STAR WARS : LE REVEIL DE LA FORCE (2015)

Après la vente de Lucasfilm au studio Disney, J.J. Abrams relance la saga de George Lucas en amorçant une troisième trilogie

STAR WARS EPISODE VII – THE FORCE AWAKENS

2015 – USA

Réalisé par J.J. Abrams

Avec Daisy Ridley, John Boyega, Harrison Ford, Peter Mahyew, Oscar Isaac, Adam Driver, Carrie Fisher, Mark Hamill 

THEMA SPACE OPERA I SAGA STAR WARS

Comment trouver l’équilibre idéal entre le retour aux sources nostalgique et le renouveau radical ? Comment toucher à une saga adulée dans le monde entier depuis presque 40 ans sans se brûler les doigts ? Comment écrire et diriger un film personnel tout en sacrifiant au cahier des charges d’un studio engagé dans une titanesque opération marketing ? En y laissant des plumes, forcément. Malgré toute sa bonne volonté, son savoir-faire indéniable et ses alliés de poids (dont le moindre ne fut pas le co-scénariste Lawrence Kasdan), J.J. Abrams n’a pas pu sauver tous les meubles. Pourtant, le spectacle qu’il nous offre est de haute tenue (Le Réveil de la Force contient deux des meilleures batailles spatiales de la saga toute entière), sa mise en scène regorge d’idées visuelles souvent magistrales (ah, cette main ensanglantée qui marque un casque d’un seau indélébile et symbolise le traumatisme séminal d’un des personnages principaux !), les comédiens de la nouvelle génération crèvent l’écran et volent allègrement la vedette à « l’ancienne garde », les dialogues brillants débordent d’humour et d’émotion, la première demi-heure du film est à couper le souffle…

Mais le soufflé retombe bien vite lorsqu’il devient clair que le scénario de cet épisode 7, au lieu de narrer la quête initiatique promise par le texte déroulant du générique, se contente de s’aliéner à celui des trois premiers films de la saga dont il reproduit servilement les figures imposées. L’Empire a été rebaptisé Premier Ordre, l’Etoile de la Mort est devenue le Starkiller, les Rebelles s’appellent maintenant Résistants, le casque de Dark Vador cède le pas à celui de Kylo Ren, le leader suprême Snoke remplace l’empereur Palpatine, mais rien n’a vraiment changé. Le sentiment de déjà-vu s’installe donc durablement et nous prive de l’effet de surprise, comme si les scénaristes s’étaient efforcés de caresser les fans dans le sens du poil en leur offrant un quasi remake de la trilogie initiale. Pris au jeu de la redite, ils accumulent du coup un grand nombre d’invraisemblances et de raccourcis embarrassants. Coïncidences improbables, rencontres fortuites et révélations téléphonées jalonnent ainsi le récit et entravent sa fluidité. John Williams lui-même, prisonnier d’un carcan trop référentiel, s’auto-cite sans parvenir à nous livrer de nouveaux thèmes mémorables.

L'épisode de la transition

C’est d’autant plus dommage que de nombreux moments de grâce émergent régulièrement au fil de l’intrigue, notamment les états d’âme d’un « super-vilain » moins monolithique, plus impulsif, plus maladroit et finalement plus humain que le redoutable Dark Vador qui lui tient lieu de modèle. Star Wars 7 : le Réveil de la Force n’est donc pas vraiment le « Nouvel Espoir » tant attendu, mais il demeure largement supérieur à la seconde trilogie de George Lucas et possède un pouvoir de séduction indéniable qui, malgré ses innombrables scories, parvient à emporter l’adhésion. Le miracle n’est pas total, mais il opère tout de même. Episode de transition autant que premier volet d’une nouvelle trilogie, il balise en tout cas habilement le terrain pour un épisode 8 qu’on espère plus abouti, plus fluide et plus surprenant.

 

© Gilles Penso

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EWOKS : LA BATAILLE D’ENDOR (1985)

Une deuxième aventure consacrée aux sympathiques peluches de la planète Endor, tout aussi dispensable que le film précédent

EWOKS : BATTLE FOR ENDOR

1985 – USA

Réalisé par Jim et Ken Wheat 

Avec Wilford Brimley, Warwick Davis, Aubrey Miller, Sian Philips, Carel Struycken, Niki Botelho, Paul Gleason, Eric Walker

THEMA SPACE OPERA I SAGA STAR WARS

Suite de l’inutile Aventure des Ewoks, ce téléfilm tout aussi navrant se débarrasse d’une des aberrations de son prédécesseur – la voix off narratrice – pour s’encombrer d’une nouvelle : faire parler le Ewok vedette, comme si ses mimiques ne suffisaient pas à exprimer ses sentiments. Le scénario est, comme prévu, des plus rudimentaires, malgré le choix audacieux de faire mourir les parents et le frère de la petite Cindelle dès le prologue. La lointaine planète Endor est le théâtre de terribles affrontements : le village Ewok a été dévasté par une armée aux ordres d’un sanguinaire géant, le roi Terak. La petite Cindel, qui vit parmi les Ewoks, a été capturée et enfermée dans la forteresse du roi. Aidés par Noa, un naufragé de l’espace, les Ewoks vont tout mettre en œuvre pour délivrer Cindel et leurs compagnons des griffes de Terak.

Les masques des Ewoks sont toujours aussi rigides, comme ceux des méchants simiesques qui, malgré leur aspect assez efficacement effrayant, sont aussi peu mobiles que ceux des hommes-singes de San Ku Kaï ou Spectreman ! Le film nous gratifie tout de même de quelques monstres très réussis, à nouveau créés et animés par Phil Tippett. Les plus impressionnants d’entre eux sont les montures reptiliennes des méchants, animés avec un réalisme et un dynamisme extraordinaires. « Le design de ces créatures est plus ou moins emprunté à  celui de nos premiers dessins avec Joe Johnston, lorsque nous recherchions l’aspect des Tauntaun pour L’Empire Contre-Attaque », nous révèle Phil Tippett (1). Au final, ces monstres ont les allures de piranhas bipèdes, dont les minuscules membres antérieurs semblent empruntés à ceux des tyrannosaures. L’autre créature animée du film, héritière de la harpie de Jack le Tueur de Géants, ressemble à une autruche géante avec des pattes avant, des ailes de chauve-souris et une mâchoire abondamment garnie. Ce monstre hybride enlève la toute jeune héroïne et est pourchassée par Wicket en deltaplane. On trouve également dans le film une peluche vivante, Wick, qui se déplace à vive allure grâce à des effets visuels qui feraient pâlir de jalousie L’Homme qui Valait Trois Milliards. La bataille finale évoque irrésistiblement celle du Retour du Jedi, prélude à l’envol d’un vaisseau spatial qui redonne tardivement une dimension de space-opéra à ce film qui semblait plutôt puiser son inspiration jusqu’alors dans le serial d’aventures.

masques rigides et monstres inventifs

Diffusé le 24 novembre 1985 sur ABC puis distribué en salles sur plusieurs territoires (notamment en France), Ewoks : la Bataille d’Endor a remporté, comme L’Aventure des Ewoks, une récompense pour ses effets visuels lors de la cérémonie des Emmy Awards de 1986. Après ce mièvre diptyque, les Ewoks sont devenus les vedettes d’une série de dessins animés pour les tout-petits, diffusés entre 1985 et 1986 sur ABC aux États-Unis et sur Antenne 2 en nos contrées (le générique de la version française étant chanté par Dorothée, la superstar des enfants à l’époque en France). Jim et Ken Wheat, les deux réalisateurs et scénaristes d’Ewoks : la Bataille d’Endor, allaient par la suite passer à de la science-fiction plus adulte en co-écrivant Pitch Black.

 

(1) Propos recueillis par votre serviteur en avril 1998

 

© Gilles Penso

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L’AVENTURE DES EWOKS (1984)

Suite à leur popularité auprès du jeune public, les gentils nounours du Retour du Jedi ont droit à leur propre film…

CARAVAN OF COURAGE : AN EWOK ADVENTURE

1984 – USA

Réalisé par John Korty

Avec Eric Walker, Warwick Davis, Fionnula Flanagan, Guy Boyrd, Aubree Miller, Burl Ives, Daniel Frishman

THEMA SPACE OPERA SAGA STAR WARS

Conformément à ce que George Lucas avait prévu, les Ewoks, héros de la bataille finale du Retour du Jedi, remportèrent un immense succès auprès du jeune public. Contreparties miniatures et affectueuses du grand Chewbacca (le mot « Ewok » inversé donne d’ailleurs « Wookie »), ces guerriers se révélèrent, derrière leur allure d’innocentes peluches, être des alliés de poids pour la lutte de Luke, Leïa et Han Solo contre les gardes impériaux dans la forêt d’Endor. C’est cette dualité qui a su séduire petits et grands, et sur laquelle Lucas comptait pour pouvoir réexploiter ces créatures en dehors du cadre de la trilogie Star Wars initiale. « Mignons » : tel était l’unique mot d’ordre donné à l’époque au designer Joe Johnston pour  trouver le look idéal de ces petits êtres poilus. « Un jour, j’ai surpris une discussion entre Gerorge Lucas et le réalisateur Richard Marquand », se souvient le superviseur des créatures Phil Tippett, qui participa lui aussi aux premières étapes du design des Ewoks. « Lucas a eu cette phrase assez surprenante pour décrire ce que devait être selon lui Le Retour du Jedi : un mixage entre La Guerre des Etoiles et Benji la Malice ! » (1)

Voici donc nos gentils nounours guerriers héros de leur propre film – ou plutôt téléfilm, même s’il fut exploité en salles chez nous – et autant dire que le résultat laisse pantois. Scénario anémique, personnages d’une redoutable fadeur, humour de bas étage, le bilan est plutôt catastrophique. Pour couronner le tout, une voix off – celle de l’animatrice Dorothée dans la VF, idole omniprésente de la jeunesse française de l’époque – paraphrase laborieusement tout ce qui se passe à l’écran, témoignage d’une fâcheuse tendance à prendre les jeunes spectateurs pour des idiots. Tout commence lorsqu’un vaisseau spatial s’écrase sur la planète forestière d’Endor. La famille Towani se retrouve accidentellement séparée. Jeremitt et Catarine sont capturés par le terrifiant Gorax, tandis que leurs enfants Mace (une espèce de sosie pré-adolescent de Mark Hamill) et Cindel font la connaissance du peuple des Ewoks qui les mène dans leur village construit au cœur des arbres. Pour retrouver leurs parents, ils partent à la rencontre de Logray, un magicien dont on dit qu’il est aussi vieux que les arbres. C’est le point de départ d’une quête semée d’embûches…

Poussif et facultatif

Diffusé sur ABC un dimanche soir de 1984, L’Aventure des Ewoks remportera un Emmy Award pour ses effets visuels qui constituent à vrai dire son seul et unique intérêt. Il faut avouer que les peintures sur verre y sont très belles et que le monstre animé image par image par Phil Tippett est une admirable réussite. Baptisé Borra, il s’agit d’une espèce de sanglier géant à la mâchoire garnie de dents acérées. « A vrai dire tous ces plans ont été filmés dans mon garage ! », nous raconte Phil Tippett. « Nous n’avions pas un très gros budget à notre disposition, et notre planning était assez court » (2). Avec des moyens réduits, de l’animation traditionnelle et quelques maquettes, Phil Tippett expérimente ainsi le savoir-faire qu’il mettra ensuite à contribution sur son remarquable court-métrage Prehistoric Beast et réalise ainsi la meilleure séquence de ce téléfilm poussif tout à fait facultatif.

 

(1) Propos recueillis par votre serviteur en février 2015

(2) Propos recueillis par votre serviteur en avril 1998

 

© Gilles Penso

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AU TEMPS DE LA GUERRE DES ETOILES (1978)

Un téléfilm improbable et hallucinant en totale roue libre, que George Lucas n'a jamais assumé… et on le comprend !

STAR WARS HOLIDAY SPECIAL

1978 – USA

Réalisé par Steve Binder

Avec Mark Hamill, Carrie Fisher, Harrison Ford, Peter Mayhew, Anthony Daniels, Mickey Morton, Patty Maloney

THEMA SPACE OPERA I SAGA STAR WARS

En 1978, pour revoir un film qui n’était plus à l’affiche, il fallait réfréner son impatience et guetter le moment incertain où une chaîne de télévision aurait enfin la possibilité de le diffuser. Dans une telle situation, comment satisfaire tous les gamins subjugués par La Guerre des Etoiles, rêvant ardemment de retrouver leurs héros favoris dans une galaxie lointaine, très lointaine ? Réponse : en leur offrant un téléfilm réunissant les principaux protagonistes du space opera le plus populaire de tous les temps. Ainsi est né Star Wars Holiday Special. Aujourd’hui, le visionnage de ce long-métrage improbable, repoussant les limites du kitsch et du grotesque, bafouant sans vergogne les règles les plus élémentaires du bon goût, est une épreuve – que dis-je ? une torture ! – dont il est difficile de se remettre. Mais à l’époque, les enjeux n’étaient pas les mêmes. Il ne s’agissait pas encore de capitaliser sur une franchise juteuse à grands coups de produits dérivés et de marketing matraqueur, mais simplement d’égayer les soirées hivernales des jeunes téléspectateurs en leur proposant une variante modeste et décomplexée de leur film préféré. Ceci étant posé, on peut légitimement se demander quelles substances illicites absorbaient les cinq scénaristes au moment des faits.

L’intrigue met en vedette la famille de Chewbacca, autrement dit une ménagère wookie qui s’affaire en cuisine derrière son tablier, un rejeton aux traits difformes et un grand père velu aux allures de yéti. Impatients de célébrer leur rituel « Life Day », les gentils wookies s’inquiètent de ne pas voir arriver Chewbacca, ignorant que ce dernier, aux commandes du Faucon Millenium avec Han Solo, tente d’échapper aux vaisseaux de l’Empire. En attendant, le trio poilu regarde la télé, d’où une succession de numéros musicaux et « comiques » tous plus interminables et douteux les uns que les autres : des danseuses échappées d’un cirque de travestis, une émission culinaire avec un cuisinier déguisé en femme et équipé de quatre bras, une chanteuse à paillettes qui apparaît dans les fantasmes du papy, un immonde morceau pop joué par un groupe chevelu, l’intervention laborieuse d’un androïde en proie à des avaries, une comédie musicale au milieu des extraterrestres de la Cantina…

La chanson de la Princesse Leïa

En guest stars, Harrison Ford semble ne pas y croire une seconde, Mark Hamill sourit difficilement sous des tonnes de maquillage masquant les cicatrices de son récent accident de voiture et Carrie Fisher – outrage ultime – entonne une chanson pour la paix et l’amour dans le monde ! La partie du film la moins pénible est un dessin animé d’une dizaine de minutes au graphisme certes discutable – Han Solo y ressemble à Jar Jar Binks ! – mais aux trouvailles visuelles intéressantes, d’autant qu’on y découvre pour la première fois – deux ans avant L’Empire Contre-Attaque – le personnage de Boba Fett. Diffusé une seule fois, Star Wars Holiday Special fut immédiatement retiré des programmations lorsque George Lucas découvrit l’ampleur des dégâts. Nous autres, enfants de La Guerre des Etoiles, eurent la joie perplexe de découvrir cette chose étrange sur nos écrans de télévision un après-midi du mois de janvier, en 1979. Si le film n’a plus jamais été commercialisé, il circule depuis sous forme de copies officieuses, au grand dam de ce bon vieux George !

 

© Gilles Penso

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1984 (1984)

Une adaptation glaçante du classique de George Orwell, avec John Hurt et Richard Burton en tête d'affiche

1984

1984 – GB

Réalisé par Michael Radford

Avec John Hurt, Richard Burton, Suzanna Hamilton, Cyril Cusack, Gregor Fisher

THEMA FUTUR 

Cette seconde adaptation du mythique roman de George Orwell (après celle de Michael Anderson réalisée en 1956) semblait présenter toutes les caractéristiques d’une opération marketing savamment calculée. Tourné en Angleterre entre avril en juin 1984 (pour se conformer exactement aux lieux et aux dates dans lesquels se déroule le roman), soutenu par une vaste campagne publicitaire couplant sa sortie avec celle du single « Sexcrimes » interprété par le groupe Eurythmics, le film de Michael Radford n’a pourtant rien d’un blockbuster. Austère et résolument anti-hollywoodien, 1984 s’avère aussi fidèle que possible au récit dystopien dont il s’inspire et se distingue par la pertinence de son casting.

« Qui contrôle le passé contrôle le futur. Qui contrôle le présent contrôle le passé » annonce le carton d’introduction. 1984 commence par un film de propagande vantant fièrement les mérites du peuple d’Océania et montrant du doigt l’ennemi, c’est-à-dire l’armée d’Eurasia. La haine du peuple est savamment focalisée vers un certain Goldstein, bouc-émissaire idéal de cette société totalitaire ultime. Lorsque le logo du Parti apparaît plein écran, au son de trompettes patriotiques, le peuple se lève, droit comme un piquet, et effectue docilement son salut en croisant les bras en forme de V, psalmodiant « Big » pour « Big Brother ». Dans cette cité de cauchemar, les rues sont en ruine, la misère et la tristesse suintent partout, les tanks arpentent le bitume gris et sale, les trains sont tirés par de vieilles locomotives, les hélicoptères rodent devant les fenêtres pour surveiller les citoyens, les gardiens de l’ordre ressemblent à des soldats de la Wermacht et les exécutions publiques galvanisent les foules. 

« Qui contrôle le passé contrôle le futur… »

Le monde semble avoir stagné depuis les années 40, même si quelques avancées technologiques (notamment les grands télécrans interactifs qui trônent dans les appartements austères et ne s’éteignent jamais) se sont immiscées dans ce rétro-futur alternatif. Winston Smith (John Hurt) est un fonctionnaire anonyme dont le métier consiste à réécrire les articles de presse en les adaptant à la réalité souhaitée par le Parti. Mais dans le mur de son misérable appartement, Smith cache un journal intime où il couche par écrit ses pensées non contrôlées. Dans un monde où  même les romans et les chansons sont écrits par des machines, c’est bien sûr un sacrilège, premier pas vers une quête de liberté qu’on craint perdue d’avance. La première scène d’amour entre Smith et Julia (Suzanna Hamilton), dans la forêt, est emplie de désespoir et de désenchantement. On n’y ressent aucun bonheur, tout juste un peu de paix et de sérénité hélas provisoires. Car « Big Brother » et la police de la pensée veillent, représentés par O’Brien (un Richard Burton impérial à la froideur terrifiante) qui sera l’interrogateur,  le juge et le bourreau du couple. « Il ne suffit pas de rester vivant », dira Smith alors que tout est mis en œuvre pour briser son esprit. « C’est rester humain qui est important ». Désespérément prophétique dans ses mises en garde contre la privation progressive de nos libertés, le roman d’Orwell aura trouvé par le biais de Michael Radford son idéale mise en forme cinématographique.

 

© Gilles Penso

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MOBY DICK (1956)

La mise en scène de John Huston et la prestation de Gregory Peck donnent corps au célèbre roman d'Herman Melville

MOBY DICK

1956 – USA

Réalisé par John Huston

Avec Gregory Peck, Richard Basehart, Leo Genn, James Robertson Justice, Harry Andrews, Bernard Miles, Noel Purcell

THEMA MONSTRES MARINS

Cette adaptation du roman qu’Herman Melville publia en 1851 est probablement la plus flamboyante et la mieux écrite de toutes, effaçant dans son sillage les deux versions précédentes (The Sea Beast de Millard Webb en 1926, et Moby Dick de Lloyd Bacon en 1930, lesquelles mettaient toutes deux en vedette John Barrymore). Cette réussite incombe d’abord au romancier Ray Bradbury et au cinéaste John Huston, qui ont su tirer du texte initial un scénario grandiose, emphatique, agrémentant les répliques de ses personnages de saillies exagérément littéraires pour mieux souligner l’aspect symbolique de l’aventure. Le travail d’Huston se distingue également par ses choix de mise en scène, précis, minutieux, jamais grandiloquents malgré l’incroyable maîtrise de la reconstitution des séquences marines. Les comédiens, enfin, portent une bonne partie de ce chef d’œuvre sur leurs épaules, Gregory Peck en tête, inoubliable en capitaine Achab au visage partiellement abîmé et vieilli, portant les stigmates indélébiles de son affrontement avec la grande baleine blanche. Illuminé, possédé, déraisonnable, il reflète à lui seul tous les excès de la nature humaine lorsque l’amour-propre et la fierté ont été mis à mal. Véritable superstar de l’époque (notamment grâce à La Maison du Docteur Edwards et Le Procès Parradine d’Alfred Hitchcock), Peck permit à Huston de mettre enfin en branle la production du film, qui restait au fond d’un tiroir chez Warner Bros à cause de son caractère pessimiste et de son absence totale de romance (deux sacrilèges aux yeux des grands studios !).

Orson Welles fut à une époque envisagé pour endosser la défroque d’Achab, tout comme Huston lui-même. Face à Gregory Peck, on trouve l’officier Starbuck, un second bigot qui ne cesse de craindre la colère divine, campé par un Leo Genn très habité, ainsi qu’Ishmael, narrateur de l’invraisemblable récit, incarné par Richard Basehart. Et puis il y a la baleine elle-même, merveille technique qui mêle maquettes miniatures filmées en bassin aux studios Shepperton et portions mécaniques grandeur nature acheminées en mer sans que le public ne parvienne à déceler la nature exacte des effets spéciaux, tant ceux-ci sont habilement intégrés aux prises de vues réelles. Le monstre marin entraîna d’ailleurs de sérieux réaménagements du planning et d’inévitables inflations budgétaires, dans la mesure où ses séjours prolongés dans l’eau et ses mises en pièce régulières nécessitèrent de perpétuelles reconstructions du modèle articulé recouvert d’une peau en caoutchouc. 

Montée en puissance

Les différentes séquences d’affrontement entre l’équipage et le titanesque cétacé montent en puissance, jusqu’au duel final, au cours duquel la mâchoire démesurée du monstre marin fend les eaux, emporte les hommes et détruit les embarcations, en une folie destructrice insensée. En ces moments forts très inspirés, Huston nous montre à quel point Achab et Moby Dick semblent être les deux facettes d’un seul être, comme Jekyll et Hyde, leur haine réciproque les vouant à une perte simultanée. Bref, un grand film, lyrique en diable, auquel on pourra simplement reprocher un démarrage sans doute trop lent et une poignée de séquences un tantinet théâtrales.

 

© Gilles Penso

LA SERRE GÉANTE (1957)

Ce volatile extra-terrestre géant est probablement l'un des monstres les plus ridicules de l'histoire du cinéma

THE GIANT CLAW

1957 – USA

Réalisé par Fred F. Sears

Avec Mara Corday, Jeff Morrow, Morris Ankrum, Louis Merrill, Edgar Barrier, Robert Shayne, Frank Griffin, Clark Howat, Morgan Jones

THEMA REPTILES ET VOLATILES I EXTRA-TERRESTRES

Sous contrat chez Columbia pendant toute sa carrière de réalisateur, Fred F. Sears s’est attaqué à de nombreux genres cinématographiques (polar, guerre, western), mais ses deux longs-métrages les plus célèbres sont des œuvres de science-fiction. Si le premier, Les Soucoupes Volantes Attaquent, est resté fameux pour les prodigieux effets spéciaux de Ray Harryhausen, le second, The Giant Claw, doit sa célébrité à la médiocrité absolue de ses trucages. Ce grand écart est d’autant plus étonnant que les deux films s’enchaînent dans la filmographie de Sears. Nathan Juran connaîtra un sort similaire en tournant tour à tour le fabuleux 7ème Voyage de Sinbad et le grotesque Attack of the 50 foot Woman. Dès ses premières minutes, The Giant Claw nous assène un style pesant, une voix off sentencieuse paraphrasant tout ce qui se passe à l’écran pour tenter de dramatiser une intrigue assez improbable. Alors que des chercheurs étudient les cieux depuis une base installée en Arctique par le gouvernement américain, un objet volant non identifié, invisible pour les radars, est signalé par plusieurs témoins, et des avions se mettent à disparaître sans explication. Aux premières loges, le couple vedette du film, Jeff Morrow (Les Survivants de l’Infini) et Mara Corday (Tarantula), atterrit en catastrophe en rase campagne et est recueilli par un autochtone canadien qui parle français comme une vache espagnole. Une nuit d’orage, le brave homme croit voir « la Cacania », un oiseau monstrueux qui, selon la superstition locale, annonce une mort prochaine.

Prudent, le réalisateur noie d’abord son monstre dans le brouillard, se bornant à cadrer une forme floue qui traverse furtivement le ciel. Mais, conscient que le spectateur ne se contentera pas de cette abstraction volante, il finit par se montrer plus démonstratif. Hélas, le producteur Sam Katzman ayant jugé bon de sous-traiter la fabrication de la créature à d’obscures maquettistes mexicains pour économiser un peu d’argent, le résultat atteint les plus hautes cimes du ridicule. Une morphologie de poulet frippé, des yeux globuleux, un grand bec tordu garni de dents en plastique, un joli toupet qui orne le sommet de son crâne, des cris de coucou enroué : tel est le monstre diabolique du film, arrachant systématiquement aux spectateurs des hurlements, non de terreur bien entendu mais de rire !

« Cet oiseau est capable d'ouvrir son écran d'anti-matière ! »

Ce qui n’empêche pas les acteurs de débiter des dialogues savants au premier degré, du type : « de toute évidence, cet oiseau est capable d’ouvrir son écran d’anti-matière pour utiliser son bec, ses serres et ses ailes comme des armes destructrices », ou encore « cet oiseau est extra-terrestre, il vient de l’espace, d’une galaxie d’anti-matière, à des millions d’années lumière de la Terre. » Pour essayer de limiter la casse, Fred F. Sears complète les séquences d’attaques avec des stock shots en vrac : archives de l’US Air Force, gens qui courent dans les rues, incendies, bétail en fuite, accidents de voiture, et même des plans empruntés à Les Soucoupes Volantes Attaquent. Mais rien n’y fait : The Giant Claw ressemble à une énorme blague, qui s’achève comme un King Kong au rabais : l’oiseau casse l’Empire State Building puis se fait dégommer par un missile et tombe lamentablement dans l’eau.

 

© Gilles Penso

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LE SANG DES INNOCENTS (2001)

Dario Argento revient à ses premières amours pour concocter un thriller redoutablement efficace à mi-chemin entre l'enquête policière et le récit d'horreur

NON HO SONNO

2001 – ITALIE

Réalisé par Dario Argento

Avec Max Von Sydow, Stefano Dionisi, Chiara Caselli, Gabriele Lavia, Roberto Zibetti, Gabriele Lavia, Paolo Maria Scalondro

THEMA TUEURS I SAGA DARIO ARGENTO

Avec la régularité d’un métronome, Dario Argento revient cycliquement à ses premières amours horrifico-policières entre deux films plus volontiers portés sur le fantastique pur. Ainsi, comme Ténèbres après Inferno, comme Terreur à l’Opéra après Phenomena, comme Trauma après Deux yeux maléfiques, ce Sang des Innocents vient-il succéder à un Fantôme de l’Opéra qui n’avait pas convaincu grand monde. Après dix-sept ans d’absence, Giacomo revient à Turin. Il avait quitté la ville après le meurtre atroce de sa mère, sous ses yeux. Giacomo n’avait pu identifier l’assassin, et la disparition du suspect, un nain amateur de comptines enfantines, avait clos l’enquête. Aujourd’hui, les meurtres en série reprennent. Aidé d’un commissaire à la retraite, interprété par ce bon vieux Max Von Sydow, Giacomo décide de traquer le tueur…

Derrière un titre original un tantinet hors-sujet (« Non Ho Sonno », autrement dit « Je ne peux pas dormir »), traduit en France par un étrange et poétique Le Sang des Innocents, se cache une petite pièce d’orfèvrerie, ni plus ni moins. Et c’est donc avec un enthousiasme non dissimulé qu’on retrouve Dario Argento au faîte de son talent, brassant ici toutes les composantes et toutes les obsessions qui firent le succès de ses premiers films, L’Oiseau au plumage de cristal en tête. Ainsi retrouve-t-on ici l’enfance traumatisée, le tueur ganté de noir, le détail crucial perdu dans un trou de mémoire, l’enquête policière jonchée de fausses pistes, les actrices fort photogéniques promises à des morts sanglantes et graphiques… Comme pour marquer davantage ce retour aux sources, le grand Dario a intégralement tourné dans son Italie natale, avec son équipe habituelle, notamment le père Claudio Argento à la production, les prolifiques Goblin derrière les synthétiseurs et les guitares électriques et l’inventif Sergio Stivaletti aux effets spéciaux. Celui-ci nous vaut quelques écarts gore assez gratinés, comme ce meurtre au cor anglais ou cette tête fracassée contre un mur sans le moindre ménagement.

« Je ne peux pas dormir… »

Dès la séquence d’introduction, une ébouriffante course-poursuite dans un train nocturne quasi-désert mettant en vedette une prostituée interprétée par Barbara Lerici, Le Sang des Innocents tient en haleine et surprend. «J’aime commencer mes films par une scène forte », nous explique le cinéaste. « Elle n’est d’ailleurs pas très réaliste et ressemble presque à un cauchemar, dans la mesure où le train est quasiment vide, comme si le tueur et sa victime étaient les seuls êtres vivants qui l’occupent. J’aimais bien l’idée d’isoler le personnage central de la scène dans des plans larges. C’est un style visuel qui me plaît. Mais ça nous a sérieusement compliqué la tâche, car il fallait filmer de loin un train en mouvement, en suivant une chorégraphie très précise. Nous avons loué le train pour trois nuits consécutives. Il faisait sans cesse des allers-retours sur le même tronçon en passant d’une station à l’autre. » (1) La révélation finale du film, quant à elle, remet Scream et tous ses imitateurs à leur juste place, et ce même si les folies visuelles de l’œuvre passée d’Argento, en particulier celles de Suspiria et Inferno, avaient plus de panache et d’excès baroque. Si Argento se laisse volontiers aller à l’auto-citation et à la redite (le film reprend presque à la lettre certains éléments de Les Frissons de l’Angoisse, Ténèbres et Inferno), Le Sang des Innocents restera dans les mémoires ne serait-ce que grâce à une poignée de scènes fort audacieuses. Notamment ce long travelling sur un tapis qui s’achève sur une décapitation en gros plan, et qui rappelle les plans-séquences vertigineux de Brian de Palma, les deux cinéastes ayant toujours partagé certains de leurs effets de style les plus explicites.

(1) Propos recueillis par votre serviteur en septembre 2016

© Gilles Penso

 

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CASINO ROYALE (1954)

La toute première adaptation à l'écran d'une aventure de James Bond est un téléfilm américain avec Barry Nelson dans le rôle de 007

CASINO ROYALE

1954 – USA

Réalisé par William H. Brown Jr 

Avec Barry Nelson, Peter Lorre, Linda Christian, Michael Pate, Eugene Borden, Jean del Val, Gene Roth, Kurt Katch

THEMA ESPIONNAGE ET SCIENCE-FICTION I SAGA JAMES BOND

En 1954, Ian Fleming a besoin d’argent. Après avoir achevé l’écriture de « Casino Royale », la toute première aventure consacrée à l’agent secret James Bond 007, il n’a aucune idée du potentiel commercial de son œuvre et vend donc les droits d’adaptation du manuscrit au producteur Gregory Ratoff pour 600 dollars. La somme semble évidemment ridicule aujourd’hui, mais à l’époque personne ne sait encore que l’espion britannique va se transformer en poule aux œufs d’or. Ratoff se tourne alors vers la chaine de télévision CBS qui accepte d’intégrer « Casino Royale » dans sa collection Climax ! Le principe de cette série télévisée est de consacrer chacun de ses épisodes à une histoire policière autonome, souvent adaptée d’un roman ou d’une nouvelle.

Confié au réalisateur William H. Brown Jr, Casino Royale devient donc le troisième épisode de la collection. Le scénario, rédigé par Antony Ellis et Charles Bennett, reprend les grandes lignes du roman tout en le simplifiant à l’extrême pour respecter les contraintes d’un budget limité et d’une durée finale de 50 minutes. L’une des différences majeures entre l’écrit et l’écran et la nationalité du personnage principal. L’agent 007 des services secrets britanniques se transforme ici en espion américain à la solde de la CIA qui préfère au vodka martini un bon vieux whisky et répond – Ô sacrilège – au surnom de « Jimmy Bond » ! Barry Nelson lui prête ses traits avenants et un peu rondouillards, composant un Bond affable aux allures de cowboy en smoking à mille lieues du flegme « so british » de Sean Connery. Curieusement, son allié américain Felix Leiter a été ici rebaptisé Clarence Leiter et s’est transformé en agent anglais. Allez comprendre ! Quant à la Bond Girl, incarnée par Linda Christian, elle ne se nomme plus Vesper Lynd comme dans le roman mais Valerie Mathis. Seul le grand méchant de l’histoire a conservé son nom énigmatique, Le Chiffre, et bénéficie de la présence inquiétante du formidable Peter Lorre. Flanqué de trois gorilles armés jusqu’aux dents – qui répondent aux doux noms de Basil, Zoltan et Zuroff – Le Chiffre affronte Bond au cours d’une partie de baccarat dont l’issue sera la mort violente du perdant.

Le regard torve et la voix mielleuse de Peter Lorre

Structuré en trois actes distincts, ce téléfilm est entravé par ses moyens modestes qui confinent l’action dans une poignée de décors limités, réduisent le montage à sa plus simple expression et l’exposent à quelques maladresses (l’ombre de la perche du micro et de la caméra apparaissent souvent dans les décors de l’hôtel). Mais son visionnage s’avère savoureux pour les curieux qui souhaitent découvrir la toute première adaptation à l’écran des aventures de James Bond. Les meilleures scènes, sur lesquelles plane l’influence des films d’espionnage d’Alfred Hitchcock, s’appuient sur la prestation de Peter Lorre, dont le regard torve et la voix mielleuse exhalent une menace omniprésente. On note que la musique du film, qui n’intervient que pour souligner le passage d’un chapitre à l’autre sous forme de virgules orchestrales, est l’œuvre d’un Jerry Goldsmith alors en tout début de carrière.

 

© Gilles Penso

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SPECTRE (2015)

Sam Mendes dirige l'agent 007 pour la seconde fois et le lance aux trousses de son ennemi juré Blofeld

SPECTRE

2015 – GB / USA

Réalisé par Sam Mendes

Avec Daniel Craig, Christoph Waltz, Léa Seydoux, David Bautista, Ralph Fiennes, Ben Whishaw, Naomie Harris, Monica Bellucci

THEMA ESPIONNAGE ET SCIENCE-FICTION I SAGA JAMES BOND

Le permis de tuer est aussi celui de risquer d’être tué, de frôler la mort à tout instant, de côtoyer sans cesse la Grande Faucheuse. Tel est le destin de James Bond, et tel est l’angle qu’a choisi d’aborder Spectre, dont le titre en dit déjà long, désignant à la fois le gang tentaculaire qui menace le monde et l’agent 007 lui-même. La mort est ici omniprésente, dès le prologue où s’affiche la phrase « les morts sont vivants » et où Bond est habillé en squelette, au sein d’un plan-séquence virtuose qui  s’impose comme l’un des meilleurs prégénériques de toute la saga. La caméra isole notre héros au milieu d’une foule immense de fêtards revêtus des atours de la célèbre fête des morts mexicaine, puis ne le lâche plus jusqu’à ce que notre homme parte accomplir une des missions qui émaillent sont quotidien : donner la mort. Prodigieuse, cette entrée en matière cède le pas à un générique troublant où l’érotisme se teinte de noirceur et d’épouvante, d’insidieux tentacules rampant autour des corps dénudés, en des visions surréalistes à mi-chemin entre H.P. Lovecraft et les mangas hentaï.

La mort rôde telle une ombre sinistre perchée au-dessus de l’agent 007. C’est d’ailleurs l’imagerie qui orne le poster officiel du film. Derrière Daniel Craig, revêtu d’un smoking blanc (la couleur du deuil dans de nombreuses traditions), se dresse un squelette grimaçant et immense qui n’est autre qu’une vision macabre de lui-même. Même la chanson du générique abonde dans ce sens, la voix délicate de Sam Smith traduisant la fragilité de l’existence tandis que la puissante charge orchestrale qui l’accompagne semble évoquer la force inéluctable du destin. Un message posthume de M marque d’ailleurs le point de départ de l’intrigue. En l’écoutant, James Bond décide de mener une croisade solitaire, guidé par le fantôme de celle qui fut son patron, son amie et sa confidente. Les deux Bond Girls qui croisent sa route (Monica Bellucci et Lea Seydoux) se définissent elles aussi par leur relation avec un défunt, respectivement un époux et un père. Bond finira bien entendu par affronter l’insaisissable maître du crime qui tire toutes les ficelles, au sein d’un ultime duel jouant clairement sur un effet de miroir accentué par la mise en scène de Sam Mendes qui superpose sur le reflet d’une vitre le visage de Daniel Craig et celui de Christoph Waltz, comme si chacun était le spectre de l’autre.

Permis de tuer et permis de mourir

Si la mort est décidément partout dans Spectre, le film n’est pas particulièrement morbide. Il s’affirme même comme le plus récréatif et le plus distrayant de toute la période Daniel Craig. Les allusions aux Bond précédents abondent, de Bons Baisers de Russie à Opération Tonnerre en passant par James Bond contre Docteur NoOn ne vit que Deux Fois et Vivre et Laisser Mourir, et le gunbarrel d’ouverture est enfin de retour. Certes, l’intrigue perd de sa force au cours du dernier acte du film, d’autant qu’elle se calque un peu trop sur celle de Captain America le Soldat d’Hiver (une organisation criminelle symbolisée par une pieuvre cherche à briser les libertés individuelles de la planète en immisçant secrètement plusieurs de ses membres actifs au sein des services secrets du globe). Mais le spectacle demeure réjouissant d’un bout à l’autre et le final, ouvert vers un nouveau départ, offre à 007 une renaissance paradoxale. L’homme qui tutoie la mort, le « cerf-volant dans la tempête » y retrouve en effet son immortalité.

 

© Gilles Penso

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