FEAR THE WALKING DEAD (2015-2023)

La première série dérivée du succès de The Walking Dead tente maladroitement de retrouver les recettes de son modèle…

FEAR THE WALKING DEAD

 

2015/2023 – USA

 

Créée par Robert Kirkman et Dave Erickson

 

Avec Kim Dickens, Cliff Curtis, Frank Dillane, Alycia Debnam-Carey, Elizabeth Rodriguez, Mercedes Mason, Lorenzo James Henrie, Ruben Blades

 

THEMA ZOMBIES I SAGA WALKING DEAD

En septembre 2013, face au succès colossal de la série The Walking Dead qui attaque alors sa quatrième saison, la chaîne AMC annonce officiellement le développement d’un spin-off, autrement dit un show télévisé parallèle qui se situe dans le même univers mais s’attache à d’autres personnages que ceux créés par Robert Kirkman dans son roman graphique. L’auteur original est cette fois-ci aux commandes, aux côtés du scénariste Dave Erickson (Sons of Anarchy). Ce dernier envisage de revenir aux racines du mal en racontant l’histoire du patient zéro, mais Kirkman n’est pas très chaud à l’idée d’axer la série sur l’origine du virus. Pour lui, mieux vaut garder le mystère à ce sujet. Malgré tout, Fear the Walking Dead (dont le tournage commence avec le titre provisoire de Cobalt) prend place avant les événements racontés dans The Walking Dead. L’idée consiste en effet à raconter l’effondrement de la société depuis les prémices de la catastrophe, un passage qui avait été escamoté dans la série originale, l’invasion des morts-vivants s’étant amorcée pendant le coma du personnage de Rick. Fear The Walking Dead choisit donc un angle narratif différent, tout en s’axant plus sur l’atmosphère que sur l’action.

Les trois premières saisons se déroulent à Los Angeles, puis au Mexique. On y suit une famille recomposée et dysfonctionnelle : Madison Clark (Kim Dickens), conseillère d’éducation dans un lycée, son fiancé Travis Manawa (Cliff Curtis), professeur d’anglais, leurs enfants respectifs – Alicia (Alycia Debnam-Carey), la fille de Madison, Nick (Frank Dillane), son fils toxicomane, et Chris (Lorenzo James Henrie), le fils de Travis issu d’un précédent mariage avec Liza Ortiz (Elizabeth Rodriguez). D’autres personnages rejoignent progressivement leur groupe, alors que débute l’apocalypse zombie. Ensemble, ils doivent se réinventer, apprendre à survivre dans un monde en ruine, et développer des compétences nouvelles pour faire face à la disparition pure et simple de la civilisation. À partir de la quatrième saison, la série opère un virage majeur. Morgan Jones (Lennie James), transfuge de The Walking Dead, devient en effet le nouveau fil rouge de l’intrigue. Installé au Texas, il croise la route des survivants restants et de nouveaux visages, poursuivant la lutte contre les morts… et les vivants.

« Ce n’est pas l’apocalypse, c’est le recommencement ! »

Les problèmes majeurs de Fear the Walking Dead sautent aux yeux dès les premiers épisodes. Ses intrigues peu palpitantes, ses scénarios qui tirent à la ligne, sa mise en scène peu inspirée et sa mise en forme maladroite peinent à nous convaincre. Les choses sont aggravées par le manque d’empathie que génèrent les protagonistes. Aucun d’entre eux n’étant véritablement attachant, comment s’intéresser à leur sort ? Malgré le changement de contexte (la ville, puis la mer, puis une petite ville mexicaine), les situations répètent celles déjà vues dans The Walking Dead, avec moins d’impact dans la mesure où les humains en présence ne nous passionnent pas. On aurait apprécié que les scénarios s’intéressent plus à la redistribution des cartes générée par le virus, dans la mesure où le haut du panier n’est plus lié au statut social ou au compte en banque mais à la capacité de survivre. Quelques idées intéressantes surnagent tout de même, comme cette femme persuadée que les zombies sont une bénédiction (« Ce n’est pas l’apocalypse », dit-elle, « c’est le recommencement, la vie éternelle ! »), proposant une approche mystique du phénomène, ou ces zombies charmés par la musique de Strauss. Il y a fort à parier que la longévité de cette série dérivée soit plus imputable au succès de The Walking Dead qu’à ses qualités propres. D’ailleurs, suite aux chutes d’audience de la saison 3, Morgan ressort des tiroirs pour tenter de relancer l’intérêt des téléspectateurs. Fear the Walking Dead durera tout de même huit saisons, d’autres spin-off se préparant parallèlement pour faire fructifier la vogue manifestement inépuisable des « morts qui marchent ».

 

© Gilles Penso

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SKELETON CREW (2024)

Quatre enfants s’égarent dans l’espace après avoir découvert l’épave d’un vaisseau spatial et affrontent mille dangers…

SKELETON CREW

 

2024 – USA

 

Créée par Christopher Ford et Jon Watts

 

Avec Jude Law, Ravi Cabot-Conyers, Ryan Kiera Armstrong, Kyriana Kratter, Robert Timothy Smith, Tunde Adebimpe, Dominic Burgess, Nick Frost, Kerry Condon

 

THEMA SPACE OPERA I SAGA STAR WARS

Située dans le sillage des événements racontés dans Le Retour du Jedi, neuf ans après la chute de l’Empire galactique, donc pendant la même période que The Mandalorian et Ahsoka, cette série Star Wars calibrée pour le jeune public est née dans l’esprit de Jon Watts, à qui nous devons les Spider-Man produits par le studio Marvel. Fort du succès des aventures de l’homme-araignée qu’il a mises en scène entre 2017 et 2021, et grâce à un pitch qui séduit immédiatement Kathleen Kennedy et Jon Favreau, Watts se lance dans Skeleton Crew dont il tient les rênes avec Christopher Ford (scénariste justement de Spider-Man Homecoming). Les choix des deux hommes sont prometteurs, notamment l’envie de mixer des effets visuels 100% numériques avec des techniques à l’ancienne (maquettes, animation en volume, marionnettes, maquillages spéciaux) et de solliciter des réalisateurs aux fortes personnalités, comme David Lowery (A Ghost Story), Bryce Dallas Howard (The Mandalorian), Jake Schreier (Robot & Frank) ou Daniel Kwan et Daniel Scheinert (Everything Everywhere All at Once).

Quand la série commence, il n’est pas bien difficile de comprendre où ses créateurs sont allés chercher leur inspiration. Les gamins qui slaloment à vélo entre les coquettes maisons de banlieue, les problèmes quotidiens des écoliers, la découverte d’un vieux navire pirate, un trésor caché, la menace d’une horde de gangsters plus ou moins difformes, une aventure à laquelle ne sont pas conviés les parents… De toute évidence, Skeleton Crew paie son tribut aux productions Spielberg des années 80 et tout particulièrement aux Goonies. L’Explorers de Joe Dante n’est pas loin non plus. Certes, les bâtiments sont futuristes, les bicyclettes en apesanteur, les enseignants des droïdes, les pirates des aliens et le navire un vaisseau spatial. Il n’en demeure pas moins que l’intégration – un peu au forceps – des composantes du cinéma d’Amblin dans l’univers de Star Wars nous laisse perplexes et semble s’inscrire dans la vogue nostalgique des années 80 qui alimentait déjà Super 8, Ça ou Stranger Things.

Amblin dans le mille

Fort heureusement, ce sentiment finit par s’évaporer au fil des épisodes qui continuent certes à se nourrir dans le terreau des Goonies et d’E.T. (en l’assumant parfaitement) mais finissent par construire une dramaturgie personnelle au sein de laquelle s’inscrit l’imagerie Star Wars sous un angle nouveau – ce qui n’est pas chose simple dans la mesure où le monde inventé par George Lucas a déjà été décliné tous azimuts. Riche en rebondissements dignes des serials des années 30, généreux en coups de théâtre et en séquences de suspense habiles, truffé de nouveaux personnages inattendus (dont l’un est incarné par notre Matthieu Kassovitz national) et de créatures bizarres (notamment un crabe-poubelle gigantesque animé en stop-motion par l’équipe du Tippett Studio), Skeleton Crew se bonifie d’épisode en épisode en laissant ses jeunes héros ainsi que les téléspectateurs perplexes quant aux motivations réelles du personnage ambigu que campe Jude Law avec un enthousiasme communicatif. De fait, même s’il est moins intense qu’Andor et moins atmosphérique que The Mandalorian, ce show ultra-divertissant se situe sur le dessus du panier des spin-off télévisés de la saga Star Wars, loin devant les dispensables Le Livre de Boba Fett, Obi-Wan Kenobi et The Acolyte.

 

© Gilles Penso

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SQUID GAME (2021-2025)

Habitants de Séoul : si vous êtes endettés jusqu’au cou et que les créanciers vous harcèlent, il existe une solution à tous vos problèmes !

OJING-EO GEIM

 

2021/2025 – CORÉE DU SUD

 

Créée par Hwang Dong-hyuk

 

Avec Lee Jung-jae, Wi Ha-joon, Lee Byung-hun, Park Hae-soo, Hoyeon, Yasuhi Iwaki, Oh Yeong-su, Jeon Young-soo, Heo Sung-tae, Lee Seo-hwan, Yim Si-wan

 

THEMA TUEURS

Qui aurait pu prévoir que cette série coréenne devienne un tel phénomène ? Le concept, pour attrayant qu’il soit, recycle beaucoup d’idées lues ou vues ailleurs. Pèle mêle, on pense au Prix du danger, à Running Man, Punishment Park, Ultimate Game, Slashers, Hunger Games, Jeux d’enfants, bref les précédents ne manquent pas. Hwang Dong-hyuk, le créateur de la série, ne le nie pas, confessant par ailleurs s’être largement laissé inspirer par des mangas comme Kaiji, Liar Game ou Battle Royale. Mais Squid Game possède cette singularité, ce grain de folie, ce jusqu’auboutisme, cette absence de concessions qui semblent n’appartenir qu’aux artistes coréens et font toute la différence. L’accouchement de ce show n’aura pourtant pas été une mince affaire. En 2009, lorsque Hwang Dong-hyuk commence à faire circuler le scénario, personne n’en veut. Top sanglant, trop bizarre, trop grotesque, trop peu crédible. Ni les producteurs, ni les chaînes de télévision, ni les acteurs à qui il en parle ne prennent ce projet au sérieux. Entretemps, notre homme se fait connaître dans le milieu du cinéma coréen en réalisant plusieurs films : le drame Ma-i pa-deo, le polar Silenced, la comédie fantastique Soo-sang-han geun-yeo et la fresque historique The Fortress. Son nom n’est plus inconnu lorsque Netflix tombe sur le script de Squid Game et s’emballe. Le concept de la série tape dans l’œil des dirigeants de la plateforme au N rouge qui cherchent justement à élargir leur offre de programmes étrangers.

Squid Game choisit comme personnage principal l’archétype du loser. Seong Gi-hun (Lee Jung-jae) est un père divorcé incapable de subvenir aux besoins de sa fillette, addict aux jeux, endetté jusqu’au cou, vivant toujours avec sa mère âgée qui s’épuise en travaillant comme vendeuse de rue. Alors qu’il semble au bord du gouffre, un inconnu l’aborde dans le métro et lui propose de participer à une série de jeux qui lui offriraient une chance de remporter une immense somme d’argent. Seong Gi-hun n’a plus rien à perdre. Il accepte donc et se retrouve transporté dans un lieu inconnu. Soumis à un gaz soporifique, il s’éveille comme Patrick McGoohan dans Le Prisonnier, au beau milieu d’hommes et de femmes qui portent un uniforme numéroté. Il est devenu le joueur numéro 456. Tous les autres sont, comme lui, des êtres à la dérive en proie à de très graves difficultés financières. Sous la garde de soldats masqués en combinaison rose, ces centaines de joueurs se voient offrir une solution à tous leurs problèmes. S’ils acceptent de participer à six jeux les confrontant les uns aux autres, la fortune est peut-être au bout du chemin. Le grand vainqueur de cette série d’épreuves aura en effet la chance de remporter un pactole de 45,6 milliards de wons, soit plus de 35 millions de dollars. Comment refuser ? D’autant que les épreuves en question sont inspirées des jeux de cours de récréation. Sauf que les joueurs éliminés vont perdre beaucoup plus que des points…

Un, deux, trois… Soleil !

Si de nombreuses situations décrites dans Squid Games peuvent raviver les souvenirs des cinéphiles et des lecteurs de mangas, le show de Hwang Dong-hyuk se distingue par des choix artistiques radicaux qui affirment d’emblée son originalité. Les combinaisons unisexes et anonymes des employés du jeu, dont les masques aux allures de tête d’insecte arborent un carré, un triangle ou un cercle selon leur rôle dans cette « fourmilière » savamment hiérarchisée, sont particulièrement iconiques et placent l’intrigue sur un plan dystopique déconnecté de la réalité. Il en est de même pour l’incroyable décor de l’escalier labyrinthique que doivent emprunter les joueurs (sorte de relecture façon lego des célèbres architectures impossibles de M.C. Escher), des cercueils emballés comme des paquets cadeaux, de cette tirelire en forme de gigantesque cochon translucide et bien sûr de ces terrains de jeu tous plus surréalistes les uns que les autres – avec une poupée géante qui ouvre les hostilités pour une mémorable partie de « Un, deux, trois… Soleil ! » Au-delà de son aspect purement graphique, Squid Game dresse un portrait bien peu reluisant d’une société coréenne où les inégalités se creusent inexorablement, où les citoyens âgés sans retraite s’astreignent à des métiers épuisants jusqu’à la mort, où les stigmates de la guerre de 1950 sont encore à vif, où « marche ou crève » semble être le mantra d’une immense frange de la population. Quand on sait que le créateur de la série lui-même vécut dans le dénuement le plus complet avant de pouvoir vendre son premier scénario, on mesure à quel point les excès et les exubérances du show s’appuient sur une réalité bien tangible.

 

© Gilles Penso

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HOUSE OF THE DRAGON (2022-2024)

Plusieurs générations avant celles de Game of Thrones, le meurtre, la trahison, les complots et les créatures fantastiques étaient déjà au programme…

HOUSE OF THE DRAGON

 

2022/2024 – USA

 

Créée par Ryan Condal et George R.R. Martin

 

Avec Matt Smith, Emma D’Arcy, Olivia Cooke, Rhys Ifans, Steve Toussaint, Fabien Frankel, Sonoya Mizuno, Milly Alcock, Emily Carey, Paddy Considine

 

THEMA HEROIC FANTASY I DRAGONS

C’est en 2015, alors que Game of Thrones continue de rameuter les foules du monde entier devant leurs petits écrans, que les dirigeants de la chaîne HBO commencent à réfléchir à un moyen de continuer à exploiter cette franchise au-delà de la série principale. À leur demande, l’idée d’un spin-off se met bientôt à germer dans l’esprit de l’écrivain par qui tout a commencé, George R.R. Martin. La série dérivée est annoncée en 2018, mais rien n’est encore officiel. Sollicités pour s’y atteler, David Benioff et D. B. Weiss, les créateurs du show original, préfèrent décliner la proposition pour éviter de se répéter et pour s’intéresser à d’autres projets. C’est finalement George R.R. Martin lui-même, associé à Ryan Condal (scénariste de Hercule et Rampage), qui initie House of the Dragon. Le concept de cette série consiste à raconter les événements situés plusieurs générations avant ceux de Game of Thrones en s’intéressant tout particulièrement à la maison Targaryen. Personne n’est dupe : il sera très difficile – voire impossible – de rivaliser sur son propre terrain avec la première série, véritable phénomène planétaire ayant quelque peu bouleversé les codes télévisuels. Pour autant, HBO met toutes les chances de son côté, allouant à chaque épisode un budget confortable, des comédiens solides et des réalisateurs aguerris. Il n’est pas question de décevoir le public accroc au « Trône de fer ».

Le fait d’employer en guise de thème musical principal le célèbre générique composé par Ramin Djawadi est d’emblée déconcertant, nous donnant l’impression que House of the Dragon n’est pas une série à part entière mais une simple variante destinée à prolonger le plaisir des téléspectateurs. Ce choix est d’autant plus discutable que le show de Ryan Condal et George R.R. Martin possède indubitablement sa propre personnalité. Certes, les ingrédients avec lesquels nous sommes déjà familiers sont toujours au programme, notamment l’alternance des séquences intimistes (intrigues de cour, stratégies, trahisons, coucheries) et des moments épiques et grandioses (batailles homériques, attaques incendiaires de dragons), ainsi que l’absence de retenue en ce qui concerne le sexe et la violence. Mais House of the Dragon parvient très tôt à trouver le juste équilibre, assumant l’influence inévitable de la série originale tout en définissant ses propres codes. À travers le destin du vieux roi Jaehaerys 1er Targaryen et de sa descendance, c’est un portrait bien peu reluisant des dynasties royales que nous dresse cette « Maison du Dragon » gorgée d’hypocrisie, de mensonges, de frustrations, de calomnies et de jalousies.

Un air de famille

Les manigances, l’incessant manège des successions, les sombres secrets familiaux s’égrènent ainsi au fil des épisodes, dans un monde où le devoir, l’honneur, la réputation et le rang prévalent systématiquement sur les sentiments, les désirs et les envies. Ici, les mariages ne sont pas des décisions romantiques mais des actions politiques. L’inceste lui-même ne fait pas peur, puisque seule prime la pureté de la lignée. On finit même par s’y perdre avec ces femmes qui épousent leurs oncles, ces demi-frères qui sont aussi cousins et neveux… Car au royaume de House of the Dragons, la consanguinité prime. Si les épisodes ne bénéficient pas tous de la même intensité dramatique, la qualité de la direction artistique, la solidité de la mise en scène, la finesse des dialogues et l’excellence de l’interprétation demeurent constantes. Il faut certes avouer que les changements de casting en cours de route, induits par le vieillissement des personnages, sont un peu déstabilisants et nécessitent une réadaptation de l’empathie des téléspectateurs, laquelle est de toutes façons mise à mal par le comportement unilatéralement détestable de la grande majorité des protagonistes. Car lorsque Emma D’Arcy et Olivia Cooke reprennent à mi-parcours de la première saison les rôles respectifs de la princesse Rhaenys et de la reine Alicent (tenus avant elles par Milly Alcock et Emily Carey), leurs personnalités semblent changer radicalement en même temps que leurs traits. Le trouble qu’engendre cette double « métamorphose » s’atténue par la suite, mais c’est une étrangeté qui nécessite de la part des spectateurs une certaine suspension d’incrédulité. À ces quelques réserves près, force est de reconnaître que Ryan Condal et George R.R. Martin ont su trouver la formule idéale pour poursuivre le culte généré par Game of Thrones.

 

© Gilles Penso


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ROSEMARY’S BABY (2014)

Zoe Saldana succède à Mia Farrow dans ce remake modernisé qui troque les rues new-yorkaises contre celles de Paris…

ROSEMARY’S BABY

 

2014 – USA

 

Réalisé par Agnieszka Holland

 

Avec Zoe Saldana, Patrick J. Adams, Carole Bouquet, Christina Cole, Jason Isaacs, Olivier Rabourdin, François Civil, Rosemarie La Vaullée, Eva Lutz, Frédéric Pierrot

 

THEMA DIABLE ET DÉMONS I SAGA ROSEMARY’S BABY

Drôle d’idée de se lancer dans une nouvelle version de Rosemary’s Baby conçue pour les petits écrans sous forme d’une mini-série en deux épisodes de 90 minutes chacun. Bien sûr, les instigateurs du projet insisteront pour dire qu’il ne s’agit pas d’un remake mais d’une réadaptation modernisée du roman d’Ira Levin. Certes, mais comment éviter la comparaison avec le chef d’œuvre de Roman Polanski ? Choisie pour succéder à Mia Farrow, Zoe Saldana ne se fait d’ailleurs pas trop d’illusions sur l’accueil du public. « Les fans du classique n’aimeront pas le nouveau, et ce n’est pas grave », dit-elle sans complexe. « Laissez-moi juste m’amuser. Une fois que j’ai évacué cette pression et cette idée que beaucoup de gens rejetteraient le principe de ce remake, j’ai saisi l’opportunité de jouer ce personnage formidable, de travailler avec cette réalisatrice extraordinaire et de séjourner à Paris pendant trois mois. » (1) Car cette nouvelle version change le cadre du récit tel que nous le connaissons. Adieu le New York de la fin des années 60, place au Paris de 2014. Ce qui permet à la star de Star Trek et d’Avatar de faire un peu de shopping dans la capitale française entre deux prises de vues et à la réalisatrice Agnieszka Holland (Europa Europa, Le Jardin secret, Rimbaud Verlaine) de saisir la photogénie de la ville sans parvenir tout à fait évacuer les clichés et les images d’Épinal.

Le thème de la grossesse contrariée est abordé dès l’entame, puisque nous découvrons d’abord une Rosemary Woodhouse dévastée qui peine à se remettre d’une fausse couche. Pour prendre un nouveau départ, elle quitte le sol américain avec Guy (Patrick J. Adams) et s’installe à Paris, renonçant momentanément à sa carrière de danseuse tandis que son époux part enseigner à la Sorbonne en essayant de terminer d’écrire son premier livre. La vie parisienne n’est pas aussi idyllique qu’ils l’auraient espéré, confinés dans un minuscule appartement universitaire, mais le destin prend une étrange tournure par l’entremise d’un pickpocket qui vole le sac de Rosemary. En parvenant à récupérer son bien, elle découvre d’autres papiers volés, appartenant à une certaine Margaux Castevet (Carole Bouquet). Celle-ci habite dans un très luxueux immeuble, la Chimère, en compagnie de son mari Roman (Jason Isaacs). Les Woohouse et les Castevet sympathisent, ces derniers offrant aux jeunes Américains la possibilité d’être leurs voisins en intégrant un bel appartement spacieux qu’ils n’auraient jamais pu s’offrir. Tout semble prendre une tournure idyllique. Bien sûr, nous savons au contraire que l’enfer s’apprête à ouvrir ses portes…

Les locataires

Force est de constater qu’Agnieszka Holland et ses scénaristes (Scott Abbott, auteur de La Reine des damnés, et James Wong, pilier de la série X-Files) cherchent à prendre leurs distances avec Polanski. Même si le cadre parisien peut parfois évoquer Le Locataire, cette relecture nous emmène volontairement ailleurs. Le rajeunissement des Castevet est un parti pris intéressant qui permet à Carole Bouquet et Jason Isaacs d’exceller dans un registre qui leur sied à merveille : la froideur sophistiquée et la duplicité suave. Ce ne sont donc plus deux vieux retraités excentriques mais de fringants quinquagénaires qui s’apprêtent à faire basculer la vie des Woodhouse dans l’horreur. Le reste du casting ne démérite pas, Saldana et Adams en tête, mais on ne peut s’empêcher de regretter la patine de téléfilm de cette œuvre signée pourtant par une réalisatrice à la personnalité marquée. Ce Rosemary’s Baby manque singulièrement de style, malgré une certaine propension à utiliser une caméra mobile, parfois portée, pour obtenir un rendu vivant et organique. La mise en scène reste très fonctionnelle et le film manque cruellement de subtilité, comme en témoignent les apparitions récurrentes du sorcier Marcato en sorte d’émule du Robert de Niro d’Angel Heart, les cauchemars excessifs de Rosemary, les morts sanglantes grandguignolesques, la symbolique appuyée du chat noir… Hésitant entre plusieurs approches, cette mini-série n’en adopte finalement aucune de manière claire et nous laisse une impression très mitigée, à la manière de ces nombreux téléfilms fades adaptant trop sagement certains écrits de Stephen King.

 

(1) Extrait d’une interview parue dans Entertainment Weekly en mai 2014.

 

© Gilles Penso


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ECHO (2024)

Depuis qu’elle a tiré sur le redoutable Caïd, Maya Lopez alias « Echo » est la cible de tueurs qui suivent sa trace jusque dans sa bourgade natale…

ECHO

 

2024 – USA

 

Créée par Marion Dayre et Amy Rardin

 

Avec Alaqua Cox, Chaske Spencer, Tantoo Cardinal, Charlie Cox, Devery Jacobs, Zahn McClarnon, Cody Lightning, Graham Greene, Vincent D’Onofrio

 

THEMA SUPER-HÉROS I SAGA MARVEL CINEMATIC UNIVERSE

Echo n’est pas une mini-série comme les autres. Marvel entend bien le faire savoir en multipliant les « premières ». C’est effet la première fois que le studio donne la vedette à une protagoniste qui soit à la fois représentante d’une minorité amérindienne, malentendante et amputée d’une jambe. Pour couronner le tout, l’actrice choisie pour l’interpréter, Alaqua Cox, est elle-même originaire de la réserve indienne du comté de Menominee à Keshena, sourde de naissance et équipée d’une prothèse de jambe. Il ne fut sans doute pas simple de trouver la perle rare, aussi proche dans la réalité du personnage qu’elle incarne. Le public avait déjà pu découvrir Cox dans la série Hawkeye, dont Echo est une suite directe. Autre élément novateur dans le Marvel Cinematic Universe télévisé : un texte d’introduction nous annonce que le programme sera violent et réservé à un public averti. Secret Invasion n’y allait déjà pas avec le dos de la cuiller de ce côté-là, mais visiblement la productrice et réalisatrice Sydney Friedland, qui chapeaute le show, souhaite pousser le bouchon un peu plus loin. « Nous voulions absolument montrer que notre série met en scène des gens réels qui peuvent saigner et mourir, et dont la perte entraîne de vraies conséquences » affirme-t-elle en guise de cahier des charges (1). La brutalité qu’elle compte porter à l’écran s’inspire entre autres des séries Netflix consacrées à Daredevil et au Punisher. Il y a pires références.

Le premier épisode d’Echo nous résume les origines du personnage principal : son enfance bouleversée par la mort accidentelle de sa mère, son adolescence auprès d’un parrain mafieux qui n’est autre que Wilson Fisk, ses premiers combats, avec en prime une apparition en guest-star de Daredevil. L’action se raccorde ensuite directement quelques mois après les événements racontés dans Hawkeye. Depuis qu’elle a abattu le Caïd en découvrant qu’il était à l’origine de la mort de son père, Maya est devenue une fugitive dont la tête est mise à prix et qui ne doit sa survie qu’à ses capacités de combattante hors-pair. Cernée de toutes parts, elle décide de quitter momentanément New York pour s’installer à Tahama, sa ville natale d’Oklahoma. Là, il va lui falloir renouer avec sa famille, ses amis, sa communauté et ses racines. Mais les tueurs de Fisk sont toujours sur ses traces et ne tarderont pas à la retrouver…

Les vies antérieures

Soyons honnêtes, il est très difficile d’éprouver de la sympathie pour un personnage dont la seule expression se limite à une moue renfrognée. Le regard noir, les sourcils froncés, le visage crispé, Maya finit par nous laisser parfaitement indifférents, tout comme ses motivations floues (se ranger ? se venger ? remplacer le Caïd ?). Ce n’est pas le moindre handicap de cette série qui multiplie certes les morceaux de bravoure mais se prive de l’essentiel : le phénomène d’identification. C’est dommage, parce que la mise en scène s’efforce souvent d’offrir aux téléspectateurs la possibilité d’avoir un aperçu des sensations de son héroïne, via un jeu sur la bande son qui évoque la surdité de manière très immersive. L’autre élément intéressant – et inattendu – de la série est l’insertion dans son intrigue somme toute très terre-à-terre d’éléments ouvertement surnaturels liés aux pouvoirs de guérisseuse de la mère de Maya, aux perceptions extra-sensorielles dont celle-ci est parfois dotée, et aux origines de cette tribu indienne qui, huit siècles plus tôt, jetait les bases d’un monde mystique. Le titre de la série finit par prendre une dimension nouvelle lorsque nous découvrons que chaque membre de cette communauté cohabite avec ses ancêtres, créant des échos répétés qui nous renvoient au principe de la réincarnation et des vies antérieures. Toutes ces belles idées – et la présence de Vincent D’Onofrio qui reste l’interprète idéal du Caïd – ne suffisent pas à pleinement maintenir notre intérêt, à cause de scénarios extrêmement basiques qui s’étirent en longueur malgré la très courte durée – cinq épisodes à peine – de la série.

 

(1) Extrait d’une interview publiée dans « Variety » en novembre 2023

 

© Gilles Penso


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ACOLYTE (THE) (2024)

Cent ans avant l’avènement de l’Empire, une série de meurtres ensanglante l’ordre Jedi. Un maître respecté est chargé de mener l’enquête…

STAR WARS : THE ACOLYTE

 

2024 – USA

 

Créée par Leslye Headland

 

Avec Amandla Stenberg, Lee Jung-jae, Charlie Barnett, Dafne Keen, Rebecca Henderson, Jodie Turner-Smith, Carrie-Anne Moss, Manny Jacinto

 

THEMA SPACE OPERA I SAGA STAR WARS

À force de trop tirer sur la corde, on risque toujours de la faire céder. Au cinéma, la sortie de chaque nouvel opus de la saga Star Wars était vécue par tout le monde comme un événement planétaire, jusqu’à ce que Disney décide de passer à la vitesse supérieure en saturant les écrans de films au risque d’émousser l’intérêt du spectateur. D’où l’échec de Solo, dont le défaut majeur fut de sortir en salles cinq mois à peine après Les Derniers Jedi. Pour alimenter la plateforme Disney +, la compagnie de Mickey pèche à nouveau par surcharge en déployant tous azimuts une quantité impressionnante de déclinaisons télévisées de l’univers créé par George Lucas, alternant les shows qualitatifs (The Mandalorian, Andor, Ahsoka) et ceux beaucoup plus anecdotiques (Le Livre de Boba Fett, Obi-Wan Kenobi). En l’espace de cinq ans, six séries « live » se seront ainsi succédées autour de la mythologie de Star Wars, avec comme risque évident une certaine lassitude du côté du public. C’est donc sans grand enthousiasme – pour ne pas dire avec une indifférence polie – que nous vîmes débarquer The Acolyte. Imaginée par Leslye Headland, créatrice notamment de la série Poupée Russe avec Natasha Lyonne, cette nouvelle itération se situe un siècle avant l’avènement de l’Empire, donc très en amont des événements narrés dans La Menace fantôme.

Poussant très loin le concept de la « prequel » popularisé par George Lucas, The Acolyte s’intéresse à Osha (Amandla Stenberg), ancienne Padawan de maître Sol (Lee Jung-jae) qui a quitté l’Ordre Jedi en raison d’un « trouble intérieur » concernant son lien avec la Force. Elle mène dès lors une vie simple loin des préoccupations des Jedi. Mais soudain, du jour au lendemain, elle est arrêtée et s’apprête à être traduite en justice. Une jeune femme qui correspond trait pour trait à son signalement vient en effet d’assassiner une chevalière Jedi pourtant très puissante devant plusieurs témoins. Or Osha nie en bloc. Ment-elle ? Est-elle frappée d’amnésie ? Quelqu’un la manipule-t-il ? L’explication est encore plus triviale. C’est généralement la solution de dernier recours des séries TV ou des bandes dessinées lorsqu’elles sont en panne d’inspiration : le jumeau maléfique ! Et oui, Osha a une sœur qu’elle croyait morte, Mae, et qui semble avoir vendu son âme au diable, ou plutôt au côté obscur de la Force. Les deux guerrières, yin et yang du monde des détenteurs de la Force, s’apprêtent donc à s’affronter tandis que dans l’ombre ricane un super-vilain à la voix métallique, sorte d’ancêtre casqué de Dark Vador…

Les acolytes anonymes

The Acolyte montre clairement les limites de la méthode Disney appliquée à l’univers Star Wars. La mise en scène anonyme, les épisodes qui tirent à ligne sans développer d’intrigue digne de ce nom et les personnages sans saveur auraient même tendance à nous faire revoir à la hausse les shows consacrés à Obi-Wan et Boba Fett, ce qui n’est pas peu dire. Même la direction artistique – qui est habituellement le point fort de la saga, quelles que soient ses déclinaisons – surprend ici par son manque d’audace et d’idées nouvelles. Pas de décor marquant, de vaisseau mémorable, de créature surprenante, bref c’est le minimum syndical. La série ose certes quelques écarts violents inattendus, n’hésitant pas à tuer plusieurs personnages clés dont on imaginait une longévité plus importante, sans pour autant renforcer les enjeux dramatiques ni l’implication des téléspectateurs, qui attendent désespérément que les choses décollent enfin. Or elles ne décolleront jamais. Les maigres cliffhangers en fin d’épisode cherchent maladroitement à attiser la curiosité du public qui, pour sa grande majorité, aura lâché l’affaire depuis bien longtemps. Bref, cette variante anecdotique sans charme ni personnalité s’oublie aussitôt après son visionnage et n’apporte rien de bien consistant à la galaxie Star Wars.

 

© Gilles Penso

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SECRET INVASION (2023)

L’ex-patron du S.H.I.E.L.D. reprend du service pour tenter d’enrayer une invasion extra-terrestre fomentée par des Skrulls rebelles…

SECRET INVASION

 

2023 – USA

 

Créée par Kyle Bradstreet

 

Avec Samuel L. Jackson, Ben Mendelsohn, Kingsley Ben-Adir, Killian Scott, Samuel Adewunmi, Dermot Mulroney, Richard Dormer, Emilia Clarke, Don Cheadle

 

THEMA EXTRA-TERRESTRES I SAGA MARVEL CINEMATIC UNIVERSE

En 2008, la saga « Secret Invasion » bouleverse l’univers des comics Marvel en sollicitant une grande partie des super-héros maison tout en montrant des répercussions affectant la planète toute entière. Cette série écrite par Brian Michael Bendis et dessinée par Leinil F. Yu attire l’attention d’Anthony et Joe Russo (Captain America : Civil War, Avengers : Endgame) qui envisagent un temps de l’adapter au cinéma. Mais c’est finalement le petit écran qui servira d’écrin à Secret Invasion, sous forme d’une mini-série de six épisodes pour Disney + chapeautée par Kyle Bradstreet (à qui nous devons le show Mr. Robot). Le format choisi impose de revoir considérablement à la baisse le scope des événements. Les scénarios se concentrent donc sur les efforts de Nick Fury pour contrecarrer les plans hégémoniques d’un groupuscule de Skrulls rebelles infiltrés parmi les humains, sans que n’intervienne le moindre super-héros dans le récit. Samuel L. Jackson, Ben Mendelsohn et Don Cheadle reprennent les rôles respectifs de Fury, Talos et du colonel Rhodes qu’ils tenaient déjà au cinéma. Emilia Clarke et Dermot Mulroney se joignent à la fête, la première sous les traits d’une agent double Skrull, le second dans le costume du président des États-Unis.

Après une absence prolongée loin de la planète Terre suite aux événements survenus dans Avengers Endgame, l’ex-patron du S.H.I.E.L.D., toujours aussi borgne et intraitable mais moins fringuant qu’autrefois, redescend parmi les siens pour régler une question grave qui pourrait mettre en péril l’humanité toute entière. Les Skrulls, cette fameuse race extra-terrestre capable d’imiter n’importe qui avec un réalisme confondant, sont parmi nous, et l’un d’entre eux, le renégat Gravik (Kingsley Ben-Adir) a décidé de renverser les forces terriennes pour imposer le règne de son espèce. Dans ce but, il projette une série d’attentats qui, à terme, devraient mener à une troisième guerre mondiale. Comme James Caan dans Futur immédiat, Fury va devoir travailler main dans la main avec un coéquipier alien, en l’occurrence Talos, pour tenter d’enrayer ce plan machiavélique. Mais comment lutter contre des terroristes capables de s’infiltrer partout en passant inaperçus, y compris au sein même de la Maison Blanche ?

Fury rôde

C’est donc sous les atours d’un thriller d’espionnage que Secret Invasion se révèle auprès des téléspectateurs, Kyle Bradstreet et son équipe citant parmi leurs sources d’inspiration Le Troisième homme de Carol Reed, les romans de John le Carré et les séries Homeland et The Americans. Une telle approche dicte un certain nombre de figures imposées (scènes de filatures, de poursuites, d’écoutes) mais aussi une poignée de séquences d’action très ambitieuses qui n’auraient pas surpris sur un grand écran (notamment l’impressionnante attaque du convoi présidentiel par des hélicoptères). La tonalité choisie pour cette série autorise également une violence réaliste et crue qui surprend chez Marvel. Les fusillades meurtrières, les assassinats de sang-froid, les scènes de torture et les milliers de victimes décimées par un attentat ne font pas peur à Disney qui cherche visiblement à toucher un public plus adulte, après les dérives adolescentes de Ms Marvel et She Hulk. A l’avenant, les scripts fouillent un peu plus qu’à l’accoutumée la psychologie des personnages, nous présentant un Nick Fury vieilli, fatigué et au bout du rouleau qui n’est que « l’ombre de lui-même » selon Gravik, un vilain que Kingsley Ben-Adir campe avec beaucoup de charisme. Certes, Secret Invasion n’a rien d’inoubliable – c’est le lot de la grande majorité des shows Disney + – mais se distingue tout de même par ses prises de risque, son audace et une noirceur inattendue.

 

© Gilles Penso


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SHE HULK: AVOCATE (2022)

La cousine de l’incroyable Hulk fait ses premiers pas à l’écran dans cette série TV semi-parodique bien peu palpitante…

SHE HULK: ADVOCATE OF THE LAW

 

2022 – USA

 

Créée par Jessica Gao

 

Avec Tatiana Maslany, Ginger Gonzaga, Tim Roth, Mark Ruffalo, Steve Coulter, Renée Elise Goldsberry, Josh Segarra, Mark Linn-Baker, Jon Bass

 

THEMA SUPER-HÉROS I SAGA MARVEL CINEMATIC UNIVERSE

Les raisons qui ont présidé à la naissance du personnage de Miss Hulk sont pour le moins triviales. À la fin des années 70, Universal TV possède les droits d’adaptation du personnage de l’incroyable Hulk, via la série à succès produite par Kenneth Johnson. Craignant que le studio ne crée sa propre version féminine du super-héros (comme Super Jaimie qui fut une réponse à la popularité de L’Homme qui valait trois milliards) et en conserve le copyright, Stan Lee initie en vitesse le lancement d’un comic book consacré à un Hulk en jupons. Lorsqu’en février 1980 les lecteurs découvrent la couverture dessinée par John Buscema montrant une pimpante jeune femme et son alter-ego improbable (une sorte de Hulk en décolleté à la longue crinière ébouriffée !), certains croient à une blague. Pourtant Miss Hulk débarque bel et bien chez les marchands de journaux et connaît son heure de gloire. Plusieurs adaptations de ses aventures à l’écran sont même envisagées mais finissent par être abandonnées. La plus fameuse d’entre elles est prévue pour le réalisateur Larry Cohen (Le Monstre est vivant, Meurtres sous contrôle, L’Ambulance) et l’athlétique comédienne Brigitte Nielsen (qui à l’époque posa dans la tenue du personnage en attisant la curiosité des fans). C’est finalement le studio Marvel – en quête de nouveaux personnages à mettre en scène dans ses multiples séries TV – qui donne corps au personnage afin d’alimenter la plateforme Disney +.

Pour l’occasion, les scénaristes réinventent les origines de la super-héroïne. Dans le comics original, l’avocate Jennifer Walters est blessée par balle lors d’un règlement de compte et c’est un don de sang de son cousin Bruce Banner qui va la transformer en Miss Hulk. Dans la série, la transfusion sanguine s’opère suite à un accident de voiture provoqué par le surgissement d’une soucoupe volante ! Voilà qui donne un avant-goût de l’approche absurde voulue par Jessica Gao (Robot Chicken, Rick et Morty), créatrice et scénariste en chef du show. Dès les premières minutes, on brise le quatrième mur pour donner le ton. Le téléspectateur sera le confident de notre héroïne qui, en dépit de toute logique, va s’adresser régulièrement à lui et lui donner des coups de coude complices. Ce procédé se révèle bien trop artificiel pour renforcer un quelconque sentiment d’immersion ou d’identification. C’est même le contraire qui se produit. Sentant bien que cette histoire est à considérer avec légèreté, le public se distancie de la série qu’il regarde au mieux avec un regard amusé, au pire avec une moue embarrassée.

Verte et pas mûre

Tous plus futiles les uns que les autres, les scénarios tournent autour de l’inscription de notre héroïne à un site de rencontre, sa capacité à trouver une robe qui la mette en valeur, son invitation au mariage d’une amie d’enfance, sa rivalité avec une influenceuse spécialisée dans les produits de beauté, son attente désespérée du SMS de son petit-ami… Même si la cible visée est de toute évidence principalement pré-adolescente et féminine, cette tendance à prendre les téléspectateurs pour des écervelés dénote d’une condescendance très incommodante. Même lorsqu’elle essaie de brocarder le machisme ordinaire, la série se contente de dresser une série de portraits d’hommes brutaux, idiots ou imbus d’eux-mêmes en forçant tellement le trait que toute critique devient contre-productive. Dans une tentative désespérée de dynamiser ses intrigues, She Hulk sollicite plusieurs guests de l’univers Marvel (Bruce Banner, Abomination, Wong, Daredevil) dans des versions caricaturales et burlesques. Les images de synthèse approximatives utilisées pour donner corps à la super-héroïne n’arrangent évidemment rien. Et que dire de ce dernier épisode qui – en nous plongeant dans une mise en abîme censée remettre en question les processus créatifs du Marvel Studio – ne peut s’interpréter autrement que comme le constat d’échec d’un système d’écriture et de production arrivé au bout de ses propres limites. Il ne nous reste plus qu’à rêver d’un monde parallèle dans lequel c’est la Brigitte Nielsen des années 90, le regard sévère, la crinière folle et le muscle bandé, qui incarne She Hulk face à la caméra de Larry Cohen.

 

© Gilles Penso


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MS. MARVEL (2022)

La plus jeune des super-héroïnes de l’univers Marvel débarque sur les petits écrans pour vivre des aventures sympathiques mais très anecdotiques…

MS. MARVEL

 

2022 – USA

 

Créée par Bisha K. Ali

 

Avec Iman Vellani, Matt Lintz, Yasmeen Fletcher, Zenobia Shroff, Mohan Kapur, Saagar Shaikh, Laurel Marsden, Azhar Usman, Rush Shah, Arian Moayed

 

THEMA SUPER-HÉROS I SAGA MARVEL CINEMATIC UNIVERSE

Si la grande majorité des super-héros Marvel avec lesquels le grand public est familier sont nés dans les années 60, 70 et 80, Ms. Marvel est le premier personnage de l’écurie de « la maison des idées » qui ait été créé après le Marvel Cinematic Universe. Kamala Khan fait en effet ses débuts en 2013 sous la plume de G. Willow Wilson et le crayon d’Adrian Alphonsa, soit cinq ans après la sortie d’Iron Man sur les écrans. A vrai dire, le nom de « Miss Marvel » a déjà été porté avant elle par d’autres personnages dessinés : Carol Danvers, Sharon Ventura, Karla Sofen, Deidre Wentworth et même la Malicia des X-Men. Lorsque Kamala Khan débarque, c’est clairement pour mettre en valeur une minorité jugée pas suffisamment représentée. Confiée à Bisha K. Ali (déjà responsable de plusieurs épisodes de Loki), l’adaptation de ses aventures sur le petit écran assume ce parti pris. Si jusqu’alors les productions Marvel s’étaient généralement tenues à l’écart des considérations religieuses, nous sommes ici en immersion totale dans l’univers d’une famille pakistanaise musulmane : ses traditions, son folklore, ses croyances et ses pratiques.

Ms. Marvel nous offre même un voyage au Pakistan et laisse ses personnages les plus âgés se référer régulièrement à la partition des Indes par l’empire colonial britannique. « Mon passeport est pakistanais, mes racines sont en Inde, et au milieu de tout ça il y a une frontière créée dans le sang et la douleur », dira la mère de Kamala avant d’ajouter : « on revendique nos origines d’après une carte dessinée par les Anglais. » L’histoire et les racines de notre jeune héroïne sont donc explorées frontalement, avec en prime une grande reconstitution d’époque au cours d’un ambitieux flash-back. Pour se raccorder au monde super-héroïque, la mythologie des djinns vient s’insérer – un peu au chausse-pied, il faut bien le reconnaître – dans cette intrigue qui se révèle par ailleurs très anecdotique. Fan absolue des Avengers en général et de Captain Marvel en particulier, notre héroïne lycéenne récupère ainsi un bracelet en or légué par sa grand-mère qui lui permet de projeter des rayons d’énergie cosmiques et de les solidifier dans l’espace. Et voilà : une nouvelle super-héroïne est née…

Cosmic Book

Rajustés et modifiés pour pouvoir mieux se conformer à la logique du Marvel Cinematic Universe, les super-pouvoirs de Ms. Marvel diffèrent donc grandement de ceux décrits dans la BD d’origine. La série ne manque ni de charme, ni d’inventivité, notamment du côté des trouvailles visuelles qui donnent corps à l’imagination fertile de la jeune protagoniste : des animations en papier découpé, des personnages dessinés qui surgissent dans les décors réels, des graphs et des tags qui prennent vie sur les murs de la ville, tout le mobilier urbain qui se réadapte pour illustrer une conversation téléphonique… Les acteurs eux-mêmes attirent assez facilement la sympathie. Mais à l’instar de la grande majorité des shows télévisés Marvel conçus pour alimenter la plateforme Disney +, Ms. Marvel ne raconte rien de particulièrement palpitant et étire artificiellement une intrigue paresseuse qui se résume finalement à bien peu de chose. Distrayante mais parfaitement facultative, cette mini-série n’a donc rien de bien mémorable et s’envisage surtout comme une prequel du long-métrage The Marvels dans lequel Iman Vellani reprend son rôle aux côtés de Brie Larson et Teyonah Parris.

 

© Gilles Penso


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