BLADE RUNNER (1982)

Ridley Scott adapte un célèbre roman de Philip K. Dick et signe une œuvre phare qui servira de référence à plusieurs générations de cinéastes

BLADE RUNNER

1982 – USA

Réalisé par Ridley Scott

Avec Harrison Ford, Rutger Hauer, Sean Young, Edward James Olmos, M. Emmet Walsh, Daryl Hannah, William Sanderson

THEMA FUTUR I ROBOTS

Œuvre emblématique de la littérature de science-fiction, « Les Androïdes rêvent-ils de moutons électriques ? » permit à Philip K. Dick de marcher sur les traces d’Isaac Asimov en s’interrogeant sur l’âme et l’empathie des robots créés par l’homme. Passionnant de bout en bout, le roman n’en est pas moins austère et complexe, ce qui ne rebuta pourtant guère Ridley Scott, rasséréné par le succès de sa première incursion dans le genre, le légendaire Alien. Son adaptation restructure et redynamise le récit, sans en évacuer les questionnements métaphysiques. Nous sommes en 2019. La cité foisonnante de Los Angeles est sans cesse survolée par la police. Des « répliquants », androïdes hyper-sophistiqués, ont détourné un vaisseau pour se cacher dans la ville. Seul l’ex-flic Deckard (Harrison Ford) peut les repérer. On le déniche dans une gargote des bas quartiers pour l’amener auprès de Tyrell (Joe Turkel), le père scientifique des répliquants. Il est accueilli par une superbe créature, Rachel (Sean Young), que Tyrell lui demande de surveiller de près. Mais dans ce monde futuriste où les apparences sont trompeuses, sa mission a-t-elle une chance d’aboutir ? D’autant que le charme de Rachel ne le laisse pas indifférent…

Pour imaginer le Los Angeles de 2019, Ridley Scott (qui citera souvent Blade Runner comme « son film le plus complexe et le plus personnel ») reprend les grandes lignes futuristes de Metropolis pour les adapter à sa propre vision. Sa mégalopole grouillante, battue par une pluie incessante, obscurcie par une nuit permanente et tapissée de messages publicitaires interactifs, s’avère incroyablement réaliste. Le futur décrit par Blade Runner est sans conteste l’un des plus réalistes jamais portés à l’écran, et l’on ne compte plus les films d’anticipation qui en ont subi l’influence, de Batman à Dark City en passant par The CrowLe Cinquième élément, La Menace fantôme ou Minority Report. Aux innombrables trouvailles de l’équipe du superviseur des effets visuels Douglas Trumbull s’ajoute une extraordinaire direction artistique de David Snyder. Certaines maquettes recyclées de L’Empire contre-attaque (le Faucon Millenium), de Dark Star (le vaisseau des héros) et de Rencontres du troisième type (la soucoupe volante en forme de saucière) sont disséminées dans les vastes panoramas de la ville, mais même les yeux les plus attentifs auront bien du mal à les repérer. Comme pour Alien, mais à une plus grande échelle, les éléments science-fictionnels sont filmés avec un tel naturel qu’ils s’intègrent sans heurt dans un contexte rapidement banalisé et accepté par le spectateur.

Les codes du film noir transposés dans le futur

« Il faut savoir que Ridley Scott est un homme dont la créativité est incessante », nous racontait Wesley Sewell, qui collabora aux effets visuels de nombre de ses films. « Il est tout le temps en train d’essayer des choses, de chercher des idées et des possibilités. Ainsi ne cesse-t-il de dessiner de nouveaux plans tous les jours. C’est un excellent graphiste, et à la fin des tournages ses storyboards commencent à ressembler à de véritables œuvres d’art. Il faut dire qu’il possède lui-même de nombreuses œuvres picturales d’artistes variés qu’il utilise en guise d’inspiration et de référence » (1). Au-delà de son contexte futuriste, Blade Runner est aussi et surtout un polar dans la pure règle de l’art. Harrison Ford (à contre-emploi total si on le compare à ses deux rôles vedettes précédents, Han Solo et Indiana Jones) est le portrait typique du privé minable, et la magnifique Sean Young répond exactement aux critères des femmes fatales dont tombent amoureux ces archétypes du film noir. A leurs côtés, Rutger Hauer et Daryl Hannah excellent en robots terrifiants d’humanité et de candeur. La lutte désespérée des androïdes pour survivre – alors que le « héros » a pour mission de les abattre – pose en substance la question du bien et du mal. Une question qui reste bien sûr sans réponse, au mépris d’un manichéisme pourtant fréquent en tel contexte. Mort avant que Blade Runner ne soit achevé, Philip K. Dick aura cependant eu la joie de découvrir une bobine d’essai d’une quarantaine de minutes exhibant les plus beaux effets spéciaux du film, qui lui sera dédié.

 

(1) Propos recueillis par votre serviteur en avril 2005 

 

© Gilles Penso

 

Pour en savoir plus…

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300 (2006)

Zack Snyder signe une adaptation brutale, graphique et sans concession du roman graphique de Frank Miller et Lynn Varley

300

2006 – USA

Réalisé par Zack Snyder

Avec Gerard Butler, Lena Headey, David Wenham, Dominic West, Vincent Regan, Michael Fassbender, Rodrigo Santoro

THEMA HEROIC FANTASY

Zack Snyder n’est plus à un défi près. Après son remake réussi de Zombie, il décide d’adapter « 300 », une BD de Frank Miller et Lynn Varley évoquant un épisode mémorable de l’antiquité grecque : la farouche résistance du roi Leonidas 1er et de ses trois cent guerriers spartiates contre les centaines de milliers de Perses dirigés par le conquérant Xerxès. Soucieux de restituer l’esprit et le graphisme du comic book, Snyder se plie aux mêmes méthodes que Roberto Rodriguez sur Sin City, autrement dit un tournage sur fond bleu et une profusion d’effets numérique. Malgré tout, le cinéaste évite le statisme inhérent aux cases d’une bande dessinée. Son film bouge, tremble, hurle avec une férocité et une bestialité qui s’imposent rapidement comme une véritable marque de fabrique.

Magnifiquement éclairé, savamment composé, chaque plan a les allures d’une peinture d’un autre âge soudain douée de vie. D’ailleurs, ces Spartiates sculptés comme des dieux antiques ne semblent-ils pas issus du pinceau d’un David ? A cette beauté formelle, Zack Snyder adjoint une violence physique quasi-surréaliste. Les membres voltigent, les têtes s’expulsent hors des cous, le sang jaillit de toutes parts, sans que rien ne semble pouvoir atténuer cette sauvagerie. On sent bien que le réalisateur connaît ses classiques, qu’Excalibur et Conan le barbare ne sont jamais très loin. Pour autant, 300 ne leur ressemble pas, revendiquant fièrement sa singularité de tous les instants. L’un des pièges du récit était la monotonie qu’aurait pu induire l’accumulation des scènes de batailles. Or, coupant court à tout effet répétitif, Snyder joue la carte du crescendo. Chaque combat est plus ardu, plus sanglant, plus complexe que le précédent.

« Ce soir nous dînons en Enfer ! »

Et si les premiers pugilats nous permettent d’apprécier le génie stratégique des Spartiates, maniant avec une adresse infinie leurs boucliers et leurs lances pour compenser la faiblesse de leurs effectifs, les dernières phases de la guerre basculent de plain-pied dans l’heroïc-fantasy la plus débridée. Car bientôt, les envahisseurs n’ont plus rien d’humain. Géant aux allures de Troll déchaîné, hideux démons masqués, éléphants titanesques, rhinocéros antédiluvien animent ainsi cette folle sarabande, tandis qu’à la cour du roi Xerxès, les femmes possédées se déhanchent lascivement autour d’un homme-bouc qui a tous les attributs du Diable. L’autre grand atout du film est son casting de premier choix, dominé par un Gerard Butler impérial. Le regard fou, le muscle saillant, il harangue ses troupes avec enthousiasme, criant dès l’aube « Spartiates, profitez de votre petit-déjeuner, parce que ce soir nous dînons en Enfer ! » Visiblement porté par l’ampleur du spectacle, le compositeur Tyler Bates s’en donne lui aussi à cœur joie. Empruntant ses chœurs au Carmina Burana dans les moments les plus épiques, entremêlant instrumentations ethniques et voix arabisantes lorsque la tragédie le réclame (dans la droite lignée des travaux de Hans Zimmer et Lisa Gerard sur Gladiator), il n’hésite pas à faire hurler des guitares électriques outrageusement anachroniques lors des combats les plus furieux et les plus spectaculaires du film. 300 se vit plus qu’il ne se regarde, et cette expérience sensitive inédite s’avère des plus réjouissantes.

 

© Gilles Penso  

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LES AMOURS D’HERCULE (1960)

Une aventure mythologique riche en monstres et en péripéties dans laquelle Jayne Mansfield fait les yeux doux au fils de Zeus

GLI AMORI DI ERCOLE

1960 – ITALIE / FRANCE

Réalisé par Carlo Ludovico Bragaglia

Avec Mickey Hargitay, Jayne Mansfield, Massimo Serato, René Dary, Moira Orfei, Gil Vidal, Sandrine, Rossela Como

THEMA MYTHOLOGIE I DRAGONS I VEGETAUX

Les Travaux d’Hercule et Hercule et la reine de Lydie furent de jolis succès au box-office, incitant bon nombre de producteurs italiens à s’emparer à leur tour du mythe. D’où Les Amours d’Hercule, qui capitalise sur la présence de la sculpturale Jayne Mansfield. Profitant qu’Hercule soit occupé à l’un de ses travaux, le roi Enée fait attaquer son village et assassiner son épouse Mégarée. Le demi-dieu défonce alors les portes du palais avec un tronc d’arbre pour provoquer Enée en combat singulier. Mais le roi a été tué par son conseiller Lycos – le fourbe de l’histoire – et Hercule n’a que sa fille Déjanire à se mettre sous la dent. Le deuil ne pesant pas trop lourd sur ses épaules, il se laisse séduire par la souveraine et la sauve même de l’attaque d’un taureau qui s’apprêtait à la piétiner. Mais il déchante en apprenant qu’elle est déjà fiancée à Achelous. Lycos voit là un bon prétexte pour semer la discorde et s’emparer du trône. Il organise l’assassinat d’Achelous et fait retomber le crime sur le fils de Zeus.

Il faut bien avouer que les premières péripéties des Amours d’Hercule s’avèrent assez absurde, d’autant que la finesse du jeu de Mickey Hargitay, dans le rôle titre, est toute relative. Le film bascule enfin dans le fantastique lorsqu’Hercule atteint « la gorge de l’Enfer » et pénètre dans la grotte de l’Hydre de Lerne, qui prend ici les allures d’un dragon tricéphale. Le monstre n’est qu’une grande marionnette de parc d’attractions aux mouvements mécaniques assez limités, mais son intervention demeure l’un des meilleurs moments du film. D’où le titre américain du film : Hercules vs. The Hydra. Une autre scène mémorable s’ensuit, celle où Hyppolite, la reine des Amazones, transforme ses anciens amants en arbres. Le réalisateur nous offre le spectacle surréaliste d’arbres plus ou moins anthropomorphes animés de mouvements vaguement humains sur une colline sinistre et enfumée. Pour séduire Hercule, Hyppolite avale un philtre magique qui la dote de l’apparence de Déjanire. Notre pauvre culturiste en jupette ne sait alors plus où donner de la tête.

Dragons, yétis et hommes-arbres

Le scénario gagne peu à peu en intérêt au fil des fourberies de Lycos et d’Hyppolite, laquelle finira ses jours dans l’étreinte d’un des hommes-arbres qu’elle a créés, tandis qu’Hercule repart, tous muscles saillants, à la rescousse de la belle Déjanire. La bataille finale s’achemine vers un dénouement prévisible, mais le film nous réserve un ultime rebondissement avec l’intervention improbable d’un homme singe de deux mètres de haut aux allures de yéti hargneux qui, tel un deus ex machina, surgit pour occire Lycos. Ainsi les vilains ne sont-ils pas ici défaits par Hercule mais par des créatures surnaturelles, comme si les dieux donnaient un petit coup de pouce à un héros pas assez entreprenant à leur goût. Le monstre velu joue un petit remake de La Belle et la Bête en s’ébaubissant face à la grâce de Déjanire, jusqu’à ce qu’Hercule ne s’engage avec lui dans un combat de catch pataud et n’emporte enfin sa promise sur son fier destrier, aux accents d’une partition lourdement chargée en chœurs masculins. Les Amours d’Hercule n’apporte pas grand-chose au mythe, certes, mais c’est un spectacle honorable qui s’apprécie sans déplaisir ni langueur.


© Gilles Penso

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LE SEIGNEUR DES ANNEAUX : LA COMMUNAUTE DE L’ANNEAU (2001)

C'était impossible et pourtant Peter Jackson l'a fait : porter à l'écran la monumentale saga littéraire de J.R.R. Tolkien

LORD OF THE RINGS – THE FELLOWSHIP OF THE RING

2001 – NOUVELLE-ZELANDE

Réalisé par Peter Jackson

Avec Elijah Wood, Ian McKellen, Viggo Mortensen, Orlando Bloom, John Rhys-Davies, Christopher Lee, Liv Tyler

THEMA HEROIC FANTASY I DRAGONS I SAGA LE SEIGNEUR DES ANNEAUX

Après l’échec du dessin animé de Ralph Bakshi, la trilogie littéraire de J.R.R. Tolkien semblait à tout jamais inadaptable. Jusqu’à ce que Peter Jackson ne s’attelle à la gigantesque tâche avec un succès impensable. Et pourtant, qui aurait misé sur cet adolescent attardé auteur de sommets du gore burlesque tels que Bad Taste, Braindead et Les Feebles ? Le jovial barbu amateur de zombies avait déjà surpris tout le monde en opérant un virage à 180° lors du troublant Créatures célestes. Cette œuvre révélait déjà un fort penchant pour l’héroïc fantasy, les rêves des deux héroïnes étant peuplés de licornes, de papillons géants et de châteaux médiévaux. Mais avec la trilogie Le Seigneur des Anneaux, c’est à une entreprise autrement plus colossale que s’est attaqué Jackson, d’autant qu’il s’est mis en tête de tourner les trois films dans la foulée – chacun durant tout de même trois heures – et loin des studios hollywoodiens, sur sa terre néo-zélandaise natale.

Le projet semblait dément, mais comment ne pas lui donner raison au vu du résultat ? Qu’il s’agisse de la transcription du texte initial excessivement dense en scénario intelligible et captivant, du choix des décors naturels sublimes, du casting irréprochable ou des impressionnants moyens techniques mis en œuvre, La Communauté de l’Anneau ne dénote d’aucune faute de goût. Tout y est grandiose, magnifique, émouvant, essoufflant. Les superlatifs manquent pour décrire les qualités de cette épopée, s’attachant aux pérégrinations de neuf héros aussi dissemblables que faire se peut (trois humains, quatre minuscules hobbits, un elfe et un nain) qui se fixent la mission de détruire un anneau magique forgé par le maléfique Sauron. On n’en finirait plus de citer les séquences sublimes qui rythment le film, à l’image de ce surréaliste torrent prenant la forme de chevaux au galop pour mieux écarter les cavaliers noirs de Sauron.

Le premier acte d'un opéra

Pour concevoir les multiples créatures fantastiques qui peuplent son récit, Jackson s’est octroyé les services de son vieux complice Richard Taylor et de Randy Cook, ancien spécialiste de l’animation image par image reconverti à la 3D. C’est l’occasion, pour Jackson, de rendre hommage à Ray Harryhausen, l’un de ses maîtres à penser. Notamment avec la séquence de la Moïra, qui met en scène un monstre marin tentaculaire, un gigantesque Troll et le fameux Balrog, sorte de redoutable dragon incandescent. « Pour la scène du Troll, nous avons utilisé le principe de la capture de mouvement non seulement pour l’actreur qui mimait la gestuelle du monstre, mais aussi pour les mouvements de caméra, ce qui permettait de le filmer comme s’il s’agissait d’un reportage, avec des mouvements brusques et saccadés », raconte Randy Cook (1). La structure du scénario désobéit aux règles dramaturgiques habituellement établies, car non seulement le récit s’interrompt sans véritable climax, malgré une bataille entre hommes et Orques assez mouvementée, mais en plus il prend le temps de s’attarder sur chaque personnage et chaque enjeu sans se soucier véritablement des rythmes inhérents aux grands films d’action. En cela, il se rapprocherait plus du premier acte d’un opéra. Impression que confirme la partition d’Howard Shore, qui nous surprend lui aussi dans un registre où on ne l’attendait pas. Car le compositeur attitré de David Cronenberg, habitué jusqu’alors aux univers minimalistes, nous livre ici une musique flamboyante et emphatique.

(1) Propos recueillis par votre serviteur en mai 1999.

 

© Gilles Penso

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SUNSHINE (2007)

Une expédition de la dernière chance part dans l'espace pour raviver le soleil qui menace de s'éteindre

SUNSHINE

2007 – GB

Réalisé par Danny Boyle

Avec Cillian Murphy, Chris Evans, Rose Byrne, Michelle Yeoh, Hiroyuki Sanada, Cliff Curtis, Troy Garity, Benedict Wong

THEMA SPACE OPERA

Après s’être frotté au film d’horreur avec 28 jours plus tard, Danny Boyle emprunte les voies du space opera. Nous sommes dans le futur, et le soleil est en train de s’éteindre, menaçant l’éradication de toute forme de vie sur Terre (un postulat déjà présent dans des romans de SF tels que « Le Ciel est Mort » de John Campbell ou « La Cité des Astres » d’Arthur C. Clarke). En l’an 2050, l’expédition Icarus s’est élancée en direction de l’astre solaire dans le but d’y faire exploser un engin nucléaire et de le réactiver. Mais cette mission a échoué et l’équipage a cessé de donner le moindre signe de vie avant d’atteindre sa cible. Sept ans plus tard, le vaisseau Icarus 2 va tenter de reprendre la mission là où elle fut interrompue. A son bord, huit membres d’équipage s’activent patiemment aux diverses tâches quotidiennes qui leur sont allouées. Le réalisme de ces protagonistes et la banalisation de leur besogne nous évoquent beaucoup Alien, d’autant que le casting, impeccable, évacue toute superstar et ne comporte que quelques visages familiers (principalement Cillian Murphy, héros de 28 jours plus tard, Chris Evans, torche humaine des Quatre Fantastiques, et Michelle Yeoh, fine lame de Tigre et dragon).

En cours de trajet, l’équipage capte le signal de détresse du premier vaisseau Icarus. Faut-il le rejoindre ? Tous s’accordent à dire que leurs prédécesseurs n’ont sans doute pas survécu depuis si longtemps, et que rien ne doit perturber leur objectif premier. Mais Icarus 1 possède la même bombe nucléaire qu’Icarus 2. La récupérer donnerait deux fois plus de chances à la mission de réussir. La majorité accepte donc d’accoster le vaisseau à la dérive. Mais c’est à partir de là que l’expédition va virer au cauchemar…

La fascination quasi-surnaturelle qu'exerce le soleil

Danny Boyle n’a rien perdu de son inventivité et a su se réapproprier le genre pour le moderniser. Sa mise en scène est directe et efficace, sa musique évacue l’orchestre symphonique habituel au profit d’une partition électro-pop étonnante, ses trucages numériques sont de très haut niveau et ses effets de style rivalisent d’ingéniosité : les images subliminales qui créent un malaise indicible, les filtres déformants qui altèrent la vision, les brefs arrêts sur image qui font perdre la notion du temps ou encore le design sonore ultra méticuleux jouant sur les bruits de brûlures. Mais il faut bien avouer que derrière ces apparats formels, Sunshine ne parvient guère à éviter les clichés inhérents à ce type de récit (2010, Armageddon, Fusion-the Core, Mission to Mars…). Même si Boyle s’efforce de surprendre son spectateur, la trame demeure désespérément linéaire et les incidents de parcours exhalent tous un parfum de déjà vu : avaries mécaniques, sorties dans l’espace qui tournent mal, vaisseau partiellement endommagé, déviation de trajectoire, dilemmes difficiles et sacrifices nécessaires… Sans compter que les héros passent le plus clair de leur temps à appuyer sur des boutons, traverser des coursives et regarder des moniteurs de contrôle. Quant au climax, terriblement confus, il nous laisse quelque peu sur notre faim. C’est d’autant plus dommage que le scénario d’Alex Garland laissait la porte ouverte au mysticisme et à la métaphysique, à travers la fascination quasi-surnaturelle qu’exerce le soleil sur la majorité des protagonistes.

© Gilles Penso 

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STAR TREK LE FILM (1979)

Motivé par le succès de La Guerre des étoiles, l'équipage de l'Enterprise s'envole pour sa première mission sur grand écraé

STAR TREK – THE MOTION PICTURE

1979 – USA

Réalisé par Robert Wise

Avec William Shatner, Leonard Nimoy, DeForest Kelley, James Doohan, Walter Koenig, Persis Khambata

THEMA SPACE OPERA I FUTUR I EXTRA-TERRESTRES I SAGA STAR TREK

En 1978, soit une décennie après le premier épisode de la mythique série Star Trek, Paramount décide de relancer le succès planétaire de la franchise avec une seconde série TV plus luxueuse. Mais le succès mitigé de Galactica, diffusé par Universal, refroidit Paramount. En même temps, coup sur coup, La Guerre des étoiles et Rencontres du troisième type s’avèrent être des triomphes spectaculaires sur grand écran. La décision s’impose alors d’elle-même : la suite de la série Star Trek sera un long métrage. La réalisation échoit à Robert Wise (Le Jour où la terre s’arrêta et La Maison du diable, tout de même !). Etranger à l’univers Star Trek, il visionne des dizaines d’épisodes puis prend deux décisions importantes : imposer le retour de Monsieur Spock, non prévu au départ, et remplacer les pyjamas de l’équipage par un uniforme digne de ce nom. L’intrigue se situe en plein XXIIIème siècle. Les contrôleurs de la station Epsilon 9 assistent impuissants à la désintégration de trois croiseurs appartenant aux Klingons par un envahisseur étranger qui fonce à toute vitesse sur la Terre. Missionné pour enquêter sur cette inquiétante affaire, l’amiral Kirk (William SHatner, fidèle au poste) reprend les commandes du vaisseau de combat USS Enterprise, une mission de haute confiance que lui confie par la Fédération des Planètes Unies. La toute belle Ilia (Persis Khambata), venue de la planète Delta, et Spock (Leonard Nimoy, toujours), le Vulcanien, se joignent à l’équipage. Le voyage s’avère long et éprouvant. Dès qu’il approche de l’envahisseur, le vaisseau spatial est englouti, et Ilia enlevée par une sonde laser. Nos héros finissent par découvrir avec stupeur le secret  du cerveau de l’envahisseur, qui répond à l’énigmatique appellation « V-Ger »…

Les magnifiques effets visuels du film, supervisés par le génial Douglas Trumbull (2001 l’odyssée de l’espaceRencontres du troisième type) ont de quoi surprendre les téléspectateurs habitués aux sempiternels plans timides de l’Enterprise passant devant une planète ou traversant sagement l’espace. Les exploits d’ILM sur La Guerre des étoiles ont en effet incité l’équipe du film à ne plus se montrer avare en grandioses séquences intergalactiques. D’où l’inflation d’un budget estimé à 40 millions de dollars, le plus élevé jamais alloué à un long-métrage jusqu’alors. Mais était-ce une raison pour que la caméra s’attarde aussi lentement sur les vaisseaux, étirant jusqu’à l’ennui la visite du nouvel Enterprise par un Kirk émerveillé, ou rallongeant sans commune mesure certaines séquences purement contemplatives ?

Un peu trop contemplatif ?

Robert Wise reconnut lui-même avec le recul que, s’il en avait eu le temps, il aurait raccourci le film de six ou sept minutes. Et c’est justement ce problème de rythme qui érode parfois l’impact de ce premier Star Trek cinématographique. C’est d’autant plus regrettable que son scénario repose sur une idée fabuleuse, inspirée par plusieurs épisodes de la série T.V., et qui ne prend tout son sens qu’au cours d’un impressionnant dénouement. Le coup d’envoi fut cependant donné à une série de longs-métrages voués au succès. Pour inaugurer en beauté ce nouveau départ, le compositeur Jerry Goldsmith a oublié le thème célébrissime d’Alexander Courage pour écrire une somptueuse partition symphonique, structurée autour d’un motif majestueux devenu un classique à son tour, et repris quelques années plus tard pour servir de thème principal à la série Star Trek : la nouvelle génération.

© Gilles Penso  

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VENDREDI 13 (1980)

Un slasher efficace mais sans grande originalité, qui sera pourtant le point de départ d'une longue franchise horrifique

FRIDAY THE 13th

1980 – USA

Réalisé par Sean S. Cunningham

Avec Betsy Palmer, Adrienne King, Mark Nelson, Harry Crosby, Laurie Bartram, Kevin Bacon, Ari Lehman, Jeannine Taylor

THEMA TUEURS I SAGA VENDREDI 13

Promu au rang de genre cinématographique par Psychose en 1960, puis popularisé par La Nuit des masques dix-huit ans plus tard, le slasher a définitivement été banalisé par Vendredi 13. Au vu de l’ « œuvre », on ne peut s’empêcher de se demander pourquoi, comme on ne cesse de s’étonner face à l’incroyable longévité de la série de films qu’il initia. Car cette succession métronomique de meurtres violents, qui calque son mécanisme sur La Baie sanglante de Mario Bava tout en imitant les effets de style de John Carpenter sans hésiter à cultiver un humour gras à la Porky’s, n’a rien à priori de transcendant. Jason Voorhees, le tueur au masque de hockey qui terrorisera des générations d’adolescents, n’est ici qu’un enfant attardé mort avant le début du film, à cause de la négligence des moniteurs d’une colonie de vacances, occupés à boire, se droguer et copuler au lieu de se préoccuper des têtes blondes dont ils sont responsables. Résultat : Jason se noie dans le lac avoisinant, entachant à tout jamais la réputation du camp de Crystal Lake. Vingt ans plus tard, un groupe de jeunes gens revient investir les lieux, avec la ferme intention de relancer les activités du camp et d’oublier le drame passé. Mais ils vont déchanter lorsqu’un tueur redoutable s’évertue à les assassiner un à un, de préférence lorsqu’ils absorbent des substances illicites ou jouent à la bête à deux dos.

Réactionnaire en diable, le meurtrier agit ainsi en sanglant défenseur des bonnes vieilles valeurs morales judéo-chrétiennes d’antan. S’agit-il du fantôme revanchard de Jason, revenu hanter les parages ? La dernière bobine du film révèle la véritable identité du psycho-killer, que nous tairons pour les rares fantasticophiles ne connaissant pas encore le fin mot de l’histoire. Certes, les crimes orchestrés par le maquilleur Tom Savini sont souvent imaginatifs et colorés (une hache plantée en plein visage, une flèche qui s’enfonce dans un œil, une autre qui traverse la gorge d’un malheureux incarné par le tout jeune Kevin Bacon), mais ils ne suffisent évidemment pas à combler l’attente d’un spectateur un tant soi peu exigeant. D’autant qu’entre les assassinats, il ne se passe strictement rien d’intéressant.

Chuintements et halètements

Les acteurs jouent comme des savates, leurs personnages et leurs dialogues n’ont aucune consistance, les violons d’Harry Manfredini s’inspirent lourdement de ceux de Bernard Herrmann (avec tout de même une signature sonore mémorable faite de chuintements et de halètements), Sean S. Cunningham abuse de la caméra subjective pour s’efforcer de créer de la tension (imitant sans vergogne le prologue de La Nuit des masques), et les filles se déshabillent un peu dans l’espoir de tirer le public de sa torpeur. Vendredi 13 s’apprécie donc principalement à l’aide de la touche « accéléré » de la télécommande. A l’issue du film,  l’unique survivante du massacre est frappée par une vision subite et cauchemardesque du monstrueux Jason surgissant des flots, inspirée probablement du dénouement choc de Carrie. Sauf qu’ici, la vision est prémonitoire, puisque l’ami Jason ne cessera, dès lors, de poursuivre son œuvre vengeresse, via des dizaines de longs-métrages à l’intérêt tout à fait discutable.

© Gilles Penso

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RETOUR VERS LE FUTUR (1985)

Une relecture surprenante du thème du voyage dans le temps qui a consacré Michael J. Fox comme superstar

BACK TO THE FUTURE

1985 – USA

Réalisé par Robert Zemeckis

Avec Michael J. Fox, Christopher Lloyd, Lea Thompson, Crispin Glover, Thomas F. Wilson, Claudia Wells 

THEMA VOYAGES DANS LE TEMPS I SAGA RETOUR VERS LE FUTUR

Certains films sont naturellement en état de grâce. Par le biais d’une prodigieuse alchimie, les acteurs, les réalisateurs, les scénaristes, les compositeurs y sont au sommet de leur art. Retour vers le futur est de cette trempe. Jamais Michael J. Fox, Christopher Lloyd, Crispin Glover ou Lea Thompson, tous excellents comédiens, ne trouveront un rôle aussi marquant que celui qu’ils tiennent ici. Robert Zemeckis, qui s’était jusqu’alors principalement distingué avec un sympathique mais peu révolutionnaire démarcage d’Indiana Jones, A la Poursuite du diamant vert, révèle d’un seul coup toute l’ampleur de son talent. Le compositeur Alan Silvestri nous régale d’une partition digne de John Williams, le co-scénariste Bob Gale démontre une minutie peu apparente dans le script de 1941 qu’il écrivit pour Spielberg. Bref Retour vers le futur déborde de talents et de savoir-faire.

L’un des secrets de son succès est d’avoir su exhumer un thème classique du cinéma de science-fiction, le voyage dans le temps, pour le moderniser, le truffer d’humour et en tirer toutes les possibilités narratives possibles et imaginables (une voie que suivront notamment L’Aventure intérieure et Chérie J’ai rétréci les gosses). Le héros est Marty Mc Fly (incarné par Michael J. Fox, après des essais infructueux réalisés avec Eric Stolz), un adolescent épris de rock’n roll et de la charmante Jennifer (Claudia Wells). Sa famille n’est guère reluisante : son père George (Crispin Glover) est un écrivain raté, sa mère Lorraine (Lea Thompson) est alcoolique et ses frères et sœurs insupportables. Son amitié avec un vieux savant farfelu et génial, Emmet Brown (Christopher Lloyd), l’amène à expérimenter une voiture reconvertie en machine à voyager dans le temps et à basculer trente ans en arrière. Là, il retrouve ses parents encore adolescents et s’apprête malgré lui à briser deux tabous : bouleverser le continuum espace temps et concrétiser le complexe d’Œdipe !

Le complexe d'Œdipe

Le mélange de comédie, de science-fiction, de héros teenagers et de rock’n roll n’est pas toujours heureux. Un film comme Howard une nouvelle race de héros de Willard Huyck démontre les limites de ce cocktail. Or Retour vers le futur ne « fait » pas jeune, il EST jeune, fougueux, rythmé au tempo des années 80 sans jamais chercher à forcer le trait. On peut certes reprocher au film de cultiver sans demi-mesure la politique des « battants » chère à l’Amérique de Ronald Reagan, qui transparaît également beaucoup dans S.O.S. Fantômes. Mais le plaisir que procure Retour vers le futur n’en est jamais gâché. Le comique est issu des situations impossibles dans lesquelles se fourrent les héros et d’un casting extrêmement intelligent. Il faut également – et surtout – saluer la richesse du scénario de Zemeckis et Gale, jonglant en virtuose avec les paradoxes temporels et s’amusant à disséminer tout au long du récit des détails apparemment anodins qui s’avèrent finalement jouer un rôle fondamental au fur et à mesure des péripéties sans cesse rebondissantes. Ce perfectionnisme se retrouve dans la mise en scène de Zemeckis, qui achève son film sur un climax d’anthologie clignant de l’œil vers l’une des cascades les plus fameuses d’Harold Lloyd.

 

© Gilles Penso

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LE JOUR DES MORTS-VIVANTS (1986)

Troisième épisode de la trilogie des morts-vivants, cet opus nihiliste permet à George Romero de développer sa satire des instances gouvernementales et de l'armée

DAY OF THE DEAD

1986 – USA

Réalisé par George A. Romero

Avec Lori Cardille, Terry Alexander, Joseph Pilato, Jarlath Conroy, Anthony Dileo Jr, Richard Liberty, Sherman Howard 

THEMA ZOMBIES I SAGA LES ZOMBIES DE ROMERO

Il y eut d’abord la nuit (Night of the Living Dead) puis l’aube (Dawn of the Dead). Voici donc le jour (Day of the Dead), troisième volet d’une trilogie dont chaque épisode est autant la suite que le remake du précédent. Ce nouvel opus était d’autant plus attendu que Zombie demeure aux yeux de beaucoup le meilleur film jamais réalisé sur le thème des morts-vivants. Après la vieille maison et le supermarché, George Romero choisit d’enfermer ses protagonistes dans un abri anti-atomique, troquant l’esprtit révolutionnaire de 1968 et la critique du consumérisme de 1977 contre un acerbe pamphlet antimilitariste. Dans ce nouveau huis clos propice aux tensions en tout genre, une poignée de rescapés, des savants et des militaires, résistent aux assauts répétés des morts-vivants qui ont envahi la Terre. Se supportant de moins en moins, les scientifiques et les soldats luttent aussi entre eux, ce qui finit par faciliter l’infiltration des zombies dans le bunker. « Les personnages ne sont pas les mêmes d’un épisode à l’autre parce que chaque histoire se déroule à une époque différente au sein d’une même « mythologie » », explique Romero. « Les films sont très différents les uns des autres, du point de vue du style et de l’atmosphère. Par exemple, on ne peut pas vraiment dire que Le Jour des morts-vivants soit la séquelle de Zombie. A titre personnel, cet épisode est mon préféré de la trilogie » (1)

Des moments extraordinaires parsèment le film, notamment les plans démentiels de la ville désertée où se répandent dans l’indifférence générale des centaines de billets de banque, ainsi que les séquences avec le zombie apprivoisé Bub, ou encore le prologue onirique où l’héroïne est attaquée par des centaines de bras qui déchirent les murs qui l’entourent (réminiscence d’une séquence hallucinatoire du Répulsion de Roman Polanski). De son côté, le maquilleur Tom Savini est allé bien plus loin que dans Zombie, ses effets spéciaux composant parfois des centaines de visages décomposés et surréalistes, au lieu des simples visages blafards et bleutés du film précédent. « Tom Savini m’a appris comment détourner l’attention du public, comment attirer l’œil du spectateur dans une direction pour qu’il ne puisse pas voir ce qui se passait de l’autre côté de l’écran », explique le ténor des maquillages spéciaux Greg Nicotero, dont Le Jour des morts-vivants fut le premier travail en tant qu’assistant.  « C’était du travail d’illusionniste. » (2)

Un film misanthrope ?

Dommage, malgré tout, que Romero ait choisi un trop-plein de dialogues successifs pour illustrer le différend qui oppose de plus en plus violemment les scientifiques et les militaires. Le rythme du film s’en ressent. Les oppressantes luttes intestines du premier film et l’action soutenue du second n’atteignent jamais ici la même intensité, malgré une claustrophobie fort bien restituée. « Nous étions alors dans une époque de méfiance et d’incertitudes », raconte Romero. « Tout le monde perdait foi dans le gouvernement, l’industrie et l’armée. Voilà pourquoi mes héros rampent au fond d’un trou. Finalement, le personnage le plus sympathique, dans ce film est Bub le zombie. C’est un film plus sombre et plus triste que les deux autres. » (2) Fidèle à son habitude, le cinéaste opte pour un dénouement ouvert. Le carnage final n’épargnera qu’une poignée de survivants qui partiront en hélicoptère vers une île déserte, seul refuge à leurs yeux susceptibles de les extraire aux griffes des zombies mais aussi de leurs semblables. De là à dire que Le Jour des morts-vivants est un film misanthrope…

 

(1) et (3) Propos recueillis par votre serviteur en juillet 2005
(2) Propos Recueillis par votre serviteur en mars 2014

© Gilles Penso

 

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INDIANA JONES ET LE ROYAUME DU CRANE DE CRISTAL (2008)

Un quatrième épisode tardif qui peine à retrouver la magie de ses prédécesseurs malgré de nouvelles trouvailles et une bonne humeur communicative

INDIANA JONES AND THE KINGDOM OF THE CRYSTAL SKULL

2008 – USA

Réalisé par Steven Spielberg

Avec Harrison Ford, Karen Allen, Shia La Beouf, Cate Blanchett, Ray Winstone, John Hurt, Jim Broadbent, Andrew Divoff

THEMA EXOTISME FANTASTIQUE I EXTRA-TERRESTRES I INSECTES ET INVERTEBRESSAGA INDIANA JONES I STEVEN SPIELBERG

Lorsqu’Harrison Ford, Sean Connery, Denholm Elliott et John Rhys-Davies s’éloignèrent à dos de cheval à la fin d’Indiana Jones et la dernière croisade, comme dans la dernière case d’un album de Lucky Luke, la saga semblait bel et bien terminée. Mais les héros des années 80 ont la peau dure. Après les retours successifs de Rocky Balboa, John McLane et John Rambo, pourquoi un Indiana Jones sexagénaire n’aurait-il pas droit lui aussi à son come-back ? Repoussant sans cesse ce projet annoncé dès 1995, George Lucas, Steven Spielberg et Harrison Ford ont enfin pu accorder leurs agendas et surtout s’appuyer sur un scénario propre à les satisfaire, œuvre de David Koepp (Jurassic ParkSpider-Man, La Guerre des mondes). L’action de ce quatrième épisode se situe au début des années 50, et après un nouveau jeu visuel sur le logo de la montagne Paramount, Spielberg nous ramène dans un lieu mythique : le colossal entrepôt du gouvernement américain où était stockée l’Arche d’Alliance à la fin des Aventuriers de l’Arche Perdue. Là, de vilains Soviétiques aussi caricaturaux que l’étaient les nazis des films précédents, menés d’une poigne de fer par l’officier Irina Spalko (Cate Blanchett), obligent Indiana Jones et son ami George McHalle (Ray Winstone) à retrouver un mystérieux artefact : une caisse contenant un objet hautement magnétique, ramené de Roswell en 1947, dans laquelle gît un corps momifié qui n’a visiblement rien d’humain…

Sans la moindre retenue, ce quatrième Indiana Jones ose ainsi marier l’exotisme fantastique avec la science-fiction pure et dure, sans pour autant dénaturer les fondements de la saga. Au lieu d’opter pour un foisonnement numérique comme le fit Lucas pour la seconde trilogie Star Wars, Spielberg entend bien remonter aux sources. Il filme donc sur pellicule, privilégie les cascades réelles et les effets spéciaux de plateau, et semble surtout se faire plaisir. Car cette quatrième aventure, tout autant imprégnée que les autres de l’ambiance des serials des années 30 et des BD d’Hergé, ressemble surtout à une récréation, une pause détente que le cinéaste s’octroie après l’éprouvant Munich. Les acteurs s’en donnent à cœur joie, Shia La Beouf excelle dans le rôle du sympathique « bad boy », les retrouvailles entre Harrison Ford et Karen Allen sont savoureuses, bref tout le monde semble prendre du bon temps.

Une équipe trop confiante ?

Revers de la médaille, la rigueur scénaristique, le rythme serré et le découpage ciselé ne sont plus vraiment au rendez-vous, comme si l’équipe du film, trop confiante, gardait tranquillement la bride sur le cou. Le récit n’a donc rien de vraiment palpitant, les séquences d’action ne marqueront pas les mémoires (à l’exception peut-être d’une folle poursuite motorisée dans la jungle et de l’attaque d’une horde de fourmis voraces) et le climax digne d’X-Files risque d’en dérouter plus d’un. Force est de constater par ailleurs que le directeur de la photographie Janusz Kaminski ne parvient jamais vraiment à accorder son style visuel à la patine délicieusement rétro qu’avait créée son prédécesseur Douglas Slocombe, signant du coup une mise en image hybride et souvent délavée. Le bonheur que procure le visionnage d’Indiana Jones et le royaume du crâne de cristal est donc principalement nostalgique, doublé de la promesse d’une nouvelle saga possible dont le héros serait Mutt Williams, le propre fils d’Indy.

© Gilles Penso

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