CLOCKMAKER (1998)

Cette histoire de voyage dans le temps conçue pour un jeune public est bricolée avec un budget minuscule par le neveu de Francis Ford Coppola…

CLOCKMAKER / TIMEKEEPER

 

1998 – USA

 

Réalisé par Christopher Coppola

 

Avec Anthony Medwetz, Katie Johnston, Zachary McLemore, Pierrino Mascarino, Daisy Nystul, Tom Gulager, Eugen Cristea, Florin Chiriac, Petre Moraru

 

THEMA VOYAGES DANS LE TEMPS I SAGA CHARLES BAND

Si un certain Christopher Rémy est officiellement crédité comme réalisateur de Clockmaker, ce pseudonyme cache en réalité Christopher Coppola. Neveu de Francis Ford, cousin de Sofia, frère de Nicolas Cage, ce Coppola peu connu du grand public avait jusqu’alors signé quelques séries B anecdotiques comme le film d’horreur Dracula’s Widow, le polar Dead Fall : Les Pros de l’arnaque ou le western Gunfight at Red Dog Corral. Le grand Francis ayant lui-même fait ses premières armes chez Roger Corman, le parcours de Christopher Coppola n’est pas plus honteux qu’un autre. Si ce n’est que notre homme n’aura jamais réussi à sortir du ghetto des petits budgets sans éclat. Et ce n’est pas Clockmaker, film pour enfants conçu pour le label « Pulsepounders » du producteur Charles Band et destiné directement au marché vidéo, qui changera la donne. Tourné en Roumanie, comme une très grande partie des productions de Charles Band depuis 1991, Clockmaker s’intéresse à trois gamins qui vivent dans le même immeuble : Henry (Anthony Medwetz), Mary Beth (Katie Johnston) et Devon (Zachary McLemore). En traînant nonchalamment sur le palier, le trio s’interroge sur le comportement bizarre et les activités obscures de Monsieur Markham (Pierrino Mascarino), leur voisin qui vit au troisième étage.

Profitant du fait que Markham a laissé tomber par mégarde sa clé dans la rue, tous trois décident d’aller se faufiler chez lui pour vérifier leurs théories volontiers conspirationnistes. Après avoir déjoué les pièges improbables disséminés dans son appartement (un immense pendule qui se balance, des engrenages géants qui bloquent les issues en tournant sur eux-mêmes, des trappes, des lances en forme d’aiguilles de montres), ils découvrent un lieu austère empli d’horloges qui tictaquent inlassablement ainsi qu’une étrange machine lambrissée qui s’avère être un portail temporel. Ils y pénètrent, et dès lors ils bouleversent complètement le fameux continuum de l’espace-temps cher à ce bon vieux Emmet Brown. Pour réparer leur erreur et remettre le monde dans l’ordre, il va leur falloir se propulser jusqu’en 1880, un voyage qui ne sera pas sans dangers…

Temps perdu

On ne peut pas reprocher à Clockmaker son manque d’idées. Le scénario de Benjamin Carr regorge de rebondissements, de paradoxes temporels savoureux et de dialogues amusants, notamment lors de cette séquence où l’un des enfants essaie désespérément de faire comprendre à un savant du dix-neuvième siècle le principe des ordinateurs. Mais la mise en scène de Coppola n’arrive pas du tout à suivre. Le réalisateur tente pourtant la carte de l’originalité, truffant son film de cadrages bizarres, d’angles de vue en plongée et en contre-plongée, de plans obliques, de scènes en caméra portée au grand angle… Mais cette tentative de stylisation extrême tombe totalement à plat, donnant le sentiment d’une mise en scène confuse et maladroite aux lisières de l’amateurisme. Il faut dire que le manque cruel de moyens saute aux yeux dès les premières minutes. Les décors sont banals, la lumière hideuse, les costumes bricolés à la va-vite, les accessoires risibles, la musique atroce… Bref rien ne va, surtout dans la partie du film qui se situe dans un monde présent alternatif devenu totalitaire. Le concept est intéressant – l’intrusion d’un manuel technique informatique dans les années 1880 a changé le cours de l’histoire – mais la mise en image fait peine à voir. Bref, voilà une occasion ratée à côté de laquelle n’importe quel film du catalogue Moonbeam de Charles Band – Prehysteria, Le Château du petit dragon, La Boutique fantastique – passerait pour un chef d’œuvre.

 

© Gilles Penso


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DEATH STREAMER (2024)

Un vampire moderne enregistre la mise à mort de ses victimes et retransmet en direct ses méfaits sur Internet…

DEATH STREAMER

 

2024 – USA

 

Réalisé par Charles Band

 

Avec Sean Ohlman, Aaron McDaniel, Kaitlin Moore, Emma Massalone, Travis Stoner, Chili Jean, Maddy May, Piper Parks, Angel R. Reed, Ashley Lanese

 

THEMA VAMPIRES I SAGA CHARLES BAND

À l’âge vénérable de 72 ans, Charles Band continue inlassablement à produire – et parfois à réaliser – de minuscules séries B d’horreur et de science-fiction pour alimenter le catalogue de sa compagnie Full Moon. Dans la foulée de Quadrant, il signe donc ce Death Streamer qui s’appuie sur la même idée générale : détourner les motifs du cinéma d’épouvante classique en les couplant avec la technologie de pointe, tout en ajoutant un petit soupçon d’érotisme (en gros, Band choisit des actrices qui ne sont pas contre l’idée de finir le film topless). Ainsi, après Jack l’éventreur revisité à travers le prisme de la réalité virtuelle dans Quadrant, voici le vampirisme accommodé à la sauce internet et live streaming. Pilier incontournable de la maison Full Moon depuis le milieu des années 90, Neal Marshall Stevens est chargé d’écrire le scénario, qu’il signe sous l’un de ses pseudonymes habituels, en l’occurrence Roger Barron. Autant avouer qu’il ne se foule pas trop la rate, brodant comme il peut autour d’une idée bizarre développée par Band lui-même. Et comme le réalisateur/producteur aime travailler en famille, il demande à l’un de ses bras droits Ted Nicolaou (par ailleurs réalisateur d’une foule de films pour Full Moon, notamment la saga Subspecies) de s’occuper du montage. Death Streamer se concocte donc en petit comité dans une ambiance de confiance mutuelle.

Death Streamer commence dans un club privé, le « Hellfire House », où se tient une soirée libertine façon Eyes Wide Shut reconstituée avec un budget famélique. Charles Band filme donc une petite dizaine de figurants qui se trémoussent mollement. Le maître des lieux est un homme ténébreux répondant au nom d’Arturo Valenor. Il s’agit d’un vampire dont le mode opératoire varie peu. Avec l’assistance d’un serviteur massif au masque de cuir et d’une barmaid en tenue SM, il attire des jeunes femmes dans son antre, leur fait boire un cocktail qui contient un peu de son propre sang puis plante ses crocs dans leur cou. Petit élément insolite : Valenor enregistre tous ses méfaits et les diffuse sur Internet en temps réel, grâce à une paire de lunettes connectées, augmentant sans cesse son nombre de vues et d’abonnés. Aurions-nous là affaire à un nouveau type de vampire « influenceur », mi tiktokeur mi-instagrameur ? Toujours est-il que ce flux vidéo sanglant, cantonné jusqu’alors au dark web, tombe un jour sous les yeux de trois animateurs d’une émission consacrée aux phénomènes paranormaux, « Church of Chills ». Pour s’attirer un maximum de followers, ils décident de retransmettre ce programme vers le grand public. Or notre vampire moderne apprécie très peu cette réappropriation de son propre « show »…

Vampirodrome

Il y a bien un embryon d’idée intéressante dans ce script, celle d’un vampire qui profite d’Internet pour élargir son culte de manière exponentielle. Le principe de ce programme malsain et viral aurait pu positionner le film comme une satire des dérives des réseaux sociaux, tout en proposant une sorte de variante vampirique de Videodrome décrivant l’altération des spectateurs soumis à la diffusion des mises à mort saignantes. Mais les ambitions de Charles Band ne vont pas si loin. Lui-même semble d’ailleurs croire à peine à l’histoire qu’il raconte. Il suffit de voir le manque de crédibilité de ces trois youtubeurs du paranormal qui vivent et campent 24 heures sur 24 dans une église où ils se sont installés et se chamaillent sans cesse au fil de dialogues dénués d’intérêt. Pour faire office de remplissage, Band nous assène au passage de très larges extraits de leur émission fictive sans que l’intrigue y gagne quoi que ce soit. Le vampire lui-même, incarné par le fort peu charismatique Sean Ohlman, n’est ni effrayant ni séduisant, malgré ce que tente de nous faire croire le film. Et que dire de ces effets numériques bon marché montrant les yeux du monstre qui flottent dans le ciel ou des jets d’hémoglobine pixellisés ? Voilà donc un ajout extrêmement mineur au catalogue Full Moon, que seuls les spectateurs les plus curieux chercheront à se mettre sous la dent.

 

© Gilles Penso


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NECROPOLIS (1986)

Une sorcière du 17ème siècle se réincarne sous la forme d’une punk des années 80 et poursuit ses méfaits dans les bas-fonds de New York…

NECROPOLIS

 

1986 – USA

 

Réalisé par Bruce Hickey

 

Avec LeeAnne Baker, Jacquie Fitz, Michael Conte, William K. Reed, Paul Ruben, Andrew Bausili, Letnam Yekim, Gy Milano, George Anthony-Bayza

 

THEMA SORCELLERIE ET MAGIE I SAGA CHARLES BAND

Après avoir réalisé une quinzaine de films X sous les pseudonymes de Joe Gage ou Marc Larson, Tim Kincaid change de registre en s’essayant à l’horreur et la science-fiction avec L’Hybride infernal, Robot Holocaust et Robot Killer, tous trois produits par Charles Band sous l’égide de sa compagnie Empire. Lorsqu’il se voit confier Necropolis, Kincaid cède la place du réalisateur à Bruce Hickey et s’occupe de la production avec son épouse Cynthia DePaula. Une fois de plus, le budget est extrêmement étriqué, ce qui saute immédiatement aux yeux. Les décors sont d’une banalité effarante, la photographie médiocre, la prise de son approximative, bref nous frôlons dangereusement l’amateurisme. La musique elle-même est principalement constituée d’extraits des bandes originales de L’Alchimiste, Decapitron et Future Cop. Dès les premières minutes, nous comprenons que ce film sera au choix très drôle au second degré ou extrêmement affligeant, voire les deux en même temps. Voir cette sorcière du 17ème siècle se déhancher en nuisette sur une musique disco pour nous faire croire qu’elle se lance dans un rituel magique ancestral en l’an de grâce 1865 est un spectacle particulièrement invraisemblable. D’autant que la comédienne a visiblement séché toutes ses leçons de danse et remue donc avec autant de grâce qu’un opossum sous Tranxène. Et nous ne sommes alors qu’à 5 minutes du début du métrage !

Chassée par une foule de villageois en colère (cinq figurants dans des costumes plissés s’agitant devant un mur) pour avoir kidnappé une jeune femme pendant son mariage avec l’intention de la sacrifier lors d’une cérémonie satanique, la vile sorcière Eva (LeeAnne Baker) est projetée en Enfer. Mais elle promet de revenir se venger. Nous la retrouvons donc à New York dans les années 80, à cheval sur une moto, le même maquillage outrancier autour des yeux, les cheveux toujours peroxydés mais cette fois-ci coupés courts façon punk androgyne. Alors qu’elle tue tous ceux qui se trouvent sur son chemin pour mettre la main sur l’Anneau du Diable que possède un pasteur, Eva se met à réclamer des âmes perdues. Une journaliste et un inspecteur de police mènent l’enquête pour comprendre ce qui relie cette série de morts inexpliquées. Ils découvrent bientôt que le prêtre et eux-mêmes sont les réincarnations de ceux qui chassèrent la sorcière en 1865 et que celle-ci est revenue pour achever son sacrifice.

Par tous les seins !

Lorsque la molle intrigue se met en place et que les dialogues commencent à s’échanger entre les protagonistes du drame, le spectateur mesure à quel point le jeu des acteurs est catastrophique, notamment celui de LeeAnne Baker qui a sans doute séché aussi ses cours de comédie (quoique le Al Pacino du pauvre incarné par Michael Conte vaut lui aussi le détour !). Entre deux scènes ennuyeuses, la punkette satanique se remet à danser sur des mauvaises chansons des eighties, avec toujours la même gaucherie et la même rigidité. Les intentions de cette sorcière mal-aimée sont par ailleurs très floues. Capable de lire dans les pensées des gens, elle les manipule, les tue, les pousse au suicide, fait couler sur certaines de ses victimes une substance visqueuse dont elle se repaît, puis pénètre dans un sous-sol enfumé pour invoquer des démons/zombies encapuchonnés et baveux. Alors que nous sommes sur le point de lâcher l’affaire survient soudain la séquence la plus hallucinante du film. Car soudain, LeeAnne Baker se retrouve affublée de trois paires de seins que la horde de démons s’empresse de venir téter en gémissant ! Voici sans doute l’un des pires longs-métrages jamais produits par Charles Band, ce qui n’est pas peu dire ! Sur le papier, l’idée d’une sorcière punk télépathe à six seins avait pourtant quelque chose d’intriguant. Mais parfois, mieux vaut se contenter de s’arrêter au stade du concept plutôt que de livrer un film aussi catastrophique.

 

© Gilles Penso


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IT CONQUERED THE WORLD (1956)

Un extra-terrestre parfaitement improbable affronte Peter Graves et Lee Van Cleef dans ce « classique » signé Roger Corman…

IT CONQUERED THE WORLD

 

1956 – USA

 

Réalisé par Roger Corman

 

Avec Peter Graves, Beverly Garland, Lee Van Cleef, Sally Fraser, Russ Bender, Jonathan Haze, Dick Miller, Taggart Casey, Paul Harber, Karen Kadler

 

THEMA EXTRA-TERRESTRES I SAGA ROGER CORMAN

Roger Corman s’étant découvert des affinités avec les films de science-fiction tout en ayant trouvé le moyen d’aborder ce genre de manière économique et rentable, les années 50 sont propices à ses expérimentations dans ce domaine, non seulement en tant que producteur mais aussi au poste de réalisateur. « J’ai abordé It Conquered the World avec la même liberté d’esprit que Pas de cette Terre », raconte-t-il. « Lee Van Cleef jouait le rôle d’un scientifique qui tente de rentrer en communication avec des formes de vie intelligentes sur Vénus. Beverly Garland, qui jouait sa femme, remet en cause tout son projet par des dialogues très comiques écrits par Lou Rusoff et Chuck Griffith. Avant de tourner, Beverly a improvisé quelques répliques bien tranchantes de son cru » (1). Tourné en cinq jours seulement, It Conquered the World met en effet en vedette une habituée du genre. Actrice fétiche et compagne de Corman à l’époque, Garland joue dans de nombreuses séries B très distrayantes depuis le début des années 50 et s’y connaît en créatures bizarres. Ses deux partenaires masculins sont deux futures superstars : Lee Van Cleef donc, qui sera le cowboy impitoyable de Le Bon, la brute et le truand, et Peter Graves, alias Monsieur Phelps dans la série Mission impossible.

Le concept du film est lui-même joyeusement farfelu. Van Cleef incarne en effet un savant illuminé, Tom Anderson, qui discute avec son ami Vénusien grâce à une radio qu’il a installée derrière un rideau dans son salon, sous le regard exaspéré de son épouse. Van Cleef parle en anglais, l’alien lui répond avec des bruits électroniques bizarres, mais les deux semblent parfaitement se comprendre. Lorsque la soucoupe de l’extra-terrestre à la dérive s’écrase dans une petite ville américaine, plus rien ne marche aux alentours : les trains, les machines, les tourne-disques, les téléphones, les grues, les horloges, les voitures, les avions… Les dialogues qui suivent ne manquent pas de sel. « Admettons que tu aies raison, qu’une intelligence supérieure soit venue de Venus, se soit installée chez nous, ait coupé toutes les sources d’énergie et s’apprête à prendre le contrôle de la population », dit le professeur Nelson (Peter Graves) à son ami Anderson. « Dans ce cas, pourquoi ne cherches-tu pas à l’arrêter ? » Sans sourciller, ce dernier lui répond : « Il se trouve que cette intelligence supérieure est un de mes amis proches. » Totalement illuminé, notre savant alienophile est même prêt à l’aider à conquérir la Terre en ciblant des hommes influents qu’il lui faut contrôler, façon L’Invasion des profanateurs de sépultures, à l’aide de petites créatures volantes aux allures de chauves-souris en caoutchouc – que Corman réutilisera pour The Undead, il n’y a pas de petites économies !

Le concombre géant venu de l’espace

Au-delà du trio d’acteurs principaux qui s’efforcent de jouer ce scénario absurde au premier degré, Corman convoque deux de ses seconds rôles favoris pour incarner des trouffions idiots et inefficaces, Dick Miller et Jonathan Haze. Mais la star du film est sans conteste le Vénusien lui-même, dont le design – œuvre de Paul Blaisdell, coutumier du fait – dépasse l’entendement. Comment le décrire autrement que comme une sorte de concombre géant affublé de deux yeux luisants, de dents pointues, de pinces de crabe et d’un crâne pointu orné d’antennes ? Corman fait ce qu’il peut pour le cacher dans la pénombre de la grotte enfumée où il a trouvé refuge ou n’en montrer que quelques bouts épars (une pince par ci, un œil par-là). Mais rien à faire : cette bête déclenche de gros éclats de rire à chacune de ses apparitions et ses positionne allègrement sur le podium des monstres les plus ridicules de l’histoire du cinéma. Une fois la bête vaincue, Peter Graves se lance dans une grande tirade moralisatrice (« Il y a de l’espoir, mais il doit venir de l’intérieur, de l’homme lui-même ») qu’il est bien sûr très difficile de prendre au sérieux. Présenté en double programme avec The She Creature lors de sa première sortie en 1956, It Conquered the World est devenu l’un des chouchous des amateurs de SF rétro et absurde.

 

(1) Extrait de la biographie “Comment j’ai fait 100 films sans jamais perdre un centime” par Roger Corman et Jim Jerome, publiée en 1990

 

© Gilles Penso


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ALIEN ABDUCTION : FANTASMES D’UN AUTRE MONDE (1996)

Cinq jeunes femmes se retrouvent dans un sauna pour évoquer leurs souvenirs intimes dont certains semblent liés à une visite extra-terrestre…

ALIEN ABDUCTION : INTIMATE SECRETS / FORBIDDEN ZONE : ALIEN ABDUCTION

 

1996 – USA

 

Réalisé par Lucian S. Diamonde

 

Avec Meredyth Holmes, Darcy DeMoss, Pia Reyes, Dimitrii Bogomaz, Carmen Lacatus, Alina Chivulescu, Floriela Grappini, Florin Chiriac, Valentin Lucia

 

THEMA EXTRA-TERRESTRES I SAGA CHARLES BAND

Alien Abduction : Fantasmes d’un autre monde ressemble étrangement à une version érotique de Steaming, le dernier long-métrage de Joseph Losey qui mettait en scène un groupe de femmes échangeant leurs confidences et leurs états d’âme dans la chaleur moite d’un bain turc londonien (d’après la pièce de théâtre de Nell Dunn). Réalisée par Lucian S. Diamonde (pseudonyme de Mark Manos, qui signa dans une veine légèrement similaire Huntress : l’esprit de la nuit), cette série B tournée en Roumanie et produite par Charles Band sous le label Twilight semble donc se réapproprier le même argument que Losey en dénudant chaque fois que possible ses actrices et en intégrant dans le récit un élément de pure science-fiction. Le sauna mis en scène dans Alien Abduction accueille d’abord la blonde Veronica (Meredyth Holmes) qui semble d’emblée frappée par une hallucination sensuelle qui la laisse dans un état semi-fiévreux. Quatre de ses amis la rejoignent et commencent à évoquer quelques-unes de leurs expériences sexuelles. L’une (Alina Chivulescu) raconte ainsi le souvenir d’un massage émoustillant (flashback à l’appui), l’autre (Carmen Lacatus) une rencontre torride (et manifestement fantasmée) avec un motard de la police. À ce stade, il nous semble donc entrer dans la mécanique du film à sketches gentiment polisson.

Mais lorsque les trois autres amies livrent à leur tour leurs petits secrets – dont il est difficile de savoir s’ils sont réels ou imaginaires -, les choses se compliquent. En effet, Tedra (Pia Reyes) se remémore une rencontre bizarre avec un séduisant médecin taciturne qui la conduisit dans un décor de saloon de western puis dans une grange, tandis que Sheri (Darcy DeMoss) se rappelle d’un étranger croisé dans la forêt puis d’une sorte de combat de catch situé dans un univers SM indéfinissable. En creusant un peu, les deux jeunes femmes se rendent compte que ces anecdotes un peu floues se sont déroulées la même nuit, au moment où elles étaient en voiture avec Veronica et qu’elles aperçurent des lueurs étranges dans le ciel. Selon Veronica, il n’y a qu’une explication possible : elles ont été enlevées ensemble par une entité extra-terrestre qui les a soumises à une expérience sexuelle et a projeté dans leur esprit des images mentales. Cette interprétation des faits semble absurde, mais plusieurs détails troublants semblent finalement la corroborer…

Sex-Files

Ainsi, le scénario alambiqué d’Alien Abduction prend une tournure tout à fait inattendue. Si le film peut être appréhendé comme un simple prétexte pour valoriser l’anatomie de ses actrices et les montrer simuler l’acte d’amour dans toutes sortes de décors, de tenues et de situations, cette seconde couche science-fictionnelle offre une lecture intéressante qui pousse les spectateurs à tenter d’assembler les pièces du puzzle jusqu’à une chute savoureusement ironique qui entérine définitivement la théorie extra-terrestre. Alien Abduction : Fantasmes d’un autre monde nous offre donc plus que ce que nous attendions, d’autant que les cinq comédiennes jouent leur rôle avec suffisamment de conviction pour que nous nous intéressions à elles (et pas seulement à leurs galipettes) et que le film sait distiller des images insolites perturbantes comme cette femme enfermée dans une écurie comme une bête et harnachée avec une selle. En prime, l’acteur choisi pour incarner le visiteur d’un autre monde, Dimitrii Bogomaz (qui apparaissait dans le second volet de la saga Josh Kirby : Time Warrior !), possède un regard hypnotisant, des traits émaciés et une allure bizarrement chétive qui nous feraient presque croire à son origine extra-terrestre. Après sa première exploitation en vidéo, le film fut redistribué sous le titre Forbidden Zone : Alien Abduction, ce qui entraîna parfois une confusion (volontaire ?) avec le Forbidden Zone de Richard Elfman.

 

© Gilles Penso


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TERRIFIER 3 (2024)

Art le clown revient en grande forme, cette fois-ci sous un déguisement de Père Noël, pour transformer les fêtes de fin d’année en massacre…

TERRIFIER 3

 

2024 – USA

 

Réalisé par Damien Leone

 

Avec Lauren LaVera, David Howard Thornton, Antonella Rose, Elliot Fullam, Samantha Scaffidi, Margaret Anne Florence, Bryce Johnson, Alexa Blair

 

THEMA TUEURS I DIABLE ET DÉMONS I SAGA ART LE CLOWN

Tout au long de sa filmographie, Damien Leone aura joué les couteaux suisses en prônant le système D. Qu’il s’agisse de ses variantes autour de Terrifier ou de son improbable Frankenstein vs. The Mummy, on sent bien l’amour du bricolage et du « do it yourself ». Cette capacité à occuper la plupart des postes clés de ses films offre à Leone une liberté qui lui permet de jouer effrontément les « sales gosses » en repoussant toujours plus loin les limites du mauvais goût et de l’horreur graphique. Ce cinéaste indépendant aurait pu rester dans son coin et continuer tranquillement à creuser le même sillon sans provoquer beaucoup de remous dans l’industrie du cinéma. Seulement voilà : Terrifier 2, sorti en 2022, est un succès international inespéré qui rapporte plus de soixante fois sa mise de départ. En toute logique, les grands studios qui considéraient ce trublion avec une indifférence mêlée de dédain lui font soudain les yeux doux. Mais Leone n’est pas dupe. Il sait bien que s’il signe avec une major, il peut dire adieu à son irrévérence. C’est presque par provocation qu’il semble vouloir dépasser les bornes de la bienséance dans le scénario de Terrifier 3, histoire d’effrayer tous les financiers hollywoodiens qui seraient tentés de se mêler de ses affaires. Et de fait, le film se fera dans les mêmes conditions précaires que les précédents, même si le budget a un peu grimpé.

Cette fois-ci, Leone s’en prend à Noël. Il n’est évidemment pas le premier à vouloir souiller les sacro-saintes fêtes de fin d’année. Le slasher hivernal est même devenu un sous-genre en soi, en grande partie grâce à la saga Douce nuit sanglante nuit à laquelle se réfère ouvertement Terrifier 3 à l’occasion de plusieurs séquences. Sauf que bien sûr, Leone veut aller plus loin que tout le monde et donner au massacre des proportions dantesques. Et pour bien nous faire comprendre que les esprits fragiles peuvent aller voir ailleurs, les enfants sont ici les premières victimes d’Art le clown. Choquée, la censure française affublera Terrifier 3 d’une interdiction aux moins de 18 ans. On n’avait pas vu ça dans l’hexagone depuis Saw 3 en 2006. Sauf qu’au lien d’entraver la carrière du film en salles, cette interdiction finit par attiser toutes les curiosités. Résultat : ce troisième Terrifier fait un démarrage spectaculaire, emplissant jusqu’au dernier siège des salles de cinéma survoltées où le public – majoritairement jeune – éclate de rire pour ne pas hurler de dégoût et fait au film un triomphe.

Vive le sang d’hiver

Damien Leone construit comme toujours son film autour d’une série de morceaux d’anthologie consistant à équarrir de la manière la plus spectaculaire, douloureuse, graphique et invraisemblable un maximum de victimes avec l’aide d’une nouvelle panoplie d’instruments de torture et d’armes disparates. Le gore selon Leone n’a pas la poésie macabre de Lucio Fulci, ni le caractère 100% cartoonesque de Peter Jackson, ni même la quête de réalisme anatomique de la saga Saw. Mais il emprunte un peu à toutes ces tendances pour élaborer son propre style. Dans ces moments intenses, la révulsion, l’effroi, le rire et la stupeur se répartissent équitablement, l’horreur atteignant une certaine forme d’abstraction d’autant plus déstabilisante qu’Art conserve invariablement son sens de l’humour et sa pantomime burlesque. Quelques scènes de Terrifier 3 entreront sans doute dans la légende, notamment celle de la douche qui semble vouloir renvoyer dos à dos Psychose et Massacre à la tronçonneuse. Entre ces nombreuses séquences gratinées, le film bat un peu de l’aile, le réalisateur peinant à nous attacher à ses personnages (notamment l’héroïne du film précédent, muée malgré elle en Némésis du maléfique Art) ou à développer la mythologie du clown en la rattachant au motif de la possession diabolique. On sent bien que l’intérêt de Leone est ailleurs, et que les ambitions de son long-métrage sont avant tout celles d’un spectacle de Grand-Guignol. De ce point de vue, rien à dire, Terrifier 3 remplit son contrat. Un quatrième opus est bien entendu déjà dans les starting block.

 

© Gilles Penso


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PROBLEMOS (2017)

Une communauté de militants anticapitalistes, installée en pleine nature, découvre qu’une catastrophe vient d’anéantir l’humanité…

PROBLEMOS

 

2017 – FRANCE

 

Réalisé par Eric Judor

 

Avec Eric Judor, Blanche Gardin, Youssef Hajdi, Michel Nabokoff, Claire Chust, Bun Hay Mean, Dorothée Pousséo, Marc Fraize, Arnaud Henriet, Eddy Leduc

 

THEMA CATASTROPHES

Après le revers commercial de La Tour 2 contrôle infernale, boudé par le public et la critique contrairement au premier opus qu’avait mis en scène Charles Nemes, Éric Judor décide de revoir ses ambitions à la baisse, sans oublier ses penchants pour l’absurdité à grande échelle et les concepts insolites (déjà très visibles dans son premier long-métrage, Seuls Two). Sans son complice Ramzy, il se lance dans Problemos. Derrière ce titre bizarre (qui sonne un peu comme le Calmos de Bertrand Blier) se cache une satire sociale acerbe sur fond de fable post-apocalyptique tournée dans des décors naturels ardéchois avec une troupe de comédiens déchaînés dont Judor prend naturellement la tête. Co-écrit par Noé Debré et Blanche Gardin (peu connue encore du grand public malgré ses premiers spectacles et sa prestation dans la mini-série Working Girls), le scénario de Problemos s’appuie sur une actualité bien réelle : la lutte des communautés militantes installées dans les ZAD (Zone à Défendre) face aux autorités qui cherchent à les déloger pour entreprendre leurs projets industriels. C’est notamment le mouvement activiste « Nuit Debout » qui sert d’inspiration à Debré et Gardin. En mêlant cette idée avec celle d’un effondrement de l’humanité (la série The Walking Dead bat alors son plein sur les petits écrans du monde entier), Éric Judor tient le sujet de son troisième film.

Problemos s’intéresse à Jeanne (Celia Rosich) et Victor (Eric Judor), deux parisiens qui prolongent leurs vacances avec leur fille Margaux (Marie Helmer) pour rendre visite à leur ami Jean-Paul (Michel Nabokoff). Ce dernier vit dans une communauté de babas cools située dans une ZAD, militant contre la construction d’un parc aquatique. Séduite par le mode de vie alternatif de cette communauté anticapitaliste qui prône un retour à la nature, loin de la technologie et de la société industrielle, Jeanne décide de rester quelques jours, même si Victor se montre beaucoup moins enthousiaste. Un matin, nos activistes exaltés découvrent que les CRS qui surveillaient la zone ont disparu… comme le reste de la population. Une pandémie dévastatrice semble en effet avoir éradiqué la quasi-totalité de l’humanité. Seraient-ils les seuls survivants de la planète ? Vont-ils pouvoir porter la lourde responsabilité de rebâtir le monde selon leurs convictions idéalistes ?

Babas pas cool

Féministes, écologistes, hippies, végans, pacifistes… Tout le monde en prend pour son grade dans Problemos. Cette société utopique fondée sur des principes égalitaires verse volontiers dans la caricature, notamment par la voix de Blanche Gardin qui incarne la plus extrémiste de ces gardiens de la bonne parole. Auto-baptisé Gaïa, son personnage refuse de donner un prénom ou un genre à son enfant pour le laisser choisir lui-même et entonne à la guitare des odes à la menstruation ! Et lorsque le monde s’écroule, les bons sentiments et le « vivre ensemble » volent gentiment en éclat tandis que les vieux instincts de propriété, d’égoïsme, de sectarisme et de hiérarchie ressortent du bois. De ce côté-là, la satire fait mouche, d’autant que l’autre facette sociale (le parisien conformiste et arrogant que campe Judor) n’est pas non plus épargnée. Les dialogues sont bien sentis, les acteurs au top de leur forme, mais l’on peut regretter que le sarcasme finisse par tourner un peu en rond tandis que la situation piétine. De fait, Problemos ne nous semble pas tirer pleinement parti de son postulat prometteur, comme en témoigne ce final en queue de poisson qui refuse volontairement de faire prendre au film une autre dimension. Rétrospectivement, on s’étonnera non sans trouble du côté prophétique du scénario de Problemos, qui anticipait de trois ans sur la pandémie bien réelle du Covid-19.

 

© Gilles Penso


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PARASITE LADY (2023)

Ce film quasi-muet explore la vie quotidienne d’une femme vampire sous forme d’une expérience sensuelle et sensorielle…

PARASITE LADY

 

2023 – USA

 

Réalisé par Chris Alexander

 

Avec Ali Chappell, Arrielle Edwards, Kate Gabriele, Thea Munster

 

THEMA VAMPIRES I SAGA CHARLES BAND

Chris Alexander a un style et un univers bien à lui. Visiblement très influencé par le cinéma d’horreur onirique européen des années 70 (celui de Jess Franco et Jean Rollin notamment), il aborde ses films sous un angle expérimental et artistique qu’on pourrait comparer aux travaux d’Hélène Cattet et Bruno Forzanni (Amer, L’Étrange couleur des larmes de ton corps) ou de Jonathan Glazer (Under the Skin). Le problème, c’est que ce réalisateur aux goûts exigeants n’a pas vraiment les moyens de ses ambitions, comme en témoignent par exemple Queen of Blood, Necropolis : Legion ou It Knows You’re Alone, produits avec des budgets minuscules. Son sens de l’esthétique se heurte ainsi souvent à des décors banals et une image vidéonumérique de faible qualité. Chris Alexander est d’ailleurs un véritable couteau-suisse. Sur Parasite Lady, il combine ainsi les postes de metteur en scène, scénariste, co-producteur, co-auteur de la photographie, du montage, des effets spéciaux de maquillage et de la musique. Sorte de relecture moderne, arty et érotique du « Carmilla » de Sheridan le Fanu, Parasite Lady ressemble à une version plus aboutie d’un film précédent d’Alexander, Space Vampire.

Sortant de son cercueil, Miranda, une vampire interprétée par Arrielle Edwards, erre chaque nuit dans une fête foraine, à la recherche d’amour et de sang humain. Sa routine est bien rodée : après sa douche, elle enfile sa tenue de cuir moulante et se lance à la chasse aux victimes féminines, les attirant dans son motel miteux. Là, elle leur déclare sa flamme avant de se repaître de leur sang. Dans sa chambre, un fauteuil vide et une statue humaine sombre évoquent l’absence et une solitude écrasante qui semble accompagner Miranda depuis des siècles. Jour après jour, notre buveuse de sang répète inlassablement ce schéma, hantée par le souvenir de Lady Death (Thea Munster), la femme vampire qui l’a jadis transformée et qui continue d’habiter ses pensées. Un soir, elle croise la route de Catherine (Ali Chappell) et, pour la première fois depuis des lustres, tombe amoureuse. Ce sentiment inédit bouleverse sa monotonie macabre et la pousse à transformer Catherine en vampire, bouleversant ainsi le cycle sans fin de sa propre existence…

« Que sommes-nous ? »

Même s’il inscrit le récit dans un paysage neigeux et triste, Chris Alexander stylise et esthétise au maximum son film. Certains très jolis plans s’alternent avec d’autres beaucoup moins graphiques, comme les déambulations de Miranda dans la fête foraine, constituées visiblement d’images volées filmées à l’arrache. C’est là que l’enveloppe budgétaire mise à disposition du cinéaste montre ses limites. Mais dans l’ensemble, Parasite Lady est une œuvre qui se distingue par sa photogénie, le maquillage de la femme-vampire n’étant pas sans évoquer ceux que portait Barbara Steele. Alexander prend son temps, laisse durer ses plans, opte pour une mise en scène sensitive, tactile et charnelle. La caméra s’abandonne sur la bouche de la vampire, se perd dans ses cheveux, se noie dans ses yeux, explore son grain de peau. Ici ce sont d’abord des ongles acérés qui fouillent la chair avec sensualité pour percer l’épiderme et en faire jaillir le sang avant que la bouche ne s’en abreuve. L’un des rares dialogues de ce film quasi-muet résume la routine de Miranda. « Que sommes-nous ? » lui demande Catherine. « Nous nous éveillons, nous marchons, nous buvons, nous continuons », répond Miranda. « Mourrons-nous ? » s’enquiert sa victime consentante. « Seulement si nous le voulons » s’entend-elle répliquer. Fascinant à défaut d’être complètement abouti, cet exercice de style n’est pas fait pour plaire à tout le monde mais présente le mérite de casser les codes et les habitudes.

 

© Gilles Penso


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HELLBOY : THE CROOKED MAN (2024)

Passé complètement inaperçu, ce quatrième Hellboy oublie la fantasy et les grands monstres au profit d’une ambiance de « folk horror » glauque…

HELLBOY : THE CROOKED MAN

 

2024 – USA

 

Réalisé par Brian Taylor

 

Avec Jack Kesy, Jefferson White, Leah McNamara, Adeline Rudolph, Joseph Marcell, Hannah Margetson, Martin Bassindale, Carola Colombo, Nathan Cooper

 

THEMA SORCELLERIE ET MAGIE I DIABLE ET DÉMONS I ZOMBIES I ARAIGNÉES I REPTILES ET VOLATILES I SAGA HELLBOY

Si le Hellboy de Neil Marshall n’a pas soulevé beaucoup d’enthousiasme, souffrant de la comparaison avec le diptyque très apprécié de Guillermo del Toro, ce quatrième opus – sorti à peine cinq ans après le précédent et jouant une fois de plus la carte du « reboot » – est quasiment passé sous les radars. Pourtant, c’est celui que Mike Mignola, auteur de la bande dessinée originale, apprécie le plus. Notre homme ne s’est jamais privé de clamer haut et fort sa déception face aux premiers longs-métrages trahissant selon lui sa création. Ici, il met la main à la pâte, participant personnellement au scénario qui s’appuie sur la série de comics « The Crooked Man » dessinée par Richard Corben. Co-réalisateur de Hyper Tension, Ultimate Game et Ghost Rider 2, Brian Taylor hérite de la mise en scène et affirme à son tour une volonté de rupture avec les autres adaptations. « Les films de Guillermo del Toro étaient des space operas à grande échelle », dit-il. « Mais certaines des bandes dessinées que Mike réalisait à l’époque étaient très différentes. Il s’agissait plutôt d’horreur folklorique et effrayante. Un Hellboy plus jeune, errant dans les coins sombres du monde. Pour moi, l’intérêt était de revenir à cet esprit et de proposer une version de Hellboy que, selon moi, nous n’avons pas encore vue. » (1) D’où un film sombre et violent, classé R (interdit aux mineurs non accompagnés d’un adulte), et produit pour un budget beaucoup plus restreint que celui de ses prédécesseurs.

Cet Hellboy là se déroule en 1959 et démarre dans un train lancé à vive allure. Agent débutant du BDRP (Bureau for Paranormal Research and Defense, autrement dit Bureau de recherche et de défense sur le paranormal), la parapsychologue Bobbie Jo Song (Adeline Rudolph) est chargée de livrer une araignée géante aux capacités surnaturelles qu’elle a fait enfermer dans une caisse. Cette mission ayant un caractère potentiellement très dangereux, elle est escortée par Hellboy (Jack Kesy). Or à mi-parcours, le monstre s’affole et s’échappe. En partant à sa recherche, Bobbie Jo et Hellboy se retrouvent au fin fond des Appalaches, dans une petite communauté rurale où sévissent de nombreuses sorcières dirigées par un démon local qui répond au doux nom de Crooked Man, « l’homme tordu » (Martin Bassindale). Bien décidé à défaire la forêt et ses habitants de ce monstre collecteur d’âmes tourmentées, Hellboy va se retrouver confronté à son propre passé…

Fanboy

Chapitré en trois parties (« La boule de sorcière », « L’os porte-bonheur » et « L’Ouragan »), le film se distingue clairement des trois autres par son approche frontalement horrifique. L’atmosphère est anxiogène, l’humour relégué à l’arrière-plan et l’intrigue prend vite la tournure d’un cauchemar. A l’avenant, Brian Taylor concocte une série de séquences bizarres et perturbantes, comme le corps d’une femme qui se regonfle à la manière d’un ballon de baudruche pour reprendre sa forme humaine, ce cheval qui se transforme en vieil homme agonisant, ce serpent géant qui sort de sous une jupe pour entrer dans une bouche ou encore la résurrection en série de tous les cadavres enterrés dans le sol d’une église. Face à tant de diableries, Hellboy conserve son flegme brutal tandis que sa partenaire joue les Dana Scully cartésiennes, même lorsque le paranormal lui saute au visage. On ne peut s’empêcher de saluer l’audace de tels partis pris. Jack Kesy fait le job, les maquillages sont réussis, l’esprit des comic books les plus sinistres de la série est respecté. Mais honnêtement, le résultat est loin d’être concluant. Ce film froid et pesant suscite beaucoup plus d’ennui que d’intérêt et donne presque l’impression de visionner un « fan movie » réalisé certes avec passion mais sans dramaturgie, sans finesse, sans vision de mise en scène. Le risque encouru par l’équipe de cet Hellboy n’aura d’ailleurs pas été payant, si l’on considère ses bien maigres retombées financières.

 

(1) Extraits d’une interview parue dans Collider en février 2023

 

© Gilles Penso


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KILLBOTS (2023)

Une femme robot, qui s’est échappée d’un laboratoire de recherche militaire, massacre tous les humains qu’elle croise…

MURDERBOT

 

2023 – USA

 

Réalisé par Jim Wynorski

 

Avec Melissa Brasselle, Eli Cirino, Troy Fromin, Michael Gaglio, Rib Hillis, Freddy John James, Emma Keifer, August Kyss, Becky LeBeau, Lisa London

 

THEMA ROBOTS I SAGA CHARLES BAND

En 2022, alors qu’il est en train de tourner coup sur coup Attack of the 50 Foot Camgirl et Giantess Battle Attack, deux séries Z inspirées du fameux Attack of the 50 Foot Woman, le réalisateur Jim Wynorski raconte à son producteur Charles Band la mésaventure qu’il connut avec Killbots, un film de robot tourné dans les années 80 pour Roger Corman. Mal accueilli lors de sa première sortie, le film fut rebaptisé Chopping Mall (Shopping en VF). Avec son opportunisme légendaire, Band constate alors que le titre Killbots est disponible. Pourquoi ne pas l’utiliser au lieu de le laisser au fond d’un tiroir ? Wynorski accepte, bricole en vitesse un scénario avec son comparse Kent Roudebush et se lance dans un tournage minimaliste d’une semaine dans le Diamond V Movie Ranch de Santa Clarita, en Californie. Comme Wynorski aime bien travailler en famille, il demande à l’actrice Melissa Brasselle, avec qui il travailla des dizaines de fois par le passé, d’endosser le rôle d’un redoutable androïde psychopathe. Celle-ci accepte en adoptant le pseudonyme de Rocky DeMarco. L’homme à tout faire Chuck Cirino (qui avait déjà composé la musique de Shopping) prend en charge la bande originale, la photographie, le montage, les effets visuels et une partie de la production. Plus une équipe est réduite, plus elle se serre les coudes. Cette devise de Wynorski, à laquelle l’économe Charles Band ne peut qu’adhérer, est plus que jamais appliquée ici.

Échappée d’un labo de recherches militaires (l’U.S. Army Cyber Lab 15 B) de Tucumcari en Arizona, une femme robot conçue pour être une arme tout-terrain indestructible part en vadrouille dans une petite ville voisine et connaît de sérieux disfonctionnements qui la poussent à massacrer tous les humains qui croisent sa route. Alors que la population locale passe systématiquement de vie à trépas, un groupe de six jeunes idiots en van s’arrête sur place pour faire de l’essence et acheter de quoi grignoter avant de partir s’envoyer en l’air dans la soirée. C’est le programme habituel de la grande majorité des protagonistes de films d’horreur ruraux post-Massacre à la tronçonneuse. Leur route va bien sûr croiser celle de l’androïde serial killer qui tue à tour de bras, usant parfois de ses yeux laser ou de ses mains incandescentes pour varier les plaisirs. Envoyés par le laboratoire militaire, deux scientifiques et un soldat se mettent sur la trace de la machine en roue libre. Mais sauront-ils l’arrêter ?

Robocheap

Dès les premières secondes, on sent bien que rien ne va : la démarche de cowboy ridicule de Melissa Brasselle (qui fronce les sourcils et fait une moue boudeuse pour bien nous faire comprendre qu’elle est très méchante), les effets vidéo bas de gamme pour montrer sa vision high-tech, les trucages sanglants cheap grotesques (on devine le technicien hors champ qui envoie des jets de fausse hémoglobine dans un tuyau), le décor minimaliste de station-service dans le désert (façon Parasite), une photographie surexposée qui fleure bon l’amateurisme, des effets de transitions qui auraient même été datés dans les années 90 (ah le fameux zoom avant / zoom arrière accéléré !), un montage image et son ultra maladroit… Le niveau d’exigence semble donc avoir été ramené au plus bas pour pouvoir emballer ce petit film le plus vite possible sans trop se prendre la tête. De toute évidence, les actrices ont principalement été choisies en fonction du volume de leur poitrine (qui aurait presque mérité que le film soit tourné en 3D pour une immersion totale !). À mi-parcours du métrage, sentant que le public risque de s’endormir, Wynorski intercale d’ailleurs une séquence de nudité totale d’une parfaite gratuité. Killbots n’a finalement qu’un seul véritable mérite : sa très courte durée. Le film sera rebaptisé Murderbot au moment de sa diffusion sur la plateforme de streaming de Full Moon.

 

© Gilles Penso


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