DECADENT EVIL (2005)

Un chasseur de vampires affronte la redoutable Morella, capable de transformer les humains en créatures miniatures…

DECADENT EVIL

 

2005 – USA

 

Réalisé par Charles Band

 

Avec Debra Mayer, Jill Michelle, Phil Fondacaro, Raelyn Hennessee, Daniel Lennox, Roger Toussaint, April Gilbert, John F. Schaeffer, Harmony Rose, Jessie K. Walters

 

THEMA VAMPIRES I SAGA CHARLES BAND

Soucieux de renouveler son catalogue en perte de vitesse et de retrouver un peu de sa gloire d’antan, le producteur Charles Band décide en 2005 de réunir les ingrédients de plusieurs de ses films précédents. Les vampires et les poupées ayant généreusement alimenté deux de ses franchises les plus fructueuses – Subspecies et Puppet Master -, pourquoi ne pas les fusionner au sein d’un film qu’il réaliserait lui-même ? Reprenant l’idée d’un club de strip-tease abritant des suceuses de sang (déjà exploité dans Cryptz), sollicitant l’un de ses acteurs fétiches Phil Fondacaro (Ghoulies 2, Dollman vs. Demonic Toys, Meridian, The Creeps, Blood Dolls, Sideshow) et saupoudrant le tout d’une bonne dose d’érotisme déviant, Band pense avoir trouvé la formule idéale. Ainsi naît Decadent Evil, premier d’une série de petits films fantastiques présentés sous le label Wizard Video. Pas question pour autant de dépenser le moindre centime superflu. Band joue donc la carte de l’économie, bouclant son tournage en six jours dans un nombre limité de décors et recyclant des images issues de son propre fonds. Les dix premières minutes de Decadent Evil sont donc un remontage de Journal intime d’un vampire. Cette version accélérée du film de Ted Nicolaou, au cours de laquelle les vampires Ash et Zachary s’affrontent pour les beaux yeux d’une pianiste, fait ainsi office de prologue.

Cette méthode de « reconditionnement » permet à Decadent Evil de prendre les allures d’une sorte de spin-off bizarre de Journal intime d’un vampire. La voix off nous apprend qu’Ash a contaminé plusieurs personnes avant de trépasser. Or Morella (Debra Mayer), qu’il mua jadis en créature de la nuit, décide de devenir le vampire le plus puissant de tous les temps en buvant le sang de sa dix-millième victime. Ses pouvoirs déjà immenses lui permettent de transformer les humains en homuncules monstrueux, sortes de créatures primitives mi-hommes mi-reptiles. C’est dans cet état qu’elle conserve au fond d’une cage Marvin, l’un de ses anciens amants. Les deux jeunes femmes aux canines pointues qui vivent avec Morella dans son grand manoir, Spyce (Raelyn Hennessee) et Sugar (Jill Michelle), travaillent dans un club de strip-tease où elles rabattent de nombreuses victimes. Mais les choses se compliquent dans la mesure où Sugar est tombée amoureuse d’un mortel à qui elle n’ose dire son secret. C’est là qu’intervient Ivan (Phil Fondacaro), un chasseur de vampires bien décidé à mettre Morella hors d’état de nuire…

Cherchez la petite bête

Sorte de variante dégénérée des petits monstres de Ghoulies, enfant illégitime des jouets mortels de Puppet Master et des minions de Subspecies, Marvin aurait dû être l’attraction principale de ce film de vampires à l’intrigue par ailleurs très classique. Mais cette créature conçue par Christopher Bergschneider (qui lui prête aussi sa voix) ressemble à l’écran à ce qu’elle est, c’est-à-dire une marionnette en plastique animée de manière très sommaire, et n’a finalement pas grand-chose à faire sinon gémir derrière ses barreaux. Ce qui ne l’empêche pas d’intervenir dans les deux scènes les plus délirantes de Decadent Evil : celle où elle rampe sur le corps d’une femme à moitié nue, attachée dans un lit, et l’impensable plan final du film qui dépasse toutes les audaces (nous donnant presque un avant-goût de ce que Trey Parker osera dans Team America). « Visiblement, Charles Band a un penchant personnel pour les monstres minuscules », commente Bergschneider. « Mais qui suis-je pour refuser l’opportunité de voir mes designs se transformer en jouets et en produits dérivés ? » (1) Car Marvin, comme les Puppet Masters et les Demonic Toys, sera commercialisé sous forme de poupée collector après la distribution du film. Comme toujours chez Band, rien ne se perd, tout se recycle. Le film réutilise d’ailleurs plusieurs plans aériens « empruntés » à Shrunken Heads pour rallonger un peu la sauce, ce qui lui permet tout juste de dépasser la durée de 65 minutes.

 

(1) Propos extraits du livre « It Came From the Video Aisle ! » (2017)

 

© Gilles Penso

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FRANKENSTEIN CONTRE LE MONSTRE DE L’ESPACE (1965)

Après avoir été sérieusement endommagé, un astronaute robot se transforme en tueur sanguinaire et affronte un monstre velu venu de l’espace…

FRANKENSTEIN MEETS THE SPACE MONSTER

 

1965 – USA

 

Réalisé par Robert Gaffney

 

Avec Marilyn Hanold, James Karen, Lou Cutell, Robert Reilly, Nancy Marshall, David Kerman, Robert Alan Browne, Robert Fields, Bruce Glover, Joe King

 

THEMA EXTRA-TERRESTRES I ROBOTS

Malgré son titre, cette série B de science-fiction complètement délirante n’a pas grand-chose à voir avec le classique de Mary Shelley. La toute première version du scénario, co-écrite par les étudiants R.H.W. Dillard, George Garrett et John Rodenbeck, puisait pourtant un peu – quoique de manière lointaine – dans le mythe de Frankenstein. Envisagé comme une parodie du cinéma d’horreur et de SF, ce script mettait en vedette un astronaute robot fabriqué avec différentes parties de corps humain assemblées les unes avec les autres. Ses jambes, par exemple, étaient celles d’un ancien danseur de claquettes. L’un des gags récurrents voulait que cette créature se mette à danser de manière incontrôlable dès qu’elle entendait la chanson « Sweet Georgia Brown » ! Les producteurs qui découvrent ce scénario apprécient son concept mais n’ont nullement l’intention de se lancer dans une comédie. Selon eux, Frankenstein contre le monstre de l’espace doit être un film au premier degré. Voilà qui explique en partie le caractère parfaitement invraisemblable du résultat final. Le fait que le budget mis à la disposition du réalisateur Robert Gaffney soit ridiculement faible n’arrange évidemment pas les choses.

Des extraterrestres dont la planète est ravagée par une guerre nucléaire détruisent plusieurs sondes spatiales terriennes, pensant qu’il s’agit de missiles envoyés pour les anéantir. Leur dirigeante est une princesse autoritaire aux allures de Cléopâtre d’opérette (Marilyn Hanold), conseillée par un vil assistant nommé Nadir (Lou Cutell). Chauve, blafard, les oreilles pointues, ce dernier passe son temps à grimacer et à ricaner. La dernière fusée qu’ils détruisent est pilotée par le colonel Frank Sanders (Robert Reilly), un androïde semblable à un être humain qui se crashe à Porto Rico. Lors d’une échauffourée avec les soldats extra-terrestres, Sanders est gravement endommagé et devient fou, massacrant tous ceux qui croisent sa route sur l’île. Tandis que le docteur Adam Steele (James Karen), créateur du robot, et son assistante Karen Grant (Nancy Marshall) se mettent sur sa trace pour le réparer, les aliens se lancent dans une mission de la plus haute importance : kidnapper autant de Terriennes que possible afin qu’elles puissent s’accoupler avec les mâles de leur planète pour aider à la repeupler !

Robot Monster

Frankenstein contre le monstre de l’espace ne recule devant aucun dialogue pseudo-scientifique (« Nous continuons de capter des signaux à modulation de fréquences hydrogénées de 21 centimètres, Princesse ») ou exagérément emphatique (« La science, associé à l’armée, peut faire des miracles ! »). D’apparence d’abord humaine, l’astronaute robot perd de sa superbe après avoir essuyé un tir nourri de l’ennemi extra-terrestre. La moitié de son visage prend alors les allures d’une bouillie de latex avec des transistors apparents. Les amateurs de nanardises old school sont donc déjà aux anges. Mais l’attraction vedette du film est le monstre Mull, avec son corps de gorille aux longs poils qui pendouillent, ses mains griffues, sa tête en caoutchouc, ses gros yeux globuleux, ses dents pointues, ses longues oreilles et ses deux jolies petites antennes. Notons que la bête est incarnée par Bruce Glover, père de l’acteur Crispin Glover (George McFly dans Retour vers le futur). Le combat que nous promet le titre du film ne dure hélas que quelques minutes, le reste du métrage étant empli avec des péripéties ennuyeuses, rythmées par du rock’n roll des années 60 totalement hors sujet, et des tonnes d’images d’archives récupérées dans les fonds de la NASA et de l’armée de l’air dans l’espoir de donner un peu d’ampleur à cette impensable « épopée » digne de Ed Wood.

 

© Gilles Penso

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LA MALÉDICTION CÉLESTE (1987)

Cette adaptation de La Couleur tombée du ciel de Lovecraft montre les effets d’une contamination monstrueuse dans une ferme du Tennessee…

THE CURSE

1987 – USA / ITALIE

Réalisé par David Keith

Avec Will Wheaton, Claude Akins, Malcolm Danare, Cooper Huckabee, John Schneider, Amy Wheaton, Steve Carlisle, Kathleen Jordon Gregory, Hope North

THEMA MUTATIONS

 

Un peu plus de vingt ans après Le Messager du diable, première adaptation cinématographique officielle de la nouvelle La Couleur tombée du ciel d’H.P. Lovecraft, le producteur Ovidio G. Assonitis (Le Démon aux tripes, Tentacules, Piranhas 2) décide d’en initier une nouvelle version. Au vu du passif de notre homme, clairement porté sur les séries B au niveau qualitatif très discutable, on se doute qu’il ne s’agira pas d’un long-métrage destiné à marquer les mémoires. Étrangement, le roi du gore poétique Lucio Fulci, qui fut lui-même largement influencé par Lovecraft (Frayeurs, La Maison près du cimetière, L’Au-delà), participe au film en tant que producteur associé (crédité ici sous le nom francisé de Louis Fulci). Il aurait également assuré la réalisation de deuxième équipe et la supervision des effets optiques sans en être crédité. Le nom de Lovecraft n’apparaît pas non plus au générique, ce qui peut surprendre dans la mesure où le scénariste David Chaskin (La Revanche de Freddy, Lectures diaboliques) s’y réfère directement. Annoncé sous le titre The Well (« Le puits »), tourné sous celui de The Farm (« La Ferme ») et finalement baptisé The Curse (« La malédiction »), le film est mis en scène par David Keith, un acteur à la carrière prolifique mais discrète qui fait ici ses débuts derrière la caméra.

Transposée au milieu des années 80, l’histoire reprend les grandes lignes de celle du texte original. Nathan Crane (Claude Akins), un fermier autoritaire et très religieux, est le père d’un grand dadais à la bêtise congénitale (Malcolm Danare) qui l’aide aux champs. En épousant Frances (Kathleen Jordon Gregory), il a recueilli ses enfants Zach (Will Wheaton) et Alice (Amy Wheaton), qui vivent sous son emprise. Cette famille recomposée repose sur un équilibre très instable, que vient troubler un promoteur immobilier aux dents longues (Steve Carlisle) qui se pavane dans sa Cadillac rutilante et cherche à acquérir la terre de Crane. Frances, de son côté, souffre d’une irrépressible frustration sexuelle. Chaque fois qu’elle tente une approche dans le lit conjugal, Nathan se renfrogne en déclamant des versets de la bible, tels que « abstenez-vous des convoitises charnelles qui font la guerre à l’âme. » En désespoir de cause, elle se jette dans les bras de l’homme à tout faire de la ferme, un grand type trapu et velu qui la fait monter au septième ciel. Au cours d’une nuit d’adultère, alors qu’un terrible orage frappe les cieux, un objet lumineux non identifié s’écrase sur le terrain des Crane. Un liquide étrange en suinte et pénètre la terre. Une terrible contamination commence alors…

Le malheur est dans le pré

Les effets néfastes de cette substance venue d’ailleurs ne se révèlent que progressivement, conformément à la prose de Lovecraft. Les fruits et légumes se gorgent de liquides poisseux et nauséabonds, les pommes sont infestées de vers grouillants, les chevaux et les poules deviennent agressifs, les vaches se couvrent de plaies purulentes dans lesquelles rampent des insectes qui jaillissent au visage des fermiers… Les effets gore sollicités par le film ne reculent devant aucun excès, Chris Walas (La Mouche) prenant en charge les métamorphoses. Car les humains n’échappent évidemment pas à la contagion. Aveuglé comme toujours par sa foi, Nathan est persuadé que Dieu punit leurs péchés. Le titre français sous lequel le film fut exploité en VHS en France, La Malédiction céleste, peut donc s’interpréter de deux manières complémentaires : le mal venu de l’espace et la punition divine. C’est finalement une très honnête série B que nous concoctent David Keith et ses producteurs, Claude Akins (Ouragan sur le Caine, Rio Bravo) dominant le casting de manière fort impressionnante. Pour le jeune Will Wheaton, qui a 14 ans à l’époque et joue ici aux côtés de sa sœur cadette Amy, le tournage de The Curse reste un très mauvais souvenir. « Nous avons été maltraités quotidiennement », racontera-t-il des décennies plus tard. « La production n’a respecté aucune loi sur le travail. Ils nous faisaient travailler douze heures par jour, sans pause, cinq jours par semaine. J’étais épuisé tout le temps. Je me sentais si peu soutenu que je n’en ai parlé à personne. Je savais que mon père ne me croirait pas et que ma mère m’en voudrait. » (1) Échec au box-office, The Curse servira bizarrement de point de départ à une fausse franchise réutilisant son titre pour d’autres films n’ayant pourtant aucun rapport les uns avec les autres : Curse II : The Bite (La Morsure de Federico Prosperi, 1989), Curse III : Blood Sacrifice (Panga, le sorcier de Sean Barton, 1991) et Curse IV : The Ultimate Sacrifice (Catacombs, les couloirs de l’enfer, David Schmoeller, 1988).

 

(1) Extrait d’un article écrit par Will Wheaton en août 2022

 

© Gilles Penso

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VAMPYR, OU L’ÉTRANGE AVENTURE DE DAVID GRAY (1932)

Alors qu’il se promène dans un village au milieu de la campagne, un étudiant se retrouve confronté à une créature assoiffée de sang…

VAMPYR

 

1932 – ALLEMAGNE

 

Réalisé par Carl Theodor Dreyer

 

Avec Julian West, Henriette Gérard, Sibylle Schmitz, Rena Mandel, Jan Hieronimko, Albert Bras

 

THEMA VAMPIRES

Pour son premier long-métrage parlant, le cinéaste danois Carl Dreyer décide de s’attaquer au thème du vampirisme en adaptant très librement deux nouvelles de Sheridan Le Fanu issues du recueil Les Créatures du miroir : Carmilla et L’Auberge du dragon volant. En réalité, la prose originale n’a plus grand-chose à voir avec le scénario de Vampyr (une orthographe étrange qui serait due à une erreur du distributeur) puisque Dreyer invente quasiment toutes les péripéties du film. Le baron Nicolas de Gunzburg, membre de la noblesse russe né en France, accepte de financer Vampyr en échange du rôle principal qu’il endossera sous le pseudonyme de Julian West. L’homme n’a aucune expérience de la comédie, mais Dreyer n’y voit aucun inconvénient dans la mesure où il aime faire travailler des acteurs amateurs. Du reste, à l’exception de deux personnages, la totalité des rôles du film sont tenus par des gens qui n’ont jamais joué dans un film. Tourné simultanément en version allemande, anglaise et française, Vampyr n’utilise aucun décor en studio. Tous les sites qui apparaissent à l’écran sont naturels, captés dans la campagne française et dans un château qui servira aussi d’hébergement pour l’équipe du film. Dreyer s’adjoint les services du directeur de la photographie Rudolph Maté (futur réalisateur du Choc des mondes) qui, suite à une erreur, filme les premières bobines avec un voile qui opacifie l’image et diffuse exagérément les lumières. Surpris, le réalisateur aime tellement cet « accident » heureux qu’il décide d’en faire le parti pris visuel de l’ensemble du film.

L’étudiant Allan Gray (devenu David Gray dans la version française) nous est présenté comme un jeune homme oisif au tempérament fantasque qui s’intéresse de près à la sorcellerie, au surnaturel et aux mythes. Rêveur, il erre un soir sans but, comme à son habitude, et se retrouve dans une auberge isolée le long du fleuve du hameau de Courtempierre. L’ambiance y est pesante et sinistre, les gens y adoptent un comportement étrange, mais il décide d’y passer la nuit. Alors qu’il est plongé dans le sommeil, un inconnu pénètre dans sa chambre et lui délivre un message énigmatique (« elle n’a pas le droit de mourir ») avant de repartir et de lui laisser un paquet sur lequel il écrit : « à ouvrir après ma mort ». Au matin, Gray se promène dans la campagne avoisinante et se retrouve dans le château qu’habite l’homme mystérieux avec ses deux filles et quelques domestiques. Soudain, un coup de fusil tonne, un corps tombe au sol. Et le vampire entre en scène…

Un cauchemar éveillé

À cheval entre deux époques, Vampyr emprunte beaucoup de dispositifs au cinéma muet (notamment via l’usage d’intertitres et de séquences sans dialogues) tout en révélant une étonnante modernité de mise en scène, avec ses usages audacieux du montage parallèle et sa caméra sans cesse en mouvement. En rupture à la fois avec le cinéma expressionniste allemand et avec le cycle des Universal Monsters entamé par Dracula et Frankenstein, le film de Dreyer se situe dans une zone stylistique très singulière lui donnant les allures d’un cauchemar éveillé. Très tôt, l’image en contre-jour d’un homme portant une faux et sonnant une cloche (un tocsin ?) face à une étendue aquatique aux allures de Styx donne le ton. Vampyr regorge de visions de cet acabit (l’apparition d’un homme au visage difforme, l’ombre d’un jardinier qui se déplace à l’envers, celle d’un cul-de-jatte qui bouge indépendamment de l’homme auquel elle appartient, un reflet qui semble courir dans l’eau). Dreyer nous plonge ainsi dans une sorte de monde poétique où les portes s’ouvrent seules, où les crânes bougent pour mieux nous regarder, où le récit importe moins que la manière dont il est raconté. Le summum de cette approche poétique est atteint lorsque le corps astral du héros se détache de lui, tandis que la caméra adopte le point de vue de sa dépouille transportée dans son cercueil jusqu’à sa dernière demeure. Tant d’audaces visuelles et d’étrangetés permettront à Vampyr d’accéder au statut d’œuvre culte.

 

© Gilles Penso

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NECRONOMICON (1968)

Jess Franco suit les déambulations d’une jeune femme hantée par des rêves étranges issus peut-être d’une vie antérieure…

NECRONOMICON

 

1968 – ALLEMAGNE / ESPAGNE / PORTUGAL

 

Réalisé par Jess Franco

 

Avec Janine Reynaud, Jack Taylor, Adrian Hoven, Howard Vernon, Nathalie Nort, Michel Lemoine, Pier A. Caminnecci, Americo Coimbra, Lina De Wolf, Eva Brauner

 

THEMA DIABLE ET DÉMONS

Amateurs de H.P. Lovecraft, passez votre chemin. Malgré le titre de ce long-métrage érotico-horrifique, rien ne saurait le rattacher à l’œuvre de l’inventeur du mythe de Cthulhu. Il y a fort à parier que Jess Franco s’est simplement servi du mot « Necronomicon » pour sa sonorité et l’atmosphère lugubre qu’il évoque. Le grimoire maudit brille donc par son absence. Le film est d’ailleurs connu sous d’autres titres sans doute plus proches de son sujet : Les Yeux verts du diable pour l’une de ses distributions sur le territoire français, ou Succubus pour son exploitation américaine et internationale. La première intention de Franco est de tourner son long-métrage en Espagne avec des fonds locaux. Mais la censure ibérique, alors très sévère, refuse de financer le film tel quel et exige une révision complète. Lorsque les Allemands proposent de produire Necronomicon en laissant au cinéaste la bride sur le cou, notre homme n’hésite pas une seconde. L’ex-mannequin Janine Reynaud en tiendra la vedette, aux côtés de Michel Lemoine (qui est à l’époque son époux), de Jack Taylor et d’Howard Vernon (acteur fétiche de Franco). Pour l’anecdote, on note que la garde-robe de l’actrice principale est l’œuvre d’un styliste allemand alors en plein essor : Karl Lagerfeld.

Janine Reynaud incarne Lorna Green, une artiste de cabaret spécialisée dans les reconstitutions de séquences sadomasochistes au cours desquelles elle simule la torture et l’assassinat de captifs ligotés sur des potences, face à un public snob et blasé. Son producteur William Francis Mulligan (Jack Taylor) est aussi son amant, avec lequel elle se livre à toutes sortes de jeux de séduction. Parfois, la belle est assaillie par des rêves étranges au cours desquels elle se voit comtesse dans un château portugais (la tour de Belem à Lisbonne), multipliant les aventures amoureuses et assassinant à l’arme blanche tous ses prétendants (hommes et femmes) comme si elle était en transe, manipulée par un homme étrange au regard émeraude (Michel Lemoine, dont les yeux perçants motivèrent sans doute le titre français du film, comme c’était déjà le cas pour Le Monstre aux yeux verts en 1962). Bientôt, Lorna se retrouve dans l’incapacité de faire la distinction entre la réalité et les rêves…

Rêves cotonneux et strip-teases maniérés

Bien malin serait celui capable de comprendre ce que Jess Franco essaie de nous raconter à travers ce scénario erratique qui enchaîne les scènes de rêves cotonneux, de strip-teases langoureux maniérés, de soirées mondaines décadentes absurdes, le tout saupoudré d’un érotisme bon chic bon genre nimbé de flous artistiques à la David Hamilton. Dans un éclair de sincérité, le cinéaste avouera lui-même ne pas trop savoir de quoi le film parle. Se laissant visiblement porter par une sorte d’écriture automatique, Franco est sous l’influence des surréalistes, d’où une poignée de séquences insolites comme l’intervention de ce vendeur ambulant de harpes d’occasion ou ce pianiste dont les partitions sont des pages de géométrie. Mais il s’imprègne aussi fortement du travail de la Nouvelle Vague française, mentionne dans les dialogues des noms de cinéastes un peu au hasard  (Luis Buñuel, Fritz Lang, Jean-Luc Godard), cligne de l’œil vers les monstres du répertoire classique (la caméra se promène sur des figurines à l’effigie de L’Étrange créature du lac noir, Dracula, Le Fantôme de l’Opéra, Godzilla, le monstre de Frankenstein), concocte des séquences inspirées par Mario Bava (une jeune femme se croit assaillie par des mannequins en plastique), bref part dans tous les sens et nous laisse déconcertés.

 

© Gilles Penso

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CANDYMAN 2 (1995)

Le tueur au crochet et au corps empli d’abeilles est de retour, sévissant désormais en plein carnaval à la Nouvelle Orléans…

CANDYMAN : FAREWELL TO THE FLESH

 

1995 – USA

 

Réalisé par Bill Condon

 

Avec Kelly Rowan, Tony Todd, Veronica Cartwright, Bill Nunn, William O’Leary, Matt Clark, Randy Oglesby, Glen Gomez, Russell Buchanan, Timothy Carhart

 

THEMA DIABLE ET DÉMONS SAGA CANDYMAN

Énorme succès au moment de sa sortie en salles, Candyman ne pouvait pas décemment rester sans suite. Alors que les producteurs couvent déjà d’un œil gourmand la franchise qui pourrait en découler, le réalisateur Bernard Rose imagine d’autres épisodes qui continueraient à explorer la nature des mythes d’horreur urbaine, sans référence au personnage incarné par Tony Todd. Évidemment, le studio ne veut rien entendre. Pas question de réitérer ce que John Carpenter avait tenté avec Halloween 3. Leur croquemitaine doit être la vedette de la saga. Rose révise alors sa copie, sans succès. « La suite que Bernard voulait faire était un prequel où l’on voyait le Candyman et Helen tomber amoureux », raconte l’actrice Virginia Madsen. « Le projet a été refusé parce que le studio ne voulait pas d’une histoire d’amour interraciale. » (1) Exit donc Bernard Rose, qui passe la main à Rand Ravich et Mark Kruger pour l’écriture du scénario. « Ils ont fait du Candyman un esclave, ce qui était terrible parce que ce personnage a été éduqué et élevé comme un homme libre », se plaint Madsen. « Bernard voulait en faire un Dracula afro-américain, ce qui, je pense, a beaucoup plu à la communauté afro-américaine. Candyman était poète et intelligent. Ce n’était pas vraiment un monstre. C’était une sorte de figure classique. » (2) Mais les scénaristes et les producteurs en décident autrement.

C’est Bill Condon qui prend le relais de Bernard Rose. Extrêmement éclectique, ce réalisateur a touché à tout : le drame horrifique (Sister Sister), le biopic (Gods and Monsters), la comédie musicale (Dreamgirls), le conte de fées (La Belle et la Bête), le film de vampires pour ados (Twilight 4 et Twilight 5). Alors pourquoi pas Candyman 2 ? Cette suite se déroule trois ans après les faits dramatiques survenus à Chicago et racontés dans le premier film. À la Nouvelle Orléans, le professeur Philip Purcell (Michael Culkin) donne une conférence sur le mythe de Candyman. Nous y apprenons que Daniel Robitaille, fils d’un esclave, fut lynché par la foule, mutilé et donné en pâture aux abeilles. Mais le pouvoir de celles-ci le ressuscita d’entre les morts. Pour prouver à l’assistance qu’il ne croit pas au mythe, le conférencier prononce cinq fois son nom devant son propre reflet et organise même un bref canular au cours duquel un de ses assistants l’attaque avec un crochet. On soupire, on rit, on se réconforte en se disant que toute cette histoire n’est que le fruit de racontars superstitieux. Évidemment, la suite va nous prouver que non…

Au pays de Candy

Si Tony Todd est toujours aussi impressionnant sous la défroque du croquemitaine, l’héroïne campée par Kelly Rowan (une enseignante qui mène l’enquête après que son frère ait été accusé de meurtre) manque singulièrement de charisme et d’expressivité. Le seul visage familier du casting, au-delà de Todd, est Veronica Cartwright (Les Oiseaux, Alien), qui campe la mère de la jeune femme (et que Bill Condon avait dirigé dans le téléfilm Dead in the Water). Certes, le film profite de l’ambiance du carnaval pour multiplier les images baroques et excessives, tout en jouant le jeu du faux semblant (le vrai monstre se cache parmi les faux), la musique de Philip Glass est toujours aussi envoûtante et l’équipe des décorateurs a fait du bon boulot dans l’ancienne maison de l’héroïne, désormais abandonnée et couverte de peintures sinistres. Mais cette suite ne raconte rien de très intéressant et s’encombre d’une mise en scène qui sacrifie à tous les lieux communs. On ne compte plus le nombre de « jump scares » qui ponctuent le film (un touriste déguisé qui se colle à une vitrine, le petit ami qui entre brutalement dans le champ, un corbeau qui coasse, un SDF qui surgit dans le cadre, une main posée sur une épaule). Nous ne sommes pas loin de la parodie involontaire. Bref, Candyman 2 passe le plus clair de son temps à démontrer son inutilité, exercice dans lequel Candyman 3 excellera tout autant.

 

(1) et (2) Extraits d’une interview publiée dans Horror News Network en décembre 2012

 

© Gilles Penso

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L’ESPION QUI VENAIT DU SURGELÉ (1966)

Mario Bava dirige Vincent Price et des dizaines de robots sexy en bikini dans cette seconde aventure du diabolique docteur Goldfoot…

LE SPIE VENGONO DAL SEMIFREDDO / DR. GOLDFOOT AND THE GIRL BOMBS

                                 

1966 – ITALIE

 

Réalisé par Mario Bava

 

Avec Vincent Price, Fabian, Franco Franchi, Ciccio Ingrassia, Francesco Mulè, Laura Antonelli, Ennio Antonelli, Frankie Avalon, Susan Hart

 

THEMA ROBOTS I ESPIONNAGE ET SCIENCE-FICTION I SUPER-VILAINS

Sans être un triomphe phénoménal, Dr Goldfoot and the Bikini Machine remporta un certain succès populaire, notamment en Europe. L’idée d’une suite germe donc chez les dirigeants d’American International Pictures, qui décident de la produire en Italie pour réduire les coûts et profiter de la vogue européenne dont bénéficie alors le super-vilain incarné par Vincent Price. Pour mettre en scène ce second épisode, le nom de Mario Bava s’impose naturellement, même si son univers semble à priori très éloigné des délires du premier film. Mais A.I.P. a produit plusieurs de ses longs-métrages, le co-producteur Fulvio Lucisano le connaît bien et sa capacité à bricoler des effets spéciaux efficaces avec des budgets réduits semble un atout précieux. Les choses commencent à se compliquer lorsque le producteur James Nicholson sollicite le duo comique Franco Franchi et Ciccio Ingrassia. Très populaires en Italie mais inconnus dans le reste du monde, tous deux viennent de jouer dans Due mafiosi contro Goldginger, une parodie de Goldfinger que le public transalpin a beaucoup aimée. L’idée de Nicholson est donc de leur donner la vedette pour faire d’une pierre deux coups : à la fois une suite de Dr Goldfoot et de Goldginger. Cette idée bizarre va entraîner beaucoup de confusions pendant le tournage, qui vire rapidement au chaos. Les tensions sur le plateau (Vincent Price n’apprécie que moyennement les deux comiques de service, Mario Bava ne s’entend pas du tout avec Laura Antonelli) n’arrangeront rien.

L’Espion qui venait du surgelé (déjà, quel titre !) existe en deux versions : une italienne supervisée par Bava et une américaine qui atténue les scènes des humoristes en redonnant la vedette à Vincent Price et Laura Antonelli. Le générique de la version italienne, dans lequel les deux pitres s’agitent en grimaçant tandis que se trémoussent des jolies filles en bikini (avec de nombreux gros plans insistant sur l’anatomie des demoiselles), aux accents de la chanson « Bang Bang Kissene » vociférée par Franco Franchi, donne très tôt le ton : la finesse ne sera pas au rendez-vous. La version américaine, elle, préfère commencer par un résumé du film précédent, narré par la voix de Vincent Price, extraits à l’appui. Quel que soit le montage qu’on regarde, rien n’explique comment le docteur Goldfoot a survécu après son accident explosif à la fin du premier film. Nous le retrouvons donc en pleine forme, prêt à fomenter de nouveaux plans diaboliques. Plusieurs généraux de l’OTAN sont victimes des inventions du super-vilain. Le modus operandi est toujours le même. Un robot aux allures de playmate en bikini séduit le gradé puis explose pour le réduire à néant (d’où le titre américain : Dr Goldfoot and the Girl Bombs). L’agent Bill Dexter (Fabian), accompagné de deux idiots congénitaux promus espions par erreur (Franco Franchi et Ciccio Ingrassia), vont devoir mener l’enquête. Pendant ce temps, le machiavélique Goldfoot planifie une guerre entre l’Amérique et la Russie pour pouvoir se partager la domination du monde avec la Chine…

Sex Bombs

Comme on pouvait le craindre, les facéties de Franchi et Ingrassia sont pesantes et l’on se perd en conjectures sur la popularité d’humoristes aussi balourds. Les séquences les mettant en vedette multiplient les bagarres en accéléré, les bruitages de dessin animé et les éructations à répétition. D’où une grande scène de poursuite au beau milieu d’une fête foraine, en fin de métrage, où la musique clownesque et les intertitres se réfèrent ouvertement au cinéma muet. Vincent Price lui-même a rarement autant cabotiné. Notre moustachu gothique préféré s’adresse même à la caméra pour vanter la qualité de ses créatures robotiques et nous révéler ses plans. De temps à autres, il nourrit aussi les piranhas qui peuplent sa piscine avec des carcasses de viande ou se déguise en bonne sœur à la voix éraillée. Quelques gags cartoonesques émergent, comme lorsque le robot qui a pris la place de Rosanna (Laura Antonelli), victime d’un court-circuit, se met à s’agiter frénétiquement avant de s’écrouler en pièces détachées. On apprécie aussi les effets spéciaux poétiques sollicités pour montrer l’évasion des héros à bord d’une montgolfière (dans l’esprit de ce que fit Ray Harryhausen quelques années plus tôt dans L’Île mystérieuse), avec en prime l’apparition d’anges dans le ciel (dont Mario Bava, grattant sur une harpe !) et d’un avion de l’U.S. Air Force, puis le largage d’une bombe chevauchée par nos deux hurluberlus (sans doute un clin d’œil à Docteur Folamour). Mais tout ça ne vole pas très haut. Dans un registre voisin, les Fantomas de Hunebelle savaient nous dérider avec beaucoup plus d’efficacité. Pas vraiment dans son élément, Bava lui-même se rattrapera – dans l’esprit pop acidulé, bande-dessinée et super-vilain exubérant – avec le savoureux Danger Diabolik. Le Docteur Goldfoot, lui, arrêtera là ses méfaits. Et c’est tant mieux !


© Gilles Penso

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HORREUR À VOLONTÉ (1970)

Dans cette adaptation libre d’une nouvelle de H.P. Lovecraft, Dean Stockwell campe un homme mystérieux à la recherche du Necronomicon…

THE DUNWICH HORROR

 

1970 – USA

 

Réalisé par Daniel Haller

 

Avec Sandra Dee, Dean Stockwell, Ed Begley, Lloyd Bochner, Sam Jaffe, Joanne Moore Jordan, Donna Baccala, Talia Shire, Michael Fox, Jason Wingreen

 

THEMA SORCELLERIE ET MAGIE

Après s’être frotté avec succès aux écrits d’Edgar Allan Poe à travers le fameux cycle d’adaptations réalisé par Roger Corman, la compagnie AIP essaie de poursuivre dans la même voie en s’attaquant à un romancier pas encore très populaire à l’époque : H.P. Lovecraft. L’inventeur du mythe de Cthulhu et du Necronomicon est si peu connu dans les années 60 que la première tentative qu’ils effectuent dans ce domaine, La Malédiction d’Arkham, est « déguisée » en adaptation d’Edgar Poe. Entre-temps, le nom de Lovecraft commence à circuler plus largement et devient donc un argument marketing plus concluant. AIP confie donc à Daniel Haller Le Messager du diable, qui s’inspire de la nouvelle La Couleur tombée du ciel, puis Horreur à volonté, tiré de l’histoire L’Abomination de Dunwich. Mario Bava est un temps envisagé pour diriger le film, avec en tête d’affiche Boris Karloff et Christopher Lee (tous deux ayant été dirigés respectivement dans Les Trois visages de la peur et Le Corps et le fouet par le cinéaste italien). Mais le cuisant échec au box-office de L’Espion qui venait du surgelé, réalisé par Bava, enterre le projet. D’où le retour de Daniel Haller derrière la caméra et la sollicitation d’un autre casting.

Le scénario d’Horreur à volonté est co-écrit par Henry Rosenbaum, Ronald Sikovsky et Curtis Hanson. Ce dernier, ancien critique de cinéma, deviendra plus tard le réalisateur à succès de L.A. Confidential. À vrai dire, ce script prend beaucoup de libertés avec la nouvelle qui l’inspire pour n’en garder que quelques idées éparses. La scène d’introduction – l’accouchement douloureux d’une femme autour de ce qui ressemble à une assemblée de sorciers – cligne manifestement de l’œil vers Rosemary’s Baby. Nous changeons ensuite de décor pour nous retrouver dans la prestigieuse université de Miskatonic, dont la bibliothèque est dirigée par le docteur Henry Armitage (Ed Begley) avec l’assistance de Nancy Wagner (Sandra Dee). Un homme énigmatique incarné par Dean Stockwell (enfant star du Garçon aux cheveux verts et futur partenaire de Scott Bakula dans Code Quantum) fait soudain son apparition. Son nom : Wilbur Whateley. Sa requête : consulter l’exemplaire du Necronomicon – livre de sorcellerie et de démonologie à la réputation sulfureuse – que les bibliothécaires gardent sous clé. Nancy se laisse séduire par ce ténébreux inconnu sans se douter de la tournure terrifiante que s’apprêtent à prendre les événements…

Crise d’identité

La romance qui va bientôt servir de moteur à l’intrigue est résolument étrangère à la prose de Lovecraft, qui décrivait Wilbur comme un homme immense et mal proportionné, au teint bistré et au faciès de bouc. Nous sommes bien loin du dandy qu’incarne ici Stockwell ! Encore sous influence du cycle Corman/Poe, à cheval entre le classicisme des années 60 et la libération des mœurs des années 70, Horreur à volonté témoigne d’une sorte de « crise d’identité » qui ne joue pas forcément en sa faveur. On se perd d’ailleurs en conjectures face à la réinterprétation libre des rituels démoniaques imaginés par Lovecraft. Ici, il faut lire le Necronomicon et sacrifier une vierge sur un ancien autel pour réveiller les Grands Anciens et les faire revenir dans notre monde. Daniel Haller tente alors une scène érotique timide, occultant la nudité de la doublure de Sandra Dee avec un filtre texturant l’image. Le monstre vedette du film lui-même nous déçoit. L’écrivain nous laissait imaginer une créature hybride mêlant une infinité de tentacules, de pattes, d’yeux protubérants, de gueules et de trompes avec un visage à moitié humanoïde – une description cauchemardesque que nous offre assez fidèlement le poster du film. Mais à l’écran, il nous faudra nous contenter d’une marionnette peu convaincante que la mise en scène masque prudemment par un montage épileptique et des filtres de couleurs. Restent de très beaux décors (la vaste demeure gothique des Whateley, l’autel à flanc de falaise), une ambiance fantastico-mélancolique intéressante et la prestation de Dean Stockwell qui réapparaîtra dans Necronomicon : le livre de Satan, une autre adaptation de la même nouvelle réalisée en 2008.

 

© Gilles Penso

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MICKEY 17 (2025)

Dans le futur, les humains les plus bas dans l’échelle sociale peuvent devenir des individus facilement sacrifiables grâce au clonage…

MICKEY 17

2025 – USA

Réalisé par Bong Joon Ho

Avec Robert Pattinson, Naomi Ackie, Mark Ruffalo, Toni Collette, Steven Yeun, Patsy Ferran, Cameron Britton, Daniel Henshall, Steve Park, Anamaria Vartolomei

THEMA DOUBLES I FUTUR I EXTRA-TERRESTRES

 

Après le carton international de Parasite, multi-oscarisé et salué partout pour son audace, tout le monde attend Bong Joon Ho au tournant. Le cinéaste décide alors de revenir à la science-fiction futuriste, comme à l’époque de Snowpiercer, en se penchant sur le roman Mickey7 d’Edward Ashton, dont il acquiert les droits d’adaptation avant même sa publication en 2022. « Le concept lié à la capacité d’imprimer des êtres humains est fascinant dans le roman, mais je voulais le ramener sur terre et le rendre plus quotidien et plus proche de notre vie de tous les jours », explique le cinéaste. « Au centre du récit se trouve le personnage de Mickey. Dans le roman, il s’agit d’une sorte d’historien, d’intellectuel, mais je voulais en faire un ouvrier, un être simple, aimable, gentil et un peu triste. » (1) Bong Joon Ho remanie donc l’intrigue du manuscrit d’Ashton et écrit une première mouture du scénario en 2021. Dans le rôle principal, il n’a qu’un seul nom en tête : Robert Pattinson. L’acteur voit là l’opportunité de pouvoir incarner plusieurs variantes du même personnage et accepte aussitôt. Avec la bénédiction du réalisateur, Pattinson propose un certain nombre de modifications du scénario pour ajuster son interprétation. Quant à sa référence principale, en termes de jeu, elle se révèle plutôt surprenante : Jim Carrey dans Dumb et Dumber !

Nous sommes en 2050. Endetté jusqu’au cou auprès d’un mafieux impitoyable qui rêve de le réduire en pièces, sans attache, ni diplôme, ni qualification, Mickey est au fond du trou. Il choisit alors de fuir la Terre pour rejoindre la colonie de Niflheim, où il postule pour devenir un homme « remplaçable ». Là-bas, les désespérés comme lui peuvent accepter des missions à très haut risque, avec une probabilité de survie quasi nulle. Leur mémoire et leurs données biologiques sont toutefois sauvegardées sur un disque dur. À chaque décès, leur corps est réimprimé à l’identique à partir de déchets organiques recyclés, et leur cerveau redémarre. « Il va falloir vous habituer à mourir, c’est votre travail », lui résume sa recruteuse. Mickey devient alors un véritable rat de laboratoire, cobaye humain pour toutes sortes d’expériences. Ses morts sont souvent violentes et spectaculaires… puis il revient à la vie, prêt pour une nouvelle mission.

Meurs un autre jour

Quel que soit le genre qu’il aborde, Bong Joon Ho aime greffer dans ses intrigues un sous-texte social et une réflexion sur la condition humaine. Dans Mickey 17, il pousse le bouchon assez loin, décrivant le sort d’un « sous-homme » tellement bas sur l’échelle sociale qu’il est « jetable » au sens propre. Ce n’est qu’« un bout de viande sorti de l’imprimante », pour reprendre les termes du commandant en chef de la colonie qu’incarne Mark Ruffalo. La vie de Mickey n’a pas plus de valeur que celle d’un mannequin de crash test, puisque la technologie permet de le remplacer. Comment imaginer meilleure métaphore d’un prolétariat dont les individus sont anonymes et interchangeables ? Au-delà des questionnements éthiques soulevés par le scénario s’ajoutent ceux liés au clonage et à la duplication, avec à la clé la description d’une société fasciste ouvertement eugéniste et obsédée par l’idée de race supérieure. Véritable « film à tiroirs » dont chaque rebondissement ouvre de nouvelles portes et d’autres pistes narratives, Mickey 17 convoque aussi l’imagerie du massacre des bisons perpétré dans l’Amérique du 19ème siècle, en la transposant sur une autre planète, pour aborder les problématiques de la condition animale et de son exploitation par l’homme, qui étaient déjà le moteur des enjeux d’Okja. Certes, les impressionnantes créatures invertébrées qui pullulent sur la colonie et le rôle que va tenter de jouer Mickey auprès d’elles évoquent beaucoup Nausicaä de la vallée du vent d’Hayao Miyazaki. Le sentiment de déjà vu n’atténue pas pour autant l’impact de ce film imprévisible et vertigineux, dont la richesse foisonnante converge vers une idée aussi simple que forte : chaque vie compte.

 

(1) Extrait d’une interview publiée dans Poc Culture en février 2025

 

© Gilles Penso

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DEATHBED (2002)

Un jeune couple emménage dans un appartement en plein Los Angeles et découvre dans une pièce condamnée un étrange lit abandonné…

DEATHBED

 

2002 – USA

 

Réalisé par Danny Draven

 

Avec Tanya Dempsey, Brave Matthews, Joe Estevez, Meagan Mangum, Michael Sonye, Lunden De Leon, Constance Estevez, Rick Irvin, Mona Lee Fultz

 

THEMA FANTÔMES I SAGA CHARLES BAND

Hyperactif depuis ses débuts de producteur dans les années 70, Charles Band est un pourvoyeur intarissable de séries B d’horreur et de science-fiction. Ses plus gros succès datent du milieu des années 80. Il s’agit de Re-Animator et From Beyond, tous deux réalisés par Stuart Gordon. Ami proche de Band, Gordon a dirigé d’autres films pour lui (Dolls, Robot Jox, Le Puits et le pendule ou Castle Freak) mais coûte désormais trop cher pour ses budgets devenus anémiques. En revanche, rien ne l’empêche d’officier comme producteur exécutif et de prêter son nom pour aider à promouvoir des films. Deathbed est donc le premier opus d’une collection estampillée « Stuart Gordon présente ». Très proche de celui d’un film homonyme écrit et réalisé par George Barry en 1977, le scénario est l’œuvre de John Strysik, qui allait retrouver Gordon à l’occasion de Stuck. La mise en scène échoit à Danny Draven, « protégé » de Band qui lui confia Horrorvision, Hell Asylum et Cryptz. Un homme capable de mettre en scène, tenir la caméra et monter pour un budget minuscule, ça se fidélise ! À l’occasion de Deathbed, Draven dirige deux autres habitués des productions Band : Tanya Dempsey (Shriek, Witchouse 3, Hell Asylum) et Joe (l’oncle d’Emilio) Estevez (Les Créatures de l’au-delà, Blonde Heaven, Hell Asylum).

Après un prologue en noir et blanc sinistre et sulfureux, au cours duquel un homme au regard diabolique assassine une femme attachée à un lit tandis qu’un phonographe diffuse une musique jazzy des années 20/30, nous faisons connaissance avec nos deux protagonistes : Karen (Tanya Dempsey), illustratrice de livres pour enfants, et Jerry (Brave Matthews), photographe. Le jeune couple emménage dans un loft au cœur de Los Angeles, avec une baie vitrée donnant sur le Hollywood Sign. Art (Joe Estevez), le concierge et homme à tout faire de l’immeuble, les aide à s’installer mais n’a pas les clefs d’une pièce située à l’étage. Sans doute un vieil atelier abandonné depuis longtemps. Or le soir venu, Karen croit voir de la fumée s’échapper de cette pièce condamnée. Le lendemain, elle entend des ressorts de lit et le hurlement d’une femme qui appelle à l’aide. Quand elle demande à Art de forcer la porte de la pièce mystérieuse, c’est pour découvrir un vieux lit avec des montants en fer forgé (celui du prologue). Séduite par le meuble séculaire, elle décide de le retaper et de l’installer dans l’appartement. Mais ce lit provoque chez elle des visions angoissantes et réveille sa libido de bien étrange manière…

Sur le lit de mort

Karen est longtemps le seul personnage qui soit hanté par les fantômes des crimes passés, face à l’incrédulité de son époux qui commence sérieusement à s’inquiéter pour sa santé mentale. Un sentiment lancinant de paranoïa s’installe donc chez la jeune femme, tandis que le scénario nous emmène sur un terrain inattendu, abordant même des sujets sensibles comme l’abus d’enfants. Sous l’influence manifeste de Shining, Deathbed nous offre quelques moments d’épouvante réussis, notamment les jolis dessins pour enfants de Karen qui se transforment en croquis horrifiques dignes des EC Comics ou le surgissement inattendu d’un cadavre décomposé dans le lit. Danny Draven joue même la carte du gore lors du dernier acte, avec l’aide de son maquilleur spécial attitré Mark Bautista (un long intestin qui sort d’un ventre, un visage déchiqueté à mains nues, une tête éclatée à coups de marteau). Pétri de choses intéressantes malgré ses moyens extrêmement réduits, Deathbed est probablement le meilleur film de Draven. Les acteurs sont justes, la mise en scène efficace, l’économie de lieux et de personnage permet au récit d’aller à l’essentiel sans fioritures inutiles. Tanya Dempsey elle-même est plus convaincante que dans les micro-productions de Charles Band qui la sollicitaient auparavant. Mais le film passera inaperçu et n’aura pas le succès escompté, étouffant dans l’œuf l’idée d’un label « Stuart Gordon présente » qui ne donnera finalement suite à aucun autre opus.

 

© Gilles Penso

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