LA MALEDICTION (1976)

Pour son premier long-métrage au cinéma, Richard Donner s'attaque au thème de l'antéchrist et réalise un classique de l'épouvante

THE OMEN

1976 – USA

Réalisé par Richard Donner

Avec Gregory Peck, David Warner, Lee Remick, Billie Whitelaw, Harvey Stephens 

THEMA DIABLE ET DEMONS I SAGA LA MALEDICTION

En 1973, Hollywood était encore sous le choc de L’Exorciste et de son score spectaculaire au box office. Tous les producteurs se mirent alors en branle pour essayer de proposer leur propre film d’épouvante démoniaque. Le studio Fox décida ainsi de lancer un film à gros budget et au casting prestigieux : La Malédiction. Le scénario de David Seltzer avait pourtant fait le tour des studios sans trouver acquéreur, sans doute à cause de son approche trop frontale des phénomènes surnaturels. C’est Richard Donner, alors spécialisé dans la réalisation de séries et de téléfilms, qui donna l’impulsion au projet après que l’agent Ed Rosen lui ait proposé de lire le script. Donner parvint à convaincre Alan Ladd Jr, alors à la tête de la Fox, de le laisser diriger le film. Allégé de ses allusions trop directes aux démons et aux sorcières, La Malédiction se transforma en thriller réaliste teinté d’horreur et de fantastique. Gregory Peck, pourtant à la retraite depuis plusieurs années, accepta d’endosser le rôle du diplomate américain Robert Thorn et permit au film de se concrétiser.

L’intrigue commence à Rome, où Thorn et son épouse Katherine (Lee Remick) attendent leur premier enfant. Incapable d’annoncer à sa femme la mort tragique de leur nouveau-né, le diplomate décide de prendre comme fils un bébé orphelin. Mais lorsque le petit garçon, prénommé Damien, grandit, il devient évident qu’il ne s’agit pas d’un enfant ordinaire. Robert Thorn réalise peu à peu que le Mal se cache derrière le visage angélique de son fils. Et si le véritable père de Damien n’était autre que Satan lui-même ? Et si sa venue annonçait une confrontation entre les forces du bien et du mal ? Terriblement angoissant parce que profondément tangible, La Malédiction est ponctué de scènes choc mémorables, comme une chute accidentelle filmée de manière inédite (grâce à un décor inversé, le sol étant bâti contre un mur) ou une décapitation filmée avec cinq caméras simultanées et entrée dans l’histoire du cinéma d’horreur.

Les chœurs démoniaques de Jerry Goldsmith

Richard Donner semblait attendre l’occasion de prouver son savoir-faire, et La Malédiction fit office de tremplin pour sa prestigieuse carrière. Il eut l’excellente idée de tirer le chef opérateur Gilbert Taylor (Docteur Folamour, Répulsion, Frenzy) de sa retraite pour bénéficier de son sens unique de l’image. Taylor se prit tellement au jeu qu’il entama dès lors une seconde carrière, signant dans la foulée les images de La Guerre des Etoiles et du Dracula de John Badham. Donner eut aussi l’audace de réclamer une rallonge budgétaire auprès d’Alan Ladd Jr pour pouvoir se payer les services du compositeur Jerry Goldsmith. Puisant dans le répertoire religieux et s’inspirant des classiques, comme « Alexandre Newsky » de Prokofiev, le compositeur signa à l’occasion une partition magnifique qui lui permit de remporter un Oscar et sur laquelle repose une grande partie de l’impact de La Malédiction. Il faut aussi saluer la prestation glaciale du jeune Harvey Stephens dans le rôle de Damien, et celle de David Warner en photographe promis à un funeste destin. Le phénomène La Malédiction était lancé, et pour Richard Donner, une nouvelle carrière commençait. 

 

© Gilles Penso

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CRIME A FROID (1973)

Agressée, exploitée, mutilée, une jeune fille muette se transforme en ange vengeur et exterminateur

THRILLER

1973 – SUEDE

Réalisé par Bo Arne Vibenius

Avec Christina Lindberg, Heinz Hopf, Despina Tomazani, Per-Axel Arosenius, Solveig Andersson, Björn Kristiansson

THEMA TUEURS

Dépité par le cuisant échec de son premier long-métrage, le conte fantastique tout public Hur Marie Träffade Frederik, le cinéaste suédois Bo Arne Vibenius décida d’en prendre le total contrepied en imaginant un film violent et délibérément adulte qu’il baptisa Thriller : En Grym Film (autrement dit « Thriller : un film cruel »). Difficile d’être plus explicite. En revanche, quand on sait que Vibenius s’efforça de faire de Thriller le film le plus commercial et le plus rentable possible, on se perd quelque peu en conjectures. Certes, le sang et le sexe, omniprésents tout au long du métrage, étaient alors des valeurs marchandes incontestables. Mais les partis pris de mise en scène de Vibenius sont étranges, conceptuels, souvent déstabilisants, à tel point qu’ils muent parfois Thriller en œuvre macabrement poétique, loin des canons habituels du cinéma d’exploitation. Quant aux inserts pornographiques que le réalisateur fit ajouter dans certaines copies du film, ils sont traités cliniquement, sans aucun glamour, soutenus de surcroît par des effets sonores plus propices à un film d’horreur qu’à une grivoiserie classée X.

Dès ses prémisses, Thriller est anxiogène. Une fillette y est agressée sexuellement dans un parc par un vagabond. Certes, tout se joue hors champ, mais le malaise demeure intense. Rendue muette par ce traumatisme, Madeleine (Christina Lindberg) grandit et travaille dans la ferme d’un village, son visage angélique camouflant une fêlure encore vive. Un soir, elle rate son bus et accepte d’être accompagnée en voiture par un homme séduisant, Tony (Heinz Hopf), qui révèle bientôt sa véritable nature. Proxénète impitoyable, il drogue la jeune fille, la rend dépendante à l’héroïne et la prostitue. Alors qu’elle se refuse à son premier client, lui griffant violemment le visage, Tony décide de lui donner une leçon. Armé d’un couteau, il lui crève un œil. Digne de Lucio Fulci, la scène est d’autant plus choquante qu’elle est filmée en gros plans. Et les conditions dans lesquelles cet « effet spécial » fut tourné n’en atténuent nullement l’impact, bien au contraire. Jusqu’au-boutiste, le réalisateur utilisa en effet le cadavre d’une jeune fille, entreposé dans la morgue locale, qu’il fit maquiller comme sa comédienne et dans l’œil duquel il fit enfoncer une lame de couteau ! 

Œil pour œil

Madeleine prépare dès lors sa vengeance, économisant tout ce qu’elle gagne pour prendre des leçons de conduite, d’arts martiaux et de tir. La seconde partie du film mue donc notre victime muette et éborgnée en ange exterminateur, basculant dans une irréalité telle qu’on en vient à douter de la réalité des faits narrés (et si tout se passait dans la tête de Madeleine ?). Car les incohérences comportementales de la vengeresse sont légion et ses aptitudes physiques s’avèrent soudain surhumaines (elle neutralise tous les hommes rompus au combat en un claquement de doigt), tandis que l’abus de ralentis extrêmes pendant les séquences d’action frôle parfois l’abstraction. Ses excès et son caractère insolite permirent à Thriller d’atteindre aisément le statut de film culte, son titre variant au gré des distributions : Crime à Froid, They Call Her One Eye ou carrément Hooker’s Revenge.

 

© Gilles Penso

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CANDYMAN (1992)

Bernard Rose met en scène un croquemitaine charismatique et très effrayant tout droit sorti de l'imagination de Clive Barker

CANDYMAN

1992 – USA

Réalisé par Bernard Rose

Avec Virginia Madsen, Tony Todd, Xander Berkeley, Kasi Lemmons, Vanessa Williams, Ted Raimi

THEMA DIABLE ET DEMONSSAGA CANDYMAN

Les écrits horrifiques de Clive Barker ne surent pleinement s’épanouir à l’écran que lorsque l’auteur décida lui-même de les mettre en image, nous livrant coup sur coup les cauchemardesques Hellraiser et Cabal. Comme s’il avait donné les clefs de la juste transposition filmique de son œuvre, d’autres cinéastes purent s’engouffrer dans la brèche pour s’efforcer de rester fidèles à son univers tout en l’imprégnant de leur propre personnalité. Ainsi naquit Candyman, scénarisé par Barker d’après son roman « The Forbidden » et réalisé par Bernard Rose. Assistant de Jim Henson sur Le Muppet Show et Dark Crystal, réalisateur du fameux clip « Relax » pour le groupe Frankie Goes to Hollywood, Rose se fit remarquer avec le long-métrage fantastique Paperhouse en 1988, une sorte de tremplin vers Candyman.

Tout part d’une légende urbaine se répandant depuis des siècles dans le quartier défavorisé de Cabrini-Green. En 1890, le fils d’un esclave profita de la fortune soudaine de son père, inventeur d’une machine à fabriquer des chaussures après la guerre civile, pour suivre un cursus universitaire prestigieux et fréquenter la haute société. Artiste de grand talent, il se spécialisa dans les portraits de personnes fortunées. Le drame survint le jour où on le pria de capturer la beauté d’une jeune fille dont il tomba amoureux et qu’il mit enceinte. Fou de rage, le père de la belle engagea des hommes qui tranchèrent la main du peintre et le jetèrent dans une ruche où des milliers d’abeilles le piquèrent jusqu’à la mort. Son corps fut brûlé et ses cendres éparpillées dans Cabrini-Green. Depuis, la légende raconte que quiconque osera prononcer le nom de Candyman cinq fois devant un miroir ramènera dans le monde réel cet être maudit mué en monstre vengeur, armé d’un crochet et assoiffé de sang. Helen Lyle (Virginia Madsen) et Bernadette Walsh (Kasi Lemmons) souhaitent publier une thèse sur ce personnage mythique à qui on attribue deux meurtres récents. Peu à peu, leur vie s’apprête à basculer dans l’horreur… 

Le glissement progressif de la réalité vers le fantastique

Dans Candyman, le glissement progressif de la réalité vers le fantastique pur s’opère de manière subtile et imprévisible. Helen étant un personnage délibérément sceptique, elle représente le pôle d’identification idéal du spectateur. Et lorsque le surnaturel s’invite dans son existence, nous basculons en même temps qu’elle. Jusqu’à la fin du métrage, le doute reste d’ailleurs permis : les exactions du croquemitaine au crochet, son existence même, sont-elles le fruit de l’imagination de la jeune femme – soudain victime d’hallucinations successives – ou non ? Comme toujours, chez Clive Barker, la tentation du plaisir interdit s’empare des protagonistes, dès lors attirés par le mal et la souffrance. La relation trouble qui se noue entre Helen et Candyman (très impressionnant Tony Todd) illustre à merveille cet effacement de la frontière entre la séduction et la peur, entre le plaisir et la douleur. Nimbé d’une envoûtante partition pour piano, orgues et chœurs composée par Philip Glass, Candyman est un film d’horreur profondément mélancolique qui demeure à ce jour l’une des plus belles adaptations des écrits tourmentés de Clive Barker.

 

© Gilles Penso

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LE MONDE PERDU (1925)

Le Jurassic Park des années 20 est une adaptation spectaculaire du célèbre roman d'Arthur Conan Doyle

THE LOST WORLD

1925 – USA

Réalisé par Harry O’Hoyt

Avec Bessie Love, Lewis Stone, Wallace Beery, Lloyd Hughes, Alma Bennett, Arthur Hoyt, Bull Montana 

THEMA DINOSAURES

Après avoir créé le célébrissime détective Sherlock Holmes, le romancier Sir Arthur Conan Doyle imagina un nouveau personnage de caractère, l’excentrique professeur Challenger, héros de cinq romans. Le premier et le plus connu de la série fut « Le Monde Perdu », publié en 1912. Le savant et son expédition y exploraient un plateau inconnu du Brésil et y rencontraient de gigantesques sauriens ayant survécu à travers les âges. En 1922, le producteur américain Watherson Rothacker se lança dans l’adaptation cinématographique de la première aventure du professeur Challenger, et livra aux spectateurs un monument du cinéma fantastique exotique. Bien sûr, il est difficile d’apprécier Le Monde Perdu à sa juste valeur si on ne tient pas compte de l’époque à laquelle il fut présenté au public, absolument pas préparé à un spectacle aussi surprenant. La première partie du film, destinée à présenter les personnages, emprunte un ton des plus légers, n’hésitant pas par moments à se référer au burlesque très en vogue dans les années 20 (la glissade maladroite du journaliste Malone dans les bureaux de rédaction, puis son combat clownesque contre Challenger). Les motivations et les caractères des personnages, si importants dans le texte de Conan Doyle, disparaissent presque ici, en raison du handicap du muet mais aussi de l’insipidité relative des comédiens.

Les dinosaures constituent donc le principal intérêt du film, et ils sont franchement étonnants. Aussi nombreux que variés, ils fourmillent sur le plateau amazonien qu’explorent les héros, vaquant à leur occupation préférée, le combat inter-espèces. La sensation de vie due à la technique de l’animation image par image fait des miracles. À vrai dire, les créatures sont animées avec plus ou moins de bonheur selon que le superviseur des effets spéciaux Willis O’brien lui-même ou que l’un de ses assistants se soit attelé à la tâche, mais certains passages portent indubitablement l’empreinte du futur créateur de King Kong. Il faut avouer que les scènes de dinosaures s’intercalent assez artificiellement avec celles des acteurs, lesquels n’apparaissent en même temps qu’eux que rarement, par le biais de petits caches en bas des images.

Un brontosaure lâché dans Londres

Dans le roman de Conan Doyle, le professeur Challenger et son équipe finissaient par ramener à Londres un petit ptérodactyle pour prouver la véracité de leur récit. Dans le film, c’est carrément un brontosaure de 20 mètres de long qui est rapatrié en ville ! Bien entendu, il ne tarde pas à s’échapper et à semer la panique. La destruction finale des rues de Londres qui s’ensuit annonce du coup une prolifique descendance de monstres dévastateurs, King Kong et Godzilla en tête. Le film sortit le 15 février 1925, accompagné d’une publicité tapageuse qui le qualifia de « la plus grande attraction que vos yeux aient jamais vus ». Le public et la critique l’encensèrent immédiatement et en firent le blockbuster de l’année. Conan Doyle se prêta même à un petit canular auprès de la Société des Magiciens qu’il fréquentait, laissant croire à ses amis que les dinosaures présents dans le film étaient réels ! Il faut dire qu’en ces temps héroïques, les effets spéciaux n’étaient pas aussi médiatisés que de nos jours.

 

© Gilles Penso

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JURASSIC PARK 3 (2001)

Une seconde séquelle anecdotique qui marque le retour de Sam Neill et Laura Dern dans la saga préhistorique

JURASSIC PARK III

2001 – USA

Réalisé par Joe Johnston

Avec Sam Neill, William H. Macy, Tea Leoni, Alessandro Nivola, Trevor Morgan, Michael Jeter, John Diehl

THEMA DINOSAURES I SAGA JURASSIC PARK

Après la déception suscitée par Le Monde Perdu – Jurassic Park, que pouvait-on espérer d’une nouvelle séquelle ? Pas grand-chose en réalité, et c’est exactement ce que nous propose ce troisième opus jurassique concocté par Joe Johnston. Le désistement de Steven Spielberg au poste de réalisateur n’était certes pas bon signe, mais Johnston est un cinéaste de talent, à qui nous devons les très divertissants Chérie j’ai rétréci les gosses et Rocketeer, et qui s’était déjà familiarisé avec les grosses bêtes en image de synthèse à l’occasion de Jumanji. Le problème majeur de Jurassic Park 3 provient de son scénario, qui s’efforce maladroitement de broder autour des motifs mis en place dans les deux films précédents. Quatre ans après les déambulations d’un tyrannosaure dans San Diego ayant précipité la faillite d’Ingen, les dinosaures de John Hammond vivent désormais en liberté sur Isla Sorña. Si Jeff Goldblum a sagement lâché l’affaire, Sam Neill rempile dans le rôle du paléontologue Alan Grant pour camper un personnage qui n’a pas évolué d’un millimètre depuis 1993, tandis qu’Ellie Slater (qui apparaît furtivement le temps d’une petite séquence, toujours sous les traits de Laura Dern) s’est épanouie en fondant une famille obéissant à tous les clichés d’usage.

Si Le Monde Perdu péchait par excès en multipliant le nombre de ses protagonistes sans parvenir à les caractériser suffisamment, Jurassic Park 3 ramène ses personnages à un nombre beaucoup plus raisonnable (Grant, son assistant Billy Brennan et un couple de milliardaires cherchant leur fils disparu dans la jungle mésozoïque) sans parvenir davantage à les approfondir. C’est d’ailleurs là que le bât blesse majoritairement dans le film. Archétypaux, monolithiques, ils ne suscitent aucune empathie auprès des spectateurs, et l’on sent bien que les comédiens eux-mêmes n’ont rien à défendre. Cette absence de caractérisation s’étend même jusqu’aux dinosaures. Incapable de donner à ses sauriens préhistoriques le panache qu’ils méritent, le film recours à des artifices discutables. Le T-Rex se voit ainsi détrôner par un spinosaurus (qui lui vole même la vedette sur le poster) et les vélociraptors sont désormais agrémentés de couleurs différentes et de crêtes, comme si ces ajouts cosmétiques suffisaient à masquer la misère d’un récit anémique.

Plus fort que le T-rex : le spinosaurus

Les scénaristes semblent d’ailleurs tellement embarrassés qu’ils interrompent leur histoire au bout de 80 minutes, ne prenant même pas la peine d’échafauder un climax digne de ce nom et recourant à l’un des deus ex machina les plus grotesques de l’histoire du cinéma pour dénouer la situation. La meilleure scène de ce troisième épisode est probablement l’assaut des ptéranodons, et ce n’est pas un hasard : elle provient directement du roman original que Michael Crichton avait écrit dans les années 90. Une petite mention aussi au crash dans les bois, au violent combat des dinosaures directement inspiré par King Kong, et à l’assaut aquatique du spinosaure monté en parallèle avec une conversation téléphonique assez savoureuse. Bref, Jurassic Park 3 a les allures d’un « direct-to-video » anonyme déguisé en superproduction prestigieuse. Aussi distrayant qu’oubliable, en somme.

 

© Gilles Penso

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PTERODACTYLES (2005)

Le réalisateur de Class 84 et Commando lâche sur ses héros une nuée de reptiles volants préhistoriques particulièrement voraces

PTERODACTYL

2005 – USA

Réalisé par Mark L. Lester

Avec Cameron Daddo, Coolio, Amy Sloan, George Calil, Ivo Cutzarida, Steve Braun, Mircea Monroe, Jessica Ferrarone

THEMA DINOSAURES

Transfuge du film musclé des années 80 (Class 1984CommandoFirestarter), Mark Lester entame une seconde carrière sous l’égide d’American World Pictures, une compagnie spécialisée dans les films de monstres destinés au marché de la vidéo. Le voilà donc aux commandes de Ptérodactyles, une tardive réponse aux trois Jurassic Park qui se concentre sur une seule espèce de reptiles préhistoriques : les ptéranodons, des carnassiers volants de huit mètres d’envergure qui étaient déjà à l’honneur dans le Rodan d’Inoshiro Honda (et qui firent quelques mémorables apparitions dans des œuvres telles que La Vallée de Gwangi ou Jurassic Park 3). Prometteuse, l’entrée en matière nous montre trois chasseurs battant la campagne et se félicitant d’être au sommet de la chaîne alimentaire… avant de se faire déchiqueter en beauté par une horde de ptérosaures agressifs.

Plus convenue, la suite se concentre sur deux groupes de protagonistes n’ayant à priori aucun point commun : une petite expédition scientifique assez improbable constituée de jeunes écervelés et de bimbos court vêtues, et un commando de GI en pleine mission secrète. Les premiers s’en vont explorer un volcan datant du Jurassique à la frontière turco-arménienne, les seconds viennent de capturer avec perte et fracas un chef rebelle, et bientôt tous vont devoir faire cause commune pour lutter contre des ptéranodons décidément très pugnaces. Conçus principalement en 3D, les monstres volants sont plutôt bien fichus et évoquent les meilleures bébêtes des productions Nu Image (SpidersOctopus et consorts), même si certaines séquences frôlent la rigidité d’une animatique de jeu vidéo. Leurs attaques, qui scandent régulièrement le film, s’avèrent particulièrement saignantes : bras arraché, corps coupé en deux, décapitation, éviscération… Comme dans Un million d’années avant JC, les reptiles volants ramènent leurs proies humaines dans leur nid pour nourrir leurs petits. 

Clins d'œil et références

L’ensemble de l’œuvrette est d’ailleurs baigné d’un élan référentiel discret, chacun des personnages portant le nom d’un écrivain de science-fiction renommé, de Lovecraft à Heinlein en passant par Zelazny, Lem, Burroughs et Bradbury. Hélas le potentiel du film est sérieusement amenuisé par l’absence quasi-totale de caractérisation de ses héros, l’indigence de ses dialogues et la platitude de son humour. Sans compter des séquences d’action qui, pour être inventives, n’échappent pas à une certaine répétitivité, les ptérosaures n’en finissant plus de planer au-dessus des humains pour les happer tandis que les coups de feu saturent la bande son. Fidèles à la tradition des jeux vidéo et de maints films de monstres, nos créatures sont dirigées par un chef, surnommé « le teigneux ». Plus grand et plus vieux que ses congénères, il sera donc le « boss » de l’aventure, le dernier bestiau que nos protagonistes devront affronter et abattre avant de pouvoir s’en aller gaiement bras dessus bras dessous, sans pleurer plus que de raison sur les dizaines de cadavres ensanglantés de leurs compagnons mués en hamburgers tout au long de l’aventure.

 

© Gilles Penso

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QUAND LES DINOSAURES DOMINAIENT LE MONDE (1970)

Suite au succès de Un Million d'Années avant JC, le studio Hammer initie un autre film reposant sur les mêmes ingrédients : des dinosaures en stop-motion et des jolies filles des cavernes

WHEN DINOSAURS RULED THE EARTH

1970 – GB

Réalisé par Val Guest

Avec Victoria Vetri, Robin Hawdon, Patrick Allen, Drewe Henley, Sean Caffrey, Magda Konopka, Imogen Hassal, Patrick Holt

THEMA DINOSAURES I EXOTISME FANTASTIQUE

Attiré par les tournages exotiques, le réalisateur Val Guest accepta d’écrire et de diriger Quand les Dinosaures Dominaient le Monde pour la Hammer lorsque la productrice Aida Young lui promit les îles Canaries. A partir d’un synopsis rédigé par l’écrivain J.G. Ballard (Empire du Soleil), Guest a élaboré un scénario reprenant volontairement tout ce qui avait fait le succès d’Un Million d’Années Avant JC. Nous sommes à l’âge de pierre. Désignée pour être sacrifiée au soleil, Sanna, jeune femme blonde de la tribu des rochers, prend la fuite à la faveur d’un cataclysme naturel, puis est secourue par Tara, de la tribu du sable. Les guerriers des rochers partent à sa recherche et voient leur chemin semé de monstres préhistoriques. Comme l’était officieusement Jack, le tueur de Géants pour Le 7ème Voyage de Sinbad, ce film est donc quasiment un remake de One Million Years BC. Le point commun de ces deux « imitations » est l’animateur Jim Danforth qui, dans les deux cas, suit les traces de Ray Harryhausen. « Ray avait un style tellement dynamique et tellement personnel que je me suis efforcé de m’en écarter », explique-t-il. « J’ai tenté d’être moins stylisé que lui, moins théâtral. » (1) 

Stimulé par la liberté de manœuvre que lui laissa la production, Danforth est allé jusqu’à surpasser son mentor en quelques moments particulièrement inspirés. Les gros plans de ses dinosaures, leur animation et leurs interactions avec les acteurs laissent bouche bée. Danforth recycle en fait des éléments empruntés à Harryhausen : les ptérodactyles et le tricératops de Un Million d’Années Avant JC, l’éclosion de l’œuf dans Le 7ème Voyage de Sinbad, le crabe géant de L’Île Mystérieuse, l’immolation pathétique de La Vallée de Gwangi… La mère dinosaure et son bébé sont quant à eux des créatures imaginaires qui rivalisent de finition et de richesses d’expressions : clignements d’yeux malicieux, mouvements respiratoires de la poitrine, frétillements de la langue… En revanche, les tyrannosaures habituellement de mise en pareil contexte n’ont pas droit de cité, pour une raison qui défie l’entendement. « La productrice Aida Young m’a déclaré qu’elle ne voulait pas de ce genre de dinosaures, parce qu’ils ressemblaient à des homosexuels sur des talons aiguilles ! » avoue Danforth qui n’en revient toujours pas… (2)

« Aquita ! Youkita ! »

Fatalement, les acteurs sont ici effacés par les monstres qui leur volent la vedette, d’autant que le film de Guest, contrairement à son modèle, ne bénéficie pas de vedettes comme Raquel Welch. De surcroît, les scènes « humaines » n’offrent un intérêt que moyen, desservies par un rythme languissant et par des dialogues préhistoriques se limitant à quelques « Aquita » et autres « Youkita ». Malgré tout, Victoria Vetri, découverte dans Playboy, sait faire étalage de ses charmes pour que les regards se dirigent aussi vers elle. Refroidis par les délais interminables de post-production et par l’accueil assez tiède du film au box-office, les dirigeants de la Hammer décidèrent de conserver les playmates mais de se débarrasser des dinosaures pour clore leur trilogie préhistorique avec Les Créatures d’un monde oublié

 

(1) et (2) Propos recueillis par votre serviteur en avril 1998.

 

© Gilles Pens

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LE DERNIER DINOSAURE (1977)

Une co-production américano-japonaise très distrayante avec, en guise de redoutable tyrannosaure, un homme dans un costume en caoutchouc

THE LAST DINOSAUR

1977 – USA / JAPON

Réalisé par Alex Grashoff et Tom Kotani

Avec Richard Boone, Joan Van Ark, Steven Keats, Luther Rackley, Tatsu Nakamura, Masumi Sekiya, William Ross 

THEMA DINOSAURES

Masten Thrust (interprété par Richard Boone, vétéran de la télévision américaine) est un chasseur de fauves réputé pour être l’homme le plus riche du monde. Organisant un voyage peu commun à bord d’un véhicule spécial, « la Vrille Polaire Thrust » (pas très éloignée de la « Taupe de Fer » employée dans Centre Terre : Septième Continent), il réunit pour l’expédition un savant japonais, un guide africain, une journaliste et un astronaute américains. Il compte découvrir, sous une couche de glace polaire, un monde perdu encore habité par des dinosaures. L’équipe, une fois arrivée sur place, découvre en effet un paysage préhistorique dans lequel règne le monstre le plus épouvantable que la terre ait porté, le Tyrannosaurus Rex. Le savant est victime du carnassier redoutable qui s’empare de la « Vrille Polaire ». Thrust n’a dès lors plus qu’un projet : tuer le tyrannosaure, même au péril de sa vie. 

Très ancré dans les années 70, tant dans ses costumes que dans sa musique, Le Dernier Dinosaure prend le parti étrange de mettre en scène une poignée de protagonistes pas vraiment attachants : Thrust, un chasseur milliardaire et acariâtre, Frankie, une journaliste hystérique, Chuck, un astronaute maussade, et Bounta, un guerrier noir silencieux et serviable, parfaite incarnation du concept doucement raciste du « bon sauvage ». Il y a bien un personnage un tant soit peu digne de sympathie dans ce petit groupe, le scientifique japonais, mais il meurt au tout début de l’expédition ! Quant au tyrannosaure vedette, c’est un figurant dans un costume en latex très proche de celui du Gorosaure de King Kong s’est échappé, filmé avec un maximum de soin et combiné aux acteurs par le biais de quelques jolies transparences.

Un petit air de Godzilla

Le résultat reste donc globalement supérieur aux Godzilla disco réalisés dans les seventies. L’analogie entre cette production américano-nippone et le dinosaure radioactif imaginé par Inoshiro Honda n’est d’ailleurs pas innocente, dans la mesure où les créatures du Dernier Dinosaure ont été conçues dans l’atelier d’Eiji Tsuburaya, maître d’œuvre des effets spéciaux de la Toho. Notre T-rex affronte un tricératops un peu trop gros par rapport à lui (à cause de la taille du costume, conçu pour être porté par deux comédiens dans une position très inconfortable !), puis écrase au passage quelques personnages avant d’exécuter une très belle cabriole lorsqu’il est entraîné par un gros rocher attaché à sa queue par une liane étonnamment solide ! Les autres monstres préhistoriques qui hantent cette jungle inhospitalière sont un stégosaure aux allures de phacochère et des ptéranodons mécaniques, réminiscence de ceux du Sixième Continent. Le final, plutôt inhabituel, rattache de manière intéressante la personnalité du chasseur de fauves à celle du capitaine Achab de « Moby Dick », le dernier dinosaure s’affirmant comme un adversaire ultime qu’il faudra tuer à tout prix, quoiqu’il en coûte. Les amateurs de kitsch s’extasieront face à la chanson du générique, scandant joyeusement « Here is the Last Dinosaur ! »

© Gilles Penso

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POLTERGEIST 3 (1988)

Une seconde séquelle qui délocalise l'action dans une tour ultra-moderne et bénéficie d'une mise en scène inventive signée Gary Sherman

POLTERGEIST 3

1988 – USA

Réalisé par Gary Sherman

Avec Tom Skeritt, Nancy Allen, Heather O’Rourke, Zelda Rubinstein, Lara Flynn Boyle, Kipley Wentz

THEMA FANTÔMES I SAGA POLTERGEIST

Poltergeist 2 n’était pas une œuvre de grande qualité, mais son succès fut suffisant pour motiver la mise en chantier d’un troisième volet. De nombreux éléments des deux films précédents ont cependant été évacués, notamment la majorité du casting (seules Heather O’Rourke et Zelda Rubinstein assurent la transition). Quant au décor banlieusard cher à Steven Spielberg et Tobe Hopper, il a été remplacé par une tour ultra-moderne digne de Gremlins 2. Maintenant âgée d’une dizaine d’années, Carol Anne vit provisoirement à Chicago avec la famille Gardner, autrement dit son oncle Bruce (Tom Skeritt), sa tante Patricia (Nancy Allen) et sa cousine Donna (Lara Flynn Boyle). Elle fréquente une école de surdoués où ses petits camarades ne manquent pas une occasion de se moquer de ses histoires de fantômes. Même ses professeurs sont sceptiques. Le docteur Seaton (Richard Fire), directeur de l’établissement, est ainsi persuadé que les visions spectrales qu’elle décrit sont le fruit de son imagination et qu’elle altère la vision de son entourage par hypnose collective. Evidemment, les phénomènes étranges ne vont pas tarder à se manifester dans l’immeuble des Gardner. Les miroirs se fissurent, le thermostat se dérègle, l’ascenseur fait des siennes…

Quant à Carol Anne, elle voit apparaître partout le reflet grimaçant de Henry Kane (Nathan Davis), le sinistre révérend fantôme de l’épisode précédent. Toujours aussi extra-lucide, cette bonne vieille Tangina (Zelda Rubistein) s’exclame alors à l’autre bout du pays « Il l’a trouvée ! ». Si le scénario de Poltergeist 3 n’apporte aucune réelle surprise, la mise en scène de Gary Sherman (à qui nous devons l’excellent Réincarnations) est truffée d’idées innovantes, dans la mesure où les fantômes ne hantent pas ici les postes de télévision mais les miroirs. Le film multiplie ainsi à loisir les jeux de reflets troublants et inattendus. Chaque fois qu’une glace apparaît dans le champ, un décalage visuel ou temporel se fait ressentir – de manière parfois très subtile – entre le sujet et l’image qu’il réfléchit.

Les reflets maléfiques

Autre parti pris intéressant : Sherman privilégie les effets spéciaux réalisés en direct sur le plateau aux trucages de post-production (qui étaient le point faible technique de Poltergeist 2) grâce auxquels il accumule les scènes choc surprenantes : des mains monstrueuses surgissent d’une flaque d’eau pour entraîner Carol Anne, Donna déchire de l’intérieur le corps de Tangina et en jaillit en hurlant, les cadavres d’animaux se réveillent dans une chambre froide, des voitures couvertes de neige attaquent les héros dans le parking, la tête décapitée de Kane se décompose en gros plan… Certes, les maquillages spéciaux de John Caglione Jr et Doug Drexler (conseillés par Dick Smith) ne sont pas excessivement subtils, mais ils ont un indéniable charme typique des années 80. Poltergeist 3 part donc avec quelques atouts en poche, d’autant que son casting ne manque pas d’intérêt et que quelques clins d’œils sont les bienvenus (Tom Skeritt parle de Carrie à Nancy Allen, qui jouait justement la rivale de Sissi Spacek dans le classique de Brian de Palma). Mais en l’absence d’un scénario un tant soit peu palpitant, tous les efforts de Gary Sherman et de son équipe tombent à l’eau.

 

© Gilles Penso

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L’ATLANTIDE (1932)

Le remake parlant de L'Atlantide de Jacques Feyder, avec dans le rôle de la reine Antinéa l'inoubliable Maria de Metropolis

L’ATLANTIDE / DIE HERRIN VON ATLANTIS

1932 – FRANCE / ALLEMAGNE

Réalisé par G.W. Pabst

Avec Brigitte Helm, Pierre Blanchar, Jean Angelo, Tela Tchaï, Vladimir Sokoloff, George Tourreil, Mathias Wieman, Florelle

THEMA EXOTISME FANTASTIQUE

Jacques Feyder ayant refusé de réaliser lui-même le remake parlant de son Atlantide, c’est le cinéaste allemand Goerg Wilhlem Pabst qui prend le relais. Ce dernier multiplie les défis, car non content de boucler le tournage du film en un temps record de cinq mois, il met en boîte trois versions différentes avec trois castings distincts, respectivement en français, en allemand et en anglais. Dans la version française, c’est Pierre Blanchar qui incarne le lieutenant de St Avit. Alors qu’une émission radiophonique émet l’hypothèse de l’existence de l’Atlantide dans le désert du Sahara, ce dernier se rappelle la mésaventure dont il fut victime deux ans plus tôt. Un flash-back nous le montre arpentant le désert avec son ami le capitaine Morhange (Jean Angelo, qui tenait déjà le rôle en 1921), pour renseigner le gouvernement sur la situation trouble des pays du sud. 

Egarés au milieu des dunes, ils sont attaqués par des touaregs. Saint-Avit erre un temps dans un village arabe sans retrouver la trace de Morhange. Lorsqu’il s’évanouit, c’est pour s’éveiller dans un lieu inconnu dirigé par la reine Antinéa (Brigitte Helm, l’héroïne de Metropolis, qui joue le rôle dans les trois langues). Celle-ci l’accueille en partageant avec lui une partie d’échecs. L’un des Occidentaux jadis égarés dans cette Atlantide, Ivar Torstenson (Mathias Wieman), fou d’amour, se noie dans la drogue et l’alcool. Il meurt bientôt et a droit à des funérailles exotiques. Saint-Avit succombe à son tour à l’amour d’Antinéa. Or la souveraine est amoureuse de Morhange. « Je vous ai choisi » lui dit elle lascivement. « Ici les femmes choisissent, c’est la coutume de votre pays, ce n’est pas celle du mien », répond le capitaine français, avec la fierté machiste et patriotique du colon digne de ce nom. Or l’oracle prédit que : « celui qui a perdu aux échecs perdra le repos, celui qui a gagné en amour gagnera la mort ». Antinéa ordonne donc à Saint-Avit de tuer Morhange. Son forfait accompli, il s’enfuit avec la servante d’Antinéa, Tanit-Zerga (Tela Tchaï), aidé par un des gardes qui déclare, pour justifier ses actes : « le prophète permet au juste de placer une fois dans sa vie la pitié au-dessus du devoir. »

« Ici, les femmes choisissent… »

Même si cette Atlantide est deux fois plus courte que la version muette, force est de constater que son rythme semble plus lent. Ce travers est amplifié par un jeu d’acteurs exagérément théâtral (Pierre Blanchar déclame ses répliques aussi peu naturellement qu’un Jean-Pierre Léaud !), une mise en scène un peu brouillonne (cadrages approximatifs, mouvements de caméra accidentés, raccords imprécis), et des décors et costumes plutôt ordinaires. Le seul véritable apport de cette version, au-delà de la bande son, est la présence de Brigitte Helm, ô combien plus séduisante que Stacia Napierkowska. Certes, l’ex-Maria de Fritz Lang occupe bien peu de place à l’écran, se contentant de caresser son guépard en prononçant trois lignes de dialogue. Mais chacune de ses apparitions est d’une grande sensualité. Elle possède la beauté d’une statue grecque antique, ce que ne démentent pas ces plans magnifiques où Antinéa s’adosse à un grand visage sculpté imitant ses traits avec une troublante ressemblance. 

 

© Gilles Penso 

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