TROG (1970)

Un homme-singe préhistorique, découvert dans une grotte, est étudié par une scientifique qui espère comprendre grâce à lui l’origine de l’homme…

TROG

 

1970 – GB

 

Réalisé par Freddie Francis

 

Avec Joan Crawford, Michael Gough, Bernard Kay, Kim Braden, David Griffin, Thorley Walters, David Warbeck, Joe Cornelius, Robert Hutton, John Hamill

 

THEMA YÉTIS ET CHAÎNONS MANQUANTS

Élaboré autour d’une histoire originale de Peter Biyan et John Gilling, Trog est au départ un projet destiné au producteur Tony Tenser pour la compagnie Trigon, mais ce dernier préfère vendre le projet à son collègue Herman Cohen. Pour pouvoir bénéficier d’une tête d’affiche, Cohen contacte sa vieille amie Joan Crawford, alors en fin de carrière, avec qui il vient de tourner Le Cercle de sang. La mise en scène échoit au vétéran Freddie Francis, talentueux directeur de la photographie et réalisateur spécialisé dans l’épouvante (L’Empreinte de Frankenstein, Le Train des épouvantes, Le Crâne maléfique, Dracula et les femmes). Une fois l’équipe au complet, le tournage de cette histoire de chaînon manquant peut commencer. Au début de Trog, trois étudiants férus de spéléologie explorent une grotte souterraine et y découvrent une sorte de primate agressif qui tue l’un d’eux. Crawford incarne le docteur Brockton, une célèbre anthropologue. Fascinée par le témoignage des deux rescapés, elle les prend en charge. Profondément traumatisé, Cliff (John Hamill) est alité et se contente de répéter « horrible », couvert de sueur. Son collègue Malcolm (David Griffin), de son côté, postule pour être son assistant, le temps que la police boucle son enquête. Il accepte même de la conduire jusque dans la fameuse grotte pour retrouver la trace de la créature.

En découvrant la bête dans son repaire, Brockton identifie un troglodyte, ou Trog, c’est à dire une créature mi-homme mi-singe. « La plus grande découverte de la civilisation moderne », selon elle. Face aux caméras de la télévision et sous les yeux de nombreux curieux, le monstre est traqué par les autorités qui cherchent à le faire sortir. Mais le Trog s’échappe en semant la panique. Brockton parvient cependant à l’endormir avec des flèches tranquillisantes et à le mettre en cage dans son laboratoire pour l’étudier. « À une époque où l’homme est capable d’envoyer une fusée vers la Lune, je crois que nous devrions clarifier l’histoire de l’origine de l’homme », dit-elle à ses collègues scientifiques. Mais Trog va-t-il rester longtemps en captivité ? Le spectateur se doute bien que non. Si les scènes de spéléologie et le décor de la grotte, qui occupent dix minutes en début de métrage, ancrent le récit dans une atmosphère réaliste, toute crédibilité s’évapore dès que paraît la créature. Conçu par Charles Parker à partir d’un vieux costume récupéré sur le plateau de tournage de 2001 l’odyssée de l’espace, le Trog ressemble clairement à ce qu’il est : un acteur (en l’occurrence le catcheur Joe Cornelius) affublé d’un masque en caoutchouc et d’une peau de bête velue. Énervé par les flashs des appareils photos (comme King Kong) et peu amateur de rock’n roll, notre chaînon manquant s’apaise en revanche en écoutant de la musique classique et en jouant à la poupée !

Le chaînon manqué

Au cours d’une scène joyeusement délirante – filmée pourtant avec le plus grand sérieux -, les savants lui implantent un micro-transistor puis lui projettent des images de squelettes de dinosaures pour raviver ses souvenirs (impliquant donc, mais nous ne sommes plus à une aberration près, que les grands sauriens de l’ère secondaire auraient vécu en même temps que les premiers hommes !). Soudain, la caméra entre dans son esprit et nous assistons à une séquence de quatre minutes ininterrompues mettant en scène des dinosaures. Herman Cohen profite d’avoir récupéré des extraits du Monde des animaux d’Irwin Allen (conçus par Willis O’Brien et animés par Ray Harryhausen) pour faire ainsi du remplissage à bas prix. Au détour du casting, nous découvrons Michael Gough en notable hargneux et mécontent qui va faire dégénérer la situation. Le film emprunte tardivement le motif du monstre en liberté, s’inspirant autant de King Kong que de Frankenstein. Le dernier quart d’heure, mouvementé et parfois étonnamment violent (le boucher empalé sur son crochet) rattrape un peu tard les carences de rythme et de péripéties du reste du métrage. En filigrane se pose une question intéressante, mais hélas à peine survolée dans le scénario : faut-il tenter de dompter les êtres sauvages pour les rendre compatibles avec la civilisation, quitte à les dénaturer, ou vaut-il mieux les laisser à leur bestialité première et ne pas les arracher à leur environnement ? En l’état, Trog ne nous convainc que partiellement, baigné dans une musique un peu datée de John Scott, beaucoup moins ample que ses partitions ultérieures pour Greystoke ou King Kong 2. Trog sera le dernier film de Joan Crawford, qui s’éteindra sept ans plus tard.

 

 

© Gilles Penso

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L’HOMME QUI RÉTRÉCIT (2025)

Jean Dujardin et Jan Kounen revisitent le chef d’œuvre de Jack Arnold pour nous offrir un remake palpitant, vertigineux et poétique…

L’HOMME QUI RÉTRÉCIT

 

2025 – FRANCE / BELGIQUE

 

Réalisé par Jan Kounen

 

Avec Jean Dujardin, Marie-Josée Croze, Daphné Richard, Serge Swysen, Salim Talbi, Stéphanie Van Vye

 

THEMA NAINS ET GÉANTS

Ce n’est pas la première fois que Jean Dujardin se diminue à l’écran. Dans Un Homme à la hauteur, il tentait de séduire Virginie Efira du haut de son mètre 36. Mais ici, la donne est différente. Nous sommes face à un chef d’œuvre du cinéma de science-fiction des années 50, coup de maître d’un réalisateur alors au sommet de son art : Jack Arnold, l’homme qui dirigea Tarantula et L’Étrange créature du lac noir. Avant le film original, L’Homme qui rétrécit est déjà un classique de la littérature du genre signé par un maestro incontesté : Richard Matheson. Malgré de nombreux projets annoncés puis annulés au fil des ans, cette aventure fantastique était jusqu’alors passée entre les mailles du filet de l’usine à remakes hollywoodiennes. Et s’il inspira de nombreux films aux styles variés (Chérie j’ai rétréci les gosses et Ant-Man lui doivent beaucoup), personne n’avait encore réussi à se confronter frontalement à ce monument. Bizarrement, c’est la France qui s’y colle, via le réalisateur Jan Kounen, un amoureux du genre dont le style nerveux et exubérant (ceux qui découvrirent son moyen-métrage Vibroboy puis son explosif Doberman s’en souviennent encore) se calma plus tard pour offrir aux spectateurs des œuvres moins provocatrices comme le biopic Coco Chanel & Igor Stravinsky ou la comédie Mon cousin. Autant dire que le projet était risqué et attendu au tournant.

C’est Jean Dujardin qui est à l’initiative du film. Songeant depuis longtemps à entrer dans la peau du héros incarné jadis par Grant Williams, il en touche un mot au producteur Alain Goldman – qui trouve un accord avec Universal pour les droits d’adaptation – et retrouve Jan Kounen qui l’avait dirigé dans 99 francs. Main dans la main avec le scénariste Chris Deslandes, le réalisateur choisit d’ajouter des éléments absents du film, notamment la relation entre le personnage principal et sa fille. Changement d’époque oblige, le phénomène inexpliqué qui provoque la mutation n’est pas d’origine atomique mais à priori environnementale, même si le mystère reste volontairement entier. La mise en scène de Kounen est ici d’autant plus efficace qu’elle reste discrète, y compris dans ses moments les plus virtuoses. Le plan-séquence elliptique qui montre l’épouse et la fille évoluer au fil des jours dans la maison, jusqu’à révéler la taille soudain ridicule qu’a atteint Paul, le père de famille, est par exemple une merveille de minutie qui ne cherche pourtant jamais à être ostentatoire. Le cinéaste procède ainsi par petites touches pour dire d’emblée que notre protagoniste semble plus spectateur qu’acteur de sa vie, qu’une barrière invisible s’est déjà dressée entre lui et sa famille ou ses collègues de travail. Ainsi, lorsqu’il est filmé dans sa voiture en début de métrage, il nous semble presque que c’est le véhicule qui le porte, que lui-même est passif. C’est finalement sa lutte pour la survie, au cœur des enjeux de la seconde moitié du film, qui le repositionnera comme un être actif.

Corps et âme

La caméra restant attachée à Paul et ne le lâchant jamais, L’Homme qui rétrécit se vit alors comme un voyage sensoriel dans lequel le monde ne cesse de changer d’échelle. Ce « survival » s’appuie sur des effets visuels remarquables jouant avec les décors et les perspectives. La fameuse araignée, antagoniste croissante de notre héros, se comporte ici comme un véritable animal, non comme un monstre de film d’horreur, même si ses confrontations avec Dujardin colleront bien des sueurs froides aux arachnophobes. À ces passages obligatoires, le film ajoute des idées nouvelles, belles ou effrayantes, comme les scènes de l’aquarium ou du piège à souris. Dans le rôle-titre, Dujardin est parfait, jamais aussi bon que lorsqu’il reste sobre, s’investissant physiquement dans un rôle pas simple, d’autant que les dialogues se comptent sur les doigts de la main. On pourra émettre quelques réserves sur la voix off qui vient régulièrement – et artificiellement – traduire les états d’âme du protagoniste et sa vision philosophique de la vie et du destin. Cette surcouche narrative – de toute évidence une concession acceptée pour rassurer les investisseurs – nuit un peu à l’immersion du spectateur en altérant la sécheresse qu’un tel récit appelait. En son temps, Blade Runner souffrit du même travers. La seconde réserve est liée à la musique d’Alexandre Desplat, qui en fait sans doute un peu trop. Lorsqu’elle est atonale et atmosphérique, cette bande originale fait mouche, nous plongeant dans un univers troublant où les repères ne cessent de se résorber. Mais quand elle se veut trop lyrique, trop emphatique ou trop héroïque, elle crée une petite distance avec le spectateur. Mais elle dit bien la volonté de Kounen d’approcher son histoire sous un angle avant tout poétique, retrouvant en fin de parcours la verve de Richard Matheson pour un ultime voyage dans l’infiniment petit, qui laisse sombrer corps et âme le héros et le public dans les vertigineux paradoxes des lois de la relativité.

 

© Gilles Penso

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PSYCHOS IN LOVE (1987)

Dans cette étrange comédie romantique horrifique, deux tueurs psychopathes tombent amoureux et décident de poursuivre ensemble leurs méfaits…

PSYCHOS IN LOVE

 

1987 – USA

 

Réalisé par Gorman Bechard

 

Avec Carmine Capobianco, Debi Thibeault, Frank Stewart, Cecelia Wilde, Angela Nicholas, Linda Strouth, Donna Davidge, Ruth Collins, Jerry Rakow, Irma St. Paule

 

THEMA TUEURS I SAGA CHARLES BAND

Tourné en 16 mm pendant huit week-ends au cours de l’été 1986 et emballé avec un budget rachitique de 75 000 dollars, Psychos in Love est le second long-métrage de Gorman Bechard, après le slasher Disconnected. Comme Bechard aime travailler « en famille », il demande à son ami Carmine Capobianco d’en tenir le rôle masculin principal, de co-écrire le scénario avec lui, d’écrire la bande originale et de participer à la création des effets spéciaux. Pour lui donner la réplique, Bechard choisit sa propre fiancée Debi Thibeault. Détournant les codes des comédies romantico-psychanalytiques de Woody Allen, Psychos in Love insère dans sa narration des plans face caméra, en noir et blanc, au cours desquels les deux protagonistes se confessent et commentent l’intrigue. Tout commence donc avec Joe (Capobianco), patron de bar et tueur psychopathe, qui nous raconte ses « exploits ». En début de métrage, nous le voyons assassiner coup sur coup trois jeunes femmes, l’une aux toilettes, l’autre dans la forêt, la dernière dans son lit. Car chaque fois qu’il rencontre une compagne potentielle, l’histoire se termine dans le sang. D’où cette scène de douche qui nous évoque bien sûr Psychose, le découpage et le montage ne se privant pas pour reprendre de nombreux plans d’Hitchcock afin d’appuyer la référence et l’assumer.

Un beau jour, Joe rencontre Kate (Thibeault), une charmante manucure. Le courant passe bien entre eux, d’autant qu’ils partagent les mêmes goûts et la même phobie pour les raisins (un gag récurrent que le scénario déclinera tout au long du film jusqu’à plus soif). Leur relation prend un tour beaucoup plus sérieux lorsque Joe découvre que Kate est aussi une tueuse en série. Elle possède elle-même un beau palmarès de massacres, au fusil, au couteau ou aux ciseaux à ongles. Ces deux-là sont donc faits pour s’entendre. Et tandis qu’une idylle se noue, chacun continue de son côté ses activités morbides. Mais leur vie de couple va-t-elle survivre à ces activités sanglantes à répétition ? Et que se passera-t-il lorsqu’ils croiseront la route de Herman (Frank Stewart), un plombier cannibale qui tue lui aussi à tour de bras dans le voisinage ?

L’amour à mort

Filmé en grande partie dans le propre appartement du réalisateur, Psychos in Love a du mal à cacher la faiblesse de son budget. Mais sa fraîcheur, son originalité et son rythme emportent souvent le morceau. Ce sont surtout les improvisations du couple vedette – et leur indéniable alchimie à l’écran – qui permettent au film de conserver son caractère attractif, même lorsque les gags tombent un peu à plat ou que les péripéties se mettent à patiner. Pour varier les plaisirs, la mise en scène s’amuse parfois à briser le quatrième mur qui sépare l’intrigue des spectateurs : la caméra s’affole, le micro entre dans le champ, Joe met sa main devant l’objectif, s’adresse au public ou peste contre l’équipe des effets spéciaux pendant une séquence particulièrement sanglante. Car Psychos in Love ne se réfrène pas non plus sur le gore, l’inventive Jennifer Aspinall (responsable des maquillages spéciaux bien dégoulinants de Toxic Avenger et Street Trash) s’en donnant à cœur joie avec les maigres moyens mis à sa disposition. Ne sachant visiblement pas comment terminer son film, Gorman Bechard laisse ses deux acteurs en roue libre sur une conversation absurde liée aux raisins (encore !) et enchaîne avec le générique de fin. Séduit par le résultat final, Charles Band distribuera Psychos in Love en vidéo via sa compagnie Empire et embauchera la même équipe pour le beaucoup moins convaincant – pour ne pas dire calamiteux – Galactic Gigolo.

 

© Gilles Penso

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ROBOT HOLOCAUST (1987)

Dans ce nanar futuriste improbable, un petit groupe de rebelles décide d’attaquer l’entité toute puissante qui tyrannise le monde…

ROBOT HOLOCAUST

 

1987 – USA

 

Réalisé par Tim Kincaid

 

Avec Norris Culf, Nadine Hartstein, J. Buzz Von Ornsteiner, Jennifer Delora, Andrew Howarth, Angelika Jager, Michael Downend, Rick Gianasi, George Grey

 

THEMA ROBOTS I FUTUR I SAGA CHARLES BAND

Après un début de carrière dans le cinéma « pour adultes » sous le pseudonyme de Joe Gage, Tim Kincaid amorce au milieu des années 80 sa transition vers le cinéma d’horreur et de science-fiction et signe quelques longs-métrages mal-fichus aussi peu mémorables que Bad Girls Dormitory, L’Hybride infernal, Robot Killer ou Terreur Vaudou. Nous sommes très loin du chef d’œuvre, c’est le moins qu’on puisse dire, mais ces films invraisemblables bricolés avec les moyens du bord seraient presque « respectables » comparés à Robot Holocaust qui, lui, se hisse sans conteste au rang de nanar de haut vol. La musique synthétique affreuse qui court sur le générique de début annonce déjà la couleur – le reste de la bande originale étant emprunté sans vergogne à diverses compositions de Richard Band écrites pour d’autres film, notamment Rayon Laser. Puis une voix off entre en scène, celle d’un narrateur pompeux qui s’apprête à commenter et expliquer tout ce qui se passe dans le film, avec un sérieux tellement papal qu’il contribue déjà beaucoup à l’humour involontaire de Robot Holocaust. Le titre ne tient d’ailleurs guère ses promesses, puisque la guerre entre humains et robots qu’il suggère s’est passée avant que l’intrigue commence. Nous n’en voyons donc que les conséquences.

Le scénario nous apprend que la société s’est effondrée suite au soulèvement de milliards de machines contre l’humanité. Nous sommes donc plongés dans un monde post-apocalyptique à la Mad Max où les hommes, réduits en esclavage, s’affrontent en slip sous les ordres des robots. Un certain « Dark One » – entité mystérieuse et toute puissante – règne en tyran sur la population depuis la station d’énergie où il a élu domicile. Ses bras droits sont le robot Torque (Rick Gianasi) et la super-vilaine Valaria (Angelika Jager) qui ricane en maniant mollement une espèce de martinet. Lorsqu’elle le sert avec suffisamment de loyauté, cette dernière a le droit de profiter de « la machine du plaisir », une cabine enfumée dans laquelle elle s’enferme tandis qu’un couple nu se trémousse à proximité. On ne comprend pas bien le plaisir qu’elle retire d’une telle expérience, mais bon… Pour asseoir son pouvoir, le « Dark One » empoisonne l’air à sa guise, terrorisant la population, sauf quelques humains miraculeusement immunisés. Bientôt, un petit groupe de rebelles dirigé par Neo (Norris Culf) et Deeja (Nadine Hartstein) se forme pour tenter de renverser son règne.

Terminatoc

Toute une faune hétéroclite s’agite dans cette aventure joyeusement absurde bardée de dialogues risibles et de péripéties incohérentes. La forêt abrite ainsi des mutants aux maquillages très approximatifs, des amazones réfugiées dans « la zone féminine » de la forêt, un robot comique à mi-chemin entre C3-PO et l’homme en fer blanc du Magicien d’Oz, un autre robot beaucoup plus agressif qui emprunte une partie de sa morphologie au monde aquatique, des androïdes guerriers aux vagues allures de chevaliers en armure (qui sont censé constituer une armée complète mais dont on ne voit que deux exemplaires), des marionnettes à main déguisées en vers des cavernes anthropophages, la redoutable « bête de la toile » (une espèce de patte velue qui s’agite mécaniquement devant une fausse toile d’araignée), une imitation biomécanique du chestburster d’Alien ou encore la vision insolite d’une tête humaine émergeant péniblement d’un cocon qui palpite. Malgré les efforts du talentueux Ed French, responsable d’une partie des effets spéciaux (notamment ceux liés aux robots), on ne croit évidemment pas une seule seconde à ce monde futuriste fait de bric et de broc, dans lequel les héros n’en finissent plus de traverser les mêmes couloirs, l’épée à la main et le visage grave. Et pourtant, on ne s’ennuie pas une seconde dans ce Robot Holocaust, sans doute parce que sa naïveté et la générosité que Tim Kincaid essaie désespérément d’y injecter malgré son budget anémique finissent par susciter une étrange sympathie.

 

© Gilles Penso

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LA FIANCÉE DE LA JUNGLE (1958)

Soumise à des séances d’hypnose, une jeune femme perturbée découvre que dans une vie antérieure, elle était… un gorille !

THE BRIDE AND THE BEAST

1958 – USA

Réalisé par Adrian Weiss

Avec Charlotte Austin, Lance Fuller, Johnny Roth, William Justine, Jeanne Gerson, Gil Frye, Trustin Howard, Bhogwan Singh, Eve Bent, Steve Calvert, Ray Corrigan

THEMA SINGES

S’il n’est pas réalisé par Ed Wood, ce film parfaitement improbable porte indubitablement sa signature, tant dans son scenario que dans sa fabrication. Au depart, l’homme qui nous offrit les inénarrables Plan 9 From Outer Space et La Fiancée du monstre se laisse inspirer par une histoire vraie qui défraie la chronique en 1952 : au cours d’une séance d’hypnose, une certaine Virgina Tighe, femme au foyer du Colorado, découvre sa vie antérieure en tant qu’Irlandaise du 19ème siècle. Il n’en faut pas plus pour que Wood se cale derrière sa machine à écrire et concocte un de ces scénarios invraisemblables dont il a le secret. La mise en scène est confiée à Adrian Weiss, qui signa quelques épisodes de la série Craig Kennedy : criminologue, mais dont ce sera le seul long-métrage. Le gorille mis en scène dans La Fiancée de la jungle (dont le titre provisoire fut Queen Gorilla) est interprété par un habitué du genre, en l’occurrence l’acteur et cascadeur Ray « Crash » Corrigan – qui joue les primates dans une infinité de films tels que Tarzan l’homme singe, La Femme gorille, Nabonga, La Belle et la brute, White Pongo, L’Île inconnue ou Killer Ape. C’est dans La Fiancée de la jungle qu’il endosse la fourrure simiesque pour la dernière fois, ce film marquant la fin de sa carrière et son départ bien mérité à la retraite.

Dan (Lance Fuller), un chasseur de gros gibier, vient de se marier avec la ravissante Laura (Charlotte Austin). Avant leur voyage de noces prévu en Afrique, notre homme l’emmène dans son manoir où il garde en cage Spanky, un gorille qu’il a apprivoisé. Au lieu de défaillir en découvrant la bête, la jeune épouse s’écrie : « Il est magnifique ! » Le singe, lui, s’attendrit lorsqu’il la voit. Une étrange connexion semble s’établir. Mais dès qu’elle n’est plus dans son champ de vision, le primate s’agite excessivement. Au milieu de la nuit, orageuse comme il se doit, le singe finit par s’échapper et pénètre dans la chambre nuptiale. Il renifle Laura, la caresse, soulève sa robe, ce qui ne semble guère inquiéter outre-mesure la jeune femme. Dan n’est pas aussi serein. De peur qu’il ne la viole, notre chasseur se saisit d’un pistolet et abat Spanky. Après cet incident, Laura est troublée par une série de rêves fiévreux qui la transportent dans la jungle. Sous les conseils de son mari, elle se soumet à une hypnose régressive orchestrée par un psychiatre et découvre qu’elle était un gorille dans une vie antérieure !

La Belle ou la Bête ?

Un tel postulat, si loufoque soit-il, laisse imaginer des péripéties rocambolesques et des conséquences fâcheuses dans la vie du couple. Mais le film change brusquement de cap à mi-parcours. Car à partir du moment où Dan et Laura partent visiter l’Afrique, La Fiancée de la jungle est constitué à 60% d’images d’archives empruntées à un autre film, en l’occurrence Le Mangeur d’homme de Bryon Haskin (1948). Nous voilà donc dans une espèce de safari pétri de clichés colonialistes où nos héros sont filmés en train de regarder toutes sortes d’animaux hors-champ, lesquels sont artificiellement intégrés dans le montage. Autant dire que la seconde moitié du film n’est d’un intérêt que très limité, d’autant que le scénario oublie alors totalement les péripéties initiales. Ce n’est qu’à quelques minutes de la fin, alors qu’il faut bien conclure cette histoire, que l’argument de la vie antérieure ressort brusquement. Car voilà soudain un gorille tout excité qui pénètre dans le campement des héros, kidnappe une Laura consentante et l’emmène au fin fond de la jungle, sous le regard impuissant du fier chasseur ! Au milieu de ce fatras fait de bric et de brox, Ed Wood parvient tout de même à glisser les grandes tirades philosophico-scientifico-psychologiques dont il raffole tant, ainsi qu’une allusion appuyée à ses vêtements préférés : les chandails féminins en angora. On ne se se refait pas.

 

© Gilles Penso

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PLEASURE PLANET (1986)

Quatre filles membre d’un groupe de rock et leur manager s’égarent dans l’espace et atterrissent sur une planète désertique…

VICIOUS LIPS

 

1986 – USA

 

Réalisé par Albert Pyun

 

Avec Dru-Anne Perry, Gina Calabrese, Linda Kerridge, Shayne Farris, Anthony Kentz, Christian Andrews, Mary-Anne Graves, Jeff Yesko, Eric Bartsch

 

THEMA FUTUR I SPACE OPERA I SAGA CHARLES BAND

En 1982, le réalisateur débutant Albert Pyun crée un petit événement avec son premier film, L’Épée sauvage, un habile plongeon dans l’heroic-fantasy motivé par le succès de Conan le barbare, qui fait fi de son maigre budget pour offrir aux spectateurs un spectacle généreux et décomplexé. Sur sa lancée, Pyun enchaîne avec la comédie de science-fiction Radioactive Dream (Le Dernier missile en VF) et commence à laisser émerger sa personnalité, celle d’un trublion féru d’expériences cinématographiques insolites et bizarres. C’est exactement dans cet état d’esprit qu’il aborde Pleasure Planet. « Je voulais réaliser un petit film dont l’action se déroulerait principalement dans un seul lieu », raconte-t-il. « Je connaissais quelques décors inutilisés et j’ai convaincu les acteurs et l’équipe technique de participer pour peu ou pas d’argent. Tout s’est mis en place du jour au lendemain. À l’origine, le groupe de filles The Bangles devait en tenir la vedette, mais nous n’avons pas pu obtenir les droits musicaux, alors nous avons créé notre propre groupe. » (1) Avec à sa disposition un budget très raisonnable de 100 000 dollars et un planning serré de sept jours de tournage, Pyun s’installe avec son équipe dans les célèbres studios Laird International de Culver City (où fut notamment tourné E.T. l’extra-terrestre) et démarre les prises de vues de ce qui va s’avérer être un véritable OVNI filmique.

Dans un futur lointain, les Vicious Lips, groupe de glam rock entièrement féminin, rêvent de gloire interstellaire. Mais leur avenir bascule quand leur chanteuse vedette, Ace Lucas, meurt accidentellement, renversée par une voiture au moment où elle s’apprêtait à quitter le groupe. Déterminé à ne pas laisser tomber, leur manager Matty Asher déniche en urgence une remplaçante lors d’un concours de talents dans un lycée : Judy Jetson. Pour sauver la tournée, il lui donne le même nom que celle qu’elle remplace et la présente au reste du groupe : la bassiste Bree, la claviériste et batteuse Wynzi et la guitariste Mandaa. Alors que les Vicious Lips peinent à relancer leur carrière dans un bar miteux du nom de Spaceport Lounge, Matty reçoit un appel de Maxine Mortogo, une puissante promotrice musicale. Elle leur offre une chance inespérée : remplacer un groupe récemment disparu dans un accident et se produire dans son club légendaire, le Maxine’s Radioactive Dream. Le concert pourrait propulser les Vicious Lips au rang de stars galactiques. Seul problème : le club se trouve à l’autre bout de la galaxie, et le groupe n’a aucun moyen de transport. Matty vole alors un vaisseau spatial et embarque les filles pour un voyage périlleux à travers l’espace. Mais la route vers la célébrité est semée d’embûches : des astéroïdes les forcent à atterrir sur une planète désertique inconnue, et le vaisseau qu’ils ont dérobé cache un passager inattendu : un mutant vénusien prêt à semer le chaos…

Quatre filles dans le vent

On sent que le film déploie tout ce qu’il peut pour être culte : musique rock eighties, montage syncopé, looks invraisemblables, humour déjanté, créatures bizarres, un peu comme si Pleasure Planet tentait le mixage invraisemblable de Spinal Tap et de Barbarella. Le film est régulièrement ponctué de chansons, celles du groupe et celles qui font office de transitions narratives, et se montre généreux en mutants difformes. Greg Cannom (Dracula), John Carl Buechler (Re-Animator) et les frères Chiodo (Critters) mettent les mains à la pâte, nous concoctant notamment une prostituée à trois seins qui annonce l’un des personnages emblématiques de Total Recall, un présentateur à tête d’éléphant/hippopotame ou ce fameux vénusien velu aux dents pointues – réminiscence des lycanthropes du Loup-Garou de Londres et de Hurlements. La plupart des autres effets spéciaux – notamment les scènes spatiales – sont empruntés à d’autres films piochés dans le catalogue de Roger Corman, avec lequel Albert Pyun est familier. Ce patchwork d’idées est très sympathique mais ne mène nulle part. Les filles semblent jouer dans un état second, Anthony Kentz campe un manager surexcité insupportable et l’intrigue patine péniblement, jusqu’à se muer en train fantôme incompréhensible peuplé de ghoules hystériques et s’achever sur une espèce de twist absurde. Résultat des courses : Pleasure Planet n’aura pas du tout l’impact escompté et sombrera tranquillement dans l’oubli.

 

(1) Extrait d’une interview parue dans Empire of the B’s en 2014

 

© Gilles Penso

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CHASSEUR DE SORCIÈRES (1994)

Dennis Hopper entre dans la peau d’un détective privé sur le point d’affronter des forces occultes et des obstacles surnaturels…

WITCH HUNT

 

1994 – USA

 

Réalisé par Paul Schrader

 

Avec Dennis Hopper, Penelope Ann Miller, Eric Bogosian, Sheryl Lee Ralph, Julian Sand, Valerie Mahaffey, John Epperson, Debi Mazar, Alan Rosenberg

 

THEMA SORCELLERIE ET MAGIE I LOVECRAFT

Paul Schrader, scénariste et réalisateur au caractère bien trempé (Taxi Driver, American Gigolo, Affliction), n’est pas l’homme qu’on attendrait derrière un téléfilm HBO de fantasy urbaine. Et pourtant, c’est bien lui qui s’attelle à Chasseur de sorcières, suite tardive de Détective Philip Lovecraft (1991) dont il reprend les grandes lignes – sur un scénario toujours signé Joseph Dougherty – sans parvenir à en transcender les limites. Le film se déroule dans un Los Angeles alternatif des années 1950, où la sorcellerie est légale et pratiquée comme une science ou un art. Studios de cinéma, vedettes, producteurs, tout le gratin hollywoodien use de sortilèges de manière répétée et quotidienne. Howard Philip Lovecraft (cette fois-ci incarné par Dennis Hopper, prenant la relève de Fred Ward), détective privé réfractaire à la magie, est embauché par Kim Hudson (Penelope Ann Miller), star de cinéma sur le déclin, pour enquêter sur son mari, un producteur influent nommé N.J. Gottlieb (Alan Rosenberg) qui menace de la remplacer dans son prochain film. Lors de ses investigations, Lovecraft croise la route d’Hypolita Laveau Kropotkin (Sheryl Lee Ralph), une sorcière vaudou aux pratiques pour le moins étranges. Ensemble, ils pénètrent dans les coulisses d’une industrie où les pouvoirs surnaturels remplacent peu à peu les méthodes traditionnelles.

L’affaire prend une tournure étrange lorsque Gottlieb, victime d’un maléfice, se retrouve réduit à la taille d’une poupée et meurt dévoré par son propre chien. Le drame fait les choux gras d’un sénateur populiste et autoritaire, Larson Crockett (Eric Bogosian), qui se lance dans une nouvelle croisade : purger les États-Unis de toute sorcellerie. L’allusion à la chasse aux sorcières du maccarthysme est évidente, mais sa transposition littérale dans le contexte de la magie peine à dépasser l’anecdote. Le film tente bien d’établir un parallèle entre les procédés répressifs de l’époque et une traque des pratiquants d’occultisme, mais le propos reste flou. Si Chasseur de sorcières conserve certains des atouts esthétiques de son prédécesseur – des décors rétro-fantastiques, une musique jazzy signée cette fois-ci Angelo Badalamenti (dans la mouvance de ses travaux sur Twin Peaks), l’inévitable voix off désabusée -, la magie n’opère plus vraiment. Le film flirte souvent avec la parodie, sans jamais l’assumer pleinement. Certaines idées, pourtant savoureuses, semblent noyées dans la masse, comme Shakespeare ramené d’entre les morts pour écrire un scénario hollywoodien, un prologue pastiche d’actualités d’époque ou encore des sortilèges vendus comme des produits de grande consommation.

Occasion manquée

Le casting lui-même était pourtant prometteur. Mais Dennis Hopper semble ici peu concerné, récitant sa voix off d’un ton las comme s’il regrettait d’avoir accepté ce job. Penelope Ann Miller entre dans la peau de la femme fatale classique sans y apporter d’éclat particulier (si ce n’est une once de trouble et de mélancolie) et même Julian Sands, pourtant taillé sur mesure pour le rôle du sorcier dandy, nous laisse de marbre. Autre problème majeur, déjà imputable au film précédent : Chasseur de sorcières ne tient pas ses promesses lovecraftiennes. Malgré le nom de son héros, le scénario ne puise jamais dans l’imaginaire des Grands Anciens. Et si le premier opus évoquait vaguement le mythe de Cthulhu sans s’y aventurer franchement, tout rapport avec l’œuvre de Lovecraft est ici abandonné, ce qui rend l’utilisation de son patronyme presque absurde. Paul Schrader étant connu pour son rapport complexe à la religion et nous ayant déjà offert la fascinante relecture d’un classique du fantastique (La Féline), on aurait pu espérer une plongée plus dérangeante dans un monde où la réalité vacille sous l’influence d’entités occultes, mais le réalisateur assure ici le service minimum. Même la charge contre le puritanisme américain, pourtant terrain de prédilection pour Schrader, paraît ici trop édulcorée, comme freinée par les conventions du format télévisuel. Chasseur de sorcières n’est donc ni le Chinatown surnaturel, ni le L.A. Confidential ésotérique que nous aurions pu espérer. Bref, une occasion manquée.

 

© Gilles Penso

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DUNGEON OF DESIRE (1999)

Une photographe et ses deux modèles s’installent dans un château médiéval pour réaliser une série de clichés et se retrouvent propulsées dans le passé…

DUNGEON OF DESIRE

 

1999 – USA

 

Réalisé par Rachel Gordon

 

Avec Susan Featherly, Amber Newman, Regina Russell Banali, Mia Zottoli, Eddie Jay, Burke Morgan, Todd Smith, Venessa Blair, John Stevens, Billy Riverside

 

THEMA VOYAGES DANS LE TEMPS I SAGA CHARLES BAND

Quand ils ne s’aventurent pas dans des récits de science-fiction fantasques (Virtual Encounters, Femalien, Petticoat Planet, Lolita 2000, Veronica 2030), les films de la collection « Surrender Cinema », branche adulte et « coquine » de la société de production Full Moon de Charles Band, versent volontiers dans le conte de fée médiéval généralement couplé au motif du voyage dans le temps. D’où de petites gaudrioles grivoises comme Contes macabres : la reine du château, Hidden Beauties ou encore ce Dungeon of Desire confié à la réalisatrice Rachel Gordon (Lethal Cowboy, Death Run to Istanbul). Comme pour Hidden Beauties, la production de Dungeon of Desire décide de s’installer dans le très photogénique Hollywood Castle de Los Angeles. Perché sur les hauteurs des Hollywood Hills, ce manoir extravagant, érigé en 1974 par un passionné qui rêvait d’habiter son propre château, déploie ses tours crénelées dans un environnement à la fois sauvage et théâtral. Construit comme une fantaisie d’architecte en hommage aux forteresses britanniques, ce site s’offre des intérieurs ornés d’armures et des jardins ponctués de grottes, d’étangs et de sentiers pittoresques. Voilà de quoi bénéficier d’une atmosphère gothique médiévale idéale sans dépenser des fortunes en décor ou en mobilier. Charles Band y retournera plus tard pour Unlucky Charms.

Quel est donc le prétexte scénaristique de Dungeon of Desire ? Comme toujours, il tient à peu de choses. Carrie (Susan Featherly), photographe de charme, et ses deux modèles Vickie et Jill (Amber Newman et Regina Russell Banali) veulent se renouveler, sous peine de ne plus intéresser le magazine Playpen qui les emploie habituellement. Elles se rendent donc dans un château médiéval et y font une série de photos dénudées au milieu des armures et des chandeliers. Dans une pièce isolée qui ressemble à un donjon, les trois jeunes femmes découvrent une sorte d’ancienne ceinture de chasteté. En actionnant la clef dans la serrure, elles provoquent un étrange phénomène lumineux… et se retrouvent soudain propulsées en plein XVème siècle. Les voilà mêlées à un imbroglio d’intrigues amoureuses impliquant la machiavélique reine Aurora (Venessa Blair) et le prince Eric (Eddie Jay) qui doit l’épouser mais qui en aime une autre, en l’occurrence la princesse Gwendolyn (Mia Zottoli). Alors que Carrie et Vicky sont promues demoiselles d’honneur et que Jill se retrouve servante, seul le magicien Marcus (Burke Morgan) semble capable de les aider à retrouver leur époque.

Les visiteuses

Le scénario ne cherche même pas à nous faire croire une seule seconde à cette histoire filiforme, les trois héroïnes ne s’étonnant pas particulièrement face au voyage dans le temps dont elles sont victimes. S’il ponctue les dialogues d’allusions à Vlad l’empaleur, La Fiancée de Frankenstein et La Quatrième dimension, le scénariste C. Courtney Joyner (qui signe comme souvent sous le pseudonyme de Earl Kenton) ne se foule pas particulièrement la rate, bien conscient que ce sont les scènes de fesses qui intéressent le public. Les intrigues à la cour sont donc particulièrement inintéressantes, pour ne pas dire incompréhensibles (Aurora semble être à la fois la tante, la cousine et la fiancée d’Eric, tandis que Gwendolyn n’a manifestement aucun lien de parenté avec la famille royale tout en étant pourtant princesse), ce que n’arrange pas particulièrement une mise en scène désespérément statique. Pour varier un peu les plaisirs, le film recours régulièrement à la magie. Car le mage Marcus, vieux de 500 ans (un quadragénaire aux cheveux blanchis et à la fausse barbichette improbable), s’avère capable d’écrire des messages dans le ciel ou dans le sol (via des trucages d’une naïveté désarmante) ou de créer des potions d’invisibilité (sans recours au moindre effet spécial, les filles invisibles étant entièrement nues et se promenant au milieu de personnages qui ne les voient pas). Une fois le quota de coucheries respecté, le film s’achève sur une fin ouverte vers une suite qui, finalement, ne verra jamais le jour.

 

© Gilles Penso

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TREMORS 6 : A COLD DAY IN HELL (2018)

Décidément, les vers géants sont partout. Après le désert américain, le Mexique et l’Afrique, les voilà qui débarquent en plein cercle Arctique…

TREMORS : A COLD DAY IN HELL

 

2018 – USA

 

Réalisé par Don Michael Paul

 

Avec Michael Gross, Jamie Kennedy, Jay Anstey, Alistair Moulton Black, Paul du Toit, Keeno Lee Hector, Danny Keogh, Greg Kriek, Tanya van Graan, Jamie-Lee Money

 

THEMA INSECTES ET INVERTÉBRÉS I SAGA TREMORS

Pour relancer une saga qui compte déjà plus de vingt-cinq ans de bons et loyaux services, rien de tel qu’un changement de décor. Après avoir fait onduler leurs anneaux sous le soleil écrasant des plaines africaines dans Tremors 5 : Bloodlines, les vers géants migrent cette fois vers les vastes étendues arctiques. Du moins, c’est ce que promet ce sixième opus. Car si l’action est censée se dérouler au Nunavut, dans le grand Nord canadien, les caméras, elles, n’ont jamais quitté l’Afrique du Sud. Initialement, l’équipe envisage pourtant de s’installer dans les montagnes bulgares. Mais un épisode météorologique extrême – l’une des plus violentes tempêtes de neige de l’histoire du pays – bouleverse ce plan initial. Résultat : retour en terrain connu pour le réalisateur Don Michael Paul et ses équipes, déjà derrière la caméra sur l’épisode précédent. Pour justifier un décor peu fourni en neige et en glace, malgré sa localisation sur le cercle Arctique, le scénario invoque le réchauffement climatique. Pas bête.

Endetté jusqu’aux dents auprès du gouvernement, Burt Gummer (l’indéboulonnable Michael Gross) doit tant d’argent au fisc qu’il risque de perdre sa propriété et tous ses biens. Au bout du rouleau, il reçoit un appel du professeur Rita Sims (Tanya van Graan), qui se retrouve confrontée avec de gigantesques Graboïdes en plein Canada. Le chasseur de monstres accepte de se rendre sur place, en compagnie de son fils Travis (Jamie Kennedy). Là, leur avion atterrit en catastrophe suite à une rencontre imprévue avec un « Ass Blaster ». En découvrant la petite équipe de scientifiques installée sur place, Gummer se rend compte qu’un autre groupe, militarisé celui-là, s’est établi à proximité pour un projet américano-canadien top secret. Il ne lui faut pas longtemps pour supposer qu’ils envisagent d’utiliser les Graboïdes comme armes biologiques. Que ces suppositions soient fondées ou non, les monstres rampants et volants n’entendent pas se laisser dompter et ont visiblement décidé de transformer tous les membres de cette expédition canadienne en petit déjeuner.

Canadian Bacon

Visuellement, Tremors 6 met le paquet. Les effets numériques, confiés à la société bulgare Cinemotion (déjà responsable du volet précédent), sont supervisés par Victor Trichkov et tiennent la route. Les séquences d’attaque autour de la station de recherche sont nerveuses, ponctuées de généreux effets pyrotechniques et de destructions en cascade. Côté ambiance, le film conserve la formule gagnante : un savant dosage d’action, de comédie et d’horreur, assorti d’une mécanique de western classique, celle du fort assiégé. Burt et ses alliés doivent tenir coûte que coûte face à un ennemi qui surgit de toutes parts. Dommage que la promesse d’un décor polaire ne soit tenue que lors du prologue. Le décor arctique aurait pu renouveler cette mécanique qui commence inévitablement à sentir le déjà-vu. Sur le plan narratif, le film introduit tout de même deux nouveautés intéressantes. La première est l’apparition de Valerie (Jamie-Lee Money), fille de Val McKee, le héros du tout premier Tremors campé par Kevin Bacon. Ce clin d’œil malin relie directement ce sixième opus aux origines de la saga. La seconde est l’état de santé de Burt. Infecté par un parasite depuis son séjour forcé dans l’estomac d’un Graboïde (dans une scène mémorable de Tremors 3), il doit désormais composer avec une menace plus intime et plus inéluctable. Cette fragilité donne à son personnage, jusque-là quasi indestructible, une dimension dramatique inattendue. Alors certes, Tremors 6 ne révolutionne pas la franchise, mais il en perpétue l’esprit. C’est une série B honnête, rythmée et suffisamment généreuse pour satisfaire les amateurs des grands monstres invertébrés.

 

© Gilles Penso

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TRANSMUTATIONS (1985)

La première adaptation à l’écran d’un récit de Clive Barker mélange en vrac un savant fou, un détective privé, des gangsters et des créatures difformes…

UNDERWORLD / TRANSMUTATIONS

 

1985 – GB

 

Réalisé par George Pavlou

 

Avec Larry Lamb, Denholm Elliott, Steven Berkoff, Nicola Cowper, Irina Brook, Art Malik, Brian Croucher, Ingrid Pitt, Trevor Thomas, Clive Panto, Sean Chapman

 

THEMA MUTATIONS I SAGA CHARLES BAND

C’est grâce au succès critique de ses Livres de sang que Clive Barker attire l’attention du réalisateur George Pavlou, alors en quête d’un sujet pour son premier long-métrage. « J’ai rencontré George lors d’un dîner », se souvient l’écrivain. « Nous n’avons parlé que de cinéma. Il voulait réaliser des films et moi, j’avais envie d’écrire des scénarios. Cela semblait être une combinaison parfaite, car nous pouvions apprendre les ficelles du métier ensemble, avec pour objectif de former un duo. J’ai donc proposé d’écrire un film d’horreur opposant des gangsters à des mutants. » (1) Barker rédige alors un traitement original de sept pages et le confie à Pavlou, qui le présente à la compagnie Green Man Productions, réputée pour soutenir les talents émergents. L’auteur, pas spécialement attiré par les slashers classiques, espère avec Transmutations s’orienter vers un style proche du film noir, mêlant des malfrats et des créatures monstrueuses dans un univers sombre et stylisé. Mais l’aventure n’est pas aussi idyllique que prévu. Issus de l’industrie musicale et surtout habitués aux vidéoclips, les producteurs se montrent en effet mal à l’aise face à la violence et à l’atmosphère oppressante du script. Transformé en thriller policier teinté de science-fiction, Transmutations finit par s’éloigner du concept initial. « Il y avait clairement un malentendu sur le sujet du film : ils m’ont dit qu’ils voulaient un film d’horreur, puis ils en ont retiré tout l’horreur ! » (2) raconte amèrement Barker.

En tête d’affiche, Larry Lamb incarne Roy Bain, un ancien truand retiré des affaires qui est rappelé par son ancien employeur, le caïd Hugo Motherskille (Steven Berkoff), pour une dernière mission. Le voilà chargé de retrouver l’évanescente Nicole (Nicola Cowper), une prostituée de luxe qu’il connaît bien et qui vient de se faire kidnapper par un groupe d’individus inconnus. Sur les lieux de l’enlèvement, Roy découvre un mystérieux flacon qui le mène droit au docteur Savary (Denholm Elliott), un savant fou dont les expériences ont dépassé toute limite. Car le biochimiste exalté a mis au point une drogue capable de transformer ses victimes en mutants hideux, condamnés à se cacher dans les souterrains londoniens (d’où le titre original Underworld). Le seul espoir de ces cobayes difformes pour obtenir un potentiel antidote réside dans l’enlèvement de Nicole, qui semble étrangement immunisée à ce terrible poison. La quête de Roy prend donc une tournure beaucoup plus complexe que ce qu’il imaginait… A l’époque de la sortie du film, George Pavlou revendique parmi ses influences les films de Joe Dante, Steven Spielberg, Dario Argento ou David Cronenberg. Excusez du peu ! Mais le résultat, s’il conserve une certaine singularité, n’a pas du tout l’ampleur espérée.

Les mutants toxicomanes

Il faut avouer que le réalisateur soigne sa mise en forme en se laissant fortement inspirer par l’esthétique des clips des années 80 : éclairages au néon, musique synthétique new wave, rythme parfois syncopé… Les marginaux monstrueux réfugiés sous terre semblent préfigurer le monde parallèle de Cabal, que Barker portera lui-même plus tard à l’écran. Le concept de base – des toxicomanes dont les fantasmes se matérialisent physiquement – offrait des possibilités intéressantes. Un drogué rêvant d’être un arbre se muait par exemple en créature végétale. Mais les producteurs, craignant que le public ne suive pas et que le budget nécessaire soit trop élevé, préfèrent limiter les transformations à des anomalies faciales qui évoquent les personnages contrefaits de Doomwatch. Si plusieurs seconds rôles prestigieux émaillent ce premier long-métrage, notamment Denholm Elliott (Les Aventuriers de l’arche perdue), Ingrid Pitt (Wicker Man) et Steven Berkoff (Orange mécanique), ces derniers se contentent de jouer « en roue libre » sans trop savoir ce qu’on attend d’eux. Le film se conclut sur un final explosif digne de Scanners, où Pavlou laisse enfin libre cours à ses penchants pour l’excès visuel, mais le potentiel initial du film n’est clairement pas exploité à sa pleine mesure. Après une brève exploitation en salles au Royaume-Uni, Underworld connaît une sortie américaine limitée en 1986 via Empire Pictures (sous son nouveau titre de Transmutations), avant d’être distribué deux ans plus tard en VHS chez Vestron Video. Barker et Pavlou feront à nouveau équipe sur Rawhead Rex, avant que l’écrivain décide de passer lui-même à la mise en scène pour nous offrir Hellraiser.

 

(1) et (2) Extraits d’une interview parue dans Cinefantastique en 1987

 

© Gilles Penso

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