PAS DE CETTE TERRE (1957)

Un extra-terrestre dont la civilisation est mourante se fait passer pour un Terrien dans le but d’étudier le sang des humains…

NOT OF THIS EARTH

 

1957 – USA

 

Réalisé par Roger Corman

 

Avec Paul Birch, Beverly Garland, Morgan Jones, William Roerick, Jonathan Haze, Roy Engel, Dick Miller, Anna Lee Carroll

 

THEMA EXTRA-TERRESTRES I SAGA ROGER CORMAN

Après avoir travaillé avec Roger Corman sur le western La Loi des armes, le scénariste Charles B. Griffith lui propose de poursuivre cette collaboration avec deux petits films de science-fiction : Pas de cette Terre et It Conquered the World. Coutumier du genre depuis son début de carrière (avec des films comme Le Monstre de l’océan, The Beast with a Million Eyes ou Day the World Ended), Corman accepte tout de suite, à condition de pouvoir tourner chacune de ces séries B en deux semaines pour moins de 100 000 dollars. Pas de cette Terre raconte l’histoire d’un extra-terrestre qui se fait passer pour un être humain (Paul Birch). Sous le nom de Mr Johnson, il se promène avec un chapeau sur la tête, des lunettes de soleil sur les yeux et une étrange mallette à la main. Venu de la planète Davanna, où les habitants ont développé une maladie du sang incurable à la suite d’une guerre nucléaire, il a été envoyé sur Terre dans le but d’examiner le sang des humains pour déterminer s’il pourrait être utile pour guérir sa race mourante. Afin de remplir sa mission, Johnson s’installe dans un luxueux manoir à Griffith Park, puis engage un chauffeur/garde du corps (Jonathan Haze) et une infirmière (Beverly Garland) qui ignorent tout de sa vraie nature…

Dotant son film d’un rythme nerveux et sans temps morts, adoptant une mise en scène simple mais très fluide, Roger Corman semble gagner en assurance et en efficacité au fil des longs-métrages qu’il réalise, tout en s’appuyant sur un casting judicieux. Paul Birch est parfait sous la défroque de cet alien glacial et sans émotion aux manières guindées, Beverly Garland impeccable dans le rôle d’une infirmière pétillante au caractère trempé, Jonathan Haze joyeusement cabotin en ancienne petite frappe muée en « employé modèle ». On apprécie aussi la petite apparition de ce bon vieux Dick Miller en vendeur d’aspirateurs qui fait du porte-à-porte, improvisant une partie de ses répliques en s’inspirant de sa propre expérience passée de représentant de commerce. Malgré le budget minuscule qu’il s’octroie, Corman assume le caractère frontalement science-fictionnel du film en visualisant les pouvoirs étranges de Mr. Johnson. Sans jamais perdre son impassibilité, ce dernier brûle ses victimes humaines avec son regard blanc, conserve leur sang dans son frigo, fait disparaître les corps dans sa chaudière, puis communique régulièrement avec une autorité supérieure qui prend les allures d’une tête flottante au-dessus d’une espèce de cabine de téléportation. Le « clou du spectacle » est l’apparition finale d’un alien volant mi-chauve-souris mi-parapluie du plus bel effet !

« Je suis un acteur, je n’ai pas besoin de ça ! »

Le tournage du film est entaché par une tension croissante entre Paul Birch et Roger Corman. Très incommodé par les lentilles de contact blanches qu’il est forcé de porter chaque jour (même lorsque ses yeux sont cachés par des lunettes de soleil, dans la mesure où le planning des prises de vues évolue sans cesse), Birch finit par craquer. « Je suis un acteur, je n’ai pas besoin de ça ! » crie-t-il sur le plateau avant de claquer la porte avant la fin du tournage. Corman est donc forcé de faire appel à une doublure pour les plans manquants. Le cinéaste garde malgré tout un très bon souvenir de Pas de cette Terre et de l’accueil que lui réserva le public. « C’était une histoire assez peu banale et le film a tout de suite bien marché », raconte-t-il. « Y avoir ajouté un humour pince-sans-rire a porté ses fruits : il a rapporté environ un million de dollars. C’était là un tournant majeur, car le film a confirmé que mélanger science-fiction et humour décalé ne faisait qu’augmenter l’intérêt pour le genre. » (1) Présenté en double-programme avec L’Attaque des crabes géants sous le slogan « Terrorama ! Double Horror Sensation ! », Pas de cette Terre fera l’objet d’un remake en 1988, Le Vampire de l’espace, avec Traci Lords en tête d’affiche.

 

(1) Extrait de la biographie “Comment j’ai fait 100 films sans jamais perdre un centime” par Roger Corman et Jim Jerome, publiée en 1990

 

© Gilles Penso

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SHRIEKER (1998)

Six étudiants qui logent illégalement dans un hôpital désaffecté font face à un démon hurleur capable de se téléporter…

SHRIEKER

 

1998 – USA

 

Réalisé par David DeCoteau

 

Avec Tanya Dempsey, Jamie Gannon, Parry Shen, Alison Cuffe, Thomas R. Martin, Chris Boyd, Jenya Lano, Jason-Shane Scott, Brannon Gould, Rick Buono

 

THEMA DIABLE ET DÉMONS I PETITS MONSTRES I SAGA CHARLES BAND

Entre 1998 et 2000, pas moins de treize longs-métrages réalisés par le stakhanoviste David DeCoteau seront sortis dans les bacs vidéos pour le compte du producteur Charles Band, qu’il s’agisse d’alimenter la compagnie Full Moon (Le Retour des Puppet Masters, Talisman, Alien Arsenal, Witchouse, Totem, Retro Puppet Master, Voodoo Academy), d’enrichir le catalogue des aventures calibrées pour le jeune public (Frankenstein Reborn !) ou d’enfiler les escapades érotiques destinées à un public plus averti (Contes macabres : la reine du château, The Killer Eye). Fidèle à ses habitudes, DeCoteau parvient à boucler Shrieker en un temps record (six jours de tournage seulement) et en le signant d’un de ses nombreux pseudonymes (ici Victoria Sloan). Malgré les restrictions de temps et d’argent, notre homme tient à soigner ce petit film d’horreur qu’il tourne au format Cinemascope 2 :35, même si malheureusement son exploitation en VHS n’offrira aux spectateurs qu’une version recadrée en 4/3. Le concept de Shrieker, qui s’appuie sur un scénario de Neal Marshall Steven (sous son nom d’emprunt habituel Benjamin Carr) semble vouloir concilier trois motifs horrifiques disparates en un tout relativement cohérent : le monstre tapi dans l’ombre façon Alien, les rites occultes voués à éveiller une créature démoniaque et le slasher pour ados réactivé par le succès de Scream. La mayonnaise ne prend pas toujours très bien, mais l’initiative reste très sympathique.

Nous suivons cette histoire étrange avec les yeux de Clark (Tanya Dempsey), une étudiante en mathématiques sans le sou qui n’a ni les moyens de se payer un logement sur le campus où elle travaille, ni même une colocation. Un autre étudiant, Zak (Jamie Gannon), lui fait alors part d’une solution inespérée : un hôpital abandonné dans lequel il s’est installé avec plusieurs amis. L’endroit est spacieux, organisé comme une petite communauté que mène l’autoritaire David (Parry Shen), avec à ses côtés l’étudiante en médecine Elaine (Jenya Lano), l’activiste communiste Tanya (Alison Cuffe) et le roi du bricolage Mike (Chris Boyd). Clark est acceptée par le groupe à condition de ne parler à personne de ce squat de luxe. La situation semble idéale. Mais parfois, des grognements bestiaux se font entendre dans les couloirs au beau milieu de la nuit. En effectuant des recherches, Clark découvre que l’hôpital a été abandonné à cause d’une série de meurtres commis dans les années 1940 par « le hurleur », un étrange tueur qui n’a jamais été capturé. Or quelqu’un, caché dans l’hôpital, semble pratiquer des rites occultes pour ramener à la vie un monstre qui serait l’auteur de ces crimes du passé…

Le cri qui tue

DeCoteau s’efforce de pratiquer le grand écart entre les codes du slasher classique (les étudiants et leurs histoires personnelles ou sentimentales, la recherche du coupable) et ceux d’un conte fantastique déconnecté de la réalité tangible. Nous avons donc d’un côté des personnages plutôt attachants, quelques dialogues incisifs et des traits d’humour réussis (comme le personnage de Mike qui insiste lourdement pour dire qu’il n’est pas gay, ce qui ne manque pas de sel quand on connaît la filmographie et la personnalité du réalisateur). De l’autre, nous découvrons cette créature au concept original (une sorte de démon humanoïde affublé de deux têtes simiesques siamoises) capable de traverser les murs et de se téléporter avant de frapper ses victimes. Les deux idées fonctionnent indépendamment, mais lorsque le scénario s’efforce de les combiner, Shrieker devient chaotique. Car à ce stade, les dialogues se révèlent surexplicatifs dans le but de nous donner le mode d’emploi qui régit le comportement de la bête et la suspension d’incrédulité s’évapore. On note que le principe du parchemin dont les victimes potentielles doivent se débarrasser avant d’être attaquées par le démon est directement emprunté à Rendez-vous avec la peur de Jacques Tourneur. Le film se suit sans déplaisir malgré ses faiblesses d’écriture, agrémenté d’une belle photographie de Brad Rushing et de maquillages spéciaux originaux signés Mark Williams (qui concevait la même année la créature de Frankenstein Reborn !).

 

© Gilles Penso


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MEGALOPOLIS (2024)

Le film le plus fou de Francis Ford Coppola réunit un casting hétéroclite dans une Amérique alternative aux allures de Rome antique…

MEGALOPOLIS

 

2024 – USA

 

Réalisé par Francis Ford Coppola

 

Avec Adam Driver, Giancarlo Esposito, Nathalie Emmanuel, Aubrey Plaza, Shia LaBeouf, Jon Voight, Laurence Fishburne, James Remar, Talia Shire, Dustin Hoffman

 

THEMA POLITIQUE FICTION

Francis Ford Coppola aurait pu abandonner des dizaines de fois, décréter qu’il y eut plus d’un signe l’intimant à passer à autre chose, se concentrer sur des projets plus sûrs et plus rémunérateurs. Mais Megalopolis s’est mué en obsession. Coûte que coûte, il fallait que ce film se concrétise. La première version du scénario date du début des années 1980. Après le spectaculaire échec au box-office de Coup de cœur, qu’il avait financé de sa poche, Coppola doit d’abord éponger ses dettes. Ce n’est qu’en 2001 que Megalopolis redémarre. Cette fois-ci, ce sont les attentats du 11 septembre qui stoppent tout. Quand le cinéaste relance les hostilités en 2019, il se heurte cette fois-ci à la pandémie du Covid-19. Coppola n’étant pas du genre à baisser les bras, il laisse passer la crise et puise dans ses deniers personnels les 120 millions de dollars exigés par le budget. La démarche pourrait sembler presque suicidaire, étant donné le caractère résolument non-commercial de l’œuvre. Mais quand on se lance dans un film comme Megalopolis, la pulsion créatrice l’emporte sur la logique du tiroir-caisse. Coppola est mû par un désir ardent : établir un parallèle entre la chute de Rome et l’avenir des États-Unis, en transposant dans un monde parallèle contemporain les événements de la conspiration des Catilinaires survenus en 63 avant J.C.

Dans New Rome, version alternative de New York, l’architecte César Catilina (Adam Driver) s’oppose à Franklyn Cicero (Giancarlo Esposito), le maire archi-conservateur de la ville. Inventeur visionnaire, César a développé le Megalon, un matériau bio-adaptatif révolutionnaire qu’il est convaincu de pouvoir utiliser pour changer le monde. Son rêve est désormais de bâtir Megalopolis, une cité utopique futuriste.  Or Cicero trouve ces idées fantasques et dangereuses. Il lance donc une campagne de diffamation contre César, l’accusant d’être responsable de la mort mystérieuse de sa femme. C’est le moment que choisit Wow Platinum (Aubrey Plaza), animatrice télé arriviste et maîtresse de César, pour séduire puis épouser le banquier millionnaire Hamilton Crassus III (Jon Voight). Entretemps, Julia (Nathalie Emmanuel), la fille du maire, engagée au départ pour espionner César, finit par tomber sous son charme et découvre qu’il a le pouvoir de stopper le temps. Elle sera une alliée de poids pour concrétiser le projet de Megalopolis, malgré les manigances du vil Clodio Pulcher (Shia LaBeouf), le cousin jaloux de César…

Boulimie créative

La science-fiction est donc ici convoquée pour aborder sous un angle allégorique les travers de notre société, sans pour autant que Coppola joue le jeu trop frontal de la satire politique. Redoublant d’idées de mise en scène, submergé par une boulimie créative qui n’est pas sans rappeler certaines fulgurances de Coup de cœur ou de Dracula, le père du Parrain et d’Apocalypse Now gorge son écran de trouvailles poétiques et symboliques, osant marier le cinéma du 21ème siècle transfiguré par les effets numériques avec celui des pionniers du cinéma muet. Mégalopolis évoque d’ailleurs beaucoup Metropolis, la forte similitude entre les titres des deux films n’étant probablement pas fortuite. Le surréalisme surgit partout, de ces immenses statues antiques qui s’effondrent mollement dans les rues à cette main qui surgit des nuages pour attraper la pleine Lune, en passant par les ombres immenses qui s’agitent sur les façades des bâtiments ou le bureau du maire qui s’enfonce dans le sable comme un navire qui sombre… Le temps étant l’un des motifs récurrents du film – César le décrit comme une sorte de ruban qui nous entoure en reliant le passé et le futur -, le cinéaste semble vouloir boucler la boucle en se référant à son tout premier long-métrage, Dementia 13, le temps d’une image macabre sous-marine. Ce retour en arrière positionnerait-il Megalopolis comme une œuvre-testament ? Il s’agit en tout cas d’un film-somme, d’un rêve de longue date enfin sorti des limbes, envers et contre tous. Et si les critiques se jetèrent sur sa carcasse comme des loups affamés lors de sa présentation au Festival de Cannes, gageons qu’il sera réévalué et fera même date dans l’histoire du cinéma. Combien de fois dans une vie assiste-t-on à un tel spectacle sur grand écran ?

 

© Gilles Penso

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L’APPARTEMENT 7A (2024)

Que s’est-il passé avant les événements racontés par Roman Polanski dans Rosemary’s Baby ? Voici la réponse…

APARTMENT 7A

 

2024 – USA

 

Réalisé par Natalie Erika James

 

Avec Julia Garner, Dianne West, Kevin McNally, Jim Sturgess, Marli Siu, Rosy McEwen, Andrew Buchan, Anton Blake Horowitz, Raphael Sowole, Tina Gray

 

THEMA DIABLE ET DÉMONS

S’attaquer à un classique aussi « sacré » que Rosemary’s Baby était un redoutable challenge. Bien conscients du risque, les producteurs John Krasinski et Michael Bay, via leurs compagnies respectives Sunday Night Productions et Platinum Dunes, décident de s’appuyer sur la sensibilité de la réalisatrice Natalie Erika James, signataire d’un très efficace Relic en 2020. Pour éviter toute comparaison avec l’œuvre originale – et peut-être aussi pour se défaire du nom de Roman Polanski devenu embarrassant -, cette prequel opte pour un titre énigmatique qui ne parlera qu’aux connaisseurs et cherche à prendre ses distances. « L’une de nos principales considérations était de s’assurer qu’il y ait une séparation et que les créateurs du film original ne soient pas impliqués dans celui-ci », confirme Natalie Erika James. « Nous avons donc essayé de faire référence au livre d’Ira Levin autant que possible et de l’utiliser comme source principale. Mais en même temps, Rosemary’s Baby est tellement emblématique que la comparaison est en quelque sorte inévitable. » (1) Pas de « fan service » ni de guest-star échappée du premier film, donc, dans cet Appartement 7A qui s’attache à raconter le parcours de Terry Ginoffrio, une jeune femme ayant habité l’immeuble Bramford avant Rosemary et son époux. Chez Polanski, ce personnage apparaissait brièvement sous les traits de l’actrice Victoria Vetri. Ici, il prend le visage de Julia Garner.

Nous sommes dans le New York de 1965. Après une mauvaise chute au beau milieu d’un spectacle qui l’a laissée blessée à la jambe, Terry court les auditions sans succès, accumule les factures et carbure à l’anti-douleur. Elle qui rêvait d’une carrière de star à Broadway, la voilà affublée d’une humiliante réputation, celle de « la fille qui est tombée ». Un jour, alors qu’elle est prise d’un malaise dans la rue, la jeune danseuse est recueillie par un couple de gens âgés, Minnie et Roman Castevet (Dianne Wiest et Kevin McNally). Ces derniers possèdent un appartement inoccupé dans le prestigieux immeuble Bramford et lui proposent de l’héberger gratuitement. Mieux : ils connaissent personnellement le très influent producteur Alan Marchand (Jim Sturgess), qui vit dans le même immeuble, et lui glissent deux mots pour que Terry rejoigne la troupe de son prochain spectacle. Tous les rêves de la jeune femme semblent donc sur le point de se réaliser. Mais ce cadeau est bien sûr empoisonné et l’ombre de Faust plane bientôt sur ces revirements de situation trop beaux pour ne pas cacher quelque chose de diabolique…

Les diaboliques

La mise en scène au cordeau de Natalie Erika James et l’interprétation impeccable de sa petite troupe d’acteurs emportent l’adhésion dès les premières minutes. Difficile de ne pas entrer en empathie avec cette danseuse sur qui le destin semble d’abord vouloir s’acharner. Absent de l’intrigue pendant une bonne demi-heure, le surnaturel ne surgit que par petites touches oniriques. Les choses basculent au cours d’un cauchemar que la réalisatrice a l’excellente idée de muer en show musical déviant. Mais le public des années 2020 étant sans doute plus impatient et moins curieux que celui des sixties, L’Appartement 7A finit par sacrifier à quelques effets un peu surlignés (justifiés par les hallucinations et les rêves tourmentés de la protagoniste). Tout ne se joue donc pas entre les lignes. Ici, le diable et son rejeton jouent à cache-cache avec les spectateurs au lieu de rester logés dans son imagination comme chez Polanski. Ainsi, peu à peu, le film qui partait si bien tombe dans les travers qu’il semblait vouloir éviter, oublie l’épure et ne laisse plus de place au doute… Fort heureusement, Natalie Erika James parvient à redresser la barre au cours d’un climax glaçant qui nous renvoie cette fois-ci frontalement – et ouvertement – non seulement à Rosemary’s Baby mais aussi au Locataire. Après avoir été présenté en avant-première au Fantastic Fest en 2024, L’Appartement 7A a débarqué directement sur la plateforme de streaming de Paramount + et en VOD. C’est dommage. Une sortie en salles n’aurait pas été de refus.

 

(1) Extrait d’une interview paru dans Hollywood Reporter en septembre 2024

 

© Gilles Penso

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LE FANTÔME DE BARBE NOIRE (1968)

Un coach sportif réveille par mégarde le spectre du plus redoutable des pirates et se voit contraint de cohabiter avec lui…

BLACKBEARD’S GHOST

 

1968 – USA

 

Réalisé par Robert Stevenson

 

Avec Peter Ustinov, Dean Jones, Suzanne Pleshette, Elsa Lanchester, Joby Baker, Elliott Reid, Richard Deacon, Norman Grabowski, Kelly Thordsen, Michael Conrad

 

THEMA FANTÔMES

Depuis le succès de 20 000 lieues sous les mers en 1952, la branche « films en prises de vues réelles » du studio Disney s’était révélée très fructueuse, alternant les titres anecdotiques avec quelques longs-métrages destinés à se muer en petits classiques comme Darby O’Gill, Les Enfants du capitaine Grant ou Mary Poppins. C’est dans cet esprit qu’est imaginé Le Fantôme de Barbe Noire, adaptation d’un roman de Ben Stahl paru en 1965 dont la réalisation est confiée au vétéran Robert Stevenson. Tournée en studio sur les plateaux de l’oncle Walt, cette comédie fantastique tous publics fera grincer quelques dents du côté des apôtres du politiquement correct, quelques années plus tard, à cause de la forte consommation d’alcool du jovial pirate vedette. Le protagoniste de ce récit rocambolesque est Steve Walker (Dean Jones), un coach sportif venu dans la ville côtière imaginaire de Goldophin pour entraîner l’équipe locale d’athlétisme, connue pour ses résultats sportifs déplorables. L’auberge dans laquelle il s’installe, Blackbeard’s Inn, est gérée par un groupe de vieilles dames qui descendent toutes du fameux pirate Edward Teach et de son équipage. Ces braves « filles de flibustiers », comme elles se surnomment, ont maille à partir avec Silky Seymour (Joby Baker), un parrain de la pègre qui menace de racheter l’auberge pour la transformer en casino si elles ne remboursent pas leur hypothèque.

C’est donc dans une atmosphère étrange, baignée par les légendes du vieux pirate, la jovialité des vénérables propriétaires, la poigne du charmant professeur Jo Anne Baker (Suzanne Pleshette) et les menaces insidieuses des mafieux locaux que notre coach découvre la petite bourgade. Mais il n’est pas au bout de ses peines. Lors de sa première nuit passée à l’auberge, il casse accidentellement le chauffe-lit antique qu’il avait acquis pendant une vente aux enchères et y découvre un manuscrit caché, écrit de la main de la dernière femme de Barbe Noire, réputée pour être une sorcière. En récitant à voix haute l’une des formules qui s’y trouvent, il réveille le fantôme du pirate qui surgit des limbes sous les traits bonhommes de Peter Ustinov. Steve étant le seul à le voir et à l’entendre, les quiproquos en série et les situations invraisemblables ne vont cesser de s’enchaîner. Le Fantôme de Barbe Noire prend dès lors la forme d’une sorte de « buddy movie » obligeant deux hommes qui n’ont rien en commun à cohabiter. « Je n’ai pas un fantôme ordinaire mais un gros poivrot plein de rhum ! » se lamente ainsi Steve.

« Je n’ai pas un fantôme ordinaire mais un gros poivrot plein de rhum ! »

Le film de Stevenson exploite au mieux son double concept comique (le « poisson hors de l’eau » et l’association des contraires) tout en s’appuyant sur un casting sur-mesure. Dean Jones incarne ainsi à merveille l’anti-héros mi gaffeur mi séducteur cher aux productions Disney de l’époque, personnage qu’il esquissait déjà dans L’Espion aux pattes de velours et qu’il allait continuer à cultiver avec Un amour de Coccinelle. Échappée des Oiseaux d’Hitchcock, Suzanne Pleshette retrouve Jones à qui elle donnait la réplique dans 4 Bassets pour un Danois et campe un personnage féminin fort et déterminé, propre à affronter les nombreux coups de folie de ce récit à rebondissements. Et comment ne pas s’attacher à la performance d’Elsa Lanchester, éternelle Fiancée de Frankenstein qui nous ravit sous la défroque d’une vieille originale, diseuse de bonne aventure à ses heures ? Mais Le Fantôme de barbe Noire est surtout un véhicule parfait pour Peter Ustinov, absolument irrésistible dans ce rôle de ce spectre exubérant, jovial, paillard et sans complexe. La majorité des gags du films reposent sur la nature invisible du pirate, générant quelques séquences burlesques mémorables comme l’arrestation par le motard de police, le Vaudeville dans le restaurant, les épreuves sportives surréalistes ou la scène insensée de la roulette. Si le film a depuis sombré dans un semi-oubli, il fut à l’époque un succès fort honorable, ses recettes ayant dépassé en 1968 les 20 millions de dollars.

 

© Gilles Penso

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X-FILES – LE FILM (1998)

Mulder et Scully passent du petit au grand écran pour poursuivre leurs investigations liées aux rencontres du troisième type…

THE X-FILES : FIGHT THE FUTURE

 

1998 – USA

 

Réalisé par Rob Bowman

 

Avec David Duchovny, Gillian Anderson, John Neville, Martin Landau, William B. Davis, Blythe Danner, Mitch Pileggi, Jeffrey DeMunn, Terry O’Quinn, Armin Mueller-Stahl

 

THEMA EXTRA-TERRESTRES

Pour ne pas émousser le succès des X-Files, Chris Carter envisage de mettre fin à la série à la fin de la cinquième saison et de poursuivre les aventures de ses agents du FBI à travers plusieurs longs-métrages destinés au cinéma. Mais le réseau Fox n’entend pas interrompre un show aussi rentable et préfère jouer les prolongations, même si le créateur de Mulder et Scully sent bien qu’il est arrivé au bout d’un cycle. Voilà sans doute ce qui explique le net infléchissement qualitatif de la série à partir de la fin des années 90. Fox propose donc à Carter d’écrire un film conçu pour établir un lien entre la quatrième et la cinquième saison, sachant que le débarquement de David Duchovny et Gillian Anderson sur les grands écrans sera forcément vécu comme un événement… et devrait donc logiquement remplir les tiroir-caisse des salles de cinéma. Carter s’attèle à la tache non sans mal, le passage du format télé à celui d’un long n’étant pas si simple. La mise en scène de X-Files – le film est confiée à Rob Bowman, un habitué de la série qui a réalisé quelques-uns de ses épisodes les plus marquants. Bowman s’était déjà frotté au cinéma avec la comédie sportive Airborne mais passe ici à la vitesse supérieure, ce qui lui permettra de diriger par la suite les blockbusters Le Règne du feu et Elektra. Le planning de la série étant très serré, le réalisateur n’a que dix semaines pour boucler son tournage, une véritable gageure si l’on tient compte des ambitions du film.

Dans une atmosphère insolite à mi-chemin entre La Guerre du feu et The Thing, le film s’ouvre 35 000 ans avant JC dans le Texas du Nord. Deux hommes préhistoriques découvrent sous la glace une grotte qui abrite une entité extra-terrestre agressive. Mortellement blessée, la créature occis l’un des Néandertaliens et contamine l’autre avec un liquide noir et poisseux qui s’écoule de son corps. Un bond en avant nous transporte de nos jours. Quatre gamins se retrouvent sur le même site et libèrent accidentellement la redoutable substance extra-terrestre. Fox Mulder et Dana Scully, eux, se cantonnent à des missions très terre à terre depuis la fermeture du bureau des affaires non classées. Les voilà ainsi à la recherche d’une bombe qui aurait été camouflée dans un bâtiment fédéral de Dallas. L’adrénaline que suscite une telle situation permet à la dynamique habituelle du duo de se remettre en place (le raisonnement cartésien et rationnel de l’une s’opposant au caractère fantasque et désinvolte de l’autre). Or cette alerte à la bombe est directement liée à la découverte de la grotte souterraine. Malgré la cessation officielle de leurs activités liées aux phénomènes inexpliqués, Mulder et Scully se lancent donc dans une enquête clandestine et mettent à jour un projet gouvernemental de guerre bactériologique visant à la propagation d’un virus venu d’une autre planète…

Un épisode bonus

L’exercice n’était pas simple. Si Chris Carter et Rob Bowman avaient trop élargi le scope du film et leurs ambitions filmiques, ils n’auraient pas été à l’abri de levers de boucliers de la part de cohortes de fans fâchés de voir leur show favori trahi et dénaturé. Si au contraire ils avaient conservé la mécanique habituelle de la série sans trop changer les ingrédients qui firent son succès, ils n’auraient rien proposé d’autre qu’un épisode rallongé. Pour trouver le juste équilibre, ils se plient donc à de nombreux compromis et livrent – c’était à craindre – un résultat un peu lisse. Retrouver le couple vedette et un certain nombre de personnages récurrents (Skinner, l’homme à la cigarette, les Lone Gunmen) est certes toujours agréable, mais l’intérêt est surtout attisé par les nouveaux visages qu’ils côtoient, comme ce bon vieux Martin Landau (dans le rôle d’un complotiste tellement paranoïaque qu’il ferait presque passer Mulder pour un modèle de scepticisme) ou Terry O’Quinn dans une apparition brève mais marquante. On pourra regretter les facilités scénaristiques qui permettent à nos héros d’accéder un peu trop facilement à des sites qui devraient logiquement être ultra-sécurisés et à trouver sans trop de difficultés l’équivalent d’une aiguille dans une botte de foin. C’est le problème majeur du climax qui déploie certes un décor de vaisseau spatial très photogénique mais cède aux rebondissements capillotractés. On apprécie malgré tout le clin d’œil à La Mort aux trousses (la poursuite par des hélicoptères dans un grand champ de maïs) et à Independence Day (Mulder soulageant sa vessie sur le poster du film, ce que Roland Emmerich n’aurait que très moyennement apprécié !). Cet « épisode bonus » n’apporte donc rien de fondamental aux X-Files mais remplit sa mission première : une transition efficace entre la quatrième et la cinquième saison.

 

© Gilles Penso


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CAVE GIRL ISLAND (1995)

Un trio de jolies extra-terrestres s’échoue avec son vaisseau spatial dans un monde préhistorique sauvage et bizarre…

BEACH BABES 2 : CAVE GIRL ISLAND

 

1995 – USA

 

Réalisé par David DeCoteau

 

Avec Roxanne Blaze, Tina Lawrence, Stephanie Hudson, Rodrigo Botero, Stefan Galio, Kenneth Johnson, Guy Payne, Lenny Rose

 

THEMA EXTRA-TERRESTRES I EXOTISME FANTASTIQUE I DINOSAURES I SAGA CHARLES BAND

Produit et distribué en 1993, Beach Babes From Beyond (Les Créatures de l’au-delà) avait pour vocation de créer un nouveau label, Torchlight, au sein de la compagnie Full Moon. Son crédo : mêler la science-fiction et le sexe dans le but d’égayer les bacs des vidéoclubs alors très friands de produits calibrés pour public adulte. Mais le label a du mal à s’installer, malgré la mise en chantier d’autres titres du même acabit. Alors que Paramount, jusqu’alors distributeur de ces films, est sur le point de lâcher l’affaire, le producteur Charles Band initie en quatrième vitesse une suite de Beach Babes From Beyond, Beach Babes 2 : Cave Girl Island, aussi connu sous le titre simplifié de Cave Girl Island. Tourné en cinq jours à peine et toujours confié au réalisateur David DeCoteau (sous l’un de ses pseudonymes habituels, Ellen Cabot), ce second épisode reprend le même principe que le précédent : raconter les aventures érotiques de Xena, Sola et Luna, trois jolies extra-terrestres en vadrouille. Si Roxanne Blaze reprend le rôle de Xena, ses deux compagnes lui font faux bond. C’est donc Tina Lawrence qui joue Sola (à la place de Nicole Posey) et Stephanie Hudson qui incarne Luna (au lieu de Tamara Landry). La cohérence et la continuité étant le cadet des soucis de l’équipe du film – et du spectateur -, ces changements de visages n’ont pas la moindre incidence sur le déroulement de Cave Girl Island.

À la fin des Créatures de l’au-delà, les trois ingénues quittaient Malibu pour retrouver leur planète natale après avoir multiplié les parties de jambes en l’air et avoir remporté un concours de danse en bikini sur la plage. Alors qu’elles traversent l’espace, Xena éternue et fait atterrir en catastrophe leur vaisseau sur une île inconnue. Devenue amnésique, celle-ci se retrouve isolée dans la forêt et fait l’amour avec le premier homme des cavernes venu. Ses deux amies errent de leur côté sur la plage et se trémoussent en écoutant de la musique. Voilà qui nous annonce d’emblée le ton décontracté et désespérément creux du scénario. L’intrigue pourrait être relancée par une attaque soudaine de monstres préhistoriques, mais il s’agit de simples extraits de La Planète des dinosaures qui sont montés n’importe comment et n’interagissent donc pas du tout avec les comédiennes. Le reste n’est que routine : rencontres avec de beaux étalons en peaux de bête et galipettes dans toutes les positions du Kamasoutra.

Banana slip

Il y a pourtant un élément scénaristique intéressant au beau milieu de cette bande-démo d’érotisme soft, hélas pas du tout exploité. L’île se révèle en effet n’être préhistorique qu’en apparence. Les dinosaures sont des projections virtuelles et l’endroit est truffé de caméras installées par le grand méchant du film, un dictateur hilare qui parle tout seul, se promène en slip et porte le béret. Cet homme, qui répond au nom de James T. Renford III, est incarné par Lenny Rose, lui aussi rescapé des Créatures de l’au-delà dans lequel il jouait un employé municipal. Mais ses interventions restent parfaitement inintéressantes, tout comme celles des amants de nos héroïnes qui se prennent pour les trois Stooges (bruitages à l’appui) ou de cet androïde bossu qui semble échappé d’un dessin animé. Il n’y a donc pas grand-chose à sauver de ce Cave Girl Island qui réussit même l’exploit de transformer un passage supposément excitant en grand moment d’humour involontaire (la scène de la banane, digne de Hot Shots). Dans la foulée, un troisième film est envisagé avec les mêmes personnages, mais nos Beach Babes arrêteront finalement là leurs exploits, faute d’avoir su correctement remplir les tiroir-caisse.

 

© Gilles Penso


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L’ALCHIMISTE (1983)

Maudit par un sorcier qui lui a jeté un sort, un homme condamné à la bestialité trouve la réincarnation de sa défunte femme…

THE ALCHEMIST

 

1983 – USA

 

Réalisé par Charles Band

 

Avec Robert Ginty, Lucinda Dooling, John Sanderford, Vida Kate Simpson, Robert Glaudini, Tony Abatemarco

 

THEMA MAGIE ET SORCELLERIE I SAGA CHARLES BAND

L’Alchimiste est le cinquième long-métrage réalisé par Charles Band, mais ce film ne lui était pas initialement destiné, et c’est à la dernière minute, pour sauver les meubles en quelque sorte, qu’il accepte d’en prendre les rennes. « Après environ trois jours de tournage, le producteur de L’Alchimiste m’a appelé pour me dire que le réalisateur qu’il avait engagé ne s’en sortait pas et qu’il fallait que je débarque pour l’aider à mener ce film à son terme », se souvient Band. « Le premier réalisateur avait tourné pendant environ deux ou trois jours, et je n’ai eu à ma disposition que six ou sept jours pour tout finir. » (1) Si le nom du metteur en scène initial de L’Alchimiste semble avoir sombré dans l’oubli, celui de Charles Band est déjà bien connu à l’époque dans le milieu du cinéma indépendant, puisqu’au-delà de ses réalisations il a déjà produit une quinzaine de films, principalement dans les domaines de l’horreur et de la science-fiction. Pas certain de pouvoir tirer grand-chose du scénario d’Alan J. Adler (Parasite, Quartier de femmes, Metalstorm), Band joue la prudence en adoptant le pseudonyme de James Amante. Le premier rôle masculin du film est confié à Robert Ginty, qui s’était fait remarquer quelques années plus tôt dans Le Droit de tuer de James Glickenhaus. La promotion de L’Alchimiste ne se privera pas de le rappeler. Sur les affiches françaises, on peut lire : « Il a joué Le Droit de tuer, il joue… L’Alchimiste ! » Voilà qui a le mérite d’être explicite.

De quoi parle-t-il, ce fameux Alchimiste ? Pour être honnête, ce n’est pas très clair. Tout commence en 1871. Ginty joue Aaron, un alchimiste désemparé qui découvre son épouse Anna (Lucinda Dooling) ensorcelée par un magicien sinistre nommé DelGatto (Robert Glaudini). En voulant tuer le sorcier, il occis accidentellement son épouse, ce qui est ballot. « Tu resteras à jamais un animal, c’est ma malédiction pour l’éternité ! » lui lance alors DelGatto avant de disparaître dans les flammes. Et hop, nous voilà propulsé au milieu des années 50. Aaron est effectivement devenu une bête sauvage qui n’a certes pas pris une ride mais court dans les bois pour chasser des animaux et les dévorer à belles dents avant de retrouver un comportement plus civilisé. Parallèlement, nous suivons le parcours d’une automobiliste, Lenora (jouée également par Lucinda Dooling), qui est soudain victime d’angoissantes hallucinations. Pour se réconforter, elle prend un auto-stoppeur (John Sanderford). Mais, poussée par on ne sait quelle force, elle quitte la route déserte et s’enfonce dans la forêt où sa voiture tombe en panne. Or la malédiction dont est victime Aaron semble directement liée à sa propre existence…

Plus d’ennui que d’effroi

Cette histoire nébuleuse d’alchimie, de sorcellerie, de malédiction ancestrale, de démonologie, de réincarnation et de quasi-lycanthropie nage en pleine confusion, comme si le scénariste avait voulu trop en mettre tout en sachant que les moyens à la disposition des producteurs ne permettraient qu’un film minuscule circonscrit dans un décor simple avec une petite poignée d’acteurs. On mesure donc le fossé gigantesque entre les intentions initiales et le résultat final : une petite série B mal fichue qui traîne en longueur et suscite beaucoup plus d’ennui que d’effroi. On peut sauver du naufrage la jolie musique de Richard Band (qui bénéficie alors d’une modeste formation orchestrale), le montage efficace de Ted Nicolaou (futur réalisateur stakhanoviste des productions Charles Band), les furtifs effets visuels de Jack Rabin (quelques volutes de fumée en dessin animé s’échappant d’une fiole, un seuil tourbillonnant qui s’ouvre vers une autre dimension), une scène surprenante au cours de laquelle nos héros sont attaqués en pleine nuit par des entités démoniaques inquiétantes et une poignée d’effets dégoulinants au cours du climax. Il faudra se contenter de ça. Pour le reste, L’Alchimiste constitue un efficace somnifère.

 

(1) Extrait d’une interview publiée dans « Starbust » en janvier 2018

 

© Gilles Penso


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TIME OUT (2011)

Dans le futur, les citoyens ne courent plus après l’argent mais après le temps, nouvelle monnaie d’un monde impitoyable où chaque minute compte…

IN TIME

 

2011 – USA

 

Réalisé par Andrew Niccol

 

Avec Justin Timberlake, Amanda Seyfried, Cillian Murphy, Alex Pettyfer, Vincent Kartheiser, Olivia Wilde, Matt Bomer, Johnny Galecki, Collins Pennie

 

THEMA FUTUR

Chez Andrew Niccol, la science-fiction a toujours été un véhicule idéal pour traduire les maux de notre société et les travers de la nature humaine. Qu’il s’agisse de la lutte des classes génétique de Bienvenue à Gattaca, des dérives voyeuristes du Truman Show ou des simulacres numériques de Simone, notre homme a toujours su s’approprier les codes du genre pour tendre aux spectateurs un miroir déformant d’eux-mêmes. Cette démarche reste vivace lorsqu’il s’écarte parfois de la SF pour aborder des intrigues plus contemporaines, comme Le Terminal et Lord of War. Avec Time Out, Niccol continue de creuser le sillon de Gattaca, les deux films pouvant d’ailleurs s’envisager comme deux œuvres complémentaires. « Je considère Time Out comme une sorte d’enfant illégitime de Gattaca, parce qu’à l’époque, je pensais que le Saint Graal de l’ingénierie génétique serait de trouver le gène du vieillissement et de le désactiver », confirme-t-il. « Les implications étaient tellement énormes que je me suis dit : “Ce sera l’objet d’un autre film“. Et c’est effectivement devenu un autre film. » (1) Envisagé sous le titre de Now (« Maintenant ») puis de I’m.mortal (jeu de mot sur « Je suis mortel » et « Immortel »), le quatrième long-métrage d’Andrew Niccol s’appelle finalement In Time (« À temps »), ce que les distributeurs français « traduiront » par Time Out (« Temps mort »).

L’année 2169 que nous présente Andrew Niccol est terrifiante parce qu’elle est tangible. Dans ce monde futur où l’écart entre les classes sociales se fait plus ressentir que jamais, tous les citoyens sont génétiquement modifiés pour cesser de vieillir dès qu’ils atteignent leurs 25 ans. Dès lors, le compteur greffé sur leur avant-bras s’active et indique combien de temps il leur reste à vivre. Lorsque cette horloge alimentée par l’activité du pouls indique zéro, son porteur « tombe en panne » et meurt instantanément. Le temps est désormais la monnaie universelle, transférée directement entre les personnes ou stockée dans des capsules. Alors que les plus démunis ne cessent de courir après le temps, grappillant ici et là des heures et des minutes précieuses, les nantis accumulent oisivement leurs siècles, spéculant sur l’existence des autres et augmentant sans cesse le coût de la vie pour éviter de partager les richesses. Dans cet univers dystopique, les « garde-temps » sont les nouveaux policiers et les « minutemen » des voleurs détroussant leurs victimes en absorbant leur durée de vie…

Course contre la montre

Pour raconter cette histoire, Niccol choisit comme protagoniste un homme du peuple qui a tout perdu et décide de prendre sa revanche sur les plus riches en les infiltrant pour mieux retourner la situation. Le problème, c’est que ce personnage orchestre cette auto-justice de manière très chaotique, à travers un comportement absurde qui laisse les spectateurs perplexes et freine une empathie pourtant bien amorcée lors du prologue du film. Son besoin compulsif de dépenser toute la richesse qu’il vient miraculeusement d’acquérir en suites d’hôtel, en restaurants étoilés, en tables de jeu et en voitures de luxe, se mettant inutilement en danger de mort, semble antithétique avec l’idée d’une vengeance savamment calculée. L’autre travers de Time Out est la relative lourdeur de sa structure narrative, qui ménage de la place pour une série de séquences d’action artificielles dont le scénario se serait bien passé au profit d’une approche plus psychologique (comme dans Gattaca justement). Malgré tout, le concept reste extrêmement fort, constat lucide et sans concessions d’une humanité égoïste vouée à son autodestruction, et nous offre la vision surréaliste d’époux, de parents et d’enfants qui donnent tous l’impression d’avoir 25 ans. Si Amanda Seyfried reste en retrait dans un rôle relativement archétypal, Justin Timberlake et Cillian Murphy crèvent l’écran en incarnant deux antagonistes plus proches qu’ils ne voudraient l’admettre. Leur pleine implication (psychologique et physique) vaut largement le détour.

 

(1) Extrait d’une interview parue dans Collider en octobre 2011

 

© Gilles Penso


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HUNTRESS, L’ESPRIT DE LA NUIT (1996)

Une jeune femme revient sur la terre de ses ancêtres pour assister aux funérailles de son père et se sent soudain prise de pulsions bestiales…

SPIRIT OF THE NIGHT / HUNTRESS: SPIRIT OF THE NIGHT

 

1996 – USA

 

Réalisé par Mark Manos

 

Avec Jenna Bodnar, Constantin Cotimanis, Charles Cooper, Blair Valk, Mihaela Mihut, Adrian Titieni, David Starzyk, Ion Siminie, Michael Wiserman

 

THEMA LOUPS-GAROUS I SAGA CHARLES BAND

C’est en 1986 que naît le projet Huntress. À l’époque, le film est censé être écrit et réalisé par David Schmoeller (Tourist Trap, Fou à tuer) pour Empire Pictures, la première compagnie de Charles Band. Ron Underwood (Tremors) est sollicité pour en être le producteur associé et Pino Donaggio (Carrie, Pulsions) le compositeur. Mais comme tant d’autres projets d’Empire, Huntress est abandonné. Dix ans plus tard, Band décide de ressusciter cette histoire sous la houlette de sa nouvelle compagnie, Full Moon Entertainment, dans le cadre du label Torchlight consistant à mêler le fantastique et l’érotisme. Les précédents tournages des films de cette collection eurent lieu sur le sol américain (Les Créatures de l’au-delà, Virgin Hunters, Cave Girl Island), mais celui-ci est délocalisé en Roumanie où Full Moon a ses habitudes (notamment grâce à la saga Subspecies). Ce choix géographique permet à la production de faire des économies tout en bénéficiant de décors naturels très photogéniques. Finalement, la réalisation échoit à Mark Manos, monteur habitué aux séries B de Charles Band (Mandroid, Dollman vs. Demonic Toys, Puppet Master 4, Invisible : les chroniques de Benjamin Knight, Dark Angel : The Ascent) qui vient alors de réaliser le quatrième opus de la saga Josh Kirby Time Warrior. Manos a des ambitions artistiques audacieuses pour Huntress, qu’il n’imagine pas comme un simple catalogue Playboy déguisé en film fantastique mais plutôt comme une romance gothique onirique.

Jenna Bodar, qui fit ses débuts comme figurante dénudée dans Virgin Hunters, incarne Tara Wexford, de retour dans la maison de ses ancêtres dans la petite ville de Brecon, au nord du Pays de Galles, pour les funérailles de son père. Architecte spécialisée dans le design industriel, Tara se fait des amis sur place et rencontre un séduisant photographe, Jacob (Michael Wiserman), qui s’est bizarrement établi dans une caverne, comme un troglodyte, et dont les charmes ne la laissent pas insensible. Ce retour dans une bourgade qu’elle n’a pas revue depuis l’enfance va mettre à jour plusieurs secrets familiaux, dont l’un semble lié à une bête sauvage qui terrorise les habitants en pleine nuit. Tara elle-même se sent bientôt gagnée par d’étranges pulsions incontrôlables qui éveillent en elle un caractère animal. Elle s’imagine régulièrement courir comme un prédateur sauvage au milieu de la forêt nocturne. Mais est-ce vraiment un rêve ?

Lycanthropus interruptus

Nous sommes ici bien loin des productions Torchlight habituelles, qui se contentent de déshabiller toutes leurs actrices et de les laisser se trémousser au fil d’un scénario-prétexte filiforme. Ici, Mark Manos cherche visiblement à construire une atmosphère presque héritée de la Hammer en soignant du mieux qu’il peut sa direction artistique. Il y a certes dans Huntress un érotisme omniprésent, qui s’amorce dès l’entame sous forme d’un rêve trouble, puis s’invite régulièrement dans des séquences qui n’existent que pour mettre en valeur le corps de Jenna Bodnar et celui de ses partenaires. Mais le sexe potache pour lycéens façon Les Créatures de l’au-delà est évacué au profit d’une approche plus élégante, plus sensitive et plus émotionnelle des pulsions physiques. « Mark et moi avons essayé de repousser les limites, de faire en sorte que le film soit de bon goût, mais qu’il soit très érotique en termes de dynamique entre les personnages », explique le scénariste James Sealskin. « Nous ne voulions pas nous contenter de dénuder les actrices, nous voulions mêler l’horreur et l’érotisme. » (1) Ici, bizarrement, la lycanthropie ne se transmet pas par morsure mais via une étrange lueur surnaturelle qui passe d’une poitrine à l’autre. On pourra légitimement être frustré par l’absence de transformation complète de l’héroïne en bête. Il nous faut nous contenter de quelques rugissements et de pupilles noircies. Dommage surtout que le film se termine en queue de poisson, littéralement au milieu d’une scène, sans qu’aucune des sous-intrigues ne soient résolues. La suite de Huntress, qui devait être réalisée dans la foulée, fut en effet annulée deux semaines à peine avant le début du tournage, à cause de l’interruption brutale de la collaboration entre Full Moon et son distributeur Paramount.

 

(1) Propos extraits du livre « It Came From the Video Aisle ! » (2017)

 

© Gilles Penso


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