LES TITANS (1962)

Dans ce péplum mythologique parodique, Zeus libère les Titans des Enfers pour précipiter la chute d’un roi mégalomane…

ARRIVANO I TITANI

 

1962 – ITALIE

 

Réalisé par Duccio Tessari

 

Avec Giuliano Gemma, Pedro Armendariz, Antonella Lualdi, Jacqueline Sassard, Serge Nubret, Gérard Séty, Tanya Lopert

 

THEMA MYTHOLOGIE

Alors que la vogue du péplum antique bat son plein en Italie, le prolifique scénariste Duccio Tessari (Les Derniers jours de Pompéi, Carthage en flammes, La Vengeance d’Hercule, Le Colosse de Rhodes) tente un mélange audacieux pour son baptême de metteur en scène : l’épopée mythologique et la comédie. Résultat : Les Titans, une œuvre totalement à part qui s’offre un casting de premier ordre dominé par Giuliano Gemma (Le Guépard), Pedro Armendariz (Bons baisers de Russie), Antonella Lualdi (Le Rouge et le noir) et le culturiste français Serge Nubret. Lorsque le film commence, nous apprenons que Cadmos (Armendariz), le roi de Crète, a fait assassiner son épouse pour pouvoir vivre heureux avec sa maîtresse Hermione (Lualdi), et récupère au passage leur bébé Antiope. Mais la Sybille annonce la terrible prophétie qui les guette : lorsqu’Antiope grandira et connaîtra l’amour, le cœur de Cadmos cessera de battre. Révolté contre les dieux d’Olympe, qu’il juge injustes de lui infliger pareil destin, le souverain les renie en bloc et s’auto-proclamme « seul dieu et seul seigneur sur la terre et dans les cieux ». Pour se rendre invulnérable, il se baigne avec sa nouvelle compagne dans des vapeurs sacrées. Dix-huit ans plus tard, Antiope (Jacqueline Sassard), qui est restée cloîtrée pendant toute son enfance, s’apprête à devenir prêtresse du temple de Cadmos. C’est le moment que choisit Zeus pour réagir aux affronts de Cadmos. Nous découvrons alors la partie la plus redoutable des Enfers, le Tartare, fidèle aux descriptions qu’en donne la mythologie antique, reconstitué en studio dans un magnifique décor de grotte souterraine.

Prométhée y est enchaîné tandis qu’un vautour se repaît de son foie, Tantale meurt de faim face à ces fruits qui s’éloignent inlassablement de lui, Sisyphe pousse toujours le même rocher en haut d’une colline. Plus loin, les Titans, qui osèrent jadis défier Zeus, sont enchaînés à un rocher. Mais le Dieu des dieux leur offre la possibilité de recouvrer la liberté en ordonnant au moins fort mais au plus rusé d’entre eux, Krios, de venir sur Terre pour précipiter la chute de Cadmos. Dans la peau de ce Titan gaffeur, Guliano Gemma excelle, redoublant de naïveté et de gaucherie. Semant le trouble dans la cité, il est pris en chasse par la garde royale, ce qui nous vaut une scène de poursuite échevelée et hilarante, le fougueux fugitif sautant sur les toits en toile comme sur autant de trampolines, évitant les lances et les flèches avec désinvolture puis se laissant tranquillement capturer. Ce qui devait arriver arrive : il tombe amoureux d’Antiope, qu’il aperçoit pendant la cérémonie faisant d’elle une prêtresse condamnée à la chasteté. « Lorsqu’elle sourit, c’est comme si l’aurore éclairait le monde », dit-il rêveur à l’un de ses compagnons de cellule…

« Place aux barbus ! »

Ceint dans un somptueux Technicolor mettant en valeur des décors colossaux et des costumes de toute beauté, Les Titans regorge de dialogues humoristiques. Lorsqu’on lui demande de s’exprimer plus clairement, le Grand Prêtre déclare ainsi : « Je ne serais pas Grand Prêtre si j’étais clair ». Plus tard, un commerçant dont on vient de renverser la marchandise s’exclame « Par Zeus ! », puis se reprend : « Euh… Par Cadmos ! » Quand les frères de Krios débarquent, l’un d’eux lance fièrement : « Place aux barbus ! ». Même la bande originale joue la carte du gag, clignant de l’œil vers celle du Pont de la rivière Kwaï au moment de la destruction d’un pont ou reprenant les accents de la Marseillaise pour accompagner la révolte du peuple contre la tyrannie. Le film n’oublie pas pour autant de réserver une place de choix aux éléments fantastiques de son intrigue, du géant hirsute que rencontre Krios au casque d’invisibilité qui lui permet de libérer Antiope en passant par la vieille Gorgone aux cheveux ornés de serpents ou le Cyclope au langage incompréhensible pourvoyeur d’éclairs. Réjouissant et totalement décomplexé, Les Titans se clôt sur un combat délirant qui semble presque issu d’une planche d’Astérix, les Titans castagnant la garde de Cadmos avec autant d’enthousiasme qu’Obélix face aux Romains !

 

© Gilles Penso


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HERCULE À LA CONQUÊTE DE L’ATLANTIDE (1961)

Reg Park campe un héros mythologique nonchalant et castagneur dans cette aventure peuplée de sortilèges et de magie…

ERCOLE ALLA CONQUISTA DI ATLANTIDE

 

1961 – ITALIE

 

Réalisé par Vittorio Cottafavi

 

Avec Reg Park, Fay Spain, Ettore Mani, Luciano Marin, Laura Efrikian, Mario Valdemarin, Mimmo Palmara, Salvatore Furnari, Raf Baldassare, Mino Doro

 

THEMA MYTHOLOGIE

Un an après La Vengeance d’Hercule, Vittorio Cottafavi rempile pour une nouvelle aventure mythologique aux gros bras. Succédant à Mark Forest, Reg Park incarne à son tour le demi-dieu taillé comme un culturiste. Très impliqué au point de faire toutes ses cascades lui-même faute de trouver une doublure aussi grande que lui (ce qui lui vaudra quelques sérieuses blessures lors du tournage d’une scène de naufrage), Park n’a pas beaucoup de charisme mais sa version débonnaire d’Hercule, sorte de gros nounours sympathique, emporte l’adhésion. Co-scénariste d’Hercule à la conquête de l’Atlantide, Duccio Tessari sera l’un des auteurs phares d’un genre cinématographique sur le point de dominer les écrans italiens puis mondiaux : le western spaghetti. Le film s’ouvre sur une improbable bagarre de saloon dans une auberge où Hercule déjeune imperturbablement tandis que tous les belligérants, hilares, se castagnent avec fracas. Le devin Tiresias (Nando Tamberlani) ayant prédit que la Grèce était menacée par un royaume inconnu, Androcles (Ettore Manni), roi de Thèbes, décide de partir affronter ce danger. Hercule se joindrait bien à lui, mais sa femme Déjanire (Luciana Angiolillo) et son fils Hylos (Luciano Marin) souhaitent qu’il reste près d’eux. L’intrigue pourrait s’arrêter là mais il faut bien reconnaître que le film n’aurait alors rien de particulièrement palpitant !

Androcles fait donc preuve de fourberie et drogue Hercule pour le forcer à partir avec lui en expédition. Au lieu de s’en offusquer, le demi-dieu prend ça à la légère et passe tranquillement le voyage à dormir et manger. Dès leur première escale, l’équipage – principalement constitué de brigands – tente une mutinerie, mais Hercule les arrête brutalement dans leur révolte et les abandonne sur la plage. Puis survient la terrible tempête nocturne (celle qui valut à l’acteur plusieurs sévères contusions). Abandonné à son sort sur un bout d’épave, Hercule débarque sur une île inconnue où l’attend une vision surréaliste : une jeune fille prisonnière de la roche. Pour la libérer, il va devoir affronter Prothée, un monstre multiforme qui prend tour à tour l’apparence d’un vieillard, d’un gros serpent, d’un lion, d’un vautour et d’un dragon franchement ridicule. Bipède, de taille humaine, affublé d’une grosse tête à mi-chemin entre l’iguane, le dinosaure et le crapaud, il crache feu et fumée. Hercule finit par le terrasser en lui arrachant sa corne nasale, aux accents d’une musique synthétique totalement anachronique qu’on croirait issue de Planète interdite.

Des trucages signés Mario Bava

C’est là que s’amorce vraiment l’histoire du film. Car en sauvant la prisonnière, notre héros découvre son monde, l’Atlantide, reconstitué à Cinecitta à grand renfort de figurants en toge, de décors immenses et de matte paintings. Les Atlantes sont des adorateurs du dieu Uranus et leur reine tyrannique, Antinéa, est interprétée par Fay Spain. Adepte du sacrifice humain, elle fait jeter les sujets qui ne la satisfont pas dans un bassin d’acide, duquel ils ressortent sous forme de squelettes immaculés. Cette souveraine dominatrice et manipulatrice n’est pas sans évoquer celle d’Hercule et la Reine de Lydie. Tout au long de l’aventure, le colossal barbu sera aidé par son fils Hylos et par le nain Timothéo (Salvatore Furnari). Pour fantaisiste qu’il soit, le scénario s’offre parfois quelques détours visant à refléter les mentalités de la société de l’époque. Ainsi note-t-on une salve amusante contre les politiciens lors de la séquence du conseil des trente, où chacun tente de tirer la couverture à soi au lieu de s’unir pour la même cause. Le pouvoir des Atlantes eux-mêmes, issu d’une goutte de sang solidifiée du dieu Uranus, semble vouloir faire écho à la force de destruction de la bombe atomique, alors au cœur des inquiétudes d’un monde plongé dans la Guerre Froide. Ponctué de séquences saisissantes (le palais d’Antinéa jonché de cadavres, Hercule face à une dizaine de guerriers invincibles qui ont tous le même visage, une vallée de lépreux qui rappelle ceux de Ben Hur, un cataclysme final spectaculaire), Hercule à la conquête de l’Atlantide bénéficie d’effets spéciaux inventifs conçus par Mario Bava. Ce dernier, déjà réalisateur officiel grâce au Masque du démon, dirigera la même année Hercule contre les vampires, toujours avec Reg Park.

 

© Gilles Penso


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LA VENGEANCE D’HERCULE (1960)

Cette aventure mythologique invraisemblable confronte son héros musclé à un bestiaire particulièrement farfelu…

LA VENDETTA DE ERCOLE

 

1960 – ITALIE

 

Réalisé par Vittorio Cottafavi

 

Avec Mark Forest, Broderick Crawford, Gaby André, Renato Terra, Federica Ranchi, Ugo Sasso, Sandro Moretti, Salvatore Furnari, Giancarlo Sbragia, Michele Gentilini

 

THEMA MYTHOLOGIE

En pleine vogue du péplum mythologique, Vittorio Cottafavi (Milady et les Mousquetaires, La Révolte des Gladiateurs, Les Légions de Cléopâtre) réalise cette Vengeance d’Hercule, dont le titre est un peu mensonger dans la mesure où le personnage principal s’appelle en réalité Emilius. C’est du moins ce que nous apprend le texte d’introduction du film, avant d’ajouter que sa force et sa puissance lui ont valu le surnom de Goliath. D’où le titre utilisé lors de son exploitation sur le territoire américain : Goliath and the Dragon. Et c’est le new-yorkais Mark Forest, héros la même année du Géant de la vallée des rois, qui entre dans la peau du demi-dieu. Le début du film évoque le dernier des douze travaux d’Hercule. Emilius/Hercule/Goliath s’enfonce dans une caverne souterraine et fumante qui pourrait bien être l’entrée des Enfers. Plusieurs inserts sur de la lave semblent confirmer cette impression. Là, il croise le chien tricéphale Cerbère, enchaîné à la roche. Cette marionnette grandeur nature un peu figée, qui se contente d’agiter ses longs cous et d’ouvrir ses trois gueules pour cracher du feu à la face de l’acteur, n’est pas très crédible, c’est le moins qu’on puisse dire. Ses yeux sont immobiles, son pelage peu réaliste et les petites truffes qui ornent le bout de ses museaux prêtent plutôt à rire. Ce n’est que le premier spécimen de la ménagerie farfelue qui s’apprête à déferler à l’écran.

Car ce premier affrontement précède le surgissement d’une chauve-souris géante et simiesque soutenue par deux énormes câbles, d’un figurant gesticulant dans un costume d’ours et d’une sorte de faune-centaure furtif, allusion probable au Nessus de la vraie légende d’Hercule. La mythologie grecque, on le sait, a toujours été malmenée par les péplums musclés venus d’Italie, puisant au hasard leurs péripéties dans les épisodes des légendes antiques. Ici, notre Hercule se trouve impliqué dans une vague histoire de conquête du trône, de trahison, d’amants maudits… Rien de très passionnant, certes, mais l’intrigue réussit malgré tout à susciter un certain intérêt. Mark Forest n’est pas le plus mauvais des Hercule et Broderick Crawford campe un fort honorable méchant, en l’occurrence le vil Eurystée, avide de pouvoir et adepte de duplicité ayant dérobé un précieux joyau sur le front du dieu païen de la vengeance…

Drôle de dragon

Vers la fin du film, la belle Déjanire (Leonora Ruffo) est enchaînée dans une caverne jonchée de squelettes et livrée à un dragon en stop-motion. Quadrupède, le dos hérissé d’écailles, il évoque ses homologues du 7ème voyage de Sinbad ou des Amours enchantées mais souffre hélas d’une animation extrêmement saccadée et de mouvements trop rapides qui lui ôtent toute crédibilité. C’est pourtant l’œuvre des talentueux Jim Danforth (Jack le tueur de géants, Quand les dinosaures dominaient le monde) et Marcel Delgado (King Kong) qui, par manque de temps et de moyens, n’ont guère la possibilité d’affiner leur création. D’autant que la figurine d’animation est alternée au montage avec une grosse tête mécanique pas du tout crédible, qui crache de la fumée par les naseaux et sur laquelle le héros balance des rochers en carton. « Au départ, la société de production American International Pictures souhaitait faire son propre film mythologique », explique Danforth. « Ils nous ont donc sollicité pour une scène de dragon. Mais ils ont finalement décidé de dépenser moins d’argent. Ils ont donc racheté ce film italien en y insérant artificiellement le dragon » (1). Voilà pourquoi cette séquence est absente des copies européennes du film. Sur sa lancée, Vittorio Cottafavi réalisera dans la foulée Hercule à la Conquête de l’Atlantide en 1961.

 

(1) Propos recueillis par votre serviteur en avril 1998

 

© Gilles Penso


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CLASS OF NUKE’EM HIGH 2 (1991)

La joyeuse équipe qui avait créé Toxic Avenger donne une suite déjantée à Atomic College, pleine de monstres baveux et de filles dénudées…

CLASS OF NUKE’EM HIGH PART II: SUBHUMANOID MELTDOWN

 

1991 – USA

 

Réalisé par Eric Louzil

 

Avec Brick Bronsky, Lisa Gaye, Leesa Rowland, Michael Kurtz, Scott Resnick, Jacquelyn Rene Moen, M. Davis, Phil Rivo, Mark Richardson, Erica Frank

 

THEMA MUTATIONS

Si le premier Class of Nuke’Em High a traversé l’Atlantique pour sortir en salles chez nous sous le titre Atomic College, cette séquelle, en revanche, est restée confinée dans le semi anonymat d’une distribution vidéo restreinte et locale. Lloyd Kaufman et Michael Herz étant toujours derrière les manettes, via leur société Troma, le mauvais goût est de mise. Si le cadre du film précédent a été conservé, aucun des personnages d’Atomic College n’est de la partie, sans doute parce que le tournage s’est effectué en Arizona et non à New York, impliquant de fait un changement de casting. C’est donc Brick Bronsky, apparu dans Sergent Kabukiman N.Y.P.D. sous la défroque d’un voyou aux gros bras, qui tient ici la vedette. Son personnage, l’étudiant Roger Smith, tombe un jour amoureux d’une jeune inconnue, Victoria (Leesa Rowland), qui révèle bientôt sa nature étrange de mutante possédant une seconde bouche au niveau du nombril ! L’Institut Technologique de Tromaville est en effet utilisé par le professeur Holt (Lisa Gaye) et une corporation nucléaire pour créer une race de sous-hommes serviles dans le but de leur faire effectuer toutes sortes de tâches subalternes. Ce postulat n’est bien sûr qu’un prétexte pour une série de gags au-dessous de la ceinture, des effets spéciaux bien dégoulinants et un maximum de filles aux seins nus.

Pour montrer une demi-douzaine de créatures hybrides nées des expériences ratées du savant fou, la production décide de faire appel à l’animation image par image. Le talentueux Brett Piper, qui avait gratifié la Troma d’un mémorable Nymphoïd Barbarian in Dinosaur Hell et dont le manque de moyens n’a jamais bridé la créativité, se voit chargé de cette mission. Les créatures en question sont un homme-lézard affublé d’épines et de touffes de cheveux, un homme-mouche vert qui n’a pas grand-chose à voir avec celui de David Cronenberg, un homme-dauphin à la mâchoire proéminente, un mélange de bébé humain, d’insecte et de poisson, et enfin une chose humanoïde dotée de longs bras, d’ailes membraneuses et de crocs acérés. Toutes ces monstruosités, qui témoignent de l’originalité et de l’inventivité de Piper en matière de créatures fantaisistes, sont animées avec beaucoup de talent, même si les pauvres moyens financiers et le peu de temps alloué aux effets visuels ne permettent jamais de les mêler avec les acteurs et les décors réels. De fait, la « prestation » de ces jolis monstres reste très limitée.

L’attaque de l’écureuil géant

En réalité, la créature vedette de Class of Nuke’Em High 2 n’est pas animée en stop-motion mais incarnée par un acteur sous un costume volontairement grotesque. Il s’agit de « Tromie », un écureuil qui, après avoir absorbé des déchets radioactifs, se transforme en rongeur géant émule de Godzilla et sème une belle panique en fin de métrage, surgissant fièrement derrière les cheminées de la centrale nucléaire de l’Institut Technologique de Tromaville. Cette improbable bébête deviendra l’une des mascottes de la Troma, aux côtés de Toxie et du sergent Kabukiman. De nombreuses allusions aux films précédents de la compagnie de Lloyd Kaufman jalonnent d’ailleurs le métrage, notamment un t-shirt Toxic Avenger III et des posters de Toxic, Atomic College et Sergent Kabukiman. Face au relatif succès de ce deuxième opus, une suite sortira en 1994 sous le titre Class of Nuke’Em High III : The Good, the Bad and the Subhumanoid, avant que cette saga invraisemblable ne renaisse de ses cendres en 2013 à l’occasion de Return to Nuke’Em High. Car chez Lloyd Kaufman, comme chez Roger Corman ou Charles Band, rien ne se perd, tout se transforme !

 

© Gilles Penso


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METAMORPHOSIS : THE ALIEN FACTOR (1990)

Dans un laboratoire de recherche scientifique, un professeur est mordu par un mutant d’origine extra-terrestre et se transforme en abomination…

METAMORPHOSIS : THE ALIEN FACTOR

 

1990 – USA

 

Réalisé par Glen Takakjian

 

Avec Matt Kulis, Patrick Barnes, Tara Leigh, Dianna Flaherty, Katherine Romaine, John Marcus Powell, Tony Gigante, Greg Sullivan, George Gerard

 

THEMA MUTATIONS I EXTRA-TERRESTRES

Malgré ce que peut laisser imaginer son titre, cette série B de science-fiction n’est ni la suite de Metamorphosis de George Eastman (1989), ni celle de The Alien Factor de Don Dohler (1978), mais un film autonome produit par Ted A. Bohus (à qui nous devons déjà le sympathique The Deadly Spawn, alias La Chose). L’auteur et réalisateur de Metamorphosis : the Alien Factor, Glen Takakjian, a d’ailleurs fait ses premières armes dans l’équipe des effets spéciaux de La Chose. Ce sera son unique tentative de mise en scène d’un long-métrage, pas foncièrement concluante malgré quelques indiscutables attraits. La production de ce Metamorphosis va se révéler plutôt chaotique. Amorcé en 1987, le film prend beaucoup plus de temps que prévu à cause de l’importante quantité d’effets spéciaux nécessités par son script, notamment plusieurs passages en stop-motion qui, comme chacun sait, demandent une sacrée dose de patience. Parallèlement s’amorce une bataille juridique entre distributeurs dont ressortira vainqueur Trimark Pictures, habilité à sortir le film d’abord à travers plusieurs festivals de cinéma de genre puis en vidéo à partir de novembre 1990.

Nous sommes dans le laboratoire Talos (nommé ainsi en hommage au géant de bronze de Jason et les Argonautes) où se pratiquent des recherches secrètes sur des tissus extraterrestres modifiés génétiquement, d’où un certain nombre de bestioles hybrides bizarres qui ne sont pas sans évoquer le fruit des expériences du professeur de Piranhas. Or le savant à la tête des recherches de chez Talos, Michael Foster (George Gerard), est mordu accidentellement par l’un des mutants. Le malheureux se mue bientôt en créature hybride qui éjecte des masses de chair gluantes garnies de dents acérées. Progressivement, notre homme se transforme en un amas informe de chairs à vif pantelantes, puis prend l’apparence d’un monstre visqueux arborant un long cou de dinosaure, deux pattes d’éléphant et une immense mâchoire pleine de crocs pointus et baveux. Cette abomination met dès lors à errer dans les couloirs et à tuer ceux qui passent à sa portée, les harponnant avec ses appendices tentaculaires ou les avalant d’un bon coup de mâchoire.

Où est le monstre ?

Totalement illogique, le scénario de Metamorphosis : the Alien Factor part du principe que tout le monde est à la recherche de ce monstre alors qu’il mesure deux mètres de haut et n’est pas un modèle de discrétion ! Le décor du film se résume principalement à un seul couloir vu sous tous les angles et le casting est composé d’illustres inconnus qui jouent globalement comme des savates. Mais les monstres sont originaux et très distrayants, les effets gores réussis et les mutations presques dignes de celles de The Thing. La plupart du temps, le monstre vedette est une grande marionnette mécanique efficace conçue par Ron Cole (qui travailla entre autres sur les effets spéciaux de S.O.S. fantômes II, la série Monsters ou le film dynamique Back to the Future… the Ride). Pour une trentaine de plans larges, c’est une figurine animée image par image dans un décor miniature qui prend le relais. La stop-motion est aussi sollicitée pour montrer les évolutions d’une autre créature, sorte de mixage contre-nature entre une grenouille et une sauterelle qui finit par se muer en monstre affublé de huit pattes et d’yeux exorbités dont la gueule est pleine de dents pointues. Le visionnage de Metamorphosis : the Alien Factor est donc justifié, on l’aura compris, par le déchaînement de cette ménagerie fantasmagorique au sein d’une intrigue par ailleurs très modérément palpitante.

 

© Gilles Penso


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THE PHANTOM LOVER (1995)

Leslie Cheung incarne un émule du Fantôme de l'Opéra dans ce remake du premier film d’horreur de l’histoire du cinéma chinois…

YE BAN GE SHENG

 

1995 – HONG-KONG

 

Réalisé par Ronny Yu

 

Avec Leslie Cheung, Lei Huang, Philip Kwok, Fong Pao, Roy Szeto, Chien-lien Wu, Liwen Yu

 

THEMA SUPER-VILAINS

Ronny Yu, qui s’était distingué avec le magnifique La Fiancée aux cheveux blancs, signe en 1995 ce remake prestigieux du classique Le Chant de minuit de 1937. Comme c’était le cas pour son modèle, le scénario présente de nombreuses similitudes avec « Le Fantôme de l’Opéra » de Gaston Leroux, tout en s’inspirant aussi partiellement du « Romeo et Juliette » de Shakespeare, lequel est fréquemment cité au fil du métrage. Tourné en mandarin, comme le film original, The Phantom Lover se situe dans la Chine des années 40. Song Dan Ping, campé par l’acteur et chanteur Leslie Cheung, est un artiste comblé qui interprète les grands classiques de la scène dans son propre prestigieux théâtre, face à un public largement acquis à sa cause. To Wan-Yin (Jacqueline Wu) tombe sous son charme, mais le père de la belle est un homme puissant, tyrannique et corrompu. La romance intense et secrète, facilitée par une dame de compagnie complaisante, vire au cauchemar lorsque Wan-Yin est séquestrée par son père tandis que Dan Ping est défiguré à l’acide puis livré à l’incendie de son théâtre. Désespérée et résignée, la belle sombre bientôt dans la folie.

Bien des années plus tard, une troupe d’étudiants en théâtre arrive de Pékin pour jouer sur scène des pièces du répertoire de Dan Ping, désormais entrées dans la légende. Ils s’installent dans les ruines du théâtre de l’ancien acteur, sans savoir que ce dernier rôde toujours dans les lieux, horriblement défiguré et profondément taciturne, mais bien vivant. Triste, tragique et touchant, The Phantom Lover s’écarte volontairement de l’horreur gothique dégagée par l’atmosphère du classique de Ma-Xu Weibang, alors sous influence du cinéma expressionniste allemand et des « Universal Monsters », pour s’orienter vers un romantisme mélodramatique plus proche du roman de Gaston Leroux tel qu’il fut réinterprété par Andrew Lloyd Webber.

« Lost You Forever »

Leslie Cheung nous émeut d’autant plus, en créature défigurée et recluse, dissimulée sous une sombre bure, que la beauté de son visage et la pureté de sa voix restent durablement ancrées dans la mémoire des spectateurs. La chanson « Lost You Forever », aux orchestrations quelque peu anachroniques pour une intrigue se situant dans les années 40, constitue le thème principal de la bande originale. Elle sera commercialisée sous forme de single et aura droit à son propre clip au moment de la sortie du film. La mise en scène de Ronny Yu privilégie l’esthétisme et le graphisme. Les décors, la photographie et les costumes sont particulièrement mis en valeur, Yu se plaisant à laisser voltiger au ralenti les éléments les plus variés (flammes, pluie, neige, bris de verre, étoffes portées par le vent). Il ne se départit pas pour autant d’une nervosité nécessaire lors des séquences les plus mouvementées, notamment l’agression de Dan Ping. Dans ces cas, la caméra s’agite volontiers pour plonger au cœur de l’action. Le cinéaste persévèrera par la suite dans la voie du fantastique en partant à l’assaut du public international avec notamment La Fiancée de Chucky et Freddy contre Jason.

 

© Gilles Penso


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LES LARMES DE LA MALÉDICTION (1963)

La célèbre légende de « la pleureuse » est ressuscitée dans l’une des œuvres phares du cinéma d’épouvante gothique mexicain…

LA MALDICION DE LA LLORONA

 

1963 – MEXIQUE

 

Réalisé par Rafael Baledon

 

Avec Rosita Arenas, Abel Salazar, Rita Macedo, Carlos Lopez Moctezuma, Enrique Lucero, Mario Sevilla, Roy Fletcher

 

THEMA SORCELLERIE ET MAGIE

Des trois volets de la trilogie « malédiction ancestrale » mexicaine produite et interprétées par Abel Salazar (après Le Baron de la terreur et La Tête vivante), Les Larmes de la malédiction est probablement le plus abouti d’un point de vue à la fois esthétique et narratif. La photographie et les décors y sont somptueux, comme en témoigne cette marquante séquence pré-générique qui évoque rien moins que Le Masque du démon de Mario Bava et Les Yeux sans visage de George Franju. Deux chefs d’œuvre absolus du genre. Quoiqu’en l’occurrence il s’agirait plus ici de « visage sans yeux », dans la mesure où la première image du film est celle d’une femme blafarde aux orbites vides tenant en laisse trois énormes dobermans dans une forêt brumeuse et nocturne. Après le quadruple meurtre des occupants d’une carriole, nous faisons connaissance avec Amelia (Rosita Arenas), venue visiter le manoir de sa tante Selma (Rita Macedo) en compagnie de son époux Jaime (Abel Salazar). Or d’étranges rumeurs circulent sur les lieux.

Il faut dire que la bâtisse, inquiétante, n’aurait guère dépareillé dans les adaptations d’Edgar Allan Poe signées Roger Corman (on pense souvent à La Chambre des tortures et La Chute de la maison Usher). Le vent y balaie les feuilles mortes, la cave est emplie de toiles d’araignées et de rats, et d’étranges êtres hantent les lieux. Notamment un serviteur hideux et boiteux au visage à moitié défiguré, un homme bestial enfermé dans le grenier et une sorcière putréfiée figée dans la position de sa mort. Bientôt, le jeune couple doit se rendre à l’évidence : Selma pratique les sciences occultes et entend bien ressusciter « la pleureuse », une sorcière qui fut son ancêtre et dont elle espère acquérir tous les pouvoirs, en se servant de sa nièce pour accomplir un rituel nocturne. Les Larmes de la malédiction collectionne les images saisissantes, comme le miroir qui renvoie à Amelia un reflet morbide, la tête de mort entourée d’une cape noire qui flotte comme une chauve-souris, ou encore le squelette pétrifié qui reprend furtivement des traits vivants.

« La malédiction est dans mon sang, je la sens couler dans mes veines »

Aux références cinématographiques citées ci-dessus, il faut aussi citer le Frankenstein de James Whale, notamment lorsque le serviteur difforme fouette l’homme-bête dans le grenier. Ce dernier nous offre plus loin une séquence mi-émouvante mi-pathétique, au cours de laquelle il contemple avec trouble le portrait du bel homme respectable qu’il fut jadis. Fidèle à ses habitudes, le producteur joue le rôle masculin principal, mais il faut bien reconnaître que les hommes ne sont ici que des victimes, la part belle revenant aux personnages féminins partageant un héritage inéluctable. Et Amelia d’avouer : « La malédiction est dans mon sang. Je la sens courir dans mes veines » Ainsi, au cours d’une séquence étonnante, la jeune femme bat la campagne en quête d’un secours quelconque puis, saisie d’une soudaine pulsion meurtrière, se met à étrangler rageusement un vieil homme avant de se muer à son tour en sorcière aveugle, tandis que des centaines d’yeux se mettent à flotter dans le ciel autour d’elle. La poésie macabre est donc au rendez-vous, nimbant presque chaque image de ce petit chef d’œuvre gothique injustement méconnu.

 

© Gilles Penso


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PROPHECY : LE MONSTRE (1979)

John Frankenheimer met en scène un mammifère monstrueux et vorace ayant muté à cause de déchets toxiques rejetés dans une rivière…


PROPHECY

 

1979 – USA

 

Réalisé par John Frankenheimer

 

Avec Talia Shire, Richard Dyssart, Robert Foxworth, Armand Assante, Victoria Racimo, George Clutesi, Tom McFadden, Evans Evans, Burke Byrnes

 

THEMA MUTATIONS I MAMMIFÈRES

Cinéaste phare des années 60 et 70, grand spécialiste du thriller paranoïaque, de la tension et du suspense (L’Évadé d’Alcatraz, Un crime dans la tête, Sept jours en mai, L’Opération diabolique), John Frankenheimer se laisse tenter par le cinéma catastrophe teinté d’horreur et d’enjeux écologiques en s’attaquant à la toute fin des seventies à Prophecy : le monstre. Écrit par David Seltzer (La Malédiction), le scénario s’inspire d’un drame bien réel survenu au Japon en 1958 : des déchets de mercure déversés par une usine chimique dans une rivière auraient provoqué de graves dégénérescences neurologiques auprès de la population locale. En transposant l’intrigue dans la forêt américaine et en décrivant de monstrueuses mutations animales, Prophecy entend bien offrir au public un film terrifiant qui combine les codes du cinéma d’action et d’épouvante post-Les Dents de la mer avec une mise en garde virulente contre les risques environnementaux. Frankenheimer se prête au jeu et s’installe avec son équipe en Colombie-Britannique, inaugurant ainsi un mouvement qui poussera de nombreuses productions américaines à filmer dans la région de Vancouver pour bénéficier de la photogénie des extérieurs naturels canadiens et de la solidité des infrastructures mises en place pour accueillir les tournages.

Le réalisateur instille d’emblée une ambiance oppressante en faisant défiler son générique sans musique, le halètement répétitif d’un chien occupant tout l’espace sonore tandis que la caméra se promène dans une forêt nocturne éclairée par quelques lampes de poche. Nous découvrons bientôt la tension croissante qui monte entre une tribu indienne en voie de disparition, installée dans une forêt du Maine, et des bûcherons aux services d’une papèterie florissante qui exploite les ressources d’une rivière locale. À la demande du gouvernement, le professeur Rob Verne (Robert Foxworth, futur héros de la série Falcon Crest), un médecin qui travaille dans les quartiers défavorisés de Washington, et sa femme violoncelliste Maggie (Talia Shire, alors en plein tournage de Rocky 2) viennent sur place pour étudier les lieux. Or la faune de cette partie de la forêt semble avoir subi d’étranges altérations. Un saumon de deux mètres de haut saute dans les eaux, un raton laveur particulièrement virulent attaque le couple, un têtard gros comme un chat est repêché dans un étang… Mais ce n’est que le hors d’œuvre. Plus tard, Rob et Maggie tombent en effet sur un bébé animal indéterminé qui miaule horriblement et dont la peau écorchée révèle un œil exorbité et une mâchoire hérissée de canines tordues. Or cette erreur de la nature s’apprête à grandir pour prendre des proportions alarmantes…

Un ours très mal léché

La mise en scène de Frankenheimer se met en quête de réalisme, aidée par un tournage en extérieurs naturels et par une musique de Leonard Rosenman (Le Voyage fantastique, Enfer mécanique, Le Seigneur des Anneaux de Ralph Bakshi) prompte à susciter l’inquiétude. Pour appuyer le discours ouvertement écologique du film, dans la mouvance des préoccupations de l’époque, les dialogues écrits par David Seltzer font mouche, notamment les joutes verbales entre notre héros scientifique et le patron de l’usine de papier. « Combien de pages allez-vous écrire dans votre rapport, combien de feuilles de papier allez-vous utiliser ? » demande ce dernier avec cynisme. « Je réponds à votre besoin ! ». Au cœur de ce conflit opposant la nature et l’industrie, Armand Assante campe un Indien plus vrai que nature, chef de la révolte face aux entrepreneurs peu scrupuleux. Lorsque paraît le monstre-vedette, le ton change et les tics des séries B d’horreur s’invitent. Il faut dire que le costume mécanisé de la créature, œuvre de Tom et Ellis Burman portée par l’immense Kevin Peter Hall (futur interprète du Predator et de Bigfoot et les Henderson), manque singulièrement de subtilité. La bête (surnommée « Katahdin » par les autochtones) intervient principalement au cours de la dernière demi-heure du métrage, Prophecy assumant alors pleinement son statut de film de monstre. Dommage que la production, soucieuse d’attirer le public le plus large, ait renoncé à tous les accès de violence auxquels Frankenheimer était prêt à se livrer. La fable sanglante et cruelle se mue ainsi en film catastrophe tiède malgré le savoir-faire indiscutable de son réalisateur, alternant avec virtuosité au cours du final les lents moments d’attente et les explosions de violence abrupte.

 

© Gilles Penso


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DOOMWATCH (1972)

Alors qu’il enquête sur les conséquences d’une marée noire, un scientifique met à jour un secret inavouable sur une île britannique…

DOOMWATCH

 

1972 – GB

 

Réalisé par Peter Sasdy

 

Avec Ian Bannen, Judy Geeson, John Paul, Simon Oates, Jean Trend, Joby Blanshard, George Sanders, Percy Herbert

 

THEMA MUTATIONS

Doomwatch est d’abord une série télévisée britannique diffusée avec un certain succès sur la BBC entre 1970 et 1972. Comme son titre l’indique (combinaison de deux mots évoquant les notions de « destin » et de « surveillance »), ce show de science-fiction créé par Gerry Davis et Kit Pedler tire la sonnette d’alarme contre les risques environnementaux, les expériences scientifiques contre-nature et la mise à mal de notre planète par une technologie et une industrialisation hors-contrôle. Dans la foulée de sa diffusion, la petite compagnie anglaise Tigon, qui cherche malgré ses petits moyens à rivaliser avec la prestigieuse Hammer (nous lui devons quelques sympathiques curiosités comme La Maison ensorcelée, La Nuit du maléfice ou Le Monstre des oubliettes), récupère les droits de la série pour en tirer une adaptation cinématographique. Si le scénario du film est signé Clive Exton (L’Étrangleur de la place Rillington, La Malédiction de la vallée des rois, Kalidor), Kit Pedler reste impliqué en tant que consultant. À la mise en scène, nous retrouvons un vétéran des productions Hammer, en l’occurrence Peter Sasdy qui avait participé au renouvellement de quelques grandes figures de l’épouvante classique alors que la firme commençait à amorcer sa pente descendante. Il signa ainsi Une messe pour Dracula, Comtesse Dracula et La Fille de Jack l’éventreur.

Ian Bannen joue le rôle du docteur Del Shaw, membre de l’organisation Doomwatch chargée de veiller sur tous les dangers de pollution et d’atteinte à l’environnement. Suite à une marée noire, il part faire des relevés sur l’île isolée de Balfe. Là, l’accueil des habitants s’avère pour le moins glacial, et l’on sent bien qu’un secret inavouable couve parmi les autochtones. Curieux, Shaw décide de prolonger son séjour. Il faut dire que les beaux yeux de l’institutrice Victoria Brown (Judy Geeson) ne le laissent pas insensible. Au fil de son enquête, il découvre que les poissons pêchés sur l’île sont anormalement gros. En les disséquant, il y décèle une hormone de croissance étrange. De toute évidence, leur consommation a créé une mutation sur l’île. Les hommes sont ainsi atteints d’acromégalie et de comportements violents. Shaw met également à jour une zone de l’île nommée Castle Rock dans laquelle l’armée entrepose depuis des années des déchets radioactifs. Or à côté de ces déchets se trouvent d’autres fûts d’origine inconnue. Ce sont des hormones de croissance expérimentales, produites par une industrie chimique dans le but d’en faire des compléments alimentaires, puis abandonnée après des résultats désastreux constatés sur les animaux cobayes. N’est-il pas trop tard pour enrayer la contamination ?

Scientifiquement correct ?

Doomwatch bénéficie d’une mise en scène très stylisée (Sasdy se laisse visiblement inspirer par ce sujet atypique pour tenter quelques expérimentations), d’un casting solide duquel émergent quelques savoureux seconds rôles (notamment George Sanders, échappé du Village des damnés, sous l’uniforme d’un amiral soupe au lait) et d’une approche volontairement naturaliste de son argument de science-fiction. Car on sent bien, à travers les diverses théories scientifiques énoncées, que le film a bénéficié d’un important travail de documentation et de consultation technique, comme c’était d’ailleurs déjà le cas sur la série. Cette qualitéest à mettre au compte de Kit Pedler dont le passé dans la médecine et la science permettent d’apporter un précieux cachet « scientifiquement correct ». Doomwatch n’est donc pas traité sous un angle purement fantastique, malgré le maquillage monstrueusement saisissant des contaminés de l’île qui se heurtent à nos héros au cours du climax. Ces partis-pris ont sans doute désarçonné les spectateurs de l’époque qui, persuadés d’avoir affaire à un film d’horreur pur et dur (c’est ainsi que Tigon en fit la promotion), s’étonnèrent face à cet étrange thriller dont les monstres se révèlent bien plus pathétiques que réellement effrayants. Embassy Pictures, qui distribua le film sur le territoire américain, entretint d’ailleurs ce malentendu en le rebaptisant Island of the Ghouls (« L’île des ghoules » !). Doomwatch mérite en tout cas d’être redécouvert, sa singularité et sa tonalité insaisissable étant ses atouts majeurs.

 

© Gilles Penso


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DUNE – DEUXIEME PARTIE (2024)

Denis Villeneuve livre le second volet d’une trilogie annoncée, voyant l’ascension de Paul Atréides au rang de messie face à l’oppression Harkonnen…

DUNE – PART 2

 

2024 – USA/ CANADA

 

Réalisé par Denis Villeneuve

 

Avec Thimothée Chalamet, Zendaya, Dave Bautista, Javier Bardem, Christopher Walken, Rebecca Ferguson, Austin Butler, Stellan Skarsgard

 

THEMA SPACE OPERA

Dune – première partie se finissait de façon abrupte, alors que le jeune Paul Atréides (Thimothée Chalamet) venait de tomber l’uniforme royal étriqué pour endosser le rôle de meneur en devenir des rebelles Fremen face aux Harkonnen – une allégeance également motivée par les beaux yeux (très bleus forcément) de Chani (Zendaya). Cette suite reprend sans préambule à l’endroit même où nous avions laissé notre héros « campbellien », en plein désert sur la planète Arrakis. Après avoir introduit moult personnages, clans, planètes et enjeux politiques et économiques dans le précédent film, Denis Villeneuve peut dès lors entrer dans le vif du sujet sans aucun préambule, pour se focaliser sur l’Aventure avec un grand A, le spectre de Lawrence d’Arabie s’invitant même parfois à la fête. Certains avaient reproché à l’interprétation de Thimothée Chalamet de manquer de charisme, mais Denis Villeneuve ne semblait pas vouloir le désigner comme le personnage central de la saga, le présentant plutôt comme un jeune observateur inexpérimenté et couvé par sa mère, ne s’aguerrissant que progressivement tout au long du premier film. Dans Dune – deuxième partie, il a déjà l’étoffe d’un stratège militaire, menant des offensives contre les troupes Harkonnen, pourtant bien mieux armées que les Fremen. On pourrait voir une forme de subversion politique dans ses actions pour peu que l’on veuille reconnaitre l’Amérique dans l’impérialisme du clan Harkonnen, bien que Villeneuve semble avoir choisi de ne pas forcer le trait de la métaphore contemporaine inhérente à de nombreuses œuvres de science-fiction.

Paul Atréïdes recherche avant tout à se venger du Baron Harkonnen (Stellan Skarsgard), responsable du massacre de sa famille. Mais ce dernier envoie un guerrier assoiffé de sang, Feyd Raucha (Austin Butler, méconnaissable) pour écraser la rébellion tandis que Paul Atréides, de plus en plus conscient du statut messianique qu’il acquiert, se voit contraint de faire des choix personnels et politiques de plus en plus difficiles. Malgré l’amour et l’admiration qu’elle lui porte, Chani réalise que l’intégrité et la vertu de Paul ne sont pas inébranlables au milieu des jeux de pouvoirs orchestrés par l’empereur (Christopher Walken) et la princesse Irulan (Florence Pugh). A moins que cela ne soit qu’une ruse pour arriver à ses fins ? Si Warner et Villeneuve avaient eu une idée payante avec une distribution empruntant à Marvel et DC Comics des visages familiers auprès des « adulescents » (Zendaya, Dave Bautista, Stellan Skarsgard, Josh Brolin, Jason Momoa, Oscar Isaac), il s’agissait d’un cheval de Troie pour un film en rien semblable d’un point de vue thématique et rythmique aux productions en question. Hélas, en délaissant les enjeux politiques complexes pour se concentrer sur l’ascension de Paul Atréides et sa relation avec Chani, Dune – deuxième partie finit par servir la soupe à ce public avec lequel il faut aujourd’hui compter si on veut remplir les caisses.

« Arrête de ramer, t’es sur le sable »

Villeneuve joue malheureusement une partition monophonique, la grande majorité du métrage se déroulant sur Arrakis et la plupart des seconds rôles se retrouvant réduits à une figuration de luxe (les apparitions de Josh Brolin, Charlotte Rampling, Dave Bautista ou Christopher Walken tiennent du cameo). Réitérant à plusieurs reprises la thématique messianique de l’histoire à coup de longs échanges de regards sur fond de sable fin entre les deux tourtereaux, et bien que certaines scènes annoncent déjà la ligne ténue qui sépare le sauveur du tyran pour la suite, Villeneuve n’en accouche pas moins ici d’un film plus linéaire et simpliste que l’on était en droit d’attendre au vu de la pharaonique exposition qui avait précédé. Un court résumé en début de projection (du style « précédemment dans Dune… ») pourrait même suffire à suivre sans difficultés ce second épisode, dont le découpage et la structure évoquent parfois une mini-série. Car malgré le grand spectacle offert par les scènes de bataille, les dialogues explicitant les sentiments et motivations des personnages prennent le pas sur leur signification et démonstration par les actes. On peut aussi avoir le sentiment que l’effet de surprise se dilue et que Villeneuve tourne parfois en rond dans l’univers cinématographique qu’il a défini. Les fameux vers des sables sont de retour mais sont devenus un phénomène assez banal – voir la façon dont les Fremen semblent désormais les chevaucher aussi facilement que l’on emprunte un vélib dans Paris. Pire, cet épisode n’introduisant pas de nouvelles planètes, on a parfois l’impression de regarder un long épilogue coupé du premier film… Au-delà des nombreuses réserves émises ci-dessus, difficile néanmoins de bouder son plaisir immédiat de spectateur : avec sa photographie superbe au format IMAX, ses séquences d’action parfaitement découpées et ses acteurs au diapason, on en prend plein les mirettes et c’est déjà pas mal, même si le métrage peut s’avérer frustrant à plusieurs niveaux. A revoir et réévaluer quand le troisième volet sortira !

 

 © Jérôme Muslewski


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