CAUCHEMARS A DAYTONA BEACH (1982)

Traumatisé par un drame survenu pendant son enfance, un homme interrompt son traitement médical et se transforme en tueur psychopathe

NIGHTMARE

1982 – USA

Réalisé par Romano Scavolini

Avec Baird Stafford, Sharon Smith, C.J. Cooke, Mik Cribben, Danny Ronan, John L. Watkins, Bill Milling, Scott Praetorius

THEMA TUEURS

Connue également sous le nom de Nightmare, cette perle rare a fait les beaux jours des maniaques de la VHS, un des seuls supports actuels comprenant la version intégrale non censurée (avec un DVD Zone 1 sorti en 2011). Réalisé par un Italien aux Etats-Unis, le film cultive un cosmopolitisme logique, grand écart réussi entre les codes du slasher 80’s U.S. pour les séquences se situant dans le présent (ManiacVendredi 13 et Halloween sont cités) et la terreur déviante transalpine 70’s pour ses flashbacks. Il est intéressant de constater que le metteur en scène dresse ainsi un panorama chronologique de l’évolution du cinéma d’horreur. Le spectateur suit au départ le traitement douloureux d’un homme qui souffre de violents cauchemars, traumatisé par un drame d’enfance. Libéré, il arrête de prendre ses médicaments et se révèle être un dangereux psychopathe… D’un postulat de départ banal, Scavolini tire un authentique thriller psychanalytique, qui se révèle être beaucoup plus profond qu’il n’en a l’air. Rythmé par des scènes de meurtres à la violence frontale, le véritable sujet se dévoile par le biais d’un brusque changement de point de vue, quand le fou dangereux croise le chemin d’un enfant.

Là, nous sommes propulsés témoins de la vie d’une famille et de ses dysfonctionnements : la mère individualiste élève ses enfants seule, et délègue au maximum à une baby-sitter, préférant les folles virées en bateau avec son amant. Le jeune garçon manifeste soudain d’étranges comportements, adepte de la blague macabre, criant au loup, arborant des masques glauques ou harcelant ses proies au téléphone. Le b.a.-ba d’un psycho-killer en puissance. Dès lors, la frontière entre les exactions du tueur et les farces de mauvais goût du petit se fait plus ténue, créant une atmosphère de malaise, confortée par d’éprouvants coups d’œil sur le passé du dément.

Déferlement sanglant

La séquence finale lorgne du côté des plus grands moments d’angoisse et de subversion du cinéma de genre (certaines images sont tout aussi inmontrables de nos jours que celles de Simetierre ou des Tueurs de l’éclipse), mettant face-à-face un gamin armé et un boogeyman masqué, dans un déferlement sanglant. A la fois déférent envers ses modèles et avant-gardiste, le film accuse le poids du temps seulement dans la technologie antédiluvienne utilisée par les médecins pour pister leur patient (intrigue parallèle plutôt inutile au demeurant).  Le tout dérange et interroge jusqu’à une ultime remise en question plus que surprenante, posant le sujet de la transmission du Mal, implacable révélation qui donne tout son sel à cette curiosité.

 

© Julien Cassarino

Partagez cet article

LA PLAGE SANGLANTE (1980)

Une variante originale des Dents de la Mer dans laquelle le danger ne vient plus de l'eau… mais du sable !

BLOOD BEACH

1980 – USA / HONG-KONG

Réalisé par Jeffrey Bloom

Avec David Huffman, Mariana Hill, John Saxon, Stephan Gierash, Burt Young, Otis Young

THEMA VEGETAUX

Motivées par le triomphe impensable des Dents de la mer, premier blockbuster officiel de l’histoire du cinéma (au sens étymologique du terme), toutes les sociétés de production cherchèrent dans la foulée à récupérer des miettes de ses recettes, via l’imitation servile (La Mort au Large), la réadaptation satirique (Piranhas) ou la variante improbable (Les Monstres de la mer). Ecrit et réalisé par Jeffrey Bloom, la Plage Sanglante s’octroie une once d’originalité en inversant littéralement le concept des Dents de la mer, ce que confirme l’un des slogans du film : « Cette fois-ci, le danger ne vient pas de la mer… ». Quand le récit commence, sous le soleil radieux de Santa Monica, une quinquagénaire est soudainement engloutie sous la plage, comme si des sables mouvants l’absorbaient. Personne n’ayant assisté à cet étrange spectacle, elle est simplement portée disparue. Mais lorsqu’on retrouve sur les lieux son chien décapité, l’inquiétude monte d’un cran. Au vu des maigres indices récoltés sur place, on attribue le forfait à un homme de haute taille pourvu de grandes mains et d’ongles pointus.

Évidemment, la police se fourre le doigt dans l’œil, et la panique véritable survient un jour de grande affluence sur la plage. Car une jeune femme y est soudain attirée par le sable, ses hurlements attirant l’attention des estivants. Lorsqu’on la tire de l’étreinte granuleuse, on constate que ses jambes sont ensanglantées et couvertes de morsures. Dans la peau de Pearson, un capitaine de police acariâtre, John Saxon mène l’enquête et fait ratisser la plage, sans succès. Et les victimes de s’enchaîner, à un rythme régulier qui, avouons-le, finit par engendrer une certaine monotonie. Pourtant, quelques audaces émaillent le jeu de massacre, comme ce chercheur de métaux qui se fait aspirer par la main et réapparaît couvert d’algues dans une bouche d’égout, ou ce violeur sur le point d’agresser une fille qui finit émasculé dans une grosse gerbe de sang !

Massacre à grande échelle

Au-delà de ses figures de style (les cadrages au ras du sol, l’invisibilité de la menace dévoreuse, la musique de Gil Mellé qui se démarque de la célèbre partition de John Williams), La Plage Sanglante emprunte aussi aux Dents de la mer  son enjeu principal, autrement dit le fait que la plage s’apprête à être envahie par les vacanciers, ce qui laisse évidemment présager un massacre à grande échelle. Mais si Spielberg révélait immédiatement la nature du danger carnivore, Jeffrey Bloom entretient quant à lui le mystère et ne révèle le monstre qu’en toute fin de métrage, dans le décor très photogénique des ruines souterraines d’un hôtel désaffecté, jonchées de cadavres, où la bête est traquée avec des caméras à infrarouges et des kilos d’explosifs. Très fréquentable malgré plusieurs pertes de rythme dues à des longueurs inutiles (la chanson dans le pub, la description d’une des victimes vêtement par vêtement… ), cette série B décomplexée s’achève sur un dénouement très ouvert… mais ne connaîtra pourtant pas de séquelle, laissant sa créature vorace reposer définitivement six pieds sous terre.

 

© Gilles Penso

SUMURU, LA CITE SANS HOMMES (1969)

La deuxième aventure cinématographique d'une super-vilaine mégalomane imaginée par Sax Rohmer

SUMURU, REGINA DU FEMINA / THE GIRL FROM RIO

1969 – ESPAGNE / ALLEMAGNE

Réalisé par Jess Franco

Avec Shirley Eaton, Richard Wyler, Maria Rohm, George Sanders, Herbert Fleischmann, Marta Reves, Elisa Montes, Walter Rilla

THEMA SUPER-VILAINS I ESPIONNAGE ET SCIENCE-FICTION

Produit par Harry Allan Towers, pour qui Jess Franco avait déjà réalisé de nombreux films (Les Inassouvies, Les Nuits de DraculaBlood of Fu Manchu), Sumuru la Cité sans Hommes est la suite de Million Eyes of Sumuru, adaptation très libre des aventures d’une super-vilaine mégalomane inventée par Sax Rohmer (l’écrivain qui créa Fu Manchu). Le premier film, réalisé par Lindsay Shonteff, cherchait maladroitement à mixer l’espionnage, la science-fiction et l’érotisme sans parvenir à maintenir l’intérêt du spectateur malgré une poignée de séquences audacieuses en début de métrage.

Cette séquelle n’élève pas vraiment le niveau, mais elle a le mérite de nous transporter aux confins d’une étrangeté quasiment surréaliste. Car Jess Franco est un esthète, et ses effets de style insolites dotent Sumuru, la Cité sans Hommes d’une personnalité bien à part. Le scénario écrit par Harry Allan Towers (sous le pseudonyme de Peter Wellbeck) prend pour héros Jeff Sutton (Richard Wyler), un détective chargé de retrouver une jeune femme portée disparue à Rio. Avec en main dix millions de dollars, il atterrit au milieu d’une guerre ouverte entre Sir Matthews (George Sanders, héros vieillissant du Village des Damnés), un mafieux maniéré qui ne supporte pas la vue du sang et s’esclaffe en lisant les BD de Popeye, et Sumuru (Shirley Eaton, la fameuse victime dorée de Goldfinger). Cette dernière règne sur un bataillon de jolies filles armées jusqu’aux dents au sein de Femina, une cité futuris@te à l’abri des regards indiscrets, avant-poste d’un monde nouveau qu’elle espère diriger d’une poigne de fer et que les femmes domineront.

L'influence de James Bond

Jess Franco étant un polisson patenté, il profite de ce postulat pour décliner les séquences fétichistes, saphiques et sado-masochistes, l’érotisme demeurant ici relativement sage dans la mesure où le public visé semble large. Par moments, l’intrigue improbable de Sumuru, la Cité sans Hommes prend les allures d’une métaphore satirique de la vie de couple, la dictatrice affirmant que sa société féminine nécessite la présence des hommes, pour pouvoir leur soutirer de l’argent et profiter de leur force musculaire afin de bâtir les murs de la cité. Un machisme latent caractérise par ailleurs le comportement de Jeff Sutton, qui séduit les filles sans se soucier de leur prénom, s’étonne en découvrant qu’elles savent lire, mais ne montre aucun signe de surprise en apprenant qu’elles appartiennent à l’armée de la super-criminelle. Doit-on en conclure que le film est misogyne ? Sans doute faut-il plutôt attribuer ces digressions à des clichés mal digérés, respectivement hérités du personnage d’Antinea créé par d’Henry Rider Haggard (dont Sumuru constitue ici une espèce de variante pop) et de celui de James Bond (dont la phallocratie n’est plus à prouver). Le climax de Sumuru, la Cité dans Hommes s’inspire d’ailleurs de celui de la plupart des aventures cinématographiques de l’agent 007, avec bataille finale et destruction explosive du repaire des méchants… si ce n’est que le budget permet tout juste de faire trembler la caméra, tandis que les acteurs courent en tous sens au milieu de volutes de fumigènes ! Un drôle de film, en vérité…

 

© Gilles Penso

Partagez cet article

LES DAMNÉS (1963)

Produit par le studio Hammer et réalisé par Joseph Losey, cet insolite récit de science-fiction mélange les genres et les influences

THESE ARE THE DAMNED

1963 – GB

Réalisé par Joseph Losey

Avec Macdonald Carey, Shirley Anne Field, Viveca Lindfors, Alexander Knox, Oliver Reed, Walter Gotell, James Villiers

THEMA ENFANTS I MUTATIONS I POLITIQUE-FICTION

Les Damnés est une production Hammer relativement méconnue qui décline à loisir le motif du contraste et de la rupture. Les premières minutes donnent le ton. Après un générique arpentant la côte du Sud de l’Angleterre où reposent d’étranges sculptures d’animaux pétrifiés, aux accents d’une musique paisible de James Bernard, la frénésie des rues animées d’une ville britannique s’affiche soudain, au rythme swinguant de la chanson « Black Jackets ». L’effet de contraste se renforce lorsqu’un touriste américain d’une cinquantaine d’années (Macdonald Carey) se laisse séduire par une jeune Anglaise décomplexée (Shirley Anne Field) appartenant à une bande de blousons noirs dirigée par son frère King (Oliver Reed). Autre sentiment d’opposition : le couple mal assorti qui lie le major Bernard Holland (Alexander Knox) et l’artiste Freya Nielssen (Viveca Lindfors). Le premier travaille sur un projet militaire top secret, la seconde sur des sculptures donnant du monde une vision quelque peu morbide. Le laboratoire ultra-sécurisé de l’un jouxte l’atelier à ciel ouvert de l’autre. Et c’est justement là, sur cette côte isolée, que se retrouvent tous les protagonistes de cette intrigue à tiroirs.

Finalement, le fait même que Joseph Losey, cinéaste engagé politiquement et chouchou du Festival de Cannes, se lance dans un film produit par le studio Hammer, terre d’élection de Dracula et du monstre de Frankenstein, ne symbolise-t-il pas mieux que tout cette volonté de faire jouer les contrastes ? Il en va de même de cette disparité assumée des styles, voguant entre la liberté de la Nouvelle Vague et les codes de la science-fiction à l’ancienne. Forcément, le résultat s’avère déroutant. Mais c’est aussi ce qui fait le sel des œuvres complexes, celle-ci s’appuyant sur le roman « The Children of Light » d’H.L. Lawrence. Le titre du film (The Damned en Angleterre, These Are the Damned aux Etats-Unis) est une référence volontaire au Village des Damnés, ce que confirment certains posters exhibant des enfants inquiétants aux yeux luisants. Pourtant, le film de Wolf Rilla et celui de Joseph Losey ne présentent que peu de points communs. Certes, il est ici aussi question d’enfants aux capacités hors du commun, réunis en une sorte de micro-société étrange. Mais les ressemblances s’arrêtent là.

Des enfants mutants victimes du monde adulte

Car les gamins sont ici victimes du monde adulte, qui est à l’origine de leur condition mutante et qui les confine dans un environnement quasi-carcéral sous l’œil tout-puissant d’un Big Brother s’autoproclamant leur « professeur ». La peur du nucléaire, très présente en ces années soixante naissantes, nimbe toute la seconde partie du métrage. Losey ayant fui la chasse aux sorcières maccarthyste pour se réfugier en Grande-Bretagne, il traite ici les tensions de la Guerre Froide avec une amertume désenchantée, et achève son film sur une note extrêmement pessimiste. Accueilli avec une certaine tiédeur, voire un désintérêt généralisé, au moment de sa sortie, Les Damnés mit du temps à acquérir ses lettres de noblesse auprès des fantasticophiles, ces derniers étant pour la plupart passés à côté de cette production Hammer pour le moins atypique.


© Gilles Penso

Partagez cet article

LA GALAXIE DE LA TERREUR (1981)

Horreur viscérale et science-fiction futuriste s'entremêlent dans cette production Roger Corman dont la direction artistique est signée James Cameron

GALAXY OF TERROR

1981 – USA

Réalisé par Bruce Clark

Avec Edward Albert, Erin Moran, Ray Waltson, Bernard Behrens, Zalman King, Robert Englund, Taafe O’Connell, Sid Haig

THEMA SPACE OPERA I FUTUR

Alors qu’il vient tout juste de livrer sa sympathique imitation de La Guerre des étoiles avec Les Mercenaires de l’Espace, Roger Corman ne perd pas une minute et décide dans la foulée de surfer sur une autre vague science-fictionnelle : celle d’Alien. Il confie donc à William Stout, Marc Siegel et Bruce D. Clark l’écriture d’un scénario mêlant l’espace et l’horreur, dans les limites d’un budget de 700 000 dollars. En voici le postulat : sans nouvelles du vaisseau spatial « Rebus », qui s’est posé sur une planète lointaine puis n’a plus donné signe de vie, le tout-puissant Maître, qui règne sur Terre, lance une mission de sauvetage dont il sélectionne lui-même l’équipage. Après un atterrissage mouvementé, les membres de cette mission de secours découvrent l’épave du « Rebus », jonché de débris et de cadavres. Sur cette planète mystérieuse trône une gigantesque pyramide qui brouille tous les signaux. C’est alors que des créatures surgies des ténèbres s’en prennent aux membres de l’équipage et les massacrent les uns après les autres.

La première chose qui frappe, dans La Galaxie de la Terreur, est la qualité de sa direction artistique. Réutilisant les coursives de vaisseau spatial construites pour les Mercenaires de l’espace, qui seront encore amortis dans d’autres produits de SF maison comme Androïde ou Mutant, Corman confie la supervision visuelle du film à un tout jeune James Cameron, alors employé multitalents de la société New World (il conçut à l’époque des matte paintings, des maquettes et des effets optiques pour New York 1997 et Les Mercenaires de l’Espace). Cameron prend également en charge la réalisation de la deuxième équipe de La Galaxie de la Terreur et y imprime un style déjà très identifiable. Les éclairages bleutés de la planète hostile, l’emploi intensif des rétro-projections, des peintures sur verre et des éléments de décor miniatures, le design réaliste des combinaisons spatiales annoncent les futurs partis-pris de Terminator et surtout d’Aliens le retour

« Il n'y a aucune horreur que nous n'ayons créée nous-mêmes… »

Au détour du casting de La Galaxie de la Terreur, on découvre quelques visages familiers comme Zalman King, héros de Blue Sunshine qui joue ici un officier acariâtre, Robert Englund, futur Freddy Krueger, ou encore Sid Haig (La Maison aux 1000 morts, The Devil’s Rejects). Le scénario repose sur une idée passionnante, partiellement héritée de Planète Interdite : les monstres et les horreurs que rencontrent les explorateurs ne sont rien d’autre que la matérialisation de leurs propres peurs et phobies. En ce sens, La Galaxie de la Terreur est presque l’ancêtre de Sphère ou de Event Horizon. « Il n’y a aucune horreur que nous n’ayons créée nous-mêmes », dira l’astronaute incarné par Englund. Ce qui nous donne droit à de jolis moments d’horreur, comme le cristal qui se plante dans le bras d’un homme et glisse inexorablement sous sa peau, la fille littéralement violée par un immonde ver géant, ou celle dont le corps, enserré par une multitude de câbles, finit par éclater comme un fruit trop mûr ! Avec tous ces atouts en poche, La Galaxie de la Terreur se hisse sans mal au-dessus du panier des productions New World de l’époque, et s’achève sur un dénouement ne manquant pas d’ironie.

 

© Gilles Penso

À découvrir dans le même genre…

 

Partagez cet article

GALAXINA (1980)

Une parodie de space opera facultative et anecdotique, malgré la présence de Dorothy Stratten en androïde aux formes généreuses

GALAXINA

1980 – USA

Réalisé par William Sachs

Avec Stephen Macht, Dorothy Stratten, Avery Schreiber, J.D. Hinton, Lionel Mark Smith, Tad Horino, Ronald Knight

 

THEMA SPACE OPERA I ROBOTS I EXTRA-TERRESTRES

Galaxina est  un film qu’on aimerait pouvoir défendre, mais il faut bien avouer qu’il constitue un bon exemple de ce qu’il ne faut surtout pas faire lorsqu’on se lance dans l’exercice de la parodie. A la base, le principe – plutôt réjouissant sur le papier – consiste à se moquer de  La Guerre des étoilesStar Trek et Alien, via un scénario prétexte au cours duquel l’équipage d’un vaisseau spatial de la police est envoyé en mission sur la planète Altar 1 afin de récupérer l’Etoile Bleue avant qu’elle ne tombe entre les mains du maléfique Ordric (Ronald Knight). Tout y est : le texte d’introduction défilant en perspective sur fond étoilé, le carnet de bord du capitaine, le petit monstre qui sort du corps d’un membre de l’équipage et se cache dans les coursives du vaisseau, deux imitations successives du Cantina Bar et de ses créatures bariolées (l’une dans une maison close intersidérale, l’autre dans un restaurant tenu par des extra-terrestres anthropophages), un sosie de Monsieur Spock… Le drame, c’est qu’aucun des gags ponctuant le film ne fait mouche, aucune blague n’arrache le moindre sourire. Soit les traits d’humour tombent malencontreusement à plat, soit ils sont mal rythmés, soit ils ont déjà été vus ailleurs (la ponctuation musicale qui survient à chaque fois que quelqu’un prononce le mot « Etoile Bleue » fait écho aux chevaux hennissants dans Frankenstein Junior à l’annonce de « Frau Blüher »).

Bref, Galaxina suscite assez rapidement l’ennui, voire l’embarras. Le film aurait pu se rattraper par sa mise en forme, d’autant que la photographie est confiée au talentueux Dean Cundey, chef opérateur régulier de John Carpenter (La Nuit des masques, Fog, The Thing) et de plusieurs productions Spielberg (Retour vers le Futur, Jurassic Park). Mais la mise en scène maladroite de William Sachs, à qui nous devons le shocker gore Le Monstre qui vient de l’Espace, ne rehausse guère le niveau, le cinéaste promenant régulièrement et inlassablement sa caméra dans les couloirs déserts du vaisseau sans la moindre justification narrative. Pourtant, Galaxina vaut un petit détour, ne serait-ce que pour le charme indicible de la sublime Dorothy Stratten, charme hélas bien éphémère puisque la belle fut assassinée par son ex-petit ami l’année de la sortie du film (ce drame sera relaté dans Star 80 de Bob Fosse).

Les sentiments d'une femme-robot

Dans Galaxina, Dorothy joue le rôle-titre d’une androïde aux formes généreuses que les hommes n’ont pas le droit de toucher, sous peine de recevoir une redoutable décharge électrique. Mais elle tombe peu à peu amoureuse de l’athlétique lieutenant Thor (Stephen Macht) et modifie alors sa propre programmation. Une idée intéressante, malheureusement très sous-exploitée par un scénario chaotique signé Sachs lui-même. Le film vaut aussi le coup d’œil pour une galerie de monstres caricaturaux signés par le débutant Chris Walas (futur créateur des Gremlins et de La Mouche), notamment une version miniature d’alien, un nain poilu mangeur de pierres à la gueule démesurée et des espèces d’extra-terrestres loups-garous friands de chair humaine. Sept ans plus tard, Mel Brooks tentera une recette similaire avec un peu plus de bonheur dans sa Folle histoire de l’espace.

 

© Gilles Penso

À découvrir dans le même genre…

 

Partagez cet article

LES GUERRIERS DU BRONX 2 (1984)

Une séquelle supérieure à son modèle, dans laquelle le chevelu Mark Gregory continue à se lever contre l'oppresseur

FUGA DEL BRONX 2 / BRONX WARRIORS 2

1984 – ITALIE

Réalisé par Enzo G. Castellari

Avec Mark Gregory, Valeria d’Obici, Timothy Brent, Henry Silva, Giancarlo Prete, Paolo Malco, Ennio Girolami, Antonio Sabato

THEMA FUTUR

Le succès inespéré des Guerriers du Bronx poussa Enzo G. Castellari à en réaliser une séquelle dans la foulée. Amateur de westerns spaghettis et de films d’action démarqués des grands succès américains, le cinéaste fut bien inspiré, car ce second épisode s’avère supérieur au précédent à bien des niveaux. Malgré les gangs qui continuent à y régner en maîtres absolus, le Bronx fait l’objet de la convoitise de la puissante société immobilière GC, qui envisage la réhabilitation complète du quartier. Pour y parvenir, les dirigeants n’y vont pas par quatre chemins : les habitants sont évacués de force. GC s’efforce de faire croire à la presse et à l’opinion publique que les locataires du Bronx sont relogés dans des maisons solaires au Nouveau-Mexique, mais en réalité la population est déportée ou exterminée sur place. Les contrevenants ou les retardataires sont tout bonnement brûlés à coup de lance-flammes, une arme qui avait fait ses preuves à la fin du premier film. Ce massacre en règle est mené par Lloyd Warngler, un mercenaire sévèrement burné à qui Henry Silva prête son inimitable trogne. Dénué du moindre scrupule, ce dernier qualifie d’ailleurs son génocide de simple « désinfection ». Hétéroclites et toujours aussi improbables, les gangs trouvent refuge sous terre, menés par un Espagnol caricatural adepte du marché noir. Plus chevelu que jamais, Trash (Mark Gregory toujours) se lève contre l’envahisseur.

Dans une scène involontairement comique (mais le film n’en compte finalement pas tant que ça), il abat un hélicoptère d’un simple coup de pistolet, exploit qu’il réitèrera plus tard avec un camion. Lorsqu’il découvre ses parents calcinés, notre héros devient ivre de colère et de vengeance, et prend la tête de la résistance. Il est bientôt rejoint par la journaliste Moon Grey (Valeria d’Obici), bien décidée à prouver les exactions de GC, et dont le photographe vient à son tour de périr sous les flammes. Pour obtenir gain de cause et négocier avec les exterminateurs, Trash et Moon décident de faire enlever le vice-président en faisant appel aux services du cambrioleur Strike, ce qui nous vaut une excellente séquence de suspense.

L'ombre omniprésente de New York 1997

Au fil de l’intrigue, Les Guerriers du Bronx 2 semble se défaire de l’influence des Mad Max pour mieux assumer celle de  New York 1997, les similitudes entre Trash et Snake Plissken étant plus marquées que dans le film précédent. L’action à base de combats et de fusillades ponctue le film sans discontinuer, et il semble que Castellari ait gagné en maîtrise depuis le premier Guerrier du Bronx. A cette amélioration de mise en scène s’ajoute un scénario bien plus captivant. Car aux errances pseudo-futuristes dans un monde bariolé et peu crédible vient ici se substituer une satire sociale pour le moins réjouissante. Et même si la lutte des classes est surtout prétexte à l’accumulation d’un maximum de bastons, de gunfights et d’explosions, Les Guerriers du Bronx 2 y gagne sérieusement en intérêt. Castellari s’en tiendra pourtant là, laissant son diptyque sans suite pour se consacrer à d’autres films de guerre, d’action et d’aventure.

 

© Gilles Penso

Partagez cet article

I, FRANKENSTEIN (2014)

Cette vague adaptation d'un comics lui-même vaguement inspiré du roman de Mary Shelley n'aura pas convaincu grand-monde

I, FRANKENSTEIN

2014 – USA / AUSTRALIE

Réalisé par Stuart Beattie

Avec Aaron Eckhart, Miranda Otto, Bill Nighy, Jai Courtney, Caitlin Stasey, Yvonne Strahovski

THEMA FRANKENSTEIN

Après Underworld 3 I, Frankenstein, adaptation du comic book de Kevin Grevioux (scénariste des Underworld), devait être le second long métrage du maquilleur Patrick Tatopulos en tant que réalisateur. Auteur d’effets spéciaux qui dépotent dans des films qui ne dépotent pas toujours autant (Stargate, Godzilla, Silent Hill, Je suis une Légende), le frenchie a malheureusement perdu le poste au profit de Stuart Beattie, réalisateur du pas si mal Demain, quand la guerre a commencé mais aussi scénariste sur la saga Pirates des Caraïbes. Un revirement probablement décisif pour ce qui s’apparente au final au premier gros nanar de 2014. Que reste-t-il véritablement du classique de Mary Shelley dans cette adaptation d’un comics déjà très librement inspiré du mythe du Prométhée moderne ? Rien, ou pas grand-chose si l’on compte une intro nous décrivant en 3 minutes chrono la fin tragique de ce chef d’œuvre de la littérature. Très rapidement donc, on retrouve la créature de Frankenstein confrontée à des démons et une secte de gargouilles se faisant la guerre dans un cadre gothique qui n’est pas sans rappeler Underworld. Sauf qu’Adam (rebaptisé ainsi par les chimères) se pose des questions sur sa nature, questions auxquelles des scientifiques, qui tentent de réactiver des corps sans vie sous les ordres d’un démon supérieur, pourraient bien apporter des réponses.

Rarement aura-t-on vu une telle injure au roman original. Revisiter Frankenstein, pourquoi pas : Terence Fisher en a fait des déclinaisons parfois remarquables (Le Retour de Frankenstein), Mel Brooks a signé une parodie succulente en 1974 (Frankenstein Junior), la créature a rencontré d’autres monstres sacrés au fil des années (Dracula, le loup-garou,…) et Tim Burton a même déliré sur une version canine (Frankenweenie). Mais le faire avec si peu d’égard, de talent et d’idée, c’est juste insupportable ! Prévisible de bout en bout, le tensiomètre à zéro, la mise en scène sur-découpée, une créature qui s’apparente à un bien fade anti-héros de plus dont les caractéristiques et l’ambiguïté ne sont jamais exploitées…

L'impardonnable profanation d'un classique

I, Frankenstein est réellement sans intérêt. Et ce n’est pas la présence d’Aaron Eckhart, dont la carrière part en vrille dans des DTV et autres purges du genre, ni celle de Bill Nighy en mode « je ne me casse pas plus le cul que dans Underworld, de toute façon c’est moins bien », qui changent la donne : aux côtés d’autres acteurs mono-expressifs façonnés pour jouer dans ce genre de production (Jai Courtney et Kevin Grevioux himself), ils ne dénotent pas, bien au contraire. Quelle pitié ! Et vous ai-je signalé que même visuellement c’était immonde, avec bouillie d’effets numériques indigeste et maquillages copiés sur ceux de la série Buffy contre les vampires au menu ? En dessous de  Van Helsing  et d’Underworld, on placera désormais I, Frankenstein, profanateur d’un classique de la littérature pourtant déjà maintes fois adapté et retourné dans tous les sens.

 

© Samuel Tubez

Partagez cet article

LES GUERRIERS DU BRONX (1982)

L'une des plus populaires imitations italiennes de Mad Max 2 et New York 1997, avec en prime un soupçon de Guerriers de la nuit…

1990 THE BRONX WARRIORS

1982 – ITALIE

Réalisé par Enzo G. Castellari

Avec Vic Morrow, Christopher Connelly, Mark Gregory, Fred Williamson, Stefania Girolami, George Eastman

THEMA FUTUR

Si Les Guerriers du Bronx est l’une des plus fameuses imitations italiennes de New York 1997 et Mad Max 2, c’est moins pour les qualités intrinsèques du film que pour les éléments insolites qui émaillent son scénario. Car Enzo G. Castellari y recycle tout et n’importe quoi avec une étonnante désinvolture. Nous sommes en 1990, soit neuf ans dans le futur pour les spectateurs de 1982, et le quartier du Bronx a été décrété zone dangereuse. Aucun new-yorkais n’ose s’y aventurer, la police a cessé depuis longtemps d’y faire régner la loi, et d’improbables bandes rivales s’y font continuellement la guerre : les Riders, des loubards à moto maquillés comme dans Starmania et menés par le bien nommé Trash (un Mark Gregory aux allures de Rambo mou désespérément dénué de charisme) ; les Zombies, des bandits de grand chemin en tenue de joueurs de hockey dont le boss porte le joli sobriquet de Golem (George Eastman, acteur fétiche de Joe d’Amato) ; les Tigers, des mafieux noirs coiffés de borsalinos et circulant en voitures des années 30, chapeautés par le tout-puissant Ogre (Fred Williamson, vieux routier du cinéma blaxploitation des années 70) ; les Iron Men, des danseurs de claquettes maquillés comme le mime Marceau ; ou encore les Scavengers, des guerriers hirsutes et troglodytes armés de gourdins.

Au milieu de ces guerriers pittoresques et pas crédibles pour un sou débarque un jour Ann, une jeune fille de la haute société new-yorkaise, héritière d’un conglomérat financier spécialisé dans l’armement, la Manhattan Corporation. Fuyant un destin qu’elle n’a pas choisi, la belle échappe de peu aux griffes des Zombies et trouve refuge auprès de Trash, qui tombe raide amoureux d’elle, ce qui n’est pas du goût de tous les membres de son équipée sauvage. Le ver est dès lors dans le fruit, d’autant que mercenaire Hammer (cette bonne vieille trogne de Vic Morrow), engagé par la Manhattan Corporation, déploie dès lors tous les moyens à sa disposition pour récupérer Ann et liguer les bandes rivales les unes contre les autres.

« Le Bronx est une terre particulière… »

On l’aura compris, le film vaut moins pour son scénario, qui lorgne aussi du côté des Guerriers de la nuit de Walter Hill, que pour sa collection de séquences extravagantes et colorées. Car en la matière, Enzo Castellari n’hésite pas à en faire des tonnes, accumulant les passages exagérément emphatiques (les funérailles du couple assassiné) et les moments gentiment surréalistes (l’homme qui joue de la batterie sous le pont de Brooklyn pendant un rendez-vous entre deux gangs). Les Guerriers du Bronx se distingue aussi par ses répliques absurdes, notamment celles de l’inexpressif Trash, du genre : « Le Bronx est une terre particulière, où les pires choses arrivent parce qu’elles doivent arriver. » Les nombreux combats qui scandent le film manquent singulièrement de dynamisme, à l’exception de l’assaut final des chevaliers armés de lance-flammes, qui s’avère plutôt impressionnant. Malgré tout, cette œuvrette force la sympathie, ne serait-ce que pour son grain de folie et son manque de prétention, et connut suffisamment de succès pour engendrer une séquelle dès l’année suivante.

 

© Gilles Penso

À découvrir dans le même genre…

 

Partagez cet article

L’AUTRE (1972)

L'enfance monstrueuse et les troubles liés à la gémellité sont au cœur de ce film d'épouvante glaçant

THE OTHER

1972 – USA

Réalisé par Robert Mulligan

Avec Chris Udvarnoky, Martin Udvarnoky, Uta Hagen, Diana Muldaur, Lou Frizzel, Norma Connolly, Victor French

THEMA DOUBLES I ENFANTS

Deux thématiques fortes du cinéma d’épouvante cohabitent au sein de L’Autre : l’enfance monstrueuse et les troubles psychiques engendrés par une gémellité trop fusionnelle. Le film est dur, éprouvant, parfois même insoutenable, et l’un des traits de génie de Robert Mulligan aura été de contredire cette âpreté en optant pour une mise en forme douce, élégante et apaisante. Ainsi le réalisateur de Du Silence et des ombres et Un été 42 fait-il appel aux violons lyriques de Jerry Goldmsith (qui avait déjà composé une cinquantaine de bandes originales à l’époque, dont La Canonnière du Yang-Tsé, La Planète des singes et Patton) et aux chaudes lumières estivales du directeur de la photographie Robert Surtees (Quo VadisBen-Hur, Le Lauréat). C’est donc nimbé de délicatesse que s’amorce le récit de L’Autre, dans un petit village du Connecticut du milieu des années trente. Niles et Holland Perry sont deux frères jumeaux unis par une relation quelque peu exclusive. Ils partagent leurs jeux, leurs secrets, leur intimité, mais leurs caractères sont radicalement opposés. A l’ingénuité candide et rêveuse de Niles s’oppose la sournoiserie agressive et dissimulatrice d’Holland, son aîné de vingt minutes. Le premier vit visiblement sous la domination du second, et l’inconfort généré par cette situation est accentué par les partis pris de Mulligan qui ne cadre jamais ensemble les deux personnages (incarnés avec une remarquable sensibilité par Chris et Martin Udvarnorky). 

Un peu à l’écart de son entourage, Niles joue parfois au « grand jeu » que lui a enseigné sa grand-mère Ada (Uta Hagen), et qui consiste à projeter son esprit dans celui d’un objet ou d’un animal. Bientôt, les drames à répétition frappent la famille Perry et son voisinage. Holland serait-il responsable de ces « accidents » parfois mortels ? Niles serait-il son complice involontaire ? Comment expliquer l’état dépressif dans lequel végète la mère des deux jumeaux (Diana Muldaur, arborant tout au long du film un beau visage mélacolique), où l’étrange culpabilité qui semble embuer le regard de la vénérable Ada ? « Il est méchant, c’est plus fort que lui ! », s’écrie Niles en parlant de son frère. Mais est-il totalement innocent lui-même ? Un coup de théâtre majeur réoriente subitement le récit au bout d’une heure de métrage, mais ce « twist » n’a pas pour objectif prioritaire de surprendre le spectateur.

Nihiliste et inéluctable

De nombreux indices disséminés tout au long du film permettent en effet de le prévoir assez précisément, d’autant que le roman de Thomas Tyron qui sert de support au scénario (adapté par l’écrivain lui-même) ne laissait guère d’ambigüité sur la nature de cette révélation. Ainsi mis à jour, le ressort dramatique sert surtout de révélateur pour tous les acteurs du drame. Et dès lors, les rebondissements ultérieurs frappent par leur dureté. Tour à tour glacé d’épouvante par l’ultime exaction des jumeaux, stupéfait par un climax terriblement nihiliste et médusé par une chute inéluctable, le spectateur est mis à rude épreuve par la dernière demi-heure de L’Autre, et gardera longtemps en mémoire les visages angéliques de Niles et Holland, prisonniers d’une situation les ayant peu à peu déconnectés de la réalité et de tout sens moral.

 

© Gilles Penso