus sagement rebaptisé Dr. Alien (et donc Ma prof est une extraterrestre en nos contrées). Pour l’anecdote, un jeune Brad Pitt encore inconnu auditionne pour le rôle principal mais est finalement rejeté au profit de Billy Jayne, sans doute parce qu’il ne correspond pas à l’ado au physique moyen que recherche le réalisateur. Pitt sera révélé deux ans plus tard dans Thelma et Louise. Le tournage de Ma prof est une extraterrestre se passe dans la bonne humeur, malgré des moyens limités, mais à mi-parcours DeCoteau reçoit un coup de film de son producteur lui annonçant en substance : « La banque a saisi tous nos comptes, la compagnie est en train de faire faillite, mais fais comme si de rien n’était et termine le film ! » Le cinéaste s’acquitte donc de sa tâche du mieux qu’il peut sans prévenir ses acteurs ni son équipe.

Ma prof est une extraterrestre s’intéresse aux élèves du lycée Corman (ainsi nommé en hommage au fameux Roger, bien sûr). Alors que le professeur de biologie de l’établissement, le docteur Ackerman (clin d’œil à Forrest J. Ackerman, éditeur du magazine « Famous Monsters »), vient d’être victime d’un accident de voiture après avoir vu un OVNI, il est remplacé par une enseignante blonde et sexy, Madame Xenobia (Judy Landers). Un soir, après les cours, le très sage lycéen Wesley Littlejohn (Billy Jayne) accepte de participer à une expérience susceptible de lui faire gagner quelques points. Mais Xenobia est une extraterrestre aux intentions louches, tout comme son assistant Drax (Raymond O’Connor). Ils injectent donc à Wesley un produit inconnu censé être une vitamine. Aussitôt, un étrange appendice phallique surgit de son crâne, variante burlesque de la glande pinéale de From Beyond, et le transforme en véritable bombe sexuelle attirant comme des mouches toutes les filles qui le croisent. Wesley va avoir bien du mal à gérer cette situation inédite…

Une créature de rêve

Raisonnablement distrayante à défaut d’être très subtile, cette comédie de SF calibrée pour le public teenager des années 80 accumule les scènes obligatoires : rivalités dans la cour du lycée, courses de voiture, scènes de drague maladroites, le tout aux accents d’une série de « tubes » des eighties composés par Chris Wilkening. Au passage, DeCoteau profite d’un rêve érotique de Wesley et d’une scène dans le vestiaire des filles pour exhiber tout un lot de playmates aux seins nus, histoire d’agrémenter le film d’une petite touche érotique. Il joue également la carte de l’autocitation en montrant sur une télévision un extrait d’une de ses séries B précédentes, Creepozoids (dont il reprend le nom pour une marque imaginaire de céréales). Le résultat est bon enfant, laissant au maquilleur Greg Cannom (Dracula, The Mask, Hannibal) le loisir de concevoir une créature extraterrestre cartoonesque pour le grand final, au moment où Xenobia révèle son véritable visage. Étant donné que la compagnie Empire, qui produisait le film, ferme ses portes en cours de tournage, le producteur Charles Band crée dans la foulée une nouvelle société, Full Moon Entertainement, et fera de Ma prof est une extraterrestre une monnaie d’échange pour conclure un accord de distribution avec le studio Paramount Pictures. Car chez Band, rien ne se perd, tout se transforme.

 

© Gilles Penso


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VIDEOVERSE (2021)

Une mystérieuse cassette vidéo déterrée dans un jardin transporte ceux qui la visionnent dans une dimension parallèle érotique…

VIDEOVERSE / CASSEX

 

2021 – USA

 

Réalisé par Lindsey Schmitz

 

Avec Anna Claire Clouds, Jazmin Luv, Jayden Cole, Michael Vegas, Ian Mark, Lexi Luna, Lauren Philips

 

THEMA CINÉMA ET TÉLÉVISION I MONDES VIRTUELS ET PARALLÈLES I SAGA CHARLES BAND

Tourné sous le titre Cassex avant d’être rebaptisé Videoverse au moment de son exploitation sur les plateformes de streaming, ce petit film érotico-fantastique inaugure le cru « Surrender » des années 2020, un label créé par le producteur Charles Band en 1996 pour lancer une série de séries B égrillardes aux prétextes science-fictionnels évasifs destinés à alimenter les bacs vidéo. Le titre Cassex est un mot-valise combinant « cassette » et « sexe » (puisqu’il est ici question d’une VHS qui active dangereusement la libido de ceux qui la visionnent) tout en compressant le prénom et le nom de Cassandra Essex, personnage clé de cette intrigue invraisemblable. En optant finalement pour l’appellation Videoverse, Band souhaitait-il évoquer les « multiverses » alors popularisés par les films Marvel dont il a toujours été un grand fan ? C’est probable. Toujours est-il que cette histoire de cassette maudite, version cochonne de celle de Ring, fut d’abord exploitée sur le site de Full Moon Features sous forme de deux épisodes de 30 minutes chacun, « La tentation de Doreen Duke » et « La corruption de Maya », avant que les deux parties soient regroupées pour former un seul film.

Videoverse met en scène un jeune couple marié, la bimbo Maya (Anna Claire Clouds) qui s’active dans son jardin avec une pelle, comme si elle était à la recherche d’un trésor, et le sympathique Tim (Ian Mark), occupé à décorer son bureau avec des tonnes de posters et de produits dérivés issus des films Full Moon (histoire de donner au film un petit côté « meta » amusant). À force de creuser, Maya trouve une mallette avec à l’intérieur un vieux camescope et une cassette vidéo. En la visionnant avec son époux, elle découvre Cassandra Essex (Lexi Luna), ancienne propriétaire de leur maison et star du X aujourd’hui décédée. Ils ignorent qu’une fois passée dans leur magnétoscope, la bande magnétique de cette VHS olé olé va libérer des esprits sur le point de hanter les lieux. Les choses se compliquent lorsqu’une des amies de Maya, Doreen (Jazmin Luv), vient leur rendre visite. Bientôt, la frontière entre la réalité et la dimension parallèle de Cassex se brouille…

Bande à part

S’il effeuille régulièrement et généreusement ses jolies actrices en les dotant de toutes sortes de tenues affriolantes, Videoverse reste curieusement pudique lorsqu’il s’agit de les montrer passer à l’acte. L’érotisme omniprésent du film prend de fait la tournure d’un enchaînement de longs préliminaires qui ne mènent nulle part. Ce parti pris est d’autant plus étrange que le casting est intégralement constitué de spécialistes du cinéma X et que le film est ouvertement vendu comme un festival de débauche décomplexée. Mais l’amateur de frissons polissons devra se contenter de la photogénie des comédiennes et d’une intrigue de science-fiction filiforme que le scénario tient pourtant à développer du mieux qu’il peut. De nombreuses scènes de dialogue alimentent en effet ce récit sans queue ni tête pour justifier l’intrusion spectrale de la défunte actrice porno et le basculement des protagonistes dans cette « quatrième dimension du sexe ». Même les séquences au potentiel comique – comme celle de l’aérobic – traînent en longueur puis s’interrompent brutalement sans chute. Les acteurs sont sympathiques, prennent visiblement leur travail à cœur et semblent passer du bon temps, certes, mais c’est tout de même un peu court. Une suite sera mise en chantier en 2023 sous le titre Videoverse : Mixtape.

 

© Gilles Penso

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INTRUDER (1989)

L’équipe de nuit d’un supermarché est méthodiquement massacrée par un tueur qui se cache parmi eux…

INTRUDER

 

1989 – USA

 

Réalisé par Scott Spiegel

 

Avec Liz Kern, Renée Estevez, Dan Hucks, David Byrnes, Sam Raimi, Eugene Robert Glazer, Billy Marti, Burr Steers, Craig Stark, Ted Raimi, Bruce Campbell

 

THEMA TUEURS I SAGA CHARLES BAND

Proche de Sam Raimi et Bruce Campbell qu’il connaît depuis l’adolescence, Scott Spiegel a réalisé 25 courts-métrages et co-écrit le scénario d’Evil Dead 2 avant de s’attaquer à son premier long en tant que réalisateur. Initialement titré The Night Crew (« L’équipe de nuit »), le film est finalement rebaptisé Intruder à la demande des distributeurs qui préfèrent quelque chose de plus agressif et de plus frontal. Il s’agit en fait de la version longue d’un court que Spiegel avait tourné en super 8 et qui s’inspirait à la fois d’Halloween et de sa propre expérience en tant qu’employé du Walnut Lake Market dans le Michigan. Budget restreint oblige, Intruder est tourné pendant deux semaines seulement, la nuit, dans un véritable magasin vide loué à l’équipe du film qui s’occupe de remplir tous ses rayons avec des produits défectueux achetés au poids. La pellicule 35 mm utilisée pour le tournage provient quant à elle de stocks périmés, preuve que le système D prime pendant toute la réalisation. La qualité du résultat n’en est que plus exemplaire. Car si Intruder est rarement cité parmi les slashers marquants des années 80, c’est une œuvrette que tout fan du genre se doit de découvrir ou de redécouvrir.

Le concept du film est simple : alors qu’un supermarché ferme ses portes le soir et que les employés commencent à réapprovisionner les rayons pour le lendemain, un tueur caché parmi eux se met à frapper, muant la soirée en véritable hécatombe. Pour mettre son film en image, Spiegel fait preuve d’une inventivité sans cesse en éveil, preuve de sa communauté d’esprit avec Sam Raimi. Il embarque ainsi sa caméra dans les caddies pour des plans subjectifs insolites, joue avec les reflets, saisit ses comédiens en plongée ou en contre-plongée extrême, opte pour des cadrages obliques déstabilisants lors de certaines conversations, filme depuis l’intérieur d’une poubelle ou d’un seau, à travers une bouteille ou même sous un cadran téléphonique pendant un coup de fil… Cet enchaînement d’idées visuelles ne procède pas seulement du gimmick. Elles renforcent la plupart du temps le malaise, laissent sans cesse peser une menace indéfinissable sur ses personnages et jouent parfois la carte de la métaphore. Comme lorsqu’une jeune femme évoque le séjour en prison de son ex, la caméra plaçant alors une grille à l’avant-plan qui semble enfermer la comédienne.

L’assassin en connaît un rayon

Les lieux communs du slasher ne nous sont certes pas épargnés (la caméra subjective qui accompagne les pas d’un tueur pendant qu’il respire fortement, les coups de téléphone anonymes répétés, les ombres portées inquiétantes) et le jeu de massacre finit par devenir un peu mécanique, mais les trouvailles multiples du cinéaste évitent que la routine s’installe. D’autant que plus le film avance, plus les meurtres deviennent brutaux et gore, sollicitant des effets spéciaux de maquillage saisissants signés par l’atelier KNB. Parmi la sympathique petite troupe de comédiens qui s’animent dans les rayons du magasin, on s’amuse à découvrir Sam Raimi pour une fois de l’autre côté de la caméra, jouant les employés naïfs aux côtés de son frère Ted Raimi, même si leurs rôles respectifs restent à l’arrière-plan et s’ils ne partagent aucune scène ensemble. Bruce Campbell lui-même fait une petite apparition en toute fin de métrage, achevant de faire d’Intruder une « affaire de famille » post-Evil Dead. Spiegel signera plus tard Une nuit en enfer 2 et Hostel 3, tout en continuant à multiplier les petits rôles dans les films de Sam Raimi (Darkman, Mort ou vif, Spider-Man 2, Jusqu’en enfer et Doctor Strange in the Multiverse of Madness). Quant au producteur Lawrence Bender, il entrera ensuite dans la cour des grands avec Reservoir Dogs, Pulp Fiction, Will Hunting, Jackie Brown, Kill Bill, Tu ne tueras point et beaucoup d’autres films à succès.

 

© Gilles Penso


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UN VENDREDI DINGUE, DINGUE, DINGUE (1976)

Par un coup du sort inexplicable, une mère et sa fille adolescente inversent subitement leurs corps et doivent vivre chacune dans la peau de l’autre…

FREAKY FRIDAY

 

1976 – USA

 

Réalisé par Gary Nelson

 

Avec Jodie Foster, Barbara Harris, John Astin, Patsy Kelly, Dick Van Patten, Vicky Schrenck, Sorrell Brooke, Kaye Ballard, Sparky Marcus, Marc McClure

 

THEMA SORCELLERIE ET MAGIE

S’il n’est peut-être pas le tout premier film à avoir abordé le motif de l’inversion des corps, Freaky Friday est sans conteste celui qui l’a définitivement installé comme un sous-genre à part entière du cinéma fantastico-comique, entraînant dans son sillage un nombre incalculable de variantes (dont le spectre s’étend de Rendez-moi ma peau de Patrice Schulmann à Freaky de Charles Landon). Un Vendredi dingue, dingue, dingue (titre français hyperbolique inspiré sans doute par celui d’Un monde fou, fou, fou, fou de Stanley Kramer) s’appuie sur un roman de Mary Rodgers paru en 1972, dont elle signe elle-même l’adaptation et qui lui aurait été en partie inspiré par une lecture de jeunesse, en l’occurrence le savoureux « Turnabout » de Thorne Smith. « C’était l’histoire d’un mari et d’une femme qui changeaient de corps, et l’homme était furieux parce qu’il était soudainement une femme enceinte », raconte la romancière et scénariste. « Je me souviens avoir pensé “c’est vraiment drôle “, alors que j’étais au fond de mon lit avec un rhume. Je ne peux donc pas m’attribuer tout le mérite de cette idée d’inversion des rôles. » (1) Pour incarner la mère et la fille qui se substituent brutalement l’une à l’autre, le studio Disney choisit Barbara Harris et Jodie Foster. La première sort tout juste de deux films aux antipodes (Nashville de Robert Altman et Complot de famille d’Alfred Hitchcock). La seconde n’a que 13 ans mais a déjà joué dans une infinité de séries TV et une dizaine de longs-métrages (dont Taxi Driver et Bugsy Malone).

Vétéran du petit écran qui se distinguera trois ans plus tard en mettant en scène Le Trou noir, Gary Nelson s’empare de ce sujet prometteur et l’emballe avec beaucoup de soin. Après un générique en dessin animé au cours duquel les voix de Harris et Foster chantent à l’unisson « I’d Like to be You for a Day », nous découvrons la famille Andrews. Ellen et Annabel sont l’archétype d’une mère et d’une fille adolescente dans l’Amérique banlieusarde du milieu des années 70. L’une est une femme au foyer exigeante et apprêtée, l’autre une gamine mal dégrossie au caractère bien trempé, et leurs frictions quotidiennes font des étincelles. Le sympathique père de famille (John Astin) et le jeune frère très sage (Sparky Marcus) passent forcément à l’arrière-plan derrière leurs disputes incessantes. Un jour, alors que l’une est dans sa cuisine et l’autre dans un snack avec ses amies, Ellen et Annabel formulent simultanément le même vœu, motivé par le sentiment que la vie de l’autre est forcément plus simple :  « J’aimerais pouvoir changer de place avec elle pour un seul jour ». Et soudain, le miracle opère. Sans aucune explication logique, Ellen se retrouve propulsée dans le corps de sa fille et Annabel prend l’apparence de sa mère…

Vis ma vie

Le casting est l’un des points forts du film. Jodie Foster est parfaite dans le rôle de cette adulte coincée dans un corps d’ado, accumulant les catastrophes dans les salles de classe ou sur les terrains de sport. Mais c’est surtout Barbara Harris qui emporte le morceau. La voir soudain sauter sur un skateboard, faire d’énormes bulles avec son chewing-gum, tenter très maladroitement de s’acquitter des tâches ménagères ou jouer à « l’adulte respectable » est un spectacle joyeusement décalé. La séquence au cours de laquelle Harris se retrouve totalement débordée par un nombre incalculable de personnes qui débarquent chez elle et la bombardent de questions (la femme de ménage acariâtre, le teinturier, le menuisier, le mécanicien, le garagiste, la voisine) est à ce titre un morceau d’anthologie monté sur un tempo infernal. Tout converge vers un événement professionnel crucial pour le brave père/époux : l’inauguration d’une marina dont le clou du spectacle sera une performance en ski nautique assurée par sa fille… qui n’est désormais plus sa fille. Les cascades impensables s’enchaînent alors sur une musique funky déchaînée, d’autant qu’Annabel (qui ne sait pas conduire) se lance parallèlement dans une course poursuite à bord de la voiture familiale pour partir sauver sa mère. D’où un final très mouvementé exploitant jusqu’au bout le concept délirant du scénario. Le film n’est pas exempt de maladresses (la mise en scène est un peu statique, les effets visuels moyennement performants, certains traits d’humour datés), mais Un Vendredi dingue, dingue, dingue reste un bol d’air très rafraîchissant dont Mark Waters tirera un remake réussi en 2003, avec Lindsay Lohan et Jamie Lee Curtis.

 

(1) Extrait d’une interview menée par Marsha Norman en 2013.

 

© Gilles Penso

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SPELLCASTER (1988)

Sept concurrents participent à une chasse au trésor dans un château médiéval pour remporter un million de dollars, mais le jeu vire au massacre…

SPELLCASTER

 

1988 – USA

 

Réalisé par Rafal Zielinski

 

Avec Adam Ant, Richard Blade, Gail O’Grady, Harold Pruett, Bunty Bailey, Kim Johnston Ulrich, Michael Zoreck, Martha Demson, Traci Lind, William Butler

 

THEMA DIABLE ET DÉMONS I SAGA CHARLES BAND

Réalisé alors que les activités de la compagnie Empire Pictures atteignent leur dernière ligne droite avant une faillite inexorable, Spellcaster est un ovni cinématographique qui symbolise bien l’excentricité de la fin des années 80. Écrite par Dennis Paoli et Charlie Bogel d’après une histoire d’Ed Naha (Chérie j’ai rétréci les gosses), cette comédie horrifique est une sorte de capsule temporelle tournant autour des icônes d’une époque révolue. Parmi les stars déclinantes de la scène musicale que le film met en vedette, on note le célèbre DJ britannique Richard Blade, le chanteur punk Adam Ant et la comédienne Bunty Bailey, révélée grâce au célèbre clip « Take On Me » de A-ha. Terminé en 1988, le film ne sera finalement distribué qu’en 1992 à cause des difficultés financières de la compagnie, ce qui jouera beaucoup en sa défaveur. Car au lieu d’être le film d’horreur ultime pour la génération MTV dont rêvait le producteur Charles Band, ce cocktail étrange débarque dans les bacs vidéo alors que le grunge s’est emparé de la jeunesse et que les stars glam-rock et les tubes new wave ne sont plus au goût du jour. Autant dire que Spellcaster est dépassé par les changements de mode et que le timing n’est plus le bon.

Jackie (Gail O’Grady) et son frère Tom (Harold Pruett), deux jeunes gens de l’Ohio, remportent un voyage en Italie grâce à un concours organisé par la chaîne Rock TV. Accompagnés d’une brochette de stéréotypes ambulants, à savoir Myrna (Martha Demson), l’aristocrate snob adepte de la chasse, Yvette (Traci Lind), la Française arrogante, Teri (Kim Johnston Ulrich), qui allume tous les garçons à sa portée, Harlan (Michael Zoreck), le newyorkais à l’appétit insatiable, et Tony (Marcello Modugno), la petite frappe italienne, ils débarquent dans un grand château médiéval, propriété de l’énigmatique Monsieur Diablo. Sous la direction de l’animateur vedette Rex (Richard Blade), et avec la participation de la rock star alcoolique Cassandra Castle (Bunty Bailey), les candidats doivent dénicher un chèque d’un million de dollars caché quelque part dans les murs du château. Mais rapidement, la chasse au trésor prend une tournure macabre et les morts étranges se succèdent…

Murder Party

Le scénario de Spellcaster se résume finalement à une sorte de murder party bénéficiant de la photogénie du Castello di Giove, un vaste château italien du XIIème siècle dont Charles Band a fait l’acquisition et qui servira de décor à maintes production Empire. Les errances de tout ce beau monde dans les coursives finissent par lasser et n’ont rien de foncièrement palpitant. Fort heureusement, le créateur d’effets spéciaux John Carl Buechler (qui officie aussi ici en tant que réalisateur de deuxième équipe) agrémente le film de séquences fantasmagoriques qui valent à elles seules le détour, notamment l’éveil d’une statue de batracien, l’attaque d’une chaise en forme de lion féroce qui dévore une candidate, le surgissement de cadavres momifiés dans une cave aux allures de catacombe, la transformation d’un homme en cochon façon Le Loup-garou de Londres, l’apparition d’un démon bestial et agressif, une armure médiévale qui s’anime soudain pour révéler à l’intérieur de son casque une sorte de chauve-souris mutante qui dévore les visages, un loup monstrueux qui semble échappé de Hurlements… Tout ce bestiaire délirant égaye le métrage et lui offre ses passages les plus intéressants, jusqu’à un épilogue théâtral permettant à Adam Ant de faire son petit numéro dans le rôle du diable.

 

© Gilles Penso


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LES GOONIES (1985)

Un groupe de gamins turbulents découvre la carte d’un trésor pirate et décide de partir à sa recherche, quitte à affronter mille dangers…

THE GOONIES

 

1985 – USA

 

Réalisé par Richard Donner

 

Avec Sean Astin, Josh Brolin, Jeff Cohen, Corey Feldman, Ke Huy Quan, Kerri Green, Martha Plimpton, John Matuszak, Robert Davi, Joe Pantoliano

 

THEMA EXOTISME FANTASTIQUE I FREAKS

Au milieu des années 80, Richard Donner a déjà crevé l’écran à plusieurs reprises, offrant au public du monde entier des spectacles ultra-populaires tels que La Malédiction, Superman et Ladyhawke. Mais Les Goonies occupe une place toute particulière dans son cœur. De son propre aveu, c’est sans conteste l’un de ses souvenirs professionnels les plus heureux. « Les Goonies sont entrés dans ma vie par l’intermédiaire de Steven Spielberg », raconte-t-il. « Nous étions amis depuis de très nombreuses années et il m’a appelé pour me dire qu’il avait demandé à un jeune auteur du nom de Chris Columbus d’écrire un scénario d’après une idée qu’il avait eue. J’ai lu le scénario et je n’ai pas pu m’empêcher de rire. J’en suis tombé follement amoureux. » (1) Columbus vient alors de se distinguer grâce au scénario de Gremlins et s’apprête à devenir lui-même un réalisateur à succès (avec Maman j’ai raté l’avion, Miss Doubtfire, Harry Potter à l’école des sorciers et beaucoup d’autres). Emporté par son élan, Columbus a sans doute péché par excès sur Les Goonies. Trop long, nécessitant un budget trop important, le script initial doit être revu à la baisse et sacrifier notamment une scène épique d’attaque de pieuvre géante prévue pour le climax, dans la droite lignée de celle de 20 000 lieues sous les mers. Ramené à de plus justes proportions, le film se concentre sur quatre adolescents : le chétif mais brillant « Mikey », l’insolent et roublard « Mouth », le maladroit boulimique « Chunk » et le roi du bricolage « Data ».

La séquence d’ouverture, qui nous présente l’un après l’autre les futurs héros de cette histoire, reliés géographiquement par le flux déchaîné d’une course-poursuite entre policiers et gangsters à travers la ville, est un modèle de mise en scène (montée par le vétéran Michael Kahn) dont la folle énergie donne d’emblée le ton du film. Les quatre « Goonies » (qui se surnomment ainsi parce qu’ils vivent dans le quartier des « Goon Docks » d’Astoria) s’apprêtent à vivre un coup dur : l’expulsion de leurs maisons au profit de l’installation d’un country club en pleine expansion. Leurs parents n’étant pas en mesure de payer l’hypothèque, la seule solution semble venir d’une carte que les gamins découvrent dans le grenier de Mikey et qui est censée mener au trésor du légendaire pirate « Willy le borgne ». Le butin serait dissimulé quelque part dans les environs, plus précisément sous les fondations d’un restaurant abandonné. Or c’est là que se sont cachés les Fratelli, une famille de criminels qui cherchent à échapper à la police…

Escape game

Les Goonies nous offre une vision de l’enfance ouvertement très éloignée des clichés sirupeux, notamment à travers la voix de « Mouth » qui parle de drogue, de sexe et multiplie les blagues graveleuses. Invité par Richard Donner à improviser dès que l’occasion se présente, le jeune casting réunit plusieurs étoiles montantes (Josh Brolin, Sean Astin) et quelques enfants stars (le Corey Feldman de Gremlins, le Ke Huy Quan d’Indiana Jones et le temple maudit), en un cocktail dont la parfaite synergie profite beaucoup au film. Calibrée à merveille pour le public ado de l’époque, l’aventure se vit comme un mélange de chasse au trésor et de train fantôme et doit évidemment beaucoup à Indiana Jones (les pièges mortels dans la caverne, les chutes de rochers géants, la nuée de chauve-souris). Du restaurant abandonné au labyrinthe souterrain en passant par la cascade sous la roche, la grotte en forme de tête de mort, le totem/orgue macabre et bien sûr le bateau pirate, les décors de J. Michael Riva (Halloween 2, Buckaroo Banzaï) dotent le film d’un impact visuel saisissant. Si cet « escape game » avant l’heure se déconnecte totalement d’un quelconque réalisme, le fantastique s’invite frontalement à travers le personnage de Sloth/Cinoque, affublé d’un incroyable maquillage signé Tom et Ellis Burman, qui permet à Donner de s’autoparodier le temps d’un clin d’œil à Superman. Certes, Les Goonies manque de finesse, ne recule devant aucun archétype et force souvent le trait. Mais la bonne humeur qui a présidé à sa réalisation est très communicative. Le film reste aujourd’hui l’un des meilleurs souvenirs cinéphages des spectateurs qui le découvrirent dans les années 80.

 

(1) Propos issus du livre « The Directors » de Robert J. Emery (2002)

 

© Gilles Penso


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BEETLEJUICE BEETLEJUICE (2024)

On prend les mêmes et on recommence ! 36 ans plus tard, Tim Burton ressuscite le fantôme exorciste à qui il doit presque tout…

BEETLEJUICE BEETLEJUICE

 

2024 – USA

 

Réalisé par Tim Burton

 

Avec Michael Keaton, Winona Ryder, Catherine O’Hara, Justin Theroux, Jenna Ortega, Monica Bellucci, Willem Dafoe

 

THEMA FANTÔMES I SAGA TIM BURTON

Quel bonheur de voir Tim Burton retrouver le grain de folie de ses débuts, se laisser aller à tous les excès, multiplier les idées visuelles excentriques, balayer le tout-numérique qui plombait des films comme Alice au pays des merveilles au profit de bricolages à l’ancienne (maquillages spéciaux, marionnettes, stop-motion), bref se faire plaisir avec une bonne humeur communicative. Certes, une telle démarche nostalgique n’est pas sans revers. Le « fan service » abonde fatalement dans Beetlejuice Beetlejuice, tout comme une inévitable impression de déjà-vu et une tendance à complexifier l’intrigue pour donner aux spectateurs le sentiment qu’ils ne se contentent pas de voir un remake du premier Beetlejuice. Pour autant, le film assume pleinement son statut de séquelle tardive en refusant de n’être qu’une resucée du passé. Beetlejuice Beetlejuice jette donc un pont entre le Tim Burton des années 80 et celui des années 2020, mêlant une partie du casting du film original (auquel s’adjoint brièvement ce bon vieux Danny DeVito) aux nouveaux membres de la famille cinématographique du réalisateur, notamment Jenna Ortega (héroïne de la série Mercredi) et Monica Bellucci (sa compagne/muse du moment).

Michael Keaton est plus déchaîné que jamais (son maquillage nous donnant l’étrange sentiment qu’il n’a presque pas pris de ride), Catherine O’Hara reprend avec emphase son personnage d’artiste conceptuelle vaniteuse et Winona Ryder nous offre le portrait torturé de l’ancienne adolescente gothique perdue entre une mère envahissante, une fille distante et un petit-ami superficiel. Quant à Jeffrey Jones, devenu « problématique » après ses démêlées avec la justice, Burton s’en débarrasse de manière hilarante et caricaturale sans pour autant effacer le personnage de son scénario, en une pirouette narrative et artistique franchement culottée. Du côté des nouveaux-venus, Bellucci assure dans le rôle d’une variante inquiétante de la fiancée de Frankenstein, ancien démon recousu à la va vite et couturé de cicatrices grossières, comme la Sally de L’Étrange Noël de Monsieur Jack. Burton ne lui donne certes pas grand-chose à exprimer – ses dialogues se comptent sur les doigts de la main – mais sa présence physique reste saisissante. Jenna Ortega est parfaite elle aussi dans le rôle de la fille délaissée, même si les personnages d’adolescentes marginales commencent singulièrement à coller à la peau de la jeune actrice qui gagnerait à changer un peu de registre.

Fantômes en fête

Cette petite galerie de protagonistes volontiers excessif – qu’accompagnent Justin Theroux et Willem Dafoe, tous deux en très grande forme – s’anime joyeusement dans ce film qui joua longtemps l’Arlésienne, au point qu’on n’y croyait plus. Annoncé à de nombreuses reprises depuis le début des années 2000, ce second Beetlejuice se concrétisa en grande partie grâce à la série Mercredi, au cours de laquelle Burton retrouva une joie de mettre en scène et une fraîcheur qui visiblement lui faisaient défaut depuis quelques années. Plusieurs conditions s’avéraient indispensables au lancement de cette suite, notamment le retour de Keaton et Ryder mais aussi la conservation d’un caractère politiquement incorrect. Pas question d’un Betelgueuse édulcoré et assagi qui réfrènerait ses propos graveleux et son comportement libidineux. Trop heureux de pouvoir à nouveau se lâcher, Michael Keaton décide d’éviter les répétitions avant les prises pour pouvoir tout donner dès que les caméras se mettent à tourner. Burton lui-même jette aux yeux – et aux oreilles – des spectateurs tout ce qu’il aime, multipliant les hommages (il cite Opération peur, Psychose et Carrie) et concoctant de nouvelles séquences musicales hallucinantes, comme s’il voulait que son vingtième long-métrage soit un véritable feu d’artifice, un retour aux sources doublé d’un nouveau départ. Une seconde jeunesse ? Pourquoi pas.

 

© Gilles Penso


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